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9 40 2001 030
1
La rédaction de ce cas a été faite dans le cadre d’un projet de la Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter sur
l’essaimage d’entreprises. Les partenaires financiers sont la Fondation de l’entrepreneurship, le ministère de
l’Industrie et du Commerce, Développement économique Canada et Accès Entrepreneur Plus.
Copyright © 2001. École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal.
Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est
interdite.
Ce cas est destiné à servir de canevas de discussion à caractère pédagogique et ne comporte aucun jugement sur
la situation administrative dont il traite.
Déposé au Centre de cas de l'École des HEC, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec)
Canada H3T 2A7.
IPL inc. ou comment propager une culture entrepreneuriale dans son milieu!
L’essaimage n’est toutefois pas appliqué à tout prix. En effet, une règle de base
prévaut chez la famille Métivier : «À prix égal et à qualité égale, on favorise la
famille et les gens du milieu.» Les dirigeants d’IPL soutiennent généralement les
nouvelles entreprises en leur fournissant des conseils judicieux, tirés de leur propre
expérience de la direction des organisations et de la pratique des affaires. Dans les
années où la taille d’IPL permettait une gestion encore conviviale et où les Métivier
connaissaient sur une base personnelle les gens qui lançaient une nouvelle entreprise,
les soutiens se manifestaient aussi à l’occasion par des endossements.
IPL a réalisé plus d’une trentaine d’essaimages au cours des 40 dernières années.
Chacun présente une histoire différente et a été réalisé dans un contexte différent.
Quelques-uns découlent de décisions stratégiques prises par une direction soucieuse
d’être continuellement innovatrice, concurrentielle, rentable et profitable. Depuis le
début des années 1970, IPL s’est spécialisée dans le moulage de pièces de plastique.
Ainsi, plusieurs activités de fabrication et de services connexes se font maintenant
par des entreprises créées par d’anciens employés d’IPL. Par exemple, fondée par un
dessinateur de moules d’IPL, Irenée Thibault, I.Thibault inc. est une entreprise qui
conçoit et fabrique des moules dont plusieurs sont vendus à IPL.
Au début des années 90, IPL décide de se concentrer uniquement dans deux branches
du secteur des plastiques : l'emballage et l’industriel. Elle a délaissé plusieurs lignes
dont certaines ont été reprises par des employés qui ont continué à les exploiter en
créant à leur tour une nouvelle entreprise. La façon de faire avec la famille Lachance
semble avoir servi de modèle. Les Industries Émile Lachance ont repris, en 1979, la
ligne des balais et articles ménagers qui avait fait la renommée des Industries
Provinciales ltée (IPL) au cours des années 1950 et 60. La famille Chabot a repris et
continué les activités dans le secteur des équipements acéricoles créant Les Équipe-
ments d'érablières CDL. C’est aussi à cette époque qu’IPL a laissé tomber sa gamme
de produits de jardin.
Un des motto des Métivier est : «Vivre et laisser vivre.» On aime laisser aux autres
de l’espace, on leur donne d’ailleurs l’autonomie nécessaire pour réaliser leur projet.
Cette façon de valoriser les attitudes et l’expression entrepreneuriales dans leur
propre entreprise a fini par engendrer un effet d’entraînement qui a dépassé les
limites de l’entreprise. Cet effet s’est manifesté par la création de nombreuses
entreprises dans la région. Sans que ce soit une stratégie explicite définie de façon
officielle, on est ainsi passé du soutien à l’intrapreneuriat à celui de soutien à
l’«extrapreneuriat», c’est-à-dire un soutien à des pratiques entrepreneuriales tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.
La direction d’IPL s'est ainsi dotée au fil des années d'un précieux réseau d'essaimées
qui explique en partie sa croissance accélérée. IPL ne peut pas être spécialiste dans
toutes les activités reliées à son secteur de fabrication. Toutefois, grâce à son réseau,
IPL peut offrir à ses clients des produits de meilleure qualité à des prix plus compé-
titifs. Spécialiste dans son domaine, chaque entreprise essaimée fabrique des produits
ou donne un service de qualité supérieure et à un coût moindre que si IPL le réalisait
elle-même. Il s’agit là d’un atout qui offre beaucoup de flexibilité et permet de
1
Des cas ont été rédigés pour chacune des entreprises essaimées citées précédemment relatant leur expérience en
tant qu'essaimées. Ils sont disponibles au Centre de cas de l’École des Hautes Études Commerciales
Puisque IPL doit faire face à un environnement de plus en plus féroce, ce réseau de
petites entreprises performantes constitue un avantage concurrentiel lui permettant
de se distinguer. Ainsi, le fait de diriger un client chez Plastiques Moore pour une
petite pièce de plastique qu’il ne serait pas rentable de fabriquer chez IPL, éviterait
d’envoyer un client chez un concurrent qui en profiterait peut-être pour offrir à ce
nouveau client d’autres produits qu’il a l’habitude d’acheter chez IPL. Par ailleurs,
en référant des clients à des essaimées pour des produits connexes à ses propres acti-
vités, IPL peut mieux se concentrer sur ses marchés cibles et demeurer plus concur-
rentielle dans ses propres domaines de spécialisation.
IPL réalise aussi par ce système des économies d’échelle, entre autres en ce qui
concerne les coûts des matières premières. Il n’est pas rare qu’IPL achète de la
matière première qui sert tant aux entreprises essaimées qu’à ses propres activités.
Le pouvoir d’achat est ainsi plus grand pour négocier avec les fournisseurs. Sans ce
réseau, IPL n’aurait pas pu obtenir certains contrats. Effectivement, les clients
exigent souvent la production d’un ensemble de pièces. Étant donné que IPL tente de
ne fabriquer que des produits à haute technicité et à grande valeur ajoutée, certaines
pièces ne sont pas produites à l’interne mais sous-traitées aux entreprises essaimées.
Ce réseau d’essaimées permet aussi à IPL d’offrir des services complémentaires à sa
clientèle, un atout distinctif qui peut faire la différence lors de la négociation de
contrats.
La «culture Métivier»
Émile Métivier, entrepreneur dans l’âme
Émile Métivier a baigné dans le monde des affaires dès son plus jeune âge. Il se situe
dans le prolongement d’une longue lignée de gens de métier qui, à chaque généra-
tion, osaient faire des choses nouvelles. Son grand-père et son oncle paternels
construisaient des églises et des bâtisses importantes, son père forgeron était de
surcroît propriétaire du magasin général. Entrepreneur dans l’âme, Émile Métivier
était lui-même prêt à saisir toute bonne occasion s’offrant à lui. Dès le début de la
vingtaine, tout en travaillant pour son père, il transporte du bois de chauffage pour
des particuliers. Ce petit commerce lui permet de réaliser ses premiers apprentissages
entrepreneuriaux et d’acquérir une expérience fort utile, pour la création ultérieure de
sa propre entreprise.
En avant-garde sur son époque, Émile Métivier est sensible à la réalité internationale.
Constamment à la recherche de nouvelles idées pour améliorer son entreprise, il a
effectué de nombreux voyages en Europe et aux États-Unis. Il a appris l’anglais et
l’espagnol par correspondance. Toujours désireux d’apprendre, Émile Métivier a
d’ailleurs suivi de nombreux cours. Il termine sa scolarité élémentaire par des cours
du soir au même moment où il démarrait sa nouvelle entreprise. Voulant se perfec-
tionner sur le plan professionnel, il suivit des cours en financement d’entreprise et en
administration à la faculté de commerce de l’Université Laval.
Dynamique et bon orateur, Émile Métivier aimait exercer de l’influence sur son
entourage. Durant son adolescence, il donnait des spectacles de magie. Au fil des
ans, la politique a fini par constituer une de ses passions majeures. Les propos de son
fils cadet, Julien Métivier, l’illustrent bien :
Maire et préfet pendant plus de dix ans, il était très présent dans sa communauté. Par
exemple, il a été un des premiers au Québec, en 1947, à doter sa région d’une pati-
noire couverte avec glace artificielle. Les joueurs du club de la ville de Québec, tel
Jean Béliveau, venaient y pratiquer. Il a consacré beaucoup de temps et même de son
propre argent pour permettre à Saint-Damien de se doter d’une infrastructure offrant
des services de qualité aux citoyens. Marié à Rose-Anne Mercier, il a été le père de
six enfants. Après son décès, la direction de son entreprise a été assumée consécuti-
vement par trois de ses quatre fils. Pour Julien Métivier, son père était «un gars
déterminé qui avait le tour de faire confiance».
En créant IPL, Émile Métivier a fondé bien plus qu’une entreprise prospère contri-
buant à l’économie locale. Il a aussi mis en place les fondements d’une philosophie
de gestion bien particulière qui explique en grande partie le succès de son entreprise
encore aujourd’hui. Prêchant par l’exemple, il a transmis cette façon de faire des
affaires à ses successeurs.
Il n’est pas certain qu’Émile Métivier soit le seul concepteur de cette philosophie de
gestion qui semble être une des marques de commerce des Métivier depuis plusieurs
générations. Mais il l’a perfectionnée et a surtout su bien la communiquer et bien
l’appliquer. Entrepreneuriaux depuis plusieurs générations, les Métivier aiment bâtir
et avoir le contrôle sur leurs propres décisions. Les propos d’un des fils d’Émile,
Clément Métivier, l'illustrent bien : «Il est rare qu’un Métivier travaille pour les
autres.». Ils sont ainsi prêts à assumer le risque et les responsabilités sous-jacents à la
création d’entreprises.
Par ses fréquents voyages dans le monde, Émile Métivier a exposé son entourage à
de nouvelles idées. Cette sensibilité est d’ailleurs encore présente chez IPL ainsi que
chez bon nombre des entreprises essaimées. Par exemple, les petits-fils d’Émile,
Louis et Luc Métivier qui ont créé Recyc RPM, une des entreprises satellites, font
régulièrement des voyages en Europe et aux États-Unis pour connaître les nouvelles
technologies et les nouveaux produits disponibles sur le marché.
Au cœur du succès d’IPL, l’innovation représente certes une des principales forces
distinctives et un des moteurs de sa croissance. Se souciant de la qualité des produits
offerts, Émile Métivier ne craignait pas d’investir temps et argent. Affiché sur les
murs de l’usine de Saint-Damien en 1953 et, toujours bien en vue aujourd’hui, ce
slogan démontre une autre dimension de sa philosophie de gestion : «La qualité attire
et retient le client.» IPL a été la première entreprise québécoise des secteurs dans
lesquels elle a œuvré à introduire ses produits sur les marchés canadiens à l’extérieur
du Québec et aux USA. Cette quête de faire différemment et d’être à l’avant-garde
s’illustre également bien par le réseau d’entreprises essaimées créées dans son giron.
Cohérents dans leur manière de penser, Julien Métivier et son équipe ont aussi
élaboré un contexte propice à l’innovation. Autonomes dans leurs actions, les
employés d’IPL jouissent d’une grande marge de manœuvre. La direction a égale-
ment confiance en ses employés, ce qui facilite la gestion. Julien Métivier montre
qu’il se situe, on ne peut plus, dans la continuité de ce que faisait son père. Il
l'explique ainsi :
vrai pour tout le monde; ça fait partie de la culture d’IPL. Innover est
seulement possible dans l’inconnu. C'est normal de faire des erreurs.
C’est une de nos forces. Il ne faut pas que ça change.»
Étant donné la situation géographique d’IPL, les Métivier et leur équipe font preuve
de beaucoup de débrouillardise. Ils trouvent constamment de nouveaux moyens et de
nouvelles formules d’affaires afin d’être toujours plus efficaces et ainsi concurrencer
de grandes entreprises multinationales. Motivés par le goût de bâtir et de croître
davantage, ils démontrent une persévérance à toute épreuve. D’ailleurs, le soutien
aux créateurs d’entreprises satellites reflète bien cet aspect de leur culture : ces
soutiens s’adressent d’abord à des individus déterminés et dévoués à leurs tâches.
Alors qu’ils fabriquent des petits outils aratoires, tels des râteaux, haches, pics et
marteaux dans la boutique de forge familiale, Louis Métivier et son fils Émile
s’équipent d’un tour à bois et d’une sableuse pour produire eux-mêmes des manches
en bois pour ces outils. Élevé au magasin général de ses parents, Émile Métivier est
en contact direct avec les clients et il écoute leurs demandes. Nous pouvons penser
que c’est la combinaison de ces éléments qui l’amène en 1939 à fonder, avec
Lorenzo Dion, menuisier, une manufacture de balais et de vadrouilles : Industrie
Provinciale enregistrée. Avec un capital personnel de 500 $ et une bourse de 1 000 $
reçue pour l’aide à la jeunesse, ils achètent les équipements de l’entreprise Belex
Ferland fermée quelque temps auparavant. Installée dans la boutique de forge fami-
liale, cette nouvelle entreprise emploie, dès ses premiers jours, 17 ouvriers qui
s’affairent à répondre aux demandes des clients dont font partie la Quincaillerie
Dorval, Noël Bégin inc. et J.L. Demers de Lévis.
Le 2 mars 1945, l’Industrie Provinciale enr., qui totalise alors un capital de 49 900 $,
est constituée en société sous la dénomination sociale de Les Industries Provinciales
limitée. Cette société est composée d’Émile Métivier, de son épouse Rose-Anne et de
Lorenzo Dion. Le capital comprend 499 actions de 100 $ chacune. Les principaux
Désirant produire de nouvelles brosses, il s’embarque pour aller voir ce qui se fait en
Europe. Nous sommes en 1950. Il découvre en Angleterre un fabriquant de brosses à
dents avec des manches en plastique. Émile Métivier décide d’acheter une machine
qui fabrique les brosses à dents. Quelques semaines après son retour au pays, Les
Industries Provinciales limitée débutent la fabrication de brosses à dents avec des
manches de plastique. Ces manches sont alors moulés chez Stanislas Huot de
Québec.
En 1952, Émile Métivier achète une machine à injection de marque Van Dorn
capable de mouler du plastique. L’entreprise peut désormais fabriquer elle-même ses
manches de brosses à dents. Étant donné la rapidité de ladite machine, on lui fait
mouler différents produits ménagers en plastique tout en continuant la production de
brosses et de balais. Pour ajuster, réparer et faire fonctionner cette machine à plas-
tique, Émile Métivier va embaucher des hommes formés comme plasticiers, tels
Gustave Côté et son brillant élève Irenée Thibault. En 1957, après 20 ans d'associa-
tion, Lorenzo Dion, le cofondateur et le fidèle conseiller d’Émile Métivier, quitte
l'entreprise en vendant ses actions à ce dernier. Celui-ci pourra alors parler des
Industries Provinciales comme étant «le plus important manufacturier de produits
ménagers en plastique au pays à intérêts entièrement familiaux».
Ainsi, au fur et à mesure que l’on approche des années 70, la vente des produits de
plastique prend tellement d’ampleur que de nombreux agrandissements s'imposent
pour faire place aux nouvelles machines à injection, dont l’une des plus grosses au
monde qui permettra la fabrication de 500 capots de motoneige par jour. En 1970, la
superficie de l’usine de Saint-Damien atteint 120 000 pieds carrés. Le succès de la
production des produits de plastique amène IPL à se départir des balais et des
vadrouilles pour se concentrer sur ce qu’on estime comme étant un des secteurs de
l’avenir : les plastiques.
Cette expansion rapide sur les marchés amène de plus l’entreprise à s’équiper d’une
flotte d’une vingtaine de camions pour desservir ses clients du Québec, de l’Ontario,
des Maritimes et de la Côte-Est américaine. En 1969, l’entreprise installe à
Edmonton une usine de production de 35 000 pieds carrés, la Pro-Western Plastics
Limited, afin de mieux servir ses clients de l’Ouest canadien.
Grâce au talent et au travail acharné d’Émile Métivier et de son équipe, 30 ans après
sa création, Industrie Provincial limitée (IPL) est devenue un des leaders sur le
marché de la consommation des produits de plastique.
Évolution d’IPL
1971-1980 : le flambeau à une nouvelle génération
Au début des années 80, l’inflation fait des ravages et force bon nombre
d’entreprises à fermer leurs portes ou à ralentir considérablement leurs activités. IPL,
quant à elle, reste inébranlable. Son secret : la qualité, l'innovation et la diversifica-
tion.
Pour être à l’affût des demandes en nouveaux produits et pour assurer un service plus
rapide à ses clients de l’Ontario, IPL implante en 1980 une nouvelle usine de
40 000 pieds carrés à Brampton en banlieue de Toronto. Ce nouveau bâtiment
comprend des bureaux, des entrepôts, ainsi que quelques unités de production. À
cela viennent s’ajouter des bureaux de représentation à l’échelle nord-américaine,
des bureaux régionaux et des entrepôts à Toronto, Boston, Moncton et Montréal.
L’entreprise va connaître à ce moment-là un succès retentissant grâce entre autres à
la fabrication de différents contenants pour les produits industriels et les denrées
comme le poisson. Ce dernier type de produits trouve preneur partout, mais particu-
lièrement en Nouvelle-Angleterre où les pêcheries sont substantielles.
En 1982, IPL commence la fabrication de pièces pour la Ford Motor Co. de Détroit.
L’entreprise familiale s'acquitte avec succès des engagements pris avec le construc-
teur automobile. Deux ans plus tard, en 1984, la production de pièces d’automobile
représente déjà 10 % du chiffre d’affaires d’IPL qui s’établit alors à 35 millions de
dollars. Suite à ces excellentes performances, IPL va devenir la première récipien-
daire du Q-1 au Canada dans sa catégorie. Cette distinction de haut niveau remise
par Ford souligne toute la confiance que cette dernière entretient à l’égard des
produits de ses fournisseurs privilégiés dont IPL non seulement fait partie mais
occupe le peloton de tête. Bien que le succès connu avec Ford soit retentissant, le
souci de la diversification reste toujours en tête des dirigeants d’IPL. Il n'est pas
question pour eux de mettre tous leurs œufs dans le même panier. D’ailleurs, en
1985, le président, Benoît Métivier, déclare à cet effet :
1
Trinque, Jean-Guy. «Les précurseurs», Revue Commerce, vol. 87, no°11, nov. 1985, p. 29-36.
Si l’on avait à pointer une année creuse dans les 60 glorieuses d’IPL, ce serait proba-
blement 1986. Au cours de la deuxième année de son programme de modernisation,
IPL éprouve certaines difficultés avec son plan d’agrandissement et de modernisa-
tion de ses installations. Il s’ensuit un retard dans la production et une difficulté à
répondre à la demande des clients. En guise de réaction, l’entreprise doit réviser à la
baisse ses projections de ventes pour l’exercice 1986. Le manque à gagner au
chapitre du bénéfice avant impôt, pour les neuf premiers mois de l'année, frôle les
700 000 $. Toutefois, les retombées du programme de modernisation ne tardent pas à
se faire sentir et IPL retrouve sa vitesse de croisière dès 1987.
Pendant cette même période, IPL signe un contrat de trois millions de dollars avec
Clearwater Lobster d’Halifax pour la fabrication de viviers de retenue des homards.
Par ailleurs, IPL, qui est l’un des fournisseurs privilégiés de Ford depuis 1982, reçoit
Malgré tous ces succès, le président Julien Métivier demeure fidèle à l’objectif de
diversification poursuivi par son prédécesseur et soutient qu’IPL ne tient pas à ce
que l’industrie automobile occupe plus de 25 % de son chiffre d’affaires1.
En 1988, une hausse de 52 % du coût des matières premières vient ralentir la course
à l’innovation dans laquelle s’est engagée IPL. Toutefois, Julien Métivier et son
équipe mijotent plusieurs projets. Ils se préparent à rebondir au cours des prochaines
années, notamment avec l’acquisition d’une entreprise de plastique aux États-Unis,
plus précisément à Boston.
1
Gauthier, Martine. «IPL reprend sa vitesse de croisière», Finance, vol. 8, no°19, 23 février 1987, p. 12.
2
Leduc, Gilbert. «IPL devient le chef de file des bacs roulants», Le Soleil, 2 mars 1991, p. B1.
Enfin, au début des années 90, les trois principaux actionnaires de la société sont les
frères Julien, Rémi et Clément Métivier qui possèdent chacun 20 % des actions. La
filiale canadienne de la compagnie allemande Otto est, quant à elle, actionnaire à
18,3 %. Le chiffre d’affaires d’IPL en 1991 est de 65 millions de dollars et
l’entreprise emploie près de 500 personnes. De 1982 à 1992, IPL a enregistré un taux
de croissance annuel moyen de 10 %.
Cette grève d’une durée de 44 jours se termine avec la mise en place d’un système
d’horaire rotatif de 8 heures plutôt que de 12 heures comme le souhaite la direction.
Les employés sortent de ce conflit avec en poche un REÉR collectif auquel souscrit
l’entreprise à partir de 1993. De plus, ils obtiennent une augmentation salariale
annuelle de 3 % pendant trois ans, soit la durée de la convention collective.
L’ère des années 90 va sonner le glas des produits de commodité chez IPL. À
Saint-Damien, on fabrique désormais de plus en plus de produits à valeur ajoutée,
c’est-à-dire des innovations nécessitant beaucoup de recherche, tandis que les
produits standard, eux, prennent le chemin d’Edmunston et autres filiales et sous-
traitants.
Entre temps, IPL acquiert une usine à Worchester en banlieue de Boston. Cet inves-
tissement en sol étranger mûrissait depuis quelques années dans la tête des dirigeants
de l'entreprise qui voulaient ainsi se rapprocher de leur marché des pêcheries et
contrer les fluctuations du dollar canadien qui se transige à ce moment dans les
0,85 $ US. De plus, IPL souhaite accroître ses ventes dans les pêcheries de 20 % tout
en abaissant ses coûts de production de 30 %. L’usine américaine connaît par contre
des problèmes techniques de production dès ses débuts. Selon le président Julien
Métivier, ceci est attribuable à l’âge de l’équipement ainsi qu’à la compétence
moindre des employés par rapport à ceux de l’usine de Saint-Damien1. L’usine de
Worchester emploie 30 personnes en 1992 et on y fabrique une vingtaine de produits
d’emballage et de manutention.
Puis, après Ford, c'est au tour de General Motors, en 1993, d’accorder toute sa
confiance, ainsi qu’un contrat de 17,5 millions de dollars sur cinq ans à IPL pour le
moulage de pièces d’auto. Ce contrat porte le chiffre d’affaires de l’entreprise à
70 millions de dollars.
Cette même année, fidèle à son habitude d’occuper la tête du peloton, IPL joue la
carte de la qualité et implante la norme ISO 9001. L’atteinte de ce standard de
qualité coûte 400 000 $ d’investissement à l’entreprise, mais selon son président, elle
permet à IPL de décrocher de nouveaux contrats partout dans le monde2. Effective-
ment, l’effet ISO ne tarde pas à se faire sentir dès l’année suivante, alors qu’IPL
enregistre une augmentation de ses ventes de 21 %.
En 1994, Otto Canada se départit de son bloc d’actions qui est racheté en grande
partie par la Caisse de dépôt: celle-ci s’approprie ainsi 10 % des actions d’IPL, soit
1,5 million d’actions d’une valeur totale de sept millions de dollars. Cette transaction
place la Caisse de dépôt au quatrième rang des actionnaires d’IPL après les frères
Métivier qui possèdent chacun 21 % des actions. Le retrait d’Otto fait suite au refus
des frères Métivier de vendre la majorité des actions d’IPL à cette entreprise qui
voulait en prendre le contrôle.
Il est à noter que l’année 1994 est particulièrement bonne pour l’entreprise qui
connaît une hausse de ses ventes de 15,4 % pour atteindre les 74,9 millions de
dollars et un bénéfice net de 2,6 millions de dollars comparativement à 2,3 millions
de dollars en 1993. De plus, IPL se départit de sa gamme de meubles de jardin en
cours d’exercice, les ventes n’étant pas à la hauteur des attentes. La société se
concentre dès lors dans trois divisions : l’emballage, la manutention et le moulage
sur devis.
1
Beauchamp, Dominique. «Les analystes prévoient que l'action d'IPL grimpera de 15 à 55 % d’ici 12 mois», Les
Affaires, avril 1993.
2
Salvet, Jean-Marc. «IPL mise sur la qualité totale et gagne», Le Soleil, 17 octobre 1993, p. A7.
L’année 1995, quant à elle, augure aussi bien pour IPL, puisque le renouvellement de
la convention collective se fait, cette fois, sans anicroche. Cette entente de six ans
prévoit une hausse salariale de 3 % échelonnée sur deux ans et prend fin le
31 décembre 2000. De plus, le syndicat a obtenu de l’employeur une bonification du
plan de partage des bénéfices et une nouvelle classe de salariés est ajoutée, soit celle
des salariés occasionnels.
fonction des marchés ciblés. Elle se concentre désormais dans les produits
d’emballage et de manutention, ainsi que dans les produits à valeur ajoutée et à haut
niveau de technicité, notamment pour les industries du transport et de la défense. IPL
regroupe maintenant deux principales divisions : celle de l’emballage et celle de
l’industriel (pièces d’automobiles, manutention et bacs pour manipuler). L'entreprise
possède également quatre filiales : IPL Extrusion (Saint-Lazare, Québec); IPL
Plastics Ltd (Edmunston, Nouveau-Brunswick); IPL Estrie (Lawrenceville, Québec)
et IPL Prelude Corp. (Windsor, Ontario). Elle détient également un centre de distri-
bution à Northborough, Massachusetts, (IPL Products Ltd.).
Projets d’avenir
Forte d’une croissance soutenue, IPL souhaite continuer sur cette lancée. La direc-
tion prévoit une hausse de 15 % des revenus pour l’année 2001. L’entreprise attein-
drait ainsi un chiffre d’affaires de plus de 180 millions de dollars. IPL souhaite
consolider sa position actuelle sur les quatre marchés où elle s’est implantée. En
matière d’emballage, la direction vise une croissance annuelle de 10 % pour les
prochaines années. Elle aimerait éventuellement desservir l’ensemble de l’Amérique
du Nord. Tout en continuant de fabriquer des produits distinctifs, afin de limiter les
coûts de transport, IPL prévoit de construire, près des populations ciblées, quatre ou
cinq nouvelles usines d’ici dix ans.
tifiques, elle fabriquera à Saint-Damien les produits à valeur ajoutée qui nécessitent
une grande technicité et des efforts importants en recherche et développement.
D’autres marchés sont également visés. En 2001, elle va par exemple introduire un
nouveau bac à fruits. IPL va le développer, fabriquer les moules et mouler une petite
partie des bacs. Le reste des commandes sera moulé par des sous-traitants situés près
des consommateurs. Contrairement à ce qui se faisait auparavant, ce sont les moules
qui voyageront au lieu des bacs, créant ainsi des usines «virtuelles», un nouveau
modèle d’affaires. Constituée de plastique, la fibre optique représente aussi un
marché à potentiel élevé : plus de un milliard de dollars par année en Amérique du
Nord actuellement. Ce secteur est actuellement scruté de près par la direction. Le
cadre de fenêtre d’automobile constitue également un marché intéressant :
40 millions de dollars par année, actuellement. Première à les fabriquer en plusieurs
matières, IPL tente d’en acquérir le brevet.
Ayant permis à IPL de croître durant les 40 dernières années, et ce, en répondant aux
changements d’orientations stratégiques, le réseau des entreprises essaimées consti-
tue certainement une des clés de cette réussite. Préoccupée par les impacts sociaux et
économiques de ses nombreuses restructurations, la direction d’IPL a tenté de les
amenuiser en facilitant la création de nouvelles entreprises pour ses employés, dési-
reux de reprendre certains actifs ou de développer des activités complémentaires. Et
même si aucun programme officiel d’essaimage n’a jamais été implanté au sein de
l’entreprise, la vaste gamme d’aide et de soutien a facilité le démarrage de ces
nouvelles firmes. Le succès même d’IPL permet de croire en un avenir prometteur
pour ces entreprises satellites qui contribuent aujourd’hui autant au développement
de Saint-Damien-de-Buckland et de la région qu’IPL elle-même.
Une autre raison explique pourquoi le plastique est de plus en plus employé dans la
fabrication des automobiles : cette matière est recyclable. Les gouvernements
imposent des normes de plus en plus exigeantes de pourcentage de composantes
recyclables aux constructeurs automobiles.
Il existe deux grands types d’entreprises dans le domaine des plastiques : les
moulistes et les mouleurs. Les moulistes sont des fabricant de moules. Ils emploient
essentiellement des machinistes et des ingénieurs. Les mouleurs achètent les moules
et les installent sur des presses à injection. Ils injectent la matière dans le moule pour
ainsi fabriquer les pièces. L’injection semble être le mode de fabrication le plus
couramment utilisé, mais il arrive aussi que dans certains cas, on utilise d’autres
procédés de fabrication. Les fabricants, comme IPL, possèdent aussi leurs propres
moules et s’en servent pour mouler leur propre gamme de produits.
Les moulistes dépendent des mouleurs. Ils ont moins de risques car ils conçoivent et
fabriquent des moules pour lesquels ils ont reçu des commandes des mouleurs. Ces
entreprises travaillent essentiellement en sous-traitance, des pièces faites sur mesure,
et sont par contre entièrement dépendantes de leurs clients, les mouleurs.
Les mouleurs doivent aller chercher des contrats et être à la fois imaginatifs. Ils
doivent également bien connaître leur industrie afin d’être concurrentiels tant sur la
qualité que sur les coûts. Le fait de s’être entourée d’entreprises moulistes, chacune
spécialisée dans la conception et la fabrication de moules différents, procure des
avantages concurrentiels non négligeables pour IPL. D’ailleurs, même si IPL est
essentiellement un mouleur, l’entreprise entretient aussi des activités de moulistes,
bien qu’un grand nombre des moules qu’elle utilise proviennent de la sous-traitance
à des entreprises spécialisées dans des créneaux particuliers.
Afin de se distinguer sur le marché, les entreprises doivent offrir des produits de
qualité tout en maintenant des prix compétitifs. Elles doivent par conséquent
constamment innover et développer de nouveaux produits, nécessitant la présence
d’une équipe de chercheurs dynamiques et motivés. Elles doivent aussi détenir une
équipe de production solide. Responsables de régler les machines à injection, les
opérateurs ont un impact immédiat sur la qualité des produits fabriqués. Comme ils
travaillent avec des équipements sophistiqués, le personnel doit détenir des compé-
tences particulières. Toutefois, il existe une grande pénurie d’opérateurs de machine
à injection sur le marché, de sorte qu’attirer et retenir un personnel compétent repré-
sentent deux des principaux défis des entreprises du secteur du plastique. Le Centre
sectoriel des plastiques créé à Saint-Damien peut aider à pallier en partie ce
problème. Une chose semble certaine : le domaine des plastiques ne semble pas prêt
à disparaître demain. Au contraire, il apparaît voué à un avenir des plus prometteurs.
2001-08-27
Annexe 1
Les entreprises essaimées de IPL inc.
IPL inc et
IPL Plastics Ltd
IPL Products Ltd
IPL Prelude Corp.
IPL Estrie
P.I.L.
Plastiques IEL
Moore
Optiplast Gestion
USD
Plastiques AMM
Abénakis
Mon-Ro
Moulage
Assemblage Louisette
C. Mercier
Fournisseurs
Distributeurs
Transport
Transport Transport Transport Transport MV Marius Transport
Janel VICO Van-Laur Georges Express Mercier Davant
Bégin courrier
Annexe 2
Politique d’essaimage d’IPL
IPL de par sa position géographique, a soutenu dans le passé des employés qui ont
choisi de créer leur propre entreprise pour devenir des fournisseurs ou prendre la
relève de segment de marché que l'organisation d'IPL ne pouvait plus soutenir. C'est
d'ailleurs grâce à ce comportement informel d'IPL que Saint-Damien est devenu avec
le temps la capitale nationale de l'essaimage. IPL souhaite aujourd'hui formaliser cet
engagement à l'égard de la promotion de la créativité et du développement du poten-
tiel entrepreneurial de ses employés. IPL agira au moyen d'informations, de conseils,
d'encouragement et au besoin de formation et fera appel à l'expertise externe lorsque
nécessaire.
Si l'un de nos employés décide de se lancer en affaires dans un domaine ayant peu ou
nul rapport avec nos activités, nous l'aiderons quand même à prendre la mesure des
risques et des responsabilités qui l'attendent, puis à franchir le pas décisif. Devenir
entrepreneur est une forme d'accomplissement personnel qu'IPL entend continuer
d'encourager. Aussi, sans nous détourner de notre mission essentielle, nous désirons
maintenir notre leadership en matière d'essaimage dans le meilleur intérêt de nos
actionnaires, de l'épanouissement de nos employés et du développement des milieux
où nous sommes installés.
Julien Métivier
Président et chef de la direction
Annexe 3
Bibliographie
BÉRARD, Diane. «IPL dans le moule de l’innovation», Revue commerce, 95e année,
no 1, janvier 1993, p. 8-12.
COPTI, Marc. «Une modernisation payante pour IPL», Finance, vol. 9, no 12,
21 décembre, 1987 p. 30.
DUBÉ, Denis. «IPL touchée par la hausse du coût des matières premières», Finance,
vol. 9, no 46, 12 septembre 1988, p. 32.
«IPL : une entreprise québécoise chef de file canadienne dans l’industrie du plas-
tique», Le Québec industriel, vol. 40, no 2, février 1985, p. 14-16.
TRINQUE, Jean Guy. «Les précurseurs», Revue Commerce, vol. 87, no 11,
novembre 1985, p. 29-36.
VAILLANCOURT, Pierre. «L’automatisation en soi ne veut rien dire : elle doit faire
partie d’un plan d’ensemble», vol. 43, no 9, septembre 1988, p. 16.