CONTRIBUTION DE
Ce document comporte deux parties, une présentation générale ainsi que des annexes sur les
thèmes suivants :
• semiconducteurs à large bande interdite, non linéarités optiques dans
les semiconducteurs et microcavités optiques, nanophysique,
nanotechnologies, microélectronique silicium, microsystèmes, rapport
de conjoncture de la 08.
L’importance croissante des semiconducteurs au niveau mondial est liée au fait que ces
matériaux forment la base de la révolution technologique de ces quarante dernières années dans
le domaine de l’électronique qui, au sens large, représente le marché mondial le plus important à
l’heure actuelle en même temps que celui qui bénéficie de la croissance la plus rapide. Elle
couvre des domaines industriels très divers : informatique, télécommunications, automobile,
branche grand public, applications militaires et spatiales ....
Dans ce marché, la part semiconducteurs est de l’ordre de 10 %, soit actuellement plus de 60
milliards de dollards. Le matériau de base est le silicium, la part relative des semiconducteurs
composés présentant une tendance à la hausse.
Les limites du domaine ne peuvent être marquées nettement. Tout d’abord, les progrès
ne se limitent pas aux seules applications mais permettent en même temps des avancées très
importantes en physique fondamentale (ex : effet Hall quantique). Par ailleurs, les composants
du futur seront de plus en plus basés sur des couplages entre semiconducteurs et matériaux de
nature différente : métaux normaux ou supraconducteurs, matériaux magnétiques, diélectriques
divers, molécules, systèmes biologiques ... La maîtrise des interfaces correspondantes se
révèlera essentielle. Ceci implique des approches pluridisciplinaires en collaboration avec des
chimistes, biologistes, microélectroniciens, informaticiens.
Nous indiquons ci-dessous un certain nombre de secteurs-clés (les recherches à plus long terme
sont repérées par le signe *) :
• Nanoélectronique et nanophysique
Il s'agit ici d'une recherche à long terme sur l'élaboration et la caractérisation des matériaux de
base de l'électronique du futur. Il est essentiel de soutenir les thèmes suivants (liste non
limitative) :
- Réalisation de composants monoélectroniques : mémoires, transistors*,...
- Lithographie à l'échelle nanométrique : X, électrons, STM
- Application des techniques de champ proche à la caractérisation et la fabrication de
nanosystèmes*.
- Dépôt de couches autoorganisées sur semiconducteurs : couches moléculaires greffées,
formation de fils et boîtes quantiques et de réseaux 3D de cristallites ; application au
silicium optoélectronique*.
- Couplage des semiconducteurs avec des molécules organiques ayant une certaine
fonctionnalité ou avec des molécules biologiques*.
- Interface semiconducteur avec diélectriques supraconducteurs ou matériaux
magnétiques, application à de nouveaux composants (ex : transistors de spin)*.
- Interrupteurs et mémoires mécaniques de taille moléculaire ou atomique*.
- Utilisation des propriétés remarquables des fullerènes, tubules et autres formes de
carbone*.
Enfin, la réduction de taille des composants (tendant vers l'échelle nanométrique), combinée au
progrès incessant des possibilités de calcul commencent à rendre possible l'application directe
de méthodes "ab initio" de la mécanique quantique à des systèmes réels. Beaucoup de travail
reste à faire dans ce domaine, qui doit permettre à terme de prévoir et d'ajuster a priori les
propriétés physiques de certains types de composants élémentaires.
Il est clair que la France a pris du retard dans plusieurs domaines stratégiques impliquant
les semiconducteurs par rapport aux deux géants que sont les Etats-Unis et le Japon. En ce qui
concerne le silicium, la recherche technologique se fait principalement dans les grands groupes
industriels mais ceux-ci se préoccupent aussi de recherche très avancée telles les mémoires à un
électron. On voit de plus en plus d'appels de dirigeants de ces sociétés insistant sur la nécessité
et le manque d'études fondamentales dans les Laboratoires Universitaires concernant le matériau
silicium, son oxyde, etc... ce qui est paradoxal vu son importance évidente. Ce phénomène est
encore plus accusé en France.
La France a aussi démarré avec un certain retard d'ensemble les études sur les
semiconducteurs à large bande interdite où les premiers succès (diodes électroluminescentes
dans le bleu, écrans plats) ont été obtenus à l'étranger, en particulier au Japon. Fort
heureusement un effort significatif a été accompli récemment, en particulier sur les II-VI et les
nitrures. Il en est de même pour le SiGe où de nombreux résultats ont été acquis par exemple
chez IBM et où un potentiel important existe en Allemagne alors que peu de nos laboratoires s'y
sont engagés.
Par contre, la France tient une place respectable dans les aspects relatifs aux
hétérojonctions, superréseaux, boîtes et fils quantiques III-V ainsi que leurs applications aux
hyperfréquences et à l'optique.
Pour terminer, un effort considérable a été porté aux Etats-Unis et au Japon sur les
matériaux à l'échelle nanométrique : boîtes quantiques auto-organisées dans des colloïdes,
couplage semiconducteurs - molécules organiques, réseaux de neurones, etc... Nous
accumulons un certain handicap dans cette course à l'électronique ultime. Il en est de même en
général sur les microtechnologies (en particulier la micromécatronique telle que l'appellent les
Japonais) qui couplent aspects mécanique et optoélectronique (forte participation de
l’Allemagne, de la Suisse et plus généralement des pays du nord de l’Europe).
Nous résumerons ici les rapports des deux Commissions principales du domaine, la 06
et la 08, qui insistent respectivement sur les aspects liés à la Physique et aux applications.
Commission 06 : Le rapport insiste d’abord sur le fait que la maîtrise acquise dans l’élaboration
de certains semiconducteurs est telle que ceux-ci ont pu servir de systèmes modèles pour des
études physiques. Dans cet ordre d’idées, plus de la moitié des contributions à ICPS
(International Conference on the Physics of Semiconductors 1996) sont basées sur l’utilisation
d’hétérostructures nanométriques et structures quantiques. Une tendance lourde est d’utiliser le
progrès technologique pour aboutir à une “ ingénièrie ” des effets physiques.
Cette orientation, voisine du génie des matériaux, nécessite une approche interdisciplinaire et
devrait aboutir à des retombées industrielles.
Parmi les tendances principales soulignées on peut citer : les semiconducteurs à large
bande interdite (massifs ou en couches minces), les hétérostructures et superréseaux (propriétés
de transport, SiGe), la luminescence du silicium poreux ainsi que les nanocristaux. Du point de
vue instrumentation, on relève les diverses nanotechnologies, les techniques de champ proche
(STM, AFM ...) ainsi que l’importance stratégique des moyens mi-lourds de croissance.
Certains contacts avec d’autres disciplines sont mis en relief : traditionnels pour l’optique, plus
récents pour le magnétisme, sous-exploités pour la physique statistique et l'électronique
moléculaire.
Bien que faible par rapport à celui du silicium, le marché des composés
semiconducteurs est noté en progression rapide et continue depuis 1988. Les applications
essentielles concernent les hyperfréquences et l’optoélectronique avec des retombées
importantes dans le domaine des télécommunications.
Pour terminer, le rapport souligne que les microsystèmes sont maintenant une réalité
avec un début d’existence industrielle et la naissance de fonderies opérationnelles. La situation
du domaine est comparée à celles des ASIC il y a 5 ans (outils en développement, besoins par
encore clairement définis).
V DIMENSIONS INTERDISCIPLINAIRES
Un dernier aspect, tout aussi essentiel, correspond au fait que les composants de taille
nanométrique devront être conçus en fonction de leur intégration dans des systèmes. Ceci
nécessitera une collaboration accrue avec les spécialistes de la conception de circuits et
systèmes. Ce type de problèmes est déjà envisagé plutôt par des physiciens mais une
collaboration avec ces spécialistes s'impose et devrait être engagée dès à présent.
Parmi les forces du CNRS, la première est probablement son potentiel en termes de
chercheurs permanents travaillant dans le domaine. Un autre aspect favorable est l’existence de
certains pôles structurés, par exemple dans le domaine des matériaux à grand gap (GaN, SiC),
dans le domaine des III - V et II - VI. Des moyens appréciables de croissance et technologie
sont présents dans des laboratoires bien identifiés. Il existe donc une politique volontariste de
soutien à ces axes.
Il est difficile de décréter que tel ou tel thème de recherche doit être abandonné. Il s’agit
en effet d’une appréciation très subjective, susceptible d’aboutir à des erreurs importantes. Une
preuve flagrante en est fournie par les études physiques de matériaux massifs (en particulier
liées aux défauts) qui, peu après être tombées en disgrâce, ont retrouvé une nouvelle vigueur
avec les matériaux à grand gap tels que GaN ou SiC. Par ailleurs, les phénomènes de mode
peuvent aussi avoir des conséquences néfastes sur les performances d’ensemble du domaine.
On peut néanmoins affirmer que les secteurs-clés listés section II méritent tous d’être
soutenus, mais à des degrés divers tenant compte de l’état actuel du secteur.
• Les études concernant les semiconducteurs à large bande interdite ont fait l’objet d’un soutien
substantiel bien que tardif. Ce soutien doit être maintenu.
• Microsystèmes : Bien que le volant des applications ne soit pas encore bien établi, on peut
s’attendre à de nombreuses innovations dans ce secteur où la France se doit d’être présente.
• Nanotechnologies : Il s’agit du domaine stratégique par excellence pour le long terme. Les
recherches devraient aboutir non seulement à des composants de type nouveau, mais aussi,
en combinaison avec le progrès et la miniaturisation des microsystèmes, devraient conduire à
ce que l’on peut appeler la nanorobotique. L’aspect interdisciplinaire est fondamental et il faut
imaginer des systèmes souples et efficaces de stimulation.
Comme nous l’avons vu, il apparaît nécessaire de recentrer et renforcer une partie du
potentiel existant sur des aspects liés aux études fondamentales dans les domaines suivants :
matériaux pour la microélectronique silicium de la prochaine décennie, grands gaps (déjà fait en
partie), nanoélectronique et micro, puis nano-technologies en général. Cependant il est difficile
d’envisager un accroissement substantiel du potentiel global affecté aux matériaux
semiconducteurs. Il serait donc plus réaliste d’amener certaines équipes de qualité à recentrer
leurs projets sur les axes jugés prioritaires tout en renforçant leur soutien. Divers moyens
pourraient être utilisés pour restructurer et organiser le domaine suivant ces axes. Les GDR
peuvent remplir en partie ce rôle (certains, “ grands gaps ” par exemple existent déjà). Il faudrait
aussi se donner des possibilités d’action plus incitatives concernant le soutien des équipes ou la
réorientation de certaines autres. Enfin, il faut à tout prix rendre plus faciles les coopérations
interdisciplinaires, en ressuscitant peut-être des actions type ATP aux frontières des disciplines
correspondantes. De toutes façons seuls des soutiens avec décision rapide et remise en question
périodique permettront d’être compétitifs.
Il serait aussi nécessaire de disposer d’un certain nombre de centres où seraient réalisés
les matériaux et composants exploratoires, centres qui seraient organisés en services communs
à la disposition des diverses équipes concernées pour études physiques fondamentales et
caractérisation. L’organisation devrait répondre à des objectifs bien identifiés tout en faisant
preuve d’une adaptabilité importante et en facilitant la mise en œuvre efficace de recherches
interdisciplinaires. Il faudrait, par exemple, définir des Programmes d’action suffisamment
souples, correspondants à ces axes jugés prioritaires. Ceux-ci pourraient être gérés par le
CNRS, mais en relation étroite avec les grands groupes industriels et autres établissements
publics. Leur équipe d’animation serait aussi légère que possible avec quelques décisionnels
(pas plus d’une dizaine) des divers grands partenaires. Leur Comité Scientifique serait constitué
de quelques experts de haut niveau, reconnus internationalement et couvrant les aspects
pluridisciplinaires évoqués dans la partie scientifique.
Les semiconducteurs à large bande interdite (Eg > 2,5 eV) sont la nouvelle frontière
dans la physique et la technologie des semiconducteurs. Leur potentiel est immense en
optoélectronique (émetteurs de lumière dans le bleu et le proche ultraviolet, détecteurs) et en
microélectronique opérant à haute température ou à forte puissance. Ils connaissent depuis
quelques années un développement considérable. Ces semiconducteurs qu'ils soient des III-V,
II-VI ou des IV-IV, partagent de nombreux points en communs dans leurs études physiques,
leur croissance et la technologie de leurs composants. De nombreux symposia, ateliers et
conférences éclosent autour de ce thème. Scientifiques et industriels commencent à se structurer
dans ce domaine aux Etats-Unis, au Japon ainsi que chez certains de nos partenaires européens.
En France, un projet de GDR présenté à la session d'automne du Comité National en décembre
1995 (sections 06, 08 et 04) a été accepté.
Les enjeux économiques étant considérables, il est hautement souhaitable que la France
soit parmi les leaders dans le domaine des semiconducteurs à large bande interdite. Ceci
implique un effort de recherche conséquent compte-tenu des challenges scientifiques et
technologiques qui se posent.
INTERET SCIENTIFIQUE
La croissance épitaxiale d'alliages et d'hétérostructures à base de semiconducteurs à large
bande interdite destinés à la réalisation de dispositifs optoélectroniques ou microélectroniques
performants présente, quels que soient les matériaux ou les techniques de croissance, de
nombreuses similitudes en ce qui concerne les problèmes relatifs à :
APPLICATIONS
Les applications des semiconducteurs à large bande interdite sont très nombreuses et
leur impact économique sera considérable.
MATERIAUX
Parmi les matériaux, GaN et ZnSe apparaissent comme les candidats qui offrent le
potentiel scientifique et technologique le plus élevé car (1) ils sont à gap direct ce qui n'est ni le
cas pour SiC ni pour le diamant et (2) l'utilisation d'alliages (Al,In,Ga,N) et
(Zn,Cd,Mg,Be,S,Se) permet la réalisation d'hétérostructures nécessaires aux filières
optoélectroniques (lasers) et microélectroniques (HEMT).
RESULTATS
• Etat de l'Art
Diodes Electroluminescentes
Des diodes électroluminescentes (LED) superbrillantes à base de GaInN couvrant le
domaine spectral du violet (400 nm) à l'orange (600 nm) sont actuellement fabriquées
industriellement. Leurs rendements quantiques sont élevés : 6,3 % pour le vert (520 nm), 8,7 %
pour le bleu (450 nm) et 9,20 % pour le violet (450 nm). Leur durée de vie est estimée à 105
heures. Les LED à base de ZnSe ont, quant à elles, des largeurs de raies plus fines (∆λ = 11,7
nm, λ = 513 nm) un rendement quantique plus élevé dans le vert (7,2%) et une pureté de
couleur remarquable (95,5%). Leur durée de vie se situe actuellement entre 103 et 104 heures.
Composants microélectroniques
Des transistors MESFET et HEMT ont déjà été réalisés. Les meilleures performances
sont obtenues sur des structures HEMT de longueur de grille de 0,2 µm. Les fréquences
maximales d'oscillation fmax et de coupure du gain en courant ft atteignent respectivement 70 et
22 GHz, ce qui permet d'envisager très sérieusement des applications en microondes.
Ces performances ont pu être obtenues grâce aux avantages particuliers de la filière
GaN. La possibilité de réaliser des hétérostructures AlGaN/GaN à grand décalage de bande de
conduction permet d'obtenir des densités surfaciques d'électrons de l'ordre de 1013 cm -2 (4 à 5
fois plus que dans les filières traditionnelles) et des mobilités qui sont celles du GaN non dopé
(1000 cm2/Vs). De telles densités sont très favorables à l'obtention de courants et de
transconductances élevées. Enfin, la large bande interdite du GaN permettra d'appliquer des
tensions élevées aux composants et de les faire fonctionner sans dégradation à haute
température.
• Au plan national
Hétérostructures à base de ZnSe
Le travail expérimental sur ce thème a débuté au CRHEA en mars 1994 avec
l’installation d’un bâti EJM. La croissance de ZnSe et de ZnCdSe a été rapidement optimisée.
Des structures à QW Zn1-xCdxSe/ZnSe avec 0.1 x 0.2 ont été caractérisées en détail
par spectroscopie optique. Une étude détaillée a révélé que l’épaulement basse énergie des raies
de PL est dû à des excitons localisés à faible excitation et à des biexcitons à plus forte excitation.
Ces résultats dénotent l’excellente qualité des structures QW épitaxiées. Notons en outre qu’il a
récemment été montré que les biexcitons jouent un rôle très important dans les mécanismes
d’émission stimulée.
Nous avons préparé des diodes lasers dites de la première génération, i.e. sans alliage
quaternaire de confinement. Bien que ces structures soient rudimentaires (pas de confinement
optique, faible confinement électronique, pas de contact ohmique côté p, structure relaxée...)
l’effet laser a été obtenu à 490 nm en mode pulsé à 80K Des échantillons sont testés dans
différents laboratoires et en particulier le LPMC à l'ENS.
Des substrats massifs de ZnSe d'excellente qualité structurale, élaborés au LPSB
(Bellevue), sont actuellement utilisés au CRHEA en homoépitaxie. Les résultats obtenus sont,
en particulier pour les propriétés optiques, comparables, voire supérieurs, aux meilleurs
résultats publiés.