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 4-002-L-35

Dénutrition de l’enfant
A. De Luca

La dénutrition est un état pathologique qui est la conséquence d’une inadéquation entre les besoins et
les apports nutritionnels. Chez l’enfant, on la retrouve essentiellement dans les services hospitaliers où
sa prévalence est comprise entre 10 et 15 %. Son diagnostic nécessite de peser et mesurer le patient,
et de calculer des index nutritionnels, dont l’indice de masse corporelle en premier lieu. Lorsqu’il est
inférieur au troisième percentile, cela permet de repérer les enfants nécessitant une démarche diagnostique
complète. Cette démarche comprend l’évaluation de la cinétique de croissance à la recherche d’une
stagnation ou d’une cassure pondérale et/ou staturale, la recherche de signes cliniques de dénutrition
et d’une cause. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic de dénutrition. Les causes
peuvent être regroupées en trois cadres principaux : diminution des ingesta, augmentation des besoins
et augmentation des pertes. L’hospitalisation est une situation où la dénutrition peut se constituer ou
s’aggraver, ce qui entraîne des complications, notamment infectieuses. La prise en charge doit comprendre
un objectif de poids, servant de base au calcul des apports nutritionnels. La renutrition doit être d’autant
plus progressive que la dénutrition est sévère, afin de prévenir le syndrome de renutrition inappropriée.
Elle peut se faire par enrichissement de l’alimentation, utilisation de compléments nutritionnels oraux,
nutrition entérale (par sonde gastrique ou par gastrostomie) ou nutrition parentérale. La prise en charge
doit privilégier l’utilisation du tube digestif s’il est fonctionnel. Par la suite, une réévaluation de la stratégie
nutritionnelle est nécessaire. L’évaluation systématique de l’état nutritionnel et l’évaluation du risque
nutritionnel permettent de diminuer les situations de dénutrition grave.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Dénutrition ; Évaluation nutritionnelle ; Croissance ; Pédiatrie ; Dépistage ; Risque nutritionnel ;


Enfant

Plan ■ Prévention en milieu hospitalier 7


Évaluation systématique de l’état nutritionnel 7
■ Introduction 1 Prévenir le risque de dénutrition à l’hôpital 7
Facteurs d’influence du dépistage 7
■ Épidémiologie 1
■ Conclusion 8
■ Diagnostiquer une dénutrition 2
Mesures anthropométriques 2
Index nutritionnels 2
Examen clinique
Démarche diagnostique
3
4
 Introduction
Examens complémentaires 4
La dénutrition est un état pathologique qui résulte d’une inadé-
■ Causes 5 quation entre les besoins et les apports protéinoénergétiques.
Mécanisme 5 Elle aboutit à une perte de la masse cellulaire active ayant des
Hospitalisation 5 conséquences fonctionnelles délétères, ainsi qu’à un retard de
Groupes de pathologies pourvoyeuses de dénutrition 5 croissance pondérale, puis staturale chez l’enfant. La particula-
■ Conséquences de la dénutrition 5 rité de l’enfant est d’être un organisme en croissance, ce qui
Conséquences générales 5 nécessite de prendre en compte ce paramètre dans les méthodes
Complications 5 d’évaluation utilisées pour le diagnostic de la dénutrition.
Carences spécifiques 6
■ Stratégie nutritionnelle 6
Fixer l’apport énergétique 6  Épidémiologie
Fixer les besoins spécifiques en nutriments 6
Techniques 6 Il n’existe pas de consensus international ni de méthode de
Modalités 6 référence de diagnostic de la dénutrition de l’enfant. Les méthodes

EMC - Pédiatrie 1
Volume 12 > n◦ 3 > juillet 2017
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(17)69860-0

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4-002-L-35  Dénutrition de l’enfant

Tableau 1.
Prévalence de la dénutrition chez l’enfant hospitalisé.
Auteur, année Pays/zone Âge Définition Nombre Prévalence (%)
[4]
Hecht et al., 2014 Europe 1 mois–18 ans Z-IMC < -2 ET 2567 7
Sissaoui et al., 2011 [5] France 0–16 ans Z-P/PAT < -2 ET 923 12
De Luca et al., 2012 [6] France 0–18 ans P/PAT < 80 % 130 8
Joosten et al., 2010 [7] Hollande > 1 mois Z-P/PAT < -2 ET 424 11
Hankard et al., 2001 [8] France > 6 mois Z-IMC < -2 ET 58 12
Sermet-Gaudelus et al., 2000 [9] France > 1 mois RPA < 80 % 296 19
Merritt et al., 1979 [10] États-Unis > 3 mois P/PAT < 80 % 190 18

IMC : indice de masse corporelle ; Z-IMC : Z-score IMC ; P/PAT : rapport entre le poids de l’enfant et le poids attendu pour sa taille ; Z-P/PAT : Z-score P/PAT ; RPA : rapport
poids pour âge.

d’évaluation de la dénutrition varient selon les études, ce qui peut


rendre difficile la comparaison des résultats.
 Diagnostiquer une dénutrition
La cohorte ayant servi de référence pour l’établissement des Mesures anthropométriques
courbes de croissance actuelles du carnet de santé français date
des années 1950–1970 et diffère de la population actuelle, notam- Des courbes de référence françaises existent pour le poids et la
ment sur l’origine géographique et sur la proportion d’allaitement taille [11] .
maternel. Elles sont en cours d’actualisation. L’Organisation mon-
diale de la santé (OMS) a publié des courbes de croissance
optimale jusqu’à 5 ans à partir d’une cohorte prospective suivant
la croissance d’enfants allaités issus de plusieurs pays de niveaux
socioéconomiques différents [1] . Des courbes de référence OMS
“ Point fort
pour l’enfant plus grand existent également. Ces courbes ont été
adoptées par une majorité de pays dans le monde, mais pas par la Les mesures du poids et de la taille sont indispensables à
France. l’évaluation nutritionnelle.
Si on considère les courbes de référence, on attend une préva-
lence de l’ordre de 3 % en population générale. Cette prévalence
est très difficile à évaluer. En France, la fréquence d’enfants présen- Mesure du poids
tant des indices nutritionnels compatibles avec une dénutrition
est souvent supérieure [2] . Dans une étude réalisée en milieu sco- La pesée s’effectue nue pour un nourrisson, en sous-vêtements
laire, une fréquence de 6 % a été retrouvée lors du bilan des pour un enfant, avec une balance adaptée et vérifiée. Un pèse-bébé
4 ans [3] . est utilisé pour le nourrisson jusqu’à 2 ans environ. Pour les plus
grands, on utilise un pèse-personne, une chaise-balance ou un
système de pesée couplé au lève-malade selon l’autonomie. Cette
“ Point fort mesure doit être appréciée en fonction de l’hydratation (œdèmes,
ascite, déshydratation, etc.), le poids pouvant être faussement ras-
surant en cas de rétention hydrique.
La dénutrition touche particulièrement les nourrissons car
ils sont dans une phase de croissance rapide. Mesure de la taille
La taille se mesure debout sans chaussures ou couché jusqu’à
2 ans ou 1 m, avec une toise. Si la station debout est impossible
Dans une étude européenne, 9,1 % des enfants de moins de à cause de troubles de la statique dorsale ou de rétractions des
2 ans hospitalisés étaient dénutris, alors que la prévalence était de membres inférieurs, l’alternative est l’estimation à partir de la dis-
5,3 % chez les plus de 2 ans [4] . La conséquence est que 44 % des tance talon-genou qui doit être considérée avec prudence. Cette
enfants dénutris avaient moins de 2 ans, ce qui a été retrouvé par distance se mesure genou fléchi à 90◦ , à l’aide d’un pied à coulisse.
d’autres [5] . La tranche d’âge de 0 à 2 ans est une période critique La formule d’estimation de la taille à partir de la distance
pour les interactions mère–enfant et pour le diagnostic de mala- talon-genou [12] (T : taille en cm ; TG : distance talon-genou en cm)
dies chroniques (maladie cœliaque, maladies neurologiques avec est :
handicap, etc.). • pour le garçon : T = 40,54 + 2,22 × TG ;
Dans les pays industrialisés, la dénutrition est principalement • pour la fille : T + 43,21 + 2,15 × TG.
secondaire à une pathologie. Elle concerne 10 à 15 % des enfants
hospitalisés (Tableau 1) [4–10] . La variation des résultats dépend du
type de recrutement de l’étude et de l’outil choisi pour définir la
Index nutritionnels
dénutrition. La prévalence de la dénutrition varie selon le type
de service étudié, touchant 22 % des enfants dans des hôpitaux
universitaires (de recours) et 17 % dans des hôpitaux généraux
aux Pays-Bas [7] . Une étude américaine rapportait une prévalence
élevée de 18 % [10] . Son recrutement comprenait 71 % de patients
“ Point fort
hospitalisés depuis plus de sept jours et 62 % pour une cause chi-
rurgicale, suggérant un risque de dénutrition important pour ces L’indice de masse corporelle est la première étape de la
patients probablement plus graves. Les études européennes utili- démarche diagnostique de la dénutrition.
sant le même indice nutritionnel (indice de Waterlow inférieur à
– 2 écart-types [ET]) retrouvent une prévalence de la dénutrition
homogène. Une étude française retrouvait une prévalence de 19 %
en utilisant le rapport du poids pour l’âge inférieur à 80 % comme Indice de masse corporelle
seuil de dénutrition, entraînant une surestimation car cet indice L’indice de masse corporelle (IMC) se calcule selon la formule :
ne prend pas en compte la taille [9] . La dénutrition est donc une IMC = poids (kg) / taille2 (m).
maladie très fréquente qu’il est nécessaire de diagnostiquer et de C’est l’index le plus répandu et qui a l’avantage d’être commun
prendre en charge. avec l’évaluation chez l’adulte. Ses courbes sont présentes dans le

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Dénutrition de l’enfant  4-002-L-35

Tableau 2.
Définition de dénutrition selon l’indice de Waterlow.
État nutritionnel Pourcentage du poids mesuré/
poids attendu pour la taille
Normal ≥ 90 %
Dénutrition légère 80–89 %
Dénutrition modérée 70–79 %
Dénutrition sévère < 70 %

carnet de santé, servant à définir l’insuffisance pondérale (< 3e per-


centile), mais aussi le surpoids et l’obésité [13] . Une définition
Quel est le rapport poids sur taille d’un
internationale reposant sur un Z-score inférieur à -2 ET a été pro- garçon de 100 cm pesant 11 kg ?
posée [14] . Une bonne concordance avec l’indice de Waterlow (cf.
infra) est retrouvée entre 2 et 18 ans [15] . L’IMC est pris en défaut
en cas d’œdèmes et de cassure de taille. Il doit être interprété en
fonction de la croissance.

Rapport du poids mesuré sur le poids attendu


pour la taille : indice de Waterlow 1 100 cm correspond à la taille moyenne
d’un garçon de 4 ans
C’est un autre index permettant d’évoquer une dénutrition s’il
est inférieur à 80 % ou mieux à −2 ET (Tableau 2). Il est consi-
déré comme l’index nutritionnel historique, mais son calcul est
plus complexe que celui de l’IMC. L’indice de Waterlow se cal-
cule en utilisant la courbe de poids en faisant le rapport du poids
de l’enfant sur le poids attendu pour sa taille, selon l’exemple de
la Figure 1. Il est également pris en défaut en cas d’œdèmes et de 2 16 kg est le poids moyen d’un garçon
cassure de taille, et doit être interprété en fonction de la croissance. de 4 ans

Z-score de taille
Un Z-score de taille inférieur à −2 ET est compatible avec une
dénutrition chronique. La présence d’une cassure pondérale, puis
staturale est en faveur d’un mécanisme nutritionnel.
3 11/16 = 69 % dénutrition avérée
Périmètre brachial
La mesure du périmètre brachial (PB) est peu modifiée par l’état Figure 1. Calcul de l’indice de Waterlow (d’après [16] ). Pour ce garçon
hydrique. Sa mesure est simple, utile lorsque la mesure du poids de 100 cm et 11 kg, le poids moyen pour sa taille, correspondant à un
ou de la taille pose problème. Entre 6 et 60 mois, un seuil de PB enfant de 4 ans, est de 16 kg. Son indice de Waterlow est de 11/16 = 69 %,
inférieur à 115 mm a été défini par l’OMS comme compatible signant une dénutrition sévère (< 70 %).
avec une dénutrition sévère [17] . Ce seuil, défini pour la médecine
humanitaire, est probablement trop bas pour la France car il a
été déterminé sur le risque de décès. Il est remis en cause car sa • signes de carences spécifiques : peau sèche (zinc, vitamine PP),
sensibilité est trop faible, 6 % pour un indice de Waterlow inférieur purpura, hémorragie gingivale (vitamine C), rachitisme (vita-
à −3 ET, dans une population cambodgienne [18] . De plus, il n’y a mine D), cardiomyopathie (vitamine B1 ), etc. ;
pas de seuil établi au-delà de 5 ans. • retard pubertaire, aménorrhée.
Le rapport PB/périmètre crânien (PC) est un autre paramètre
nutritionnel, moins utilisé mais d’utilisation facile en pratique Kwashiorkor
courante. Entre 3 et 48 mois, un rapport PB/PC inférieur à 0,28
est compatible avec une dénutrition. Le kwashiorkor est la forme œdémateuse de la dénutrition pro-
téinoénergétique, par prédominance d’une carence protéique. Ce
tableau apparaît plus rapidement que dans le marasme et le tissu
Examen clinique adipeux y est moins diminué. Les œdèmes se développent souvent
précocement ; ils peuvent masquer la perte de poids et mettre en
Deux formes classiques mais extrêmes de dénutrition primaire défaut les index nutritionnels.
sont décrites : le kwashiorkor et le marasme. Des formes mixtes En complément des signes cliniques (cf. supra), on retrouve éga-
peuvent exister. En France, les signes cliniques de dénutrition sont lement des œdèmes prédominant aux mains et aux pieds, une
modérés dans la majorité des cas, alors que les formes avancées se ascite, une léthargie, une apathie et/ou une irritabilité, des diar-
retrouvent essentiellement dans les pays en voie de développe- rhées et vomissements, une hépatomégalie (stéatose hépatique),
ment. une dermatose en « peinture craquelée » avec plaques sombres
aux zones de frottement qui peuvent desquamer et contenant des
Signes cliniques de dénutrition zones dépigmentées.
Une hypoalbuminémie est responsable du syndrome œdéma-
Ils sont la traduction de la perte musculaire, des réserves énergé- teux.
tiques et de carences en micronutriments. On retrouve les signes
suivants :
• fonte musculaire et du panicule adipeux, aspect de fesses Marasme
« tristes », fonte des boules de Bichat, asthénie, plus rarement La dénutrition y est à prédominance énergétique avec perte de
cheveux secs et cassants, voire décolorés (et signe du drapeau poids majeure. Le marasme peut intervenir dès les premiers mois
si les épisodes se répètent), ongles cassants, escarre, mauvaise de vie. Il peut s’y associer une asthénie, une irritabilité, mais pas
cicatrisation, pâleur (anémie), hypothermie, hypoglycémie ; de léthargie ou d’apathie, une peau moins élastique et ridée. La

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Indice de masse corporelle


< 3 percentile pour âge et sexe
“ Point fort
Le seul calcul d’un index, quel qu’il soit, est insuffisant pour
le diagnostic de dénutrition.
Courbe de croissance
Signes cliniques de dénutrition
Recherche d’une cause
développer une dénutrition sans que son IMC soit inférieur au
troisième percentile.
Certaines pathologies héréditaires de l’enfant affectent la crois-
Diagnostic de dénutrition
sance. Il existe des courbes adaptées à de nombreuses situations
pathologiques qui permettent d’appliquer une même démarche
Figure 2. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique recommandée de diagnostique que celle présentée (cf. supra).
la dénutrition. L’état pubertaire est aussi à prendre en compte. Il s’agit d’une
période où l’IMC augmente physiologiquement plus rapidement.
Tableau 3. Cette accélération peut être décalée par rapport aux courbes du
Critères de stagnation pondérale. carnet de santé selon l’âge de début de la puberté chez l’enfant
exploré.
Âge Critère de stagnation
0 à 6 mois Prise de poids < 500 g/mois pendant 1 mois ou plus
Examens complémentaires
6 à 12 mois Prise de poids < 300 g/mois pendant 2 mois ou plus
12 à 36 mois Prise de poids < 150 g/mois pendant 3 mois ou plus
3 à 6 ans Poids bloqué pendant 3 mois ou plus, ou perte de
poids pendant 2 mois ou plus “ Point fort
6 à 16 ans Poids bloqué pendant 6 mois ou plus ou perte de
poids pendant 2 mois ou plus Les paramètres biologiques ou de composition corporelle
ne sont pas utiles au diagnostic de la dénutrition chez
l’enfant.
faim reste présente. L’aspect du visage reste longtemps conservé.
On retrouve volontiers une hypothermie et une bradycardie. Une
constipation est souvent associée, mais une diarrhée glairomu-
queuse peut se développer ainsi qu’une déshydratation. Plusieurs paramètres biologiques peuvent être perturbés par une
dénutrition, mais aucun n’est systématiquement modifié.

Démarche diagnostique Marqueurs biologiques nutritionnels


Les situations qui doivent alerter sont : Ces marqueurs sont certainement utiles pour le suivi dans les
• une stagnation ou une cassure de la courbe de poids ; situations sévères.
• un IMC inférieur au troisième percentile pour l’âge et le sexe ; L’albumine a une demi-vie de trois semaines, sa concentration
• un enfant qui paraît maigre ; est influencée par de nombreux autres paramètres (hydratation,
• le contexte : maladie chronique, enfant de moins de 2 ans. inflammation, défaut de synthèse hépatique, etc.) ; elle est donc
En 2012, des recommandations françaises de démarche diag- peu fiable pour l’évaluation nutritionnelle. Ses normes sont de
nostique standardisée à l’admission du patient ont été publiées par 35 à 50 g/l. Une albuminémie inférieure à 30 g/l est évocatrice
le Comité Nutrition de la Société française de pédiatrie (Fig. 2) [16] . d’une dénutrition sévère. La transthyrétine (ou préalbumine) a
une demi-vie de deux jours. Elle est peu spécifique et égale-
ment abaissée en cas d’inflammation. Ses normes sont 0,25 à
Indice de masse corporelle
0,35 g/l. Une dénutrition est à considérer si elle est inférieure à
L’IMC est la première étape du dépistage. S’il est inférieur au 0,15 g/l.
troisième percentile, la démarche doit être poursuivie [16] .
Répercussions biologiques
Éléments diagnostiques La protéine C-réactive (CRP) aide à interpréter l’albumine.
Ce sont : L’hémogramme peut révéler une neutropénie, une lymphopénie,
• la construction de la courbe de croissance. Une stagnation une anémie, une thrombopénie, conséquences d’une dénutrition
pondérale ou une cassure de la courbe pondérale (perte d’un globale avancée ou d’une carence spécifique (fer, folates notam-
couloir) (Tableau 3) est le point majeur. La cassure de la crois- ment). Une créatininurie basse permet d’apprécier une faible
sance staturale survient en règle 3 à 4 mois après la cassure masse musculaire. Le bilan azoté permet d’évaluer s’il existe un
pondérale, ce qui en fait un indice de dénutrition chronique ; catabolisme protéique. Dans les formes sévères de dénutrition, on
• le calcul du Z-score de l’indice de Waterlow, évocateur de dénu- retrouve une hypercholestérolémie par troubles du métabolisme
trition aiguë s’il est inférieur à −2 ET ; du cholestérol et diminution des protéines porteuses, même si
• une enquête anamnestique à la recherche d’une cause ; l’hypocholestérolémie est l’anomalie la plus fréquente en cas de
• un examen médical à la recherche de signes cliniques de dénu- dénutrition.
trition (cf. supra).
Enquête étiologique
Synthèse diagnostique Ces examens sont effectués en fonction de l’orientation cli-
La synthèse de ces éléments par le clinicien aboutit au diagnos- nique. Chez le petit enfant, mais aussi chez le plus grand,
tic de dénutrition. la recherche d’une allergie aux protéines de lait de vache
En effet, un IMC bas peut être lié à une dénutrition, mais aussi à (immunoglobulines E spécifiques) et de maladie cœliaque
une minceur constitutionnelle. Un index normal peut être fausse- (immunoglobulines A antitransglutaminases) doit être facilement
ment rassurant dans une situation chronique à cause de la cassure pratiquée. La CRP est utile pour s’orienter vers une maladie inflam-
de taille secondaire à la dénutrition. De même, un enfant peut matoire. Les fonctions rénale (urée, créatinine, bicarbonates) et

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hépatique (ASAT, ALAT, ␥GT, phosphatases alcalines, bilirubine) Environnement


doivent être évaluées. L’ionogramme sanguin et la TSH com-
L’environnement direct et les repas sont différents, les habi-
plètent le bilan.
tudes sont perturbées, les parents ne peuvent pas toujours être
présents. De nombreux intervenants inconnus de l’enfant sont
Examens d’évaluation de la composition présents.
corporelle
Ils sont réservés à des situations particulières ou aux pro- Iatrogénie : jeûne
tocoles de recherche. Différentes techniques sont utilisables : De nombreuses décisions médicales ont un impact sur les
la mesure des plis cutanés, l’impédancemétrie bioélectrique, prises alimentaires en dehors de l’état clinique de l’enfant :
l’absorptiométrie biphotonique. L’évaluation de la dépense éner- l’administration de perfusions, la durée du jeûne préopératoire,
gétique de repos par calorimétrie indirecte est peu utile dans ce la programmation d’examens complémentaires qui peuvent se
cadre. répéter et le délai de prescription médicale sont des facteurs à
optimiser.

 Causes
Groupes de pathologies pourvoyeuses
Mécanisme de dénutrition
Les causes de dénutrition dépendent de trois grands cadres, L’impact des pathologies chroniques sur l’état nutritionnel est
parfois combinés. important. Les mécanismes impliqués sont des besoins accrus
(croissance rapide, catabolisme, stress, agression, etc.) et une fré-
Diminution des ingesta quente insuffisance d’apport (anorexie, environnement social,
Par carence d’apports diminution de l’absorption, etc.).
• Les troubles des interactions parents–enfant, l’anorexie du Dans la première enquête multicentrique française, regrou-
nourrisson, les troubles de l’oralité, l’opposition. pant des unités de médecine, de chirurgie et, de soins de suite
• Les erreurs diététiques, les régimes d’exclusion restrictifs (pres- et réadaptation, issues de centres universitaires ou généraux, les
crits en cas d’allergie par exemple ou à l’initiative des parents/de 56 % d’enfants qui avaient une maladie chronique représen-
l’enfant), une maltraitance/négligence. taient 66 % des dénutris [5] . La fréquence de la dénutrition était
• Les troubles de déglutition et fausses routes, les dysphagies, la plus importante dans les maladies neurologiques et du handicap,
douleur chronique, le handicap, la dépendance ; une durée du gastro-intestinales, cardiaques et chirurgicales.
repas très longue (> 30 minutes).
• Les troubles ORL, comme l’hypertrophie amygdalienne respon-
sable de troubles respiratoires nocturnes.  Conséquences de la dénutrition
• L’anorexie mentale.
• La précarité (bien que plutôt pourvoyeuse d’obésité). Conséquences générales
Par malabsorption ou maldigestion Il existe une augmentation de l’eau totale combinée à une perte
• Résection digestive étendue dont le syndrome du grêle court. protéique, ce qui se traduit par la présence d’œdèmes. On retrouve
• Insuffisance pancréatique dont mucoviscidose. également une rétention hydrosodée liée à un hyperaldostéro-
• Maladie cœliaque. nisme secondaire, par diminution du débit cardiaque et de la
• Allergie aux protéines de lait de vache. filtration glomérulaire. Il existe une atteinte hépatique avec une
synthèse protéique diminuée, dont l’albumine et la transthyré-
Augmentation des besoins : hypercatabolisme tine, mais aussi des apoprotéines et lipoprotéines, favorisant une
stéatose. Le manque de stimulation entraîne une atrophie villosi-
• Par maladie aiguë : traumatisme crânien sévère, infection
taire, un ralentissement de la vidange gastrique, une diminution
sévère, postopératoire, etc.
des activités enzymatiques de la digestion ainsi que des sécrétions
• Par maladie chronique : insuffisances (cardiaque, respiratoire,
biliopancréatiques. Les fonctions cardiaque et respiratoire sont
rénale, hépatique), cancer, maladies inflammatoires chro-
altérées par diminution de la masse musculaire du myocarde et
niques, hyperthyroïdie.
du diaphragme. Il existe une immunodépression. Le système ner-
veux présente une atteinte périphérique ainsi que des fonctions
Augmentation des pertes cognitives.
• Par pertes digestives : entéropathie exsudative.
• Par pertes cutanées : brûlé, dermatoses étendues. Complications
• Par pertes urinaires : syndrome néphrotique.
Syndrome de renutrition inappropriée
Hospitalisation Le syndrome de renutrition inappropriée correspond à un
excès d’apport de nutriments dans une situation de dénutri-
Le cadre de l’hospitalisation est en lui-même un facteur de tion avancée. Il peut associer de façon isolée ou combinée une
moindre prise alimentaire. Ces facteurs peuvent être en majorité hypokaliémie, une hyponatrémie, une hypophosphorémie, une
maîtrisés grâce à l’interrogatoire des habitudes et en portant une hypomagnésémie, une hypocalcémie, une rétention hydrosodée,
attention particulière à l’organisation du service. une stéatose pour les signes le plus fréquemment observés.

Maladie elle-même Autres complications


Différents facteurs peuvent interférer pendant l’hospitalisation, La dénutrition augmente le risque de survenue de
ce sont ceux qui sont recherchés dans les scores de risque nutri- complications notamment infectieuses, de cicatrisation, et
tionnel (cf. infra) : aggrave la pathologie causale, ainsi que la mortalité. La diarrhée
• la gravité de la pathologie causant l’hospitalisation, compre- et les vomissements sont des symptômes plus fréquents chez les
nant le stress ; dénutris. Sans prise en charge, la dénutrition s’aggrave au cours
• les apports alimentaires spontanés insuffisants (< 50 % des de l’hospitalisation.
besoins) pouvant être liés à des nausées et vomissements, une La dénutrition a un impact à long terme dans l’enfance et à
anorexie ; l’âge adulte, entraînant un retard de croissance staturopondéral et
• la douleur (échelle visuelle analogique supérieure à 5). une diminution des capacités intellectuelles, du niveau d’études,

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Tableau 4. • l’enrichissement de l’alimentation orale fractionnée en


Estimation des besoins énergétiques en fonction du poids. matières grasses (huiles végétales) et glucides (dextrine maltose
Poids de l’enfant 0–10 kg 10–20 kg + 20 kg ayant un faible pouvoir sucrant), l’utilisation d’aliments appor-
tant énergie et protéines (petits suisses, fromages à pâte cuite,
Apports 100 kcal/kg 1000 kcal 1500 kcal
etc.), le fractionnement des prises alimentaires ;
+ 50 kcal/kg + 25 kcal/kg
• les compléments nutritionnels oraux, qui permettent
Soit pour un poids cible de 16 kg : 1000 kcal + 6 × 50 kcal = 1300 kcal/j. d’apporter par la bouche un complément d’énergie, de
protéines, de vitamines et oligoéléments. Ils doivent être pris
en plus des repas et non en substitution ;
du niveau socio-économique et de l’insertion dans la société [19] . • la nutrition entérale (par sonde nasogastrique ou par gastrosto-
L’amélioration de l’état nutritionnel après un épisode de dénutri- mie si la durée prévisible est supérieure à trois mois), utilisée
tion permet d’améliorer le devenir des capacités intellectuelles [20] . lorsque l’alimentation orale fractionnée est insuffisante ;
• la nutrition parentérale (sur cathéter central), réservée aux
Carences spécifiques situations d’insuffisance intestinale. Son recours entraîne une
majoration du risque de complications en cas de dénutrition
La population pédiatrique est de façon générale exposée à une sévère, notamment de syndrome de renutrition inappropriée,
carence en fer, en calcium, en vitamine D et en acides gras essen- et de sepsis lié à la porte d’entrée et à l’immunodépression.
tiels. Il est nécessaire d’être vigilant et de supplémenter facilement Il existe des solutés pédiatriques spécifiques. Les poches
les enfants dénutris, qui sont plus exposés à ce risque. Certaines industrielles de nutrition parentérale doivent, pour la
pathologies, notamment digestives, exposent à des carences spé- plupart, être supplémentées en vitamines et éléments
cifiques. traces.

 Stratégie nutritionnelle Modalités


La voie digestive (orale ou entérale) doit être privilégiée, le
recours à la nutrition intraveineuse (parentérale) étant schéma-
“ Point fort tiquement réservé aux situations où le tube digestif n’est pas
fonctionnel. En effet, la voie digestive est plus physiologique et
moins pourvoyeuse de complications (hépatopathie, infections
Comme dans tout traitement, la stratégie thérapeutique sur cathéter, etc.). L’augmentation des apports est d’autant plus
nutritionnelle doit être planifiée, surveillée et réévaluée. progressive que la dénutrition est sévère afin d’éviter un syn-
drome de renutrition inappropriée, en général par voie entérale en
continu par sonde nasogastrique si l’appétit n’est pas conservé ou
pour mieux contrôler les apports. Dans une dénutrition profonde,
Fixer l’apport énergétique il faut respecter les étapes suivantes.

L’apport énergétique comprend les apports en glucides et lipides Corriger les troubles hydroélectrolytiques avant
(énergie non protéique).
toute renutrition
L’hyperaldostéronisme secondaire, majoré par l’action propre
▲ Attention de l’insuline, entraîne une rétention hydrosodée. Une déshy-
dratation doit être corrigée lentement. Une restriction hydrique
modérée en fonction de l’état initial d’hydratation [22] et des
La cible d’apport énergétique est calculée à partir du poids apports restreints en sodium (0,5 à 1 mmol/kg/j) sont sou-
attendu pour la taille et non du poids au diagnostic. haitables. Cette correction prend en général 24 à 48 heures
et peut nécessiter une surveillance en milieu de réanimation
lorsqu’il existe des signes de gravité (hypothermie, bradycardie,
troubles de coagulation ou de l’hémostase, troubles ioniques
À partir de ce poids cible, les apports caloriques quotidiens sévères).
peuvent être approchés en utilisant la formule de pratique cli-
nique de Holliday et Segar (Tableau 4), utilisable aussi pour les
apports hydriques [21] . Les équations de Schofield en fonction du
poids (P) et de la taille (T) peuvent aussi être utilisées, permettant
“ Point fort
d’estimer la dépense énergétique de repos (DER), à laquelle il faut
ajouter l’activité physique estimée : Le poids doit être stable, voire diminuer un peu au début
• garçon : DER = 19,6 × P + 130,3 × T + 414,9 ; de la renutrition. Une prise de poids dans les 48 premières
• fille : DER = 16,97 × P + 161,8 × T + 371,2. heures doit faire évoquer une inflation hydrique.

Fixer les besoins spécifiques en nutriments


Les protéines nécessitent d’être adaptées en fonction du stress Démarrer la nutrition
métabolique afin de limiter la perte de masse musculaire, 1 g/kg/j Il ne faut pas dépasser 10 kcal/kg/j pendant 2 à 3 jours. Il est
en situation normale, jusqu’à 2 g/kg/j, voire plus en situation nécessaire de supplémenter en phosphore, magnésium et potas-
d’agression majeure. Il faut utiliser des solutés de nutrition enté- sium à cause de la reprise d’anabolisme, et de poursuivre la
rale adaptés à l’âge de l’enfant. Ces solutés sont disponibles avec rétention hydrosodée (Tableau 5) [23] . Une supplémentation en
ou sans fibres, et sont pour certains adaptés à des maladies spéci- thiamine, acide folique, solutions polyvitaminées et minéraux per
fiques. os est aussi à prescrire. À la phase initiale, on ne supplémente pas
en fer.
Techniques L’ionogramme sanguin et urinaire doit être contrôlé étroite-
ment pour adapter les apports, quotidien la première semaine,
Différentes options peuvent être choisies en fonction du puis en fonction des résultats. Même si l’ionogramme initial est
patient, de sa pathologie, de sa prise orale et de l’importance de normal, une surveillance est indispensable pour détecter les per-
la dénutrition. De la plus simple à la plus sophistiquée : turbations secondaires à la renutrition.

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Dénutrition de l’enfant  4-002-L-35

Tableau 5.
Apports indicatifs en minéraux et vitamines à monitorer en situation de dénutrition, selon la période.
Na (mmol/kg/j) K (mmol/kg/j) P (mmol/kg/j) Mg (mmol/kg/j) Ca (mmol/kg/j) Vit B1 (mg/j) Vit B9 (mg/j) Vit A (UI en 1 fois)
Initiale 0,5–1 3 >1 0,3 0,4 100 5, puis 1 ≤ 6 mois : 50 000
6–12 mois : 100 000
≥ 1 an : 200 000
Poursuite 1–2 3–4 >1 0,6 2 – 1 –

Tableau 6.
Scores de risque nutritionnel validés en pédiatrie.
Outils État nutritionnel actuel Perte de poids Réduction des ingesta Sévérité de la maladie Autres items
[9]
SRNP X X Évaluation de la douleur
SGNA [25] X X X X Symptômes gastro-intestinaux,
capacité fonctionnelle, taille parentale
STAMP [26] X X X
PYMS [27] X X X X
NRS [28] X X X X
[29]
STRONGkids X X X X
PNST [30] X X X
PeDiSMART [31] X X X Évaluation de la douleur, symptômes
gastro-intestinaux

NRS : Nutrition Risk Score ; PeDiSMART : Pediatric Digital Scaled MAlnutrition Risk screening Tool ; PNST : Pediatric Nutrition Screening Tool ; PYMS : Paediatric Yorkhill
Malnutrition Score ; SGNA : Subjective Global Nutritional Assessment ; SRNP : Score de Risque Nutritionnel Pédiatrique ; STAMP : Screening Tool for the Assessment of
Malnutrition in Paediatrics ; STRONGkids : Screening Tool for Risk Of Impaired Nutritional Status and Growth.

Augmentation progressive des apports Huit scores ont été validés en pédiatrie ; les items prennent le
plus souvent en compte les mesures anthropométriques, la dimi-
L’augmentation des apports se fait sur 7 à 10 jours, guidée
nution des apports, la sévérité de la maladie et la perte de poids
par l’ionogramme sanguin et urinaire, et adaptée à la prise orale
(Tableau 6). Le score de risque nutritionnel pédiatrique (SRNP),
concomitante. La vitesse optimale de reprise pondérale (rattra-
issu d’une étude française, prend en compte la diminution des
page) est difficile à évaluer, souvent plus rapide chez le nourrisson
apports, la sévérité de la maladie et la douleur [9] . Le Subjective
que chez l’enfant plus grand. Une reprise trop rapide doit faire
Global Nutritional Assessment (SGNA) [26] prend en compte les
suspecter une inflation hydrique.
symptômes digestifs, la capacité fonctionnelle et la taille paren-
tale ; le Screening Tool for the Assessment of Malnutrition in
Réévaluation
Paediatrics (STAMP) [27] , le Paediatric Yorkhill Malnutrition Score
La démarche de réévaluation est indispensable. L’efficacité (PYMS) [28] et le Nutritional Risk Score (NRS) [29] incluent le poids
de la renutrition doit être évaluée par la reprise pondérale et et la taille actuels ; le Screening Tool for Risk Of Impaired Nutritio-
l’amélioration de l’état clinique. La reprise staturale intervient de nal Status and Growth (STRONGkids ) [30] et le Pediatric Nutrition
manière retardée de 2 à 3 mois. Screening Tool (PNST) [31] présentent l’avantage de demander peu
de temps pour être réalisés. Le Pediatric Digital Scaled MAlnutri-
tion Risk screening Tool (PeDiSMART) [32] est plus complexe et
 Prévention en milieu hospitalier semble moins performant lorsque l’hospitalisation est supérieure
à 7 jours. Une comparaison de ces scores (hors PeDiSMART et
Évaluation systématique de l’état nutritionnel PNST) a fait ressortir le PYMS pour la possibilité de combiner
l’évaluation et le risque nutritionnel, et le STRONGkids pour sa
L’évaluation du dépistage de la dénutrition en pédiatrie fait fiabilité et sa rapidité de réalisation [33] .
l’objet d’une évaluation des pratiques professionnelles émanant
de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme
(SFNEP), parue en 2016 [24] . Tout patient doit avoir une évalua-
tion de son état nutritionnel dans les 48 premières heures suivant
Facteurs d’influence du dépistage
son entrée à l’hôpital, et (au mieux) de ses besoins protéinoéner- De nombreux freins existent, à commencer par les prises de
gétiques et de ses ingesta. mesure. Dans une étude française, le poids était mesuré dans
Malgré la mise à disposition d’outils facilitant le calcul d’indices 90 % des cas, mais seulement dans 50 à 60 % des cas pour la
d’insuffisance pondérale (disque d’IMC et disques Dédé2 de cal- taille, d’où l’impossibilité de calculer un index quel qu’il soit [8] .
cul de l’indice de Waterlow), la dénutrition hospitalière reste Dans une autre étude française, 43 % seulement des enfants hos-
insuffisamment recherchée en pratique clinique ; elle est donc pitalisés avaient une mesure du poids et de la taille, alors que le
sous-diagnostiquée et sous-traitée [25] . En France, des enquêtes personnel hospitalier l’estimait à 81 % [34] . Dans la même étude,
annuelles nationales (e-PINUT) ont vu le jour en 2010 afin de il était montré que l’évaluation subjective sous-estimait de moi-
suivre l’évolution et de promouvoir le dépistage de la dénutrition tié la dénutrition, renforçant la nécessité d’utiliser des éléments
hospitalière en pédiatrie [5, 6] . objectifs, c’est-à-dire un index nutritionnel.
La mise en place du score PYMS dans un hôpital anglais a permis
Prévenir le risque de dénutrition à l’hôpital d’améliorer le recueil de données, notamment pour la mesure de
la taille par l’équipe paramédicale, qui est passée de 4 à 62 %, et qui
Des scores de risque nutritionnels ont été conçus pour appré- persistait après 1 an de mise en place, mais malheureusement sans
cier le risque d’apparition ou de majoration d’une dénutrition au impact sur le tracé des courbes de croissance [35] . Une autre étude
cours de l’hospitalisation. Ces scores viennent en complément de montrait que l’utilisation d’un outil informatique avait un impact
l’évaluation nutritionnelle initiale. Ils ont pour but de repérer les à 18 mois sur le recueil des mesures, la démarche étiologique et la
patients à risque de dénutrition ultérieure, et de mettre en place prise en charge [36] .
une intervention nutritionnelle et une surveillance adaptée au Un niveau supplémentaire de difficulté est la nécessité de dis-
risque. poser de courbes de croissance et de les tracer. La variation

EMC - Pédiatrie 7

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4-002-L-35  Dénutrition de l’enfant

physiologique rapide de l’IMC avant 2 ans rend difficile [4] Hecht C, Weber M, Grote V, Daskalou E, Dell’Era L, Flynn D, et al.
l’interprétation des courbes et impose de disposer des valeurs Disease associated malnutrition correlates with length of hospital stay
seuils [16] . in children. Clin Nutr 2015;34:53–9.
Enfin, des politiques de santé ont pu montrer leur efficacité [37] . [5] Sissaoui S, De Luca A, Piloquet H, Guimber D, Colomb V, Peretti N,
Le ministère de la Santé hollandais a instauré en 2007 un indi- et al. Large scale nutritional status assessment in pediatric hospitals.
cateur de performance par contrôle annuel du pourcentage de E-SPEN J 2013;8:e68–72.
patients dépistés pour la dénutrition dans les hôpitaux, ce qui [6] De Luca A, Piloquet H, Mansilla M, Simon D, Fischbach M, Caldari
a permis de passer de 51 % d’enfants dépistés en 2007 à 72 % en D, et al. Évaluation tricentrique de l’état nutritionnel chez l’enfant
2010. Pourtant, en France, la recherche d’une dénutrition chez hospitalisé. Arch Pediatr 2012;19:545–6.
l’enfant n’est pas un critère « indicateur pour l’amélioration de [7] Joosten KF, Zwart H, Hop WC, Hulst JM. National malnutrition scree-
la qualité et de la sécurité des soins » (IPAQSS), contrairement à ning days in hospitalised children in The Netherlands. Arch Dis Child
2010;95:141–5.
l’adulte.
[8] Hankard R, Bloch J, Martin P, Randrianasolo H, Bannier MF, Machinot
S, et al. Nutritional status and risk in hospitalized children. Arch Pediatr
2001;8:1203–8.
 Conclusion [9] Sermet-Gaudelus I, Poisson-Salomon AS, Colomb V, Brusset MC,
Mosser F, Berrier F, et al. Simple pediatric nutritional risk score to
La dénutrition chez l’enfant est essentiellement retrouvée en identify children at risk of malnutrition. Am J Clin Nutr 2000;72:64–70.
milieu hospitalier où elle est encore souvent méconnue. La France [10] Merritt RJ, Suskind RM. Nutritional survey of hospitalized pediatric
possède des recommandations nationales proposant l’IMC infé- patients. Am J Clin Nutr 1979;32:1320–5.
rieur au troisième percentile comme seuil pour le dépistage de la [11] Sempé M, Pédron G, Roy-Pernot M. Auxologie : méthodes et
dénutrition. De nombreuses situations peuvent conduire à une séquences. Paris: Théraplix; 1979.
dénutrition et en particulier toute maladie chronique. La prise en [12] Chumlea WC, Guo SS, Steinbaugh ML. Prediction of stature from
charge doit être adaptée à la sévérité de la dénutrition et nécessite knee height for black and white adults and children with applica-
un suivi afin de réévaluer la stratégie nutritionnelle. tion to mobility-impaired or handicapped persons. J Am Diet Assoc
1994;94:1385–8.
[13] Rolland-Cachera MF, Cole TJ, Sempé M, Tichet J, Rossignol C, Char-
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• Les recommandations de repérage de la dénutrition BMJ 2007;335:194.
comportent en premier lieu le calcul de l’IMC puis, s’il [15] Mei Z, Grummer-Strawn LM, Pietrobelli A, Goulding A, Goran MI,
Dietz WH. Validity of body mass index compared with other body-
est inférieur au troisième percentile, la poursuite de la composition screening indexes for the assessment of body fatness in
démarche en recherchant une stagnation ou une cassure children and adolescents. Am J Clin Nutr 2002;75:978–85.
de croissance pondérale, des signes cliniques de dénutri- [16] Hankard R, Colomb V, Piloquet H, Bocquet A, Bresson J-L, Briend
tion et une cause. A, et al. Dépister la dénutrition de l’enfant en pratique courante. Arch
• La dénutrition chez l’enfant est principalement retrou- Pediatr 2012;19:1110–7.
vée à l’hôpital, sa prévalence est comprise entre 10 et [17] Organisation mondiale de la Santé (OMS). Normes de crois-
15 %. sance OMS et identification de la malnutrition aiguë sévère
chez l’enfant. www.who.int/nutrition/publications/severemalnutrition/
• Le diagnostic de dénutrition chez l’enfant est clinique ;
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il ne nécessite aucun examen complémentaire. [18] Laillou A, Prak S, de Groot R, Whitney S, Conkle J, Horton L,
• La renutrition doit être prudente si la dénutrition est et al. Optimal screening of children with acute malnutrition requires
sévère afin d’éviter un syndrome de renutrition inappro- a change in current WHO guidelines as MUAC and WHZ identify
priée, préférentiellement par voie orale ou entérale si le different patient groups. PloS One 2014;9:e101159.
tube digestif est fonctionnel. [19] Emond AM, Blair PS, Emmett PM, Drewett RF. Weight faltering in
• Le calcul des apports nutritionnels doit être fait sur le infancy and IQ levels at 8 years in the Avon Longitudinal Study of
Parents and Children. Pediatrics 2007;120:e1051–8.
poids cible et non sur le poids à la prise en charge. [20] Hoddinott J, Behrman JR, Maluccio JA, Melgar P, Quisumbing AR,
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8 EMC - Pédiatrie

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Dénutrition de l’enfant  4-002-L-35

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A. De Luca, Docteur en médecine, docteur en sciences (a.deluca@chu-tours.fr).


Inserm U1069, « Nutrition, croissance et cancer », 10, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France.
Unité mobile de nutrition, CHU de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : De Luca A. Dénutrition de l’enfant. EMC - Pédiatrie 2017;12(3):1-9 [Article 4-002-L-35].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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