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Configurations géométriques - Portiques Les portiques face aux structures

Structures composées de portiques plus anciennes


fiche technique n°2 Portiques à nœuds rigides
Structures 2D composées de
plusieurs portiques à nœuds
rigides
Structures 3D composées de
portiques à nœuds rigides
Conclusion

1 2 3 4 5 6 7 8 9
1 Classement des structures
3 Configurations géométriques -
Voiles et dalles
4 Configurations géométriques -
Voûtes et coques
5 Le béton armé, principes
mécaniques

1 2 3 4 5 6 7
1 Esthétique des bétons

Introduction
A L N P T V
La présente fiche s’intéresse à la conception des structures en portiques. Si cette typologie structurelle est
Lille - Ecole d’Architecture
souvent illustrée dans les cours en école d’architecture par des exemples recourant aux matériaux bois et acier,
Nantes - Ecole d’Architecture
de nombreux exemples de portiques en béton armé ou précontraint témoignent des larges possibilités du béton
Valenciennes - Parking de l’hôpital
pour répondre à ce principe structurel. Nous abordons la question dans sa généralité en essayant de montrer les
différents principes qui conduisent à réaliser de telles structures. Il peut arriver que les explications dépassent
quelque peu le cadre strict d’un enseignement en école d’architecture. Nous avons cependant décidé de
maintenir ces explications car nous pensons qu’elles représentent des informations utiles dans le cadre d’un
enseignement utilisant ce didactitiel.

1 Les portiques face aux structures plus anciennes

Un portique est une structure élémentaire, constituée de deux montants supportant une traverse, ces trois
éléments ayant leur axe contenu dans un même plan. Sa fonction structurelle est de porter les charges qui
s’appliquent sur lui en les déviant vers ses fondations, pour générer ainsi un espace dégagé.

Dans les limites de ce document les


montants seront des poteaux et la traverse
sera une poutre, tout élément étant
supposé répondre en même temps aux
sollicitations de flexion, traction ou
compression et cisaillement.

Figure 1. Un portique est une structure composée de deux


poteaux et une poutre qui dégage un espace entre ces trois
éléments et le sol.

Une structure composée de portiques est


une ossature obtenue par la répétition de
ces éléments, qui permet de créer un
espace abrité et éventuellement des étages.

Figure 2. En composant des portiques on obtient des espaces


abrités et des étages.

La fonction structurelle du portique est égale à celle d’un trilithe ou d’une arche, mais le principe de portée des
portiques diffère de celui des trilithes et des arches. Ces derniers peuvent d’ailleurs être utilisés pour en
expliquer le fonctionnement.

1.1 Trilithe

Comme son nom l’indique, un trilithe (Figure 3 et Figure 4) se compose de trois pierres, deux en forme de
menhirs ou de colonnes supportant la troisième qui constitue le linteau. Les trois éléments sont mis en place par
simple contact, la stabilité de l’ensemble étant assurée par la gravité.

Figure 4. Un trilithe. Le linteau « décharge » les


Figure 3. Trilithes de Stonehenge. ©Wikimedia forces extérieures q et son propre poids sur les
Commons colonnes en mettant en jeu essentiellement sa
résistance au cisaillement. Les flèches rouges
indiquent qualitativement les efforts intérieurs de
compression, les flèches bleues les tractions.

Lorsque le trilithe est chargé horizontalement, il résiste par son poids propre: grâce à l’épaisseur des colonnes
une éventuelle rotation de celles-ci entraîne un soulèvement de leurs barycentres et du barycentre du linteau et
donc un travail des charges gravitaires qui s’y opposent.

Figure 5 . Résistance du trilithe aux forces horizontales. Le linteau et les colonnes se soulèvent sous l’effet du travail
des forces p; par conséquent les forces appliquées q et les poids propres des trois pierres (qu’on peut voir comme des
forces verticales dirigées vers le bas et appliquées en A, B et C) font un travail qui s’oppose à ce mouvement.

1.2 Arche

Une arche (Figure 6) est une structure qui, par sa forme, réalise une descente des charges telle que la matière
est sollicitée en compression. Construites traditionnellement en pierre ou en briques, ces structures ont
éventuellement une résistance à la traction très limitée.

Figure 6– Arc de Tite, Rome. ©Howard Hudson

Le principe de portée de l’arche est celui de la caténaire inversée : l’arche ne rompt pas tant qu’elle donne lieu à
une descente des charges vers ses naissances, la courbe idéale générée par les centres de pression de chaque
section de l’arche ayant alors le profil inversée d’une chaînette soumise au même chargement. Cette caténaire
inversée est donc entièrement contenue entre l’intrados et l’extrados de l’arche, car il en est ainsi des centres de
pression en chaque section par conséquent de la non résistance à la traction (Figure 7, Figure 8).
Figure 7. Modélisation par une chaînette d’une tranche du dôme de Saint Pierre de Rome par Poleni (1748). On voit
que la chaînette inversée est située entre l’intrados et l’extrados.

L’équilibre d’un tel système sous charges verticales génère une poussée aux naissances, dont la valeur est :

H = Mmax/f,

Mmax étant le moment maximal des charges extérieures par rapport à l’un des appuis (la condition de non
résistance à la traction implique que les naissances ne peuvent être encastrées) et f étant la flèche (distance
entre le sommet de l’arche et la droite reliant les 2 appuis) - a priori inconnue - de la chaînette idéale. Si la
poussée ne peut pas être reprise par les appuis la structure ne pourra pas rester en équilibre statique. Notons
que la poussée peut être reprise par des câbles reliant les appuis, comme par exemple dans le cas du CNIT.

Figure 8. Arche non résistant à la traction sous chargement vertical; (a) structure et chargement, (b) ligne funiculaire
(en rouge) et réactions aux appuis.

1.3 Vers le portique

Si on réalise une arche avec un matériau résistant aussi à la traction, le schéma statique de la chaînette inversé
reste valable, mais la condition qu’elle doive être contenue dans le profil de l’arche disparaît. Les sections de
l’arche répondront au chargement avec un effort normal et un moment fléchissant, le rapport entre le deuxième
et le premier donnant l’excentricité de la caténaire idéale par rapport au barycentre de chaque section.

La structure met toujours en place une poussée sur ses liaisons aux extrémités, mais celles-ci pourront
maintenant être aussi bien des encastrements que des rotules ou des appuis simples.

Figure 9. Arche résistant à la traction sous chargement vertical; (a) structure et chargement, (b) ligne funiculaire (en
rouge) et réactions aux appuis de cette ligne.

Cet exemple montre qualitativement l’origine du schéma structurel du portique. Des éléments de structure
pouvant être fléchis, mis en continuité entre deux blocages (qui pourront être des rotules ou des
encastrements), réalisent une descente des charges donnant lieu à une poussée horizontale sur ces appuis. Le
système sera d’autant moins fléchi que sa géométrie sera proche du funiculaire du chargement, ce qui entraîne,
par ailleurs, que des moments fléchissant maximum seront attendus aux angles, le funiculaire étant le plus
souvent une courbe continue.

Si l’une des deux extrémités du portique est simplement appuyée il ne sera pas possible pour la structure de
pousser sur son support. Du point de vue du funiculaire cela implique que l’analogie avec la chaînette inversée
ne pourra plus être exploitée.

2 Portiques à nœuds rigides

On parle de nœuds rigides lorsque la jonction entre la poutre et le poteau est telle que les rotations de
l’extrémité de l’un sont liées aux rotations de l’extrémité de l’autre. C’est typiquement le cas des structures en
béton armé lorsque les armatures traversent les nœuds sans dévier ni s’interrompre.
Figure 10. Nœud rigide d’une ossature en béton, chantier de l’école d’architecture de Nantes. On observe la reprise de
bétonnage et la continuité des armatures du poteau, qui assurent la continuité des efforts au nœud. ©S. Darmaillacq-
Chardonnet

L’enjeu principal de ces systèmes constructifs est le couplage flexion-flexion entre membrures concurrentes dans
un même nœud, ce qui permet la distribution de l’énergie de flexion dans la structure et, par conséquent, réduit
la localisation des efforts intérieurs. Par ailleurs ce même effet de distribution entraîne une égalisation du besoin
de résistance.

On analyse d’abord les caractéristiques de ces structures en se limitant à deux dimensions, pour passer ensuite
aux structures spatiales.

2.1 Portiques plans à nœuds rigides – Actions verticales

La fonction primaire de toute structure du génie civil est la reprise d’actions verticales (charges permanentes et
d’exploitation d’origine gravitaire, charges de neige); on va donc d’abord étudier le fonctionnement des
structures bidimensionnelles en portiques à nœuds rigides par rapport à ces actions. Un deuxième besoin est la
reprise d’actions horizontales (charges de vent et sismique) et la réponse aux effets de second ordre générés par
les actions verticales. Une troisième famille de problèmes est liée aux chargements thermiques, dont
l’importance relève de la nature hyperstatique des structures qu’on étudie. En effet, les variations
dimensionnelles sous les changements de température d’une partie d’une structure ne génèrent des contraintes
que si les dilatations sont bloquées. Par exemple, une poutre sur deux appuis simples peut se dilater librement
tandis qu’une poutre bi encastrée, hyperstatique d’ordre 3, sera le siège de contraintes de compression sous
l’effet d’une dilatation empêchée.

2.2 Raisonnement pour une poutre

Une poutre est un élément de structure qui canalise des charges verticales vers ses appuis. Le rôle principal de
la poutre dans un portique est donc évident. Pour une poutre sur deux appuis qui supporte un chargement
uniformément distribué q le diagramme de moment fléchissant est une parabole ayant son maximum au milieu
de la portée l, et vaut ql2/8 (cf fiche béton armé pour la démonstration). On sait aussi que ce moment est le plus
grand qu’on puisse avoir sur une poutre de même portée et chargée de la même manière dans les différentes
conditions d’appuis (à l’exclusion des porte-à-faux et des extrémités libres). La poutre bi-encastrée est à
l’opposé celle qui répond au chargement q avec le plus petit moment à mi-portée, soit ql2/24, mais avec des
moments d’encastrement de -ql2/12.

Du point de vue des déplacements, la flèche de la poutre sur deux appuis est (5 ql4)/(384 EI), soit 5 fois plus
grande que pour la poutre bi-encastrée.

Figure 11. Poutre sur deux appuis et bi-encastrée sous chargement uniforme: (a) géométrie et chargement, (b)
diagramme du moment, (c) courbe élastique.

On en déduit que le schéma isostatique est le moins intéressant du point de vue de la minimisation des efforts
maximum. Cela n’empêche pas nombre de ponts d’avoir un tablier isostatique, mais les raisons sont alors à
trouver dans la méthode de construction, la maîtrise des effets du fluage, la simplicité de conception des appuis
simples par rapport aux encastrements, etc. Cependant, une poutre hyperstatique supportant le même
chargement uniforme est sollicitée de façon plus égale et avec un moment maximal inférieur en valeur absolue.
Ce résultat théorique suppose cependant que les encastrements soient parfaitement rigides.

En réalité les liaisons à l’extrémité d’une poutre ne sont pas toujours parfaites. Elles seront caractérisées par des
raideurs non infinies et engendreront donc de moments aux extrémités inférieures aux moments d’un
encastrement parfait. Nous retrouvons alors le schéma mécanique de la Figure 12 sur laquelle M1 et M2 sont les
moments que peuvent reprendre les liaisons, non parfaites, aux extrémités.

Figure 12. Poutre sur deux appuis avec blocage élastique des rotations sous chargement uniforme.

2.3 Portiques d’ouverture rectangulaire

Pour une poutre d’un portique, liée aux extrémités à des poteaux, les moments aux extrémités vont dépendre du
type de liaison choisi ainsi que du rapport des raideurs de la poutre et des poteaux. Cette poutre se trouvera
dans le cas de la Figure 12, c’est-à-dire entre la situation de la poutre isostatique (M1 = 0 , M2 = 0, a priori la
moins favorable) et celle du double encastrement, celui-ci ne pouvant être obtenu que comme cas limite (alors
que la mise en place de rotules aux nœuds est réalisable).

Cette mobilisation de M1 et M2 va dépendre des raideurs relatives de la traverse et des poteaux. Pour un
portique à deux montants (Figure 13), de moment I1 et de hauteur h, encastrés à une poutre, de moment
d’inertie I2 et de portée l, la solution dépend du paramètre k :

Avec

Figure 13 – Portique à deux montants encastrés.

Dans ce type de portique, la flexion est transmise de la poutre aux poteaux de façon d’autant plus importante
que k est petit, c’est-à-dire d’autant plus que les poteaux sont raides à la flexion par rapport à la poutre."
Pour un chargement uniformément réparti, le moment de flexion tend les fibres extérieures des poteaux à leur
tête et les fibres intérieures à leur base, la section au tiers de la hauteur de ces éléments n’étant pas fléchie.
Inversement, le moment maximal à mi-portée de la traverse est d’autant plus grand que celle-ci est raide par
rapport aux poteaux.

La possibilité de répartir la matière entre poutre et poteaux offre des possibilités architecturales. La Neue
Nationalgalerie de Mies Van der Rohe à Berlin est un exemple de surdimensionnement des poutres de toiture, ce
qui a réduit les moments fléchissants dans les poteaux et donc leur importance.

Pour retenir les ordres de grandeur ou du moins les


valeurs limites, on pourra retenir les valeurs
extrêmes données sur la Figure 15.

Figure 15 – Portique à deux montants encastrés de la


Figure 14. Neue Nationalgalerie de Berlin. Exemple figure 13 sous chargement uniforme de la poutre: (a)
d’une façade très transparente obtenue par le diagramme du moment, (b) diagramme de l’effort
surdimensionnement des poutres de toiture, ce qui a tranchant, (c) diagramme de l’effort normal.
permis de réduire la taille des poteaux de façade.

Si les poteaux sont articulés à leurs bases (Figure 16), les répartitions des efforts intérieurs limites changent
dans la poutre par rapport au cas bi-encastré (Figure 17). Le moment en pied de poteaux s’annule. Cependant,
l’influence du paramètre k change (voir figure 18). Pour obtenir une réduction du moment à mi-travée ou de la
flèche égale à celle du cas précédent (montants encastrés à leur base) il faut diminuer k (Figure 18).

Figure 17 – Portique à deux montants


rotulés sous chargement uniforme de
la poutre: (a) diagramme du moment,
(b) diagramme de l’effort tranchant,
(c) diagramme de l’effort normal.

Figure 16 – Portique à deux montants Figure 18. Moment maximum


rotulés. (en haut) et flèche maximale
(en bas) à mi travée de la
poutre pour des portiques à
deux poteaux encastrés (en
bleu) ou rotulés (en rouge)
sous chargement uniforme de
la poutre.

NOTE sur la figure 18 : Moment (en haut) et flèche (en bas) au milieu de la poutre pour des portiques à deux
montants encastrés (en bleu) ou rotulés (en rouge) sous chargement uniforme de la poutre. Notez qu’on trace
des valeurs normalisées, c’est-à-dire qu’on trace le rapport entre la valeur fonction de k (moment ou flèche dans
la poutre du portique) et la même valeur mesurée au milieu d’une poutre de même raideur mais posée sur deux
appuis (moment ou flèche au milieu de la poutre sur deux appuis).
Par ailleurs le paramètre k ne fait qu’exprimer la raideur des poteaux en proportion de celle de la poutre. Ces
diagrammes donnent donc l’effet de la variation de la raideur des poteaux sur le moment et sur la flèche au
milieu de la poutre, celle-ci ayant une raideur fixe, prise comme référence pour tracer les courbes.

2.4 Portiques à poteaux ou poutre inclinés

Si la traverse et/ou les montants sont inclinés (Figure 19), une interaction entre efforts normaux, qui ne peut
pas exister pour des croisements à angle droit, prend naissance dans le portique.

Figure 19. Exemples de portiques avec éléments inclinés.

Cette interaction peut engendrer des économies de matière. Lorsque le comportement du portique s’approche de
celui d’une arche, une partie de l’énergie élastique mise en jeu par le chargement est générée par des efforts
normaux plutôt que par des moments fléchissants ; les sections sont alors éventuellement exploitées plus
uniformément.
C’est le cas par exemple du portique à traverse brisée symétrique avec montants rotulés.

Figure 20. Portique à traverse brisée symétrique avec montants rotulés.

Les allures des moments, efforts normaux et efforts tranchants sont donnés sur la Figure 21 pour un chargement
vertical sur les poutres. Dans ce portique, le moment au point de brisure de la traverse décroît en fonction de f,
avec une réduction par rapport au portique à angles droits d’autant plus importante que k est faible (c’est à dire
que la traverse est souple par rapport aux montants (Figure 22 et Figure 23). On peut obtenir par exemple un
moment nul en ce point pour les valeurs données dans le tableau ci-dessous :

Figure 21. Portique à traverse brisée symétrique avec


montants rotulés sous chargement uniforme de la poutre:
(a) diagramme du moment, (b) diagramme de l’effort
tranchant, (c) diagramme de l’effort normal.

Le gain a éventuellement pour contrepartie une augmentation de la poussée horizontale aux rotules, et donc des
efforts tranchants plus importants dans les poteaux (Figure 23). La poussée diminue avec f dans les structures
ayant la traverse plus souple que les montants, mais augmente dans les cas contraires. On peut en conclure que
la typologie du portique à traverse brisée est intéressante si la raideur des montants est importante face à celle
des poutres (K < 1 pour fixer les idées).

On observe la réduction du moment au


milieu de la traverse en fonction de la flèche
de celle-ci (pour f → 0 on obtient la réponse
du portique à angles droits). Les couleurs
correspondent à des valeurs différentes de
k ; les courbes d’égale couleur indiquent les
fuseaux qui s’obtiennent à k fixé pour
différents rapports l/h égal à 1 ou 5.

Figure 22. Portique à traverse brisée symétrique avec


montants rotulés, chargé uniformément sur la traverse :
moment au point de brisure de la traverse en fonction de la
flèche de celle-ci (une flèche nulle correspond à une traverse
continue). Les couleurs dénotent des valeurs différentes de k;
les courbes d’égale couleur indiquent les fuseaux qui
s’obtiennent à k fixé pour des rapports l/h variables entre 1
et 5.

On observe la variation de la poussée


horizontale aux rotules en fonction de la
flèche de la traverse (pour f → 0 on obtient
la réponse du portique à angles droits). Les
couleurs correspondent à des valeurs
différentes de k ; les courbes d’égale
couleur indiquent les fuseaux qui
s’obtiennent à k fixé pour un rapport l/h
égal à 1 ou 5.
Figure 23. Portique à traverse brisée symétrique, avec
montants rotulés, chargé uniformément sur la traverse :
poussée horizontale aux pieds en fonction de la flèche de la
traverse. Voir figure 22.

2.5 Portiques à nœuds rigides - Actions horizontales

Cas du portique simple, poteaux raides/poutre raide.


Comme nous l’avons vu, il s’établit une collaboration entre poutre et poteaux qui permet la distribution des
effets sur l’ensemble de la structure.
A la différence du trilithe présenté au début du chapitre, dans le portique, ce sont les déformations élastiques qui
s’opposent au renversement, plutôt que la force de gravité. La traverse joue un rôle central, qui peut être illustré
à partir du fonctionnement d’un pilier isolé (Figure 24).

Un pilier encastré à sa fondation répond à une force horizontale appliquée à son sommet en fléchissant. Le
moment de flexion est maximal à la base et nul au sommet (Figure 25). Ce comportement est radicalement
différent de celui du monolithe, dont la résistance au renversement est due à l’effet stabilisant du poids propre.

Figure 24 – Réponses à une force horizontale d’un pilier (a)


et d’un monolithe (b); le premier fléchit alors que le
deuxième se soulève. Figure 25 – Diagramme du moment dans un
pilier fléchi.

On peut réaliser un portique en exploitant ce principe élémentaire de fonctionnement des piliers sous actions
horizontales, en appuyant la traverse sur les montants. C’est par exemple le cas des viaducs (Figure 29).

On peut aussi associer les montants par le biais de la traverse, en assurant simplement le couplage effort
normal/effort tranchant, c’est à dire en introduisant des rotules aux nœuds. Dans un tel système la force
horizontale se distribue sur les poteaux, qui répondent en se fléchissant dans les conditions de l’exemple
précédent. La traverse est simplement comprimée; elle ne subit pas de flexion.
Par ailleurs dans ce même système, en présence d’un chargement sur la poutre, celle-ci répond sans
collaboration de la part des montants, comme une poutre sur deux appuis.

Figure 26 – Diagramme du moment dans un portique à nœuds rotulés (a) sous charge horizontale, (b) sur
chargement vertical uniformément distribué sur la poutre.

Si au contraire les nœuds sont rigides, les trois membrures vont collaborer par une interaction flexion-flexion.
Pour un portique avec montants encastrés comme en Figure 27, les moments à la base peuvent être réduits de
moitié par l’effet collaborant de la traverse dans le cas où celle-ci est beaucoup plus souple que les poteaux (cas
limite k→∞ (Figure 28).
Figure 27 – Portique à deux montants encastrés de la
figure 13 sous une force horizontale F au niveau de la
traverse: (a) diagramme du moment, (b) diagramme
de l’effort tranchant, (c) diagramme de l’effort
normal. Figure 28 – Moments aux encastrements d’un
portique à deux montants encastrés chargé par une
force horizontale F au niveau de la traverse: on
observe l’effet collaborant de la poutre, qui -- à la
limite d’une traverse infiniment rigide -- réduit ces
moments à la moitié de la valeur sans traverse
collaborante.

Figure 29. Viaduc de Pont-d’Ouche sur l’autoroute A6. ©Jacques Mossot

Les travées sont simplement appuyées sur les piliers pour éviter tout effort induit par affaissement ou rotation
des fondations et par effets thermiques. Chaque pilier est un portique à deux montants encastrés, dont la
traverse est dessinée de façon à optimiser le fonctionnement de l’ensemble sous forces horizontales dans le plan
du portique : la hauteur de la traverse est choisie en proportion au moment fléchissant induit par ces forces.

Ce principe de fonctionnement permet d’ailleurs la réalisation de portiques avec montants rotulés, dont la
résistance aux actions horizontales est entièrement assurée par la traverse.

Figure 30. Portique à deux montants rotulés sous une force horizontale F au niveau de la traverse: (a) diagramme du
moment, (b) diagramme de l’effort tranchant, (c) diagramme de l’effort normal.

Influence de la déformabilité structurelle sur la stabilité de l’équilibre sous l’action des forces
verticales
Le comportement aux actions horizontales des différents types de portiques conditionne leur stabilité vis-à-vis
des perturbations de l’équilibre sous chargement vertical. Celles-ci peuvent en effet entraîner la perte de la
stabilité de la structure. Ainsi, un système ayant une meilleure réponse aux actions horizontales sera plus stable
vis-à-vis des actions verticales. Pour présenter cette propriété, on compare les deux cas du portique avec
montants encastrés ou rotulés sous un chargement de force verticale P agissant sur la tête des poteaux.

Figure 31 – Portiques étudiés pour l’analyse de la stabilité de l’équilibre.

Notons d’abord que l’instabilité peut avoir lieu de façon symétrique ou non. Si la déformée instable est
symétrique et les montants encastrés, les nœuds se déplacent suivant une verticale. La longueur de flambement
des poteaux est alors comprise entre celle d’un poteau encastré en pied et articulé en tête d’une part (poutre de
raideur négligeable par rapport à celle des poteaux) et celle d’un poteau bi encastré d’autre part (poutre de
raideur infinie par rapport à celle des poteaux) :

2π2El1/h2 ≤ Pcr ≤ 4π2El1/h2


Le terme de gauche représente la charge limite de flambement d’Euler pour le cas où une extrémité du poteau
est articulé, l’autre encastrée, celui de droite pour un poteau bi encastré

Dans les mêmes conditions de déformation, si les montants sont rotulés les bornes sont les suivantes :

π2El1/h2 ≤ Pcr ≤ 4π2El1/h2


Si la déformée est asymétrique et les montants encastrés Pcr sera compris entre la valeur correspondant à une
poutre console d’Euler (poutre de raideur négligeable par rapport à celle des poteaux) et celle d’une poutre
encastrée à une extrémité et liée à une glissière de l’autre (poutre de raideur infinie par rapport aux poteaux)
(Figure 32)
π2El1/(4h2) ≤ Pcr ≤ 2π2El1/h2
Ces charges critiques sont toujours inférieures aux valeurs du flambement symétrique. Si les pieds sont rotulés
les bornes descendent davantage.

0 ≤ Pcr ≤ 4π2El1/(4h2)

En conclusion, les différents types de flambement non symétriques des portiques sont caractérisés par une
charge critique plus faible que les flambements symétriques, et sont donc à craindre d’avantage. Il s’en suit que
pour assurer la stabilité de l’équilibre des portiques il faut avant tout s’assurer de la qualité des éléments qui
garantissent la réponse sous les actions horizontales (les nœuds montants-traverse et la raideur en flexion de
ces trois membrures) et mettre éventuellement en place des systèmes auxiliaires de contreventement
horizontal. Si le contreventement est indispensable pour assurer la stabilité des structures, on voit ici que dans
le cas des portiques, sa performance est aussi liée à sa capacité à minimiser les déformations structurelles, dont
on vient de voir les conséquences en terme de flambement.

Figure 32. Comparaison des modes de flambement pour des portiques symétriques chargés symétriquement. Charge
critique sans dimensions p=Pcr h2/EI1 en fonction du paramètre k qui représente le rapport des raideurs des poteaux
et de la poutre.

Actions thermiques
Un portique est une structure hyperstatique, de degré un si les montants sont rotulés en pieds et encastrés à la
traverse ou encastrés en pieds et rotulés sur la traverse, de degré trois s’ils sont encastrés en pieds et sur la
traverse.

Les changements de température engendrent des sollicitations thermiques dans les éléments du portique, et ce
d’autant plus que le degré d’hyperstaticité est élevé.

Le plus souvent, on fait en sorte que les sollicitations thermiques restent négligeables vis-à-vis de celles
générées par les efforts extérieurs, en donnant des dimensions appropriées à la structure ou en choisissant des
systèmes constructifs qui permettent de les éliminer par le jeu de dilatations autorisées en certains endroits de
la structure. Le cas d’ossatures expressément renforcées pour répondre aux effets thermiques est rare.

Un premier cas d’étude est celui des viaducs pour lesquels les piles sont assimilées au poteaux d’un portique
multi travée et le tablier à une poutre reliant ces poteaux entre eux. La structure qui s’étend parfois sur une très
grande longueur, ne peut répondre aux changements de température qu’en se dilatant ou se contractant. De
plus, des tassements différentiels des appuis sont inévitables compte tenu du grand nombre d’appuis et des
différences de comportements du sol sur des grandes étendues. Pour répondre à ces questions, les traverses
sont désolidarisées des piles, de sorte que chacune puisse se dilater sans affecter le mouvement de ses voisines
ni engendrer d’efforts sur les piliers. A la tête des piliers on trouve donc des appuis simples pour les poutres,
réalisés de nos jours par des blocs de néoprène frettés.

Plus rarement le tablier est solidaire de plusieurs piliers. Dans ce cas on trouve deux types de solutions :
Les joints de dilatation sont situés en travée. La structure est une juxtaposition de portiques avec débords en
encorbellement reliés entre eux par des poutres isostatiques sur appuis simples (solution dite d’appui à la
Gerber; Figure 33a).
La poutre est continue sur plusieurs appuis. Pour limiter les longueurs du tablier, un joint de dilatation
intermédiaire est nécessaire (Figure 33c). Cette solution est assez rare.

Figure 33. Types de travée discontinue: (a) Gerber, (b) schéma qualitatif du diagramme du moment sous chargement
uniforme; (c) avec appui sur pilier, (d) schéma qualitatif du diagramme du moment sous chargement uniforme.

La première solution a l’avantage de pouvoir absorber sans inconvénients majeurs des tassements d’appuis. Elle
est donc appropriée pour des infrastructures de plus grandes dimensions. La configuration du second type est
appropriée aux petites dimensions et a l’avantage d’une meilleure collaboration de la traverse à la reprise des
efforts horizontaux (plusieurs piliers se trouvent alors en collaboration), ce qui présente par exemple un
avantage en zone sismique.

Un deuxième cas d’étude est donné par les ossatures des bâtiments à un ou plusieurs étages. Normalement,
dans ce cas, on évite que les actions thermiques puissent générer des efforts importants en limitant la distance
entre joints de dilatation des bâtiments à 30 m environ.

Pour un élément en béton continu de 30 m de longueur, le coefficient de dilatation thermique du béton étant de
10 10-6 (m/m/°C-1), on a un allongement de 0.3 mm/°C, soit 6 mm pour un écart de température de 20 °C. La
contrainte qui apparaît dans une pièce, si elle ne peut pas se dilater, est alors de 7 MPa (en considérant un
module d’Young de 35 GPa).
Cette valeur non négligeable est du même ordre de grandeur que les contraintes engendrées par le chargement
mécanique. Bien sûr la réalité est un peu moins sévère pour le béton car le bâtiment n’est jamais complètement
indéformable.

L’introduction de palées ou noyaux de contreventement dans les ossatures pour la reprise des actions
horizontales interagit avec la réponse thermique de la structure. Les éléments de contreventement limitent la
possibilité des pièces de se dilater ou se rétracter, et, par conséquent, engendrent des contraintes d’origine
thermique en réduisant l’efficacité des joints de dilatation. Pour éviter ce problème, on place normalement les
palées de contreventement le moins près possible des joints, c’est à dire plutôt en milieu de rangée qu’aux
extrémités.

3 Structures 2D composées de plusieurs portiques à nœuds rigides

3.1 Cas du portique multiple

L’adjonction de plusieurs portiques sur un même plan permet la réalisation d’une structure élémentaire basée
sur les mêmes propriétés. Du point de vue de la tenue des charges verticales, on a une travée multiple : la
continuité du moment fléchissant au travers des nœuds permet la redistribution de l’énergie de flexion et conduit
en général à une économie de matière. Du point de vue des actions horizontales, la réponse de la structure peut
être modifiée en jouant sur l’espacement des poteaux. Pour des poteaux également espacés on a aussi des
travées égales ; la raideur des montants sera donc a priori égale et il en sera aussi pour la raideur des poutres.
Dans un tel système, tous les portiques reprennent la même fraction de la charge horizontale appliquée (Figure
34a). Si on introduit dans le système une travée de portée réduite (Figure 34b), de façon que sa raideur domine
sur celle des poteaux, (c’est-à-dire que I2/l augmente puisque l diminue), le portique ainsi constitué aura une
plus grande raideur vis-à-vis des actions horizontales et mettra donc en jeu une plus grande partie de l’énergie
élastique totale. Ce portique fonctionnera par conséquent comme une palée stabilisant l’ensemble.

Figure 34. Portiques multiples avec travées égales (a) et avec travée intermédiaire 2-3 plus petite que les travées de
rive (b). Dans le cas (c) la stabilisation latérale est entièrement générée par la travée centrale.

3.2 Cas des étages multiples

La superposition de portiques génère une structure étagée. La reprise des actions verticales et horizontales dans
l’étage courant se trouve légèrement modifiée par rapport au cas du portique simple.

Pour expliquer le changement, prenons le cas d’un cadre fermé, dont la traverse supérieure est chargée
uniformément verticalement, et supportée par des forces verticales sur les montants au niveau de la traverse
inférieure.

Figure 35. Cadre fermé, chargé uniformément sur la traverse supérieure et supporté sur les montants au niveau de la
traverse inférieure.

Les calculs montrent que le cadre fermé (Figure 36) a un comportement intermédiaire entre le portique avec
montants encastrés et celui avec montants rotulés (Figure 37). Cet effet dépend de la raideur de la traverse
inférieure (supposée ici égale à celle de la traverse supérieure).
Figure 36. Cadre (a) diagramme du moment, (b) diagramme de l’effort tranchant, (c) diagramme de l’effort normal.

En particulier, on voit que le chargement d’une traverse entraîne la flexion opposée de l’autre, avec une
réduction de 1/3 du moment transmis par les montants. Le moment maximum en travée pour un chargement
uniforme sur les traverses dépend aussi de la valeur de la raideur relative k (Figure 38). Il en est de même pour
les moments aux angles du cadre (Figure 39).

Figure 37. Comparaison du moment au milieu de la Figure 38. Diminution relative du moment à mi-
travée (supérieure) dans le cadre fermé (vert) et portée pour un cadre chargée par la même charge
dans les portiques avec montants encastrés (rouge) répartie verticale sur les deux travées. La courbe tend
et rotulés (bleu). On voit que la première structure a vers zéro lorsque k→∞.
un comportement intermédiaire entre les deux
autres.

Figure 39 – Moment aux nœuds de la travée supérieure pour un cadre chargé sur la seule travée supérieure ou
également sur les deux travées par un chargement uniformément distribué vertical. Les deux courbes tendent à
zéro lorsque k→∞.

Pour expliquer le comportement du cadre fermé vis-à-vis d’un chargement horizontal au niveau des traverses
(Figure 40) il suffit de voir que, à cause de la symétrie du problème, les montants seront fléchis comme si ils
étaient rotulés au centre. Il s’en suit que, indépendamment de la raideur relative entre montants et traverses (à
conditions que les montants soient égaux et les traverses aussi), les sollicitations sont celles d’un portique avec
montants rotulés de hauteur moitié, sous le même chargement (Figure 41).

Figure 40. Cadre fermé, chargé au niveau des Figure 41. Cadre de figure pércedente: (a) réduction
traverses par deux forces horizontales opposées. du problème à celui du portique avec montants
rotulés, (b) diagramme du moment, (c) diagramme
de l’effort tranchant, (d) diagramme de l’effort
normal.

Cet exemple nous montre que la répartition des actions horizontales sur un système de portiques superposés ne
dépend de la raideur relative entre poutres et poteaux que d’une façon secondaire, à condition que ces éléments
soient capables de reprendre les efforts idéaux du système isostatique.

Il existe donc deux conceptions différentes de la structure élémentaire obtenue par superposition multiple de
portiques :
traverses non collaborantes à la stabilité horizontale ;
traverses collaborantes.

Dans le premier cas, le système n’est stabilisé que par la raideur en flexion des poteaux, les poutres étant
rotulées aux extrémités. Il s’agit d’un schéma qui ne peut normalement être utilisé qu’en présence d’autres
systèmes de stabilisation ou pour de très faibles charges horizontales.
Figure 42. Exemples d’étages non collaborants pour le contreventement.

Dans le deuxième cas, des portiques à nœuds rigides sont superposés; indépendamment du rapport des raideurs
entre poutres et poteaux, mais en fonction du rapport de leurs longueurs, la structure sera contreventée par
effet de cadre fermé à tous les étages mettant efficacement en place une interaction flexion-flexion entre
poutres et poteaux. Pour une hauteur totale donnée, le moment maximal se réduit alors en proportion du
nombre d’étages collaborants.

Figure 43. Exemples d’étages collaborants pour le


contreventement. Figure 44. Explication de la réduction du moment
maximal en fonction du nombre de niveaux
collaborants dans les exemples de la figure
précédente.

3.3 Palées de contreventement

L’adjonction et la superposition de portiques génère une structure élémentaire bidimensionnelle qui répond aux
charges verticales et horizontales (Figure 45). Un exemple est donné Figure 46 pour le parking de Valenciennes.

Figure 46. Parking à Valenciennes. On observe la


structure obtenue par adjonction et superposition de
portiques. ©Agence Hubert et Roy
Figure 45. Ossature plane composée de portiques.

La reprise des actions horizontales de telles constructions pourra être diffuse sur toute la structure ou concentrée
sur une travée de chaque niveau. Dans ce dernier cas, un nombre limité de baies servira au contreventement.
Pour chaque niveau, on conçoit une travée capable de l’interaction flexion-flexion nécessaire au fonctionnement
à cadre fermé (Figure 47a). La palée de contreventement fonctionnera alors comme un pilier isolé; elle pourra
éventuellement être remplacée par un voile (Figure 47b).

Figure 47. Exemples d’ossatures planes contreventées par palées avec étages non collaborants: (a) palée réalisées
par portiques, (b) par voiles.

Dans une deuxième solution, on dessine en périphérie de l’ossature un cadre à l’échelle de toute la structure. On
obtient ainsi un schéma conforme à la Figure 48.
Figure 48. Ossature plane avec fonctionnement en cadre fermé réalisé par portiques.

3.4 Étages et baies multiples

Les éléments de conception présentés dans les paragraphes précédents s’appliquent en général quelque soit le
nombre d’étages et de travées qui composent l’ossature bidimensionnelle à nœuds rigides.

On remarque le cas particulier des constructions en « pont », qui réalisent un franchissement à l’échelle de la
construction entière (Figure 49). Dans cette conception, un étage est renforcé pour générer une poutre de type
Vierendeel, les autres étages étant supportés par l’étage renforcé.. Si l’étage porteur est placé en bas, les
membrures des autres étages seront comprimées, elles seront tendues s’il est placé en haut, comme pour le
ministère des finances (Figure 50).

Figure 49. Ossature plane avec fonctionnement en


pont: (a) structure portée posée, (b) structure portée
suspendue.

Figure 50. Ministère des finances, Paris. Architectes


Paul Chemetov et Borja Huidobro, 1989.
Franchissement du quai par une travée principale en
treillis. ©http://www.paris-architecture.info

4 Structures 3D composées de portiques à nœuds rigides

On peut générer une structure tridimensionnelle par des portiques soit en juxtaposant des ossatures
bidimensionnelles (extrusion horizontale d’un élément 2D) soit en croisant des systèmes bidimensionnels
orthogonaux ou quasi-orthogonaux.

Figure 51. Génération d’ossatures 3D à partir d’ossatures 2D: (a) extrusion, (b) croisement.

Deux questions se posent alors :


le principe de portée ;
le contreventement.

Du point de vue de la portée, les systèmes tridimensionnels peuvent porter dans une seule direction (Figure 51a)
ou dans deux directions (Figure 51b). Vis-à-vis du contreventement, il n’est pas nécessaire que toute l’ossature
bidimensionnelle du système soit indépendamment capable de reprendre efficacement des efforts horizontaux,
car les planchers qui relient les portiques peuvent transmettre un effort horizontal d’une travée à l’autre. En
revanche, la modélisation tridimensionnelle montre qu’il faut tenir compte des effets de torsion dus aux efforts
horizontaux.

4.1 Cheminement des actions verticales

Ces ossatures en portiques multiples supportent des planchers. La descente de charges est fonction du principe
de portée des planchers.

Planchers unidirectionnels
Si la structure 3D se compose simplement d’ossatures 2D non reliées par des poutres, les planchers seront
appuyés dans une seule direction entre ossatures 2D. Ce système constructif peut être mis en place avec des
planchers en béton armé ou en béton armé précontraint, conduisant généralement à un système tridimensionnel
avec des espacements différents dans les deux directions du plan. La portée des poutres des portiques est en
fait normalement plus importante que celle des planchers qui les relient.

Les rapports entre cotés des planchers pourront être gérés plus librement par la mise en place de poutres
secondaires (solives), au prix éventuellement d’une retombée plus importante (voir Figure 52).

Pour pouvoir augmenter la distance entre portiques, le recours à des planchers précontraints est une solution. En
France la technologie du plancher alvéolaire est très répandue (Fiche béton précontraint). Elle permet d’atteindre
des portées jusqu’à 15 m environ. La solution des planchers précontraints par post tension est également
possible mais son coût la limite aux structures particulières.

Figure 52. Schémas de principe d’un plancher à dalles pleines (a), avec dalles alvéolaires précontraintes. (b) et dalles
nervurées (avec poutres secondaires) (c).

La réponse dans leur plan de ces planchers en tant qu’éléments horizontaux de contreventement est limitée, car
les planchers ou les solives ne créent pas portique dans le sens orthogonal aux poutres maîtresses. Ils sont par
contre très utiles pour uniformiser la flexion des portiques par effet de diaphragme quasi indéformable.

Planchers avec grille de poutres


S’il existe deux familles de poutres quasi-orthogonales se croisant à chaque étage, la répartition des poteaux
dans les deux directions du plan pourra être uniforme.

Figure 53 . Schémas de principe d’un plancher sur grille de poutres.

Si les planchers portent dans une seule direction, cela implique une différentiation des rôles des poutres vis-à-vis
de la reprise des actions verticales. (maîtresses, supportant les planchers, et secondaires, reliant simplement les
poteaux dans la direction des planchers). Cependant, dans une telle configuration, il est plus économique de
faire porter les planchers sur 4 côtés car les 2 directions de plancher participent mécaniquement à la flexion
(dans l’Eurocode, il faut pour envisager ce fonctionnement que le rapport des longueurs des portées du plancher
soit compris entre 0,5 et 2). Dans ce cas de figure les poutres principales ont le même rôle dans les 2 directions.
De plus, la réponse aux actions horizontales sera meilleure que dans le cas précédent. Cette solution est donc à
préférer en présence d’actions horizontales importantes.

Dans tous les cas, la question de la reprise des actions excentrées est importante pour les poutres de rive. Sur
celles-ci l’action de torsion d’un éventuel plancher du coté intérieur n’est en effet pas équilibrée par une action
du coté opposé.

Planchers sans poutres


Les planchers peuvent être construits comme de dalles (normalement carrées ou rectangulaires) supportées en
leur périphérie. La structure dans son ensemble se compose alors de poteaux et dalles sans poutres. On parle
alors de planchers « champignon ».

Figure 54. Schéma de principe d’un plancher champignon.

La reprise des efforts tranchants au droit des poteaux peut parfois demander la mise en place de chapiteaux, qui
diminuent les contraintes de compression exercées par les poteaux sur la dalle et évitent le poinçonnement de
celle-ci. L’effet stabilisateur de la traverse des portiques vis-à-vis des actions horizontales ne peut pas être
assuré par la dalle; ces structures ne sont donc pas aptes à la reprise de ces actions et demandent des systèmes
de contreventement adéquats. Une solution envisageable est de compter sur l’encastrement des poteaux en
pied.

4.2 Cheminement des actions horizontales

Les actions du vent génèrent des sollicitations parfois complexes dans les structures. L’eurocode 1 (EN 1991)
définit ainsi un ensemble de cas de charges pour le calcul au vent des structures pour en tenir compte. Dans ce
chapitre consacré aux structures en portiques, on étudie les principes pour que de telles constructions soient
conçues convenablement pour résister au vent. Dans cette vue assez macroscopique du problème, on étudie la
mise en flexion de parties de la structure sous les actions horizontales. Mais il ne faut pas oublier que bien
souvent, ces actions ne sont pas parallèles aux plans principaux (quand ils existent). Cette dissymétrie des
actions engendre des sollicitations de torsion suivant un axe vertical, torsion dont il sera aussi question ci-
dessous.

Il existe plusieurs typologies de structures en portiques aptes à la reprise des efforts horizontaux. Ces structures
peuvent se décomposer en :

palées de contreventement, obtenues par des portiques expressément dessinés ou par des voiles ;
noyaux fermés, obtenus par des voiles ou par des sous structures de type résille ou portiques ;
diaphragmes horizontaux, le plus souvent les planchers du bâtiment, qui assurent la collaboration des
éléments de reprise des forces horizontales et leur relation avec le reste de la structure.

Si les palées ou les noyaux se composent de portiques, il est préférable que les montants soient peu espacés
(traverses courtes). Pour que les planchers puissent assurer un rôle de redistribution des efforts horizontaux et
de raidissement des ensembles de palées, il faut qu’ils soient continus dans les deux directions du plan, ce qui
est le cas de planchers avec une dalle pleine, à condition que celle-ci soit armée correctement.
Les poteaux qui ne font pas partie de palées de contreventement ne doivent pas subir des sollicitations
importantes de torsion, car celles-ci demandent la mise en place d’armatures spécifiques rarement introduites
dans ces éléments de structure.
Les typologies possibles pour la réalisation du contreventement par palées et/ou noyaux sont :

- ossature composée de portiques croisés suivant les deux directions du plan, assurant par eux même la tenue
aux actions horizontales, avec planchers collaborant au contreventement ;

- ossature identique au cas précédent, mais avec des palées de reprise des forces horizontales, disposées en
plan de façon à réaliser un ensemble collaborant de systèmes « ouverts » (Figure 55) ;

- ossature sans palées, mais avec un noyau de contreventement intérieur réalisant un système fermé (résistance
à la torsion primaire), normalement obtenu en réalisant les murs des escaliers et des ascenseurs en béton armé
(Figure 56) ;

- ossature sans palées ni noyaux intérieur, mais avec une structure en façade de type « tube extérieur »,
capable d’assurer la circulation des efforts horizontaux (Figure 57) ;

- ossature contreventée par plusieurs noyaux intérieurs fonctionnant comme des tubes et donc résistants par
torsion primaire et flexion aux forces horizontales (Figure 58) ;

- ossature contreventée par un système de tube extérieur, en façade, et un ou plusieurs systèmes de tube
intérieurs, obtenus grâce aux noyaux des circulations verticales. Dans ce cas, le tube extérieur reprend
essentiellement les effets de torsion, alors que les tubes intérieurs travaillent à la flexion, mais, par leur forme,
ne subissent pas de distorsions parasites dues à la torsion (Figure 59).

Figure 55. Schémas de principe de la structure primaire d’un bâtiment contreventé par palées séparées.

Figure 56. Schémas de principe de la structure primaire d’un bâtiment avec noyau de contreventement
intérieur: (a) ensemble de la structure, (b) vue du premier niveau de la partie supportant les actions verticales,
(c) vue de la partie supportant les actions horizontales (noyau) dégagée des derniers niveaux de l’ossature.

Figure 57. Schémas de principe de la structure primaire d’un bâtiment de type « tube extérieur »: (a) ensemble
de la structure, (b) partie supportant les actions verticales, (c) partie supportant les actions horizontales (tube
extérieur).

Figure 58. Schémas de principe de la structure primaire d’un bâtiment contreventé par plusieurs noyaux
intérieurs: (a) ensemble de la structure, (b) vue du premier niveau de la partie supportant les actions verticales,
(c) vue de la partie supportant les actions horizontales (trois noyaux) dégagée des derniers niveaux de
l’ossature.
Figure 59. Schémas de principe de la structure primaire d’un bâtiment contreventé par tube extérieur et
intérieur: (a) ensemble de la structure, (b) vue de la partie supportant les actions horizontales (noyaux intérieur
et façade), (c) vue d’ensemble des trois fonctions porteuses de la structure: tube intérieur, ossature supportant
les charges verticales et tube extérieur.

Conclusion

Les structures béton armé en portiques, ou, comme on le dit aussi « poteaux-poutres » sont très répandus dans
les bâtiments du tertiaire, du fait de la liberté d’aménagement qu’elles engendrent. La faible emprise des
porteurs verticaux autorise en effet de multiples combinaisons d’organisation intérieure, ce qui convient sans
contexte au maître d’ouvrage. Nous avons vu les multiples solutions pour stabiliser les portiques. On retrouve
ces combinaisons dans la technologie des ossatures préfabriquées en béton. La réalisation d’articulations,
d’appuis simples ou d’encastrements y est en effet aisée. Pour les solutions en béton armé coulé en place ou
partiellement préfabriquées, il est en général très facile de former un encastrement entre poteaux et poutres et
c’est cette solution qui est souvent adoptée. De plus, la réalisation d’éléments à inertie variables étant limitée à
la réalisation du coffrage, il est courant que des portiques fortement sollicités soient renforcés aux zones de
moments fléchissant maximum, ce qui peut d’ailleurs être mis à profit dans une recherche formelle (portiques de
l’école d’architecture de Lille par exemple).

BIBLIOGRAPHIE

Rémy Mouterde, François Fleury, (2007) Comprendre simplement la résistance des matériaux - La structure,
principes et enjeux de la conception, , Editions du Moniteur, Paris.

André Coin, (1991), Ossature des bâtiments - Bases de la conception, différentes catégories d’ouvrages
élémentaires, annexes sur l’isolation et la sécurité, Eyrolles, Paris.

René Walther, Julien Tréleani, (1993), Construire en béton, synthèse pour architectes, Presses polytechniques et
universitaires romandes. Lausanne, épuisé.

Construire avec les bétons, (2000) collection « technique de conception », Editions du Moniteur, Paris.

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