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Eliade Mircea. Le « dieu lieur » et le symbolisme des nœuds. In: Revue de l'histoire des religions, tome 134, n°1-3, 1947. pp.
5-36;
doi : 10.3406/rhr.1947.5598
http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1947_num_134_1_5598
1) Georges Dumézil, Mythes et Dieux des Germains (Paris, 1939), p"p. 21 sq.,
27 sq. ; Jupiter, Mars, Quirinus (Paris, 1941), pp. 79 sq. ; cf. Ouranôs-Vâruna
(Paris, 1934), passim.
2) Dumézil, Mitra-Váruna (Paris, 1940), p. 33 ; Jupiter, Mars, Quirinus,
pp. 81 sq.
3) Dumézil, Flainen-Braliman (Paris, 1935), pp. 34 bq., Mitra-Varuna, pp. 79 sq.
4) Mitra-Varuna, p. 72; cf. les observations de Jean Bayet, dans Rev. Hist,
des Religions, CXXIV, 1941, pp. 194 sq. Toujours d'après Plutarque, Questions
Romaines 67, le nom même des liclores dérive de ligare, et M. Dumézil ne voit pas
de raison pour « rejeter le rapport que sentaient les anciens entre lictor et ligare :
Victor peut être formé sur un verbe radical *ligere, non attesté, qui serait à ligare
ce que dicere est à dicare » {ibid. p. 72).
LE « DIEU LIEUR » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 7
(Halle, 1923), pp. 120 sq. ; DuMÉait, Ouranós-Váruria, p. 50. Même attribut dans
les .Brâhmanas, v. Sylvain Lévi, La doctrine du sacrifice dans les Brâhmarias
(Parie, 1898), pp. 153 sq.
1) Cf. Wacde-Pokorny, Vergleichendes Wôrterbuch der indogermanischen
Sprachen,.l (1930), p. 263.
2) Bergaigne, op. cit., III, p. 114 ; S. Lévi, op. cit., p. 153 ; E. W. Hopkins,
'Epic Mythology (Strasbourg, 1920), pp. 116 sq.
3) S. Lévi, p. 153 ; Dumézil, Óuranós-Váruria, p. 51, n. 1.
10 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
Ciel par un miracle divin » (V, 63, 2-5), etc. Cette structure
cosmique lui a permis de bonne heure d'acquérir des
caractères lunaires1 et pluvieux, au point qu'il est devenu, avec le
temps, une divinité de l'Océan2. Cette même structure cos-
mico-ouranienne explique les autres fonctions et prestiges de'
Varuna : son omniscience, par exemple (AV IV, 16, 2-7, etc.),
et son infaillibilité (RV I,'35, 7 sq.). Il est sahasrâkça, « à
mille yeux » (RV VII, 34, 10), formule mythique qui fait
référence aux étoiles et qui n'a pu désigner, au moins à l'origine,
qu'une divinité ouranienne3. Les prestiges de la souveraineté
se sont accrus et ont multiplié les prestiges célestes : Varuna
voit et sait tout, car il domine l'Univers de sa demeure
sidérale ; et, en même temps, il peut tout, puisqu'il est cosmocrate
et qu'il punit en les « liant » (c'est-à-dire par la maladie,
l'impuissance) ceux qui enfreignent la loi, parce qu'il est le
gardien de l'ordre universel. Il y a ainsi une remarquable
symétrie entre ce que nous pourrions appeler la « couche céleste »
et la « couche royale » de Varuna, couches qui se correspondent
et se complètent l'une l'autre : le Ciel est transcendant et
unique, exactement comme l'est le Souverain Universel ; la
tendance à la passivité, manifeste chez tous les dieux suprêmes
du Ciel4, répond bien aux prestiges « magiques » des dieux-
souverains, qui « agissent sans agir », qui opèrent directement
par la «. puissance de l'esprit ».
La structure de Varuna est complexe, mais il a toujours
une structure, c'est-à-dire il existe une cohérence intime entre
ses différentes modalités. Cosmocrate ou ouranien, il est
toujours omnivoyant, tout-puissant et, au besoin, « Heur » par
sa « puissance spirituelle », par la magie. Mais son aspect
cosmique est plus étoffé encore : il n'est pas seulement, nous
l'avons vu, un dieu céleste, mais aussi un dieu lunaire et
2)
Í) S.
Hillebrand,
LÉvi,.op. cit.,
Vedische
pp. 158Mythologie
sqq. ; J. J.(Breslau,
Meyer, 1902),
TrilogieIII,altindischer
p. 1 sq. Màchte und
''
Feste der Vegetation (Zurich-Leipzig, 1937), III, pp. 206 sq., 269 sq.
'3) Raffaele Pettazzoni, Le corps parsemé ďycux (dans Zalmoxis, I, 1938,
pp. 1 sq.). •
4) Voir notre Trnité d'histoire des religions, ch. II (Paris, Payot, 1949).
LE « DIEU LIEUR » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 11
1) Cf. l'analyse du motif des Eaux dans Renou, op. cit., p. 141 sq.
2) Nous serions même tenté de voir dans ce mode de châtiment une extension,
un approfondissement du type même de Varuna, en ce sens qu'il force le coupable à
une « régression dans le virtuel, dans l'immobilité », état que lui-même représente
en quelque sorte.
LE « DIEU LÏETJft » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 13
1 ) A. Closs, op. cit., pp. 643, 668. D'après le même auteur (p. 567), le liage de la
victime rituelle serait un complexe des cultures mégalithiques et de l'Asie Sud-
oiientale.
2) J. Grim «, Deutsche Mythologie, II, 705, IV, 254 ; Scheftelowitz, op. cit.,
p. г
3) R. H. Meyer, Allgerrnanischc Religionsgeschichte (1910), p. 158, 160. Mais la
personnalité de ces déesses est plus complexe ; cf. Jan de Vries, Altgermanische
Religionsgeschichte, II (Berlin, 1937), pp. 375 sq.
4) II lie les mourants avec ses « liens de la mort » (аэгэга mdniíhyaoš, Yasna 53,
8 ; Scheftelowitz, Die allpersische Religion, p. 92). « C'est Astôvidftotuâ qui le lie,
et Vayu qui l'emporte lié », Vendidad 5, 8 ; H. S. Nyberg, Questions de costtiG-
gonie et de cosmologie mazdéennes, II (dans Journal Asiatique, oct.-déc. 1931,
pp. 193-244), p. 205 ; G. Dumézil, Tarpeia (Paris, 1947), p. 73. Cf. Mën-'M Khrat 2,
115 ; G. Widengren, Hochgoftglaube im Alien Iran (Uppsala, 1938), p. 196.
f 5) Das Schlingen- und Netzmotiv, p. 9 ; Die allpersische Religion, p. 92.
LE « DIEU LIE U К » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 19
1) W. Wyatt Gill, Life in the Southern Isles (London, 1876), pp. 181 sq.
2) \V. Wyatt Gill, Myths and Songs from the South Pacific (London, 1876),
pp. 161 sq. ; cf. aUbSi E. S.4I. Handy, Polynesian Religion (Honolulu), p. 73.
3) Dr. G. E. Fox, The Thresholdrof the Pacific (London, 1924), pp. 234 sq.
4) W. G. Ivens, The Melanesians of the S. E. Solomon Islands (London, 1927),
p. 178 ; même coutume à Hawaï, cf. E. S. Cbaighill Handy, op. cit., p. 92.
5) W. Wyatt Gill, Life..., pp. 180 sq. ; Mythes..., p. 171.
LE « DIEU LIEUR » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 21
i " "•
niaque) à peu près universel. Il y a des dieux souverains,
comme Enlil et sa femme Ninkhursag (= Ninlil), ou bien des
dieux lunaires comme En-zu (= Sin), qui prennent dans leurs
filets'ceux qui se rendent coupables de parjure1. Mais Sha-
mash, le dieu solaire, est armé lui aussi de lacets et de cordes,
et on le prie, lui aussi, de délivrer celui qui est lié ; la déesse
Nisaba ficelle les démons des maladies ; les démons, de leur
côté, ont des lacets, spécialement les démons des maladies
(on invoque le démon de la peste en lui disant : « avec le filet,
lie et annihile les Babyloniens ! »)2. On dit à Bel (= Enlil) :
« Père Bel, tu lances leá lacets, et chaque lacet est un lacet
hostile !-3 » Tammuz est nommé « Seigneur des lacets »4, mais,
dans le mythe, il est lui-même « lié » et demande à être sauvé
des lacets5. On prie Marduk pour qu'il délivre des chaînes et
des lacets, car il est, lui aussi, un maître Heur. Comme Indra,
il utilise le lacet et les cordes en dieu champion, à la manière
« héroïque ». Dans le poème de la Création, Enuma Elis, on
distingue deux espèces de « liage » qui rappellent le diptyque
védique Varuna-Indra. Ea, le dieu des Eaux et de la sagesse,
ne lutte pas « héroïquement » avec' les monstres primordiaux
Apsû et Mummu : il les « lie » par des incantations magiques
pour les tuer ensuite (Enuma Elis, I, 60-74). Marduk, après
avoir été investi par l'assemblée des dieux des prérogatives
de la souveraineté absolue (qui appartenait jusqu'alors au
dieu céleste Anu ,IV, 4 et 7) et après avoir reçu d'elle le sceptre,
le trône et le pâlu (IV, 29), entreprend de combattre le monstre
marin Tiamat et, cette fois, nous assistons vraiment à une
1) L. W. King, History of Sumer and Akkad (London, 1910), pp. 128 sq. ;
G. Furlani, La religione babilonese-assira, I (Bologna, 1928), p.. 159 ; É. Dhobme,
Les religions de Babylonie et d'Assyrie (Collection « Mana в II, Paris, 1945), p. 28, 49 ;
E. Douglas Van Buren, Symbols of the Gods in mesopotamian Art (Roma, 1945.
« Analecta Orientalia -> 23), pp. 11-12.
2) Schefxelowiiz, Dás Schlingen-und Nelzmoliv, p. 4 &q.
3) M. Jastrow, Die Religion Babyloniens and Assyriens, vol. II (Giessen, 19121,
p. 15.
4) SCHEFTELOWITZ, Op. tit., p. 4.
*5) M. Witzel, Tammuz-Liturgien und Verwandtes (Roma 1937, « Analecta
Orientalia » 10), p. 140 ; Geo Widengren, Mcsopotamictn elements in Mani-
chaeism (Uppsala, 1946), p. 80.
i
22 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
i
lutte « héroïque » ; mais l'arme capitale de Marduk reste le
(< filet », « don de son père Anu w1. Marduk « lie » Tiamat
(IV, 95), l'« enchaîne » et lui arrache la vie (IV, 104). Il enchaîne
ensuite tous les dieux et démons qui avaient aidé Tiamat, et,
dit le poème, « ils furent jetés dans des filets, restèrent dans
des nasses, furent mis dans des cavernes » (IV, 111-114, 117,
120). Marduk acquiert la souveraineté par sa lutte héroïque,
mais conserve aussi les prérogatives de la souveraineté
magique. Si on tient compte aussi de la valeur magique des cordes,
des nœuds et des lacets dans' la sorcellerie et la médecine
populaire (voir plus loin), l'impression générale qui se dégage
de cette rapide exploration du domaine mésopotamien est
celle d'une confusion presque totale. Le « liage » semble être
un prestige magico-religieux que s'assimilent également bien
toutes les « formes » religieuses. Il y aurait intérêt à ce qu'un
spécialiste des religions mésopotamiennes reprît' le problème
pour déterminer si l'on peut reconstituer une « histoire »
derrière cette confusion.
Considérons maintenant, dans son ensemble, la
morphologie des liens et des nœuds dans la pratique magique. On
pourrait classer les faits les plus importants sous deux grandes
rubriques : 1° les « liens » magiques utilisés contre les
adversaires humains (dans la guerre, dans la sorcellerie), avec
l'opération inverse de la « coupure des liens » ; 2° les nœuds et les
liens^bénéfiques, moyens de défense contre les animaux
sauvages, contre les maladies et les sortilèges, contre les démons
et la mort. ContentonS-nous de donner quelques exemples.
On peut citer, dans la première catégorie, les lacets magiques
tournés contre les adversaires (Alharva Veda II, 12, 2 ; VI,
104 ; VIII, 8, 6), les cordes jetées par le prince sur le chemin
'des armées ennemies (Kauçïiaki Smrihiiâ XVI, 6), la corde
enterrée près de la maison d'un ennemi ou encore cachée
1) Ibid., IV> 49. Dans la tablette î, 83, Marduk est le fils de Ea, mais, quelque
$oit le sens de cette filiation, elle est de l'essence de la souveraineté magique. Nous
suivons la traduction française de R. Labat, Le Poème babylonien -de la Création
(Paris, 1935); , • .
•
LE « DIEU LIEUI1 » ET LE SYMBOLISME DES NtEUDS 23
1) Cf. vitae fila, Ovide, Héroïdes 15, 82. Voit le chapitre sur les rituels et les
mythologies lunaires dans notre Traité ďhistoire des religions (Payot, 1949).
2) La plupart du temps — mais pas toujours — des divinités lunaires, parfois
chthonico-lunaires.
. 3) H. Vambérv, Primitive (hillur des lurco-tatarischcn Volkes (Leipzig, 1879),
_ l
LE « DIEU LIEUIÎ » ET LE SYMBOLISME DES NŒIUDS . 27
' ancien nom sumérien du temple est « dimgal de la région ». Burrows (p. 47, n. 7)
propose la traduction « Great binding post » ; dim = « post », etc. et aussi « горе » ;
probablement dim = « to bind, thing to bind to, thing to bind with ». Le
symbolisme du « liage » se trouve ici intégré dans un ensemble plus vaste qu'on pourrait
appeler le « symbolisme du Centre », et sur lequel nous reviendrons ailleurs.
1) « The link of all Creation », trad. Hughes [dans JZvcrymaďs Library, p. 193).
Le caractère traduit par « link » est hsi (Giles 4062), dont les sens sont «
dependence, fastening, tie, link, nexus, chain, lineage, etc. », cf. A. K. Coomaraswamy,
The iconography of Durcr's « Knots » and Leonardo's « concaténation » (dans The
Art Quarterly, Spring, 1944, pp. 109-128), p. 127, n. 19.
2) Nous reviendrons dans un article spécial sur cette question. Cf. les
labyrinthes en forme des nœuds dans les rituels et les croyances funéraires à Malekula,
A. Bernard Deacon-, Geometrical Drawings from Malekula- and other Islands of the
New Hebrides (dans Journal of the Anthropological Institute, vol. LXIV, 1934,
pp. 129-175) '; Id., Malekula. A vanishing people of the New Hebrides (London, 1934),
spécialement pp. 552 sq. ; John Layard, Tolenfahrt auf Malekula (dans Eranos-
Jahrbuch 1937, Zurich, 1938), pp. 242-291 ; Ib., Stone Men of Malekula
(London, 1942), pp. 340 sq., 649 sq. Interprétations comparatives, W. F. Jackson
Knight, Cumaean (rates (Oxf jrd, 1936) ; Karl Kerényi, Labyrinih-Sludien
(« Albae Vigiliae » XV, Amsterdam-Leipzig, 1941).
Llù « DIEU LIEtil » ET LE SYMBOLISME DES NŒUDS 29
'
des mortels. Ces diverses perspectives ont certains points
communs : partout le but dernier de l'homme est de se libérer
des « liens » : à l'initiation mystique du labyrinthe, au cours
de laquelle on apprend à dénouer le nœud labyrinthique afin
de se mettre à même de le défaire quand l'âme le rencontrera
après la mort, répond l'initiation philosophique,
métaphysique, dont l'intention est de « déchirer » le voile de l'ignorance,
de libérer l'âme des chaînes de l'existence. On sait que la
pensée indienne est dominée par cette soif de délivrance et
que sa terminologie la plus caractéristique se laisse réduire à
des formules polaires telles que « enchaîné-délivré », « lié-
délié », « attaché-détaché », etc.1. Les mêmes formules ont
cours dans la philosophie grecque : dans la caverne de Platon,
les hommes sont retenus par "des chaînes qui les empêchent de
se mouvoir et de tourner la tête (Rép. VII, 514 a sq.). L'âme,
« après sa chute, a été prise, elle est enchaînée... ; elle est,
dit-on, dans un tombeau et dans une caverne, mais en se
retournant vers les pensée, elle se délivre de ses liens... »
(Plotin, Ennéades, IV, 8, 4 ; cf. IV, 8, 1 : « la marche vers
l'intelligence est, pour l'âme, la délivrance de ses liens »).
Cette multivalence du complexe du « liage » — que nous
venons d'observer sur les plans cosmologique,' magique,
religieux, initiatique, métaphysique, sotériologique — est cíue
probablement aifcfait que l'homme reconnaît dans ce complexe
une sorte d'archétype dé sa propre situation dans le monde2.
Par là, il contribue d'abord à poser un problème
d'anthropologie philosophique dans lequel la recherche proprement
philosophique gagnera beaucoup à ne pas* négliger ces
documents concernant certaines « situations-limites » de
l'homme archaïque, car si la pensée contemporaine se flatte
1) Voir notre livre Yoga, passim. Dans son étude The iconography of Dureťs
« Knots », А. К. Coomaraswamy a étudié les valeurs métaphysiques des nœuds
et leur survivance dans l'art populaire ainsi que chez certains artistes du Moyen-
Age et de la Renaissance.
2) J4ous n'employons pas le terme « archétype » dans le sens qui lui est donné
par l'école de C. G. Jung — et qui lui confère une valeur psychologique et même
une « origine » physiologique — , mais plutôt dans le sens platonicien de « modèle »
transcendant. Voir notre livre (à paraître prochainement ) Archétypes et répétition.
30 H К VUE Dlí l'hISTOÎRE
' restera
des rêveries"
encoreet àdes
expliquer
visions esthétiques,
le symbolismequidunon
rêve
seulement
ascensionnel,
sont
naean Religion, Lund, 1927, pp. 137 sq., 349 sq.), cette fonction rituelle a été
récemment confirmée par Axel W. Persson, The Religion of Greece in prehistoric
limes (Berkeley et Los Angeles, 1942), p. 38 et p. 68.
36 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS