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LA RÉNYON LÉ AN NOU
à destination des
ETATS GÉNÉRAUX DE L'OUTRE-MER
à la Réunion
Juillet 2009
Préambule p. 5
COMMISSION LANGUE p. 21
Synthèse p. 22
Analyses et propositions p. 23
COMMISSION ÉDUCATION p. 27
UNE ECOLE REUNIONNAISE : Une école ouverte sur le monde
Synthèse p. 28
Analyse et revendications p. 29
ANNEXE 1 - La reconnaissance du réunionnais comme langue à part entière p. 35
ANNEXE 2 - Proposition pour l'enseignement de l'histoire régionale au collège p. 37
COMMISSION CULTURE
+ SECTEUR PROFESSIONNEL DE LA CULTURE ET ECONOMIE CULTURELLE p. 41
Synthèse p. 42
Analyses et propositions :
Chap. 1 - Accompagnement du secteur professionnel p. 43
Chap. 2 - Circulation des œuvres et des artistes p. 47
Chap. 3 - Gouvernance locale p. 48
Annexe 1 - Philosophie de la commission "secteur professionnel " p. 55
Annexe 2 - Descriptif des mesures proposées au Chap. 1 p. 56
Annexe 3 - Culture et économie p. 61
Annexe 4 - RMI et RSA pour les artistes p. 62
Annexe 5 - Société Coopérative d'Intérêt Collectif SCIC p. 63
Annexe 6 - Projet danse - le CIA - Comité pour l'Indépendance des Arts p. 65
Annexe 7 - La "géographie" des acteurs du secteur artistique - Description & analyse p. 71
Annexe 8 - Développement de la production audiovisuelle à la Réunion p. 77
Annexe 9 - Création d’un pôle spécialisé dans la culture urbaine p. 79
Qui donc est l’esclave sinon celui qui, en tous lieux et en tous temps, possède sa vie, ses biens et son corps,
comme des choses qui lui sont étrangères ?
Achille Mbembe, De la postcolonie
"Partout sur la planète, l'intégrité culturelle, l'énergie créatrice et la vitalité des divers groupes humains se
trouvent menacées par des stratégies de développement qui accentuent les conceptions d'une croissance économique
ou d'une efficacité institutionnelle à tout prix...
Trop souvent les valeurs fondamentales des individus et des sociétés sont irrémédiablement détériorées par
des modèles de changement social technocratiques, fondés sur la consommation, la compétition, l'acquisition
forcenée des biens et sur la manipulation des aspirations humaines."
Les signataires de ce document s’inscrivent dans le moment des Etats Généraux de l’Outre-
Mer pour faire entendre les convictions d’une voix collective reflétant, au-delà de son caractère
minoritaire apparent, les aspirations profondes du peuple réunionnais pour l’affirmation de sa culture
dans l’exercice de la responsabilité.
La culture de la société réunionnaise se conjugue avec son pouvoir social pour refléter ses
capacités à mettre en valeur son histoire et ses racines, sources de fierté et d'identité ; à maîtriser un
présent toujours mobile ; à se projeter dans des futurs possibles, ambitieux, raisonnables et réalistes.
Le peuple réunionnais, dans ses rapports avec les structures dominantes, les administrations
autocratiques et les cultures hégémoniques, a été mis durablement dans une posture de soumission,
sans pouvoir prendre la parole, faire valoir ses besoins, ni construire une conscience collective et une
solidarité puissantes.
Les conséquences de ce « génocide culturel soft » et du vide identitaire qui en résulte sont
dramatiques.
Nous sommes témoins tous les jours de l’opportunisme désorienté qu’elles produisent dans
l’exercice politique de l’organisation collective et dans la déstructuration incontrôlable des liens
sociaux. Nous refusons de nous résigner devant les ravages que répète quotidiennement chez nombre
de Réunionnais l’humiliation individuelle de ne pouvoir, par son travail, nourrir les siens, obtenir un
statut respecté, ou réaliser ses besoins personnels de croissance.
La Réunion est gravement atteinte par ces processus, qui renvoient tant aux séquelles du
colonialisme qu’à la faiblesse ou à l’inadaptation des réponses politiques apportées depuis la fin légale
de la colonie.
Les associations signataires ont élaboré ce document pour dire leur refus de céder à la fatalité
devant l’état des lieux livré par une analyse que nous ne sommes ni les seuls ni même les premiers à
faire.
La culture est à nos yeux la matrice qui modèle nos rapports à nous-mêmes et au monde, notre
façon de vivre, de penser et de construire le quotidien, de nous projeter dans le passé, le futur et
l’absolu. Elle détermine nos relations à la société, à la conception de l’économie et à sa production, elle
nous confère une identité repérable entre toutes les autres. L’effacement et la désintégration de la
culture, s’ils désorganisent certainement les processus identitaires, atteignent également l’ensemble de
la vie sociale et la conception même de l’organisation économique.
Nous formulons l’hypothèse que la place prise à La Réunion par l’affirmation culturelle et
identitaire dans l’exigence de transformation sociale, est l’expression d’une contradiction historique
caractéristique de la post-colonie : à la fois l’héritage d’une histoire complexe et chaotique ayant
engendré des situations d'aliénation durable et dans un même temps le ferment capable, si elle est
mobilisée pour la reconnaissance des aspirations humaines les plus fondamentales, d’assurer au
peuple réunionnais la maîtrise de son destin collectif.
Après le statut économique et social obtenu par les pères de la loi de 1946 d’abolition de la
colonie,
- Nous aspirons, dans le cadre de la République française, à la reconnaissance de nos identités
plurielles et de leur rôle majeur et irremplaçable dans la construction de La Réunion de demain.
Né de ce processus, le peuple réunionnais aspire à assumer en tant que tel les responsabilités
qui lui incombent, à devenir acteur de son histoire présente et future, à sortir du statut de colonisé
confiné, par les errements du passé, aux régimes d’exception et à la citoyenneté des ombres.
Nous partons d’un état des lieux qui démontre, dans tous les domaines de la vie sociétale,
politique ou économique, que la non prise en compte, l’aplatissement des valeurs culturelles de nos
diverses origines et la survalorisation de modèles importés, sont à l’origine d’un effritement et d’une
dépendance qui s’attaquent au cœur même de la dynamique sociale réunionnaise. Nous en appelons à
une “révolution copernicienne” de non résignation devant l’effondrement social imputable à cet
effritement.
Aucune construction d’avenir ne peut espérer surgir d’un renoncement identitaire. C’est la
leçon à retenir du marasme économique et sociétal construit sur “l’assimilation culturelle”. Le modèle
social dominant, tel qu’il s’est structuré dans les décennies passées, n’a pas su (pas voulu ou pas pu)
faire de place aux valeurs et aux acquis de notre histoire, dans ce qu’ils représentent de potentiel
mobilisateur des énergies sociales. C’est ce qu’il faut renverser.
La société réunionnaise est souvent décrite par les observateurs extérieurs comme très
dynamique, mais cette énergie est bien loin d’impliquer la totalité de nos compatriotes, dont beaucoup
vivent dans une marginalisation déprimante. Par voie de conséquence, elle ne trouve pas à s’appliquer
dans un processus de construction d’ensemble, faute d’une assise qui ne peut être, à notre sens, qu’une
assise culturelle, fondée sur des valeurs qui seront d’autant plus partagées qu’elles trouveront à poser
des actes faisant apparaître toutes les dimensions par lesquelles la culture influe sur l’ensemble des
constituants sociétaux.
C’est ce que le document qui suit s’efforce de démontrer à partir d’exemples choisis.
Nous faisons le pari que la réhabilitation de la culture réunionnaise sera le point d’appui d’un
sursaut sociétal. Il s’agit de remettre au centre de nos préoccupations des valeurs jusqu’ici
marginalisées, gommées ou niées par le flot des apports exogènes liés à l’introduction de la télévision, à
l’essor non maîtrisé des nouvelles technologies, mais aussi à des formes de prise de décision politique,
administrative et technocratique. Par manque de concertation et d’un débat profondément
démocratique, celles-ci excluent une très grande partie des citoyens de la prise de conscience des
enjeux qui les concernent et des moyens d’y prendre part. Ces réalités sont le produit d’une histoire
qui nous a légué – entre autres – la dépendance, le clientélisme et l’illettrisme, mais aussi… les moyens
de les combattre !
Les équipes de KILTIR PARTOU, qui se sont attachées à la réflexion puis à l'élaboration des
analyses et des propositions contenues dans ce document destiné aux Etats Généraux de l'Outre-Mer,
sont constituées de professionnels et de militants d’une quarantaine d’associations, engagés depuis des
lustres dans le combat en faveur de la culture et de l'identité réunionnaises.
Nous croyons à la nécessité de renouer avec nos racines historiques et patrimoniales, sans
travestissement ni omission. Actualiser la mémoire commune des êtres et des événements qui nous ont
précédés accordera à notre société la libération des pesanteurs dans lesquelles elle reste plongée, pour
que puissent s'épanouir ses dynamiques endogènes, en accord avec ce que requiert la modernité. Nous
ne cherchons pas à magnifier ou idéaliser, nous voulons lucidement reconnaître, respecter et réparer
cette histoire partagée, douloureuse et multiple. Pour rétablir ce qui s'impose et nous nourrir de toute
cette étendue restaurée. Notre histoire fait de nous un peuple particulier, comparable à aucun autre
sur la planète.
Nous croyons en l'éducation. Elle est la colonne vertébrale de notre projet sociétal, autour
duquel s'articulent toutes les autres dimensions d'un développement soutenable. Nous croyons à une
école, clairement réunionnaise, de la réussite des jeunes générations : exigeante et valorisante. Une
école qui réconcilie nos diversités et pacifie nos esprits, déchirés entre cultures populaires et cultures
élitaires. Nous croyons à une école qui, à tout âge, respecte et stimule l'individu apprenant, sans jamais
l'enfermer dans des préjugés, d'où qu'ils viennent.
Nous croyons que les acteurs culturels de la Réunion, artistes et artisans de toutes les créations
et de toutes les disciplines, sont les témoins vivants et les inventeurs éblouissants de la totalité des
formes qu'adopte notre culture. Ils sont les pionniers de nos aspirations les plus élevées, ils restaurent
notre confiance en l'Homme, ils nous permettent de croire en notre propre génie. Nous leur devons
soutiens structurels et financiers rigoureux, comme si nous le devions directement à nous-mêmes et à
notre épanouissement.
Nous croyons que le travail est fondamental à l'homme. Il apporte la fierté de nourrir et
protéger les siens, d'obtenir une place utile dans un groupe social, de se réaliser soi-même. Une
population sans travail et perpétuellement assistée devient progressivement sans courage,
irresponsable et honteuse d'elle-même. Nous voulons que la Réunion se batte pour accorder à chaque
citoyen et citoyenne la satisfaction d'une intégration active par son travail et son utilité sociale. Que les
compétences soient reconnues et valorisées, et que les énergies de tous, réhabilitées, leur permettent de
devenir pleinement actifs et productifs dans la cité, sachant que notre culture n'épanouira sa pleine
légitimité que dans une économie interdépendante, libérée de ses précarités et de ses assujettissements.
Que les lecteurs de ce travail en soient convaincus : nous comptons nous engager avec
détermination et constance dans la réalisation de nos revendications et de nos propositions.
KILTIR PARTOU
LA RÉNYON LÉ AN NOU
Juillet 2009
Contact : mailto kolektif974@hotmail.fr
KILTIR PARTOU !
La culture créole est le noyau culturel commun à tous les Réunionnais. Elle est issue de la
fusion, partielle sans doute, de toutes les cultures ancestrales. La culture réunionnaise, elle, est
composée de tout ce que les cultures ancestrales ont apporté à La Réunion. Elle dépasse, déborde la
culture créole. La culture réunionnaise est portée par les deux langues, le réunionnais et le français,
mais aussi par les autres langues ancestrales, même si la langue créole joue un rôle fondamental
dans cette culture.
Ce sont là les trois piliers de la culture réunionnaise sur lesquels il faut absolument insister
car c’est un facteur essentiel pour le fait de vivre ensemble. On peut lutter ainsi contre les
communalismes de quelque sorte qu’ils soient, d’où qu’ils viennent. On peut créer un sentiment
d’appartenance plus grand, une solidarité plus grande.
Il y a, bien entendu, des différences culturelles entre Réunionnais, qui sont souvent d’ordre
religieux. On est catholique ou on ne l’est pas, on peut être hindouiste, on peut être musulman, on
peut parfois faire preuve de syncrétisme en mélangeant ou en acceptant deux religions ou
davantage. Il y a donc des choses que nous ne partageons pas à 100%, que nous ne partageons que
partiellement mais que nous partageons quand même, parce que nous avons des amis musulmans,
des amis hindouistes, des amis catholiques. La culture réunionnaise n’est donc pas monolithique,
mais elle procède d'un fond commun important sur lequel on ne peut qu’insister.
Aujourd’hui, la culture réunionnaise est menacée, d’un côté par le rouleau compresseur
d’une certaine culture française avec radio, télévision, journaux, école, églises, mais aussi par le
rouleau compresseur de la mondialisation. Il n’est, bien entendu, pas question de refuser les
échanges mondiaux, il n’est pas question de se priver du français, de refuser la culture française,
bien au contraire. Ce n’est pas contre l’addition que nous nous élevons, c’est contre la substitution.
Nous sommes réunionnais, nous avons une histoire, une culture, que nous voulons léguer à
nos enfants. Cet héritage-là ne passe pas uniquement par la famille, c’est un héritage qui est social,
et le rôle de la société est de faire que cet héritage soit le bien de tous. C’est à partir de cet héritage
qu’on est un être humain ayant sa dignité, et bien debout sur ses deux pieds.
• Mémoire et histoire
Le respect de la mémoire et de l’identité.
-1) Continuer les recherches, selon une approche pluridisciplinaire, pour une histoire
la plus complète possible sur l’esclavage, dont le marronnage et l’engagisme notamment. A
remarquer le retard sur l’engagisme malgache et africain.
Inciter les recherches universitaires pluridisciplinaires dans ces domaines, avec une
ouverture sur la collaboration avec les pays d’origine, comme Madagascar, le Mozambique et les
autres. On doit parvenir à terme à une plateforme commune, avec mutualisation des moyens, de
l’histoire régionale de l’Océan Indien occidental.
Demander au Parc National de La Réunion d’attacher la plus haute importance à l’histoire
du marronnage, en grande partie liée à ce lieu.
-2) Enseigner l’histoire réunionnaise et celle de la zone de manière efficace, par la
formation de tous les enseignants concernés. Mise en place de stages pour tous les intervenants
avec définition précise du programme et du temps à y consacrer.
-3) Accorder une plus grande attention à la reconnaissance publique de pratiques
culturelles et cultuelles qui ont été diabolisées pendant l’esclavage.
Il s’agit notamment des servis zancèt, malgas, kaf, kabaré sous toutes ses formes, confinés
dans la sphère privée par défaut. Il faut, pour un traitement équitable de toutes les religions et
sensibilités, que les collectivités et les communes leur accordent un espace dans la sphère publique
pour permettre la reconnaissance et le partage avec tous les Réunionnais.
• Patrimoine et toponymie
La conservation du patrimoine passe par son repérage, son appropriation par la population.
Pour cette raison, la toponymie est un élément majeur de repérage et de préservation.
-1) Repérer de façon systématique les lieux patrimoniaux par une signalisation
explicative, surtout s'ils ont changé de fonction. Respect des mesures comme les fouilles de
prévention en cas de grands travaux.
-2) Retrouver et restaurer les toponymes anciens qui sont intimement liés à l’histoire et
font partie du patrimoine. Revoir l’orthographe des dernières transcriptions en se référant aux
documents anciens et aux recherches étymologiques actuelles.
-3) Effectuer la célébration des « oubliés » de l’esclavage et du marronnage en attribuant
plus largement leurs noms aux rues et édifices publics.
Conclusion :
Il faut entreprendre une œuvre profonde de pacification sociale sans laquelle aucun
développement équilibré n’est possible.
Cependant, ce n’est que dans les années 1980 que l’on voit émerger Le Mouvman Kiltirel Rényoné .
Il faut dire que c’était le temps où le maloya était interdit, où Ziskakan ne passait pas dans les salles
publiques, où Danyèl WARO du groupe Flanboyan se faisait jeter en prison du fait de son
militantisme culturel.
Les années 1980, c’est l’ère Mitterrand, la reconnaissance du 20 décembre comme journée fériée, la
libération du maloya et le boum des artistes qui revendiquaient cette source comme référence.
Mais si le maloya a atteint aujourd’hui ses lettres de noblesse, et que plus personne n’ose le taxer
aujourd’hui de « musique boum boum », si le Mouvman Kiltirel Rénoyné a fait surgir la question
identitaire et le « complexe de la langue créole » sans pour autant le régler, il n’en demeure pas
moins que la question de l’histoire et de la référence aux origines reste problématique.
Il a fallu attendre 2001 et la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité
pour qu’il y ait un vrai débat sur la citoyenneté des esclaves, restituée par l’abolition de l’esclavage
du 20 décembre 1848.
Ce n’est donc que 150 ans après l’abolition qu’on a commencé à interroger cette période de
l’histoire française et réunionnaise, et à se pencher sur les conséquences économiques, sociales et
culturelles de ce rapt inhumain.
1998, c’était encore l’époque Sarda, considéré comme le sauveur, jusqu’au moment où des voix
s’élevèrent pour réclamer « la vérité sur l’histoire », et la réparation face aux crimes commis.
Ces voix sorties du silence séculaire et du « fénwar » de la pensée se sont levées et ont pris la
parole, les historiens ont repris leurs plumes pour révéler des pans entiers de l’histoire demeurés
dans l’ombre, les acteurs culturels se sont emparés de cet objet historique pour éveiller les
consciences, les artistes ont entonné à nouveau, avec toute l’emphase qu’il mérite, l’hymne des
ancêtres. Tous contribuent aujourd’hui à pacifier la mémoire de la souffrance en rétablissant les
responsabilités familiales et institutionnelles de ce crime.
Nous héritons tous de ce crime, et chacun d’entre nous doit réhabiliter son humanité, les
descendants d’esclaves, d’engagés ou des maîtres unis dans un même élan d’émancipation, afin de
retrouver de la dignité.
Faire la vérité sur l’histoire implique d’entreprendre cette œuvre de pacification sociale sans
laquelle aucun développement équilibré n’est possible. C’est poser les termes d’une réhabilitation
citoyenne des esclaves qui ont construit la cité, des marrons qui ont reconquis leur liberté et des
engagés qui se sont investis dans ce pays avec « un billet aller simple », car pour la plupart d’entre
eux ils n’ont pas eu la possibilité de retourner dans leur pays, de garder leur nom d’origine,
escamoté la plupart de temps par les officiers d’état civil, ni même de conserver leur culture
dominée par la religion apostolique.
Cette histoire plurielle, nous devons l’inscrire sur les tableaux noirs de nos écoles de la République,
qui n’a longtemps été qu’une république assimilationniste et réductrice. Il est temps aujourd’hui
d’ouvrir les vannes de la culture réunionnaise et de laisser jaillir la pensée plurielle comme autant
de louanges à la créativité et à la liberté.
L’histoire doit bénéficier de la même liberté, sans complexes et sans tabous, dénoncer ce qui est
maintenu jusqu’à aujourd'hui dans la honte et le mépris, dire l’insoutenable violence de l’esclavage,
dire le racisme légalisé, l’exploitation inouïe, mais dire aussi qu’il est temps de guérir de tous ces
maux et que la société doit mettre en place les remèdes pour accéder à cette guérison psychique.
Car qui donc constitue la société, si ce n’est nous, acteurs économiques, sociaux, politiques et
culturels, institutions publiques et privées, tous engagés dans une même communauté de destin ?
Nous devons faire preuve de lucidité face à notre avenir, pour cela nous devons savoir comment
s’est constitué notre présent.
Car ceux qui profitent ne sont pas toujours ceux qui triment et si l’âme de Mme Desbassyns plane
encore sur toutes sortes de négociations, les subsides de la Banque de la Réunion restent au cœur du
débat. Cette banque, on le sait, a été créée avec l’argent de l’indemnisation reçue par les
propriétaires d’esclaves peu après 1848. Il est nécessaire de percer cet abcès, et pour cela une
commission « Vérité, Justice et Conciliation » serait très utile.
Revenir à l’histoire pour ne plus perpétuer le crime, c’est le principe même de la réparation.
Connaître, prendre conscience de l’ampleur du gâchis social pour ne pas recommencer. Mais
connaître aussi pour retrouver à travers l’anéantissement le courage de résister, la volonté de
combattre l’inhumain, de rompre avec l’aliénation.
Car les associations qui travaillent sur le terrain font face à cette évidence : la plupart des
Réunionnais ne connaissent pas leur histoire. Des dates importantes demeurent ignorées, telles :
‐ 1663 : constitution de la première communauté réunionnaise pérenne, deux Français et dix
Malgaches, dont trois femmes venaient de Fort-Dauphin (Madagascar) pour s’installer à Bourbon.
Première révolte des Malgaches qui partent en marronnage.
‐ L’enregistrement du Code Noir à Saint-Paul le 18 septembre 1724.
‐ 1753 : « guerre de Cilaos » contre les Marrons qui a duré environ dix ans.
‐ La révolte de Zélindor le 23 mai 1779.
‐ La révolte des Esclaves de Saint-Leu le 5 novembre 1811.
‐ Le complot de Saint-Benoît, découvert le 27 avril 1833, qui impliquait des « libres de
couleur » et des esclaves.
Faire la vérité sur l’histoire pour guérir des maux de l’esclavage, instituer les marrons et les
résistants comme des grands hommes, permettrait à ceux qui n’ont reçu comme héritage que la
violence de l’esclavage, de s’affilier à ces figures de la résistance, de se forger de nouveaux
modèles de lutte et de combat, de persévérance et d’espoir dans l’avenir.
Le principe de la réparation
Nous le déclinons sous forme de revendications concrètes qui touchent l’ensemble des sphères
sociales, éducatives, culturelles et économiques.
L’appropriation de l’histoire passe par sa connaissance. Cette connaissance doit être facilitée
par la mise à disposition du public de moyens tels que livres, films, documents pédagogiques,
archives, arbres généalogiques, etc., autant d'outils qui doivent être développés par les pouvoirs
publics et les associations, et disponibles dans les bibliothèques scolaires et publiques, aux archives,
au sein des associations qui développent ces ouvertures au savoir.
Dans ce dessein, nous souhaitons une divulgation massive de l’histoire de la Réunion au sein
des médiathèques par la mise à disposition du public des livres consacrés à l’histoire de la Réunion,
que ces livres soient faciles d’accès. Que les médiathèques organisent régulièrement des journées
portes ouvertes sur l’histoire pour permettre au public de rencontrer les historiens et de faire le point
sur l’avancée des recherches.
Par le partage des savoirs acquis par les associations lors de leurs enquêtes de terrain et leurs
recherches aux archives sous forme de restitution au public, d’intervention pédagogique dans les
écoles ou encore de participation aux programmes de formation des adultes.
Par la mise en place, au sein des organismes d’insertion, d’une borne publique qui
permettrait aux usagers d’accéder également à des informations sur l’histoire de la Réunion ; cette
connaissance procède de leur intégration dans la vie de la cité, en réintroduisant des repères et des
références.
Par l’installation de kiosques ou de panneaux informatifs sur l’histoire des lieux de
mémoire.
C) La recherche généalogique
La reconstitution de l’arbre généalogique ainsi que le géno-sociogramme sont également des
sources d’histoire personnelle et familiale non négligeables puisqu’ils permettent de retracer le
roman familial et d’inscrire l’individu dans une lignée et dans une transmission
intergénérationnelle.
Une information publique sur les objets trouvés dans les différents sites de l’Ile par les associations,
les individus ou encore par les institutions chargées de la préservation du patrimoine comme la
DRAC, la Région, le Département doit être diffusée dans les plus brefs délais.
Ces objets trouvés lors de la réalisation de chantiers d’aménagement, d’une recherche personnelle
ou institutionnelle ou encore dans le cadre de projets mis en œuvre par des associations doivent être
recensés, datés et versés au patrimoine commun. Il en est ainsi des ossements trouvés à la caverne
Phaonce par l’ONF, à Dimitile par l’association capitaine Dimitile, à Saint-Paul lors du cyclone
Firinga. Les objets trouvés à Tapcal par des explorateurs, les objets collectés par le GRAHTER à
Salazie lors du colloque sur l’archéologie, les chaînes de la prison Desbassyns à la Rivière-des-
Pluies.
Le musée Desbassyns doit être complété par la partie "esclaves", le recensement des esclaves, mais
également tous leurs outils de travail, ainsi que les objets de sévices et de contention.
Les sites historiques doivent constituer des sites publics ouverts à tous. Les heures d’ouverture des
musées historiques (comme la Prison Desbassyns, les Lazarets, etc.) doivent être rendus publics. En
aucun cas, ces sites ne peuvent être la propriété exclusive d'une communauté religieuse. Cependant
chaque personne ou composante culturelle et cultuelle est libre de rendre hommage à ses ancêtres à
la manière qui lui convient, à condition de respecter le site et de le nettoyer après chaque
manifestation
D'autres autorités publiques ont le même devoir à l'égard de certains villages des Bas, telle la
Grande-Chaloupe… S’intéresser uniquement au patrimoine végétal, aux plantes endémiques et aux
pratiques médicinales, nous paraît être largement insuffisant au vu de l’histoire riche des Hauts de
l’Ile, dont la fondation s’appuie sur l’épopée du marronnage et de son pendant, la chasse aux
marrons ainsi que de nombreux échanges qui ont eu lieu entre les marrons et les « petits blancs »
qui ont fui le système de l’esclavage en s’appropriant une terre dans les Hauts à Cilaos, Salazie ou
Mafate.
Le classement de ces sites historiques est une des conditions fondamentales de leur préservation.
Les projets d’aménagement routier ou urbain doivent respecter ces sites historiques et ces lieux de
culte. La population doit être systématiquement consultée avant tout projet d’aménagement qui
concerne son environnement immédiat et qui touche à son patrimoine foncier et culturel.
Le chantier de basculement des eaux d’Est en Ouest a créé une saignée dans toute la Réunion : Qu’a
t-on trouvé dans ces chantiers concernant le patrimoine réunionnais ? Qu’a t-on pu extraire de ces
fouilles ? Car tout le monde le sait, et l’association GRATHER l’a proclamé à maintes reprises :
« la terre peut parler, peut nous apprendre des choses de notre passé à condition qu’on ait la volonté
et surtout le courage politique de la faire parler ». Car c’est bien cette découverte extraite de la terre
qui nous aidera à nous réconcilier avec notre passé et à constituer notre patrimoine culturel et
identitaire.
À ce titre, nous demandons la modification du tracé actuel du tram-train qui expulse les habitants de
la Grande-Chaloupe et ceux de la rue Gibert des Molières, deux kartié historiquement constitués,
dont le patrimoine architectural et la manière d’habiter doivent être préservés.
La commission d’archéologie préventive doit être expressément mobilisée sur le site des Lazarets
afin de reconstituer le plus fidèlement possible l’histoire de la migration et de la quarantaine
sanitaire.
Sur ce dernier point, il est aussi important de rappeler l'imbrication étroite des problématiques de
l'aménagement du territoire, de la sauvegarde du patrimoine et de la recherche : le terrain renvoie
vers les Archives et inversement. Les Archives Départementales de La Réunion permettent de
mener ce travail de mémoire. Il est nécessaire d'optimiser cet outil dans sa mission d'accueil du
public, dans la perspective où l’on veut reconnecter les réunionnais avec la connaissance de leurs
Lieux de Mémoire. Le lecteur se heurte également trop souvent à des problèmes de
communicabilité liés à l'état de conservation des documents. Nous demandons au Conseil Général
le lancement d'un vrai programme de restauration systématique de tous les fonds (notamment pour
les périodiques ou encore pour le fonds cartographique). Cette démarche aura des conséquences
importantes sur l'inventaire des sites patrimoniaux dans les kartié et nourrira également la démarche
archéologique.
Nous demandons un rééquilibrage immédiat et une renomination des rues, des espaces et des
équipements publics afin d’introduire dans la cité le nom des esclaves, des marrons et des engagés
qui ont contribué à la construction de la Réunion. Nous attirons l’attention sur la présence des
femmes dans ces groupes, dont les noms doivent ainsi être honorés. De la même façon, les
personnalités publiques : militants politiques, syndicalistes, les acteurs culturels qui se sont battus
pour la démocratie doivent trouver leur place dans la cité. Nous devons nous référer à nos propres
héros de l’histoire de la Réunion en leur attribuant la place qu’ils méritent.
I) Les servis
Il faut accorder une plus grande attention à la reconnaissance publique de pratiques culturelles et
cultuelles qui ont été diabolisées pendant l’esclavage et la colonisation.
Il s’agit notamment des servis zancèt, malgas, kaf, kabaré sous toutes ses formes, confinés dans la
sphère privée aujourd’hui encore par défaut. Ils ont servi, au même titre que le maloya, de moyens
de lutte pour la liberté et de préservation culturelle durant la période de l’esclavage et de la
colonisation. C’est en grande partie à travers eux que l’esclave a pu garder sa dignité et son
humanité. Ils ont servi à recréer en captivité une nouvelle forme d’ancestralité, garante de leur
survie et de la pratique de la spiritualité. Si la pression des grandes religions « officielles » n’a pas
On peut toujours arguer de la liberté de culte et d’opinion effective dans notre société moderne, et
qu’il ne tient qu’aux pratiquants de faire ce qu’ils veulent. C’est tout à fait vrai en théorie, sauf
qu’au moment par exemple où se bâtissaient les églises et les mosquées, ces personnes, des
Malgaches et des Africains pour les nommer, n’étaient pas vraiment en position de faire quoique ce
soit. Au moment où les engagés indiens arrivaient, ils pouvaient parfois construire des chapelles,
leur contrat stipulant le respect de leur culture et de leur religion, ce qui ne fut pas le cas des
engagés malgaches et africains. Ces derniers n’ont toujours pas la possibilité de disposer de lieux
souvent publics au départ, devenus privés par la suite, de lieux de cultes. Aujourd’hui encore où
sont les chapelles, les sanctuaires malgaches et africains accessibles à tous ? D’aucuns osent même
dire que l’essence de cette religion, le culte des ancêtres ne se prête pas à une célébration publique !
Qu’en est-il alors des servis qui regroupent parfois jusqu’à 150 personnes et plus chez les gramouns
connus ? Qu’en est-il des grands sanctuaires publics des pays d’origine ?
Effectivement il y a une forme privée comme dans toute religion : de la même manière que l'édifice
cultuel public, si prestigieux soit-il, église, chapelle ou mosquée, n’a jamais empêché les familles de
consacrer un petit espace dans la maison ou dans un coin de cour à un autel familial, le servis
familial ne doit pas empêcher un lieu de célébration publique, comme c’est le cas à Madagascar ou
en Afrique.
La mise à disposition de lieux qui seront laissés à la discrétion des groupes de servis est un geste
fort de reconnaissance et de respect de leur identité religieuse profonde. C’est à eux de dire ce qu’ils
veulent en faire. Peut-être dans un premier temps s’agira-t-il simplement de se connaître, de se
rencontrer, de se reconnaître. Il n’est pas évident de sortir des 4 siècles de fénoir et de méfiance
d’une religion minorée et dévalorisée, pour pratiquer au grand jour avec aisance. Mais le temps est
venu de dépasser les clichés esclavagistes et coloniaux qui perdurent à l’endroit de la religion des
Noirs.
Il faut, pour un traitement équitable de toutes les religions et sensibilités, que les collectivités et les
communes leur accordent un espace dans la sphère publique pour permettre la reconnaissance et le
partage avec tous les Réunionnais. Ce petit coup de pouce à l’égard de groupes qui se sentent
encore parfois les laissés pour compte de la société réunionnaise sera apprécié comme un geste de
réparation et d’encouragement à devenir de véritables acteurs de développement, pour eux-mêmes
et pour la Réunion.
Propositions :
• Chercher, répertorier des lieux susceptibles de servir à la fonction de ronds de
services et mettre à disposition des groupes adeptes un lieu digne, par exemple : une ancienne
usine, ou une ancienne maison de maître, que les collectivités et la municipalité du lieu aident
à aménager. Autre exemple : un espace naturel qui sera réservé, ou dans une nouvelle zone
aménagée. Ceci est valable pour les grandes régions de l’île : Nord, Est, Ouest, Sud, avec une
répartition Hauts et littoral, ce qui donne dans le meilleur des cas 8 espaces réservés pour
commencer.
• Aide et soutien matériel et financier dans un premier temps pour aménager les lieux.
La séparation de l’église et de l’état n’a jamais empêché par exemple, le financement d’une
restauration d’un édifice cultuel important, ou d’une grande fête aux confins de la culture et
de la religion quand on veut bien. Alors quand il s’agit d’agir au bénéfice de la paix sociale et
de l’équilibre entre les groupes, tous les efforts sont nécessaires.
Du fait de l’absence de politique publique et faute d’un statut légal, les langues régionales
sont particulièrement menacées dans leur transmission et leur développement. Sur le plan
institutionnel, l’absence de politique de valorisation de notre langue créole ne permet pas
d’instaurer un bilinguisme heureux à La Réunion. Peu de mesures sont prises en sa faveur, ce qui se
manifeste par une sous-exploitation de la compétence bilingue réunionnaise.
• Médias
- une plus grande diffusion d’émissions en créole, et plus particulièrement la création d’un
espace spécifique pour la valorisation et la diffusion de notre langue créole sur RFO, télévision
publique, aux heures de grande écoute (19h-21h), notamment (mais pas exclusivement) par la
diffusion d’un journal télévisé en créole dans cette tranche horaire;
- la création d’un service public complet de radio et de télévision émettant dans notre langue
créole.
Nous demandons une aide spécifique accrue pour les opérateurs privés (radios associatives,
télévisions, presse, nouveaux médias) qui œuvrent à la diffusion de notre langue créole.
• Enseignement
Il faut que chacun puisse choisir, s’il le souhaite, un enseignement sous des formes diverses :
- Un enseignement bilingue à parité horaire.
- Un enseignement en immersion.
- Un enseignement spécifique en direction des adultes, y compris dans le cadre de la
formation professionnelle publique et privée.
Les apports de notre langue et culture doivent être intégrés au socle commun de
connaissances. Il s’agit d’une politique d’offre généralisée de la maternelle à l’université, ainsi que
dans la formation permanente.
• Vie publique
Notre langue créole doit être présente dans la vie publique et sociale.
Nos demandes s’adressent à l’Etat et aux collectivités territoriales (Communes,
Communautés de Communes, Département, Région).
Depuis plus de trente ans, les organismes internationaux et européens (Parlement européen,
Conseil de l’Europe, Conférences sur la sécurité et la coopération en Europe, Nations unies,
UNESCO) n’ont cessé de rappeler l’importance des langues dans le patrimoine de l’humanité et
d’inciter les Etats à prendre des mesures efficaces pour assurer leur défense et leur développement,
spécialement en ce qui concerne les langues régionales ou minoritaires.
Paradoxalement, la France « Pays des droits de l’Homme », mène depuis trop longtemps, une
politique linguistique négative envers les langues autres que le français, présentes sur son territoire.
Aujourd’hui encore, elle refuse de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires (1992), elle détourne de son objectif l’article 2 de la Constitution (1992) pour l’utiliser
contre les langues régionales.
Cela dit, la plupart des problèmes rencontrés pour la reconnaissance des autres langues
minoritaires ou régionales de France se posent aussi pour le réunionnais et en pleine conformité
avec les textes internationaux et européens nous pensons que :
- Dès lors qu’elles servent de moyen d’expression à des êtres humains, les langues sont
égales ;
- La valeur de toutes les langues est identique de même que la dignité des personnes qui les
parlent ;
- Elles ont toutes, en soi, les mêmes capacités de développement ;
- Tous les locuteurs doivent être traités à égalité, avec le droit de recevoir et de transmettre,
d’utiliser et de développer leur langue tant dans le domaine privé que dans le domaine public.
• Médias
Nous voulons :
- une plus grande diffusion d’émissions en créole, et plus particulièrement la création d’un
espace spécifique pour la valorisation et la diffusion de notre langue créole sur RFO, télévision
publique, aux heures de grande écoute (19h-21h), notamment (mais pas exclusivement) par la
diffusion d’un journal télévisé en créole dans cette tranche horaire;
- la création d’un service public complet de radio et de télévision émettant dans notre langue
créole.
Nous demandons une aide spécifique accrue pour les opérateurs privés (radios associatives,
télévisions, presse, nouveaux médias) qui œuvrent à la diffusion de notre langue créole.
• Enseignement
Il faut que chacun puisse choisir, s’il le souhaite, un enseignement sous des formes diverses :
- Un enseignement bilingue à parité horaire.
- Un enseignement en immersion.
- Un enseignement spécifique en direction des adultes, y compris dans le cadre de la
formation professionnelle publique et privée.
Les apports de notre langue et culture doivent être intégrés au socle commun de
connaissances. Il s’agit d’une politique d’offre généralisée de la maternelle à l’université, ainsi que
dans la formation permanente.
• Vie publique
Notre langue créole doit être présente dans la vie publique et sociale. Par exemple :
- Par le respect de la toponymie et la mise en place de la signalisation bilingue.
- Par l’encouragement à l’utilisation de la langue dans les lieux publics et dans la vie sociale
(activités périscolaires, petite enfance…)
Ces mesures ont pour seul but de permettre à notre langue créole de vivre et à ceux qui le
désirent de l’utiliser. Elles devront être dotées des moyens humains et financiers propres à ce
dessein. Elles seront un encouragement à la transmission familiale de notre langue.
KILTIR PARTOU demande que l’engagement des financeurs se concrétise par la signature
de conventions appropriées.
L’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant (ONU) précise qu’un Etat
doit « […] favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités » et
« inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs
culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il
peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ».
À la Réunion, l’enseignement s’est toujours fait en français. L’élève réunionnais est très peu
au centre de l’action pédagogique, car il y a une très faible prise en compte de sa langue, de sa
culture et de son identité au sein de l’école. Pourtant la langue créole est le mode d’expression de la
majeure partie de la population et l’affirmation forte de l’identité réunionnaise. On en arrive alors à
un conflit d’appartenance entre la culture de l’école, trop éloignée de celle de l’enfant, et la culture
réunionnaise. La politique éducative actuelle maintient ainsi un grand nombre d’enfants réunionnais
en situation d’échec scolaire et elle ne contribue pas assez à leur épanouissement.
Il faut donc trouver les solutions qui permettent de dépasser ces conflits désastreux. C’est
pourquoi il faut changer de cap, donner clairement et hautement de nouvelles finalités à l’école à La
Réunion pour que les Réunionnais puissent véritablement se l'approprier et qu’elle devienne l’outil
de leur épanouissement.
Nous devons donc repenser l’école pour une meilleure adaptation à l’enfant réunionnais.
• Faire que l’enfant réunionnais maîtrise ses deux langues, créole et français dans la paix
linguistique.
• Faire des enfants réunionnais des citoyens de demain, tolérants, responsables, fiers d’être
eux-mêmes, conscients de leur histoire, du patrimoine qui les entoure et qu’ils portent en
eux.
• Faire des jeunes réunionnais des êtres de culture, conscients aussi bien de leur culture
réunionnaise que de la culture française et autant que faire se peut des cultures ancestrales,
des cultures voisines et de celles du monde.
• Conduire l’immense majorité des enfants réunionnais à la réussite scolaire, à la réussite
dans la vie, dans le respect de leur identité, afin de construire le Réunionnais d’aujourd’hui
et de demain en harmonie avec son histoire et son environnement.
• Notre analyse
L’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant (ONU) précise qu’un Etat
doit « […] favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités » et
« inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs
culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il
peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ».
Malheureusement l’élève réunionnais est très peu au centre de l’action pédagogique, car il y
a une très faible prise en considération de sa langue, de sa culture et de son identité au sein de
l’école. De cette situation résultent de nombreux conflits d’affiliation entre cultures en rivalités. La
culture scolaire s’impose comme celle du plus fort et le rapport au savoir en est complètement
perverti, provoquant échec, dénis, clivages et aliénations de toutes sortes. On en arrive alors à un
conflit d’appartenances entre une école singulière (se voulant universelle mais restant fermée à
notre identité) et la famille créole (langue maternelle, entourage de référence, ancestralité).
Cet aspect a été analysé depuis longtemps, mais rien n’a bougé parce qu’il y a un autre
problème à démêler simultanément, celui d’un conflit de citoyennetés entre la République et le pays
tel que l’histoire nous l’a légué. Les partisans d’une république mono-culturelle continuent à
imposer leurs conceptions et à justifier les entreprises d’assimilation dans l’académie. Pour eux
l’histoire se réduit à l’histoire coloniale et le créole n’est pas une culture digne de l’enseignement
scolaire, alors qu’il s’agit pour nous de notre essence même. Pour sortir de l’impasse, il faut
dépasser les oppositions.
Cet état de fait se concrétise par la faiblesse des résultats obtenus selon divers indicateurs
d’évaluation : illettrisme entre 13 et 20% à La Réunion contre 5% dans l’hexagone, évaluation
toujours en dessous de la moyenne nationale, qualification insuffisante en fin de cursus… Plus que
dans l’hexagone, l’école de la république, dès le départ n'accorde pas une égalité des droits à tous
les élèves réunionnais. Pire, tous les élèves, même ceux qui parviennent à réussir à l’école, ne tirent
pas pleinement profit d’un bilinguisme additif.
Nous devons donc repenser l’école pour qu’elle soit véritablement une Ecole Réunionnaise.
Une école avec comme objectifs de :
• Faire que l’enfant réunionnais maîtrise ses deux langues, créole et français dans la paix
linguistique.
• Faire des enfants réunionnais des citoyens de demain, tolérants, responsables, fiers d’être
eux-mêmes.
• Faire des jeunes réunionnais des êtres de culture, conscients aussi bien de leur culture
réunionnaise que de la culture française et, autant que faire se peut, des cultures
ancestrales, des cultures voisines et de celles du monde.
• Conduire l'immense majorité des enfants réunionnais à la réussite scolaire, à la réussite
dans la vie, dans le respect de leur identité, afin de construire le Réunionnais d’aujourd’hui
et de demain en harmonie avec son histoire et son environnement.
Nous devons donc repenser l’école pour une meilleure adaptation à l’enfant réunionnais. La
politique éducative que nous avons dénoncée et qui a échoué à faire réussir le plus grand nombre,
n’a jamais été discutée, et encore moins votée, mais nous a été imposée par une technostructure trop
éloignée des réalités locales.
C’est pourquoi il faut permettre qu’un large débat soit mené sur l’école que nous voulons et
dont nous avons besoin. Il faut ainsi créer les conditions pour qu’un nouveau partenariat
démocratique s’instaure et pour cela aborder franchement tous les points de friction et qui restent en
souffrance comme autant d’abcès : Orientations, ressources humaines, calendrier scolaire…
Une nouvelle politique éducative doit donc émerger en adéquation avec les attentes de tous
les acteurs.
• Nos revendications
Pour arriver à ce but, à ces objectifs, il faut mettre les enfants réunionnais au centre du
système scolaire, et tout d’abord partir de ce que les enfants réunionnais sont.
S’il est vrai que tous les enfants de la Réunion ne sont pas bâtis sur le même modèle, ils ont,
pour la majorité d’entre eux, énormément de points communs. Une culture commune, une culture
réunionnaise, unique, même si elle est multiforme, avec :
- une langue commune, le créole réunionnais,
- un patrimoine matériel et immatériel commun : l’histoire de la Réunion dont nous sommes
tous issus.
- Le système scolaire devra donc permettre à l’enfant d’inscrire son île dans son histoire, et
de s’inscrire lui-même dans la culture et dans la langue de ses parents, de ses ancêtres. Il
faudra donc partir de la culture réunionnaise dans sa diversité pour accéder à la culture
française et aux cultures du monde.
L’école devra aussi prendre en compte l’inégalité des enfants face aux deux langues principales de
la Réunion. Pour cela le collectif KILTIR PARTOU demande la mise en place d’une politique
éducative visant le bilinguisme équilibré et additif. Un tel bilinguisme, en développant dès le plus
jeune âge une réflexion sur les langues pratiquées par l’élève (compétences métalinguistiques) est
favorable et plus efficace pour leur apprentissage et pour le développement de l’enfant.
‐ Que des actions de koudmin, puissent être menées à l’extérieur de l’école où elles auront été
jugées nécessaires.
‐ Qu’inversement les établissements puissent faire appel à un lantouraz pour réaliser des
projets pédagogiques.
‐ Que l’esprit de partage soit remis à l’honneur par des jumelages ou d’autres partenariats
innovants (par exemple avec le troisième âge, avec les pays de la région…)
‐ Que la fête, comme moyen de construire une convivialité et de combattre les difficultés du
moment, soit utilisée pour promouvoir des actions éducatives ou pour défendre des projets
citoyens.
‐ Que l’accueil, qui est une grande tradition insulaire, devienne un moyen de communiquer
entre jeunes de différents pays.
‐ Que le respect ne reste pas confiné aux cercles étroits du sacré mais que les jeunes
apprennent à reconnaître des lieux de création ou de mémoire.
‐ Que les échanges de toutes sortes soient favorisés avec les pays voisins
‐ Que la participation des associations soit développée à tous les niveaux en instaurant un
label d’utilité régionale qui couvrirait toutes les actions publiques (grossesses précoces,
violences intrafamiliales, addictions, moustiques, sécurité routière, mobilité, racisme,
maladies…)
‐ Qu’un poste d’Inspecteur Pédagogique Régional à la Vie Régionale soit créé, qui aurait pour
tâches de suivre les décisions, de participer aux projets d’établissements et d’encourager les
partenariats.
Jeudi 11 juin 2009 a eu lieu la dernière réunion du groupe chargé de l'élaboration des
compléments au programme académique provisoire de LCR (Langue et Culture Réunionnaises) de
l’école élémentaire à la terminale. Ce groupe a commencé ses travaux en septembre 2007, ce qui a
abouti à un programme académique de l'option LCR présenté à la rentrée 2008, signé du recteur
Canioni, et valable pour deux ans (2008-2009 et 2009-2010). Ce programme provisoire devait être
revu à la fin de cette période. Ce jour-là (11 juin), la coordonnatrice de ce groupe de travail, a
annoncé sa clôture : un programme ministériel devant être établi.
Renseignements pris,
1. Ce programme sera un programme de créole (au singulier) ;
2. Les niveaux à atteindre seront le niveau A1 du cadre commun des compétences
européennes à la fin de l’élémentaire et le niveau A2, à la fin du collège.
Tout d’abord, ce singulier à «créole», le fait que le créole réunionnais continue d’être
considéré comme une variante de “La Langue Créole” est une aberration sur le plan scientifique,
tous les linguistes le disent - de Robert Chaudenson à Marie-Christine Hazaël-Massieux, en passant
par Lambert-Félix Prudent, et les autres. Les créoles atlantiques et le nôtre ont pris naissance en des
lieux séparés par un continent et (presque) deux océans. Entre deux créolophones unilingues de ces
deux régions la communication est complètement impossible. Mais surtout, ce singulier à créole
empêche la mise au point d’un programme propre à notre langue et à notre culture régionales,
adapté à nos besoins.
D’autre part, les niveaux exigés sont proprement scandaleux : à la fin du collège, (nous
reprenons ici les termes même du cadre européen commun de référence) l’élève pourra :
À 15 ans passés, et 6 ans de LCR (cet enseignement commence au CE1, il n’existe pas en
sixième et cinquième), le jeune Réunionnais aura appris à donner des informations simples sur sa
famille et à faire des achats en créole, ce qu’ils font quasiment tous aujourd’hui en CP ! Quel jeune
Réunionnais créolophone (ils le sont presque tous) voudra encore suivre des cours de langue et
culture réunionnaises ?
En 2001 il a été procédé à une adaptation des programmes scolaires pour les classes de 4e et
3e. Jusqu’à aujourd’hui, on n'a jamais évalué ces réformes. Mais il se trouve qu’on a introduit une
certaine confusion dans l’esprit des collégiens entre l’histoire réunionnaise et l’histoire générale et
notamment celle de la France. En effet, ces adaptations sont nichées à l’intérieur d’une progression
notoirement centrée sur l’Europe et il est difficile de trouver une logique entre les différents
chapitres.
C’est pour essayer de remédier à ces défauts et pour fournir à tous les élèves un étayage
identitaire propre à leur construction personnelle que cette proposition a été pensée. Tout
programme est le fruit d’un compromis. Nous avons choisi de ne pas limiter l’histoire régionale aux
seules frontières de l’île. La progression commence par le contact avec les différents ancêtres. Ce
n’est qu’ensuite qu’on voit se mettre en place les échanges qui conduisent au peuplement de l’île, là
où va se jouer le drame de l’esclavage / colonisation avant que se cherchent les abolitions /
décolonisations.
Cette chronologie est parallèle à celle qui a été établie par ailleurs. Chaque collégien suivrait
ainsi deux classes d’histoire ce qui devrait le conduire à une meilleure appréhension du temps et des
héritages.
Cet enseignement de l’histoire régionale retiendrait une heure de l’emploi du temps et serait
soumis à habilitation pour les professeurs. L’ambition d’ancrer davantage sur cette terre sans pour
autant l'isoler est la réponse aux craintes de divisions que nous avons pu entendre. Elle devrait
pouvoir être soumise à concertation et être régulièrement évaluée.
CLASSE DE 6°
On étudie les Antiquités qui ont toutes en commun d’appartenir à tout le monde tout en
servant de références culturelles encore aujourd’hui. Ces mondes sont tous « perdus » ce qui est le
propre de la condition historique et ce qui rend nécessaire l’étude de l’histoire.
Il s’agit tout au long de l’année de réfléchir sur l’ancestralité et sur les héritages.
L’accent n’est pas mis sur la chronologie mais sur la connaissance des civilisations. Si
l’élève ne voit pas tout de suite « l’histoire en marche » sur son île, il se retrouve au centre de
l’Océan Indien et peut découvrir toute la richesse de cette situation en découvrant :
‐ l’Egypte - la Mésopotamie - l’Inde - la Chine
‐ le Monde Hellénistique avec les contacts de civilisations, les périples et les échanges.
CLASSE DE 4°
C’est à cette époque que se peuple l’île Bourbon. L’île voit se succéder deux phases différentes :
‐ le temps des « Premiers habitants » (à partir de 1663)
‐ le temps du Code noir (1724) et des plantations de café, c’est aussi celui du marronnage et
des premières révoltes sur les habitations
‐ le temps de la Révolution française et des guerres franco-anglaises qui voit l’abolition
rejetée par les colons et l’Angleterre conquérir les Mascareignes.
Vient ensuite la deuxième vague, celle de l’impérialisme au cours de laquelle l’Europe exporte des
hommes, des techniques et des capitaux. Se constituent une nouvelle rive sur le flanc sud de
l’Océan Indien, celle des Terres australes :
‐ de l’Australie
‐ du Cap oriental et du Natal
‐ de Madagascar.
Au cours de cette période La Réunion connaît un essor économique, c’est le cycle du sucre avec :
‐ la Restauration et la mise en place d’une nouvelle oligarchie dans l’île qui y joue un rôle
moteur,
‐ l’abolition négociée au profit de la plantocratie et le recours à l’engagisme,
‐ de nouvelles formes de résistances par l’isolement dans les Hauts, la religion ou le
« vagabondage » (« l’itinérance »).
Puis on étudie :
‐ le tableau de la situation en 1945
‐ la départementalisation des « Quatre Vieilles » colonies françaises
‐ l’insurrection malgache de 1947
‐ les deux Républiques malgaches
‐ la Guerre Populaire de Libération du Vietnam
‐ l’Apartheid en République d’Afrique du Sud
Or, la création artistique est justement un des espaces privilégiés où peut s'exprimer une
culture - cette façon si particulière qu'un peuple a de sentir, de vivre, d'envisager le monde.
Continuer à "minorer" l'expression des artistes réunionnais, c'est condamner notre société à perdre
"du sens", à l'entraver dans la construction de ses références et de ses mythes, c'est aussi enlever au
monde la possibilité d'être surpris, enrichi, bousculé par une expression inédite qui puise dans la
créolité, qui chaque jour est en marche.
3) L'établissement de politiques culturelles qui soient plus en phases avec la réalité des
créateurs réunionnais. Ces politiques devront s'attacher à être véritablement à l'écoute de ce qui se
passe "sur le terrain", pour accompagner les propositions diffusées sur le territoire, en établissant
des dispositifs de soutien appropriés à cette créativité. Ces politiques doivent prendre en compte la
culture au même titre que le social, l'environnement et l'économie, sachant que la culture est définie
comme le 4ème pilier du développement durable depuis le sommet de Johannesburg en 2002.
Ces quatre axes synthétisent notre propos. Ils sont complétés par 24 mesures exposées et
regroupées dans les chapitres suivants, ainsi que des annexes structurant concrètement plusieurs
propositions essentielles.
Mesure 1 : soutenir les emplois et la formation des professionnels des arts et de la culture
1.A Pour toutes les filières artistiques et culturelles : soutien de l’emploi des permanents (direction
artistique et administration) par une meilleure évaluation et prise en compte du budget de
fonctionnement des structures (associatives ou statut commercial) dans l'attribution des aides
annuelles.
1.C Pour l’ensemble du secteur : favoriser la mise en place d’outils coopératifs pour
l’accompagnement des projets individuels et collectifs professionnels. Soutenir les initiatives
structurantes et innovantes en matière de conseils, d'accompagnement et de suivi des projets et/ou
des équipes artistiques (administration, production, diffusion, communication, technique).
1.D Pour les artistes plasticiens : application du droit à la formation pour les artistes plasticiens.
1.F Pour les agents du patrimoine : mise en place d'une formation de "guide-interprète".
1.H Ouverture des financements publics aux acteurs encadrés par des structures juridiques
économiques autres qu'associatives.
Principes et résultats escomptés : Il s'agit de redonner aux artistes, agents du patrimoine et aux
structures encadrant leurs emplois (compagnies, groupes de musique, associations culturelles
oeuvrant dans le patrimoine, structures de production indépendantes,...), les moyens de se
développer et de pérenniser leur activité. La formation et l'emploi sont des leviers de la
redynamisation de l’activité économique culturelle et artistique.
Contexte : Le contexte local accuse un manque global en matière de soutien aux professionnels des
arts et de la culture. Des initiatives ont vu le jour depuis au moins cinq ans afin de maintenir la
"survie" de l'activité artistique et culturelle. Ces initiatives associatives, privées, collectives ou
individuelles ont de plus en plus de mal à exister et à se développer.
Cette agence devra avoir une antenne au nord et une autre au sud. Chacune des antennes sera dotée
d'un service "Social", dont pourront bénéficier les compagnies ou groupes de musique pour
l'établissement des fiches de paye des intermittents. Le conseil et le suivi en matière de projets
professionnels individuels et collectifs seraient ainsi assurés.
Par ailleurs, l'agence comportera un guichet transversal commun à toutes les disciplines, qui :
- apportera un aide juridique et administrative,
- proposera une mise en réseau des acteurs artistiques et culturels pour une meilleure
représentativité du secteur à la Réunion, dans l'environnement régional, national et international,
- permettra le développement de l’accès à l’information, ainsi que des échanges et des coopérations
pour les porteurs de projets.
Cette agence devra également permettre de renforcer et de développer au niveau culturel, les
politiques en matière de coopération régionale et internationale. Elle donne une visibilité globale
des dispositifs existants et pourrait centraliser un Fonds unique de développement pour la
coopération régionale (fonds regroupant les différentes aides Etat, Région, Département) - voir
chapitre 2 - mesure A -
Mesure 3 : Favoriser le mécénat en augmentant l’assiette de remise fiscale aux mécènes, par
un passage de 60% à 80% (voire à 100%) du montant de l’aide octroyée à la structure
parrainée.
Principe de la mesure :
- Élargir le champ du financement artistique par les apports du secteur privé.
Résultats escomptés :
- Impliquer davantage le monde de l’entreprise locale dans le mécénat culturel. Jusqu’à présent, les
entreprises étaient « frileuses » ou avaient une connaissance très partielle de ce type d’implication
auprès du milieu artistique et culturel.
- Permettre aux structures artistiques de redéployer leurs sources de financement
- Soutenir les efforts des politiques publiques en matière d’aide à la création, par l’apport des
partenariats privés.
Mesure 4 : actionnariat culturel, une bourse notionnelle "made in Réunion" (source CCEE)
Léon Dierx, premier musée de La Réunion a existé grâce à des dons. Aujourd’hui, les réunionnais
ne sont plus guère sollicités pour la culture. En même temps, il est constaté que les finances
publiques consacrées à la culture ne couvrent pas tous les potentiels. Il s’agirait de mobiliser des
fonds privés, comme dans une grande fondation réunionnaise ouverte à tous. Ceci ouvrirait une
nouvelle source de financement, créerait du lien social, sensibiliserait à l’épargne solidaire. L’enjeu
est de dégager de nouvelles sources de financement venant compléter de manière citoyenne celle du
public et du marché.
Principe :
Élaborer un pré-projet :
• Choisir entre un actionnariat complètement fictif ou réel
• Élaborer les statuts et le cadre juridique adapté
• Recueillir un intérêt pour la démarche d’au moins une centaine de personnes
• Élaborer des « règles du jeu », la valeur des actions, les contreparties, …
• Communiquer
• Vendre des parts
• Évaluer
Contexte : Ce centre pourra enrichir la réflexion autour de la question « Quel théâtre à La Réunion
?»
Résultats escomptés :
- Enrichissement des œuvres théâtrales par un travail plus approfondi sur notre patrimoine
(oral, écrit).
- Propositions d’esthétiques réunionnaises.
- Élargissement de la diffusion des œuvres sur d’autres territoires (par la traduction
simultanée).
Du fait de sa position géographique et en tant que région française, La Réunion vit une double
situation : celle de l’éloignement par rapport à l’Hexagone et celle d’un contact immédiat avec
l’international par les modes d’échange qui la lient aux pays voisins. Cette double situation
rend difficile la circulation des œuvres et des artistes. La présente mesure vise, par un
ensemble de propositions, à réduire ces difficultés de circulation.
Principe :
Ce fonds de développement culturel est un guichet unique de la culture afin de simplifier, rendre
lisible, mutualiser les moyens financiers consacrés à la culture…
Il rassemble dans un fonds unique les différents crédits du Ministère de l’Outre-Mer (Fonds de
transports -article 40 de la LOOM-, Fonds de Coopération Régional pour la culture; Fonds d’aides
aux échanges culturels et artistiques du Ministère de la Culture) et apporte des moyens
supplémentaires par rapport à des objectifs précis.
Il fonctionne selon des critères d’éligibilité clairement définis.
Un comité de suivi et d’évaluation veillera au bon fonctionnement de ce fonds.
Principe : Ce nouveau dispositif vise à conforter les financements déjà existants en matière d’aide
à la création. Il consiste en un fonds commun qui associe des financements émanant de l’Etat et
des Communes, ainsi que des Communautés de communes. Les bénéficiaires de ce fonds seront
les structures employant directement des artistes et les artistes indépendants non rattachés à une
structure. La bourse pourra s’associer par exemple aux moyens dispensés par les villes au titre de
résidences de création.
Contexte : Les villes de La Réunion, dans les politiques culturelles qu’elles mettent en place, se
sont davantage souciées jusqu’à présent de leur dotation en équipements culturels, sans se donner
les moyens d’un soutien à la création à proprement parler. Alors qu’en métropole, la part des villes
en matière culturelle est la première source de financement public, ce rapport est inversé à la
Réunion. Les villes sont les dernières à apporter leur soutien aux équipes artistiques en matière
d’aide à la création. Il s’agirait par cette bourse de créer un effet de « levier » auprès des villes, en
leur apportant un cofinancement venant de l’Etat qui sera calculé selon l’aide octroyée par les villes
aux artistes.
- Impulser l’initiative des villes qui jusqu’à présent ne s’investissent pas dans le soutien à la
création : ce fonds fonctionnerait comme une mesure incitative, en vue d’ouvrir le champ de
l'action communale ; car à l’inverse de leurs politiques culturelles, les villes à La Réunion
appliquent des politiques sociales qui devancent leurs homologues métropolitaines. Ce fonds
pourrait alors être conjugué avec les lignes budgétaires visant à soutenir les projets en matière de
dynamisation sociale qu’elles ont déjà mises en œuvre.
- Replacer l’artiste au cœur de la cité, dans un échange dynamique avec les populations, comme les
jeunes des quartiers.
Mesure 2 : Assouplissement des modalités d’attribution des subventions octroyées par les
instances publiques locales.
Principe :
Elaboration de nouveaux types de contractualisation entre l’institution publique et la structure
subventionnée (comme par exemple des contrats pluriannuels et non plus au projet « annualisé »,
… ) afin de pallier des problèmes tels que : le principe d’annualité budgétaire qui n’est pas en
phase avec l’activité réelle de structures artistiques, la difficile constitution d’une trésorerie
notamment pour les jeunes équipes…
Résultats escomptés :
- Facilitation des modes de gestion interne des structures artistiques et culturelles
- Harmonisation des modes de fonctionnement entre institution publique et structure subventionnée
qui chacune fonctionne sur des logiques de gestion temporelle et administrative différentes
Mesure 3 - Introduction au sein des critères d'attribution des subventions publiques d’un
aspect quantitatif et qualitatif :
- Pour le quantitatif, il s'agit du critère de l'emploi des artistes, généré par le projet qui
sollicite les subventions.
- Pour le qualitatif, il s'agit de mettre en place une expertise artistique qui soit nourrie,
argumentée et efficace (expertise qui propose un suivi du processus de création).
Principe :
Introduction d'un critère socioéconomique en complément de l'enjeu artistique et identitaire du
projet pour l'attribution de financements publics. Et parallèlement, mise en place d'une réelle
expertise artistique (définition des critères d'évaluation de l'oeuvre artistique et transparence faite
sur la démarche des personnes impliquées dans cette expertise).
Résultats escomptés :
- Développer l’insertion des artistes de la Réunion dans un statut professionnel, entre autres à
partir du renforcement de leur emploi.
Remarque : au préalable, il serait intéressant de s’appuyer sur les outils de mesure quantitatifs et
qualitatifs développés dans le cadre des études et observations (études qu'ont pu mener le PRMA,
le CCEE ou la DRAC...), afin d’identifier le ratio actuel entre le montant des financements publics
injectés dans l’économie des structures susceptibles d’employer des artistes et la masse salariale
déclarée d'artistes vivant à la Réunion. Ce ratio pourrait être autant un critère dans l’attribution des
subventions pour les projets (cf. critère des aides professionnelles des sociétés civiles) qu’une base
de négociation globale entre les collectivités, les employeurs et les artistes ou leurs représentants.
- Sortir de son opacité le fonctionnement du comité d'experts de la DRAC; ceux-ci ne prennent pas
le temps d'aller à la rencontre des équipes artistiques et leurs avis (qui, dans la réalité des faits,
vaut décision et non consultation) n'est pas argumenté, alors qu'il devrait être un regard sachant
enrichir la création des artistes.
Principe :
Le 1 % pour l’art est une mesure qui peut permettre de créer un véritable marché pour les
plasticiens leur apportant des commandes publiques et des vitrines de leur art, accessibles à tous.
Elle peut également avoir un impact très positif dans le développement de l’urbanisation et la
conceptualisation de l’urbanité réunionnaise. Elle est très peu utilisée à La Réunion.
Résultats escomptés :
Hausse des opérations de 1 % pour l’Art
Plus forte pénétration de l’Art dans la ville
Hausse des revenus des artistes plasticiens
Notoriété des artistes
Large sensibilisation aux formes artistiques.
Principe :
Le dernier acte de la décentralisation a modifié les compétences en matière de l’enseignement
artistique. La Région prend en charge le niveau CNR, les communes assument le niveau qui le
Résultats escomptés :
- Démocratisation de l’apprentissage de la musique, de la danse et de l’art dramatique
- Cohérence dans les projets d’enseignement artistique à l’échelle des communes, du département
et de la Région
- Source d’emploi pour certains artistes.
Contexte : Les CCEE ont été conçus comme des « laboratoires d’idées », chargés de donner aux
instances locales (Région d’abord, puis Région et Département depuis 1992) des avis, des
propositions, des suggestions, dans quatre domaines de prédilection :
- La Culture, sous toutes ses formes d'expression : arts, langue, connaissance du passé et du
contexte géographique et social, information, nouveaux médias...
- La Formation initiale et continue,
- L’environnement et sa préservation,
- La Coopération régionale.
Le CCEE de La Réunion est renouvelé tous les six ans. Ses 31 membres sont désignés par le préfet.
Ils représentent la vie associative, culturelle et syndicale de l’île. Ils sont organisés en trois collèges
: Vie culturelle (collège 1), Vie éducative, enseignement et recherche (Collège 2), Protection et
animation du cadre de vie (Collège 3).
C'est la Région qui assure le fonctionnement du CCEE, avec l'appui d'une équipe administrative.
Mesure 7 : Conforter les lieux de diffusion et d’exposition dans les deux missions que sont le
soutien à la création et la diffusion des œuvres artistiques
Pour les arts plastiques, il existe des structures associatives ayant pour mission l’aide à la création et
à la valorisation des projets artistiques portés par les plasticiens réunionnais. Or, peu de lieux
comme ceux-ci existent à la Réunion. Il s’agit donc d’apporter un soutien accru à ces structures qui
oeuvrent pour l’éclectisme et la promotion des productions dans le domaine des arts plastiques à La
Réunion.
- Soutenir la création réunionnaise dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques
en renforçant les outils de promotion de cette création que sont les lieux de création et de
diffusion
- Renforcer le lien entre les structures artistiques (compagnies de théâtre et de danse, groupes de
musique), les artistes plasticiens et les lieux de création et de diffusion
- Établir des ponts plus solides entre les acteurs des maillons 4,5 et 6 du secteur artistique (cf.
annexe 7)
Principe : Réserve de 50% des budgets de programmation pour les créations locales.
Confortés financièrement dans leur mission de soutien à la création et à la diffusion (mesure 7), les
lieux peuvent dès lors prendre le risque économique d’ouvrir leur programmation aux productions
locales.
Cette réserve budgétaire serait également augmentée par l’économie faite sur les frais d'approche
des équipes artistiques « extérieures ». Ce gain abonderait aussi les aides à la création mais
surtout à la diffusion des productions locales.
La création locale devra être prise en compte dans toute sa diversité, notamment avec les arts de
l'oralité (le conte, le fonnkèr) et la création en langue créole.
Résultats escomptés :
- Soutenir la création locale et les équipes artistiques professionnelles de l'île
- Les mesures 7 et 8 du présent chapitre devraient permettre que la mission de service public
(offre culturelle) soit remplie et que l’équilibre socioéconomique soit trouvé tant par les lieux
(maillon 4) que par les équipes artistiques (maillon 5 et 6).
Mesure 9 : Intégrer la Culture dans le programme GERRI et les grands politiques publiques
européennes et nationales en matière de Développement Durable pour La Réunion
Le principe : Depuis le sommet de Johannesburg en 2002, la Culture est définie comme le 4ème
pilier du Développement Durable à côté de l'économie, du social et de l'environnement.
Aujourd'hui, force est de constater que la Culture est à peine prise en compte dans la rédaction des
grands projets de développement durable pour La Réunion notamment le projet GERRI.
Sur le plan local, GERRI est appuyé par l’ensemble de la classe politique réunionnaise et le projet
se construit en liaison et en convergence avec tous les acteurs de l’économie et de la société.
Ce constat, valable pour des programmes récents comme GERRI, l'est aussi pour des programmes
de politique globale plus ancien comme l'Agenda 21 dont la réflexion, lancée au cours des
premières rencontres réunionnaises sur le développement durable en février 2002, n'interroge pas
suffisamment la notion de Culture. La prégnance de l'approche uniquement environnementale dans
ces débats témoigne de pratiques où, pendant longtemps, on a exclu la Culture, l'Histoire et le
Patrimoine du champ du développement raisonné et de l'aménagement.
Proposition et résultats escomptés : Intégrer la Culture et le monde culturel réunionnais dans les
grands programmes structurants, proposant un développement raisonné émanant des politiques
nationale ou européenne. Cette intégration nécessite la participation des acteurs culturels à la mise
en oeuvre de ces programmes.
Concernant "les Arts et Spectacles", des acteurs de terrain demandent la valorisation économique
et sociale pour les actions menées en termes de :
- promotion des solutions DD et mise en œuvre de projets innovants arts/DD sur scène et en
coulisse
- coopération interrégionale et internationale afin de maintenir la diversité culturelle nécessaire à
l’équilibre culturel des peuples de la planète. Partager les expériences en termes de pratiques
écodurables / écoresponsabilités.
- utilisation des NTIC et mise en place du processus de dématérialisation
La réflexion menée dans cette commission s’appuie sur l’expérience de professionnels du secteur
qui examinent les problématiques spécifiques à chaque secteur d’activité : Spectacle Vivant, Arts
plastiques, Patrimoine, Cinéma, …
Le travail mené au sein de cette commission croise des dimensions à la fois sociales, juridiques et
économiques.
D’une part, il se nourrit des analyses déjà effectuées (réflexions du secteur réalisées dans le cadre de
la LOOM, étude récente sur l'économie de la culture effectuée par la CCEE, étude sur le secteur de
la musique du PRMA dans un contexte de préparation de la LODEOM, prise en compte des projets
associant différents maillons des politiques publiques -mairie, CCAS, CUCS-). Et d’autre part, il
s’intéresse aux questions concernant les nouvelles problématiques économiques (consommation de
masse de produits culturels, révolution Internet qui change les pratiques de "consommation").
En effet, cela fait une douzaine d'années, depuis le Kabar zintermitan réuni en 1997 à Jeumon que
les professionnels de la culture se rencontrent régulièrement afin de remonter aux pouvoirs publics
des analyses et propositions visant à une meilleure prise en compte des réalités de leur secteur par
les politiques culturelles.
En 2002, un collectif des professionnels de la culture s’est constitué lors de l’élaboration de la Loi
Programme pour l’Outre-Mer. Il a poursuivi en 2003 son action en accompagnant le mouvement
des intermittents du spectacle à La Réunion.
Deux ans plus tard, à l’initiative de La Région, des Etats généraux de la Culture se sont tenu, au
cours desquels le secteur a fait remonter à la collectivité territoriale des constats et préconisations
pour définir une nouvelle politique culturelle.
Le travail effectué au sein de l’actuelle commission a pour but de poursuivre ces démarches
antérieures, de les actualiser afin de redynamiser par des mesures concrètes les secteurs artistiques à
La Réunion.
Mesure 1.A : Soutien de l’emploi des permanents par une meilleure évaluation et prise en
compte du budget de fonctionnement des structures (associatives ou statut commercial)
Résultats escomptés :
- Développement de l’emploi culturel et de l’activité économique globale du secteur permettant de
pérenniser l’emploi culturel à La Réunion
- Redonner les pleins moyens à ces acteurs culturels qui, alors qu’ils représentent les forces vives
de cette création locale, vivent pourtant au quotidien une grande précarité tant pour le
fonctionnement de leurs structures que pour la bonne marche de leurs projets
- Harmonisation des moyens dans l'intérêt du fonctionnement de l’ensemble du secteur
Contexte nécessitant une adaptation des pratiques aux spécificités locales : Le contexte local
pénalise l’intermittent dans l’obtention de ses droits, du fait de l’exercice actuel du régime
d’indemnisation.
Résultats escomptés :
- Permettre à l’emploi artistique de perdurer, dans un contexte d’autant plus inquiétant que le
chômage déjà important par rapport à la moyenne nationale, risque de s’aggraver du fait de la
crise actuelle.
- Éviter les fermetures des structures pourvoyeuses d’emploi artistique
Mesure 1.C : Soutenir et favoriser le développement d’outils coopératifs sur le territoire pour
l’accompagnement des projets individuels et collectifs professionnels
Principe :
Soutenir les initiatives structurantes et innovantes en matière de conseils, d'accompagnement et de
suivi des projets et/ou des équipes artistiques (administration, production, diffusion,
communication, technique.)
Dans un même temps, pour pallier les grandes difficultés des artistes et des équipes artistiques dans
leurs démarches de gestion administrative et de montage de projets, des initiatives locales originales
et innovantes sont mises en place par les acteurs eux-mêmes (comme la constitution de structures de
production et de diffusion mutualisant des compétences diverses). Ces structures déploient
beaucoup de temps et d’énergie et comptent sur le seul volontariat des acteurs, sans que ceux-ci ne
disposent des moyens suffisant à leurs missions.
Résultats escomptés :
L’objectif de cette mesure est donc de pallier ces manques, en apportant un renfort aux structures
artistiques et aux structures de management culturel (administration, production communication et
diffusion). La collectivité doit accompagner ces initiatives en matière de mutualisation de moyens
de production sur le territoire (modèle des "coopératives d’activité et d’emploi", des SCIC -
"Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif", des collectifs…).
les résultats de cette mesure s'articulent avec celles de la mesure 1.A.
La formation professionnelle n’est pas seulement un droit, mais selon la loi du 4 mai 2004 « une
obligation nationale ». Cependant les artistes plasticiens n’y ont actuellement pas accès.
Le déni de ce droit est toujours accompagné d’une argumentation byzantine sur la situation sociale
des plasticiens : leur précarité financière rendrait impossible l’accès à une formation
professionnelle, alors qu’ils sont maintenus dans cette précarité par une culture de la gratuité
institutionnalisée; alors même qu’ils contribuent sans conteste au « développement économique et
culturel » du pays.
Il convient donc de rappeler que la formation professionnelle a précisément pour but l’insertion
professionnelle. Répondre à la demande de formation professionnelle des plasticiens nécessite avant
tout que l’État ait le courage politique de s’affronter aux problèmes de ce secteur, condition sine
qua non pour enclencher la création d’un dispositif approprié, nourri d’une réflexion globale sur la
situation spécifique des plasticiens. Si l’on souhaite tenir compte des spécificités liées à leur activité
et à leur situation sociale, il sera nécessaire de trouver des modes innovants de financement et sans
doute différents des fonctionnements actuels des grands organismes de formation.
Principe :
Quelques pistes possibles de financement:
- une cotisation des artistes eux-mêmes, proportionnelle à leurs revenus. Cette cotisation ne doit
pas être liée aux critères d’ouverture des droits de la sécurité sociale-MDa, en privilégiant les
artistes affiliés et en rejetant les assujettis.
- une cotisation des diffuseurs. (Galeries, ventes publiques, agences de communication...)
- des subventions régionales.
- des subventions du Fond Social Européen.
- directions du travail
Il n’est pas inutile également de rappeler que la mise en place de formations permettra de créer des
emplois pour un certain nombre d’artistes formateurs.
Résultats escomptés :
Permettre une continuité de la formation pour :
- les jeunes artistes formés localement (notamment à l’école des Beaux Arts)
- les artistes en général en tenant compte des pratiques autodidactes qui sont très fréquentes à La
Réunion
Principe :
La mise en place du RMA permet sans doute de réfléchir à un RMAA (Revenu Minimum d’Activité
Artistique). Cette extension de l’exception culturelle à la précarité ouvrirait des voies nouvelles aux
pratiques professionnelles non conventionnelles tout en offrant aux artistes dont notre société a
besoin des conditions de vie décentes, quoi qu’il arrive.
S’agissant d’un dispositif dérogatoire en ce qui concerne les critères et les modalités, mais pas dans
son principe, les coûts supplémentaires que génèrerait un tel système sont très mesurés au regard du
bénéfice social et politique de sa création. Ce dispositif pourrait accueillir dans un premier temps
ceux qui ne pourraient plus entrer ou se maintenir dans les annexes 8 et 10 du fait des nouvelles
règles. Il pourrait ensuite être étendu aux autres artistes, écrivains, plasticiens, selon le modèle
d’autres pays européens.
Résultats escomptés :
- insertion professionnelle des artistes toutes disciplines confondues
- lutte contre la précarité et la pauvreté des artistes
Mesure 1.F Pour les agents du patrimoine : mise en place d'une formation de "guide-
interprète"
Principe :
Cette mesure se décline en étapes :
a) - Mise en place de modules de formation débouchant sur un brevet labellisé de « guide-interprète
». Ces modules, financés conjointement par l’Etat et les collectivités territoriales (La Région, le
Département et les Villes qui sont propriétaires de musées), s’adresseront aux personnes déjà
identifiées par leur expérience (comme les « guides péi »), ainsi qu’à toute personne souhaitant se
former à cette pratique professionnelle.
b) - À la suite de cette formation labellisante, les textes régissant ce corps de métier pourront alors
s’appliquer sur l’île.
c) - Par des appels à projets, les collectivités ou particuliers détenteurs de lieux de visites
permettront alors aux « guides - interprètes » d’intégrer leurs structures pour des visites payantes
dont les recettes seront partagées entre la structure et le guide.
Principe : Elargir le principe de continuité territoriale pour les intermittents du spectacle qui
veulent suivre de la formation professionnelle.
Contexte nécessitant une adaptation des pratiques aux spécificités locales : Lorsqu’un
intermittent souhaite se former en Métropole, les frais de déplacement sont à sa charge.
Mesure 1.H Ouvrir les financements publics aux acteurs ayant des structures juridiques
économiques autres qu'associatives.
Il s’agirait donc de développer, en concertation, des dispositifs d’aides ouverts aux porteurs de
projets, quelles que soient leurs structures juridiques. Les critères d’aide seraient davantage orientés
vers l’évaluation du projet, en prenant en compte la qualité professionnelle, l’impact en termes
d’emploi, la capacité à créer du partenariat, la viabilité économique…
Résultats escomptés :
- Faciliter le développement de porteurs de projets travaillant sur l’accompagnement et le
développement d’artistes.
- Favoriser la présence, auprès des artistes, des métiers périphériques (managers, tourneurs,
Principes :
Pour l'enseignement de la danse, création d'un centre habilité à former et délivrer les diplômes.
Renforcement de la professionnalisation sur le territoire, en valorisant le BAFA, véritable relais en
matière socioculturelle, l'EAT (examen d'aptitude technique) et le DE (diplôme d'Etat).
L’économisme ambiant ?
• Comment concilier la logique du marché fondée sur le profit et la logique de la Culture orientée
vers la création du lien social et l’épanouissement de l’individu ?
• Comment faire de la Culture un vecteur de développement, tant économique (profit, emploi, …)
que social (lien social, identité, …) ?
Cette situation a conduit la ville à commander à l'Agence nouvelle des solidarités actives
(Ansa) - créée en janvier 2006 à l'initiative de Martin HIRSCH - une étude intitulée "Lever les
obstacles au retour à l'emploi dans les secteurs du spectacle et de la communication". Ses résultats
montrent le profil particulier des allocataires issus du secteur artistique, qui justifie la mise en
oeuvre d'actions spécifiques d'insertion : majorité d'hommes (59% et jusqu'à 94% dans certaines
filières techniques du spectacle comme les métiers du son), niveau de formation le plus souvent
élevé, travail intermittent… L'étude passe également en revue, avec un regard critique, différentes
explications possibles à ce poids des artistes parmi les allocataires du RMI : effet de la réforme du
régime des intermittents du spectacle, nombre d'artistes trop important par rapport aux possibilités
d'emploi, offre culturelle insuffisante, inadaptation du dispositif RMI…
Le plan départemental d'insertion (PDI) 2008, adopté par le conseil de Paris le 7 juillet 2008,
reprend notamment l'idée d'un accompagnement renforcé. La ville va donc lancer prochainement un
appel d'offres en vue de mettre en place un dispositif d'accompagnement personnalisé des
allocataires artistes. Jean-Noël Escudié / PCA
Dans ce cadre, la SCIC est une des réponses les plus prometteuses pour des projets qui concilient
efficacité économique et utilité sociale.
Résultats escomptés :
- Permettre aux acteurs culturels de jouer un rôle dans la société, en associant dans le projet un
grand nombre d’acteurs locaux.
- Resserrer les liens entre artistes et habitants par une visibilité des actions culturelles sur le
territoire partagé.
- Développer l’emploi artistique et culturel en décuplant les sources de financements des structures
« employeuses ».
Projet danse
Le CIA - Comité pour l’indépendance des arts
Projet danse
Le CIA - Comité pour l’indépendance des arts
La danse déroule à nos yeux, de la manière la plus éclatante et la plus festive, l’arc-en-ciel
humain de notre île. Ici plus qu’ailleurs, le climat favorise les manifestations en plein air. Aussi la
danse participe-t-elle de notre vie quotidienne, rythmée par les calendriers des festivités et des
différentes religions. Ici, des « kariokas » se trémoussent sous le soleil du Grand Boucan ; là, des
rondes gracieuses animent les processions organisées pour le nouvel an tamoul ; là encore, une
réunion sportive est ponctuée par les danses de « pom pom girls » malbaraises ; au Barachois, pour
le 20 décemb’, des kafs sont réunis pour un kabar au bord de la mer.
L’enchantement visuel procuré par les manifestations d’un groupe tend bien sûr à en
produire une image positive. Ces aperçus instantanés ne peuvent que contribuer à une coexistence
heureuse de toutes les diversités, pour le meilleur et l’harmonie de la communauté réunionnaise. La
danse, c’est l’appât d’une curiosité bienveillante envers la culture et les rites festifs de l’Autre.
Curiosité à usage interne, ou disponibilité aux apports extérieurs – jazz, tectonique… - que La
Réunion, avide d’Ailleurs toujours renouvelés, ne se prive pas d’intégrer.
Mais cessons de rêver à la rencontre de toutes ces couleurs et de nous extasier sur la fonction
identitaire, sur la force de cohésion que représentent dans notre vie quotidienne ces pratiques
chorégraphiques, « sauvages » ou organisées.
Ces questions mettent en évidence l’échec d’une politique se résumant à chercher des
solutions à l’extérieur, du côté de la mobilité des jeunes, d’une part, du côté de l’importation des
compétences sur l’île, d’autre part. Oui, les échanges sont vitaux. Dans une phase préalable, ils
seront utilisés en vue d’une autonomie future de La Réunion en matière de formation et de création,
avec pour objectif, d’obtenir dans le domaine de la danse des résultats comparables à ce que l’on
peut constater au niveau du sport.
Notre projet prétend offrir une réponse dans une série de mesures concrètes, réalistes,
incitatives et dynamisantes au service de l’éducation artistique et de la création chorégraphique. Il
repose sur l’idée que la garantie d’un minimum vital pour les artistes est nécessaire, mais pas
suffisante. La culture est un droit. La considérer comme une ressource potentielle pourrait la faire
entrer dans une dynamique favorable, où les investissements privés et publics seraient générateurs
Ce projet repose sur le principe de l’exception culturelle : l’Etat et les collectivités doivent
investir dans la culture, l’éducation et la création artistiques ; ils doivent aussi accorder à l’art un
statut préférentiel, quitte à en attendre des retours sur investissement, directs ou indirects. D’un
point de vue formel, on n’a pas, ici, choisi de disjoindre les principes, les mesures et les spécificités
locales. Les différents angles de la question abordée sont mis en lien les uns avec les autres.
Chapitre I
Gouvernance
- Au plan local, se donner les moyens de créer un équilibre entre une diversité d’organes
compétents et une gestion d’ensemble cohérente des crédits, des « politiques culturelles » et des
attributions.
- Mise en place d’une concertation des acteurs culturels de l’île (artistes, administratifs,
politiques) sur les critères de « l’expertise artistique » dans le domaine de la danse :
+ Comment le personnel des instances culturelles est-il recruté ?
+ Selon quels principes les équipes des instances de décision sont-elles composées ?
+ Est-il légitime que les instances de décision favorisent un courant artistique et, si oui, sur
quelle base ; ou bien doivent-elles faire preuve d’éclectisme ?
- Création à La Réunion d’un bureau indépendant des alternances politiques qui, faisant
intervenir selon une proportion constante des personnalités extérieures, superviserait avec la plus
grande neutralité possible la gestion de tous les dossiers de demandes de subventions déposés
auprès des organismes relais, chargés de faire remonter les propositions depuis la base. Ce bureau,
une sorte de « cour suprême » des affaires culturelles, travaillerait dans un esprit délibérément
indépendant des options politiques, des styles et des appartenances religieuses et « groupales » avec
pour seuls critères la qualité des artistes impliqués et la pertinence des projets
- À l'égard du public et des artistes, transparence et mise à jour régulière des comptes pour
les centres culturels, les attributions de crédits (informations diffusées sur Internet), l’emploi des
subventions.
- Création d’un Office Régional de la Danse
- Création d’un Centre Chorégraphique Régional (ou d'un centre habilité pour la
formation au D.E.)
- Institution régulière de grands rassemblements autour de et par la danse (associer la
danse aux grandes célébrations nationales et locales).
Chapitre II
Formation/éducation artistique
- Créer un schéma dans les quartiers et dans les villes selon les principes suivants :
+ établissement d’un plan définissant le ratio entre l’implantation d’antennes culturelles locales et la
population dans les différents quartiers des 24 communes de l’île,
+ respect de ces quotas pour une politique culturelle de proximité,
+ implication des citoyens (tissu associatif), de l’Etat, de la ville et de la région dans cette politique
culturelle de proximité .
- Développer des préparations au BAFA, comme premier pas dans un parcours de formation
diplômante, préparant aux métiers de l’éducation artistique (danse…), même pour des jeunes
n’étant pas en possession du bac.
- Voir plus haut : nécessité impérieuse de créer à La Réunion un lieu préparant d’un bout à
l’autre les jeunes au D.E. [actuellement, les jeunes doivent aller se former en métropole ; des
sommes considérables sont englouties en pure perte dans leur mobilité sans aucune retombée
positive pour La Réunion : aucun jeune ne revient avec son diplôme en poche].
- Ces formations seraient ouvertes à la région Océan Indien (Mayotte, Maurice, Réunion,
Madagascar), [sélection des candidats par la visioconférence].
Chapitre III
Valorisation et diffusion du patrimoine et de la création locale
- Ouverture des scènes locales aux compagnies locales, dans l’objectif de parvenir, à court
et moyen terme, à la parité avec les interventions des artistes extérieurs.
- Préservation et redynamisation du patrimoine local par l’interaction entre la recherche,
la culture du témoignage et la fête (moringue, bals poussière, kabars, séga, maloya, jako).
- Redynamisation du Nord et de l’Est de l’île en matière de programmation artistique.
Chapitre IV
Questions de droit
- Reconnaissance des diplômes, y compris de ceux qui ont été passés à l’étranger.
- Soutien financier de l’Etat, compte tenu des retombées des entreprises culturelles en
termes d’emploi et de formation.
- Prise en compte du nombre d’heures effectuées par les artistes en création, alors
qu’aujourd’hui, compte tenu des tarifs syndicaux, les subventions accordées aux spectacles ne
couvrent pas les heures réellement consacrées à la préparation de prestations de haut niveau.
Chapitre V
Questions de médiation
- Création, dotation en personnel pour la mise à jour et le financement d’un site régional
centralisant des liens vers tous les sites répertoriés à La Réunion en termes de culture - avec
possibilité d’inscription aux cours et d’achat de places en ligne
Descriptif et analyse de
la « géographie » des acteurs du secteur artistique
mis en relation avec les propositions de la commission "Secteur professionnel de la culture et
économie culturelle" de KILTIR PARTOU
disciplines artistiques
des politiques cult. et
Les lieux revêtent une large diversité en fonction de leurs statuts (centre
eux, Création
* diffusion, …
Remarques préliminaires
• Cette « géographie » a d’abord été envisagée au regard des financements publics du Théâtre. En
effet, la personne qui a rédigé ces observations travaille dans ce secteur (en tant que comédienne et
responsable de compagnie, elle fait partie à la fois des niveaux 5 et 6)
• À bien des égards, d’autres disciplines artistiques peuvent aussi se retrouver dans ce schéma:
- l’ensemble du spectacle vivant : Musique, Danse, Arts du cirque, Marionnettes, …
- les Arts plastiques,
- le secteur du Patrimoine
- la Création littéraire,
- le Cinéma, …
• Ce schéma ne vise pas l’exhaustivité. La création artistique peut en effet avoir d’autres modes de
financements comme les financements européens ou encore le partenariat privé.
• L'esquisse réalisée a pour objectif de décrire la configuration d’un système, de faire une analyse
critique de certains de ses rouages et partant d’ouvrir sur de nouveaux axes de développement.
Idéalement, cette structuration des financements publics pourrait fonctionner harmonieusement car
les acteurs de « cette géographie » détiennent à chacun des maillons, des fonctions différentes et
complémentaires.
Mais malheureusement, son aspect pyramidal a généré des effets pervers qui se trouvent amplifiés
par la diminution actuelle des financements publics de la culture. Parmi ces effets pervers, on peut
trouver :
- La transformation du pouvoir (qui est déterminé essentiellement par trois facteurs : la détention
des moyens financiers, de l’information et du rôle décisionnel) en abus de pouvoir, traduit par la
rétention des moyens financiers, de l’information et l’amplification exagérée du rôle décisionnel.
Il faut aussi noter deux éléments : Au fur et à mesure que l’on descend dans la pyramide, on observe
une diminution graduelle de ce pouvoir. Et par ailleurs, le système ne dispose pas en interne
d'instances de régulation visant à rectifier les abus de pouvoir. Ce rôle habituellement dévolu aux
syndicats (quand bien même ils peuvent eux aussi recréer au sein de leurs organisations les mêmes
mécanismes tout aussi pervers) n’a en tout cas à La Réunion aucune action déterminante dans le
secteur artistique.
Conséquences de cette situation : La pression exercée sur les derniers échelons est d’autant plus
forte que les abus de pouvoir sont importants; or ceux-ci n’étant pas régulés, ils sont légion.
Sous cette pression, les derniers échelons sont renvoyés à leur individualité, (individualisme, qui, il
est vrai, est déjà latent chez certains artistes et acteurs culturels aux « ego » démesurés : « je suis le
meilleur, le seul valable sur la place »). Le phénomène qui en découle est celui de l’atomisation des
équipes artistiques procédant de la multiplication des propositions artistiques (ce qui en soi est signe
Ces stratégies peuvent avoir un versant bénéfique, comme la recherche de propositions artistiques
innovantes. Mais elles peuvent aussi tomber dans deux travers, à savoir :
- le jeu du clientélisme : les décideurs ayant un mandat politique, favorisent dans leurs
décisions les acteurs culturels qui, en retour, leur apportent des bulletins de vote au moment des
élections,
- ou encore le fonctionnement en « réseau de connivence » qui procède de la même
manière que le clientélisme à ceci près que les enjeux ne sont pas les élections mais la mise en
relation de personnes ayant des affinités d’intérêt ou de complicité. Il peut s’agir de réseaux
amicaux, familiaux, ou professionnels fonctionnant sur le mode de « l’échange de bons services »…
- Le corollaire des deux effets précédemment cités est le manque de transparence des
espaces où se prennent les décisions : les critères d’attribution des financements deviennent
complètement opaques.
Tout cela conduit à brouiller le fonctionnement « normal » de l’ensemble du secteur, mettant « sur
la touche » ou en grande difficulté les acteurs qui ne fonctionnent pas selon ces stratégies. De fait,
c’est le secteur global de la création qui en pâtit.
La structure pyramidale induit une vision hiérarchisée des fonctions et pouvoirs; et parallèlement
aux effets pervers décrits plus haut, les acteurs du système ont pu adopter des attitudes devenues
tellement réflexives qu’elles sont intégrées dans les mentalités comme étant « habituelles ».
Ces attitudes et actions sont tout à fait délétères, mais personne n’ose vraiment les dénoncer. Il est
vrai aussi qu’à La Réunion, outre le fait qu’il n’y a pas d’instance de régulation au sein du secteur
artistique, le milieu est constitué par un petit cercle d’acteurs qui se connaissent et ont des liens plus
ou moins resserrés d’interdépendance. Dénoncer ces actions reviendrait donc à s’exposer à plus ou
moins court terme à des retours de bâtons …
Car heureusement, qu’existent aussi, au sein du système, d’autres types de comportements, comme :
- La concertation entre les différents maillons du système (Echanges constructifs entre décideurs
et acteurs, co-production que l’échelon 4 octroie à l’échelon 5, travail de médiation que les artistes
proposent aux salles de diffusion pour favoriser le développement de leurs publics, etc.)
• Conforter les lieux de diffusion et d’exposition dans les deux missions que sont le soutien
à la création et la diffusion des œuvres artistiques (mesure 7 du chap. 3), ainsi que
l’Ouverture de 50% de la programmation des salles de spectacles aux productions locales
(mesure 8 du chap. 3). Ces deux mesures conjointes ont pour objectif de resserrer les liens
entre les salles de diffusion et les équipes artistiques, dans une prise en compte plus
systématique du devenir des productions locales, avec des efforts communs portés sur
l’évolution de la qualité artistique des œuvres produites à La Réunion (un spectacle se bonifie
d’autant plus qu’il est joué devant un public). Elles permettent aussi de renforcer l’impact de
l’activité des maillons 4 et 5 sur l’emploi artistique et culturel sur le territoire.
Pour toutes ces raisons, ces deux mesures ouvrent sur un mode de relation entre les
niveaux 4, 5 et 6 plus propice à un échange « circulaire » et non plus uniquement envisagé
(comme c’est souvent la pratique) dans une vision « pyramidale ».
Une cinquantaine de sociétés de production existent à La Réunion. Elles font vivre quatre-vingts
personnes directement et environ 150 intermittents du spectacle (techniciens et comédiens).
Il est indéniable que localement, la production audiovisuelle est importante. Il se produit beaucoup
plus de films à La Réunion que dans une région métropolitaine (hormis Paris).
2 • Freins au développement
L’éloignement de la métropole et donc le prix des billets d’avion est un problème récurrent sur les
tournages de téléfilms. On estime à 20% le surcoût (sur un budget de 400 000€ environ) dû au
transport par rapport à un tournage hexagonal.
Tous les producteurs qui sont venus ici se plaignent du fait qu’ils retrouvent des prix équivalent à
ceux de la côte d’azur…
Plus le temps passe et plus les problèmes de déplacement (embouteillages) deviennent envahissants
pour la logistique d’un tournage.
Les sociétés locales sont de taille réduite. Elles devraient se regrouper, pour être crédibles par
rapport au groupe de sociétés métropolitaines et européennes.
La concurrence des autres régions françaises, mais aussi celles des autres régions européennes (pays
de l’est, Malte, etc.) et même des pays méditerranéens (Maroc, Algérie, etc.) est de plus en plus
La formation des équipes de tournage même si elle s’est améliorée (grâce notamment à L’ILOI au
Port), n’autorise pas encore « l’autosuffisance » pour prétendre par exemple, à la production de
longs métrages.
Il n’y a pas actuellement de coordination des services de l’état et des collectivités locales pour
faciliter l’organisation d’un tournage. À ma connaissance, il n’existe pas en métropole de
collaboration de ce genre. La Réunion pourrait donc avoir un rôle pilote en la matière à condition
que l’on développe vraiment le concept « La Réunion, terre de tournage ».
La coopération régionale ne fonctionne pas. Elle serait pourtant nécessaire dans le cadre par
exemple d’un tournage de film français qui souhaiterait être tourné à Madagascar. La Réunion
pourrait alors devenir « le porte-avion français » dans la zone Océan Indien et ainsi, permettre
l’organisation d’un tournage aux normes européennes.
3 • Axes de recherche
4 • Synthèse
Dans une période où l’argent public devient rare, il est important de trouver ensemble des
solutions souvent de bon sens qui ne sont pas forcément budgétivores. La communication et
la coordination entre différents secteurs comme la préfecture, les collectivités, les chambres
consulaires sont à mon avis une des clés du succès que pourrait rencontrer La Réunion sur les
marchés nationaux et internationaux.
Les actions de formation des jeunes aux métiers de l’audiovisuel sont fondamentales pour
garder un marché intérieur fort. Par la suite, ces jeunes ainsi formés, pourront transmettre
un savoir-faire dans tout l’Océan Indien. Le poids de l’état français peut être primordial dans
le renforcement de la coopération régionale. Cela peut permettre au savoir-faire réunionnais
de s’exporter dans la zone Océan Indien.
La démographie est au cœur des préoccupations des collectivités locales dans le contrat de
projet État-Région-Département. En effet, on enregistre un accroissement annuel de 1.4 %, soit
10 000 habitants supplémentaires par an. Cette donnée est analysée en fonction de la problématique
foncière d’une part et de l’emploi d’autre part. Si on ne prend en compte que la problématique de
l’emploi, on note un taux de chômage qui se situe toujours aux environs de 30 %, alors que l’île ne
cesse de recevoir de nouveaux demandeurs d’emplois.
Afin que cette jeunesse s’épanouisse et trouve sa place, il faut donc lui créer un espace qui
permettra de lui restituer ainsi un aspect de son identité.
Suite au décès de son meilleur ami Soulski lors d'une fusillade contre la police, Bam créa
The Organization, une association connue actuellement sous le nom de Universal Zulu Nation. Le
but des Zulus était de fédérer les gangs et de les faire évoluer de manière positive et non-violente
par la pratique du Mc-ing, du DeeJaying, de la danse et du graffiti. Les dogmes des Zulus étaient
retranscrits sous la forme d'enseignements nommés "Infinite Lessons" (Les Leçons Infinies), un
document qui détaille l'histoire et la philosophie de la Zulu Nation.
Ces règles révèlent le côté philosophe de Bambaataa. Bam fut le leader de la Zulu Nation
dans les années 70 et 80. Bam qui était le DJ du quartier et qui possédait une sono monstrueuse, fit
la connaissance de plusieurs amis dont Mr. Biggs, Pow Wow, G.L.O.B.E., DJ Jazzy Jay et EZ LG et
Ce long interlude n’est pas anodin, il s’avère que le leader du groupe s’est produit en concert
à la Réunion en 1991. L'événement marque en quelque sorte symboliquement la naissance de cette
culture sur notre île. En effet, depuis cette période, on a vu des réunionnais s’essayer aux cinq
disciplines qui sont au fondement du mouvement.
Les cinq disciplines sont les suivantes : le graffiti, le Dj, le Mc, la break dance et le beatbox.
Le rap français a débarqué à La Réunion dans les années 90 avec Benny B "B.E. 2N. Y. B., mon nom
à moi c’est Benny B", etc... Mais c’est en 1993, avec “Paris sous les bombes” de NTM, que le rap
engagé a fait frémir les jeunes Réunionnais. Parallèlement, les jeunes se sont exprimés à travers la
danse. D’ailleurs, nous accueillons depuis quelques années les organisateurs du battle of the Year,
organisme qui sélectionne les meilleurs danseurs mondiaux. Le graffiti connaît la renommée avec
l’artiste Jace qui est l’inventeur des « gouzou ».
La culture urbaine s’exprime sous toutes ses formes. Bien que son existence suscite encore
la polémique, notamment au niveau identitaire, force est de constater que l’univers hip-hop fait
partie du quotidien de la jeunesse réunionnaise. Il est fédérateur et permet au jeune de se reconnaître
dans un système de valeurs.
Lorsqu’on analyse la façon dont vivent les jeunes réunionnais, force est de constater que
leurs codes vestimentaires, leurs pratiques langagières et certains de leurs loisirs sont intimement
liés à l’univers hip-hop. Prenons l’exemple du code départemental que les jeunes reconnaissent
comme signe d’appartenance identitaire. Cela s’inspire totalement de ce que font les jeunes issus
des banlieues parisiennes et d’autres départements de France.
La création d’un pôle, le SKWAT, s’inscrit dans un contexte local d’essor important et
permanent des pratiques culturelles urbaines. Le nombre de jeunes pratiquants du graff, du rap, de
la danse hip-hop, des musiques mixées ou amplifiées, du roller, du skate, du BMX… soit tous les
modes d’expression libres et spontanés, ne cesse de progresser. Par ailleurs, des associations
locales, POLEMOS, le CAP, Jeunesse 2000, … tentent de prendre tous ces éléments en compte et
encadrent certaines de ces pratiques.
C’est la raison pour laquelle, un projet d'espace couvert autour de ces problématiques doit
voir le jour. Ce dispositif pourrait être habilité à former des gens œuvrant pour cette culture. Il
pourrait également amener les jeunes à s’épanouir en passant par la création artistique, ou des
pratiques culturelles. Sa création permettra ainsi à de nombreux partenaires associatifs et
institutionnels de structurer de façon légitime un cadre socialisant et participatif à ces pratiques...
De plus, l’objectif sera aussi de favoriser l’ouverture des pratiques culturelles urbaines à
tous les publics (habitants, public féminin, jeunes… en développant notamment des temps
d’animation autour des pratiques telles que la danse, le graff, le skate, le roller…).
Enfin, informer, associer et sensibiliser les habitants, parents, jeunes, élus, professionnels,
associatifs... autour des lieux de création populaire à la Réunion, de leurs enjeux, des nouvelles
pratiques culturelles des jeunes fera aussi parties des missions de cet établissement.
Le pôle sera organisé en liaison avec les cinq disciplines du hip-hop à travers des ateliers
pédagogiques :
• Rap
• Battle de danse hip-hop
• Deejay (DJ)
• Contest de skate, roller et bmx
• Initiation MAO
• Initiations et démonstration de graff
• Streetball.
Par ailleurs, le pôle se destine à devenir un lieu hautement culturel, centré sur les créations
des artistes réunionnais à travers :
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PROPOSITIONS DE CHANGEMENT
POUR FAVORISER LE DROIT AU TRAVAIL
POUR TOUS LES REUNIONNAIS
Nous avons besoin d'un changement. Nous avons besoin d’une nouvelle donne qui passe par
une forte prise de conscience du peuple réunionnais et de ses dirigeants politiques et administratifs.
Nous ne faisons pas une religion de changer le statut. Nous disons qu’il faut changer les mentalités.
Nous disons qu’il faut changer nos rapports avec l’Etat. Nous disons qu’il faut établir de nouvelles
valeurs : respect, liberté d’action et surtout responsabilité. Nous disons que le temps est venu de
considérer notre potentiel et de nous battre pour assumer nos devoirs. Nous disons qu’il faut que
cesse la peur, que cesse le chantage au largage mais que soit renouvelé le contenu d’une vraie
collaboration choisie et partagée. Nous disons que pour réussir une telle entreprise, il est primordial
que chaque réunionnais soit développé, encouragé dans sa fierté d’être réunionnais, incité à prendre
des risques calculés, à innover et à ouvrir des chantiers nouveaux. Pour réussir une telle entreprise il
faut une connaissance et un respect de la diversité culturelle qui nous caractérise. C’est ce qui nous
donnera les clés à la fois pour lutter contre l’idéologie qui prétend bâtir l’unité sur l’uniformité et
pour ouvrir plusieurs solutions à la mesure justement de notre diversité.
Que signifie être réunionnais dans la République Française ? Sans être assimilés, sans être
traités comme des enfants, sans être obligés de choisir entre une chose et son contraire, alors que
tout ce qui nous fait est diversité et complexité. Qu’est ce que c’est qu'être réunionnais en ayant des
dirigeants politiques et administratifs suffisamment émancipés pour agir en qualité de responsables
dans l’intérêt général ?
Comment relever les défis du développement ? A savoir les défis d’être soi, d’être acteur de
ce qui se passe, être acteur des choix. Comment relever les défis de l’emploi dans un contexte de
mondialisation, les défis de la liberté de penser et d’agir, les défis de la connaissance et du respect
de notre diversité culturelle, les défis sociaux, du bien-être et de la paix ? Comment relever les défis
de l’éducation, du développement écologique ? Comment relever tous ces défis si nous persistons
dans la même voie de la dépendance.
Le monde change. Il change vite. Les centres de décisions et de création sont partout et
surtout ils ne sont plus le privilège des pays occidentaux. Pourquoi devrions-nous rester dans les
mêmes schémas, dans les mêmes « tabous », dans les mêmes carcans dont on connaît aujourd’hui
les limites ? Notre existence sur la planète Terre est menacée car jusqu’ici nous avons été égoïstes
et nous faisons partie des 20% qui utilisent les 80% des richesses pour un mode de vie « trop »
consommatrice d’énergie. Comment pensez le changement de nos pratiques ?
Ce programme consiste à établir un état des lieux, une analyse des situations et des
possibilités, à mettre en place un plan de formation, à organiser des concours en nombres suffisants
dans la fonction publique, pour permettre l’intégration des personnels précaires.
Il est inadmissible qu’un jeune professeur certifié se retrouve muté contre son gré dans une
banlieue parisienne, au prétexte qu’il ne disposerait pas du barème supérieur par rapport à un
autre candidat venant de l’extérieur.
Nous proposons la signature par l'ensemble des partenaires sociaux (des secteurs publics et
privés) d'une charte où ils s'engagent à privilégier l'embauche des réunionnais.
Mettre en place un système qui, progressivement, ne sera plus reconduit sur les nouveaux
contrats. Constituer une enveloppe avec le montant de la surrémunération pour la réaffecter à la
création d'emplois dans des secteurs d'activités insuffisamment pourvus, tels que :
- Le secteur médicosocial
- Le secteur des services aux personnes âgées (des maisons de retraites innovantes et
respectueuses de la personne âgée et de son droit à une fin de vie décente)
- Les services aux personnes handicapées (des structures d'accueil avec un personnel formé et
en nombre suffisant)
- Le secteur de la petite enfance (création de crèches de proximité, de taille humaine et qui
tiennent compte des connaissances en la matière et d’une adaptation au milieu réunionnais)
- La prise en charge des enfants en difficulté dans des structures adaptées (l'éducation
nationale n’a pas les moyens, aujourd'hui, d'une réelle prise en charge efficace de ces enfants).
Il est inadmissible que l’on persiste à inscrire des apprenants en formation de remise à
niveau sans aucune perspective d’insertion.
- Mettre en place des instituts éducatifs (culturels et pédagogiques) offrant une réelle seconde
chance aux personnes sorties du système scolaire, avec des outils qui prennent en compte leur
environnement culturel et social.
- Sortir de la logique de bataillons formés chaque année dans des secteurs d'activités imposés
sans adéquation avec les besoins de l'économie et sans prise en compte de la dimension culturelle et
individuelle
- Créer un comité de suivi des centres de formation, pour s'assurer qu'ils intègrent bien dans
leur approche la dimension culturelle, ainsi que l'approche sociolinguistique (la langue).
- Mettre en place le fonds de « Solidarité active » qui serait abondé par un pourcentage des
bénéfices des entreprises, géré par une agence de développement.
- Consentir un abattement de 100% aux entreprises qui font du mécénat culturel.
- Permettre au milieu associatif de resserrer les liens avec les entreprises.
- Au niveau des collectivités locales, créer des emplois d'agents de développement chargés de
faire l'interface, la veille d'appel à projets, l'accompagnement à la structuration de projets auprès des
associations.
Il est inadmissible que les demandes de subventions déposées auprès des collectivités
locales ou de la Drac pour des projets culturels soient traitées 6 mois après leur dépôt.
Il est inadmissible que nos salles de spectacle soient « réservées » à une élite, à la frange de
la population la plus élevée.
- L'objectif est de créer des écoles de musique, de danse, de théâtre... à l'échelon local
(quartier, commune) pour permettre un plus large accès à la culture aux populations défavorisées,
exclues des milieux culturels.
- Accompagner sur la durée les compagnies et les groupes dans leur travail de création, afin
que puisse émerger la création artistique réunionnaise dans toutes les disciplines.