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mesures que nous pourrions prendre pour éviter cela,


parce qu’il n'est pas question que chaque week-end
«Gilets jaunes»: Macron au pied du mur
PAR RACHIDA EL AZZOUZI
devienne un rendez-vous et un rituel de la violence. »
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 3 DÉCEMBRE 2018
L’option avait déjà été évoquée la veille par le ministre
de l’intérieur Christophe Castaner, qui déclarait «
ne pas avoir de tabou » à ce sujet à l’antenne de
BFMTV. Plusieurs voix, à l’instar du syndicat de
police Alliance (qui demande aussi le renfort de
l’armée) ou encore celui des commissaires de la police
nationale (SCPN) et Synergies-Officiers, réclament,
elles, le déploiement de l’état d’urgence.
Emmanuel Macron et Christophe Castaner le 2 décembre à Paris. © Reuters
La Ligue des droits humains (LDH) n’a pas tardé
Le chef de l’État est confronté à la crise politique
à réagir, s’inquiétant dans un communiqué : « Rien
la plus grave depuis le début de son mandat. Alors
ne justifierait le recours à une telle mesure. […]
que des leaders de l’opposition ont appelé à une
Le gouvernement dispose déjà de moyens légaux
dissolution de l’Assemblée nationale, la semaine qui
considérables grâce à l’intégration récente dans le
s’ouvre s’annonce décisive pour l’exécutif. La piste
droit commun de pouvoirs exceptionnels. On ne
d’un rétablissement de l’état d’urgence a été écartée,
rétablit pas le dialogue démocratique en usant de
à ce stade, à l’issue d’une réunion de crise dimanche
méthodes qui porteront nécessairement atteinte au
à l’Élysée.
droit de manifester et qui ne pourront être ressenties
Au lendemain des violences et des destructions qui que comme une volonté de criminaliser le mouvement
ont émaillé la troisième journée de manifestation des social. »
« gilets jaunes », Emmanuel Macron a écarté à ce
Mis en place après les émeutes de novembre 2005 dans
stade, dimanche 2 décembre, l’option controversée de
les banlieues, puis après les attentats de Paris et Saint-
l’état d'urgence, pourtant avancée par certains de ses
Denis en 2015, l’état d’urgence a pris fin il y a un an et
proches.
un mois, le 1er novembre 2017. Mais une grande partie
Pour le chef de l’État, confronté à sa plus grave crise
de ses dispositions ont été transposées dans le droit
politique depuis son entrée en fonction au printemps
commun par la nouvelle loi antiterroriste, faisant
2017, la semaine qui s’ouvre s’annonce décisive. Face
de la législation française l’une des plus sécuritaires
aux appels de plusieurs leaders de l’opposition à des
d’Europe.
législatives anticipées, il va tenter de mettre en scène
« le dialogue ». Édouard Philippe recevra, à partir de
lundi à Matignon, un collectif de « gilets jaunes », mais
aussi la maire de Paris, Anne Hidalgo, et les chefs des
partis représentés à l’Assemblée nationale.
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux
est l’un de ceux à avoir évoqué le plus clairement
l’option de l’état d'urgence, au micro d’Europe 1, Emmanuel Macron et son ministre de l'intérieur Christophe
dimanche dans la matinée : « Il y a une réunion tout à Castaner le 2 décembre à Paris. © Thibault Camus / pool / Reuters

l’heure avec le président de la République, le premier La piste n’a donc pas été retenue à ce stade, lors de
ministre et le ministre de l’intérieur pour faire d’abord la réunion d’urgence convoquée en fin de matinée
un bilan de la journée d’hier et voir quelles sont les ce dimanche à l’Élysée par Emmanuel Macron, tout
juste rentré du G20 en Argentine, en présence du

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premier ministre Édouard Philippe, qui a annulé président avait déjà condamné, samedi, des actions qui
son déplacement en Pologne à la conférence sur n’ont « rien à voir avec l’expression pacifique d’une
le climat, la COP24 – qui s’ouvre ce lundi –, colère légitime » et dénoncé les « coupables de ces
du ministre de l’intérieur Christophe Castaner, du violences », qui « veulent le chaos », assurant que
secrétaire d’État Laurent Nuñez et du ministre de la ceux-là seraient « clairement identifiés » et « tenus
transition écologique François de Rugy. pour responsables de leurs actes ».
En fin de journée, c’est la garde des Sceaux Nicole La commission des lois du Sénat entendra d’ailleurs
Belloubet qui a balayé l’option de manière plus nette, mardi 4 décembre le ministre Christophe Castaner et
estimant qu’il y avait d’autres « solutions » que le le secrétaire d’État Laurent Nuñez « sur les émeutes,
rétablissement de l’état d’urgence. « Je ne suis pas les agressions contre les forces de sécurité et les
certaine que nous en soyons arrivés à ce stade et je actes de vandalisme et de destruction » lors de ces
pense qu’il y a d’autres modes de solution que le manifestations, et « sur les moyens mis en place […]
rétablissement de l’état d'urgence », a-t-elle déclaré pour y faire face ».
lors d’un point-presse au tribunal de grande instance Le Pen et Mélenchon pour une dissolution
de Paris. de l’Assemblée nationale
« Le président de la République ne s’exprimera pas Tout le week-end, la classe politique, d’un bord à
aujourd’hui, ni demain lundi », a fait savoir l’Élysée, à l’autre, a occupé les plateaux et un peu plus pressé
l’issue de la réunion de crise, très laconique, annonçant le gouvernement d’entendre la colère des « gilets
seulement qu’Emmanuel Macron avait fait le bilan, jaunes », dont la mobilisation ne faiblit pas depuis
demandé au ministre de l’intérieur de « mener une deux semaines. À gauche, Jean-Luc Mélenchon,
réflexion sur la nécessité éventuelle d’une adaptation invité de l’émission « BFM Politique » dimanche
du dispositif du maintien de l’ordre dans les jours matin, a condamné la possibilité d’un recours à l’état
à venir »,face à « des casseurs plus violents, plus d’urgence, « pas une bonne idée » selon lui.
mobiles, plus organisés », et au premier ministre « de
« D’abord, il faut que les gens sachent que l’essentiel
recevoir les chefs de partis représentés au Parlement,
a été introduit dans la loi ordinaire. Il y a déjà des
ainsi que des représentants des manifestants ».
moyens incroyables de perquisition, d’assignation à
À peine descendu de l’avion, le chef de l’État s’était résidence sans aucun contrôle », a rappelé le chef
rendu place de l’Étoile et avenue Kléber, dans les de file de La France insoumise, qui appelle à rétablir
quartiers huppés parisiens, pour constater les dégâts l’impôt sur la fortune et applaudit « l’insurrection
de samedi et saluer les forces de l’ordre. Accueilli citoyenne » qui « fait trembler la macronie et le monde
sous les applaudissements d’une partie de la foule du fric ».
mais aussi sous les huées de « gilets jaunes » encore
Olivier Faure, secrétaire du parti socialiste, a réclamé,
présents, il s’est attardé aux côtés du président du
lui, des États généraux sur le pouvoir d’achat. Du
Centre des monuments nationaux Philippe Bélaval
côté de Génération.s, Benoît Hamon a demandé un
au pied de l’Arc de triomphe vandalisé, un des
dialogue national avec les « gilets jaunes », les
monuments parisiens les plus visités, qui abrite
syndicats et les ONG sur le pouvoir d’achat, la
notamment la sépulture du soldat inconnu.
répartition des richesses et la transition écologique.
À l’intérieur du monument, des reproductions Martine Aubry, maire socialiste de Lille, exhorte dans
d’œuvres ont notamment été dégradées, comme cette un communiqué le gouvernement « à ne pas choisir
statue d’une Marianne explosée. Sur France Info, la politique du pire et du pourrissement, qui mènerait
Philippe Bélaval a chiffré les réparations « à plusieurs à coup sûr notre pays vers de sombres horizons ». Pour
centaines de milliers d’euros, probablement même à
plus d’un million d’euros ». Depuis Buenos Aires, le

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l’ex-ministre, le pays « fait face à une crise durable manifestations samedi 8 décembre ont été formulés
du pouvoir d’achat », que « la politique injuste » de sur les réseaux sociaux. C’est notamment le cas de
l’exécutif « n’a fait qu’amplifier ». ce groupe sur Facebook qui invite les internautes à se
À droite, Laurent Wauquiez, patron de LR, dans le fief rendre place de la Bastille à Paris pour marcher vers
duquel les « gilets jaunes » ont incendié la préfecture, l’Arc de triomphe.
a réitéré samedi son appel à un référendum sur la Près de 7 000 personnes ont déjà répondu qu’elles
politique écologique et fiscale d’Emmanuel Macron. viendraient et 47 000 autres se disent intéressées. Ce
À l’extrême droite, où groupuscules nationalistes, dimanche, un collectif se présentant comme des porte-
identitaires, noyautent le mouvement avec violence, parole du mouvement a publié une tribune dans Le
Florian Philippot et son mouvement les Patriotes Journal du dimanche,où il appelle « le gouvernement
demandent la dissolution de l’Assemblée nationale et, à ne pas répondre à la colère par l’orgueil d’une
sinon, la démission d’Emmanuel Macron. politique sans issue ». Après un rendez-vous raté
Du côté du Rassemblement national, Marine Le Pen, entre Édouard Philippe et des représentants des
qui demande « un moratoire total sur l’intégralité « gilets jaunes » vendredi, les dix signataires affirment
des taxes qui ont frappé l’essence, le gazole », ne vouloir « offrir au gouvernement une porte de sortie
dit pas autre chose, réclamant une dissolution de à la crise ». Ils seront reçus par le premier ministre, a
l’Assemblée nationale pour de nouvelles élections promis Benjamin Griveaux.
à la proportionnelle. L’option d’une dissolution de Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, la
l’Assemblée nationale a également été avancée par troisième journée de manifestation des « gilets
Jean-Luc Mélenchon : « Il n’y a qu’une manière jaunes » a mobilisé, à l'échelle nationale, 136 000
de trancher, c’est le vote, alors ça s’appelle la manifestants, contre 106 000 le 24 novembre et
dissolution. » 282 000 le 17 novembre. À Paris, 10 000 personnes ont
L’exécutif, qui assure depuis le début qu’il été recensées toujours par le ministère de l’intérieur,
maintiendra son cap coûte que coûte (lire l’article dont 2 000 dans le cadre du défilé organisé par la
d’Ellen Salvi), va-t-il infléchir sa politique pour CGT place de la République. 263 personnes ont été
répondre à certaines des revendications des « gilets blessées dans toute la France – dont cinq gravement
jaunes » ou rester sourd à ce qui constitue la crise la –, parmi lesquelles figurent 81 membres des forces de
plus grave en dix-huit mois de mandat d’Emmanuel l’ordre. Les manifestations du 24 novembre avaient
Macron ? « On a dit que nous ne changerions fait 16 blessés, dont quatre membres des forces de
pas de cap. Parce que le cap est le bon », a l’ordre. Rien qu’à Paris, on compte 133 blessés, dont
réaffirmé sur BFMTV ce dimanche, le porte-parole du 23 membres des forces de l’ordre.
gouvernement, Benjamin Griveaux. « Ça fait 30 ans Un automobiliste est mort dans la nuit de samedi 1er
que les gens changent de cap tous les 18 mois. Et si à dimanche 2 décembre, à Arles, dans les Bouches-
on n’avait pas changé de cap tous les 18 mois depuis du-Rhône, après avoir percuté un poids lourd à l’arrêt
30 ans, le pays s’en porterait mieux », a-t-il développé en raison d’un bouchon provoqué par un barrage de
avec une assurance déconcertante. « gilets jaunes ». C’est le troisième décès depuis le
La semaine qui s’ouvre s’annonce cruciale pour le début du mouvement. Quant aux interpellations, il y
gouvernement. Derrière l’impression de contrôler la en a eu au total 682, dont 412 à Paris. Elles ont donné
situation, l’exécutif est fébrile. Sur le terrain, les lieu à 630 gardes à vue, dont 378 à Paris. Plus de 200
« gilets jaunes » préparent déjà l’« acte quatre personnes vont comparaître devant la justice ces deux
». Plusieurs appels à une nouvelle journée de prochains jours, selon le ministère de la justice.

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