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l’entrepreneuriat au Québec :
la détresse psychologique chez les entrepreneurs
Youri Chassin
Monsef Derraji
Janvier 2018
Une face cachée de l’entrepreneuriat au Québec :
la détresse psychologique chez les entrepreneurs
Youri Chassin
Monsef Derraji
1
Cette étude sur la détresse psychologique chez les entrepreneurs a été réalisée à l’initiative du
Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ).
Janvier 2018
Dans ce document, le genre masculin est utilisé comme générique dans le but de ne pas alourdir le
texte.
Monsef Derraji est le président directeur général du Regroupement des Jeunes Chambres de
Commerce du Québec (RJCCQ) depuis septembre 2015. Il rejoint le RJCCQ en siégeant au conseil
d’administration dès 2010. En 2006, M. Derraji détient un MBA de l’université de Laval en gestion
pharmaceutique et poursuit actuellement un Doctorat auprès de l’université de Montréal dans le
domaine de la Santé publique. Dès son entrée en fonction au RJCCQ, il lança un nouveau plan
stratégique pour l’organisme à l’horizon 2020, lequel repose sur trois piliers fondamentaux : la
sensibilisation et l’éducation aux pratiques de bonne gouvernance pour les jeunes appelés à siéger
sur les conseils d’administration; l’édification d’un écosystème entrepreneurial et la vivification
des communautés startup à l’échelle de la province et enfin l’internationalisation des entreprises
québécoises et l’exportation du savoir-faire québécois à l’international. M. Derraji a également été
nommé par le gouvernement du Québec pour siéger sur le conseil d’administration de la
Commission des Partenaires du Marché du Travail et de celui de Retraite Québec.
Youri Chassin est économiste à son compte et titulaire d’une maîtrise en sciences économiques de
l’Université de Montréal. Il commente fréquemment les politiques publiques dans les médias écrits
et électroniques. Il a été directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal (IEDM)
pendant plus de six ans. Auparavant, M. Chassin a été analyste économique au Conseil du patronat
du Québec (CPQ) et économiste au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des
organisations (CIRANO). Son intérêt pour les politiques publiques remonte à son passage à
l’université pendant lequel il a œuvré à la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ),
au Conseil permanent de la jeunesse et à Force Jeunesse. Il siège également aux conseils
d’administration du Centre NAHA et d’Interligne.
2
Table des matières
Résumé 5
Introduction 7
L’absence de consensus dans les recherches sur la santé mentale des entrepreneurs
La santé mentale des entrepreneurs : un sujet tabou ?
L’importance des enjeux de santé mentale sur le marché du travail
Des secteurs plus touchés que d’autres
L’incertitude demeure
Annexe – questionnaire 45
3
Mot du président-directeur général du RJCCQ
Avec la présente enquête, le RJCCQ fait œuvre de pionnier en souhaitant faire face à un
tabou dans le monde de l’entrepreneuriat et ce, dans l’espoir qu’une discussion sérieuse et
qu’une sensibilisation puisse voir le jour au profit de nos entrepreneurs qui désirent
contribuer favorablement au développement socio-économique robuste du Québec. Or, si
l’on creuse davantage dans le vécu des entrepreneurs, nous nous rendons compte que
certains d’entre eux lancent des signaux d’alarmes auxquels nous ne prêtons pas toujours
attention mais qui, à court et moyen terme, peu devenir un enjeu de santé public auquel le
Québec devra faire face.
En effet, la période qui suit immédiatement le lancement de leur entreprise (2-5 ans) est
une phase critique de consolidation qui peut les soumettre à rude épreuve, poussant certains
d’entre eux à des phases de dépression et une détresse psychologique puisqu’il est crucial
voire fondamental d’identifier et à laquelle il faut apporter des solutions. Les répercussions
non seulement sur eux-mêmes, sur leurs familles, sur leurs entreprises et sur leurs employés
peuvent être conséquentes.
Cette enquête présente l’intérêt de souligner plusieurs facteurs qui peuvent pousser nos
jeunes entrepreneurs à la détresse psychologique mais aussi quelques pistes de solution
pour endiguer ce phénomène afin de donner à tous les meilleures chances pour atteindre
leurs objectifs.
Monsef Derraji
Président directeur général
4
Résumé
Essentiel pour la prospérité québécoise, l’entrepreneuriat est aussi un parcours semé
d’embûches, dont la détresse psychologique vécue par certains entrepreneurs, une réalité
moins connue et peu documentée. Les recherches menées sur cette question se
contredisent : certains affirment que les entrepreneurs ont une meilleure santé mentale alors
que d’autres affirment qu’ils sont plus nombreux à souffrir d’un trouble de santé mentale.
Un constat clair émerge toutefois, il existe un tabou entourant cette question, ce qui
explique probablement pourquoi la recherche dans le domaine est si récente. Les
agriculteurs et les médecins ont fait l’objet d’une attention particulière, mais moins les
entrepreneurs en général. Or, la dépression sera vraisemblablement la seconde cause
d’incapacité au travail selon l’OMS, et pas uniquement chez les employés. Les cadres et
les entrepreneurs aussi souffrent de détresse psychologique.
Afin de mettre en lumière les enjeux de santé mentale vécus par des entrepreneurs, le
RJCCQ a fait œuvre de pionnier en réalisant une enquête auprès de 300 d’entre eux. Le
questionnaire, conçu sous la supervision du professeur Angelo Soares, spécialiste en santé
mentale au travail de l’UQAM.
Bien que l’échantillon obtenu ne soit pas probabiliste et ne prétend pas représenter
l’ensemble des entrepreneurs québécois, les résultats donnent une bonne idée des pressions
qu’ils subissent. Parmi les répondants, on comptait autant de femmes (52%) que d’hommes
(48%), des jeunes et des moins jeunes, différents niveaux d’expérience et des entrepreneurs
dans tous les secteurs d’activité.
En plus de l’enquête par sondage, cinq enquêtes qualitatives ont été réalisées auprès d’ex-
entrepreneurs anonymes, de chercheurs universitaires et d’une directrice dans une
organisation en appui aux entrepreneurs. Voici un résumé des principaux résultats :
43% des répondants travaillent plus de 50 heures par semaine. 26% n’arrivent pas
réellement à prendre de vacance. Tout de même, 31% arrivent à prendre plus de deux
semaines. Pour 40% des répondants, il n’y a pas d’activité dans l’entreprise lorsqu’ils
sont en vacances.
71,5% éprouvent de la difficulté avec leur sommeil. Plus de la moitié souffrent
d’insomnie et les deux tiers se réveillent parfois au milieu de la nuit.
Parmi les répondants, 71,5% sont en détresse psychologique élevée, une proportion
considérable.
5
Plus du tiers des répondants souffrent de symptômes associés à la dépression. 26,3%
affirment souffrir ou avoir déjà souffert de dépression.
23,9% démontrent des symptômes élevés d’épuisement émotionnel. 29,3% affirment
souffrir ou avoir déjà souffert d’épuisement professionnel.
La rentabilité et la taille des entreprises en matière de chiffre d’affaire et d’employés
est négativement corrélée avec la détresse psychologique, la dépression et l’épuisement
professionnel.
Parmi les répondants, ce sont les plus vieux (65 ans et plus) qui paraissent les moins à
risque de détresse psychologique. Les répondantes femmes sont plus à risque de
détresse psychologique et de dépression.
Les répondants qui ont passé le cap du 5 ans sont en moyenne moins stressés, moins
déprimés et moins épuisés.
51,7% des répondants ont déclaré éprouver de la difficulté à concilier travail et famille
régulièrement ou à tous les jours, ce qui est lié à la détresse psychologique.
Parmi les répondants, 17,2% ont déjà cédé une entreprise. Ceux-ci n’apparaissent pas
différents des autres entrepreneurs. Chez les cédants, la détresse psychologique
constitue parfois un déclencheur qui motive la vente ou le transfert de l’entreprise selon
Louise Cadieux, professeure titulaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
La principale piste de solution consiste à briser l’isolement. Que ce soit auprès d’autres
entrepreneurs, de mentors, de proches ou de professionnels, l’important est d’avoir une
relation privilégiée avec quelqu’un à qui on peut parler de ce qui nous arrive. Cette solution
comporte une facette curative, mais favorise aussi la prévention.
Il y a encore du chemin à faire pour vaincre les tabous. Les programmes, associations ou
campagnes publicitaires encourageant l’entrepreneuriat doivent être plus honnêtes et
transparents sur cette réalité. Il faut que les organismes qui côtoient les entrepreneurs soient
outillés et donnent des outils aux entrepreneurs pour reconnaître les symptômes de la
détresse psychologique et de certains troubles mentaux.
Enfin, cette réalité mériterait d’être mieux documentée et discutée. Quant à nous, nous
espérons que cette recherche apporte sa contribution au nécessaire débat sur la question.
6
Introduction
L’objectif de cette étude est de mieux cerner ces enjeux, discuter de leurs causes et de leur
conséquence sur la relève entrepreneuriale. Au moyen d’un sondage, le RJCCQ fait ici
œuvre de pionnier afin de documenter ce phénomène. Sous la supervision du professeur
Angelo Soares, spécialiste en santé mental au travail de l’UQAM comptant une grande
expertise en psychométrie, un questionnaire a été élaboré puis largement diffusé au sein
des réseaux d’entrepreneurs. Les résultats recueillis auprès de près de 300 entrepreneurs
québécois mettent en lumière des conditions psychologiques préoccupantes et donnent une
idée des facteurs de stress à surveiller.
Bien que les solutions ne soient pas simples à identifier ou à mettre en œuvre, certaines
pistes seront explorées, notamment grâce à des entrevues qualitatives réalisées dans le
cadre de cette étude. Le gouvernement du Québec, les organismes agissant auprès des
entrepreneurs et les institutions qui les côtoient peuvent tous jouer un rôle plus actif afin
de prévenir les conséquences d’une détresse psychologique élevée.
Le RJCCQ espère que cette première étude sur cette question d’importance permettra de
lancer un nécessaire débat social et d’envisager rapidement des pistes d’action.
7
Chapitre 1
L’archétype de l’entrepreneur est la plupart du temps présenté sous les traits d’un héros.
L’image de l’aventurier lui colle à la peau : il prend des risques, emprunte le chemin le
moins fréquenté, réussit dans des fonctions variées tel un homme-orchestre, gère son propre
horaire, embauche une équipe compétente autour de lui, obtient du succès et de l’argent,
etc.
Derrière cette image d’Épinal, la réalité comporte d’autres facettes, dont une santé
psychologique souvent mise à l’épreuve. L’engagement de l’entrepreneur envers son projet
d’affaires signifie souvent de longues heures de travail, peu de vacances, un stress constant,
l’incertitude, des difficultés imprévues, le poids de la responsabilité envers ses employés
et ses clients, etc.
1
Virginie Gharbi, « Faut‐il surveiller la santé des créateurs d’entreprise ? », dans Olivier Torrès, La santé du dirigeant : de la
souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, De Boeck Superieur, 2017, p. 153.
2
Il vaut la peine d’écouter l’excellent podcast du journal Les Affaires (Matthieu Charest et l’équipe des Dérangeants), Les PDG se
cachent pour pleurer : http://www.lesaffaires.com/dossier/les‐derangeants/podcast‐saison‐1b‐episode‐13/597402. Cette
problématique de « devenir une façade » y est abordée.
8
Pourtant, la littérature sur la question de la détresse psychologique chez les entrepreneurs
est étonnamment rare et peu concluante. Comme on le verra, certaines études évoquent
même cette faible propension des entrepreneurs à parler de leur propre santé mentale. Cela
ne signifie pas que les organismes qui travaillent auprès des entrepreneurs ne sont pas
conscients et sensibles à cette problématique. Bien au contraire, plusieurs de ces
organismes déplorent le manque de recherche sur ce sujet3.
Ce chapitre propose une recension des recherches sur le sujet et de leurs conclusions.
L’absence de consensus dans les recherches sur la santé mentale des entrepreneurs
Bien qu’on puisse identifier certaines prédispositions des individus à devenir entrepreneur,
aucune certitude ne permet d’affirmer s’il s’agit d’un phénomène inné ou acquis. La
génétique d’un individu influence les probabilités de devenir un entrepreneur, sans
toutefois constituer une condition nécessaire4. De manière intéressante, plusieurs études
scientifiques ont identifié une influence génétique plus prononcée en moyenne chez les
femmes que chez les hommes. D’autres études, toutefois, ne notaient pas de différences5.
Certains démontrent des aptitudes innées évidentes, d’autres se surprennent eux-mêmes à
devenir des entrepreneurs à succès.
Il est connu que la famille favorise beaucoup l’entrepreneuriat et que ceux qui proviennent
d’une famille en affaire ont deux fois plus le goût de se lancer en affaire. Est-ce en raison
de la génétique ou parce qu’on a ainsi été habitué à « discuter de cash flow autour de la
table », comme nous le soulignait Rina Marchand, du Réseau M ? Professeure titulaire à
l’Université du Québec à Trois-Rivières, Louise Cadieux mentionne cette théorie de
l’apprentissage social qui incite celui qui provient d’une famille d’entrepreneurs à se lancer
en affaire. Encore là, on ne peut pas distinguer la part de l’inné et la part de l’acquis.
Une explication de type génétique pourrait expliquer le fait que plusieurs recherches font
état d’une meilleure gestion du stress chez les entrepreneurs que dans la population en
général, par exemple sur le plan de la santé mentale6.
3
Lors des entrevues qualitatives menées, nous avons pu constater que la détresse psychologique des entrepreneurs faisait déjà
partie des préoccupations de ces organismes. Par ailleurs, l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois‐
Rivières s’intéresse de plus en plus à ce thème. Claude Robichaud, « Les entrepreneurs et le stress », CLDEM Terrebonne Mascouche,
28 janvier 2015. https://cldem.com/fr/blogue/les‐entrepreneurs‐et‐le‐stress/
4
Scott Shane, Born Entrepreneurs, Born Leaders: How Your Genes Affect Your Work Life, New‐York, NY, Oxford University Press,
2010, p. 165.
5
Ibid., p. 150.
6
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 727; N. Nicolaou et Scott Shane, “Can genetic factors influence the
likelihood of engaging in entrepreneurial activity?”, Journal of business venturing, 24(1), 2009, pp. 1‐22; S. Shane, N. Nicolaou, L.
Cherkas et T. D. Spector, “Genetics, the big five, and the tendency to be self‐employed”, Journal of Applied Psychology, 95(6), 2010,
pp. 1154‐1162; Robert A. Baron, Rebecca J. Franklin et Keith M. Hmieleski, “Why Entrepreneurs Often Experience Low, Not High,
Levels of Stress: The Joint Effects of Selection and Psychological Capital”, Journal of Management, 15 juillet 2013.
9
D’autres auteurs arrivent à des conclusions différentes et estiment que cette disposition
pourrait être le résultat de meilleurs mécanismes développement au fur et à mesure d’un
apprentissage.
Where there is more consistent evidence is in findings that entrepreneurs are likely
to be Type A personalities and this seems negatively associated with health (Boyd,
1984; Boyd & Webb, 1982; Kieschke & Schaarschmidt, 2003). Contradictory to
our findings, this evidence suggests that we should have found worse health results
for entrepreneurs7.
D’autres études encore se penchent plutôt sur les caractéristiques du contexte de travail.
Depuis longtemps, le contexte de l’entrepreneur est perçu comme plus exigeant sur les
plans du stress, de la surcharge de travail, de la solitude et de l’incertitude, tout en conférant
aussi plus d’autonomie et de pouvoir de décision.
Boyd et Gumpert (1984) ont identifié des facteurs de stress dans la gestion de la
petite entreprise tels que la solitude, les conflits potentiels avec les partenaires, le
besoin de réussite, la surcharge de travail, ou encore le manque de temps à
consacrer aux activités extraprofessionnelles8.
Plusieurs considèrent que le plus grand degré d’autorité des entrepreneurs leur confère un
plus grand degré de contrôle sur leur propre emploi, ce qui constitue un facteur associé à
une meilleure santé et un plus grand bien-être. Malgré tout, cette approche ne semble pas
faire consensus dans la littérature scientifique, comme le démontre ce résumé :
7
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 731.
8
Virginie Gharbi, « Faut‐il surveiller la santé des créateurs d’entreprise ? », dans Olivier Torrès, La santé du dirigeant : de la
souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, De Boeck Superieur, 2017, p. 157.
9
idem
10
Because of their high job control and the active nature of their jobs, entrepreneurs
should experience less allostatic load which in turn seems to be associated with
fewer mental disorders and higher well-being. Empirical findings concerning
mental health of entrepreneurs have concentrated on self-reported health and well-
being, and are contradictory. Some studies report better well-being (Bradley &
Roberts, 2004; Korunka, Frank, & Becker, 1993; Subramanian, Venkatapathy, &
Vasudevan, 1987; Tetrick, Slack, Da Silva, & Sinclair, 2000) including fewer
diagnosed mental and anxiety disorders (Kawakami et al., 1996) and others more
health problems and health complaints in entrepreneurs compared with employees
(Buttner, 1992; Jamal, 1997; Parslow et al., 2004 for women; Rau et al., 2008).
Still other studies found no such differences (Chay, 1993; Eden, 1975; Lewin-
Epstein & Yuchtman-Yaar, 1991; Parslow et al. , 2004 for men; Prottas &
Thompson, 2006; Rahim, 1996)10.
Une des seules études québécoises sur le sujet de l’épuisement professionnel chez les
entrepreneurs aborde aussi ce thème sous un angle qui met en relief la particularité de
l’entrepreneur. Plutôt que de traiter du degré de contrôle, il est question dans cet article de
deux types de motivation exprimée par les entrepreneurs : la motivation autonome, celle
dictée par choix ou par intérêts personnels, ou la motivation contrôlée, celle influencée par
des pressions internes ou externes. À l’aide d’un sondage web mené auprès de 126
répondants, tous propriétaires-dirigeants de PME, entre mai et septembre 2014, les auteurs
observent que :
Sans être à l’abri des problèmes de différentes natures, les dirigeants animés par
une motivation autonome [rapportent avoir vécu relativement moins de
problèmes]. Il est plausible de penser que la présence des problèmes et des
difficultés vécus pressurise les dirigeants, ce qui les amène à éprouver moins
d’intérêt, de plaisir ou de satisfaction à l’égard du travail11.
Si la motivation autonome des dirigeants protège leur santé mentale, les pressions
inévitables dans leurs fonctions peuvent jouer le rôle inverse, semble-t-il. En contradiction
avec le constat de l’étude québécoise, un chercheur français affirme ainsi que les dirigeants
pourraient être plus susceptibles d’épuisement professionnel :
10
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 721.
11
Claude Fernet, Josée St‐Pierre et Stéphanie Austin, « Les facteurs de stress et de motivation au travail des dirigeants de PME »,
InfoPME, Vol. 15, No 1, janvier 2015, p. 7.
https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/docs/FWG/GSC/Publication/781/28/1237/1/66844/3/F76005352_InfoPME_janv_2015.
pdf
12
Marie Bartnik, « Le suicide touche aussi les chefs d’entreprise », Le Figaro, 5 février 2014.
http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2014/02/05/09007‐20140205ARTFIG00224‐le‐suicide‐touche‐aussi‐les‐chefs‐d‐entreprise.php
11
Des chercheurs américains se sont penchés sur la santé mentale des entrepreneurs et ont
constaté que 49% d’entre eux souffraient d’au moins un trouble mental contre 32% parmi
la population adulte des États-Unis13. Le graphique suivant résume leurs résultats en
comparant la prévalence de certains troubles mentaux parmi les entrepreneurs et un groupe
de comparaison.
Prévalence de certains troubles mentaux
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Dépression TDAH Anxiété Abus de Bipolarité
substances
Entrepreneurs Groupe de comparaison
Source : Michael A. Freeman, Sheri L. Johnson, Paige J. Staudenmaier et Mackenzie R. Zisser, Are Entrepreneurs « Touched With
Fire »?, Summary, Pre‐publication manuscript, avril 2015, p. 5. http://www.michaelafreemanmd.com/Research.html
On constate dans ce tableau d’importantes différences, sauf pour l’anxiété. Les mêmes
auteurs principaux ont aussi publié un article infirmant un lien entre les manies et
l’entrepreneuriat14. Les auteurs vont jusqu’à croire que la présence disproportionnée de ces
troubles mentaux pourrait indiquer qu’ils contribuent directement au succès des
entrepreneurs; en somme, qu’une santé mentale imparfaite n’est pas toujours une mauvaise
chose15. Cette opinion est partagée par Claudia Kalb. Auteure du livre Andy Warhol was a
Hoarder: Inside the Minds of History’s Great Personalities, elle établit aussi un lien entre
certains troubles de santé mentale et des réussites admirables chez des personnalités
connues16.
13
Michael A. Freeman, Sheri L. Johnson, Paige J. Staudenmaier et Mackenzie R. Zisser, Are Entrepreneurs « Touched With Fire »?,
Summary, Pre‐publication manuscript, avril 2015, p. 5. http://www.michaelafreemanmd.com/Research.html
14
Michael A. Freeman, Sheri L. Johnson et Paige J. Staudenmaier, « Manic tendencies are not related to being an entrepreneur,
intending to become an entrepreneur, or succeeding as an entrepreneur », Journal of Affective Disorders, mars 2015, pp. 154‐158.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25462410
15
Matt McFarland, « Crazy good: How mental illnesses help entrepreneurs thrive », The Washington Post, 29 avril 2015.
https://www.washingtonpost.com/news/innovations/wp/2015/04/29/crazy‐good‐how‐mental‐illnesses‐help‐entrepreneurs‐
thrive/?utm_term=.f70eda0258e4
16
Daniel McGinn, « Is There a Connection Between Entrepreneurship and Mental Health Conditions? »,
Harvard Business Review, 22 février 2016. https://hbr.org/2016/02/222‐entrepreneurship‐ic‐do‐
narcissists‐make‐great‐entrepreneurs
12
Les conclusions varient considérablement d’une étude à l’autre17. En l’absence de
consensus sur la santé mentale comparée des entrepreneurs, on peut facilement croire que
la recherche se poursuivra de plus belle dans les prochaines années. Cependant, l’état de la
recherche ne permet d’établir des liens de causes à effets directs et sans équivoque. Nous
pouvons toutefois émettre des hypothèses en nous basant notamment sur les commentaires
reçus par le biais du questionnaire et des entrevues qualitatives des acteurs du milieu.
Les études précédentes ne sont toutefois pas en contradiction sur tous les plans. L’aspect
tabou de la santé du dirigeant fait partie des constats de plusieurs d’entre elles. À titre
d’exemple, citons celles-ci :
[Le phénomène du burnout est] d'autant moins visible que les patrons ont tendance
à minimiser leurs problèmes de santé pour se conformer à l'image de «winners»
qu'on leur assigne19.
17 Ute Stephan et Ulrike Roesler mentionnent eux‐mêmes que leurs résultats vont à l’encontre de résultats antérieurs
obtenus dans d’autres études : « Our findings are not in line with prior studies that found entrepreneurs to have
worse health than employees (Buttner, 1992; Jamal, 1997; Lewin‐Epstein & Yuchtman‐Yaar, 1991; Parslow et al.,
2004; Rau et al., 2008). » Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national
representative sample”, Journal of Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 728; Cynthia Ann
Sheehan, Étienne St‐Jean, « La santé des entrepreneurs : une scoping study », Université du Québec à Trois‐Rivières,
2014, non publiée, p. 1.
18 Claude Fernet, Josée St‐Pierre et Stéphanie Austin, « Les facteurs de stress et de motivation au travail des dirigeants
de PME », InfoPME, Vol. 15, No 1, janvier 2015, p. 5.
https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/docs/FWG/GSC/Publication/781/28/1237/1/66844/3/F76005352_InfoP
ME_janv_2015.pdf
19 Marie Bartnik, « Le suicide touche aussi les chefs d’entreprise », Le Figaro, 5 février 2014.
http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2014/02/05/09007‐20140205ARTFIG00224‐le‐suicide‐touche‐aussi‐les‐chefs‐d‐
entreprise.php
20 Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”,
Journal of Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 732.
13
L’article de Ute Stephan et Ulrike Roesler, cité plus tôt et réalisé en Allemagne, est
particulièrement extensif et exhaustif21. Pourtant, parmi les 89 références incluses dans
l’impressionnante bibliographie de cet article récent (paru en 2010 dans le Journal of
Occupationnal and Organizational Psychology), aucune source ne portait spécifiquement
sur la santé mentale des entrepreneurs. Quatre sources traitaient de la santé mentale des
travailleurs autonomes et cinq sources se penchaient sur la santé des entrepreneurs, mais
l’intersection entre ces deux thèmes semblent n’avoir été à peu près pas exploré.
En tout, 83 ouvrages ont été identifiés. L’un des constats les plus frappants de cette étude
exploratoire concerne l’aspect récent des études parues sur la question. Plus de la moitié
des publications identifiées étaient en effet parues dans les cinq dernières années, et un
autre quart dans les cinq années immédiatement précédentes, comme l’illustre le graphique
suivant.
Nombre de publications par quinquennat
45 42
40
35
30
25
19
20
15
9
10 6
5 2 3
1 1
0
1974‐78 1979‐83 1984‐88 1989‐93 1994‐98 1999‐2003 2004‐08 2009‐13
Source : Cynthia Ann Sheehan, Étienne St-Jean, « La santé des entrepreneurs : une scoping study », Université du
Québec à Trois-Rivières, 2014, non publiée.
21
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, pp. 717‐738.
22
Cynthia Ann Sheehan, Étienne St‐Jean, « La santé des entrepreneurs : une scoping study », Université du Québec à Trois‐Rivières,
2014, non publiée.
14
Le faible nombre de publication s’explique possiblement par l’image de l’entrepreneur
entretenue dans les médias, par le monde de la recherche, ainsi que par le déni des
entrepreneurs eux-mêmes envers leurs propres problèmes de santé mentale, voire par des
soins de santé orientés vers les employés23. Or, si le tabou se lève doucement, on peut croire
que les médias et les chercheurs s’intéresseront davantage à cette question.
Ce thème est d’autant plus important que l’Organisation mondiale de la santé estimait il y
a quelques années que la dépression serait la seconde cause en importance des incapacités
au travail en 2020. De plus, la détresse psychologique représenterait un coût de près de 30
milliards de dollars dans l’économie canadienne25. Or, la dépression ne touche pas que les
employés. Dans les entreprises, une doctorante a ainsi mesuré qu’un cadre sur cinq souffre
de détresse psychologique, principalement les femmes26.
Les milieux de travail sont de plus en plus sensibilisés à l’importance de la santé mentale
et à reconnaître les symptômes précurseurs chez leurs employés, comme la difficulté de
concentration, l’irritabilité, des pensées désorganisées, des erreurs à répétition, la tendance
à s’isoler, troubles du sommeil ou troubles alimentaires, etc. Puisque les employés
occuperont des fonctions de plus en plus entrepreneuriales (ou intrapreneuriales), l’intérêt
d’un thème comme la santé mentale des entrepreneurs devient encore plus évident même
pour les grands employeurs27.
23
Cynthia Ann Sheehan, Étienne St‐Jean, « La santé des entrepreneurs : une scoping study », Université du Québec à Trois‐Rivières,
2014, non publiée, p. 1; Y. Ben Tahar, Le burnout entrepreneurial, phénomène méconnu du champs entrepreneurial, Communication
présentée au 7e Congrès de l'Académie de l'entrepreneuriat et de l'innovation, Paris, France, 2011. www.observatoire‐
amarok.net/sites/default/files/documents/lebo_bentahar_2011.pdf
24
Podcast Les Affaires, Les PDG se cachent pour pleurer : http://www.lesaffaires.com/dossier/les‐derangeants/podcast‐saison‐1b‐
episode‐13/597402
25
« Comment gérer la détresse psychologique en milieu de travail ? », Les Affaires, 13 octobre 2015.
http://www.lesaffaires.com/strategie‐d‐entreprise/entreprendre/comment‐gerer‐la‐detresse‐psychologique‐en‐milieu‐de‐travail‐
/580807
26
Stéphanie Marin, La Presse canadienne, « Un cadre sur cinq souffre de détresse psychologique », Huffington Post, 5 octobre 2017.
http://quebec.huffingtonpost.ca/2017/10/05/un‐cadre‐sur‐cinq‐souffre‐de‐detresse‐psychologique_a_23234314/
27
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 732.
15
En France, le thème de la santé mentale en entreprise a été propulsé à l’avant-plan de
l’actualité à l’occasion d’une vague de suicide dans des entreprises de
télécommunications28 et chez Renault, un constructeur automobile29.
D’après une étude récente sur le stress des entrepreneurs, près de deux
entrepreneurs sur trois déclarent souvent ressentir du stress dans le cadre
de leur travail. Cette situation de stress se traduit, pour plus de la moitié
d’entre eux, par des problèmes de santé, d’insomnie ou encore d’angoisse31.
Bien que la question de la détresse psychologique chez les entrepreneurs n’ait pas été
explorée en profondeur, des entrepreneurs dans certains secteurs ont fait l’objet d’une
attention plus poussée.
28
Hayat Gazzane, « Suicides à France Télécom : le rappel des faits », Le Figaro, 7 juillet 2016.
http://www.lefigaro.fr/societes/2016/07/07/20005‐20160707ARTFIG00115‐suicides‐a‐france‐telecom‐le‐rappel‐des‐faits.php
29
Erwan Benezet et Vincent Verier, « Une dizaine de suicides chez Renault en quatre ans », Le Parisien, 25 juillet 2017
http://www.leparisien.fr/economie/une‐dizaine‐de‐suicides‐chez‐renault‐en‐quatre‐ans‐25‐07‐2017‐7154895.php
30
Observatoire AMAROK. http://www.observatoire‐amarok.net
31
Virginie Gharbi, « Faut‐il surveiller la santé des créateurs d’entreprise ? », dans Olivier Torrès, La santé du dirigeant : de la
souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, De Boeck Superieur, 2017, p. 157. L’étude dont il est question a été réalisée par
TNS‐Sofres pour le Conseil Supérieur de l’Ordre des experts‐comptables, du 6 au 19 avril 2010, auprès d’un échantillon national de
800 dirigeants de TPE (entreprises de 0 à 19 salariés) et de PME (entreprises de 20 à 249 salariés) représentatif des entreprises de 0
à 249 salariés.
32
Charles Gautier, « SOS patrons en détresse », Le Figaro, 22 juin 2016. http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2016/06/22/09007‐
20160622ARTFIG00088‐sos‐patrons‐en‐detresse.php
16
En France, une étude réalisée par l'Institut national de veille sanitaire (InVS) a recensé près
de 500 suicides d'agriculteurs entre 2007 et 2009. Le suicide en est devenu la troisième
cause de décès dans cette catégorie de la population après les cancers et les maladies
cardiovasculaires33.
Ce phénomène interpelle aussi les autorités au Québec. Une thèse de doctorat récente
soutient « que les problèmes financiers et de travail, les nombreux facteurs de stress, l’accès
aisé à des moyens létaux et l’isolement seraient des facteurs pouvant expliquer ces taux
élevés »34. Une psychologue qui accompagne des travailleurs en milieu agricole, Pierrette
Desrosiers, observe « une augmentation flagrante de détresse psychologique dans le milieu.
Selon elle, un agriculteur sur deux souffre de détresse psychologique au Québec »35.
Les médecins aussi ont fait l’objet d’une attention particulière récemment au Québec, bien
qu’ils ne soient pas tous des entrepreneurs à proprement parler. Néanmoins, parmi ces
travailleurs autonomes, ce seraient les médecins résidents qui utilisent le plus fréquemment
le Programme d'aide aux médecins du Québec (PAMQ), par comparaison avec les
médecins de famille et les médecins spécialistes, selon la Fédération des médecins résidents
du Québec (FMRQ).
Sur son site internet, la FMRQ explique que l'ampleur de la détresse psychologique vécue
et la complexité des difficultés rencontrées ont augmenté ces dernières années36. Ce constat
a attiré l’attention des médias qui rapportent une hausse des demandes de tous les
médecins37. De son côté, le ministre de la Santé estime que ces hausses reflètent en partie
le fait que le tabou entourant la santé mentale des médecins tombe et que ces derniers
demandent davantage d’aide38.
33
Éric de La Chesnais, « Un suicide tous les deux jours chez les agriculteurs », Le Figaro, 10 octobre 2013.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/10/10/20002‐20131010ARTFIG00432‐le‐suicide‐troisieme‐cause‐de‐deces‐chez‐les‐
agriculteurs.php
34
Camille Tremblay‐Antoine, « Un constat de détresse grandissante chez les agriculteurs ! », La vie agricole, 29 septembre 2016.
http://lavieagricole.ca/3414/
35
idem
36
FMRQ, Détresse psychologique / suicide. http://www.fmrq.qc.ca/sante‐bien‐%C3%AAtre‐et‐services/sante‐bien‐etre/detresse‐
psychologique
37
Isabelle Hachey, Louise Leduc et Fanny Lévesque, « Programme d'aide aux médecins : hausse marquée des demandes de
soutien », La Presse, 6 décembre 2017.
http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201712/05/01‐5146055‐programme‐daide‐aux‐medecins‐hausse‐marquee‐des‐demandes‐
de‐soutien.php
38
Tommy Chouinard, « Pas de hausse de la détresse chez les médecins, estime Barrette », La Presse, 6 décembre 2017.
http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201712/06/01‐5146110‐pas‐de‐hausse‐de‐la‐detresse‐chez‐les‐medecins‐estime‐
barrette.php
17
L’incertitude demeure
Les multiples sources présentées dans ce chapitre montrent surtout que l’intérêt envers la
question de la détresse psychologique des entrepreneurs s’accroît, ce qui est très positif.
On doit cependant retenir que le sujet a été longtemps tabou et le sera encore en partie pour
un certain temps.
Surtout, souvenons-nous que malgré l’impact majeur de la santé mentale des entrepreneurs
sur leur parcours et sur l’économie, les principales recherches menées jusqu’à présent
paraissent contradictoires. Tant que la communauté scientifique n’arrivera pas à tracer les
contours de consensus, il sera périlleux pour les institutions d’intervenir.
C’est dans ce cadre que le RJCCQ espère faire une contribution utile à la réflexion
québécoise sur la détresse psychologique vécue par les entrepreneurs, dont la méthodologie
est présentée au prochain chapitre.
18
Chapitre 2
En réalisant une enquête de grande envergure, le RJCCQ fait œuvre de pionnier afin de
documenter ce phénomène. Les résultats recueillis auprès de près de 300 entrepreneurs
québécois mettent en lumière des conditions psychologiques préoccupantes et donnent une
idée des facteurs de stress à surveiller.
19
Les questions sur la détresse psychologique sont tirées de l’Enquête Santé Québec et la
santé mentale des Québécois. Les questions concernant la dépression sont issues du Beck
Dépression Inventory (BDI). Enfin, pour l’épuisement professionnel, les questions
proviennent du Maslasch Burnout Inventory.
En tout, 297 questionnaires ont été complètement remplis, alors que 111 autres n’ont été
remplis que partiellement. Nous sommes d’avis que ce nombre important de réponse
représente un facteur de validité majeur.
Il n’était pas possible, compte tenu de nos moyens, d’envisager une enquête dont les
résultats seraient généralisables à l’ensemble des entrepreneurs québécois. Il est
concrètement très difficile d’établir un échantillon aléatoire ou représentatif de l’ensemble
des entrepreneurs québécois. En fait, la seule enquête que nous ayons consultée et qui
réussissait à établir un échantillon représentatif des entrepreneurs pour le comparer avec la
situation des employés a été réalisée en Allemagne et comportait 149 répondants
entrepreneurs, incluant des travailleurs autonomes. Cet article repose sur des tests
médicaux et pas uniquement les réponses des participants39.
Par ailleurs, il est possible que les répondants aient été plus incités à répondre à l’enquête
ou à compléter le questionnaire s’il se sentaient interpellés directement par la
problématique visée, par exemple s’ils vivaient eux-mêmes de la détresse psychologique.
Ce biais surestimerait la détresse psychologique mesurée.
39
Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”, Journal of
Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 723.
20
Le seul moyen que nous pouvions prendre pour diminuer ce biais était d’inciter tous les
entrepreneurs rejoints à compléter le questionnaire « même si vous croyez ne pas être
concerné par une question », tel qu’indiqué au début du questionnaire (voir en annexe).
Ainsi, il n’est pas possible de déduire si les biais ont véritablement un impact global d’un
sens ou de l’autre.
Au moyen de la liste de diffusion du RJCCQ et les relances sur les réseaux sociaux, nous
estimons avoir rejoint environ 1800 entrepreneurs40. La liste de diffusion comporte 5000
adresses électroniques, dont 55% de professionnels et 45% d’entrepreneurs, et les messages
sont lus dans environ 80% des cas. L’enquête compte 408 réponses : 297 questionnaires
complétés et 111 questionnaires partiels41.
L’état de santé et les symptômes sont auto-rapportés, comme c’est fréquemment le cas dans
ce type d’enquête. Les données ne sont pas le résultat de mesures objectives déterminées
par des professionnels de la santé. Qui plus est, les questionnaires portant sur la santé
mentale au travail sont mieux adaptés à la réalité des employés. Plusieurs commentaires
reçus indiquaient justement que certaines questions étaient moins pertinentes aux yeux des
entrepreneurs et qu’elles ont pu causer un certain degré d’incertitude chez les répondants.
Il n’est pas exclu que certains travailleurs autonomes aient répondu au questionnaire, bien
que celui-ci s’adresse d’abord aux entrepreneurs, mais les répondants travaillant sans
employé ne représentent que 29% de l’ensemble. Les statistiques présentées dans les
tableaux suivant illustrent bien cette grande diversité de répondants.
40
Estimations fournies par le RJCCQ.
41
Statistique Canada, Échantillonnage non probabiliste, 23 juillet 2013 https://www.statcan.gc.ca/edu/power‐
pouvoir/ch13/nonprob/5214898‐fra.htm ; Éric Vignola, Les meilleures pratiques en matière de sondage en ligne, Centre d’expertise
des grands organismes, 2006, p. 22.
http://grandsorganismes.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers/Publications/Mesure%20de%20la%20satifaction/Meilleures_pratiques_sond
ages_en_ligne.pdf
42
Parmi les enquêtes réalisées, très rares sont celles qui disposent d’échantillons plus importants. La seule qui concerne le Québec
est le Global Entrepreneurship Monitor qui a sondé 432 adultes québécois dans son édition 2016 pour former un échantillon
représentatif de la population québécoise. Bien entendu, on ne peut comparer directement les deux exercices qui n’ont pas
exactement les mêmes finalités. St‐Jean, Étienne et Marc Duhamel, « Situation de l’activité entrepreneuriale québécoise : rapport
2015 du Global Entrepreneurship Monitor », Institut de recherche sur les PME (Canada), 2016, p. 6.
21
Catégories d'âge des répondants
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Moins de 20 20‐25 ans 26‐35 ans 36‐45 ans 46‐55 ans 56‐65 ans Plus de 65
ans ans
Situation familiale des répondants
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Célibataire sans Célibataire avec En couple sans En couple avec
enfant enfant(s) enfant enfant(s)
22
Nombre d'employés
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Aucun De 1 à 5 De 6 à 10 De 11 à 20 De 21 à 50 Plus de 50
Depuis combien de temps les répondants sont‐ils
entrepreneurs?
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Moins de 12 mois Entre 1 et 2 ans Entre 2 et 5 ans Plus de 5 ans
23
Secteurs d'activité des répondants
Informatique/technologie/communication 14,8%
Services professionnels 14,3%
Commerce de détail 11,0%
Services aux entreprises 10,0%
Restauration/hébergement 6,9%
Manufacturier/Fabrication 5,9%
Arts/culture/loisirs 5,6%
Agriculture/agro‐alimentaire 5,4%
Santé/services sociaux 4,1%
Construction/rénovation 3,1%
Enseignement 2,0%
Finances et assurances 1,8%
Tourisme/chasse et pêche 1,5%
Immobilier/Logement 1,3%
Transport/entreposage 0,5%
Ressources naturelles 0,5%
Autre (veuillez préciser) 11,5%
La répartition par secteur d’activité des répondants de notre enquête peut être comparée à
la répartition des PME avec employés dans une enquête de l’ISQ intitulée Le financement
et la croissance des petites et moyennes entreprises au Québec en 2014. On constate des
similarités dans certains secteurs et des écarts importants dans d’autres. Des comparaisons
avec d’autres données descriptives de l’ISQ montrent que les entreprises comptant peu
d’employés et les entrepreneurs les plus récents sont surreprésentés parmi les répondants
de notre enquête43. Ces derniers ne sont donc pas parfaitement représentatifs de l’ensemble
des PME québécoises, certes, bien qu’on constate leur diversité, notamment quant aux
secteurs représentés.
43
ISQ, Le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises au Québec en 2014, février 2017, p. 34.
http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/science‐technologie‐innovation/financement_pme/financement‐pme‐2014.pdf
24
Notre Données de
enquête l’ISQ
Agriculture/agro-alimentaire et ressources naturelles 5,87% 6,50%
Restauration/hébergement 6,89% 10,20%
Services professionnels 14,29% 9,50%
Construction/rénovation 3,06% 15,90%
Manufacturier/Fabrication 5,87% 5,90%
Commerce de détail 10,97% 20,90%
Transport/entreposage 0,51% 5,30%
Autres 52,54% 25,80%
Source : ISQ, Le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises au Québec en 2014, février 2017, p.
35. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/science‐technologie‐innovation/financement_pme/financement‐pme‐2014.pdf
Compte tenu du nombre de répondants et de leur distribution très diverse, nous considérons
que ces facteurs de validité confèrent un grand sérieux aux résultats exposés ici. Qui plus
est, la présente enquête apparaît un très bon indicateur de la problématique étudiée
lorsqu’on la considère en conjonction avec les entrevues qualitatives que nous avons
menées.
Mentionnons en terminant que deux questions du questionnaire portaient sur des facteurs
de risques, tant positifs que négatifs, identifiés dans la littérature. Malheureusement, une
erreur de manipulation a été commise puisque celle portant sur les facteurs négatifs ne
comportait pas le choix de réponse « Aucun ». Cela a rendu cette question invalide puisque
les répondants devaient obligatoirement choisir au moins un événement négatif pour
pouvoir passer à la question suivante. En tout, 29 répondants de moins ont répondu à cette
question par rapport aux réponses obtenues à la question précédente. De plus, les deux
questions sur les facteurs de risque devenaient asymétriques et impossibles à comparer.
Enfin, les relations entre les variables ont été établis au moyen d’analyses de variance
(ANOVA), de tests de corrélations, de tests de F et de tests de Scheffé. Ces outils
statistiques ne permettent pas d’établir de liens de causalité entre les variables, ce qui
justifie une certaine prudence dans l’interprétation des résultats quantitatifs pris isolément.
Entrevues qualitatives
25
Ainsi, au cours du mois de décembre 2017, nous avons mené les cinq entrevues qualitatives
suivantes:
26
Chapitre 3
La détresse psychologique est très présente chez les entrepreneurs ayant répondu au
questionnaire diffusé pour cette étude. Ce chapitre présente des résultats troublants
recueillis auprès de près de 300 entrepreneurs dans le cadre d’une enquête pionnière.
Dans tous les cas, les relations présentées ne peuvent pas être interprétées comme des liens
de cause à effet. Le sondage ne permet pas d’établir de telles conclusions de manière
rigoureuse. Les relations mesurées n’établissent que la présence simultanée de deux
facteurs chez les répondants, comme un nombre d’heures travaillées élevé et une détresse
psychologique plus grande. Cette observation est valable pour l’ensemble des résultats
présentés ici à partir du sondage44. On ne peut que poser des hypothèses sur la logique qui
relie deux facteurs mesurés, par exemple grâce aux entrevues qualitatives menées.
Par ailleurs, comme nous l’avons vu plus tôt, l’enquête par sondage ne prétend pas à une
représentation statistique fidèle de l’ensemble des entrepreneurs québécois. Ses résultats
ne peuvent donc pas être statistiquement significatifs. Elle est toutefois unique en son
genre. Enfin, le portrait préoccupant qui émerge des résultats correspond en grande partie
aux commentaires recueillis durant les entrevues qualitatives.
Le tableau suivant résume les grands constats qui seront détaillés par la suite.
44
En termes statistiques, toutes les relations présentées ici sont significatives à un niveau de 5% (p‐value < 0,05).
27
Les répondants à notre sondage en ligne déclarent travailler très fort. En chiffres, 43%
d’entre eux travaillent plus de 50 heures par semaine. Tout de même, 23% parviennent à
travailler régulièrement moins de 40 heures par semaine.
28
Proportion des répondants selon le nombre
d'heures travaillées par semaine
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Moins de 20 De 20 à 30 De 30 à 40 De 40 à 50 De 50 à 60 Plus de 60
heures heures heures heures heures heures
Un autre indicateur d’un engagement prenant des répondants dans leur entreprise est le peu
de vacances qu’ils prennent. Lorsqu’on additionne les 16% qui ne prennent jamais de
vacances avec ceux qui n’en prennent que les fins de semaine ou lors des congés fériés, on
peut affirmer que 26% n’arrive pas réellement à prendre de vacance. Tout de même, 31%
arrive à prendre plus de deux semaines.
Proportion des répondants selon les vacances
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
29
Le fait que plus d’un quart des répondants ne prennent pas véritablement de vacance peut
sans doute s’expliquer par le fait que, pour 40% des répondants, il n’y a pas d’activité dans
l’entreprise lorsqu’ils sont en vacances.
Les heures travaillées et la prise de vacances ont-elles un lien avec la santé mentale des
entrepreneurs? Absolument. Comme on peut s’y attendre, les répondants qui travaillent
plus de 60 heures par semaine présentent un niveau de détresse plus élevé. Lorsque les
heures travaillées sont très élevées, les répondants étaient plus susceptibles de montrer des
symptômes d’épuisement professionnel. Le lien entre l’épuisement professionnel et
l’attachement émotionnel des entrepreneurs à leur projet, qui les conduit à s’y investir corps
et âme, représente d’ailleurs une piste de réflexion intéressante pour de futures
recherches45.
Les heures travaillées ne semblent toutefois pas avoir de lien avec la dépression, alors que
les répondants qui ne prennent pas de vacance montrent plus de symptôme de dépression.
Ceux qui prennent plus de deux semaines vont notablement mieux.
Le tiers des répondants dorment sept heures par nuit en règle générale. Il y a toutefois 15%
d’entre eux qui déclarent dormir régulièrement moins de six heures par nuit, ce qui n’est
généralement pas recommandé.
Proportion des répondants selon les
heures de sommeil
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Moins de Six heures Sept Huit Neuf Plus de
six heures heures heures heures neuf
heures
45
Yosr Ben Tahar, Analyse du burnout en entrepreneuriat : étude empirique sur les dirigeants de PME (thèse de doctorat), novembre
2014, p. 366.
30
La qualité du sommeil apparaît plus préoccupante encore que les heures de sommeil. Ainsi,
71% des répondants déclarent avoir de la difficulté avec leur sommeil. Le tableau suivant
montre à quel point les problèmes de sommeil sont répandus.
Les habitudes de sommeil se modifient dans le temps. Par exemple, à peine plus du quart
des répondants affirmaient que leurs habitudes de sommeil n’avaient pas changé dans le
dernier mois. La majorité a réduit ses heures de sommeil :
Parmi les répondants, 71,5% sont en détresse psychologique46. Il existe plusieurs études
sur des populations plus larges qui, à titre indicatif, donnent des balises. Par exemple, l’Ifait
état d’un niveau élevé de détresse psychologique chez 28,3% de la population de 15 ans et
plus47. Parmi les salariés, 24% disent éprouver une détresse psychologique48.
46
Nous avons utilisé l’échelle de détresse psychologique de l’Enquête Santé Québec (EDPESQ‐14) à partir de l’échelle développée
par Ilfeld (1976). C. Perrault, L’Enquête Santé Québec et la santé mentale des Québécois : cadre conceptuel et méthodologique, Santé
mentale au Québec, 1989, pp. 132‐143.
47
Institut de la statistique du Québec, L’enquête québécoise sur la santé de la population, 2014‐2015 : pour en savoir plus sur la
santé des Québécois : résultats de la deuxième édition, octobre 2016, p. 140.
48
Martin Lasalle, Près d’un salarié sur quatre souffre de détresse psychologique au Québec, UdeM Nouvelles, Université de Montréal,
12 janvier 2016. http://nouvelles.umontreal.ca/article/2016/01/12/pres‐dun‐salarie‐sur‐quatre‐souffre‐de‐detresse‐psychologique‐
au‐quebec/
31
Selon la méthode d’analyse en quintiles, il y a 21% de la population québécoise qui se situe
à un niveau élevé de l’indice de détresse psychologique49. Malgré que ces données ne soient
pas directement comparables pour des raisons méthodologiques (par exemple, l’utilisation
d’échelles différentes dans la mesure de la détresse), il nous semble possible d’avancer que
le niveau de détresse psychologique parmi nos répondants est préoccupant.
Remarquons que 6,1% des répondants affirment souffrir d’une condition de santé mentale
connue (ex : bipolarité, trouble de personnalité limite, trouble obsessionnel-compulsif, etc.).
Le tableau suivant montre que plus du tiers des répondants souffrent de symptômes associés
à la dépression. Dans le cas des 6,6% qui ont des symptômes sévères de dépression, un
médecin requerrait probablement un arrêt de travail :
Bien que cette statistique ne soit présentée qu’à titre illustratif, les données compilées par
l’ISQ montrent que 12,2% de la population de 15 ans et plus a vécu un épisode dépressif
au cours de la vie50. Chez les salariés, 6% souffrent de dépression51.
Parmi les répondants à notre enquête, 26,3% affirment souffrir ou avoir déjà souffert de
dépression.
49
Institut de la statistique du Québec, Portrait statistique de la santé mentale des Québécois : Résultats de l’Enquête sur la santé
dans les collectivités canadiennes Santé mentale 2012 : Portrait chiffré, mai 2015, p. 92.
50
Institut de la statistique du Québec, Portrait statistique de la santé mentale des Québécois : Résultats de l’Enquête sur la santé
dans les collectivités canadiennes Santé mentale 2012 : Portrait chiffré, mai 2015, p. 28.
51
Martin Lasalle, « Près d’un salarié sur quatre souffre de détresse psychologique au Québec », UdeM Nouvelles, Université de
Montréal, 12 janvier 2016. http://nouvelles.umontreal.ca/article/2016/01/12/pres‐dun‐salarie‐sur‐quatre‐souffre‐de‐detresse‐
psychologique‐au‐quebec/
32
Épuisement émotionnel
Faible 53,2 %
Modéré 22,9 %
Élevé 23,9 %
Pour ce qui est des autres dimensions de l’épuisement professionnel, 23,2% des répondants
ont une faible efficacité personnelle et 9,4% présentent un taux de dépersonnalisation élevé.
Chez les salariés, ces proportions sont respectivement de 11% et de 8%53. Parmi les
répondants à notre enquête, 29,3% affirment souffrir ou avoir déjà souffert d’épuisement
professionnel.
Il serait intéressant de mesurer si, chez les entrepreneurs, pour qui les relations humaines
sont souvent au cœur de leur activité quotidienne, la dépersonnalisation est moins fréquente
que la perte d’efficacité personnelle comme symptôme accompagnant l’épuisement
professionnel.
Cela ne veut pas dire que les entrepreneurs ayant du succès soient exempts de toute détresse
psychologique. Lors d’une entrevue qualitative avec un ex-entrepreneur, celui-ci
mentionnait avoir reçu de nombreux témoignages de la part d’entrepreneur célébré dans
les médias pour leur réussite. À la tête d’entreprises rentables et en croissance, ces derniers
subissaient néanmoins d’énormes pressions et montraient des symptômes préoccupants sur
le plan de la santé mentale.
52
idem
53
idem
33
Les entrepreneurs âgés sont-ils plus sereins?
Parmi les répondant, ce sont les plus vieux (65 ans et plus) qui paraissent les moins à risque
de détresse psychologique. La catégorie d’âge n’a pas d’influence sur les autres conditions :
dépression, épuisement émotionnel, dépersonnalisation et efficacité personnelle. Cela n’est
pas complètement surprenant puisque l’ISQ note dans la population en générale une
diminution de la détresse psychologique élevée en fonction de l’âge54.
Inversement, les groupes d’âge les plus stressés sont les 26-35 ans, suivi des 36-45 ans, et
non pas les plus jeunes. La catégorie d’âge des 20-25 se situe en quelque sorte en milieu
de peloton, n’étant ni les plus stressés ni les moins stressés.
Les répondants qui ont passé le cap du cinq ans sont en moyenne moins stressés, moins
déprimés et moins épuisés. Un constat révélateur : ceux qui sont entrepreneurs depuis 2 à
5 ans forment la catégorie la plus stressée, avec une détresse psychologique affectant 46,7%
d’entre eux, et la plus déprimée. Les entrepreneurs qui sont en affaires depuis plus d’un an
et moins de deux ans sont les plus susceptibles à l’épuisement émotionnel. Une étude qui
se limite à un échantillon d’entrepreneurs ayant plus de cinq ans d’expérience comporterait
ainsi un biais en sous-estimant le niveau de détresse psychologique55.
On peut comprendre que, pour plusieurs entrepreneurs, la première année engendre moins
de détresse psychologique. Le stress est certainement présent, mais on s’y attend et, la
plupart du temps, on y est préparé. Par exemple, on a mis de l’argent de côté et on s’attend
à devoir piger dans nos économies. La phase de création et de démarrage de l’entreprise
n’est pas de tout repos pour l’entrepreneur56, mais sa santé mentale ne s’en trouve pas
immédiatement affectée.
Lorsque ces dernières s’épuisent, toutefois, le sentiment d’échec peut vite faire surface si
les revenus de l’entreprise ne sont pas au rendez-vous. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit
dans le cas de l’ex-entrepreneur rencontré. Il précisait que la première année peut être
enthousiasmante, même si on travaille très fort, parce qu’on fait émerger une idée, on
participe à tous les concours, on rencontre des intervenants, on fait des formations, etc.
Mais les épargnes fondent rapidement si les ventes se font attendre et le stress financier
devient plus lourd à porter.
54
Institut de la statistique du Québec, L’enquête québécoise sur la santé de la population, 2014‐2015 : pour en savoir plus sur la
santé des Québécois : résultats de la deuxième édition, octobre 2016, p. 140.
55
C’est le cas pour Ute Stephan et Ulrike Roesler, “Health of entrepreneurs versus employees in a national representative sample”,
Journal of Occupational & Organizational Psychology, 83(3), 2010, p. 731. Les auteurs reconnaissent eux‐mêmes cette faiblesse.
56
Virginie Gharbi, « Faut‐il surveiller la santé des créateurs d’entreprise ? », dans Olivier Torrès, La santé du dirigeant : de la
souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, De Boeck Superieur, 2017, p. 156.
34
Rina Marchand, du Réseau M, nous a aussi mentionné cette préoccupation pour les revenus
de l’entreprise qui devient très présente, très rapidement. Toutefois, les différentes étapes
de la vie de l’entreprise présentent différents défis. Certaines entreprises plus matures font
aussi face à des difficultés, que ce soit en raison de la concurrence ou dans la gestion des
ressources humaines, par exemple. La gestion des ressources humaines est souvent perçue
comme ardue, bien souvent davantage que la gestion des clients et des fournisseurs.
Les premières années d’une entreprise sont les pires. Après la tempête se
calme et tu peux mieux profiter de ce que tu as construit. La persévérance
et l’acharnement payent57.
Au cours des 12 derniers mois, 51,7% des répondants ont déclaré éprouver de la difficulté
à concilier travail et famille régulièrement ou à tous les jours.
57
De la part d’un répondant anonyme à notre questionnaire en ligne.
58
Institut de la statistique du Québec, Portrait statistique de la santé mentale des Québécois : Résultats de l’Enquête sur la santé
dans les collectivités canadiennes Santé mentale 2012 : Portrait chiffré, mai 2015, p. 29.
35
Proportion des répondants selon la difficulté de concilier
travail et famille
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Rina Marchand soulignait que les femmes chefs de file s’investissent davantage dans leur
entreprise que les hommes, passant environ 20% de plus de temps par semaine dans leur
entreprise, mais qu’elles passaient aussi deux heures de plus en famille. Cela montre tout à
la fois les difficultés de la conciliation travail-famille et l’importance qu’on y accorde. Sans
enfant, c’est certainement plus aisé.
Parmi les répondants, 17,2% ont déjà cédé une entreprise. Ces derniers se comparent à
l’ensemble des entrepreneurs : ils ne sont pas plus affectés par la détresse psychologique,
la dépression ou l’épuisement professionnel que les autres, mais ne le sont pas moins non
plus59.
59
Les écarts observés entre ce groupe et les autres répondants suggèrent une meilleure santé mentale chez les cédants, mais les
écarts ne sont pas suffisants pour être significatifs, ni à un seuil de signification de 0,01, ni même à 0,05. L’efficacité personnelle des
cédants n’est significativement plus élevée que si l’on accepte un seuil de 0,10, ce que nous ne faisons
pas.
36
L’absence de différence notable montre que les cédants sont comparables aux autres
entrepreneurs, mais ça ne signifie pas que le processus de vendre ou transmettre son
entreprise soit facile. Au contraire, il s’agit d’un passage étroit et risqué, selon Rina
Marchand, du Réseau M, qui a même développé une formation particulière et une brigade
de mentors spécialisés. Il s’agit d’un moment hautement humain, qui demande de bien
communiquer, ce qui rend l’aide d’autant plus pertinente.
Cette ex-entrepreneure se demandait bien ce qu’elle allait faire ensuite lorsqu’elle pensait
à céder l’entreprise. Elle explique qu’après la vente « un vide se fait, un vide total ». Un
vide qu’elle comble désormais par le bénévolat. « On travaille comme jamais », affirme-t-
elle aujourd’hui, cinq ans après avoir complété le transfert.
Clore un chapitre de sa vie n’est jamais simple et peut déclencher bien des résistances, de
l’avis de Louise Cadieux. Plusieurs cédants choisissent de rester dans l’entourage de
l’entreprise en occupant un autre rôle, principalement lorsqu’il s’agit d’un transfert aux
enfants ou à un employé de confiance. Autrement, certains se trouvent d’autres projets,
voire même se lancent de nouveau en affaires.
L’enquête par sondage réalisée par le RJCCQ contient une grande quantité de données
intéressantes et le présent rapport ne prétend pas couvrir toutes les dimensions pertinentes.
Cependant, il semblait important de souligner encore quelques résultats en conclusion de
ce chapitre.
L’intérêt pour le sexe a diminué au cours du dernier mois chez presque 48 % des
répondants.
37
Intérêt pour le sexe au cours du dernier mois :
Je n’ai pas noté de changement récent dans mon intérêt pour le sexe. 52,22%
Le sexe m’intéresse moins qu’avant. 30,70%
Le sexe m’intéresse beaucoup moins maintenant. 11,39%
J’ai perdu tout intérêt pour le sexe. 5,70%
38
Chapitre 4
Briser l’isolement
Les résultats exposés au chapitre précédent sont préoccupants. Rappelons que 71,5% des
répondants présentent un niveau de détresse psychologique élevée, que 6,6% souffrent de
symptômes sévères de dépression et que 23,9% démontrent des symptômes élevés
d’épuisement émotionnel. En plus, 26,3% affirment souffrir ou avoir déjà souffert de
dépression et 29,3% affirment souffrir ou avoir déjà souffert d’épuisement professionnel.
L’exemple de la charge de travail illustre avec quelle prudence l’on doit considérer des
« solutions » à la détresse psychologique des entrepreneurs. Un second élément incitant à
la prudence : il faut se rappeler de l’incroyable diversité des contextes. Chaque aventure
entrepreneuriale est unique. Un troisième élément de prudence serait d’admettre dès le
départ qu’il n’est pas possible ni souhaitable d’éviter toute situation de détresse
psychologique. L’entrepreneuriat est caractérisé par son côté risqué et incertain, par la
concurrence et les multiples défis, où le stress est parfois un moteur. Et c’est très bien ainsi.
Il n’en reste pas moins que l’impact d’une dépression ou d’un épuisement professionnel
d’un entrepreneur peut représenter, par effet domino, des pertes d’emplois ou la fin des
activités d’une PME. En conservant ces éléments en tête, voici donc quelques pistes de
solutions qui méritent d’être discutées.
39
Vers quelle ressource se tourner?
un employé de votre entreprise
un collègue (mentor, relation d’affaire)
un proche (conjoint, famille, ami)
un professionnel de la santé mentale
(psychothérapeute, psychologue, psychiatre)
un service d’aide spécialisé pour les entrepreneurs
une ligne téléphonique d’aide en santé mentale
Cela ne signifie pas que les ressources existantes soient suffisantes ou que les entrepreneurs
les utiliseraient effectivement s’ils ressentaient des symptômes de détresse psychologique.
D’ailleurs, certains se demandent s’ils arriveraient à s’auto-diagnostiquer ou encore aller
consulter à temps. D’autres entrepreneurs ont plutôt le réflexe de prendre des vacances60.
Pensons enfin à tous ceux qui ne réussissent pas dans l’entrepreneuriat, par exemple
lorsqu’ils décident de fermer leur entreprise qui n’est pas rentable. Comment va leur santé
psychologique après un échec ? Ce doit être une expérience difficile à vivre, un véritable
échec, mais c’est aussi un formidable apprentissage. Recevoir de l’aide lorsqu’on sort de
l’entrepreneuriat permettrait aussi d’aider ceux qui pensent un jour se lancer de nouveau
dans cette aventure.
Tant dans la littérature que lors des entrevues qualitatives, la piste la plus souvent évoquée
est de briser l’isolement de l’entrepreneur. Que ce soit auprès d’autres entrepreneurs, de
mentors, de proches ou de professionnels, l’important est d’avoir une relation privilégiée
avec quelqu’un à qui on peut parler de ce qui nous arrive, quelqu’un qu’on n’a pas besoin
de convaincre pour le bien de l’entreprise, mais à qui on peut parler de soi. Même (surtout)
dans le cas où on ne réalise pas qu’on souffre de dépression ou de burnout, le fait d’en
parler augmente les chances de comprendre la situation vécue.
60
Question abordée lors de certaines entrevues qualitatives ; Les Affaires, Les PDG se cachent pour
pleurer : http://www.lesaffaires.com/dossier/les‐derangeants/podcast‐saison‐1b‐episode‐13/597402.
40
Briser l’isolement ne concerne pas que les entrepreneurs en crise, au contraire. Si cette
solution comporte une facette curative, elle favorise aussi la prévention de la détresse
psychologique. Comme le disait en entrevue qualitative un ex-entrepreneur à propos de sa
dépression et de la solitude :
Entre entrepreneurs, on peut s’en parler, mais pas en public. Moi, j’aurais eu
besoin qu’on m’écoute. Qu’on m’écoute me plaindre. Aujourd’hui, j’écoute des
histoires fréquentes qui viennent même d’entrepreneurs à succès, ceux qui sont
partout dans les médias.
Le tabou entourant les difficultés psychologiques qui peuvent survenir dans un parcours
d’entrepreneur doit être renversé. Des progrès immenses ont déjà été accomplis, certes : il
y a 10 ans seulement, les entrepreneurs ne parlaient pas tous ouvertement qu’ils avaient un
mentor, parce qu’on avait peur que ce soit perçu comme une faiblesse. Aujourd’hui, ça
ouvre des portes dans les institutions financières et auprès de clients, de l’avis de Rina
Marchand61! Mais il y a encore du chemin à faire. Les programmes, associations ou
campagnes publicitaires encourageant l’entrepreneuriat doivent être plus honnêtes et
transparents sur cette réalité. Non pas pour décourager, mais bien pour conscientiser.
Il faut développer des outils pour les entrepreneurs en détresse. Trop souvent on
ne parle pas de ces cas. Il faut parler de l'échec aussi63.
61
Entrevue qualitative avec Rina Marchand, directrice principale, contenus et innovation, du Réseau M
(Fondation de l’entrepreneurship).
62
Un répondant anonyme à notre questionnaire.
63
Un autre répondant anonyme à notre questionnaire.
41
Au Réseau M, les mentors sont formés pour se préoccuper de l’entrepreneur lui-même, de
la personne d’abord, sa santé et sa famille, avant même la situation financière de
l’entreprise. Néanmoins, avant de pouvoir aborder des questions plus sensibles comme la
santé mentale, ça prend du temps pour développer la relation. D’autant plus lorsqu’il y a
une urgence, puisque bon nombre d’entrepreneurs demandent un mentor en raison d’une
difficulté ponctuelle, technique ou financière. Malheureusement, certains demandent de
l’aide beaucoup trop tard, au bord de la faillite ou de la dépression. Pour le mentorat, la
santé et le bonheur de l’entrepreneur, c’est la base, c’est l’unité de mesure64.
Ainsi, il serait important que tous les incubateurs, les accompagnateurs, les organismes qui
côtoient les entrepreneurs soient outillés et donnent des outils aux entrepreneurs pour
reconnaître les symptômes de la détresse psychologique et de certains troubles mentaux.
La clé est souvent dans l’entourage, car il est très difficile de se diagnostiquer soi-même.
On peut même penser à des séances de groupes avec les entrepreneurs qui sont dans les
incubateurs où on ferait parler ceux qui ont vécu des difficultés de santé mentale,
permettant à ceux qui vivent des difficultés de se reconnaître dans l’expérience de
quelqu’un d’autre et de ne pas se sentir seul.
Les incubateurs pourraient même proposer des rencontres avec un psychologue. Il existe
aussi des formations et des coachs pour développer son « capital psychologique »,
augmenter sa résilience. Les stratégies d’adaptation (coping) peuvent ainsi être améliorées.
Les outils d’auto-évaluation en ligne peuvent être davantage diffusés et des campagnes de
sensibilisation peuvent obtenir plus de visibilité au sein de ces organisations. Encore faut-
il que les entrepreneurs eux-mêmes s’intéressent à ces questions.
Pour lutter contre la solitude, certains entrepreneurs vont peut-être favorisés d’autres
formules, comme de se trouver un bon partenaire d’affaire. La jeune génération a plus
qu’avant tendance à entreprendre en groupe, pour que chacun complète les forces et
faiblesses des autres. Les femmes entreprennent plus souvent avec leur conjoint et se
cherchent plus facilement un mentor. Certains témoignages mentionnent d’ailleurs qu’avec
de l’aide dans les tâches qui ne sont pas notre force, on peut retrouver le plaisir de
l’entrepreneuriat, reprendre le contrôle, parce qu’on est moins dans l’engrenage du day-to-
day65.
64 Entrevue qualitative avec Rina Marchand, directrice principale, contenus et innovation, du Réseau M (Fondation de
l’entrepreneurship).
65 idem
42
À n’en pas douter, des solutions innovantes et imprévues vont émerger. Déjà, pour les
médecins résidents, la FMRQ dit agir pour « pour stimuler les échanges qui permettent
souvent de corriger des situations avant qu’elles ne deviennent un problème »66. Encore
plus innovant, des entrepreneurs sautent sur l’occasion pour proposer des solutions. À
Toronto, la société TranQool propose aux entrepreneurs des ateliers collectifs et des
rencontres individuelles par vidéo pour aborder les questions de santé mentale67.
Briser l’isolement par tous les moyens possibles, voilà notre principale piste de solution.
L’enquête réalisée permet non seulement de dresser un portrait de la santé mentale des 300
entrepreneurs qui y ont répondu, mais aussi des principales situations à risque dans le
parcours de l’entrepreneurs. Rappelons ces relations qui peuvent éclairer les entrepreneurs
eux-mêmes, les médias, les gouvernements et les organismes intervenants auprès
d’entrepreneurs.
66
FMRQ, Détresse psychologique / suicide. http://www.fmrq.qc.ca/sante‐bien‐%C3%AAtre‐et‐services/sante‐bien‐etre/detresse‐
psychologique
67
Guest Blogger, « L’entrepreneuriat et la santé mentale : quand l’anxiété vous guette », Futurpreneur Canada, 22 décembre 2016
https://www.futurpreneur.ca/fr/2016/entrepreneurship‐and‐mental‐health‐tackling‐your‐anxiety/ ; Chris Gory, « Why so many
entrepreneurs struggle with mental illness », The Globe and Mail, 24 mars 2017. https://www.theglobeandmail.com/report‐on‐
business/small‐business/startups/why‐so‐many‐entrepreneurs‐struggle‐with‐mental‐illness/article30042089/
43
Les résultats de l’enquête nous ont montré que pour 40% des répondants, leur entreprise
cessait ses activités lorsque l’entrepreneur prenait des vacances. Or, parfois, les vacances
peuvent être salutaires, d’autant plus lors d’un arrêt de travail pour raison de santé physique
ou mentale. En cas de crise, la survie de la PME est en jeu, surtout dans les petites
entreprises.
Pour le propriétaire dirigeant, comment peut-on s’assurer que les activités se poursuivent?
En France, une solution est offerte : celle des « managers de crise ». Ce sont des gens
d’affaire aguerris qui, du jour au lendemain, peuvent devenir PDG d'une entreprise
inconnue68. Ce type de gestion de crise est certainement originale et ne peut pas s’appliquer
dans tous les cas, mais pourquoi ne pas s’intéresser aux résultats de cette expérience
française?
Bien qu’on n’ait pas observé de différences entre les cédants et les entrepreneurs en général,
la vente ou le transfert d’une entreprise constitue un passage délicat. Le mentorat, le
coaching ou le recours à des consultants experts semble une solution hautement
recommandée pour assurer une transition en douceur. Après la vente ou le transfert, l’ex-
entrepreneur demeure vulnérable, bien souvent confronté à une plus grande solitude.
Parfois, cela se traduira par des symptômes préoccupants. Les clubs d’entrepreneurs, les
chambres de commerce et autres organismes peuvent être d’un grand secours. Dans
d’autres cas, sortir de l’entreprise est justement salutaire pour la santé mentale et peut
permettre de nouveaux projets.
Enfin, cette réalité mériterait d’être mieux documentée et discutée. Des organismes
s’intéressent déjà à ces questions, comme l’Institut de recherche sur les PME à l’UQTR. Il
s’agit de mettre des ressources en commun pour faire avancer la recherche et la discussion.
Quant à nous, nous espérons que cette recherche apporte sa contribution au nécessaire débat
sur la question.
68
Bertille Bayart, « Entreprise en crise recherche patron urgentiste », Le Figaro, 7 janvier 2014.
http://www.lefigaro.fr/mon‐figaro/2014/01/07/10001‐20140107ARTFIG00574‐entreprise‐en‐crise‐recherche‐patron‐urgentiste.php
44
Annexe
Essentiel pour la prospérité québécoise, l’entrepreneuriat est aussi un parcours semé
d’embûches pour ceux qui s’y lancent. Outre les défis traditionnels, la détresse
psychologique que peuvent vivre certains entrepreneurs constitue une réalité moins
connue.
Il est très important de lire et de répondre à toutes les questions, même si vous croyez
ne pas être concerné par une question. Votre participation est essentielle pour la qualité
de cette recherche.
Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses dans un questionnaire de ce genre:
vous devez répondre d'après votre expérience personnelle.
Vous êtes à tout moment libre de refuser de répondre à ce questionnaire.
Ce questionnaire sera traité de façon anonyme et confidentielle.
L’utilisation du masculin a pour seul but d’alléger le texte.
45
Manufacturier/Fabrication
Ressources naturelles
Commerce de détail
Finances et assurances
Informatique/technologie/communication
Enseignement
Santé/services sociaux
Transport/entreposage
Autre : ________________
46
Quelle est votre situation familiale?
Célibataire sans enfant
Célibataire avec enfant(s)
En couple sans enfant
En couple avec enfant(s)
Dans votre expérience d’entrepreneur, au cours des douze (12) derniers mois :
Lorsque vous prenez des vacances, que se passe-t-il avec votre entreprise?
Il n’y a pas d’activité
Un partenaire/associé s’en occupe
Un gérant/directeur s’en occupe
Un employé s’en occupe
Autre : ______________
47
Au cours des douze (12) derniers mois, avez-vous vécu un ou plusieurs des événements
suivants? (vous pouvez sélectionner plusieurs réponses)
Perte d’un gros client?
Renvoi d’employé(s)?
Difficultés financières?
Maladie ou décès d’un membre de la famille ou d’un proche?
Maladie ou décès d’un collègue?
Dispute/conflit avec un partenaire d’affaires?
Tensions familiales?
Séparation ou divorce?
Avez-vous identifié d’autres situations négatives que celles mentionnées ici qui vous
causent un stress élevé?
_______________________
Au cours des douze (12) derniers mois, avez-vous vécu un ou plusieurs des événements
suivants? (vous pouvez sélectionner plusieurs réponses)
Croissance soudaine des ventes?
Embauche rapide d’un grand nombre d’employés?
Besoin de nouveaux investissements rapides?
Acquisition d’une autre entreprise ou fusion d’entreprises?
Offre d’achat de votre entreprise?
Naissance d’un enfant?
Mariage ou union civile?
Aucun
Avez-vous identifié d’autres situations positives que celles mentionnées ici qui vous
causent un stress élevé?
__________________
Au cours des douze (12) derniers mois, avez-vous éprouvé des difficultés à concilier votre
travail avec vos obligations familiales personnelles?
Jamais
Sporadiquement (quelques fois par année)
De temps en temps (une fois par mois)
Régulièrement (quelques fois par mois)
Souvent (une fois par semaine)
Très souvent (quelques fois par semaine)
À chaque jour
48
Au cours des douze (12) derniers mois, quelle a été votre consommation de boissons
alcoolisées?
Chaque jour
De 4 à 6 fois par semaine
De 2 à 3 fois par semaine
Une fois par semaine
Une ou deux fois par mois
Moins d’une fois par mois
Je ne bois pas
e) Du réveil prématuré
f) Du réveil au milieu de la nuit
49
De temps Assez Très
Au cours du dernier mois : Jamais en temps souvent souvent
Pour les prochaines questions, lisez attentivement tous les énoncés pour chaque groupe, puis
cochez le de l'énoncé qui décrit le mieux la façon dont vous vous êtes senti(e) au cours du
dernier mois. Veuillez-vous assurer d'avoir lu tous les énoncés de chaque groupe avant
d'effectuer votre choix et de ne choisir qu’un seul énoncé dans chaque groupe.
50
1. Tristesse
Je ne me sens pas triste.
Je me sens très souvent triste.
Je suis tout le temps triste.
Je suis si triste ou si malheureux(se), que ce n’est pas supportable.
2. Pessimisme
Je ne suis pas découragé(e) face à mon avenir.
Je me sens plus découragé(e) qu’avant face à mon avenir.
Je ne m’attends pas à ce que les choses s’arrangent pour moi.
J'ai le sentiment que mon avenir est sans espoir et qu’il ne peut qu’empirer.
3. Échecs dans le passé
Je n’ai pas le sentiment d’avoir échoué dans la vie, d’être un(e) raté(e).
J'ai échoué plus souvent que je n’aurais dû.
Quand je pense à mon passé, je constate un grand nombre d’échecs.
J'ai le sentiment d'avoir complètement raté ma vie.
4. Perte de plaisir
J’éprouve toujours autant de plaisir qu’avant aux choses qui me plaisent.
Je n’éprouve pas autant de plaisir aux choses qu’avant.
J’éprouve très peu de plaisir aux choses qui me plaisaient habituellement.
Je n’éprouve aucun plaisir aux choses qui me plaisaient habituellement.
5. Sentiments de culpabilité
Je ne me sens pas particulièrement coupable.
Je me sens coupable pour bien des choses que j’ai faites ou que j’aurais dû faire.
Je me sens coupable la plupart du temps.
Je me sens tout le temps coupable.
6. Sentiment d’être puni(e)
Je n'ai pas le sentiment d’être puni(e).
Je sens que je pourrais être puni(e).
Je m’attends à être puni(e).
J’ai le sentiment d’être puni(e).
7. Sentiments négatifs envers soi-même
Mes sentiments envers moi-même n’ont pas changé.
J'ai perdu confiance en moi.
Je suis déçu(e) par moi-même.
Je ne m'aime pas du tout.
8. Attitude critique envers soi
Je ne me blâme pas ou ne me critique pas plus que d’habitude
Je suis plus critique envers moi-même que je ne l’étais.
51
Je me reproche tous mes défauts.
Je me reproche tous les malheurs qui arrivent.
9. Pensées ou désirs de suicide
Je ne pense pas du tout à me suicider.
Il m’arrive de penser à me suicider, mais je ne le ferais pas.
J'aimerais me suicider
Je me suiciderais si l’occasion se présentait.
10. Pleurs
Je ne pleure pas plus qu’avant.
Je pleure plus qu’avant.
Je pleure pour la moindre petite chose.
Je voudrais pleurer mais je n’en suis pas capable.
11. Agitation
Je ne suis pas plus agité(e) ou plus tendu(e) que d’habitude.
Je me sens plus agité(e) ou plus tendu(e) que d’habitude
Je suis si agité(e) ou tendu(e) que j’ai du mal à rester tranquille.
Je suis si agité(e) ou tendu(e) que je dois continuellement bouger ou faire quelque chose.
12. Perte d’intérêt
Je n’ai pas perdu d’intérêt pour les gens ou pour les activités.
Je m’intéresse moins qu’avant aux gens et aux choses.
Je ne m’intéresse presque plus aux gens et aux choses.
J’ai du mal à m’intéresser à quoi que ce soit.
13. Indécision
Je prends des décisions toujours aussi bien qu’avant.
Il m’est plus difficile que d’habitude de prendre des décisions.
J’ai beaucoup plus de mal qu’avant à prendre des décisions.
J’ai du mal à prendre n’importe quelle décision.
14. Dévalorisation
Je pense être quelqu’un de valable
Je ne crois pas avoir autant de valeur ni être aussi utile qu’avant.
Je me sens moins valable que les autres.
Je sens que je ne vaux absolument rien.
15. Perte d’énergie
J’ai toujours autant d’énergie qu’avant.
J’ai moins d’énergie qu’avant.
Je n’ai pas assez d’énergie pour pouvoir faire grand-chose
J’ai trop peu d’énergie pour faire quoi que ce soit.
52
16. Irritabilité
Je ne suis pas plus irritable que d’habitude.
Je suis plus irritable que d’habitude.
Je suis beaucoup plus irritable que d’habitude.
Je suis constamment irritable.
17. Modifications dans les habitudes de sommeil
Mes habitudes de sommeil n’ont pas changé.
Je dors un peu plus que d’habitude
Je dors un peu moins que d’habitude.
Je dors beaucoup plus que d’habitude.
Je dors beaucoup moins que d’habitude.
Je dors presque toute la journée.
Je me réveille une ou deux heures plus tôt et je suis incapable de me rendormir.
18. Modifications de l’appétit
Mon appétit n’a pas changé.
J’ai un peu moins d’appétit que d’habitude.
J’ai un peu plus d’appétit que d’habitude.
J’ai beaucoup moins d’appétit que d’habitude.
J’ai beaucoup plus d’appétit que d’habitude
Je n’ai pas d’appétit du tout.
J’ai constamment envie de manger.
19. Difficulté à se concentrer
Je parviens à me concentrer toujours aussi bien qu’avant.
Je ne parviens pas à me concentrer aussi bien que d’habitude.
J’ai du mal à me concentrer sur quoi que ce soit.
Je me trouve incapable de me concentrer sur quoi que ce soit.
20. Fatigue
Je ne suis pas plus fatigué(e) que d’habitude.
Je me fatigue plus facilement que d’habitude.
Je suis trop fatigué(e) pour faire un grand nombre de choses que je faisais avant.
Je suis trop fatigué(e) pour faire la plupart des choses que je faisais avant.
21. Perte d’intérêt pour le sexe
Je n’ai pas noté de changement récent dans mon intérêt pour le sexe.
Le sexe m’intéresse moins qu’avant.
Le sexe m’intéresse beaucoup moins maintenant.
J’ai perdu tout intérêt pour le sexe.
53
En utilisant le tableau ci-dessous, encerclez le chiffre (de 0 à 6) qui indique la fréquence d’apparition
de ces sentiments en vous. Si vous n'avez jamais éprouvé ces sentiments ou n'avez jamais eu ces
pensées, encerclez le 0. Si vous avez éprouvé ces sentiments ou que ces pensées vous sont
venues à l'esprit, encerclez la réponse qui convient le mieux.
0 1 2 3 4 5 6
Sporadiquement De temps en temps Régulièrement Souvent Très souvent
À chaque
Jamais Quelques fois par Une fois par mois ou Quelques fois Une fois par Quelques fois
jour
année ou moins moins par mois semaine par semaine
Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que j’ai à faire face à une autre 0 1 2 3 4 5 6
journée au travail.
J'ai l'impression que je traite quelques clients comme s'ils étaient des objets 0 1 2 3 4 5 6
impersonnels.
Travailler avec les gens tous les jours est vraiment un effort pour moi. 0 1 2 3 4 5 6
Je sens que j'influence positivement la vie des autres personnes par mon travail. 0 1 2 3 4 5 6
Je suis devenu(e) plus insensible envers les gens depuis que je fais ce travail. 0 1 2 3 4 5 6
Travailler en contact direct avec les gens met beaucoup trop de tension sur moi. 0 1 2 3 4 5 6
J'ai accompli plusieurs choses qui en valaient la peine dans mon travail. 0 1 2 3 4 5 6
Dans mon travail, je fais face aux problèmes émotionnels très calmement. 0 1 2 3 4 5 6
54
En utilisant le tableau ci-dessous, veuillez indiquer à quel point vous êtes d'accord avec les
énoncés suivants. S'il vous plaît, veuillez encerclez le chiffre correspondant à votre réponse
1 2 3 4 5
Après le travail, j’arrive à la maison trop fatigué(e) pour faire les choses qui me plaisent. 1 2 3 4 5
J’ai tellement de travail à faire pour mon emploi que cela me détourne de mes intérêts 1 2 3 4 5
personnels
J’ai suffisamment de temps pour faire ce qui est important pour mon travail. 1 2 3 4 5
À la fin de la journée, lorsque je rentre à la maison, je laisse mon travail derrière moi 1 2 3 4 5
Au travail, les gens se font confiance entre eux pour ce qui est de remplir leur rôle. 1 2 3 4 5
Les membres de mon groupe de travail coopèrent les uns avec les autres. 1 2 3 4 5
Il existe des procédures d’appel efficaces lorsque l’on conteste l’équité d’une décision. 1 2 3 4 5
Ce n’est pas ce que tu sais qui détermine une carrière ici, mais qui tu connais. 1 2 3 4 5
55
En utilisant le tableau ci-dessous, veuillez indiquer à quel point vous êtes d'accord avec les
énoncés suivants. S'il vous plaît, veuillez encerclez le chiffre correspondant à votre réponse
1 2 3 4 5
Les valeurs qui me sont chères sont sensiblement les mêmes que celles de l’organisation. 1 2 3 4 5
Mes objectifs personnels de carrière sont compatibles aux objectifs fixés par l’organisation. 1 2 3 4 5
Aimeriez-vous faire d'autres commentaires ou souligner des choses que vous trouvez
importantes et qui n’ont pas été abordées dans ce questionnaire ?
________________________________________________________________________
________________________________________________________________________
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56