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LA CITÉ . D'AOSTE
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LA CITE D'AOSTE
ET
LES COSTUMES VALDÔTAINS
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M.CM.L. V
BIBLIOTHÈQUE RÉGIONALE
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À LA MÉMOIRE
DE QUELQUES ÉCRIVAINS
D'EXPRESSION FRANÇAISE DU V AL D'AOSTE
RÉCEMMENT DISPARUS:
GEORGE S DUHAME L
de l'Académie française
JUSTIFICATION DES TIRAGES
Exemplaire 163
13
aux ouvrages mystérieux d'antiques peuplades pastorales d'esprit fort
indépendant semble-t-il.
À la cathédrale - bâtie, peut-on croire, sur l'emplacement d'un
temple de Diane- vous n'oubliez pas de rappeler que plus de quarante
fois les Princes de Savoie sont venus affirmer, sur l'autel, leur respect
.des franchises; ils consacraient ainsi, à grand cérémonial, les droits
valdôtains au particularisme. Mais, après ces influences souveraines,
vous signalez tout aussi bien, à l'occasion du clocher de St. Bénin, le
rôle de ces éducateurs de la jeunesse notable ou rurale, qui eux aussi
venaient de Savoie ou même de France.
Parmi les précisions nouvelles que vos travaux apportent, vous
apprenez même aux savoyards les noms de leurs compatriotes qui tra-
vaillèrent au cloître gothique et aux stalles de la Cathédrale!
Enfin, et très opportunément · vous indiquez à tout promeneur
voulant recueillir en une dernière méditation ce que viennent de lui
enseigner des monuments et des pierres, le lieu qui lui sera le plus favo-
rable~ la petite place retirée ~t silencieuse où le clocher de style lo~ba rd
de Saint-Ours - un des plus hauts de la péninsule - voisine avec un
tilleul: création de la nature près de celle de l'art. Un tilleul énorme
et toujours vigoureux, depuis qu'au xvr siècle il a remplacé un ormeau
qui, selon la tradition, datait lui-même de l'an mille.
L'an mille époque obscure et lointaine! Il est toutefois certain
qu'alors déjà et depuis plusieurs siècles, florissait la collégiale de
Saint-Ours encore aujourd'hui vivace, peuplée et pleine du souvenir du _
saint homme, dont un magnifique chapiteau roman du cloître tout
proche, raconte les épreuves et le triomphe.
Avec vous, assurément, le savoir archéologique le plus minutieux
ne donne jamais l'impression d'avoir pour objets des choses respectables
mais mortes.
Sans doute, êtes-vous pénétré du sentiment qu'à étudier les formes
prises p~r la vie du passé- fut-ce dans les arts plastiques - on comprend
mieux, on fait mieux comprendre, comment la vie naît, peut durer, en
se transformant, dans son éternelle poussée vers l'avenir.
Cet avenir valdôtain - et non seulement au point de vue culturel -
on y pense avec plus de confiance encore et des voeux encore plus cor-
diaux en se séparant de votre livre. Car, en nous instruisant selon votre 1•
docte spécialité, vous nous avez fait sentir ce qu'il y a de force interne
dans votre patrie. lJne rude et grandiose patrie, conquise par Rome,
devenue burgonde puis savoyarde et sarde pendant des siècles, puis
italienne depuis bientôt cent ans, mais restée toujours dans l'enclos de
ses montagnes et souvent à grand'peine, obstinément originale et
fidèle à elle-même.
14
AVANT PROPOS
15
Monuments romains, romans, moyenâgeux et modernes, cryptes,
cloîtres, clochers, stalles, statues, trésors, châsses, missels, légendes, tra·
ditions, souvenirs, sont offerts par la cité d'Aoste pour retenir le touriste.
C'est pour fixer les merveilles de ce passé, que ce livre a été conçu,
ces notes rédigées, ces illustrations gravées, le meilleur moyen de parler
à l'esprit, étant souvent, celui de frapper l'oeil.
je ne voudrais pas terminer ces quelques considérations, sans remer-
cier la junte Régionale et la Surintendance des Beaux-Arts, Monsieur
le professeur justin Boson qui m'a très-aimablement fourni de précieux
renseignements, M r le syndic de la ville d'Aoste, Mademoiselle Alda
V entilatici qui m'a permis de consulter les archives, et toutes les per-
sonnes qui m'ont assisté dans ce travail et dont j'ai mis à contribution
l'obligeance et les lumières. ]e suis heureux de témoigner ici une sincère
reconnaissance aux maîtres Hermann Politi, Serge Canavese, César
Banchieri et Arnaud Musati qui ont illustré ce volume avec passion par
leurs pastels et dessins à la plume. Beaucoup de lecteurs lassés par la
multiplicité des magazines, surchargés de photographies, trouveront
dans ces illustrations, détente et authentique beauté. Un remerciement,
aussi à l'Ecole d'art de Zurich, pour les conseils concernant la partie
graphique, et au maître imprimeur, pour son choix de caractères excep-
tionnels, qui donnent une classe esthétique, au tirage de cette pu-
blication.
Puisse ce volume, parler le langage de l'art aux amateurs et deven;r
l'ambassadeur de la cité d'Aoste et de sa vallée, pour les touristes.
RoBERT BERTON
16
PREMI~RE PARTIE
APERÇU HISTORIQUE
ucoup de savants considèrent les Salasses comme
le peuple aborigène de la région Valdôtaine. De
récentes découvertes semblent démontrer que la vallée fut
peuplée bien avant eux. Nous ne possédons aucun docu-
ment qui révèle les usages, les cultes et l'organisation de
ces peuples primitifs. On a bien trouvé à Villeneuve et
Montjovet des haches en pierre polie, quelques sépulcres,
mais rien qui permette de coordonner et d'utiliser ces
temoignages isolés. On peut seulement supposer qu'ils
édifiaient des huttes pour s'abriter, qu'ils chassaient pour
21
vivre et se défendre contre-les animaux sauvages et proté-
geaient leur propre territoire contre les tribus ennemies.
Les Salasses pénétrèrent en vallée d'Aoste à une . époque
indétermin_ée. Sont-ils venus en conquérants ou en mi-
grateurs pacifiques? On ne sait. C'est un peuple qui possé-
dait un certain niveau de civilisation, capable d'organiser,
construire, cultiver sous la conduite d'un chef nommé
Cordèle. Ils bâtirent une ville, la capitale qui reçut le nom
du chef. La tradition situe Cordèle aux environs de l'an-
cienne église de Saint-Martin-de-Corléans (Cordeleanus -
Corleanus - Corléans ).
Les Salasses appelés par les Romains «pastores in-
domiti » pratiquaient la religion des celtes d'occident, leur
vie sociale était organisée, ils exploitaient les mines d'or
et d'argent abondantes en Val d'Aoste, usaient les monnaies
frappées dans leur cité. Certes, notre documentation est
bien pauvre pour tirer de telles certitudes de quelques
hypothèses émises, contradictoirement d'ailleurs, par cer--
tains historiens. Cependant, comme dit un illustre écrivain
suisse-, il vaut mieux «qu'à défaut de la certitude nous pre-
nions la probabilité pour règle de nos jugements. On par-
vient encore mieux au but à l'aide d'une faible clarté, que
si l'on restait dans les ténèbres».
Vinrent les Romains. Intéressés par la position straté-
gique du pays commandant deux cols importants vers les
Gaules, ils se mettent à nourrir de louches projets. La ri-
chesse du sous -sol est attirante. Et la menace plane sur la
petite ·vallée. Mais elle est défendue par ses montagnes
autant que par le courage et la force de ses habitants et cela
donne à réfléchir aux plus audacieux.
Inférieurs en nombre, mais bien appuyés sur le pays,
les Salasses infligèrent donc aux puissantes légions ro-
maines une éclatante défaite vers 1' an 141 avant J. C. Dix
22
mille soldats romains restèrent sur le champ de bataille
dit-on. Ce ne fut que vers ran 25 avant J. C. que Térence
Varron réussit à les soumettre partiellement. Une grande
route militaire fut ouverte grâce à la sueur et au sang des
esclaves. Il en reste quelques vestiges à Pont-St-Martin,
Donnas, Montjovet, Saint-Vincent, Châtillon, Arvier, Lé-
verogne, Pierre-Taillée. La cité d'Aoste dépeuplée par la
guerre fut occupée par trois mille colons romains {ubi
solitudinem faciunt pacem appellant - Tacite).
Les conquérants bâtirent une ville neuve avec ses rem-
parts et ses monuments. Le petit peuple Salasse fut asservi,
sa vieille capitale prit le nom de Augusta Praetoria {Aoste).
La paix romaine dura quatre siècles en val d'Aoste. Elle
était imposée par un peuple qui « regardait l'univers comme
sa légitime proie et l'indépendance d'autrui comme une
insulte à ses droits » {Toepffer).
Il fallut donc plus d'un siècle pour soumettre les Sa-
lasses {pastores indomiti). Ce fut ce tout petit p~uple des
Alpes qui donna le plus de fil à retordre aux légions! Pour
perpétuer le souvenir de cette importante victoire, Auguste
fit construire à l'entrée de la cité, un arc magnifique, qui est
aujourd'hui le plus remarquable que possède l'Italie, en
dehors .de Rome. Mais les vainqueurs furent eux aussi
balayés. Il ne resta des romains que leurs monuments
qui sont là comme un muet témoignage de leur défunte
grandeur.
A la chute de l'Empire, la vallée d'Aoste fut employée
comme couloir d'invasion par les barbares: \Visigoths,
Goths, Vandales, Bourguignons, Francs, Lombards et Sar-
rasins.
Ver l'an mille, la région entre dans une nouvelle pé-
riode. Les habitants dispersés par les invasions continuelles
se groupent de nouveau, le pays s'organise, un gouver-
23
nement se refrome. Partout on construit des maisons. La
cité se relève de ses ruines. Des châteaux forts se dressent
pour protéger les habitants. Les évêques deviennent comtes
d'Aoste et constituent la première autorité civile du pays.
Des maîtres tailleurs de pierre, des imagiers, travaillent à
la construction et à la décoration des églises, clochers et
cloîtres. C'est la période du style roman.
En 1032, apparaît Humbert Blanches Mains qui octroie
les premières franchises à la Vallée et confie aux Challand,
vicomtes d'Aoste, l'administration du pays en qualité de
représentants des comtes de Savoie. Le régime se per-
fectionne avec la charte des franchises valdôtaines, la féoda-
lité s'organise, lentement, la puissance des comtes de Sa-
voie affaiblit celle des évêques.
La création des Etats généraux, des Audiences géné-
rales, du Conseil des commis, de la Cour des connais-
sances, d'un Hôtel des monnaies, de la charge de Bailli
et d'une armée, donne aux valdôtains un gouvernement
autonome, qui restera célèbre dans l'histoire.
Un code civil et pénal contenant toute la législation
spéciale de la vallée est imprimé sous le nom de Coutumier
en 1588. Des traités de neutralité, signés par la gouver-
nement valdôtain avec ses voisins, éloignent les horreurs de
la guerre. Princes, évêques, baillis, gouverneurs, nobles,
citoyens éclairés se succèdent dans l'administration du
pays, donnant aux valdôtains une ère de calme et de pros-
périté.
Les invasions françaises de 1691, 1704 et des années
suivantes mettent fin à cette avantageuse situation. Le gou-
vernement autonome qui avait administré le pays avec
tant de sagesse disparaît au XVIIIe siècle. La Révolution
française abolit d'un seul coup tout le passé et transforme la
vallée d'Aoste en un arrondissement du département fran-
24
çais de la Doire. En 1848 elle prend rang de province,
puis en 1860 la cité devient une sous-préfecture de Turin,
et en 1926 elle est de nouveau déclarée chef-lieu de pro-
.
vtnce.
A partir de 1860, et plus particulièrement sous la do-
mination fasciste, le gouvernement central entreprit, tantôt
ouvertement, tantôt sournoisement, la lutte contre l'usage
de la langue française, en Vallée d'Aoste. Tentative absurde
dirigée par le zèle de fonctionnaires bornés, qui ne pouvaient
croire au patriotisme d'une population ne parlant . pas la
langue officielle. Les valdôtains, cependant, sont restés at-
tachés à leur idiome maternel et font tout leur possible pour
le conserver. C'est pourquoi, à la fin de la dernière guerre,
les valdôtains se levèrent en masse pour réclamer leurs
droits et le rétablissement de la langue française.
En 1948, l'Assemblée constituante italienne, reconnais-
sant les particularismes géographiques, économiques, lin-
guistiques et historiques du Val d'Aoste, crée la Région
Autonome V aldôtaine qui est .administrée par un Conseil
et une Junte.
Le nouveau statut régional remet en vigueur l'enseigne-
ment du français dans les écoles, il donne à la Région
un certain pouvoir législatif. La Constitution italienne pré-
voit aussi la transformation du pays en «zone franche».
Ainsi, la population valdôtaine fut la première minorité
d'Europe qui retrouva ses libertés historiques au lendemain
de la seconde guerre mondiale. Le lecteur pourra donc·
constater que l'histoire n'est, à quelques détails près, qu'un
perpétuel recommencement.
La cité d'Aoste, capitale de la petite mais fière Région
Autonome se montre brusquement au voyageur qui ar-
rive de la Suisse. Elle est placée dans un cadre équilibré,
elle rassemble autour d'elle le rayonnement aimable des
plaines et la rude domination de hautes montagnes ennei-
gées. Elle s'élève à la confluence de la Doire et du Bu thier.
Son épanouissement industriel et commercial n'a pas
étouffé le milieu historique dans lequel s'élèvent les
nombreux monuments 'de son passé. Parlant d'Aoste du
point de vue archéologique, le baron Malzen signalait que
«ses monuments de l'antiquité sont dignes des grands
souvenirs et, à l'exception de Rome et de Naples, il n'y a
aucune contrée en Italie qui renferme des monuments en si
grand nombre et dans le même état de conservation.
« Ils datent d'une époque antérieure à l'ère chrétienne
et la plupart continuent encore aujourd'hui à servir l'in-
térêt public, conditions rarement réunies. On voyage par
des rues, on traverse des ponts, on passe sous des portes
qui sont l'oeuvre des romains il y a plus de dix-neuf siècles».
Pour les amateurs d'histoire, je crois utile de citer quel-
ques jugements portés sur la cité d'Aoste, par plusieurs
" . .
ecrtvatns.
Au XIIe siècle, saint Anselme signale que «Augusta
Praetoria neque est in Gallia neque in ltalia sed intra fines
Burgundiae et Longobardiae ».
Philibert-Albert Bally, évêque d'Aoste (1659-1691)
considère la V allée d'Aoste placée « nec ultr~ nec citra
sed intra montes ».
Le duc Emmanuel Philibert déclare en 1580 que « le
pays d'Aoste est une province séparée qui ne dépend de
nos autres provinces au deçà ni au delà des monts et qui
a ses lois et ses impositions à part, même que le dit pays
entretient à ses propres frais des gardes et autres officiers ».
En 1725, l'historien De Tillier écrit que « la Vallée
d'Aoste ne doit être ni comptée, ni considérée parmi les
provinces qui con1posent le Piémont ou la Savoie, mais
plutôt comme Etat intramontain, entièrement séparé des
26
Etats voisins, indépendant pour le temporel et pour la
justice, se gouvernant par des lois, par des coutumes et
par des usages à lui particuliers ».
En lisant ces textes, les touristes seront en mesure de
comprendre plus facilement le caractère particulier du pays
et de ses habitants qui, toujours, ont su sauvegarder leurs
traditions et défendre leurs droits. L'esprit calme et ré-
fléchi des valdôtains est façonné par une histoire plus que
millénaire, une vie indépendante et rude. Malgré tous
leurs efforts, les centralisateurs italiens n'ont pu faire dispa-
raître ce particularisme. Si le touriste interroge les hommes
de la mont3:_gne, les guides, les pâtres, les ouvriers de
la campagne, il découvrira chez tous un amour profond
pour leur pays.
La V allée d'Aoste est aimée non seulement pour ses
sites, ses monuments célèbres, ses hautes montagnes, ses
stations de luxe, mais parc~ que dans un monde de plus
en plus effacé sous l'uniforme grisaille de la vie moderne,
elle a su conserver les riches couleurs de sa tradition.
La vie simple et naturelle des montagnards, s'écoule
aujourd'hui avec la même lenteur qu'autrefois, dans un
cadre à peine touché par le progrès.
Ce résumé n'a pour but que de préparer le touriste
à la lecture des pages qui vont suivre, afin qu'il puisse
mieux pénétrer l'âme de la cité d'Aoste, au cours de sa
visite.
Nous conseillons d'emprunter l'itinéraire suivant: Place
Emile Chanoux - Palais Ansermin - Porte Prétorienne -
Tour des Seigneurs de la Porte de St-Ours - Théâtre
antique - Hôtel des Monnaies - Maison de Saint-Anselme -
Arc d'Auguste - Pont Romain - Collégiale de St-Ours -
Musée archéologique - Prieuré - Cloître roman - Clocher -
Tour du Bailliage - Clocher de ste-Catherine - Amphi-
27
théâtre romain - Cathédrale - Cloître gothique - Forum -
Palais Roncas -Tour Neuve- Tour du Lépreux- Remparts
romains - Tour de Bramafam - Tour du Pailleron - Clo-
cher de St-Bénin - Hôtel de Ville - Place Emile Chanoux
- Croix de Calvin.
Cet itinéraire peut être parcouru en une seule matinée
par un touriste pressé, l'amateur lui consacrera une journée,
mais il va sans dire que l'érudit devra consacrer beaucoup
plus de temps, pour réaliser une étude fructueuse de ces
monuments.
28
DEUXIÈME PARTIE
31
<.
32
La visite de ce qui subsiste des remparts romains,
débris de colonnes, socles, statues, inscriptions qui faisaient
la grandeu r de la ville est assez mélancolique. Une grande
ruine, disait un savant, c'est une grande leçon, leçon de la
justice, du néant de l'homm e, du temps qui passe et de
l'éternité qui demeure.
Les murs d'enceinte atteignaient une hauteur d'à peu
près 6 m. 50, mesurés à l'intérieur, et une épaisseur de
1 m. 90. L'appar eil de construction employé est l'emplecton,
c'est à dire, des cailloux roulés de la Doire, noyés dans un
mortier qui, avec les siècles, a pris la dureté du granit,
le tout coulé entre deux pans de pierres taillées. L' exté-
rieur des murs était couvert de gros prismes rectangulaires
en tuf calcaire des Alpes. Malheu reusem ent ces belles
pierres de taille, ont été presque toutes emportées par les
seigneurs du Moyen Age, qui les utilisaient dans la construc-
tion de leurs maisons fortes. La partie méridionale de
l'enceinte, appartenait à la noble famille des Challand et
elle garde encore aujourd 'hui quelques pans de murs
intacts, avec leur revêtement externe qui permet au touriste
d'appré cier le travail des romains.
Ces remparts n'ont pas été complètement dénudés grâce
au Conseil des Commi s et aux interdits lancés au XVIIe
·siècle par deux régentes, les duchesses Christin e et Jeanne
Baptiste. Je crois faire une chose utile aux lecteurs avertis,
en publiant « in extenso » à la fin de ce chapitre, les édits
des deux régentes.
D'après les archéologues Promis et d'Andra de, les murs
devaient porter sur leur corniche un chemin de ronde,
d'une largeur de 1 m. 16 avec parapet de 60 centimètres
d'épaisseur et créneaux.
33
.Les murs de l'enceinte étaient renforcés intérieurement
par des éperons en pierre, éloignés de 14 à 16 mètres les
uns des autres et qui auraient permis d'élargir à leur rac-
cordement le chemin de ronde.
On entrait dans la cité par quatre portes: à l'est la Porte
Prétorienne, à l'ouest la porte Décumane, au sud, la Porte
principale de droite à côté de la tour de Bramafam, au nord,
la porte principale de gauche sur l'emplacement de l'ac-
tuelle place Roncas.
Toutes les rues de la cité romaine possédaient leur
cloaque. Ces égouts ornés de voûtes à plein cintre ont
été faussement attribués aux Salasses. Une certaine tra-
dition se trompe également en les faisant remonter aux
Sarrasins. Ces erreurs ont commencé à se répandre au
Moyen Age, elles ont été acceptées sans plus par les an-
ciens qui, à force de les transmettre par tradition orale, leur
ont conféré la consistance d'une vérité.
Vingt bastions fortifiaient les remparts: quatre tours
· aux angles de l'enceinte, deux tours flanquant chaque porte
et deux autres tours sur chaque côté. L'enceinte ne paraît
pas avoir été défendue par des fossés car il n'en reste aucune
trace. Les romains ont sans doute cherché à éviter tout
ce qui pouvait affaiblir le pied de leurs énormes murailles.
La Surintendance régionale a commencé d'importants
travaux autour de l'enceinte pour y aménager une prome-
nade archéologique.
34
' CACHET
LETTRE A
DE S. ;\. R. LA DUCHESSE CHRISTINE
AU CONSEIL DES COMMIS
DU 15 MAI 1645
35
ÉDIT DE S. A. R.
LA DUCHESSE RÉGENTE JEANNE-BA PTISTE
DU 20 AVRIL 1679
36
1 '
37
TOUR DU PAILLERON
39
La cour d'armes qui servait au stationnement des troupes,
est la plus vaste de toutes les portes romaines connues.
Elle mesure 11 m. 87 sur 19 m. 80 avec une superficie de
235 m 2 • Elle a retenu l'attention des érudits. Le fameux
archéologue Promis, affirme qu'elle était destinée aux troupes
de réserve, chargées d'en assurer la défense. Elle était
conçue de telle sorte, qu'un ennemi réussissant à y péné-
trer, se serait trouvé écrasé sous les projectiles lancés de la
galerie supérieure.
40
les chars. Les voûtes latérales prévues pour les piétons
atteignent 2 m. 64 de largeur. Une magnifique frise en
marbre blanc, surmontée d'une corniche à consoles sculptées,
ornait la façade extérieure; le reste du monument étant
recouvert d'un marbre gris-verdâtre nommé bardiglio
d'Aymavilles. Avec une rare maîtrise de son art, l'architecte
ne laissa pas aux sculpteurs la liberté de surcharger le monu-
ment dont il a sauvé l'élan des lignes principales. Cette partie
des portes fut malheureusement dégradée par le temps.
Elles portent d'affreuses cicatrices. Une niche existait de
chaque côté de l'arche centrale. Les archéologues pensent
qu'elle devait contenir une statue de l'Empereur ou quelque
trophée d'armes.
Pour fixer le mieux possible la beauté de ce monument
dans l'esprit de mon lecteur, je cite la description qu'en a
donné l'archéologue Promis : « fra i migliori monumenti
della romana architettura militare va senza dubbio la porta
pretoria di Aosta, la quale fatta di getto, in spazio libero,
ai tempi della maggiore potenza romana, vinse ogni altra
per bontà di combinazione e di struttura, per mole e per
carattere. Le porte erano dagli antichi tenute in gran
conto, perchè congiungenti la civile con la militare archi-
tettura, dotate di carattere
distinto e specialissimo, ed
apprezzate a segno, che moite
furono dai romani perpetuate
in medaglie». Force des propor-
tions, science des combinaisons,
majesté de l'ensemble 1
THÉÂTRE ROMAIN
44
, ,
MUSEE ARCHEOLOGIQUE
45
. Dans son nouveau local au palais Roncas, ce musée
prendr~ une importance particulière pour les amateurs
d'archéologie.
46
PONT ROMAIN
48
'"
AMPHITHEATRE ROMAIN
.- - ....~- !:::» •
vent. L'affiche annonçant le spectacle portait en effet ces
mots « Il y aura des toiles si le vent le permet ».
Dans son livre « I.,es antiquités d'Aoste» le savant
Promis estime que l'Amphithéâtre d'Augusta Praetoria
pouvait contenir d'après ses dimensions et ses nombreux
gradins, environ vingt mille spectateurs. Les normes des ro-
mains prévoyaient qu'un théâtre devait admettre le tiers
· des habitants de la ville. Aoste aurait donc compté quelques
soixante mille habitants. Ce chiffre nous paraît bien exa-
géré. En réalité le monument devait être calculé pour
accueillir également les nombreuses troupes allant ou reve-
nant des Gaules.
Des soixante arcades de 2 m. 24 d'ouverture qui soute-
naient le mur d'enceinte, nous ne possédons plus que 8.
L'amphithéâtre était orné de colonnes en marbre gris
d'Aymavilles. Une demi-colonne seulement est restée de-
bout. Leur fût n'était pas monolithique et, chose remar-
quable, les divers tambours n'étaient pas posés à inter-
valles réguliers.
« Cette irrégularité- selon l'historien Aubert- ne peut
s'expliquer que par l'impossibilité de trouver dans le pays
des marbres suffisants, pour tailler le fût des colonnes d'un
seul morceau et par le désir de
profiter cependant de toute la lon-
gueur des blocs tirés des carrières» .
L'amphithéâtre est l'unique
monument romain de la ville où
l'on n'a jamais entrepris de fouil-
les d'une certaine ampleur. Sou-
haitons que la Surintendance, vu
l'importance de cette construction,
réalise les travaux de recherche qui
s'imposent.
FORUM ROMAIN
~
aa
?c::
52
ARC D'AUGUSTE
55
s'y. trouvait depuis les temps les plus reculés. Le crucifix
actuel date vraisemblablement de l'expulsion de Calvin de
la Cité d'Aoste.
Au XVIe siècle d'aucuns voulaient, en élargissant une
des niches, placer une chapelle sous la voûte comme il
avait été fait pour les Portes Prétoriennes, les monuments
romains représentant des témoignages païens qui devaient
être christianisés. Il ne paraît pas que cette chapelle ait
jamais été bâtie.
D'après un document du quatre Octobre 1506, le Duc
Charles III fit cadeau de l'Arc d'Auguste au Prieur Georges
de Challand qui désirait le restaurer. La mort du mécène,
en 1509, interrompit ce travail.
Le premier toit d'ardoise qui coiffa le monument date
de 1716. Dans sa réunion du 27 Avril1716, le Conseil des
Commis avait donné pouvoir au seigneur Passerin d'En-
trèves, de réparer l'Arc d'Auguste en faisant retirer les cha-
piteaux démolis et recouvrir le fronton de grosses ardoises.
Ces réparations ont préservé le monument d'une ruine
totale.
« Si le vieil arc pouvait nous raconter toutes les vicissi-
tudes dont il a été le témoin - a dit le Professeur Frutaz -
il nous en redirait de vieilles histoires. Il a vu défiler les
grands apôtres des Gaules, saint Martin, saint Remi, saint
Hilaire, saint Léger, saint Léon IX, en 1049, Eugène III
en 1148, Charlemagne, de retour d'Italie, en 774, Rodolphe II
en 923, Barberousse en 1175, Béranger II et les premiers
Aléram, les invasions barbares, Sarrasins, Bourguignons,
Francs et Lombards, les comtes de Savoie, les armées
françaises, espagnoles, germaniques et Bonaparte le 20
Mai 1800; souverains, guerriers, princes, évêques, baillis, ,
56
gouverneurs, nobles et châtelains, troubadours, pèlerins,
paysans de la campagne, jeunes épouses villageoises, tout
le monde a salué le vénérable Saint V oult ».
En 1804 on devait placer de grands trophées sur l'arc
en l'honneur de Napoléon. Ces «embellissements» fu-
rent évités par miracle.
En 1912, l'ancienne toiture trop lourde et vétuste, fut
entièrement refaite par le sénateur Ernest Schiapparelli
et le monument r~touché dans ses parties abîmées. Cette
réfection savante permet aujourd'hui aux touristes, d'admirer
1' arc dans un bon état de conservation.
Des poètes, des écrivains, des artistes peintres ont été
séduits par ce monument grandiose. Ils ont exprimé et
expriment encore, chacun selon son inspiration, les senti-
ments qu'il fait naître chez ceux qui le contemplent. On
y lisait autrefois cette inscription gravée sur une plaque de
marbre:
57
TROISIÈME PARTIE
61
.Entre ces deux anciennes maisons, construites sur des
fondations romaines, passait une petite rue qui, de la région
de 1' Archet à travers les ·vergers, allait aboutir au théâtre
antique. Une partie de cette rue a été supprimée par la
construction de l'actuel palais Ansermin, vers l'an 1700.
La grande porte d'entrée et le long corridor correspondent
à l'ancienne rue qui passait au milieu des deux maisons.
Les touristes peuvent aujourd'hui encore observer sur la
façade du palais, les restes de fenêtres en pierre croisillon-
nées, des constructions précédentes.
Les seigneurs de Challand, furent les premiers qui
cherchèrent à unir les deux anciennes maisons, en construi-
sant un hôtel unique; mais seulement plus tard les nobles
Pallavesin de La Crête, barons de Gignod, réussirent à
terminer la construction.
Le marquis Pallavicini qui avait épousé une héritière
des seigneurs de La Crête, prit le nom et les armoiries de la .
noble famille de La Crête baron
de Gignod, ainsi que l'avait ordonné
le noble Jean François par son te-
stament. Les armoiries des marquis
Pallavesin La Crête, baron de Gi-
gnod, portaient : cinq points de gu eu-
les équipollés à quatre d'argent,
au chef d'or chargé d'une aigle aux
ailes éployées à deux têtes de sable
becquée, membrée et couronnée de
gueules.
Le Palais fut aussi la noble de-
meure des barons de Nus. Plus
tard, en 1802, il devint propriété de
Mr Augustin Ansermin. La muni-
cipalité d'Aoste occupa une partie de
cette construction pendant qu'on bâtissait l'Hôtel de Ville.
Cette vieille bâtisse dont le toit a été complètement
détruit en 1927 par un immense incendie, a partiellement
sauvegardé sa personnalité au cours des siècles dans plu-
sieurs détails intéressants. L'escalier, de grand caractère,
avec ses quatre piliers qui jadis soutenaient quatre magni-
fiques statues et la balustrade baroque en fer forgé, sont
remarquables.
Le plafond de l'escalier était en bois à caissons, plus
tard il a été détruit et remplacé par une vilaine voûte en
brique. Il n'y a pas longtemps les touristes pouvaient encore
voir le salon des meubles, la grande salle d'hiver et la
magnifique salle du trône où les seigneurs valdôtains ren-
daient la justice, en jetant dans la balance, leur poids de bons
sens et d'équité.
Jusqu'en 1932, on pouvait encore admirer une cheminée
péters bourgeoise en faïence bleue et blanche.
Aux injures du temps, s'ajoutent aujourd'hui, les dépré-
dations des onze propriétaires qui logent dans 1'hôtel et
continuent à chang~r et à modifier les locaux. Il est à sou-
haiter que la Surintendance des Beaux-Arts, ~renne les
mesures nécessaires pour sauver cet édifice, qui est un
véritable monument national.
63
TOUR DE LA PORTE DE SAINT-OURS
65
HÔTEL DES MONNAIES
67
MAISON DE SAINT -ANSELME
68
Après avoir appartenu vers l'an 1000 aux parents de
saint Anselme, puis à ses- p-roches en ligne collatérale,
seigneurs également de la Tour de Gres san, la maison
abrita des personnages de distinction, tels que le vice-bailli
Favre, le baron Pierre Philibert Roncas, le comte Jean
François de Valpergue, l'avocat Grivon, syndic d'Aoste
en 1778, l'avocat Carrel de Châtillon et le chevalier Michel
Joseph Tercinod, directeur du Domaine en 1843.
Cette demeure, qui changea si souvent de propriétaire
au cours des siècles, a cependant toujours gardé le souvenir
de l'illustre docteur de l'Eglise, et une chambre du premier
étage n'a jamais cessé d'être nommée, «la chambre de
Saint-Anselme».
«La mémoire de l'illustre compatriote - dit Mon-
seigneur Duc - a surnagé sur le fleuve des âges et sur les
ruines des institutions humaines et a embaumé cette maison
d'un parfum de douceur forte et pénétrante, qui ne saurait
s'évanouir ».
En 1900, sur la façade, a été scellée une grande plaque
en marbre portant l'inscription suivante:
« Ici vit le jour en 1033 saint Anselme, archevêque de
Cantorbéry, primat d'Angleterre, docteur
de l'Eglise, métaphysicien et théologien
profond. Le plus grand génie de son siècle.
Dans sa doctrine, dans ses oeuvres, il sut
admirablement allier aux splendeurs de la
foi, le culte de la raison. Il combattit l'erreur
avec l'éloquence du philosophe et l'ardeur
des Apôtres. Il lutta contre les grands de
la terre avec une énergie indomptable pour
le droit, la justice, la lib_erté. Valdôtains
saluez, vénérez la plus haute illustration
du Pays. La Ville d'Aoste. 1900 ».
Cette inscription, comme toutes les inscriptions en langue
française, a été arrachée par les administrateurs fascistes,
qui, par leur uniformisation, prétendaient sacrifier toutes les
particularités locales, au nom de l'unité.
Mais le peuple valdôtain, qui avait très bien compris
que l'unité, n'était certainement pas la plate monotonie à
laquelle on l'avait réduit, se dressa contre ces mauvais con-
seillers et, en 1945, remit en place toutes les inscriptions
en langue française, « patriotiquement » arrachées .et dé-
truites par les fascistes.
Il n'y a rien de plus dégradant pour un citoyen, que
de renoncer à sa propre langue et à ses libertés.
70
CLOCHER DE SAINT -OURS
72
valeur les sommets des montagnes voisines, les fenêtres du
clocher ouvrent des perspectives contrastées, qui vont de
ces hautes cimes irradiant la lumière, à la cité d'Aoste déjà
entrée dans la nuit. ·
Des granges et des chalets, s'étagent sur la montagne
proche, à travers les prés riches en couleurs et les forêts
découpées par les lacets de la route de Pilaz, qui se super-
posent et forment balcon au-dessus de la cité.
Cette route où chaque tournant transforme le rythme
du paysage, touche le grand hôtel de Péroulaz au nom
poétique de «Jolie Bergère», passe au village « Les Fleurs »
et arrive aux alpages carillonnants du plateau de Pilaz,
vrai belvédère et refuge de la reine Marie-José, qui venait
y chercher le calme primitif et la solitude contemplative.
La route se termine au pied d'un télésiège moderne, qui
transporte les touristes jusqu'au lac de Chamolé, par~i de
hauts mélèzes et des sapins, autour desquels tourbillonne
et chante le vent. Les eaux de ce lac, transparentes et cal-
mes, dorment à 2320 m. d'altitude et transfigurent le pay-
sage. Sur ce point culminant, les touristes trouvent un calme
grandiose qui leur permet de jouir d'un panorama qui va
du Mont-Blanc au Mont-Rose et livre les plus prestigieux
des sommets des Alpes.
Plus loin et plus . haut, les conifères cèdent la place aux
arbustes, aux rochers buissonneux et à l'empire des ro-
cailles, des vents et des névés, dans une heureuse alliance de
verdures, de plantes, de pierres et d'eaux, qui forme un
des plus grands charmes du bassin d'Aoste.
C'est une vaste et admirable zone, véritable toile de fond
à la cité d'Aoste et que je conseille de visiter. On sera dé-
dommagé amplement de la longue route et de ses innom-
brables lacets, à travers lesquels de superbes échappées
réserveront des émotions esthétiques, qui ménageront, plus
tard, des souvenrrs d'une rare qualité.
73
COLLÉGIALE _D E SAINT-OURS
75
sculpteurs et architectes, donnent à l'église son style définitif.
Les arcs et les nervures décorés de peintures gothiques 'J
77
Considérant les styles divers que le touriste note dans
la Collégiale et qu'il continuera de noter en contemplant
d'autres monuments, je crois utile de résumer par un ta-
bleau, la classification déterminée par les archéologues. Elle
permet de déterminer la chronologie du style dans un
monument ancien et de suivre ainsi la marche naturelle
de l'art.
Style latin du ve au xe siècle, roman du XIe au XIIe
siècle, ogival à lancette au ~Ille siècle, ogival rayonnant au
XIVe siècle, ogival flamboyant au XVe siècle, renaissance
au XV.Ie siècle, baroque au XVIIe siècle, néo-classique-
empire au XVIIIe et XIXe siècle, moderne au XXe siècle.
A l'occasion du vernissage d'une exposition d'avant-
garde à Genève, un célèbre écrivan français prononça les
paroles suivantes: «Ne critiquez pas, ne jugez pas rapi-
dement ces oeuvres dont les formes peuvent choquer vos
sens. Les Arts, que ce soit la Peinture, la Sculpture, l'Ar-
chitecture ou la Musique, sont en pleine évolution. Sou-
tenez ·et encouragez les jeunes artistes et seule la postérité
pourra JUger».
Les touristes ne devront pas oublier qu'en Vallée d'Aoste,
comme dans tous les pays de montagne éloignés des grands
centres, l'évolution des styles telle que l'ont fixée les archéo-
logues dans ce tableau, est singulièrement en retard sur les
autres régions d'Italie et de France.
Il sera bon de tenir compte du fait que, nulle part un
style ne s'achève brutalement, cependant que l'autre com-
mence à s'affirmer. L'agonie de Vun se prolonge aux côtés
de l'enfance de l'autre selon un savant archéologue français,
parce que «dans les oeuvres de l'homme, ainsi que dans
les oeuvres de la nature, les choses, surtout les grandes
choses, sont soumises aux lois de la lente progression et
de la lente décadence ».
78
STALLES DE SAINT-OURS
80
CLOÎTRE DE SAINT -OURS
81
La sculpture romane du XIIe siècle, apparaît à son plus
haut point de perfection, dans le cloître de Saint-Ours.
Elle dénote une imagination perpétuellement créatrice de
formes, qui n'est pas encore arrivée aux imitations et fabri-
cations en série, des XIIIe et XIVe siècles.
Du cloître primitif ne subsistent que les colonnes, les
chapiteaux et les piliers en marbre blanc, noircis artifi-
ciellement, au moyen d'une peinture extrêmement résistante.
· On petit supposer que la couleur noire fut choisie pour
symboliser la pénitence, le renoncement, la mortificatîon
de la chair, vertus qui toutes se pratiquent par excellence,
dans la paix et le silence du cloître. L'enduit noir a été
aussi étendu sur la surface des colonnes, afin de les protéger,
de les rendre imperméables en évitant ainsi l'éclatement
causé par le gel.
Les archéologues supposent qu'une partie de ces co-
lonnes, de ces piliers, provient des vestiges des principaux
monuments romains de la cité d'Aoste. Deux piliers d'angle
en marbre d' Aymavilles, accusent un caractère carolingien.
Les voûtes .et les arcs actuels, furent construits à la fin du
xve siècle, par Georges de Challand. La partie située au
levant du cloître et destinée dès le XVIe siècle à servir de
dortoir et de réfectoire, fut ouverte au public au XVIIIe
siècle. A cette occasion plusieurs chapiteaux ont été abîmés.
Ils furent remplacés par trois autres d'une époque posté-
rieure, pour soutenir les quatre arcades actuelles.
Trois chapiteaux du cloître de Saint-Ours se trouvent
à Turin au Musée civique. Le premier n'a qu'une valeur
décorative, le · second nous montre Adam et Eve tentés
par le serpent ; le troisième représente un ange annonçant la
naissance du Sauveur.
Aucune indication ne permet de connaître les noms des
bâtisseurs de ce cloître.
82
En ces temps où les monastères détenaient la culture
avec la foi, deux conditions étaient imposées aux artistes :
l'humilité et l'esprit de pauvreté. La plupart, donc, ne
signaient pas leurs oeuvres. Ils ne travaillaient que par
amour de l'art, pour la gloire de Dieu et le salut de leur
âme. Tout s'accomplissait selon l'expression d'un écrivain
de l'époque «dans l'Eglise, par l'Eglise et pour l'Eglise».
Pendant le haut Moyen Age, les sculpteurs se sont dé-
tournés des modèles romains qu'ils pouvaient avoir très
facilement sous les yeux, pour arriver à des formes sculptu-
rales nouvelles, exprimées avec un minimum de moyens
étonnant.
On ne peut qu'éprouver une grande émotion devant ces
chapiteaux, qui révèlent ce que fut la sculpture romane,
pendant cette période privilégiée.
L'architecte Ceradini, directeur de l'Académie Alber-
tine des Beaux-Arts, nous a laissé une description du
cloître, qui mérite d'être connue, dans ses passages les plus
intéressants :
« Les visiteurs pourront entendre et comprendre la
voix très faible sans doute,
mais sereine et continue qui
s'élève de ces pierres scul-
ptées dont chacune raconte
une histoire, une légende,
une pensée gracieuse de
l'auteur qui, de temps en
temps, fatigué après avoir
longtemps gravé ces histoires
sacrées, se repose un instant
en enrichissant ses compo-
sitions d'ornements gracieux
et singulièrement curieux».
En se plaçant au milieu du préau, de façon à avoir en
face les quatre grands arcs, le visiteur découvrira dans
l'angle gauche un grand chapiteau d' Aymavilles, sur lequel
il observera quatre monstres. Il devra commencer son
examen par ce chapiteau, dit no 1. Il continuera par la
suite la numération ;de gauche à droite:
1. - Chapiteau en marbre d'Aymavilles, orné de
quatre n1onstres.
2-3-4. - Chapiteaux d'une époque postérieure.
5. - Chapiteau décoratif.
6. - Chapiteau décoratif orné de l'inscription suivante:
in hoc claustro regularis vita incepta est anno ab incarna-
tione Domini MCXXXIII (La vie régulière a commencé
dans ce cloître, l'an de l'incarnation du Seigneur 1133).
C'est en effet cette année-là que sur l'initiative du prieur
Arnuphe des seigneurs d'Avise, et par bulle du pape
Innocent II, fut introduite la règle de Saint Augustin
parmi les chanoines de Saint-Ours.
7. - Saint Pierre apôtre. Arnuphe, devenu prieur de
Saint-Ours, s'incline devant l'évêque saint Augustin et
introduit sa règle dans la Collégiale. Sur l'autre face, on
voit Aribert (soit Herbert) qui
occupait le siège épiscopal en
1133.
8. - Le Sauveur, Marie-
Madeleine et sa soeur Marthe,
saint Barthélemy et saint
Jacques.
9. - Saint André et saint
Simon. Jésus opère le miracle
de la résurrection de Lazare,
en disant: "Lazare veni foras de sepulcro ".
10. - Vie et miracles de saint Ours, fondateur et
patron de la Collégiale. L'inscription: Sanctus - Ursus -
Fons - Ecclesia - fait allusion au miracle de la fontaine,
et le saint se présente en train de frapper la roche avec son
bâton et d'en faire jaillir l'eau. Observer sur la fontaine
la chapelle votive érigée sur le lieu où se produisit le miracle.
L'inscription: - Armiger episcopi errans cum palafredo -
fait allusion au palefrenier de l'évêque arien qui, aveuglé par
le Seigneur, cherchait vainement le cheval qu'il montait
et fut, par ce moyen, converti par saint Ours. Le saint
apparaît, l'évangile en main, exhortant l'homme d'armes.
En faisant le tour du chapiteau, toujours de gauche à droite,
on lit: - .Sanctus Ursus rogans pro armigero Episcopum
Ploceanum. Cette inscription se rapporte au même servi-
teur qui, converti par saint Ours et persécuté par Plocéan,
cherche un refuge dans la petite église de St-Pierre érigée
sur l'emplacement de l'actuelle Collégiale. Il jouissait dans
cette église du droit d'asile. Le saint se rendit alors auprès
de l'évêque arien Plocéan et en obtint promesse que le
serviteur pourrait quitter sa retraite sans être inquiété.
A peine était-il sorti que l'évêque le fait arrêter et
tellement maltraiter par ses gens, qu'il s'en faut de peu qu'il
ne meure sous les coups. Ces deux scènes sont représen-
tées sur le chapiteau. On voit d'abord saint Ours en pré-
sence de l'évêque, puis le serviteur au milieu des archers
qui le flagellent. Bouleversé par cette trahison, le saint
prédit la mort imminente dé l'évêque, du serviteur ainsi
que sa propre mort. Dans la scène suivante, Plocéan est
étranglé dans son lit par les démons, tandis que les corbeaux
se préparent à se jeter, sur son cadavre. Gravé en exergue:
Hic episcopus iugulatur diaboli corvi. Au-dessus, contour-
nant le chapiteau sur deux lignes, cette inscription renferme
85
toute la morale de l'histoire: " Ecce Domini sacramentum -
quia fallt?re non timuisti, demoniis es preda, miser, quia
sic meruisti - presulis exemplo ·subeant nigra tartara
lusi qui nos impugnant, ceca formidine fusi ", voilà le
jugement de Dieu; parce que tu n'as pas craint de tromper,
voici que tu es devenu malheureux, la proie des démons,
tu t'es mérité ce châtiment; subissent ainsi, à l'exemple
de ce prélat, les supplices de l'enfer, entraînés par une
terreur· aveugle, ceux qui poussés par une folle illusion,
se dressent contre nous.
Sur chacun des quatre côtés des cinq chapiteaux sui-
vants qui, sont parmi les plus originaux du cloître, se dé-
tache une demi-figure de personnage biblique, tenant en
main une sentence écrite sur bande. Voici quels sont ces
personnages :
11. - Balaam, Elie, Moïse, Nathan.
12. - Amos, Joël, Abdias, Osée.
13. - Nahum, Habacuc, Jonas, Michée.
14. - Ezéchiel, Daniel, Isaïe, Jérémie.
15. - Zacharie, Sophonie, Malachie, Aggée.
16. - Quatre personnages assis saisissent les branches
d'un arbre. Deux saisissent un rameau à un seul bourgeon,
les autres un rameau à deux bourgeons. Ils pourraient donc
peut-être représenter les deux chapitres de la Cathédrale
et de Saint-Ours, dont le premier jouissait des deux tiers
de la rente, le second n'en possédant qu'un tiers, bien
que ces personnages ne possèdent pas le costume ecclé-
siastique.
17. - Chapiteau décoratif orné de quatre têtes d'ani-
maux. Inscription sur la bande supérieure: " Marmoribus
variis hec est distincta decenter fabrica, nec minus est dispo-
86
sita convenienter ". Cette phrase d'ailleurs assez savoureuse
signifie: Cet édifice est remarquable par la variété de ses
marbres et ne se prête pas moins convenablement à l'usage
auquel il est destiné.
18. Chapiteau orné de quatre aigles.
19. - Chapiteau décoratif en marbre d'Aymavilles.
20. - Joseph, Siméon, Juda et Ruben, fils de Jacob,
puts quatre autres frères sur le chapiteau antérieur.
21. - Lia et Rachel - Lutte de Jacob.
22. - Trois autres fils de Jacob avec leur soeur Dina.
Sur le chapiteau postérieur figurent Lia, première épouse de
Jacob, puis Laban découvrant Rachel qui tient des idoles
cachées sous ses habits. L'autre personnage entre deux
arbres est impossible à identifier.
23. - Réconciliation d'Esaü et de Jacob en présence
de Lia, Rachel, des fils et des servantes. Sur l'autre face:
la famille d'Esaü et de Jacob avec la troupe des chameaux
et les brebis.
24. - Sur le chapiteau antérieur figurent des animaux.
Sur le chapiteau postérieur on observera aussi des animaux,
puis Lia et la rencontre de Jacob et de Rachel, au puits
d'Haran.
25. - Le songe de Jacob.
Jacob couché avec une pierre
sous la tête. Rébecca et un
personnage inconnu qui tient un
lis dans sa main.
26. - Rébecca mettant au
monde Esaü et Jacob. Sur le
chapiteau postérieur : Esaü à la
chasse- et Rébecca portant un plat de ch.evreau rôti, au
moment où elle obtient d'Isaac au profit de Jacob, la
bénédiction paternelle qui était destinée à Esaü.
27-28-29. - Chapiteaux décoratifs.
30. - Le renard offre un festin à la cigogne. Il sert le
repas dans des plats très évasés. Gênée par son long bec
la cigogne reste à jeun. Elle invite à son tour le renard pour
se venger et sert les mets dans des vases à col étroit, où
l'invité ne peut introduire son museau.
31. - Chapiteau décoratif orné de quatre harpies. ·
32. - Chapiteau décoratif orné de têtes d'animaux.
33. - Le serviteur d'Abraham Eliézer rencontre au
puits d'Haran Rébecca qui est choisie pour devenir l'épouse
d'Isaac.
34. - La patience de Job est synthétisée par les trois
phases de sa terrible épreuve. Sur un des côtés il apparaît
vêtu. Sur un autre il est à demi-nu. Sur le troisième il est
complètement nu. Riche, pauvre, et enfin misérable, cou-
vert de lèpre.
35. Chapiteau décoratif.
36. - Un ange avertit Joseph endormi et lui ordonne
de fuir en Egypte. Joseph s'enfuit portant un bissac sur
un bâton, conduisant par le licou l'âne, qui porte Marie
tenant l'Enfant Jésus dans ses bras.
37. · - Les trois rois mages en voyage pour aller visiter
l'Enfant Jésus. Sur la face antérieure: Hérode assis sur son
trône.
38. - Naissance de Jésus dans l'étable de Bethléem,
son enfance, Jésus soigné par sa mère - Joseph pensif.
88
39. - Un ange annonce à Marie sa maternité pro-
chaine. Marie est sur son trône, descendante de la race
·royale de David, elle ceint la couronne. A ses côtés, Joseph
avec son bâton fleuri. L'autre personnage couronné qui
tient à la main un instrument de musique, est peut-être
David, le Roi musicien, ancêtre de la famille de Marie et
Joseph.
40. - Azarias et ses compagnons jetés dans une four-
naise ardente par Nabuchodonosor et délivrés par un
ange.
89
,
PRIEURE DE SAINT -OURS
91
TOUR :D U BAILLIAGE
94
CLOCHE R DE SAINTE- CATHER INE
96
,
CATHEDRALE D'AOSTE
97
supérieure de l'église, sauf, naturellement, lorsque celle-ci
a été complètement reconstruite par la suite. Nous signa-
lons aussi au touriste que l'ébrasement des fenêtres n'est
devenu systématique qu'à l'époque romane.
La construction de la cathédrale fut longue et laborieuse.
De nombreux siècles sont inscrits dans ses styles divers.
L'isolement des deux clochers souligne leur élan. Ils ont
été cependant çonstruits, à deux époques différentes. Celui
du midi, moiré par les pluies et le soleil, fut reconstruit
98
n'offre plus rien de caractéristique. Les cinq statues furent
placées en 1848. L'aspect de cette façade, donne la me-
sure de l'absurdité et de la laideur, qui marquaient cette
époque, au point de vue artistique.
La profusion de détails, revêtements en stucs et plâtre,
et les décorations capricieuses, ont presque fait oublier l3:
véritable architecture. Lorsque l'art se trouve impuissant
à perfectionner un système dans ses grandes lignes, il
multiplie maladroitement le luxe des détails. C'est exac-
tement le cas de cet~e façade, où la décoration détruit l'har-
monie de l'ensemble.
Au xve siècle, en même temps qu'il bâtissait le prieuré
de Saint-Ours, Georges de Challand construisait les voûtes
ogivales de la nef centrale, à la place du vieux plafond de
bois. Il fit d'autres travaux d'allongement qui durèrent
un peu plus de trente ans ( 1493-1526), portant l'édifice
couvert d'ardoises, aux dimensions qu'il possède aujour-
d'hui. Enfin il refondit une bonne partie de 1' église, dans
son style définitif.
Les arcs de la voûte ogivale, portent les armoiries de
la maison de Challand « d'argent, au chef de gueules à
la bande de sable brochant sur le tout». Cependant, la
décoration des arcs, leur évidement et leur courbure, quoique
soigneusement calculés, n'ont pas la finesse et l'élégance
des arcs de voûte de la collégiale de Saint-Ours.
L'église est orientée vers l'est, selon les prescriptions
des constitutions apostoliques et semblable à un vaisseau
( oedes oblonga navi similis). L'enceinte principale a aussi
cette for~e de navire qui renferme un sens mystique, car,
selon monseigneur Duc, «elle exprime que dans le vaisseau
de l'Egiise on est à travers les tempêtes du monde, conduit
au port de sûreté ».
Le maître-autel du choeur en style baroque, a été re-
99
..
construit en 1758 par des artistes de Florence. Il frappe
l'oeil par sa sévérité et la splendeur des matériaux. Il est
en marbre noir et, en partie, en marbre coloré. Il porte
les armoiries du chapitre: d'azur à quatre fleurs de lys
d'argent, posées une deux et une. Les comtes et ducs
de Savoie prêtèrent serment plus de quarante fois, sur le
maître-autel de la cathédrale, pour la conservation des
franchises et libertés valdôtaines, à l'occasion des Audiences
générales.
100
Une sacristie recèle deux médaillons du XIIIe siècle
qui ont quarante deux centimètres de diamètre.
Un crucifix haut de deux mètres est suspendu à la
voûte de la nef centrale. Il porte sur son bois patiné par
les siècles, un Christ évocateur de toutes les souffrances
~
1
101
ouvert, mais, à mon avis c'est Pierre Toesca qui s'àpproche
le plus de la vérité, car la représentation des mois de l'année
et des travaux liés aux saisons, est un motif caractéristique de
l'époque romane. On le retrouve en Italie dans les dômes de
Crémone, Ferrare, Lucques, Venise et au baptistère de Parme.
L'art de la mosaïque se continue à travers l'époque romane
et c'est seulement dans les petites églises, qu'il fut remplacé
par la peinture murale, à cause de son prix élevé.
••
102
deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate, assis sur des rochers
et tenant des urnes d'où coule une eau abondante. C'est
toute une faune fantaisiste qui, rapportée d'Orient au temps
des croisades, fut transformée par la fantaisie des imagiers
et des enlumineurs de missels.
Si l'on en juge . par la bordure incomplète, ce mélange
encyclopédique de réminiscences païennes et de mythes
chrétiens, paraît être un fragment d'une composition plus
vaste. Selon l'historien Frutaz, elle serait l'oeuvre de quelque
mosaïste du nord de la France. Elle offre un vaste champ
de discussions aux amateurs de symbolisme. Ici l'image
couvre le verbe, les groupes de phrases, qu'il est bien diffi-
cile de lire et d'interpréter. Pour bien saisir la signification
de cette mosaïque, il faudrait non seulement connaître les
textes, les secrets des symbolistes et des saints, mais encore
discerner le sens souvent douteux du système des contraires,
des lois des oppositions, règles des contrastes autorisés par
la symbolique.
D'après ces principes, les bêtes, les couleurs et les
fleurs, représenteraient tantôt des qualités, tantôt des vices
opposés. Dans la science hiéroglyphique on trouve presque
toujours les deux significations opposées, mais les pierreries
expriment des qualités et jamais des vices!
Je laisse à la plume de M. Edouard Aubert, le soin
de décrire dans le détail la splendide mosaïque inférieure,
placée entre les deux rangées de stalles. L'analogie du
style avec celle de Saint-Marc de Venise, est frappante.
Elle est en bon état de conservation et mesure 4 m. 72 -
4 m. 84 sur 6 m. 17 - 6 m. 28.
«Elle se compose de plusieurs cercles concentriques
formant un grand médaillon, compris dans un quadrilatère
qui· lui sert de cadre.
Au centre, 1' année est représentée par un personnage
103
1~
imberbe; assis sur un trône, la tête entourée d'un nimbe
rouge; il est vêtu d'une robe blanche, recouverte d'ùne
tunique brune et serrée à la taille, par une ceinture multi-
colore ; sur ses épaules flotte un manteau bleu ; ses pieds
sont chaussés. De la main droite il tient le soleil, de la
main gauche la lune; le premier est rouge et la seconde
gris foncé, pour indiquer le jour et la nuit, la lumière
ardente et directe du soleil, la lumière pâle réfléchie de
la lune.
104
ou les occupations auxquelles on se livre pendant les mois
qu'elle personnifie.
Les travaux de l'année se trouvent reproduits par la
sculpture ou par la peinture des vitraux dans plusieurs
monuments religieux du Moyen Age. Je commence la
description par le mois de Janvier:
Janus, personnage à double figure, ferme une tour, image
de l'année solaire écoulée, et ouvre la porte d'une autre
tour, emblème de l'année nouvelle - Februarius est un
homme encapuchonné, qui réchauffe ses membres en-
gourdis devant un foyer ardent - Martius taille un arbre
- Aprilis tient des :fleurs nouvellement écloses et un pa-
nier ou un nid dans lequel on voit des ~iseaux - Maius
est sur un cheval au galop; c'est l'emblème de la chasse
à courre - J unius fauche les prairies - Julius coupe les
blés- Augustus bat la moisson avec un fléau - September,
dans une cuve, foule le raisin de la vendange - October
ensemence les guérets - November plie sous le poids
d'une charge de bois préparée pour l'hiver - December
se dispose à tuer un porc.
Aux quatre coins du quadrilatère, et touchant immédia-
tement au grand cercle extérieur du médaillon central, on
voit les quatre fleuves du paradis terrestre ; les noms de
deux d'entre eux, FIZION, GION, sont encore très-dis-
tinctement lisibles.
Ensuite, il y ~ une large bordure couverte d'ornements
dans lesquels on retrouve des réminiscences de 1'art antique ».
Le choeur de la cathédrale, veille sur le dernier som-
meil d'un remarquable personnage étranger. Le tombe~u
de J'homas II, comte de Flandre, mort à Aoste le 7 Fé-
vrier 1259, se dresse à côté du maître-autel. Il est tout de
marbre blanc. L'archéologue Ferdinand de Lasteyrie le
décrit en ces termes : « son costume, qui vaut bien la peine
105
qu'on le décrive, se compose d'un vêtement de mailles com-
plet recouvert d'un surcot ou cotte d'armes blasonnée, tels
qu'on les porta pendant toute la durée du XIIIe siècle.
Par une exception assez rare à cette époque, les épaules, les
coudes et les genoux sont armés de pièces forgées : le corps
lui-même est protégé en certaines parties par des lames
mobiles. Le costume se complète par une large épée à
gauche, un poignard au côté droit et des éperons aux pieds.
106
la croix de Savoie. C'est un exemple de l'emploi simultané
des deux blasons par les princes de la Maison de Savoie,
depuis Amé II qui, le premier, paraît avoir adopté la croix,
jusqu'à Amé-le-Grand qui, au commencement du XIVe
siècle en fit le blason définitif de sa maison.
Trois écussons sculptés, ornaient autrefois le soubasse-
ment du tombeau, mais les armoiries dont ils étaient chargés.
ont disparu sous les coups du maillet égalitaire de la Ré-
volution française ... ».
Sur le pourtour du choeur, existent deux autres tombes
bien plus simples. Elles sont ornées de statues couchées
en marbre et qui représentent les évêques d'Aoste, Boniface
de V alpergue et Eméric de Quart.
La sacristie principale est remarquable par ses belles
armoires, l'une en style gothique de 1516, l'autre de 1690.
Elles donnent à la pièce un cachet très moyenâgeux.
Le trésor de l'église dont la valeur est inestimable, est
enfermé dans cette sacristie spéciale. Il faudrait des se-
maines pour l'étudier du point de vue archéologique. Nous
devons nous contenter de donner la liste des principales
oeuvres d'art, dont beaucoup sont encore peu connues du
public.
Diptyque en ivoire- Camée antique- Châsse 'en argent
contenant les corps de saint Grat et de saint Joconde -
Buste en argent représentant saint Jean-Baptiste et ren-
fermant la mâchoire du saint - Livres liturgiques -
Graduel - Missel - Pontifical orné de miniatures -
Retable d'autel -Anciennes chasubles - Bâtons et croix
processionnels - Reliquaires de différentes formes, etc ...
Je me limiterai, faute d'espace, à la description de
trois oeuvres d'art: la châsse de Saint-Grat, le diptyque et
le camée antique.
La grande châsse de Saint-Grat figurait à l'exposition
107
de 1880 à Turin. Monseigneur Duc la décrit en ces termes :
«C'est un des plus beaux monume nts de l'art chrétien du
XIVe au xve siécle, ainsi que de la piété et de la munifi-
cence de nos ancêtres. Achevée sous l'épiscopat de Mgr De
Prez en 1458, elle est parvenue jusqu'à nous, dans un état
remarquable de conservation. Le co~re intérieur en bois
est revêtu de puiss~ntes lames de fer, et le fer à son tour
se dérobe sous des lames d'argent repoussé, ciselé et ouvragé
avec toute la délicatesse et le bon goût du style gothique
108
très probablement). Il porte une tête d'impératrice sur une
monture d'or du XIIIe siècle. Elle est enrichie de perles
rubis, saphirs. Ce bijou qui a retenu l'attention de tous
les experts, est sans défaut à l'exception de la tête dont le
nez est très légèrement écaillé. Mais l'orfèvre a très habile-
ment masqué cette légère imperfection, sous une magnifique
émeraude.
Louis Gonse, historien d'art français, dans une étude
sur l'exposition de Turin de 1880, signale que le cam~e
représente vraisemblablement Livie, femme de l'Empereur
Octave Auguste. Sa belle description mérite d'être re-
produite:
« C'est une des pièces les plus précieuses que nous ait
laissée le Moyen Age. Elle est digne de figurer à côté de
celles du trésor de Saint- Denis. L'ensemble de ce bijou
est d'une élégance d'aspect et d'une harmonie de tons
incomparables. J'ajouterai que son étui en cuir gaufré, est
certainement une des pièces les plus anciennes, sinon la
plus ancienne qui nous soit parvenue».
Selon les historiens, le diptyque est un des plus beaux
parmi les quelques trente tablettes romaines à charnière,
existant dans le monde. Il vaut surtout par l'extrême fi-
nition des détails. Il est aussi le plus complet et le mieux
conservé. D'après l'archéologue Ferdinand de Lasteyrie,
c'est le seul à porter à la fois le nom et l'image de l'em-
pereur et le nom du consul qui l'a fait exécuter.
Il serait de l'an 406 et fut découvert en 1833 dans une
vieille sacristie de la Cathédrale. Nous manquons de do-
cuments authentiques, sur l'époque exacte à laquelle il fut
donné, à l'église d'Aoste.
Il est inutile de décrire ce petit ouvrage d'ivoire, car
ce genre de description, figure dans les revues d'archéo-
109
logie du monde ·entier. Je le reproduis par un dessins à
la plume qui en révèle tous les détails;
Le prestige de ce diptyque a attiré nombre de personna-
lités de l'archéologie internationale. En 1920, Mr John
Shapley, professeur d'histoire de l'art à la Brown Uni-
versity, traversa l'Atlantique spécialement pour venir l'é-
tudier.
c :..:ee:C··-- .s.
110
mais pour l'expression de civilité en usage à l'époque de la
décadence romaine et qui correspond à notre «très humble
et très dévoué serviteur». Probus, serviteur de l' empe-
reur, homme très-illustre, consul ordinaire, au Seigneur
Honorius toujours Auguste.
Les diptyques servaient au début, pour écrire quelques
notes sur les de_:ux tablettes de bois ou de métal, recouvertes
d'une mince couche de cire. Ils devinrent plus tard, des
objets de luxe en or, argent ou ivoire sculpté. Les consuls
romains ordinaires, avaient le droit de les distribuer à titre
de cadeau, lorsqu'ils prenaient leurs fonctions. Après la chute
de l'Empire, ces diptyques furent utilisés dans les anciennes
églises, pour y graver les noms des saints, des martyrs,
des évêques et bienfaiteurs de 1' église.
111
,.....
CLOITRE GOTHIQUE
113
,
STALLES DE LA CATHED RALE D'AOSTE
115
l'époque. Qui ne voit donc, dans ce mélange de toutes
les conditions sociales, l'emblè me de l'église militante?
Les figures grimaçantes des miséricordes, ne signifieraient-
elles pas les âmes en souffrance, soit l'église souffrante? ».
Ce chef-d' oeuvre fut cependant menacé. Jugeant que
quelques bas -reliefs et détails de bosses de sculptures, pou·
vaient offenser l'oeil et l'esprit des visiteurs, Mgr De la
Palme en àvait ordonné la suppression. Le chapitre de la
cathédrale, refusa de passer à exécution et envoya au Roi
une longue lettre de protestation. Ce recours permit de
sauver l'intégrité des stalles. .
,,
En considération de l'originalité de ce document inédit
je crois utile de le reproduire «in extenso». Il témoigne de
la clairvoyance des chanoines.
Au Roi
Sire!
Humble ment prosterné aux pieds de V.S.M. R. expose
avec le respect le plus profond et religieux, le Chapitre de
la V.ble Eglis.e Cathédrale de votre duché d'Aoste ; celle-là
déjà subsistante comme épiscopale, depuis le 3e Concile
de Milan, sous S. Eusèbe évêque de Verceil, après avoir
reçu la prédication de l'évangile de l'apôtre S. Barnabé,
et celui-ci érigé en 1236, après l'avoir été en Comté de Lom-
bardie, depuis l'an 579, et en Comté ou Marquisat d'Italie,
depuis 620, et constamment appartenant à la Royale Dynastie
de Savoie, depuis l'an 1032:
Que depuis décembre dernier S.G. Jean-Baptiste-Marie de
la Palme, notre Evêque installé depuis août 1819, prétendait
supprim er les stalles et formes du choeur de cette Cathédrale,
soit les hors-d'oeuvre en bas relief et en bosse de sculpture,
faisant partie intégrante de tout l'appareil du madrier, sous
prétexte tout imaginaire, qu'elles présenteraient des figures
116
et ornements indécents; et ce, contrairement aux décrets
des Conciles de Tarascon et de Mayence, qui assurent le
possessoire annal et proscrivent tout droit de semblable
réforme, après la visite épiscopale; aux Capitulaires de
Charlemagne, d'ap!ès lesquels le prince temporel est le
défenseur et protecteur né, le premier patron et le fondateur
présumé de toutes les Cathédrales ; aux Canons du Concile
de Trente, qui prononcent la prescription en faveur de ce
long usage de cet ancien état des choses : au mépris des
règles tracées sur la matière, par S. Augustin et le Pape
Léon le Grand ; en dépit de tous les canons et principes de
droit ecclésiastique, public et civil; de toutes les immunités
et maximes de l'Eglise, et en oubli même, de toute prudence
humaine et politique et gratitude naturelle.
Que ces figures et ornements extérieurs, immobiles et
inamovibles , identifiés avec les stalles existantes depuis 1469,
époque de leur construction, sont bien loin de signifier le
moindre cynisme, ni de faire naître la plus légère idée
d'obscénité et de lascivité, d'idolâtrie ou d'impiété, ni d'oc-
casionner la moindre profanation; ainsi que la preuve se
justifie naturellement par l'admiration et l'autorisation, le
consentement ou tout au moins le silence, de 21 prélats
qui ont siégé dès-lors avec tant d'éclat, de mérite et de
dignité; dont deux surtout, orateurs, conseillers et ambassa-
deurs des Ducs de Savoie, aux Conciles de Latran et de
Trente; un autre assistant à celui-là avec la plus brillante
doctrine ; un autre, zélé, intrépide et heureux antagoniste de
Calvin; un autre 1er sénateur de Savoie, conseiller d'Etat
et député du prince; deux cardinaux; un versé dans les
langues; un visiteur général d'ordre théologien et prédi-
cateur célèbre, et un maître de la sacrée théologie; sans
compter 16 prévôts et 18 archidiacres illustres; un général
de l'ordre des mineurs conventuels au Concile de Trente;
117
outre une douzaine de protonotaires apostoliques, de doc-
teurs, chevaliers, ducs et comtes du sacré palais ~t de la
Consolation; autant de religieux célèbres, pères, maîtres,
professeurs, prédicateurs et fameux théologiens; plusieurs
abbés et prêtres, docteurs dans le XVIIe et XVIIIe siè~le;
et notamment membres de l'Académie, de .la chancellerie,
de l'Université et facultés et de la Congrégation des théo-
logues et dogmatiques, dans la capitale du monde chrétien,
sous Boniface IV, Clément XIII et XIV. Ne croirait-on
pas non seulement flétrir tout le clergé, la noblesse et le
peuple d'Aoste, toutes les administrations, les autorités et
membres du Conseil des Commis et de la R. Délégation ;
mais encore critiquer 4 à 5 archevêques, qui depuis on fait
la rote provinciale et censurer même 6 souverains et une
quinzaine de princes de Savoie, qui ont honoré de leur
présence et visite cette même Cathédrale, et une douzaine
de. gouverneurs et ministres généraux, qui venaient présider
les Etats et prêter même leur serment de protection, dans
le même choeur?
Que ces figures et ces ornements du goût gothique, du
xve siècle furent considérés comme des chefs-d'oeuvre
· de l'art héraldique et du blason. Ses titres sont acquis à
la considération publique et à la mémoire de la postérité,
et de tous les fondateurs, patrons, bienfaiteurs, ou donateurs
de cette même église; par exemple, de l'illustre et ancienne
maison de Challand issue des marquis de Montferrat de
la Iére race, qui possédait tant de seigneuries, de comtés et
la principauté même de V alangin, qui comptait tant de
vicomtes d'Aoste, depuis le ve siècle, une quinzaine de
généraux et gouverneurs du Ier ordre, et autant de chevaliers
d'ordre; un sénateur romain neveu allié d'Adrien V et de
Thomas II de Savoie; une dizaine de maréchaux; qui
avait produit deux évêques d'Aoste, sept autres évêques dans
118
de diocèses étrangers et 3 autres archevêques, dont un car-
dinal légat au Concile de Constance, député et ambassadeur
de Rome et de Savoie, et avait mérité en 1442 un bref pon-
tifical, qui fit placer dans le même choeur' un mausolée à
l'illustre comte François de Challand; de l'illustre et an-
cienne famille des Barons de V alleise et Arnad, qui avait
déjà produit 18 chevaliers et 2 écuyers; de celle des Seig.rs
d'Avise, qui avait donné le jour à dix chevaliers, dont 2 de .
S. Jean de Jérusalem et à un évêque d'Aoste; de celle de
Sarriod de la Tour, qui avait ~onné naiss.ance à 14 chevaliers;
de celle de Bard, qui avait produit entr'autres, 2 évêques en
des diocèses étrangers ; de celle de V al pelline ou de la
Crête, qui en avait aussi un sur le siège épiscopal de Sion;
de celle de Châtelard Grossy des Cours, qui avait donné
naissance à 2 archevêques et notamment à Pierre de Taren-
taise, devenu pape sous le nom d'Innocent V; de celle
de Valpergue, descendante des marquis d'Ivrée et d'Italie,
qui avait produit 3 évêques; dont un Seigneur s'etait établi
au Roy .e de Naples, sur la fin du XIe siècle, et dont le Seig.r
Georges venait de s'établir à la Cité, en même temps
que deux membres de la même famille en étaient prevôt et
archidiacre.
Que les deux figures qui blessent le plus les regards
timides, chastes et ascétiques de S. Gr. sont entr'autres celle
d'une religieuse, enclinée en attitude de prière, dont la
vue n'a certainement jamais offensé, ni scandalisé personne
jusqu'ici, mais ne seraient-ce pas là des signes allégoriques
d'une pythonisse d'Endor? d'une Sibylle lors de l'avè-
nement du Messie? ou plutôt le symbole des religieuses
chanoinesses de S. Augustin, et de S.te·Catherine établies
en cette ville dès la fin du XIIe siècle, ayant droit d'intervenir
et d'assister jusqu'au XVIe, aux offices et au choeur de cette
Cathédrale et suivant les règles de leur institution dont
119
plusieurs chapitres traitent de la mortification de la chair'
des moyens conservatoires de la pudicité, du lavement du
corps et de l'usage de bains ; ou plutôt une Sirène mortifiée
refroidie _et glacée dans la partie inférieure, comme les
poissons, ne paraissant animée et vivifiée, que dans la partie
supérieure, et n'ayant de voix humaine que pour chanter
les louanges du ciel, ne signifiait-elle pas les chanoines et
chanoinesses destinés par leur état à la même fonction
particulière et permanente? Mais indépend amment de la
justesse de cette allusion, il est certain qu'elle était alors
l' armoirie de la R.e Maison de Savoie, et devait essentielle-
ment s'y rapporter ; en effet, si la Sirène parthénopée a
donné son nom à Naples, où elle avait son tombeau, et si
deux Sirènes étaient déjà au XIIIe siècle l'armoirie de Charles
D'Anjou comme celle de la R.e Maison régnante, cette
armoirie devait servir de monume nt authentique et perpétuel
de la reconnaissance et de la dépendance de la V allée
d'Aoste à l'honneur de la R.e Maison de Savoie; -et d'une
15.aine de· princes, comtes et ducs, qui étaient venus y
pactiser leur haute protection et alliance, ou y tenir leurs
audiences et assises générales, ou y renouveler le serment
de souveraineté, de conservation des libertés, franchises,
immunités et privilèges, et notamment de Thomas II, mort
le 7 février 1259, à la cité, et inhumé dans la même Cathé-
drale et au même choeur, où existe son mausolée; - De
Thomas III, né à Aoste, en novembre 1248; d'Amé VI
fondateur des Cordeliers en cette ville, en 1352 ; De Pierre
et de Louis, archevêques de Tarentaise, en 1456, 1459,
et de François prévôt de Montjou à peu près à la même
époque; de Pierre II et III de Savoie, prévôts de cette
église cathédrale, en 1220 et 1252, et surtout du duc Louis
D'Anjou époux de la reine Jeanne de Naples et de Sicile,
mort dans le Roy.e de Naples, en 1383; d'Amé VII vi-
120
caire général de l'empire, comte de diverses terres à Naples,
en 1412; de Louis II, roi de Chypre, de Jérusalem et
d'Armén ie, en 1462; ·d'Anne de Savoie, épouse de Frédéric
d'Aragon, prince de Tarente, roi de Naples, de Sicile et
de Jérusalem, en 1478 ; de ~ouis, le plus puissant Seigneur
et 1er prince du Roy.e de Naples, en 1389; du duc Charles,
prince du Roy.e de Naples, et comte de plusieurs terres,
villes et châteauf{ y enclavés, en 1494; - en un mot, des
ducs de Savoie, comme vicaires perpétuels ducs, comtes,
princes et roi d'Italie, dès le XIIIe siècle, et la preuve
en est que le sein de cette Sirène était surmonté et couvert
de l'armoirie de Savoie, jusque sous la dernière république
française, qui a ordonné d'effacer la plupart des armoiries.
En raison de l'importanc e de ce monument un ouvrage à part a
été consacré «Les stalles et les miséricordes du XVe siècle de la Cathé-
drale de la Ville d'art d'Aoste» par Robert Berton, ouvrage sous presse
-Editeur De Agostini 1955.
121
PALAIS RONCAS
122
Je crois utile de donner quelques renseignements précis
sur le style «grotesque », terme qui prête souvent à con-
fusion. Les élèves de Raphaël auraient exploré à Rome
pendant les xve et XVIe siècles, des chambres antiques
retrouvées sous terre, qu'on appela grottes, et grotesques
les ornements qui les décoraient.
Ces salles appartenaient à la fameuse Domus aurea de
Néron, peinte conformém ent au style hellénique ou pom-
péien. Après études, imitations et transformations, ces orne-
ments ont fait revivre un type de décoration, qui tira le
nom de «grotesque » du lieu de son origine. Au sens précis
du mot, les grotesques sont « des figures capricieuses repré-
sentant des personnages, des animaux, des objets réels ou
imaginaires, entourés et entrelacés d'ornement s et d'ara-
besques de fantaisie» {I). Toute autre interprétation du mot
grotesque, doit être considérée comme erronée.
La famille Roncas, s'étant éteinte à la mort de Philibert
en 1683, 1'hôtel fut vendu à plusieurs reprises. En 1702,
le comte Busquet, propriétaire du palais Roncas, le céda
pour 30.000 frs. au Conseil des Commis. Dès lors, le Palais
fut appelé «la maison du pays», et on y installa l'admi-
nistration du duché.
Après la Révolution française, le palais fut la résidence
des sous- préfets avec les bureaux dépendant de leur admi-
nistration. Il est occupé aujourd'hui par la gendarmeri e.
Cependant, le Conseil de la Vallée a décidé, dans une de
ses dernières séances, d'installer dans le Palais Roncas,
propriété de l'administration régionale, un musée, une
bibliothèque, ainsi que les associations de culture valdôtaine.
Les armoiries de la famille Roncas, adoptées à la suite
d'alliances, étaient très compliquées. L'écusson des Roncas
était parti de deux, coupé de deux; au 1er, coupé d'or et d'ar-
gent à l'aigle éployée de sable brochant sur le tout. Au 2e,
123
d'argent à deux croix pattées de gueules posées en pal et
accostées de deux clefs de même, adossées, aux anneaux
tréflés, qui est de Saint-Pie rre. Au 3e, d'or au château
ouvert à deux tours de gueules maçonnées de sable, au
lion léopardé de gueules passant d'une tour à l'autre, qui
est de Sarre. Au 4e, d'argent au château ouvert de gueules,
maçonné de sable, sommé d'un soleil de gueules, qui est
d'Entrèves. Au se, coupé d'argent et d'azur, l'argent
chargé d'un soleil de gueules, et l'azur d'un croissant tourné
d'argent, qui est Roncas. Au 6e de gueules à la bande
d'argent chargée en chef d'une croix tréflée de gueules au
124
TOUR NEUVE
126
JEU DE L'ARQUEBUSE
127
« tili. Codesto vanto d' Aosta non deve essere taciuto. Pren-
« diamo esempio dalle N azioni vi cine che per ogni loro
« nonnulla danno fiato alle trombe della fama in tutti i
« tuoni ».
Avant qu'on ait détruit l'ancien jeu de l'arquebuse, pour
construire l'actuel gymnase des écoles, on pouvait encore
lire l'épigraphe suivante, gravée sur marbre:
«Compagnie de l'Arc pour exercices militaires auto-
risée par le Prince Thomas Ier en 1206 ».
128
édifice du Jeu de l'Arquebuse, pour le transformer en salle
de Gymnastique, signalait expressément que, la «facciata
nord del fabbricato prospiciente la strada N azionale deno-
minato "Jeu de l'Arquebuse" sia conservata immutata,
dato il suo valore storico ed artistico ».
Pourquoi cette condition n'a-t-elle pas été respectée?
La milice valdôtaine, qui avait été entraînée par les
maîtres d'armes, sortis de la Compagnie du Jeu de l'Arque-
buse d'Aoste, a toujours su maintenir intactes, les tradi-
tions de fidélité au drapeau et d'héroïsme sur le champ de
bataille; cette belle renommée n'à jamais failli à elle-même.
Elle a su éviter durant 700 ans, toute violation de la région
valdôtaine, qu'on a appelée avec raison «La Pucelle».
Le comte de Savoie Pierre II, dit le Petit Charle-
magne, aurait prononcé en présence de l'Empereur Richard
des paroles définitives, à l'égard de la milice valdôtaine,
disant: «Mon premier titre de gloire, est d'être Duc d'Aoste».
Un chroniqueur rapporte que Charles Emmanuel III
pendant la guerre de Sept ans, aurait dit : « Je puis vanter les
chasseurs et les grenadiers de mon régiment d'Aoste, autant
que l'Impératrice Marie-Thérèse, ses chasseurs tyroliens,
Frédéric de Prusse, ses cavaliers hessois et Louis XV ses
fameux grenadiers de France ».
Dans un communiqué de guerre, les autrichiens souli-
gnèrent l'héroïsme des combattants valdôtains, toujours fi-
dèles à leur langue maternelle, et mettaient en garde les
troupes autrichiennes contre «les soldats piémontais parlant
français». Le Prof. A. Graf de l'Université de Turin, avait
fait justement observer lui aussi: «che si puo essere pessimo
italiano parlando la lingua italiana ed ottimo italiano par-
lando la lingua francese ».
L'usage de la langue française, n'a jamais empêché aux
valdôtains de « payer à la grande patrie, un large tribut de
129
dévouement, de sacrifice et de sang». Un chroniqueur du
XVIIIe siècle, pendant les invasions françaises, disait «Ils
parlent français, mais ils sabrent en valdôtait:J.s ».
Pendant la première guerre mondiale, la suprême dé-
coration de médaille d'or à la Valeur Militaire, n'a été
décernée qu'au seul bataillon Aoste (sur 60 autres batail-
lons des Alpes) avec la mention suivante: « Il battaglione
Aosta, superando accanita resistenza nemica ed aspre diffi-
coltà di terreno organizzato a difesa, ascese sanguinosa-
mente le rupi del Vodice, impadronendosi con altro re-
parto, della quota 652, sulla quale, con sovrumana tenacia,
resistette, senza cedere un palma di terreno, a terrificante
bombardamento, a ripetuti contrattacchi, a difficoltà ine-
narrabili (Vodice 18-21 maggio 1917). Nella battaglia della
finale ris cossa, rinnovando an cora una volta l' esempio di
eroico valore, di spirito di sacrificio, di serena fermezza
degli Alpini d·'Italia, consacrava alla vittoria ed alla gloria
della Patria il fiore dei suoi alpini che, decimati ma non
do mi, intrepidamente pugnavano e cadevano al grido, rin-
tronante fra · il fragore delle armi: " Ch'a cousta lon ch'a
cousta, viva l'Aousta". (Monte Solarolo 25-27 ottobre 1918)».
Le 30 Novembre 1924, jour de l'inauguration solennelle
du monument aux morts pour la Patrie, le général Clerici
sous-secrétaire d'Etat au ministère de la guerre, glorifia
le combattant valdôtain en ces termes : « Le soldat du
V al d'Aoste est le premier soldat de la péninsule ».
Les V aldôtains ont toujours été loyaux. Ils prétendent
à leur tour, qu'on les traite avec loyauté. Et si, dans le passé,
ils ont été victimes de la fausseté d'autrui, ils n'entendent
plus l'être aujourd'hui.
130
,
TOUR DU LEPREUX
131
les mains du noble de Pléoz. Abandonnée par la suite, le
peuple la nommait «tour de la frayeur» simplement sans
doute par homophonie, avec le nom primitif Friours.
Achetée en 1660 par Boniface Festaz, celui-ci la légua
à l'Hospice de Charité d'Aoste en 1682. Et l'Ordre mau-
ricien se rendant acquéreur de la tour pour 2250 livres,
elle · prit le nom de Tour du Lépreux, après avoir servi de
prison plus que de demeure, à Pierre Bernard Guasco, né
à San Lazzaro d'Oneglia. Il y demeura trente ans et vingt
et un jours. Il y mourut en 1803 âgé de cinquante-deux ans.
Le texte exact de son acte de décès, supprimera toute
contestation sur l'authenticité du héros de Xavier de Maistre:
«Anno 1803 - Guasco, Petrus, Bernardus, lepris
affectus, filius Lazari, oriundus e paroecia sancti Lazari;
vallis Onellioe, Sacramentis omnibus susceptis, hora sexta
matutina, anno millesimo octingentesimo tertio et die se-
quenti ejusdem mens1s sepultus fuit in coemeterio Au-
gustae Praetoriae.
« ln quorum :fidem » .
... «Sa quote part de
dépenses - dit son mi-
nutieux biographe - pour
pension, habilleme nt,
blanchissage, linge, ma-
nutention des meubles et
l'entier entretien, à raison
de trente livres par mois,
s'élève à 10.971 livres».
La légende s'est in-
stallée autour de ces murs
que la vie moderne n'a
pas encore abattus, dans
sa frénésie de constructions nouvelles. La tour s'élève encore
dans l'ambiance que Xavier de Maistre avait notée. Re-
vendue en 1874 à l'Hospice de Charité d'Aoste, elle est
toujours conforme à l'image, que les artistes du siècle passé
en ont donné dans leurs gravures.
Le promeneur échappera difficilement à l'emprise du
cadre mélancolique et au contraste qui naît entre l'évocation
fatale du lépreux et l'agitation de la vie, qui se perpétue
sous des formes presque champêtres. La tour du lépreux
témoigne sur ces époques sévères, où la charité ne pouvait
rien contre la maladie, sinon retrancher brutalement Ber-
nard Guasco du monde des vivants.
133
TOUR DE BRAMAFAM
CHÂTEAU FORT DE LA FAMILLE CHALLAND
136
,
CLOCHER DE SAINT -BENIN
137
et qui fut le berceau intellectuel de la plupart des étudiants
valdôtains.
Les bénédictins, les chanoines du Grand-Saint-Ber-
nard, les pères Lorrains, les barnabites, les jésuites, les
prêtres séculiers et de dévoués professeurs valdôtains, prirent
successivement la direction de ce collège fameux, qui compta
parfois jusqu'à 300 élèves et fut l'un des plus beaux du
royaume, par son importance et sa valeur. Plus tard, vers
1888, la vieille institution fut transformée en « Convitto
N azionale » et perdit beaucoup de sa couleur locale.
138
,
ACADEMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-
LETTRES DE L'ANCIEN DUCHÉ D'AOSTE
ÉCOLE DES CHARTES
142
. dit l'historien suisse Jules Bonnet - fut impuissante à
faire prévaloir les idées de réforme, au sein des Etats. Le
parti catholique avait pour lui la supériorité du nombre
et de la discipline. A la puiss~nce des traditions et des
souvenirs, que l'on invoque jamais en vain auprès du peuple,
il joignait l'audace des résolutions et l'élan · que donne
l'initiative, dont il s'était emparé».
· D'après l'historien De Tillier, l'assemblée commença
ses délibérations, en interdisant à toute personne, au nom
de S.A.A. et sous peine de vie, d'oser y avancer ou même
d'écouter en quelque façon que ce fut, aucune proposition
si ce n'est celles qui concernaient le service du souverain
et l'intérêt du Duché en général, conjointement avec la
défense de notre sainte religion. Après une délibération
dont les incidents et la durée, selon Jules Bonnet, nous
sont également inconnus, les ·députés présents levant la
main à l'appel de leur .nom, signèrent à l'unanimité, les
articles proposés par le bailli.
Calvin mis au courant des résolutions des Trois Etats,
s'enfuit avec ses partisans et, par le pont de Closelinaz,
Roisan, Doues, l'alpage de By et la fenêtre Durand, (Col
de Calvin) il rentra en Valais.
Aucun document de l'époque ne nous est parvenu, pour
nous fournir des précisions, sur l'histoire de Calvin en Vallée
d'Aoste. Fort probablement aucun des chroniqueurs de ce
temps, n'a osé aborder le sujet, en raison de la sévérité du
bailli, car « quiconque était trouvé contrevenant était puni
de peine capitale, ainsi · que de corps et de biens».
Mais la tradition orale a rapporté ces faits, qui furent
recueillis dans un nombre considérable de livres et de
brochures.
Pour perpétuer la mémoire de cet évènement important,
143
un monument fut érigé, rue Croix-de-Villé, il fut ordonné
à toute personne possédant maison dans la cité d'Aoste,
de graver le monogramme du Christ sur les portes, et
l'angélus fut sonné, de midi à onze heures du matin, pour
maintenir vivant le souvenir de l'heure de cette fuite de
Calvin et de ses adeptes.
144
DU MEME AUTEUR A PARU:
Les châteaux du Val d'Aoste. - I.T.L.A. -Aoste 1950
Les chapiteaux du cloître de Saint-Ours.
De Agostini, Novara 1954
À PARAÎTRE PROCHAINEMENT:
EN PRÉPARATION:
145
TABLE
DES PLANCHES HORS-TEXTE
vis,IJ,yi.J de
la page
1 - Costume de Cogne 16
2 - Costume de Issime 24
3 - Costume de Courmayeur 32
4 - Costume de Morgex . 40
5 - Costume de Champorcher . 48
6- Costume de Saint-Vincent . 56
7 - Costume de Gressoney 64
8 - Costume de A y as ,72
9 - Costume de Cogne 80
10- Costume de Gaby 88
11 - Costume de Ayas 96
12 - Costume de Gressoney 104
13 - Costume de Pré-Saint-Didier 112
14 - Costume des guides de V altournanche
Guide d'élite Louis Carrel 120
15 - Costume de Perloz 128
16- Costume de La-Thuile 136
17- Costume de Saint-Vincent. 138
18- Costume de Morgex • 142
19 - Costume de Issognç • 146 .
20- Costume des guides de Cou~mayeur
Guide d'élite Adolphe Rey 150
146
TABLE DES MATIÈRES
147
TROISIÈME PARTIE
148
NOTICES EXPLICATIVES
CONCERNAN T LES ILLUSTRATIONS
149
Arc décoré de fresques gothiques de la Collégiale de Saint-Ours Pag. 74
Détail des stalles de Saint-Ours » 76
Saint Michel tuant un monstre » 79
Chapiteau orné de quatre montres » 83
Chapiteau représentant la vie de Saint-Ours » 84
Chapiteau représentant le renard et la cigogne . » 87
Prieuré de Saint-Ours . » 90
Tour du Bailliage, façade sud » 92
Château fort . du Bailliage. façade ouest » 93
Clocher roman de Sainte-Catherine » 95
Porte d'entrée au couvent de Saint-Joseph . » 96
Camée antique du 1er siècle et son étui en cuir gaufré . » 98
Détail de la châsse en argent contenant le corps de saint Gré;lt » 100
Tombeau de Thomas II de Savoie comte de Flandre . » 102
Médaillon du XIIIe siècle représentant la mort de la Vierge » 104
Mosaïque inférieure placée entre les deux rangées des stalles » 106
Mosaïque supérieure placée devant le maître-autel . » 108
Diptyque romain en ivoire » 110
Cloître gothique de la cathédrale » 112
Détail des stalles de la cathédrale . » 114
Armoiries de la noble famille Roncas . » 124
Tour Neuve f~çade Nord . » 125
Tour Neuve façade Sud . » 126
Écusson du Jeu· de l'arquebuse d'Aoste . » 128
Tour du lépreux » 132
Tour de Bramafam » 134
Fenêtre ébrasée et murailles en arêtes de poisson de la tour
de Bramafam » 135
Armoiries de la famille de Challand » 136
Clocher roman de Saint-Bénin . » 138
Bas-relief en marbre de sainte Catherine conservé à l'Aca-
démie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'ancien
Duché d'Aoste » 139
Palais du Conseil des Commis . » 140
Hôtel de Ville » 141
Croix de Calvin . )) 144
Les dessins à la plume ont été exécutés par les artistes : Serge
Canavese, César Banchieri, Arnaud Musati, sous la direction de l'au-
teur du livre.
09 38 2
150
Il
Achevé d'imprimer le 28 février 1955 à Aoste
DUC