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LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS : PHILOSOPHIE,


CONTENU ET MECANISMES DE PROTECTION

Dr Simon DAKO

Enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi

Introduction générale

La doctrine définit aujourd’hui les droits de l’homme comme des


prérogatives gouvernées par des règles que la personne détient en propre dans
ses relations avec les particuliers et le pouvoir. En tant que tel, ils constituent
l’achèvement de valeurs et de principes généraux et l’aboutissement d’une
évolution inscrite dans l’histoire de la philosophie dans laquelle ils puisent en
premier lieu leurs racines. En effet, l’idée des droits de l’homme est fondée non
seulement sur l’homme notamment sa dignité, son universalité, son identité et son
individualité mais aussi la limitation du pouvoir civil. C’est l’affirmation de
l’existence de principes limitatifs du pouvoir civil, antérieurs et supérieurs à
toute institution humaine qui a contribué à la fondation des droits de l’homme.
Mais les droits de l’homme sont aussi une conquête et le résultat d’un processus
politique historique. Au-delà de leur généalogie, ils ont une histoire, marquée à la
fois de grands noms de la pensée politique et de moments célèbres.

La doctrine distingue également trois catégories de droits de l’homme : les


droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et les
droits de solidarité. Historiquement, les droits civils et politiques sont les
premiers à avoir bénéficié d’une reconnaissance juridique. Ces droits sont des
pouvoirs d’agir ou des droits d’autodétermination, c’est-à-dire « des pouvoirs en
vertu desquels, l’homme dans les divers domaines de la vie social, choisit lui-
même son comportement, pouvoirs reconnus et organisés par le droit positif qui
leur accorde une protection renforcée… ». Ils s’analysent comme des pouvoirs de
faire qui permettent à l’individu d’agir de manière autonome et directe. Il s’agit
dès lors de droits qui n’entraînent pour l’Etat qu’une obligation négative : ne pas
intervenir dans leur mise en œuvre qui relève directement de l’initiative de leurs
titulaires. Il appartient seulement à l’Etat de surveiller leur exercice au moyen
de la police administrative et de l’intervention éventuelle du juge.

A la différence de ces droits, les droits ECOSOC constituent des pouvoirs


d’exiger. Ils se présentent comme la capacité légale reconnue à l’individu de
demander, d’exiger l’accomplissement d’une prestation en vue de l’exercice d’un
droit reconnu par les instruments juridiques. Ainsi, les droits économiques,
sociaux et culturels marquent une certaine rupture par rapport à la conception
2

originelle des droits de l’homme inspirée par le droit naturel. Les droits de
l’homme ne sont plus simplement des sources d’obligation d’abstention pour
l’Etat, mais des sources d’obligations positives en vertu desquelles les pouvoirs
publics doivent prendre les mesures adéquates pour assurer l’effectivité des
droits. En effet, la réalisation des droits de la deuxième génération requiert des
autorités publiques la mise en œuvre d’un ensemble de ressources collectives
d’origine tant interne qu’internationale. Ainsi, ils révèlent que l’effectivité des
droits de l’homme dépend d’un certain degré de solidarité nationale et
internationale. De même, les droits de l’homme ne peuvent plus être conçus de
manière absolue comme des droits appartenant aux individus indépendamment de
leur insertion dans une collectivité sociale et politique. L’individu n’est plus
envisagé comme un sujet qui disposerait a priori des ressources nécessaires pour
exercer immédiatement les libertés fondées sur la nature humaine. Au contraire,
il est envisagé comme un être dont l’autonomie dépend de la satisfaction
préalable de certains besoins essentiels. Ensuite, dans la mesure où la
satisfaction de ces besoins dépend de la mise en œuvre des ressources
collectives, il apparaît également comme un individu socialisé. Il se révèle
dépendant de la collectivité sociale solidaire dont il attend la satisfaction de ses
besoins fondamentaux.

Il ressort de ce qui précède le renforcement du pouvoir d’agir par celui


d’exiger car la reconnaissance de celui-ci n’a pas entraîné l’abandon de celui-là. La
question se pose alors de savoir ce qui peut justifier le développement de
nouveaux droits. A l’origine de la consécration juridique des droits ECOSOC, il y
a le changement social et ses répercussions et l’influence croissante des
courants socialistes. En effet, en Angleterre, la poursuite de la Révolution
industrielle commencé au 18e siècle, la difficile sortie de deux décennies
d’économie de guerre et de blocus et le régime des prix agricoles rendent
précaire la situation de nombre d’ouvriers et de petits artisans. De même, en
France, l’industrialisation véritable du pays a entrainé la naissance d’une nouvelle
classe qui, tout en se situant au cœur du processus de production, était
dépourvue de tout. Ainsi, pour toute une partie considérable de la société, les
risques inévitables de la vie rendaient les droits de la première génération
purement formels. Mais, dans le même temps, le contexte philosophique apparaît
propice à une évolution de l’idée de droits de l’homme. On peut noter à la fin du
18e siècle et au début du 19e l’émergence de courants socialistes qui ont exercé
une influence directe et progressivement infléchi l’idée et le contenu des droits
de l’homme. Ce sont d’abord les précurseurs de ce courant de pensée tels que
Charles Fourier et l’Anglais Robert Owen qui ont eu une influence considérable
dans les milieux ouvriers. Ensuite, ce fut le tour des socialistes français. On en
dénombre deux catégories : il y a d’abord ceux qui s’inspirent du christianisme
comme Philippe Buchez et Constantin Pecqueur qui prône dans son ouvrage
3

« Théorie nouvelle d’économie sociale et politique, 1842 », l’institution d’un Etat


populaire républicain fondé sur le suffrage universel et maître des moyens de
production et des matières premières. Il y a ensuite ceux qui se proclament
athées. Parmi eux, on peut citer notamment Pierre-Joseph Proudhon, un
adversaire de la propriété privé et du capital. Pour lui, « la propriété privée, c’est
du vol ». Il cherche à réformer profondément le système et la société
capitalistes en réconciliant les classes. Opposé à toute forme d’autorité
institutionnalisée, il prône l’organisation collective et le secours réciproque, donc
la solidarité.

Au-delà de leur diversité et de leur influence respective, les traits


communs de ces différents courants sont la contestation de la place de la
propriété ou de son caractère individuel, la primauté du travail, l’exigence
d’égalité sociale, l’émancipation politique et intellectuelle des couches
défavorisées, et la recherche de la justice sociale. C’est principalement
l’influence de ces idées et doctrines qui peut expliquer, comme l’ont affirmé
Louis Favoreu, Patrick Gaïa et autres1, la reconnaissance des droits
complémentaires et différents de ceux de la première génération libérale
classique, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. L’inscription
de ces droits nouveaux dans les déclarations et autres textes constitutionnels
témoigne de la prédominance, parmi ces courants, des tendances non utopiques,
c’est-à-dire de celles qui n’évacuent pas le problème de l’Etat en dissociant
démocratie sociale et politique. La logique qui les sous-tend et donc les droits
économiques, sociaux et culturels, est merveilleusement résumée par Jacques
Roux dans le « Manifeste des Enragés » qu’il a remis à la Convention le 25 juin
1793 : « La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut
affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche, par
son monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république
n’est qu’un vain fantôme quand la contre-révolution s’opère, de jour en jour, par
le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre
sans verser des larmes »2. Autrement dit, à quoi sert à un analphabète la
proclamation de la liberté de la presse ? Un affamé n’a que faire du droit de
vote. Celui qui voit mourir de maladie, de misère sa famille ne se préoccupe guère
des libertés de penser et de se réunir. Comme l’a affirmé Saint-Just, « La
liberté ne peut s’exercer que par des hommes à l’abri du besoin »3. Les droits
ECOSOC visent donc le bonheur de l’homme pour renforcer sa liberté.

Quel est leur contenu exact ? Quels sont les mécanismes de protection
prévus à leur sujet ?
1
Voir L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, 2005, p.37
2
Voir Jacques Roux, Manifeste des Enragés, remis à la Convention le 25 juin 1793.
3
Voir Louis-Antoine de Saint-Just, Œuvres complètes, précédé de Lire Saint-Just par Michel Abensour, Paris,
Gallimard, Coll. « Folio-Histoire», 2004
4

La réponse à ces questions constituera l’ossature de ce cours que nous


déroulerons en deux temps. Dans un premier temps, nous présenterons le
contenu des droits ECOSOC. Dans un second temps, nous nous pencherons sur
leur mise en œuvre.

I- Contenu des droits économiques, sociaux et culturels

Tels qu’ils apparaissent dans les instruments juridiques y afférents et


notamment le Pacte Internationale relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (PIDESC), ces droits présentent un double contenu : les droits
économiques et sociaux d’une part et les droits culturels d’autre part.

A- Les droits économiques et sociaux

1- Les droits économiques

Les droits économiques apparaissent comme des droits liés au travail. Ils
n’ont en effet aucun sens en dehors des relations entre les travailleurs actuels
ou potentiels et les employeurs.

Il s’agit d’abord du droit au travail lui-même. A l'article 6 du PIDESC, les


Etats parties sont incités à prendre des mesures appropriées pour garantir le
droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail
librement choisi ou accepté. C'est pourquoi le Comité, tenant compte du fait que
les travailleurs âgés n'ayant pas atteint l'âge de la retraite rencontrent souvent
des difficultés pour trouver et conserver un emploi, insiste sur la nécessité
d'adopter des mesures propres à éviter toute discrimination fondée sur l'âge en
matière d'emploi et de profession.

Ensuite, les droits économiques recouvrent le droit qu'a tout travailleur de


"jouir de conditions de travail justes et favorables" proclamé à l'article 7 du
Pacte. Ce droit revêt une importance particulière pour l'environnement
professionnel des travailleurs âgés qui devraient pouvoir travailler sans risque
jusqu'à leur départ à la retraite. Il est conseillé en particulier de valoriser
l'expérience et les connaissances de ces travailleurs. Des programmes de
préparation à la retraite devraient être mis en œuvre au cours des années
précédant la fin de la vie professionnelle, avec la participation des organisations
représentatives des employeurs et des travailleurs et des autres organismes
intéressés pour préparer les travailleurs âgés à faire face à leur nouvelle vie. De
tels programmes devraient, en particulier, fournir des informations sur les
5

droits et obligations des retraités, les possibilités et conditions de la poursuite


d'une activité professionnelle, ainsi que sur les possibilités de bénévolat, les
moyens de lutter contre les effets néfastes du vieillissement, les facilités pour
participer à des activités éducatives et culturelles et l'utilisation des loisirs.

Enfin, on a les droits protégés par l'article 8 du Pacte, c'est-à-dire les


droits syndicaux. Ils regroupent le droit de former avec d’autres des syndicats
et de s’affilier au syndicat de son choix, le droit des syndicats de former des
fédérations ou des confédérations nationales, le droit des syndicats d’exercer
librement leur activité et le droit de grève. Il s’ensuit qu’à la différence des
articles 6 et 7 qui prévoient des droits-créances, l’article 8 proclame des droits
de défense ou droits-résistance qui se résument en la liberté syndicale et le
droit de grève.

Si le PIDESC est la source principale des droits économiques, il n’est


cependant pas la seule. Ces droits ont aussi fait l’objet d’attention de la part
d’autres instruments juridiques régionaux et spécifiques. C’est le cas par
exemple de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples et des
instruments relatifs aux droits des femmes, des enfants, des travailleurs
migrants et à la protection contre la discrimination raciale. En effet, l’article 15
de cette Charte stipule que « Toute personne a le droit de travailler dans des
conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un
travail égal ».

En résumé, les droits économiques sont des droits du travail à savoir, le


droit au travail lui-même, le droit de jouir de conditions de travail justes et
favorables, le droit de former des syndicats et de s’y affilier librement, la
liberté d’action syndicale ainsi que le droit de grève. Ce sont des droits
spécifiquement liés aux travailleurs.

2- Les droits sociaux

A la différence de ces droits, les droits sociaux concernent les conditions


d’existence de tous les membres de la collectivité. Ce sont des droits liés à la
sécurité sociale dont le principe est affirmé à l’article 9 du PIDESC. Cet article
stipule, de façon générale, que les Etats parties "reconnaissent le droit de toute
personne à la sécurité sociale", sans préciser la nature ou le niveau de la
protection qui doit être garanti. Toutefois, les termes "sécurité sociale"
couvrent implicitement tous les risques liés à la perte des moyens de subsistance
par suite de circonstances indépendantes de la volonté des personnes
concernées. Conformément à l'article 9 du Pacte et aux dispositions
d'application des Conventions de l'OIT sur la sécurité sociale (la Convention n°
102 (1952) relative à la sécurité sociale (normes minimum) et la Convention n°
6

128 (1967) concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de


survivants), les Etats parties doivent prendre des mesures appropriées pour
instituer, de façon générale, des prestations d'assurance vieillesse obligatoires
qui doivent être perçues à partir d'un âge déterminé, prescrit par la législation
nationale. Conformément aux recommandations contenues dans les deux
Conventions de l'OIT susmentionnées et dans la Recommandation n° 162, le
Comité invite les Etats parties à fixer l'âge de la retraite de façon souple, en
fonction des activités exercées et de la capacité de travail des personnes âgées
et compte tenu également des facteurs démographiques, économiques et sociaux.

En plus du droit à la sécurité sociale, les droits sociaux comporte la


protection de la famille, le droit à un niveau de vie suffisant, notamment en
termes de nourriture, de vêtement et de logement et le droit à la santé.

Conformément au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte et aux


Recommandations n° 25 et 29 du Plan d'action international de Vienne sur le
vieillissement, les Etats parties devraient faire tous les efforts nécessaires
pour soutenir, protéger et renforcer la famille et l'aider, conformément aux
valeurs culturelles de chaque société, à subvenir aux besoins des membres âgés à
sa charge. Dans la Recommandation n° 29, les gouvernements et les organisations
non gouvernementales sont engagés à mettre en place des services d'aide sociale
à l'intention des familles qui comptent dans leur foyer des personnes âgées et à
prendre des mesures spéciales en faveur des familles à faible revenu qui veulent
garder les personnes âgées dans leur foyer. Les personnes qui vivent seules et
les couples de personnes âgées qui souhaitent demeurer chez eux devraient
également bénéficier de cette aide.

Le droit à un niveau de vie suffisant, notamment en termes de nourriture,


de vêtement et de logement est prévu par l’article 11 du Pacte. Au cœur de ce
droit voire des droits de l’homme en général, se trouve le droit à une nourriture
suffisante. Cette importance du droit à la nourriture a été affirmée par le
Comité des droits ECOSOC en ces termes (Observation générale n°12) : « Le
droit à une nourriture suffisante est indissociable de la dignité intrinsèque de la
personne humaine et est indispensable à la réalisation des autres droits
fondamentaux consacrés dans la Charte internationale des droits de l'homme. Il
est également indissociable de la justice sociale et exige l'adoption, au niveau
national comme au niveau international, de politiques économiques,
environnementales et sociales appropriées visant à l'élimination de la pauvreté et
à la réalisation de tous les droits de l'homme pour tous ». Le droit fondamental à
une nourriture suffisante est donc d'une importance cruciale pour la jouissance
de tous les droits.
7

Le Comité a également précisé le contenu du droit à une nourriture


suffisante. Essentiellement, il comprend les éléments suivants : la disponibilité
de nourriture exempte de substances nocives et acceptable dans une culture
déterminée, en quantité suffisante et d'une qualité propre à satisfaire les
besoins alimentaires de l'individu; l'accessibilité ou possibilité d'obtenir cette
nourriture d'une manière durable et qui n'entrave pas la jouissance des autres
droits de l'homme.

Pour que la nourriture soit exempte de substances nocives, il faut que les
pouvoirs publics et le secteur privé imposent des normes de sécurité des
produits alimentaires et prennent une série de mesures de protection afin
d'empêcher que les denrées alimentaires ne soient contaminées par frelatage
et/ou par suite d'une mauvaise hygiène du milieu ou d'un traitement inapproprié
aux différents stades de la chaîne alimentaire; il faut également veiller à
identifier et à éviter ou détruire les toxines naturelles. Pour que la nourriture
soit acceptable sur le plan culturel ou pour le consommateur, il faut également
tenir compte, dans toute la mesure possible, des valeurs subjectives, n'ayant
rien à voir avec la nutrition, qui s'attachent aux aliments et à la consommation
alimentaire, ainsi que des préoccupations du consommateur avisé quant à la
nature des approvisionnements alimentaires auxquels il a accès.

La disponibilité de nourriture vise les possibilités soit de tirer


directement son alimentation de la terre ou d'autres ressources naturelles, soit
de disposer de systèmes de distribution, de traitement et de marché opérants
capables d'acheminer les produits alimentaires du lieu de production à l'endroit
où ils sont nécessaires en fonction de la demande.

L'accessibilité est à la fois économique et physique : L'accessibilité


économique signifie que les dépenses d'une personne ou d'un ménage consacrées
à l'acquisition des denrées nécessaires pour assurer un régime alimentaire
adéquat soient telles qu'elles n'entravent pas la satisfaction des autres besoins
élémentaires. Elle s'applique à tout mode d'acquisition ou toute prestation par
lesquels les gens se procurent leur nourriture et permet de déterminer dans
quelle mesure le droit à une alimentation suffisante est assuré. Il se peut qu'il
faille prêter attention dans le cadre de programmes spéciaux aux groupes
socialement vulnérables, comme les personnes sans terre et les autres segments
particulièrement démunis de la population. L’accessibilité physique signifie que
chacun, y compris les personnes physiquement vulnérables, comme les
nourrissons et les jeunes enfants, les personnes âgées, les handicapés, les
malades en phase terminale et les personnes qui ont des problèmes médicaux
persistants, dont les malades mentaux, doit avoir accès à une nourriture
suffisante. Il se peut qu'il faille prêter une attention particulière et parfois
8

donner la priorité à cet égard aux victimes de catastrophes naturelles, aux


personnes vivant dans des zones exposées aux catastrophes et aux autres
groupes particulièrement défavorisés. De nombreux groupes de population
autochtones, dont l'accès à leurs terres ancestrales peut être menacé, sont
particulièrement vulnérables.

Le droit à la santé est prévu par l’article 12 du Pacte. Il s’agit d’un


corollaire du droit à la vie. Selon le rapport présenté par Paul Hunt, Rapporteur
spécial, en mars 2003, à Genève, devant la Commission des droits de l’homme des
Nations unies, le droit à la santé est un droit global, dans le champ duquel
entrent non seulement les prestations de soins de santé appropriées en temps
opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels
que l'accès à l'eau salubre et potable et à des moyens adéquats
d'assainissement, l'hygiène du travail et du milieu et l'accès à l'éducation et à
l'information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique
(relatif à la génération, à la procréation). Il suppose à la fois des libertés et des
droits. Les libertés comprennent le droit de l'être humain de contrôler sa propre
santé, notamment le droit de ne pas être soumis sans son consentement à un
traitement ou à une expérience médicale. Les droits comprennent le droit
d'accès à un système de protection de la santé (c'est-à-dire aux soins de santé
et aux déterminants fondamentaux de la santé) qui garantissent à chacun, sur un
pied d'égalité, la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible. Par
ailleurs, le droit à la santé est un concept large qui peut être subdivisé en un
certain nombre de droits plus spécifiques tels que : le droit à la santé
maternelle, infantile et génésique; le droit à un environnement professionnel et
naturel sain; le droit à la prophylaxie, au traitement des maladies et à la lutte
contre les maladies, y compris le droit d'accès aux médicaments essentiels; le
droit d'accès à l'eau potable.

Ces droits sont également proclamés par la CADHP qui stipule par exemple
en son article 16 que « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de
santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre. Les Etats parties à la
présente Charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de
protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance médicale en
cas de maladie ». L’article 18 de cette Charte prévoit la protection de la
famille en ces termes : «La famille est l'élément naturel et la base de la société.
Elle doit être protégée par l'Etat qui doit veiller à sa santé physique et morale.
L'Etat a l'obligation d'assister la famille dans sa mission de gardienne de la
morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté. L'Etat a le
devoir de veiller à l'élimination de toute discrimination contre la femme et
d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant tels que stipulés
dans les déclarations et conventions internationales. Les personnes âgées ou
9

handicapées ont également droit à des mesures spécifiques de protection en


rapport avec leurs besoins physiques ou moraux ».

Au total, les droits sociaux sont ceux de la sécurité sociale. Ils


comprennent le droit à la sécurité sociale lui-même, la protection de la famille, le
droit à la nourriture, au vêtement et au logement et le droit à la santé. Ensemble
avec les droits économiques, ils prennent en compte quatre des cinq besoins
fondamentaux de l’homme, à savoir : se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner.
Le cinquième, à savoir, s’instruire, est pris en compte dans les droits culturels.

B- Les droits culturels

Parler du contenu des droits culturels avant de clarifier la notion de


culture reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. En effet, la question de
la reconnaissance des droits culturels est d’abord un problème culturel, avant
d’être un problème juridique, politique ou autre. Il s’ensuit qu’il n’existe pas de
droits culturels sans culture. En conséquence, il est important d’essayer d’abord
de fixer nos connaissances sur la notion de culture qui constitue l’objet des
droits culturels avant de nous intéresser à ces derniers.

1-Définition de la culture

On entend souvent dire de la culture qu’elle est ce qui reste à l’homme


quand il a tout oublié. Pourtant lorsqu’on a effectivement tout oublié, il ne reste
plus rien. Autrement dit, le reste est nul et de nul effet. La culture, ce n’est
donc pas ce qui nous reste quand nous avons tout oublié. Pour les spécialistes, la
culture revêt un sens plus précis. Elle est plutôt « le tout dont il ne faut rien
oublier. C’est l’âme-personnalité du corps social d’un peuple, son souffle
identitaire. Elle intègre le politique, l’économique, le social, le technologique et
l’informationnel. C’est une quintessence »4. La culture renvoie donc à tout ce
qu’un individu acquiert en tant que membre d’une société, à savoir toutes les
capacités et toutes les pratiques qui s’apprennent par expérience ou par
tradition, ainsi que tout l’environnement matériel qui est produit par le groupe 5.
Il s’agit d’un bien auquel chaque individu a droit pour ce qui est de la
participation à cette culture et de la contribution à sa création. Ainsi, la culture
s’exprime non seulement dans les œuvres de l’art et de la science mais également
dans l’habillement, la cuisine, l’architecture, le système des valeurs, la morale, les
traditions, les croyances, l’éducation, les modes de vie, les langues, la nature des

4
Voir F. FAYOMI, Lumière sur le développement culturel, Cotonou, Star Editions, 2005, p.90
5
Voir I. BOKATOLA, Les droits culturels sont-ils des droits de l’homme ? www.eip-
civedhop.org/publications/thematique7/Bokatola.html
10

relations familiales et sociales, la vision du monde, l’attitude vis-à-vis des


étrangers, la conception du présent et de l’avenir, etc. Au regard de ces
différentes définitions, on peut affirmer avec le Professeur Patrice MEYER-
BISCH, que la culture est un choix6. On peut également l’envisager comme un
capital et sous l’angle de la créativité7. Ainsi, ces différentes définitions
rejoignent celle qui est officiellement retenue par l’UNESCO. En effet, pour
cette institution, la culture est « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et
matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe
social. Elle engobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances »8.

Ainsi défini, le concept de culture donne une idée de la définition des


droits qui s’y rapportent. En tant que droits de la personne, les droits culturels
sont définis comme des droits reconnaissables à chacun, sans discrimination, de
choisir les références de son identité culturelle, en fonction des diverses
communautés et héritages culturels auxquels il se réfère librement. Il s’agit des
droits de chacun à la culture ou à l’identité culturelle. Une meilleure
compréhension de cette définition suppose que l’on apporte les clarifications
nécessaires aux mots et expressions « culturel », « identité culturelle » et
« communauté culturelle ».

L’adjectif qualificatif « culturel » recouvre l’ensemble des dimensions de


la culture à savoir les arts, les sciences, les langues, les valeurs et toutes les
représentations et traditions déterminant les modes de vie.

L’expression « identité culturelle », quant à elle, s’entend en liaison avec


l’appartenance à une communauté culturelle particulière et avec la référence aux
valeurs universelles. L’identité culturelle peut se définir comme « l’ensemble des
références culturelles par lequel une personne ou un groupe, se définit, se
manifeste et souhaite être reconnu… »9. Elle a nécessairement deux faces : il
s’agit à la fois de la revendication particulariste du droit à la différence et du
droit à la ressemblance et à la non-discrimination10. Cela nous autorise à dire que
l’identité culturelle fonctionne dans le champ de la diversité et de la pluralité.
Elle ne saurait être une notion statique, répétitive et close sur elle-même. Elle

6
Op.cit
7
Voir F. CISSE, L’Afrique et les droits culturels, in Chaire Unesco des droits de la personne et UNESCO, Les
droits économiques, sociaux et culturels, Rapport des deuxièmes Journées des Responsables des Chaires
UNESCO et Instituts d’Afrique de l’Ouest et Centrale travaillant dans le domaine des droits de l’homme et de la
démocratie, Cotonou, du 28 au 31 juillet 2003, pp. 135-136
8
Citée par I. BOKATOLA, op.cit
9
Voir P. Meyer-Bisch, Les droits culturels Projet de déclaration, UNESCO, Paris, 1989, P.12
10
Voir I. BOKATOLA, op.cit
11

est appelée à évoluer pour s’adapter à l’environnement. Si non, elle exprimerait


purement et simplement l’exclusivisme, l’agressivité, l’intolérance.

En ce qui concerne la communauté culturelle, elle est inconcevable sans


l’identité dans la mesure où elle se caractérise par les références culturelles
identitaires qu’un groupe d’individus partage, préserve et défend. Elle désigne
alors une communauté de ressemblance dans un art de vivre et de penser11. C’est
ainsi qu’on parlera de la communauté ethnique, linguistique, religieuse, nationale,
autochtone, artistique, scientifique, de la communauté d’habitation, de
production.

2- Les différents droits culturels reconnus par les instruments juridiques

Les droits culturels couvrent par conséquent un domaine assez large.


Cependant, ils peuvent être classés en deux catégories. D’abord, on peut citer le
droit de participer à la vie culturelle, de bénéficier du progrès scientifique et de
ses applications, de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de
toute production scientifique, littéraire ou artistique.

Le droit de libre participation à la vie culturelle comprend notamment la


liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et
d’expression, le droit de bénéficier des progrès scientifiques et techniques et
de jouir des arts, le droit à la propriété intellectuelle des œuvres dont on est
l’auteur. On peut aussi citer dans cette catégorie le droit à l’autodétermination
et au développement culturel de tous les peuples en général et des peuples
dominés en particulier, les droits des groupes défavorisés à la protection de
leurs caractéristiques spécifiques, le droit à l’identité culturelle. Ce dernier
revêt deux sens à savoir le droit à la distinction particulariste et le droit à
l’appartenance universelle. Par ailleurs, le droit à l’identité culturelle suppose le
libre exercice d’une activité culturelle, le libre accès à sa propre culture et à la
connaissance des autres cultures, le droit au patrimoine culturel de sa propre
communauté et de l’humanité, le libre accès aux moyens de communication et
d’expression et enfin la liberté de s’identifier ou non aux communautés
culturelles de son choix et d’entretenir avec elles des relations sans
considération de frontières.

Ensuite, il y a le droit à l’éducation. Ce droit se présente sous deux


aspects : le droit à l’éducation élémentaire et générale et le droit à
l’enseignement fonctionnel ainsi qu’à l’orientation et à la formation
professionnelle.

11
Voir I. BOKATOLA, op.cit
12

L’éducation a pour objectifs à la fois l’épanouissement de la personnalité


(dimension individuelle) et le soutien à la compréhension, à la tolérance et à
l’amitié entre les nations (dimension collective). Pour la commission internationale
de l’UNESCO sur l’éducation pour le XXIè siècle, les objectifs de l’éducation
s’articulent autour de quatre axes fondamentaux, à savoir : apprendre à
connaître c’est-à-dire acquérir les instruments de la compréhension ; apprendre
à faire, pour pouvoir agir sur son environnement ; apprendre à vivre ensemble,
afin de participer et de coopérer avec les autres à toutes les activités
humaines ; et enfin, apprendre à être, cheminement essentiel qui participe des
trois précédents12.

Tous ces droits culturels sont prévus dans les instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de la personne. Ils sont énoncés dans des
Pactes, Déclarations et chartes. On les retrouve aussi bien dans des instruments
universels que régionaux. Au nombre des textes universels, nous avons la DUDH
(articles 26 et 27), le PIDCP (article 27), le PIDESC (articles 13 et 15). Au plan
régional africain, nous avons essentiellement la CADHP (articles 17, 22). Mais
nous pouvons aussi citer la Déclaration d’Alger sur les droits des peuples (art.2,
art.14, art.15), la Charte culturelle de l’Afrique adoptée le 05 Juillet 1976. Les
auteurs de cette Charte insistent sur l’idée que la culture africaine est menacée,
agressée par la culture occidentale.

En somme, les droits culturels comportent deux catégories de droits, à


savoir : tous les droits intrinsèquement liés à la vie culturelle d’un individu ou d’un
groupe d’individus et le droit à l’éducation. En définitive, les droits ECOSOC
visent la protection de la dignité humaine à travers la satisfaction des cinq
besoins fondamentaux de l’homme, à savoir, se nourrir, se vêtir, se loger, se
soigner et s’instruire. Ce sont des droits complexes qui regroupent des droits de
défense, des libertés publiques et surtout des droits-créances qui leur
confèrent leur véritable nature. Ils sont reconnus à tous les individus qui en
jouissent de façon égale. Ce principe est posé par l’article 3 du Pacte qui stipule
que les Etats parties "s'engagent à assurer le droit égal pour l'homme et la
femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels". Quels
sont les mécanismes de protection prévus pour assurer la mise en œuvre de ces
droits ? Si la mise en œuvre des droits sociaux de défense comme la liberté
syndicale ou le droit de grève et des libertés publiques telles que la liberté de
pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression qui
concourent à la réalisation du droit de participation à la vie culturelle est
relativement facile, il n’en va pas de même des droits-créances ou droits-

12
Idem
13

exigences qui constituent l’essentiel des droits ECOSOC. La mise en œuvre de


ces derniers est problématique.

II- La mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels

L’effectivité d’un droit suppose sa réalisation, le contrôle de son respect


et la répression de sa violation. Mais, s’agissant des droits ECOSOC, Frédéric
Sudre a prononcé un jugement qui paraît sans appel : « Les droits économiques,
sociaux et culturels, en tant que catégorie distincte de la proclamation
internationale des droits de l’homme, appartiennent au domaine des principes
souhaitables : ils font partie de la nébuleuse des droits de l’homme mais ne
s’inscrivent pas dans le champ du droit »13. Encore plus catégorique, François
Rigaux pense que « Qu’ils soient inscrits dans une constitution ou dans un
instrument international de protection des droits de l’homme, les droits
économiques, sociaux et culturels n’ont de signification que programmatique (…).
Cela explique aussi pourquoi la garantie de (ces droits) résiste au contrôle
juridictionnel »14. La mise en œuvre des droits ECOSOC est donc conditionnée
parce que ce sont des droits programmatoires (A). De même, parce que ce sont
des droits programmatoires, leur justiciabilité est difficile (B).

A- Des droits programmatoires

La nature programmatoire des droits économiques, sociaux et culturels se


déduit aisément des obligations qu’ils créent pour les débiteurs et de leur
conditionnement. Aux termes de l’article 2 du Pacte, « 1.Chacun des Etats
parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par
l’assistance et la coopération internationale notamment sur les plans économique
et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer
progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par
tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures
législatives. 2. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les
droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur
la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre
opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre
situation. 3. Les pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits
de l’homme et de leur économie nationale, peuvent déterminer dans quelle mesure
ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent Pacte à des non-
ressortissants.

13
Voir F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, Paris, PUF, 1989, p.134
14
Voir F. Rigaux, « Droit international et droit de l’homme », J.T. 1988, p.700
14

Il ressort de ces dispositions que l’Etat est le principal débiteur des


droits ECOSOC. La communauté internationale est seulement invitée à participer
à leur réalisation grâce à l’assistance et à la coopération. Le Comité des droits
ECOSOC souligne néanmoins que, en vertu des articles 55 et 56 de la Charte des
Nations Unies, la coopération internationale pour le développement et, partant,
pour l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels est une obligation
qui incombe à tous les Etats. Elle incombe tout particulièrement aux Etats qui
sont en mesure d'aider les autres Etats à cet égard. L’analyse de cette
coopération aujourd’hui laisse bien à désirer. Le comportement de certains
partenaires dits au développement vis-à-vis des pays sous-développés,
notamment dans les domaines de l’aide au développement et de la dette soulève
bien souvent des questions sérieuses : la rareté qui s’observe dans les pays sous-
développés n’est-elle pas organisée par les pays développés et les institutions
financières internationales pour les maintenir dans la pauvreté ? On est en droit
de se poser une telle question lorsqu’on sait qu’en 2003, l’aide publique au
développement fournie par les pays industriels du Nord aux 122 pays du tiers-
monde s’est élevée à 54 milliards de dollars et que durant la même année, ces
derniers ont transféré aux banques du Nord 436 milliards de dollars au titre du
service de la dette15. Dans ces conditions, qui aide qui ? Par ailleurs, c’est
paradoxal qu’un sixième de la population mondiale souffre de la faim alors que la
production mondiale est susceptible de nourrir le double de cette population. De
toute façon, le non respect de l’obligation d’assistance et de coopération
n’entraîne pour la communauté internationale aucune sanction.

Quant aux des Etats, ils ne sont pas soumis à des obligations concrètes. En
effet, deux catégories d’obligations incombent aux Etats : des obligations de
comportement et des obligations de résultat.

Au titre des obligations de comportement, l’Etat s’engage à agir,


notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources
disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits
reconnus par le Pacte. Pour satisfaire cette obligation, l’Etat doit déployer "tous
les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures
législatives". Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels estime que,
dans de nombreux cas, le recours à la législation est hautement souhaitable et
que, dans certains cas, il peut même être indispensable. Par exemple, il peut être
difficile de lutter efficacement contre la discrimination s'il n'existe pas, pour
les mesures qui s'imposent, une base législative solide. Dans des domaines tels
que la santé, la protection des enfants et des mères, et l'éducation, ainsi que
dans les domaines dont il est question dans les articles 6 à 9, la législation peut
aussi être un élément indispensable pour nombre d'objectifs visés. Outre les
15
Voir Jean Ziegler, L’empire de la honte, Paris, Fayard, 2005, p.81
15

mesures législatives, on a celles qui prévoient des recours judiciaires au sujet de


droits qui, selon le système juridique national, sont considérés comme pouvant
être invoqués devant les tribunaux. Le Comité note, par exemple, que la
jouissance des droits reconnus, sans discrimination, est souvent réalisée de
manière appropriée, en partie grâce au fait qu'il existe des recours judiciaires
ou d'autres recours utiles. Enfin, on peut citer les mesures administratives,
financières, éducatives et sociales.

La principale obligation de résultat dont il est fait état au paragraphe 1 de


l'article 2, c'est d'agir en vue d'assurer progressivement le plein exercice des
droits reconnus dans le Pacte. La réalisation des droits ECOSOC est donc
progressive. Le plein exercice de ces droits ne peut pas être assuré en un court
laps de temps. En ce sens, cette obligation est nettement différente de celle qui
est énoncée à l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, qui est une obligation immédiate de respecter et de garantir tous les
droits pertinents.

Cependant, selon le Comité des droits ECOSOC, le fait que le Pacte


international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels prévoit une
démarche qui s'inscrit dans le temps, ne saurait être interprété d'une manière
qui priverait l'obligation en question de tout contenu effectif. D'une part, cette
clause permet de sauvegarder la souplesse nécessaire, compte tenu des réalités
du monde et des difficultés que rencontre tout pays qui s'efforce d'assurer le
plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels; d'autre part, elle
doit être interprétée à la lumière de l'objectif global, et à vrai dire de la raison
d'être du Pacte, qui est de fixer aux Etats parties des obligations claires en ce
qui concerne le plein exercice des droits en question. Ainsi, cette clause impose
l'obligation d'œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour
atteindre cet objectif. En outre, toute mesure délibérément régressive dans ce
domaine doit impérativement être examinée avec le plus grand soin, et
pleinement justifiée par référence à la totalité des droits sur lesquels porte le
Pacte, et ce en faisant usage de toutes les ressources disponibles.

Toujours selon ce Comité, chaque Etat partie a l'obligation fondamentale


minimum d'assurer, au moins, la satisfaction de l'essentiel de chacun des droits.
Ainsi, un Etat partie dans lequel, par exemple, nombreuses sont les personnes qui
manquent de l'essentiel, qu'il s'agisse de nourriture, de soins de santé primaires,
de logement ou d'enseignement, est un Etat qui, à première vue, néglige les
obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. En vertu du paragraphe 1 de
l'article 2, chacun des Etats parties est tenu d'agir "au maximum de ses
ressources disponibles". Pour qu'un Etat partie puisse invoquer le manque de
ressources lorsqu'il ne s'acquitte même pas de ses obligations fondamentales
16

minimum, il doit démontrer qu'aucun effort n'a été épargné pour utiliser toutes
les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces
obligations minimum.

Il souligne aussi que, même s'il est démontré que les ressources
disponibles sont insuffisantes, l'obligation demeure, pour un Etat partie, de
s'efforcer d'assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents
dans les circonstances qui lui sont propres. En outre, le manque de ressources
n'élimine nullement l'obligation de contrôler l'ampleur de la réalisation, et plus
encore de la non-réalisation, des droits économiques, sociaux et culturels, et
d'élaborer des stratégies et des programmes visant à promouvoir ces droits.
Même en temps de grave pénurie de ressources, en raison d'un processus
d'ajustement, de la récession économique, comme c’est le cas actuellement, ou
d'autres facteurs, les éléments vulnérables de la société peuvent et doivent être
protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu
coûteux.

En dépit de ces clarifications apportées par le Comité des droits


économiques, sociaux et culturels, les droits-créances créent en définitive pour
l’Etat des obligations de moyens. Ce sont des droits conditionnés. Leur jouissance
dépend du niveau de développement du pays et donc de la disponibilité des
ressources nécessaires. Par conséquent, ils sont difficilement justiciables.

B-Une justiciabilité difficile

Bien que tous les droits de l’Homme soient universels, indivisibles,


interdépendants et indissociables et que la promotion et la protection d’une
catégorie des droits ne doit pas exonérer les Etats de leur obligation de
promouvoir et de protéger les autres droits, on constate que les droits civils et
politiques sont privilégiés dans leurs mécanismes de mise en œuvre, par rapport
aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Professeur Jean Rivero écrivait
à leur sujet que « La satisfaction des droits de créance laisse à l’État un pouvoir
d’appréciation discrétionnaire extrêmement large, de telle sorte que l’objet du
droit reste pratiquement indéfini jusqu’à ce que le législateur ait procédé aux
choix nécessaires. Rien de tel lorsqu’il s’agit des libertés, à l’égard desquelles les
obligations de l’État sont simples et définies, puisqu’elles se ramènent à une
abstention. Enfin, la satisfaction des pouvoirs d’exiger suppose, de fait, un
certain niveau de développement. Beaucoup plus que la mise en œuvre des
libertés, elle est étroitement dépendante des ressources dont l’État peut
disposer, ce qui accuse encore le caractère virtuel et relatif de ces droits. Ainsi
libertés et créances ne relèvent pas, en ce qui concerne leur mise en œuvre, des
17

mêmes techniques juridiques »16. Allant dans le même sens, le Professeur Sudre
estime que les droits ECOSOC ne peuvent être justiciables en raison de leur
caractère imprécis.

D’autres par contre ne sont pas de cet avis. C’est le cas par exemple de
Paul Oriane qui soutient la thèse selon laquelle les droits ECOSOC ont des effets
juridiques parce que d’abord ils sont des droits acquis, garantis dans la mesure
de la mise en œuvre qui en sera faite par l’Etat, ce qui interdit toute régression.
Ensuite, ils peuvent jouer le rôle d’un principe général du droit ou d’un standard
auquel le juge peut se référer à défaut à défaut d’indication légale contraire.
Enfin, leur effet horizontal impose leur sauvegarde par autrui et par le pouvoir17.
De son côté, le Professeur G. Malinverni, membre du Comité des droits ECOSOC,
soutient que l’interdiction de la discrimination, des mesures régressives et
l’obligation de respecter les droits ECOSOC sont des hypothèses de
justiciabilité évidentes, tandis que l’obligation de protéger est susceptible d’un
contrôle judiciaire ou de type quasi-judiciaire. Quant à l’obligation de donner
effet, en raison de l’extensibilité temporelle et de l’effort financier qu’elle sous-
tend, serait d’une moindre justiciabilité.

Le moins que l’on puisse affirmer après cette présentation, c’est que la
justiciabilité des droits-exigences ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine.
Ce que l’on peut aussi prendre pour certitude, c’est que la doctrine dominante
penche du côté de la difficile justiciabilité de ces droits. Même ceux qui pense le
contraire se retrouve en face de la difficulté lorsqu’il s’agit de donner effet aux
droits, c’est-à-dire de créer les conditions concrètes de réalisation des droits.

Cette difficulté est d’autant plus réelle que le PIDESC, principale source
juridique de ces droits, ne crée ou ne donne compétence à aucune juridiction
pour sanctionner les violations par les Etats de leurs obligations. Il n’a pas non
plus prévu d’organe de surveillance comparable au Comité des Droits de l’Homme.
Heureusement, ce problème est résolu depuis 1985 où le Conseil Economique et
Social, par l’adoption de la Résolution 1985/17 du 28 mai 1985, a créé le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels qui surveille l’application du Pacte. A
cet effet, il reçoit les rapports des Etats présentés conformément aux articles
16 et 17 du Pacte. Ces rapports doivent être présentés dans les deux ans qui
suivent l’entrée en vigueur du Pacte, et ensuite tous les cinq ans. Ils indiquent les
mesures de caractère législatif, réglémentaire, judiciaire, politique et autres
prises par les Etats pour permettre la jouissance effective des droits
économiques, sociaux et culturels.

16
Voir J. Rivero, Libertés publiques, PUF, 9e éd., 2003 ; pp. 90-91.
17
Voir P. Oriane, De la juridicité des droits économiques, sociaux et culturels reconnus dans les déclarations
internationales, Annales de droit de Louvain, 1974, pp.147 et ss
18

L’examen du rapport donne lieu à l’établissement d’une liste de questions


que le Comité soumet aux Etats parties concernés et auxquelles ils sont priés de
répondre par écrit. Cette liste est utile en ce qu’elle contraint les Etats à
remplir progressivement leurs obligations au regard du Pacte. L’exemple du Bénin
est significatif à cet égard. Tenant compte de ses réponses à la liste des
questions, le Comité, dans ses observations finales du 05 juin 2002, relève que
certaines réponses écrites sont incomplètes, lacunaires ou absentes et celles
apportées oralement sont souvent vagues et générales. Il note qu’en dépit du fait
que la Constitution de 1990 ait consacré une partie importante aux droits de
l’Homme, certaines traditions, coutumes et pratiques culturelles sont sources
notables de discrimination contre les femmes et les filles. Le Comité déplore la
persistance de mutilations génitales féminines, la pratique de la polygamie et des
mariages précoces des filles. Le Comité exprime sa préoccupation sur plusieurs
points, à savoir, l’insuffisance du salaire minimum ; l’existance de la pratique des
« vidomegons » ; le trafic d’enfants ; le grand nombre d’enfants de la rue ; les
loyers trop élevés ; le manque de sensibilisation à la santé sexuelle et
reproductive ; l’insuffisance des structures hospitalières ; le taux élevé de
l’analphabétisme ; le fait que l’éducation primaire n’est pas gratuite ; le peu
d ‘efforts fournis par l’Etat pour conserver la diversité des langues dans les pays
et éviter que certaines d’entre elles disparaissent complètement. Le Comité
formule enfin des suggestions et des recommandations de nature à permettre au
Bénin de mieux respecter les dispositions du Pacte. Effectivement, ces
observations ont entraîné au niveau de l’Etat des actions tendant à répondre à
certaines insuffisances relevées. On peut citer par exemple la décision de la
gratuité de l’enseignement maternel et primaire qui a accru sensiblement le taux
de scolarisation des enfants.
Les Etats parties sont encouragés à se faire représenter au cours de la
session de présentation des rapports. A la fin de l’examen du rapport, le Comité
prend une décision appelée conclusions ou observations finales comprenant cinq
parties : introduction ; aspect positif ; facteurs et difficultés entravant la mise
en œuvre du Pacte ; principaux sujets de préoccupation ; suggestions et
recommandations.
Toutefois, il va sans dire que ce mécanisme de protection comporte des
limites. Les conclusions du Comité n’ont pas de caractère contraignant. Elles
bénéficient tout au plus d’une autorité morale liée simplement au fait qu’elles
prouvent la mauvaise foi de l’Etat concerné dans l’accomplissement de ses
obligations découlant du Pacte. Par ailleurs, lorsqu’un Etat partie ne présente pas
de rapport, ou accuse un retard excessif pour le faire, le Comité le lui rappelle
en indiquant les sesssions futures auxquelles ce rapport sera examiné. En
l’absence de rapport à l’échéance indiquée, le Comité examine la situation des
droits économiques, sociaux et culturels du pays concerné en se fondant sur les
19

éléments dont il dispose. Enfin, les particuliers et les groupes d’individus ne


pouvaient pas saisir le Comité de plaintes pour violation du Pacte. Une telle
procédure ne peut être instituée que par un Protocole.

Heureusement, ce Protocole a été adopté le 10 décembre 2008 et ouvert à


la signature en mars 2009 à Genève. L’adoption de ce protocole additionnel au
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966,
à l’occasion du 60ème anniversaire de la DUDH, constitue un pas pour assurer la
justiciabilité de ces droits. Ce nouvel instrument juridique est destiné alors à
renforcer la protection des droits de la deuxième génération. Toutefois, les
individus ou groupes d’individus doivent épuiser les voies de recours internes
avant d’être recevable devant le Comité. Mais, comment un particulier peut-il
épuiser les voies de recours internes si les droits ECOSOC ne sont pas
justiciables devant les juridictions nationales? Autrement dit, comment peut-il y
arriver si le flou qui entoure les droits-créance n’est levé par l’affirmation sans
ambages de ces droits dans le droit interne ?

A ce sujet, il convient de signaler que les droits ECOSOC sont aussi dans
beaucoup de pays, des droits constitutionnels. Ils sont proclamés aussi bien
directement qu’indirectement par les Constitutions. Par conséquent, les
juridictions constitutionnelles de ces pays peuvent en connaître. Mais encore
faudrait-il les citoyens aient la possibilité de saisir directement les juges
constitutionnels.

Sur cette question, il importe de relever que seulement quelques


constitutions africaines offrent cette possibilité aux individus. On peut citer
notamment le cas du Bénin, du Gabon et de la République Sud-Africaine dont la
jurisprudence offre l’exemple le plus connu et le plus prometteur sur le
continent africain, grâce notamment à la décision Grootboom (Cour
constitutionnelle Afrique du sud, Government of the Republic of South Africa
and Others v Grootboom and others 2001). L’affaire, relative à des habitants
d’un township de la banlieue du Cap expulsés, a permis à la Cour de concrétiser le
droit au logement et le droit de l’enfant à un développement harmonieux, tous
deux énoncés dans la Constitution sud-africaine, en imposant aux pouvoirs publics
une obligation d’agir dans des situations graves. La Cour a notamment souligné
l’interdépendance entre les droits de l’homme, en déduisant de cette
interrelation une obligation des pouvoirs publics à prendre en considération les
droits sociaux lorsque leur non-réalisation menace d’autres droits, comme la
dignité humaine ou l’égalité. Elle insiste sur la nécessité pour l’État de prendre
les mesures d’urgence, en s’appuyant sur trois considérations. D’abord, le
caractère indérogeable de la réalisation progressive des DESC. Ensuite, la haute
juridiction constate que la réalisation progressive des DESC ne signifie pas qu’il y
20

ait des bénéfices minimum immédiatement exigibles mais impose en revanche à


l’État d’avoir, au minimum, mis en place un programme cohérent et adapté. Enfin,
elle dit que les mesures prises par l’État ne peuvent pas être considérées comme
adéquates ou raisonnables si elles ne bénéficient pas aux plus démunis.

En dehors du continent africain, des exemples existent qui montrent que


des juridictions constitutionnelles ont développé des jurisprudences
constructives pour assurer certaines formes de justiciabilité des droits
ECOSOC. On peut citer sous ce registre les cours constitutionnelles lituanienne,
moldave, hongroise, ukrainienne, et Chambre constitutionnelle de la cour suprême
du Venezuela.

La cour constitutionnelle lituanienne a sanctionné, pour violation du droit à


la sécurité sociale garanti par la Constitution lituanienne, une exonération de
cotisations à un fonds de retraite dont bénéficiaient certains employeurs. Pour
ce faire, la Cour a considéré que si le choix des moyens à mettre en œuvre pour
la réalisation du droit à la sécurité sociale relève de la discrétion des États, en
revanche l’État a l’obligation de développer des mécanismes pour garantir
effectivement le droit énoncé. Les manquements de l’État dans le prélèvement
des impôts ou des cotisations sociales ne lui permettent pas une utilisation
satisfaisante de toutes ses ressources pour la réalisation des droits sociaux (C.
constitutionnelle Lituanie, affaire n°2000-08-0109, 13 mars 2001).

La Cour constitutionnelle moldave effectue un contrôle sur la base de


différents principes aboutissant à mettre en œuvre une sorte de « cliquet anti
retour ».
Ainsi, elle a considéré, en se référant au principe de l’État de droit, qu’en
obligeant l’État à prendre les mesures nécessaires pour garantir à tout homme un
niveau de vie digne, le Constituant avait inscrit le droit de tout citoyen à des
conditions de vie normales, lui garantissant à lui et à sa famille une existence
civilisée et digne. Un tel droit incluant une amélioration constante de ces
conditions, y compris la garantie d’un droit à se nourrir, à se vêtir et se loger, un
arrêté gouvernemental se refusant à indexer les pensions sur la hausse des prix
est contraire à la Constitution. Une telle solution, qui a pour conséquence
première de lier le législateur, est toutefois assez isolée, notamment dans les
pays issus des satellites soviétiques où l’accession à la démocratie représentative
et à l’État de droit s’est accompagnée d’un recul dans le système de protection
sociale (Cour Constitutionnelle de la Moldavie, 18 mai 1999).

La Cour constitutionnelle hongroise a estimé que, si la Constitution


hongroise impose à État l’obligation de maintenir le système de sécurité sociale,
il n’existe pas pour autant de droit acquis des bénéficiaires à l’augmentation du
21

barème de calcul des pensions. En d’autres termes, « le droit des citoyens à la


sécurité sociale n’exclut pas la possibilité de voir se détériorer le niveau de vie
auxquels ceux-ci sont parvenus » (Cour Constitutionnelle de Hongrie, 27 mai
1997, décision n° 277/B/1997, BJC HUN-1997-2-2006).

La Cour constitutionnelle ukrainienne a sanctionné un arrêté établissant


une liste de services médicaux payants. Sur le fondement de dispositions de la
Constitution proclamant le droit à la protection de la santé et à l’assistance
médicale ainsi que la gratuité des soins prodigués dans les établissements
étatiques et communaux, la Cour a estimé que l’issue à la situation critique du
financement du budget de la santé ne résidait pas dans l’établissement d’une
liste de soins payants mais dans un changement d’approche conceptuelle des
problèmes liés à la protection médicale (Cour Constitutionnelle d’Ukraine, 25
novembre 1998).

La Cour suprême du Venezuela a été saisie d’un recours en manquement


dirigé contre le refus du Parlement vénézuélien de créer un système temporaire
d’assurance chômage en même temps qu’il avait adopté un système de sécurité
sociale. Les requérants prétendaient que l’absence de protection sociale contre
les conséquences d’un licenciement ou d’un arrêt de travail portait atteinte au
droit à la sécurité sociale garanti par la constitution vénézuélienne et les traités
internationaux. Le tribunal constitutionnel a fait droit à leur argumentation et
ordonné au Parlement, dans un délai de trois mois, d’adopter une réglementation
de nature à pallier cette violation (Cour Suprême du Venezuela, Chambre
constitutionnelle, 2 mars 2005).

Conclusion générale

Les droits de la deuxième génération tendent à réaliser entre les individus


une plus grande égalité de ressources, voire de bien-être. Et c’est en assurant
une redistribution relative des ressources publiques que les pouvoirs publics
peuvent poursuivre cet objectif. Contrairement aux droits de la première
génération, ces droits présupposent donc le passage de l’Etat minimal à l’Etat
providence, c’est-à-dire un Etat qui se voit sommé d’intervenir dans le jeu
spontané de la société pour fournir des prestations matérielles destinées à
corriger les effets inégalitaires de la loterie naturelle et sociale. C’est pourquoi
on a souvent soutenu que la deuxième génération des droits de l’homme avait
transformé les individus en assistés, en clients de l’Etat providence.

Mais, dans la réalité, le constat est tout autre. La situation des droits
ECOSOC est très peu reluisante dans les pays du Tiers monde et plus
particulièrement en Afrique noire. La réalisation des droits économiques, sociaux
22

et culturels est hypothéquée non seulement par leur nature programmatoire et


leur complexité qui rendent difficle la justiciabilité de la plupart d’entre eux
mais aussi par d’autres facteurs conjoncturels. On peut citer sous ce registre, la
persistance des contraintes économiques dues à l’ajustement structurel et à la
mondialisation, l’hypocrisie de la communauté internationale en ce qui concerne
l’aide au développement sans lequel il est utopique de penser à l’effectivité des
droits ECOSOC dans les pays du Tiers monde. Au plan national, on peut citer
comme facteurs inhibiteurs du développement et donc de ralentissement de la
réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, l’instabilité politique, la
mauvaise gestion des ressources publiques et notamment la corruption qui frappe
bon nombre de pays sous-déveoppés.

Pour y remédier, une prise de conscience est nécessaire chez les africains
qui doivent intégrer par ailleurs la leçon qu’avait enseignée au monde l’ex-
président français, le Général De Gaulle qui disait : la France n’a pas d’amis ; elle
n’a que des intérêts. Les dirigeants et les peuples africains doivent savoir où se
trouve leurs intérêts, les défendre pour sortir le continent des flancs du sous-
développement afin qu’enfin, les populations africaines puissent dans leur grande
majorité mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux se loger, mieux se vêtir et
mieux s’instruire.

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