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THE FINEST IN BELGIAN JAZZ

Jempi Samyn & Sim Simons

Colophon
Auteurs : Jempi Samyn & Sim Simons
Traduction française : Philippe Schoonbrood (portraits) et Alias Languages Sprl
(historique du jazz belge)
Photographie : Jan Vernieuwe, Jacky Lepage, Jos Knaepen
Design : Folio, Marijke Deweerdt
Imprimerie : Walleyn graphics Brugge

Depot légal : D/2002/9668/3


ISBN 90-807 378-3-6

Photos :
Archives De Werf
Collection Robert Pernet
Jos Knaepen
Jacky Lepage
Jan Vernieuwe
VRT

Le livre ‘The Finest in Belgian Jazz’ est une publication de :


© De Werf, 2002, Brugge Werfstraat 108, 8000 Brugge
Tel. +32 50-33 05 29 e-mail : info@dewerf.be

Une initiative du Werf dans le cadre de Brugge 2002, Capitale culturelle de l’Europe

Avec la collaboration de :
Brugge 2002, Capitale culturelle de l’Europe - Het Muziekcentrum Vlaanderen -
Wallonie-Bruxelles Musiques

Tous droits de réproduction, y compris par la photocopie, de traduction; et


d’adaptation, réservés pour tous pays.
Contenu
Préface 5

Toots Thielemans 6

Historique du jazz belge 15


Introduction 16
Précisions 17
Little Belgium ? 18
L’amateur 20
Clubs et opportunités 21
Les médias 22
Aujourd’hui 24
Les cédés 24
La suite… 25
La décennie (élargie) 26
Le Django d’Or 27
Projets 28
Une haute conjoncture qui repose sur du solide 29
Les origines 30
La préhistoire : ménestrel, ragtime et John-Philip Sousa 30
‘Europe’ et le jazz arrive en Europe 32
Louis Mitchell, Félix Faecq et Robert Goffin 32
Entre-temps… 33
Le swing et les big-bands 35
Stan Brenders 35
Fud Candrix 35
Jean Omer 36
Quelques autres musiciensi 36
Les années de guerre 38
Les rejetons de la guerre 40
Le renouveau du printemps… 41
Paris 41
Bobby Jaspar 41
René Thomas 42
Benoît Quersin 43
Jacques Pelzer 43
Francy Boland 43
Sadi 43
Jean Warland 44
Quelques autres musiciens 46
Jack Sels 46
Roger Asselberghs 46
Rudy Frankel 47
Freddy Rottier 47
Jean Fanis 48
Roger Vanhaverbeke 48
L’espoir d’une ère encore plus moderne 50
Félix Simtaine 50
Richard Rousselet 50
Exposition universelle 51
Les années soixante et suivantes 52
La nouvelle tendance : les festivals 53
Comblain 53
Bilzen 53
Jazz Middelheim 53
Fin de la crise ? 55
Clarke-Boland 55
BRT JO 55
Etienne Verschueren 56
WIM vzw 56
Les années septante et suivantes 57
Les Lundis d’Hortense 57
‘Le jazz d’antan’ 59
Way down yonder… 59
It Don’t Mean A Thing… 60
En conclusion 62

Portraits de musiciens et groupes de jazz belges 63


(voire résumé à la page 304)

Annexe 155
Résumé des musiciens et groupes traités 155
Index 157
Préface
Outre les activités régulières du Werf sur le plan du théâtre et du jazz, 2002 signifie
surtout la première de Jazz Brugge (un festival de jazz européen) et l’édition de The
Finest in Belgian Jazz (10 cédés des musiciens et groupes les plus marquants sur la
scène du jazz belge à l’heure actuelle, choisis par une cinquantaine de journalistes et
promoteurs de jazz), complétés par ce livre sur le jazz belge.

Brugge 2002 a été la source d’inspiration et le défi, mais également la date d’échéance
pour la réalisation de ce livre, date serrée aussi bien pour Sim Simons et Jempi Samyn
(les auteurs) que pour les 3 J’s, à savoir Jan Vernieuwe, Jos Knaepen et Jacky Lepage
(les photographes), ainsi que pour les traducteurs Nadine Malfait (version anglaise) et
Philippe Schoonbrood (version française), pour Marijke Deweerdt de l’atelier
graphique Folio et pour l’équipe du Werf. Il est certain que la réalisation de ce livre
n’aurait pas été possible sans les efforts inspirés et inlassables de cette équipe entière
ainsi que de la troupe de collaborateurs bénévoles sur et autour de notre ‘chantier’
(traduction litérale du mot néerlandais ‘werf’). N’oublions surtout pas non plus tous
ces sponsors qui ont plutôt choisi pour la qualité et non pour le pouvoir des nombres
et des chiffres, car le jazz, tout le monde en est bien conscient, n’est pas un produit de
grande série.

Comme toute autre forme de musique, le jazz est une langue universelle, franchissant
chaque frontière linguistique ou culturelle, contrairement au cadre législatif, qui
restera toujours lié à ces frontières. Egalement dans cette optique, ce livre peut être
considéré comme unique, étant donné qu’il a été mis en œuvre grâce à la coopération
du Muziekcentrum Vlaanderen ainsi que de son pendant venant de l’étranger le plus
proche de la Flandre, à savoir Wallonie-Bruxelles Musiques. En effet, le jazz belge
n’est, par définition, autre qu’un pot-pourri de Wallons, Flamands et Bruxellois, une
pollinisation croisée de musiciens, réunis dans un langage créole et jazzy. Le pays de
Tintin et Kuifje, de Magritte et Brel, de Django Reinhardt et Toots Thielemans : voici
la source riche du jazz belge.

Au départ (en l’année ’93 du siècle précédent !), le label W.E.R.F. (remarquez les
points) n’était qu’une blague : ‘Wasted Energy Recording Factory’. Entre-temps, son
catalogue compte 25 titres, sans compter les 10 nouveaux cédés dans le cadre de
Brugge 2002. La blague et le chantier appartiennent au passé, mais gardons avant tout
les choses ludiques, créatives et jazzy !

Filip Delmotte
TOOTS THIELEMANS
Jempi Samyn
Non, notre histoire du jazz belge ne commence pas avec le saxophone. Cela, par
devoir moral à l’égard du père du jazz belge, qui vient de fêter son quatre-vingtième
anniversaire, au mois d’avril 2002.
Tout le monde associe a priori l’harmonica au monde du blues : John Lee ‘Sonny
Boy’ Williamson, Harmonica Slim, Sugar Blue, Sonny Terry, Johnny Mars, Junior
Wells, Charlie Musselwhite, Kim Wilson, Mike Morgan, Juke Boy Bonner, Big
Walter ‘Shakey’ Horton, James Harman, Buddy Moss, Big Mama Thornton,
Harmonica Fats, Jazz Gillum, Billy Branch, Driftin’ Slim, Blue Boy Willie,
Whispering Smith, Little Walter, Slim Harpo, John Mayall, Shakey Jake Harris,
Buster Brown, Steven De bruyn… la liste est sans fin.
En jazz, par contre, les joueurs d’harmonica sont plutôt rares. L’harmonica
chromatique (avec un bouton poussoir sur le côté) a toujours eu moins de succès que
l’harmonica blues. Plus fort encore : le seul véritable joueur d’harmonica dans le
monde du jazz que l’histoire ait connu, est né le 29 avril 1922, dans le quartier des
Marolles, à Bruxelles. Et, aujourd’hui, il se produit toujours fréquemment. Il s’appelle
Jean Baptiste Thielemans, et vous le connaissez sans aucun doute mieux sous le nom
de Toots. Ce surnom lui vient de musiciens comme Toots Mondello et Toots
Camarata. Toots commence à jouer de l’harmonica chromatique à dix-sept ans. Et,
même si des artistes comme Philip d’Arcy, dans les années ‘20, au sein des Fred
Hall’s Sugar Babies, et Larry Adler, dans les années ‘30, ont précédé Toots, on ne
peut pas comparer la musique populaire et traditionnelle qu’ils jouaient avec cette
virtuosité inégalée, qui permet à Toots d’interpréter du jazz de haut niveau.
Quelques joueurs d’harmonica de valeur sont apparus sur la scène au cours de ces
dernières décennies, parmi lesquels on citera Stevie Wonder, l’américano-suisse
Grégoire Maret, le Français Oliver Ker Ourio et le néerlandais Kim Snelten. Chez
nous aussi, quelques musiciens se sont risqués sur les pas du grand Toots. On pense
ici à Olivier Poumay, qui écume régulièrement les jams nocturnes à l’Athanor et au
Sounds, ainsi qu’à Steven De bruyn, qui démontre une maîtrise solide à l’harmonica
chromatique.

L’harmonica n’est pas le seul instrument sur lequel Toots a fait briller ses talents. En
écoutant Django Reinhardt, Toots se sent attiré par la guitare. Dès 1941, il commence
sérieusement à s’exercer, et au début des années ‘60, il développe même un nouveau
son, grâce à l’unisson créé en sifflant tout en jouant de la guitare. Cette technique
conduira en 1962, à la naissance d’un succès mondial, aujourd’hui un grand
classique : ‘Bluesette’. Il existe plus de cent versions différentes de cette composition,
enregistrées sur disque. Mais, la toute première, jouée en public et enregistrée,
remonte en 1963, en Suède.
Dans le magazine américain Down Beat, une référence internationale pour le monde
du jazz, à l’occasion des readers- & criticspoll, Toots se retrouve régulièrement à la
première place, dans la catégorie ‘instruments divers’.
Toots a même partagé l’amitié de Charlie Parker, avec lequel il a figuré à l’affiche du
Festival International de Jazz de Paris, en 1949. En effet, Toots était alors membre du
Charlie Parker All Stars. Deux ans plutôt, Toots se rendait pour la première fois aux
États-Unis. Il avait vingt-cinq ans. Très rapidement, il va se mêler aux nombreuses
jams qui se déroulaient le long de la 52ème rue à New York.
En 1950, Toots participe à une tournée européenne du sextet de Benny Goodman, et
deux ans plus tard (au cours de l’hiver ‘51-‘52), il émigre définitivement aux États-
Unis. Au bout de cinq années de présence, il deviendra citoyen américain.
De 1953 à 1959, il joue au sein du George Shearing Quintet, avant de créer sa propre
formation, même si son activité principale allait surtout se dérouler dans les studios.
En effet, au milieu des années ‘60, Toots entre en contact étroit avec Quincy Jones.
Ensemble, ils vont réaliser un grand nombre d’enregistrements, dont la bande-son des
films ‘Midnight Cowboy’ (1969) et ‘The Getaway’ (1972). A cette époque, Toots va
livrer des airs pour de petits films publicitaires, et des séries télévisées, avec la
régularité d’une montre suisse. ‘Old Spice’ deviendra son air le plus connu, même si
sa contribution musicale à la série télévisée éducative Sesame street ne passera pas
inaperçue. Mais, Toots livrera aussi des musiques pour d’autres films réputés, comme
e.a. Turks Fruit, Sugarland Express, Jean de Florette et Cinderella.
L’impressionnante liste d’artistes avec qui Toots a travaillé et/ou enregistré comprend
des noms illustres comme Ella Fitzgerald, Bill Evans, Oscar Peterson, Art Taylor,
Pepper Adams, Kenny Drew, Dizzy Gillespie, Jim Hall, Gilberto Gil, Milton
Nascimento, Eliane Elias, J.J. Johnson, Ferdinand Povel, Joe Pass, Niels-Henning
Ørsted Pedersen, Joshua Redman, Shirley Horn, Jaco Pastorius, Oscar Castro-Neves,
Terence Blanchard, Jerry Goodman, Lee Ritenour, Ernie Watts, Richard Galliano,
Natalie Cole, Pat Metheny, John Zorn, Paul Simon, Billy Joel et encore au moins
autant d’autres artistes, comme vous le constaterez dans l’entretien ci-dessous. Le
regretté Clifford Brown lui a dit un jour : ‘Toots, avec la façon dont tu joues de
l’harmonica, ils ne devraient pas appeler ça un instrument divers.’

Toots se souvient encore, comme si c’était hier : ‘Mon premier disque, c’était un
album de Louis Armstrong, il y a près de soixante ans. Et, ce qui m’a tout de suite
frappé, c’est la fraternité entre les différentes cultures, surtout entre l’africaine et
l’américaine (du Nord comme du Sud). J’ai été automatiquement vacciné, inoculé
pour la vie par le virus du jazz. Je savais alors bien peu que je jouerais un jour avec
Louis Armstrong, pour un spot publicitaire : une expérience inoubliable, même si le
spot ne durait que vingt-huit secondes.
A trois ans, je jouais déjà de l’accordéon. Mais, avant la seconde guerre mondiale, au
travers des musiques de films, j’ai appris à connaître le son d’un instrument qui
ressemblait très fort à l’accordéon : l’harmonica. J’étais déjà inscrit à l’université
quand, un jour, j’ai vu jouer Larry Adler, selon moi, le pionnier absolu de l’harmonica
chromatique. Ma décision était prise : je voulais un harmonica aussi. Je n’avais encore
jamais vu autant de possibilités musicales rassemblées dans quelque chose d’aussi
petit, et facile à transporter, toujours à portée de main, et probablement pas très
onéreux. Je suis donc allé m’en acheter un dans un magasin. Et, depuis lors, pas un
jour ne s’est déroulé, sans que je souffle, ne serait-ce même qu’un quart d’heure, dans
un harmonica. Mais, attention, c’était alors uniquement pour me détendre. En réalité,
je voulais devenir professeur de mathématiques. Et même plus tard, alors que j’avais
déjà accédé à une certaine notoriété à l’harmonica, la plupart des musiciens me
tapaient encore dans le dos, en me lançant : ‘Mais, jette ce jouet !’. C’est très
étonnant.
Encore aujourd’hui, certains réduisent toujours l’instrument au statut de jouet banal.
Un certain nombre de critiques regrette toujours maintenant, qu’à l’époque, je n’aie
pas choisi le saxophone à la place de l’harmonica. Comme si j’étais un musicien de
seconde zone à cause de cet instrument. Ils oublient visiblement qu’entre-temps, j’ai
aussi joué de la guitare avec les grands noms du jazz, comme avec le George Shearing
Quintet. D’ailleurs, Dizzy Gillespie déclarait régulièrement : ‘Je suis sûr que tu dois
jouer des trucs grandioses à l’harmonica, mais je préfère ton jeu à la guitare.’ C’est
ainsi, qu’à l’occasion du festival de jazz à Montreux, au sein de son trio, je n’ai pas
joué de l’harmonica, mais de la guitare.
Malheureusement, j’ai perdu beaucoup de force dans ma main gauche à cause d’une
thrombose, ce qui complique énormément le jeu à la guitare. Mais, il faut savoir que
dans les années ’50, on me citait dans un même souffle avec des gens comme Herb
Ellis, Barney Kessel, et plus tard, Wes Montgomery. Pourtant, je n’abandonnerai
jamais la guitare. Ainsi, je viens encore de faire restaurer ma Gibson ES175 semi-
acoustique, qu’on appelait parfois la ‘dikke madam’. Philip Catherine a la même. Par
le passé, j’ai aussi beaucoup joué sur une Rickenbaker. D’ailleurs, je suis le premier à
avoir introduit dans le jazz une guitare avec une caisse faite de bois plein. J’ai une
jolie anecdote à ce propos. Un jour en 1963, un fabricant de chez Rickenbaker me
téléphone : ‘Allô, Toots, ce jeune groupe d’Angleterre - je crois qu’on les appelle
Smittles, Dittles… ? Je ne sais plus, mais un de ces gars-là joue sur ta guitare. Ils
seront les invités du Ed Sulivan Show.’ Il s’agissait bien entendu des Beatles qui
venaient pour la première fois aux États-Unis. Je les ai rencontrés à l’époque, et John
Lennon m’a alors raconté qu’il avait acheté sa Rickenbaker après m’avoir vu avec
cette guitare sur une photo de pochette de disque. Il était parti du principe, selon ses
dires, que ‘si c’est bon pour George Shearing, ça doit être vachement assez bon pour
moi.’ Je ne l’oublierai jamais.
Une autre anecdote amusante est aussi liée à la rencontre entre Toots et George
Shearing, le pianiste et compositeur qui, dans les années ’50, a introduit le son afro-
cubain dans le format d’un quintet, entre autres grâce au vibraphoniste Cal Tjader et
au joueur de congas Armando Peraza : Au cours de l’hiver 1951, après avoir attendu
pendant six mois mes documents du service d’immigration, je me suis installé
définitivement aux États-Unis. L’année avant, j’avais effectué une tournée européenne
avec le sextet de Benny Goodman, et, tu peux me croire ou non, mais c’est de
Belgique qu’est venu le moins d’intérêt pour ce travail !
A New York, j’ai ensuite encore dû attendre six mois avant de recevoir mon Union
Permit. Mais, je savais que toute cette patience serait payante un jour, même s’il ne
faut pas s’imaginer que je me suis rapidement enrichi.
Un soir, Tony Scott, un véritable frère musicien, est venu me voir, dans un café de
New York, où je prenais un verre avec quelques musiciens. Il disait m’avoir entendu
par hasard jouer de la guitare au Birdland, où je jouais effectivement de temps à autre,
à l’occasion de leurs Jam Session Nights du lundi. Il avait visiblement été
impressionné. En effet, il tenait absolument à me présenter à George Shearing, encore
le même soir, puisque son guitariste, Dick Garcia, venait d’être appelé par l’armée.
Nous voilà donc partis, tous les deux, vers cet énorme Carnegie Hall, où George
Shearing jouait ce soir-là un double concert, avec Billy Eckstine, qui était comme lui
sous contrat chez MGM. En un rien de temps, je me suis retrouvé dans la loge de
George Shearing : ‘Salut George, comment vas-tu ? Je tiens ton homme ! Écoute-le !’
J’ai alors joué ‘Body and Soul’ sur mon harmonica, que j’avais alors toujours en
poche. ‘Et, il joue aussi de la guitare…’ C’était là mon premier contact avec George
Shearing.
Une semaine plus tard, je devais jouer à Philadelphie, pour le Dinah Washington
Show, au Earl Theater, avec le Charlie Parker All Stars, au sein duquel Charlie Parker
était entouré de Miles Davis et Milt Jackson. J’ai immédiatement remarqué la
présence de George Shearing dans le public. Il m’a alors fait auditionner directement
après au Rendez Vous Club, où il devait justement jouer la même semaine. J’ai été
immédiatement engagé pour une période d’au moins six ans, période que je peux
définir comme étant l’aboutissement de ma formation.’
Détail intéressant, en 1946, George Shearing, né de parents londoniens, s’établissait
aussi définitivement aux États-Unis.
En réalité, la carrière de Toots est composée en grande partie, depuis des décennies,
d’un enchaînement considérable de rencontres, avec des musiciens de jazz
importants : ‘J’en ai rencontré des musiciens dans ma vie. En 1955, comme membre
du George Shearing Quintet, je me suis retrouvé dans le même bus que Count Basie,
Lester Young, Stan Getz et le Miles Davis Quintet. Ensemble, nous formions le soi-
disant Birdland All Stars, tu sais bien, ce fameux club de jazz, à cette époque-là. En
face de moi, se trouvait Billie Holiday, avec son chien sur les genoux, un chiwawa.
Son mari était assis à côté d’elle, et à côté de moi, se trouvait Eddie Jones, le
contrebassiste de Count Basie.

De tous les pianistes avec lesquels j’ai alors enregistré, je considère que Bill Evans
reste encore le monument. Mais je dois bien reconnaître que j’avais une admiration
sans bornes pour le bassiste Jaco Pastorius.
De tous les musiciens de jazz belges de l’ancienne génération, je garde surtout de
bons souvenirs de Jacques Pelzer. Il est venu jouer à l’occasion de mon septantième
anniversaire, comme moi plus tard pour le sien, à Andenne. Peu de temps après, aux
États-Unis, j’apprenais son décès. J’ai alors téléphoné à Steve Houben pour qu’il fasse
parvenir des fleurs en mon nom.
En 2000, trois jours avant mon anniversaire, j’ai été invité à Rochester, New York,
par la Eastman School of Music, où j’avais conduit un workshop en 1972, car on me
considérait comme l’exemple d’un musicien à cent pour cent professionnel, qui avait
non seulement joué avec les plus grands, mais qui se sentait en plus à l’aise dans tous
les styles : jazz, musique de film, de publicités… Tu te rends compte, je devais donc
aller jouer là-bas et répondre aux questions de jeunes qui connaissaient mieux la
musique que moi ! Donc, vingt-huit ans plus tard, à la demande d’une association de
jazz suédoise, cette école avait demandé à Maria Schneider d’écrire une série
d’arrangements pour moi. Maria Schneider avait été diplômée dans cette école, et cela
faisait plus ou moins huit ans qu’on travaillait assez régulièrement ensemble. Je n’en
croyais pas mes yeux, ni mes oreilles. Ils avaient rassemblés suffisamment d’étudiants
pour former deux orchestres de jazz complets. J’ai alors décidé de jouer un set avec
chaque orchestre, dans ce splendide Eastman Concert Hall, beaucoup plus grand que
le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, qui était comble !
‘Spartacus’, le morceau que j’ai joué au Jazz Middelheim 2001, avec Maria Schneider
et le Brussels Jazz Orchestra, est un morceau que Maria a composé spécialement pour
moi. On a alors aussi joué ‘Wine and Roses’, un arrangement que j’ai écrit, ainsi
q’une de mes compositions, ‘Song for my Lady’.
Cela me fait très plaisir de constater qu’il y a de nombreux musiciens de jazz
excellents, en ce moment, en Belgique, et surtout des saxophonistes, ténors et altos :
Frank Vaganée, Ben Sluijs, Jeroen Van Herzeele, Bart Defoort, Kurt Van Herck,
Fabrizio Cassol, Erwin Vann, Manuel Hermia… trop pour les citer tous ! J’espère en
tout cas que tous ces jeunes musiciens bénéficieront de plus de publicité que moi en
1950, quand j’ai joué en Belgique, avec Benny Goodman, à l’occasion d’une tournée
européenne. A peine quelques lignes dans les journaux, alors qu’en Suède, les
quotidiens étaient remplis de critiques élogieuses : ‘Un Européen avec Benny
Goodman qui joue de l’harmonica et de la guitare !’
Et dire que Benny Goodman m’a engagé à l’époque, après avoir entendu une bande
enregistrée dans un garage, sur laquelle je jouais mon arrangement sur ‘Stardust’,
avec Francis Coppieters, Freddy Rotiers, Jean Warland et un quatuor à cordes.
Dès lors, on a pu jouer ce morceau avec Benny Goodman, presque partout en Europe.
Sur ‘The Live Takes’ (Quetzal/Virgin), je joue ‘Stardust’ en duo avec Michel Herr.
C’est un enregistrement réalisé au Singel à Anvers, en décembre 1998. J’ai joué le
même morceau, il y quelques années, à Rome, également avec Michel Herr. Il fallait
voir la folie du public quand j’ai annoncé que j’avais interprété ce morceau avec
Benny Goodman en 1950 ! Il n’y a pas de plus beau signe de gratitude et de
reconnaissance.’

Toots décrit ainsi sa collaboration avec les pianistes : ‘Je considère encore maintenant
la chair de poule comme ma meilleure antenne. Voici environ trois ans, je devais
jouer avec Kenny Werner au Dakota Bar & Grill, un restaurant réputé au Minesota,
qui organise des concerts trois à quatre fois par semaine. Quatre ans auparavant,
quand j’ai entendu Kenny pour la première fois, il m’a tellement donné la chair de
poule, que j’ai eu beaucoup de peine à m’endormir. Pour ce concert, nous étions donc
arrivés un jour plutôt, et nous avions décidé, pour faire connaissance, de manger là où
on allait jouer le lendemain. On y a entendu une formation de jazz, avec une
chanteuse. Mais, on ne pouvait pas les voir, le podium se trouvait un peu en contre-
bas dans un coin. Tout à coup, en entendant les premières notes au piano, je sens que
cela me reprend : la chair de poule ! J’ai rencontré le pianiste à l’issue du concert,
c’était Bill Carrothers.
Un mois ou deux plus tard, je devais jouer à Minneapolis. Et, comme Kenny Werner
n’était pas disponible, j’avais demandé de pouvoir faire appel à Bill Carrothers. J’ai
alors pu expérimenter sa très grande virtuosité en direct. Et, quelques années plus tard,
on allait de nouveau avoir l’occasion de jouer quelques fois ensemble : d’abord quatre
jours à St. Louis, avec Billy Hart à la batterie et Ray Drummond à la contrebasse, au
Jazz at the Bistro Club, où Dee Dee Bridgewater chante de temps en temps, et ensuite,
au Festival Jazz Middelheim, avec Nicolas Thys à la contrebasse et Dré Pallemaerts à
la batterie. Deux ans plutôt, j’y avais emmené Kenny Werner et, encore quatre ans
auparavant, c’était Brad Mehldau que j’emmenais à ce festival. Brad Mehldau est
encore un de ces pianistes magnifiques qui m’a aussi donné beaucoup la chair de
poule. Je l’ai rencontré grâce à Kenny, qui l’avait invité un jour à jouer avec moi à
Los Angeles, parce que lui-même devait se produire le même jour au Japon, avec Joe
Lovano.’
Jaco Pastorius, bassiste légendaire, décédé le 21 septembre 1987, à l’âge de trente-
cinq ans, représente une histoire à part : ‘Le café le plus fort que j’ai bu dans ma vie
s’appelle Jaco ! Je l’ai rencontré pour la première fois à Berlin, en 1979. Il venait de
quitter Weather Report, et tournait un peu en rond, en solitaire, dans le monde entier.
Il devait jouer en solo à Berlin, au même festival où je me produisais par hasard aussi
avec Bruno Castellucci et Rob Franken. J’ai appris plus tard, qu’à l’occasion d’une
conférence de presse, un journaliste lui avait demandé quel artiste, présent à l’affiche,
il choisirait pour jouer en duo, si on le lui proposait. Il a alors répondu sans aucune
hésitation : ‘Donnez-moi Toots !’ On lui a alors tout de suite proposé. Je le vois encore
devant moi : lui, seul, avec sa Fender Jazz Bass, non frettée, sautillant sur cet
immense podium, et puis, tout à coup, un silence : ‘J’aimerais inviter Toots
Thielemans à me rejoindre sur scène !’ Nous avons alors joué ‘Sophisticated Lady’
ensemble.
Je n’oublierai jamais l’impression que m’a laissé Jaco à l’occasion de notre première
rencontre : un jeune chef indien, avec ce beau bandeau autour de la tête, et ses longs
cheveux élégants, au vent.
Un peu plus tard, il me racontera que son père, John Francis Pastorius (Jack pour les
amis), lui-même batteur et chanteur, lui répétait souvent, quand il était encore enfant :
‘Un jour, mon fils, tu joueras avec Toots, et seulement alors, tu auras joué avec un
vrai musicien.’ J’ai alors compris ce qu’il m’avait chuchoté à l’oreille, après avoir
joué ‘Sophisticated Lady’ à Berlin : ‘Mon père avait raison…’
Par un beau jour d’été, alors que j’étais de nouveau à New York, je reçois un coup de
téléphone de Jaco, pour me demander si je n’avais pas envie de jouer avec lui sur son
album ‘Word of Mouth’. Il n’a pas dû me le demander deux fois.
Quelques mois plus tard, le 09 décembre 1980, pour être précis - on avait assassiné
Lennon le jour avant - Jaco me téléphone, dans tous ses états : ‘Papa - car c’est ainsi
qu’il m’appelait - tu dois venir en Floride !’ En effet, il fallait encore réaliser
quelques enregistrements complémentaires. J’étais en réalité à Bruxelles, et je ne
pouvais pas partir, car j’avais toute une série d’engagements aux Pays-Bas, avec
Bruno et Rob. Je lui ai alors demandé s’il ne pouvait pas venir jusqu’ici. Après tout,
nous avons aussi d’excellents studios. Il a alors accepté ma proposition, et nous avons
réalisé les prises au Studio Cathy, de Marc Arian, à Ohain.
Je le vois encore, devant ma porte à Molenbeek : habillé simplement, en jeans, avec sa
basse sur le dos. La manière dont il est arrivé jusqu’ici le caractérise tout à fait.
‘Comment j’arrive à Bruxelles de Miami ?’ m’avait-il demandé, en m’appelant de
Fort Lauderdale, où il habitait à l’époque. Mais, mes explications n’avaient
visiblement pas servi à grand chose. Monsieur n’avait rien trouvé de mieux que de
prendre un avion pour Washington, et de là un Concorde vers Paris, et puis ensuite
encore un autre avion vers Bruxelles. Ainsi, il est non seulement arrivé beaucoup plus
tard que prévu, mais en plus, tout ce voyage lui avait coûté 4.000 dollars plus cher.
Mais, il s’en foutait un peu de tout ça. En effet, il avait alors un très bon contrat avec
Warner, où ils étaient persuadés que Jaco vendrait autant d’albums que les ‘Doobie
Brothers’ ou Alice Cooper, par exemple. On avait donc mis un énorme budget à sa
disposition, pour financer l’enregistrement de l’album, ainsi que tous les à côtés. Jaco
me téléphonait tout le temps pendant le mixage, qui avait lieu à New York, pour me
faire entendre le résultat : ‘Papa, écoute ça…’ Il avait un cœur en or. Quand je me
suis retrouvé à l’hôpital, après mon opération, il m’a fait entendre au téléphone qu’il
apprenait à jouer de la contrebasse, simplement pour me requinquer. ‘Papa, tu vas
venir au Japon avec moi !’, me dit-il, au moment de ma rééducation. Il devait s’y
rendre pour une tournée de dix concerts. Je lui fis comprendre que c’était
probablement un peu exagéré. Mais bon, j’ai fait venir mon médecin au concert donné
à Avery Fisher, où je jouais avec Jaco. A l’entracte, la première chose que mon
médecin m’a dit était : ‘Toots, va au Japon ! Ce gars, c’est le meilleur médicament
pour toi !’ Sur le cédé ‘Jaco, Live in Japan’, on entend le résultat. On y entend Bob
Mintzer aussi. J’ai vu Jaco écrire rapidement les dernières mesures de l’arrangement
pour big-band de ‘Sophisticated Lady’, quand nous étions dans le Bullet Train.’
Tout à coup, Toots se met à jouer les accords de ‘Three Views of a Secret’ sur sa
guitare, et l’esprit de Jaco se trouve clairement parmi nous.

Les artistes étrangers n’expriment que des éloges sur notre Toots. Un échantillon de
ces réactions :
Ronny Jordan : ‘Je considère Toots comme un des musiciens de jazz les plus
importants au monde, avec un son absolument unique. Aucun autre guitariste n’aurait
jamais eu l’idée de siffler à l’unisson sur ses propres solos. Toots l’a fait, et a ainsi
réussi à complètement tournebouler le monde du jazz ! De plus, comme guitariste, il a
toujours été lourdement sous-estimé.’
Maria Schneider : ‘J’ai rencontré Toots pour la première fois en 1993. On m’avait
demandé d’écrire un projet pour le Norrbottens Big Band en Suède. Ils m’ont alors
demandé pour quel artiste j’aurais envie d’écrire. J’ai alors répondu ‘Toots’. Je
n’avais à ce moment-là aucune idée de l’amour que lui portait la Suède. Toots parle
même le suédois. Je me suis donc mise à arranger des morceaux qu’il aimait jouer.
Quelle excitation quand il a commencé à jouer mes arrangements. La vie ne peut rien
vous apporter de mieux. Tout l’orchestre l’admirait, le sourire aux lèvres. Il est
fascinant. La beauté de sa musique est indescriptible. J’ai eu la chance de jouer avec
lui au sein d’autres formations : le Stockholm Jazz Orchestra, le Danish Radio
Orchestra, et bien entendu, le Brussels Jazz Orchestra. Ce fut formidable de faire de la
musique, avec Toots, en Belgique, avec le Brussels Jazz Orchestra. On ressentait
clairement l’émotion et la fierté de l’orchestre de pouvoir jouer avec lui. Visiblement,
ils l’adorent, et sont particulièrement fiers de le connaître. Tout cela donnait un
caractère particulier à l’événement. Quant à Toots, il semblait extraordinairement
inspiré de jouer avec eux, et en plus, à Bruxelles. J’espère vraiment que d’autres
opportunités se présenteront pour pouvoir jouer avec Toots. Faire de la musique avec
Toots, c’est vivre l’expérience de la musique, quand elle va au-delà de la musique.
C’est ce genre d’expérience que je recherche toujours.’

Kenny Werner : ‘Toots, avec lequel je joue maintenant depuis près de sept ans, est
l’artiste le plus respectueux et le plus compréhensif que l’on puisse s’imaginer. De
plus, son talent extraordinaire continue de m’épater, jour après jour !’

Dave Brubeck, avec qui Toots dialoguait autour des concepts d’harmonie et de
contrepoint, voici cinquante ans, dans un bus de tournée, me déclarait dernièrement, à
l’issue d’un concert donné en 2000 au Palais des Beaux-Arts : ‘C’est un des plus chics
types, et définitivement le musicien le plus unique que j’aie rencontré dans toute ma
vie. Ah, s’il pouvait y avoir plus de gens comme Toots sur cette terre !’

Toots continue de publier des albums avec la régularité d’une montre suisse. Ainsi,
ces deux dernières années ont vu l’édition de trois cédés sous son nom :
- ‘The Live Takes’ (Quetzal/Virgin), avec des morceaux enregistrés à l’occasion de
différents concerts en Belgique et aux États-Unis, sur lesquels on peut entendre quatre
sections rythmiques différentes, avec Nathalie Loriers (p), Sal La Rocca (b) et Bruno
Castellucci (dm) / Kenny Werner (p), Ray Drummond (b), et Jukkis Uotila
(dm)./Michel Herr (p), Michel Hatzigeorgiou (elb) et Bruno Castellucci (dm)/ Kenny
Werner (p), Jay Anderson (b) et Adam Nussbaum (dm).
- ‘Hard to Say Goodbye - The Very Best of Toots’ (Emarcy-Universal) avec des
contributions de e.a. Quincy Jones, Shirley Horn, Lionel Richie, Rogier van Otterloo,
Paulinho DaCosta, Ian Underwood, Philip Catherine, Ferdinand Povel, Rob Franken,
Mike del Ferro, James Anthony Carmichael et Kenny Werner.
- ‘Toots Thielemans & Kenny Werner’ (Emarcy/Universasl) : le fruit de sept années
d’une collaboration intensive avec un grand pianiste et compositeur. Le cédé a été
enregistré dans la cafétéria d’une imprimerie à Kalmhout (toutes les personnes
présentes sont citées avec leur nom dans le livret du cédé). Le duo interprète de façon
inimitable une série de classiques et de standards, en se mettant quelques instants dans
la peau de Herbie Hancock, Bill Evans, Frank Sinatra, Chick Corea, Walt Disney,
Charlie Chaplin et J.S. Bach (écoutez attentivement à quel point Brel a dû, en son
temps, écouter la ‘Sicilienne’…). On y trouve aussi une composition de Kenny, une
ballade de haute facture.
‘Écouter ce cédé, c’est un peu comme quand on revient à la maison, après une longue
et froide route dans la nuit noire. On enlève ses chaussures, et on s’enfonce dans un
bon fauteuil. En réalité, on s’est toujours senti bien chez soi à l’écoute de Toots
Thielemans.’ (Stage Magazine, août 2001)
Enfin, dans la série de près de cent cédés, publiée dans la collection ‘Jazz in Paris’
(Universal), on trouve un cédé de Toots, datant de 1961, sous le titre de ‘Blues pour
flirter’. On l’y entend exclusivement à la guitare, avec à ses côtés, George Arvanitas
(p), Roland Lobligeois (b) et Philippe Combelle (dm).
Vous trouverez une foule d’informations complémentaires en consultant le site
officiel de Toots sur la Toile : www.tootsthielemans.com
HISTORIQUE DU JAZZ BELGE
Sim Simons
Introduction
Dans un contexte historique, il serait illusoire de prétendre à l’exhaustivité. Plusieurs
ouvrages essentiels, d’une valeur inestimable, relatent l’évolution du jazz belge. Si
vous vous intéressez réellement au sujet, cela vaut la peine de vous les procurer : on
peut encore les trouver. L’incontestable champion dans le domaine est Robert Pernet.
Ses ouvrages sont le résultat d’années-lumière d’études, de recherches et de moissons
diverses. Sa bible - Jazz in Little Belgium - date de 1966. La partie contenant les
enregistrements a été retravaillée 33 ans plus tard et rebaptisée Belgian Jazz
Discography. L’histoire était prévue, mais Robert n’a pas pu achever son projet.
Heureusement, une ébauche en a été publiée dans Sabam 75, 1922-1999, un précieux
recueil de documents.
Citons encore Jean-Pol Schroeder, historien incontournable, notamment dans son
introduction au Dictionnaire du Jazz à Bruxelles et en Wallonie (même si
géographiquement il s’étend plus au Nord) et dans les biographies de musiciens
rédigées par Marc Danval, Robert Sacré, Bernard Legros, Michel De Rudder et
Robert Pernet. Son Histoire du Jazz à Liège est tout aussi essentielle. A l’instar de
Robert qui était batteur, Jean-Pol a brûlé les planches internationales : en mai 1982 il
se met au piano pour enregistrer Jazzmatic pour le label MD de Michel Dickenscheid
en compagnie de Fabrizio Cassol. Jean-Pol a jeté, avec Jean-Marie Peterken, les bases
de la Maison du Jazz à Liège (www.jazzaliege.be). Il en est le conservateur dévoué.
La publication de son magazine Jazz in Time a dû s’arrêter mi-94, mais il reste une
mine précieuse d’informations. C’est avec reconnaissance que je fais régulièrement
référence aux travaux de recherche, surtout ceux de Pernet et Schroeder.
Les magazines Jazz in Time, L’Actualité Musicale, Jazz Hot, Jazz 57 & 58, Swingtime
(édition en néerlandais), Jazz’halo, J@zz@round, Jazzmozaïek et Jazzman, ainsi que
témoignages d’un grand nombre de musiciens et de critiques de jazz m’ont également
servi de sources.

Robert Pernet (1940-2001) a ressenti un intérêt pour le jazz en écoutant les


enregistrements Ronnex de ‘l’Américain’ Freddy Sunder. Il s’est mis à collectionner
les 78 tours, les magazines et les livres. Les disques des musiciens belges l’ont incité à
les contacter et peut-être à écrire un livre sur le jazz belge. Bien des choses étaient
publiées sur le jazz en général. L’un des chevaux de bataille de Pernet était la
préhistoire du jazz : le ménestrel(show), le ragtime et le cakewalk. Il avait trouvé des
traces évidentes des deux premiers en Belgique.
Mais il voulait aussi vivre le jazz en tant que musicien : il choisit la batterie et
commença à travailler régulièrement à la Rose Noire à Bruxelles avec Jacques Pelzer.
Au Blue Note, il rencontra le propriétaire et bassiste Benoît Quersin, qui l’engagea à
de nombreuses reprises et le mit en contact avec Toots Thielemans. Début 1960, il a
joué deux semaines avec Toots. ‘Une période au cours de laquelle j’ai plus appris que
certains en dix ans …’ Il devient ensuite le batteur du quartette du saxophoniste ténor
Babs Robert et réalise des enregistrements avec lui en 1965, 1968 et 1970. ‘Jazz
avant-gardiste mais toujours structuré, pas de free jazz…’ In 1968, il enregistre
également avec Philip Catherine alors âgé de seize ans et en 1972 avec Stéphane
Grappelli et Roger Vanhaverbeke. Ces derniers jouaient à l’époque chez Pol Lenders
(voir ci-dessous). En 1960, il apparaît également dans un court-métrage intitulé
Europe Jazz avec Toots, Sadi et Quersin. 20 ans plus tard, on le voit dans un
documentaire BRT sur le jazz belge dont les deux parties sont diffusées en une seule
fois. Le musicien devient moins actif : ses derniers ‘gigs’ furent ceux de Jazz for Fun,
groupe de vétérans belges comme Herman Sandy (tp), Roger Asselberghs (cl) et Alex
Scorier (ts).
Précisions
Nous avons essayé d’évoquer le portrait des musiciens, le profil de l’amateur de jazz,
les opportunités d’engagement, les médias, le jazz d’aujourd’hui et de la dernière
décennie, et les distinctions comme le Django d’Or. Ensuite, certains projets récents et
relatifs à la formation de jazz ont retenu notre attention. L’histoire se déroule donc à
l’envers : du présent vers le passé.
Nous retournons à Adolphe Sax et aux sources : la préhistoire. Le jazz apparaît en
Europe. La Belgique est en première ligne, surtout dans les années pré-jazz du ragtime
et des big-bands de l’ère swing. La deuxième guerre mondiale rend la vie difficile au
jazz, mais offre, paradoxalement, du travail aux musiciens. En 1949, deux groupes
belges se produisent au festival de jazz de Paris.
L’histoire du jazz est ensuite faite de portraits de musiciens, artisans du passage du
swing au be-bop : Bobby Jaspar, Benoît Quersin, Jacques Pelzer, Francy Boland, Sadi
et Jean Warland qui travaillaient à Paris à l’époque, d’autres comme Jack Sels, Roger
Asselberghs, Rudy Frankel, Freddy Rottier, Jean Fanis, ainsi que ceux qui ont planté
les jalons de la musique actuelle : Roger Vanhaverbeke, Félix Simtaine et Richard
Rousselet.
Sur le plan historique, l’Exposition universelle de 1958 a relancé la production de
disques de jazz. Les décennies suivantes connaîtront aussi des hauts et des bas. De
grands festivals voient le jour : à Comblain, à Bilzen et au Jazz Middelheim, on
découvre le Clarke-Boland Big Band et l’orchestre de jazz de la BRT avec Etienne
Verschueren. Juste avant 1970 naît l’improvisation musicale et en 1976, le collectif de
musiciens les Lundis d’Hortense est fondé.
Dans cette unité et cette diversité, nous abordons aussi les traces du jazz ‘ancien style’
et de la période swing. Pour certains musiciens, nous indiquons l’instrument par les
abréviations suivantes :

acc accordéon
arr arrangeur
as saxophone alto
b basse
ban bandonéon
bb basse en cuivre (tuba, sousaphone)
bcl clarinette basse
bjo banjo
bs saxophone baryton
bugle flugelhorn
cello violoncelle
cl clarinette
cnt cornet
dm batterie
el b basse électrique
el p piano électrique, Fender
fl flûte traversière
g guitare
hca harmonica
ky clavier
lead leader
mar marimba
mel mélophone
ob hobo
org orgue
p piano
perc percussion
ss saxophone soprano
synth synthétiseur
tp trompette
tb trombone
ts saxophone ténor
tu tuba
vib vibraphone
vln violon
voc vocal, chant
Little Belgium?
L’histoire du jazz en Belgique est celle d’un petit pays dont le rayonnement s’est
étendu sur plusieurs périodes. Il est difficile d’établir des limites strictes. Un nouveau
chapitre vient de commencer grâce à une nouvelle génération de musiciens
d’excellente qualité et d’un foisonnement étonnant, enrichi et en partie dominé par
quelques valeurs sûres, qui ont su évoluer dans le même temps.
A l’échelon international, Toots Thielemans reste au sommet de cette longue liste.
Dans son voisinage citons Philip Catherine qui conduit une cohorte de guitaristes :
Peter Hertmans, Fabien Degryse, Jacques Pirotton, Jeanfrançois Prins, Pierre Van
Dormael, Paolo Radoni, Pierre Lognay, Maxime Blésin, Stéphane Martini, Frankie
Rose, Raphaël Schillebeeckx, Guy Raiff, Patrick Deltenre, Hendrik Braeckman, Hans
van Oost, Karel Van Deun, Marco Locurcio et Mimi Verderame. Entre autres … Les
saxophonistes sont également largement représentés : Steve Houben, Ben Sluijs,
Frank Vaganée, Kurt Van Herck, Bart Defoort, Erwin Vann, Pierre Vaiana, Fabrice
Alleman, Jeroen Van Herzeele, Fabrizio Cassol, Peter et Johan Vandendriessche,
André Goudbeek, Dieter Limbourg et Bo Van der Werf. Au niveau européen, voire
mondial, nous trouvons les trompettistes Bert Joris et Richard Rousselet, les pianistes
Nathalie Loriers, Michel Herr, Eric Legnini et pour l’improvisation libre Fred Van
Hove, le tubiste-tromboniste Michel Massot, les trombonistes Phil Abraham et Marc
Godfroid, le sax alto Steve Houben et le chanteur David Linx. Parmi les autres
flûtistes, épinglons, outre les saxophonistes cités, Stephan Bracaval et Els De
Doncker. Le Brussels Jazz Orchestra est de niveau mondial.
Ivan Paduart, Erik Vermeulen, Kris Goessens, Diederik Wissels, Kris Defoort, Anne
Wolf et Pirly Zurstrassen sont des pianistes de très grand talent. Charles Loos est
assurément le personnage le plus polyvalent de l’histoire récente du jazz belge.
Philippe Aerts, Nicolas Thys, Bart De Nolf, Piet Verbist, Sal La Rocca, Mario
Vermandel, Michel Hatzigeorgiou, François Garny et Daniel Romeo sont des
bassistes de grand renom, tandis que le flûtiste Pierre Bernard et les trompettistes
Laurent Blondiau, Gino Lattuca, Nico Schepers, Serge Plume et Bart Maris méritent
également d’être cités.
Dans le domaine de la lounge music, Marc Moulin perfectionne un concept qui a valu
le succès en France à Saint-Germain, et qu’il avait déjà développé précédemment. Ce
style n’est pas apprécié par tous les amateurs des jazz (pour autant que cette typologie
reste, sur le plan du contenu, identique à jadis). Dans la fusion avec le rock et les
musiques du monde, Aka Moon est une référence.
Chris Joris reste le percussionniste le plus important (suivi de près par Michel Seba) et
le batteur Dré Pallemaerts demeure le numéro un, le ‘vieux’ Felix Simtaine reste une
source inépuisable d’énergie pour divers projets comme le mini-bigband Ten-
Tamarre. Les bassistes Jean Warland et Roger Vanhaverbeke couvrent pratiquement
tout un siècle d’histoire du jazz en Belgique (et en Europe) tandis que le vibraphoniste
Sadi a mis un terme à sa carrière en 1999. Le trompettiste Richard Rousselet, le
vibraphoniste Guy Cabay, le pianiste Tony Bauwens et les batteurs Bruno Castellucci
et Tony Gyselinck restent des talents ‘avec un arbre généalogique’. Bauwens s’est
arrêté en 2002.
Les portraits contenus dans cet ouvrage proposent un large éventail de ce firmament
national du jazz. Vous les y retrouverez en partie, mais vous y découvrirez aussi les
jeunes qui piaffent d’impatience comme les saxophonistes Koen Nijs, Tom Van
Dijck, Bruno Vansina, Tom Mahieu, Nicolas Kummert, Sara Meyer, Rhonny Vhentat,
Franky Van der Slock, Frédéric Delplancq, Daniel Pollain, Bart Borremans, Robin
Verheyen, Jonas Janssens, Toine Thys et Mark De Maeseneer, les pianistes Bart Van
Caenegem, Jef Neve, Ewout Pierreux, Dominique Vantomme, Jozef Dumoulin, Fré
Desmyter, Marie-Sophie Talbot, Philip Joossens, Pascal Mohy et Bram Weyters, les
vibraphonistes Bart Quartier et Jan Nihoul, les trompettistes Alexandre Plumacker,
Sam Versweyveld, Sam Vloemans et Gregory Houben, les guitaristes Dirk Van der
Linden (également pianiste et organiste), Anthony Claeys, Peter Verhelst, Louis
Verhelst, Dries Verhulst, Tim Vets, Pieter Thijs, Filip Wouters et Quentin Liégeois, le
violoniste Alexandre Cavalière, les bassistes Martijn Van Beul, Samuel Gerstmans,
Christophe Devisscher, Peter Verhaegen, Cedric Waterschoot, Janos Bruneel, Benny
Van Acker, Thomas Sainderichin, Leen Van Reyn, Steven Van Loy et Dajo De
Cauter et les batteurs Lieven Venken, Yves Peeters, Olivier Wery, Nico Manssens,
Stephan Pougin, Jan De Meyer, Tom Dewulf, Steven Cassiers, Chryster Aerts, Teun
Verbruggen et Isolde Lasoen, de même que le percussionniste Frédéric Malempré. Et
– avec toutes nos excuses pour les omissions – encore bien d’autres.

L’amateur
Le public des concerts de jazz constitue un univers relativement restreint. On
rencontre un noyau dur dans pratiquement tous les événements intéressants, de Liège
à Bruxelles, d’Anvers à Gand en passant par Bruges. Il serait évidemment souhaitable
que ce nombre s’accroisse pour la viabilité des concerts, dont les organisateurs
devraient mieux se concerter pour éviter les chevauchements. C’est ainsi que la
période de l’ Audi Jazzfestival qui se tient à l’automne s’inscrit – en dépit des bonnes
volontés – dans une offre déjà excédentaire.
La Belgique est un pays où tout est proche de tout : organiser des tournées de groupes
américains coûteux à différents endroits du pays pour se partager les frais ne semble
pas être une idée lumineuse. Par contre, les JazzLab Series programment avec succès,
dix fois par an et sur de courtes périodes, une douzaine de concerts de groupes belges,
ainsi que le font les Tournées des Lundis d’Hortense, comptant chaque fois quatre
spectacles.
Au départ, l’amateur de jazz moyen n’est pas un grand acheteur de cédés. Le chiffre
d’affaires de la musique de jazz des magasins de disques oscille entre 3 et 5 %. Les
points de vente de cédés ne font guère la promotion des productions belges. Les labels
belges (et il y en a pas mal) qui se choisissent un distributeur n’obtiennent pas
toujours le résultat escompté. L’initiative personnelle et la vente lors de concerts ont
davantage de succès. Les magasins spécialisés en jazz sont rares dans le pays : Jazz
Note à Anvers est, en fait, le seul de ce type. Music Inn à Bruxelles et Banana Peel
Records à Ruiselede méritent également d’être cités. Parmi les labels nationaux
indépendants (voir aussi Jazz’halo n° 15, novembre 2000), signalons Igloo, W.E.R.F.,
Carbon 7, Lyrae, Mogno, Quetzal, Travers, Jazz’halo (Tonesetters-vkh), J.A.S.,
Ispahan.
L’âge de l’amateur de jazz varie en général entre 30 à 55 ans. Le blues et surtout le
jazz international, plus crossover attirent un public légèrement plus jeune. Le public
est parfois saisonnier. En été par exemple, des concerts de jazz s’organisent à la côte.
Les golden fifties du Casino de Knokke et les jam sessions de La Réserve et du Duc
de Buckingham de Blankenberge appartiennent au passé depuis longtemps. Lorsque le
jazz, après le swing, prétendit devenir une musique de danse, bon nombre de
fanatiques décrochèrent. On constate aussi des diversités géographiques sensibles : si
jadis le triangle Bruxelles-Anvers-Liège était déterminant, l’ouest (Gand, De Werf-
Bruges - depuis 1986), et l’est comme le Limbourg (Motives For Jazz/Jazzconnection
Limbourg - depuis 1997) prennent aussi de l’importance.
Clubs et opportunités
Exit le Brussels Jazz Club sur la Grand-place et bonjour le Music Village et le
programme du pianiste Ivan Paduart. C’est la vie du jazz : il va, vient, s’en va à
nouveau… Bruxelles n’est plus La Mecque des clubs de jazz, le temps du Caveau du
Corso, du Cosmopolite, du Boeuf sur le toit, de la Rose Noire est largement révolu.
Tout comme à Anvers, celui de l’Exi Club, du September et du Riverside ; et à Liège
celui du Jazz Inn, du Lion s’Envoile, du Jazzland (1974-1976 exploité par Jean-Marie
Hacquier) ou encore du Chapati de Spa. Les calendriers datant de 1985 nous
apprennent l’existence de clubs comme le Oude Poort (Hingene), ‘t Brughuis à
Wachtebeke, Crazy Bol à Alost, Toots’ Jazz Club (Zottegem), Gasthof Heidelberg
(Loppem) et du Banana Peel Jazz Club qui existe toujours - ‘mini-théâtre pour le jazz
et le blues’, qui a, entre autres choses, publié pendant plus de 6 ans le magazine
Swingtime.
Cela va et (re)vient : fini le Travers et Jules Imberechts qui est rapidement devenu le
Brumuse. L’Athanor Studio a repris l’espace de Marcus Mingus. Le Sounds
programme quotidiennement du jazz (depuis 1986). A Anvers, le Jazzcafé Hopper le
fait aussi, depuis environ 10 ans, 4 jours par semaine. On attend depuis longtemps le
So What Jazzclub annoncé. Quelques petites communes sortent aussi du lot : le Jazz 8
à Spy, La Fabrique à Frameries, le Finz’Erb à Mons, le Maazz et le Sjruur à Hasselt,
le Lokerse Jazzklub, le Art Home à Oupeye, base du Jazzamor festival. Le Hnita Jazz
Club, fondé à Heist-op-den-Berg en 1955, à une époque plus (financièrement)
favorable est un cas à part. Gand possède notamment l’Opatuur, les jazzcafés
Damberd et den Turk et l’ambitieuse Gele Zaal toute rénovée. Triste disparition (sur
le plan géographique également) que celle du club De Kave à Lauwe. Chez nos
voisins proches citons le Porgy & Bess à Terneuzen et l’Inoui à Redange. Une place
de choix doit être réservée à la période 1959-1991 et des clubs bruxellois de Pol
Lenders (1917-2000), du Carton au Pol’s Jazz Club (Pol’s Place) en passant par le
Biérodrome. Lenders chantait volontiers ses ‘blues gratinés’ et folkloriques. Mais il
disait: ‘Le free, c’est de la merde…’. Personnage tout aussi illustre, Jean-Marie
Hacquier est installé à Liège depuis 1961 et mitonne toujours un excellent programme
sur le bateau L’ex-Cale, à La Brasserie des Terrasses à Liège et dans le Caveau du
Max à Bruxelles.
Dans les centres culturels, le jazz n’est (heureusement) pas laissé pour compte. Après
une interruption d’un an, deSingel a redémarré en 2002-2003. Le centre le plus actif
est De Werf créé à Bruges en 1986. C’est de là que partent les JazzLab Series pour se
rendre dans les centres culturels de Mol, Malines, Anvers (Wijkcentrum Sint-
Andries), Borgerhout (Rataplan), Saint-Nicolas (Foyer De Spiegel), Alsemberg,
Alost, Courtrai. Le CC Luchtbal d’Anvers programme, avec succès, des musiciens
américains et européens.

Les médias
Le jazz ne peut guère compter sur l’aide réelle des médias commercialisés. Ces
derniers considèrent qu’il est logique que cette musique se serve de sa propre presse.
Celle-ci se concrétise dans des magazines comme Jazzmozaïek, Jazz’halo,
J@zz@round et des périodiques étrangers (français) s’intéressant au jazz belge
comme Jazz Hot et parfois Jazzman. Jazz Hot a repris dans ses colonnes de novembre
1948 à 1956 le Hot Club Magazine du Hot Club de Belgique, parfois même en
néerlandais … Il y a aussi les prospectus et mailings des jazzclubs et des organisateurs
de concerts. Des rubriques de jazz régulières comme celles de Mon Devoghelaere et
Juul Anthonissen n’existent plus, l’offre télévisée et radiophonique est insignifiante :
en 2002, la RTBF accorde à Philippe Baron un peu plus de temps d’émission que la
VRT à Marc Van den Hoof et la BRF à Walter Eicher. Pourtant, la profusion
d’enregistrements, réalisés sous la bannière tant de la BRT- ou BRTN- et de la VRT,
retrace avec précision l’histoire du jazz mais n’a malheureusement guère de chance
d’être un jour publiée. La VAR (Vereniging voor Audiovisuele Regie) n’est pas
jazzminded.
Lorsque Elias Gistelinck a lancé, vers la moitié des années soixante, la section jazz à
la BRT, elle diffusait une heure de jazz chaque jour et proposait aux auditeurs des
programmes mensuels gratuits sur stencils (les ‘livrets verts’ devenus plus tard les
imprimés ‘blancs’). Il est vrai que la RTB – à l’époque l’INR – en avait fait plus en
engageant comme orchestre radio le groupe de Stan Brenders en 1936 et en proposant
toute une série de programmes mettant en scène les célèbres tandems Albert
Bettonville-Carlos De Radzitzky et Nicolas Dor-Jean-Marie Peterken, ainsi que des
émissions comme Regards sur le Jazz (C.D.R), Jazz Vivant (A.B.) avec des récitals en
direct du studio, Jazz à bâtons rompus (A.B. & C.D.R.), Jazz actualités (A.B., puis
Benoît Quersin, qui devint ensuite coordinateur de la section jazz), ‘Cap de nuit’
(Marc Moulin), Jazz pour tous (1956-1969 et à partir de1959 à la télé – N.D. &
J.M.P.). La BRT avait aussi ses titres : Jazzmagazine, Original Jazz, Jazz Is, Duke’s
Place, In de Club, Mixed Jazz, Criss Cross, Bandstand, Jazzimut, Roots and Fruits,
Come Sunday,…
Et… à partir de février 1949, le Hot Club du Congo belge diffusait à Jadotville,
chaque samedi Le jazz, cet inconnu sur les antennes de radio Elisabethville.
Aujourd’hui
Sur le plan de la qualité, le jazz se situe pour le moment au sommet (cela ne fait aucun
doute à la lecture de la longue liste de noms cités dans l’introduction). Fort d’un riche
héritage international grâce à Toots, Bobby Jaspar et René Thomas, le Brussels Jazz
Orchestra commence à percer aux Etats-Unis. Sous la férule du saxophoniste Frank
Vaganée, il perpétue la célèbre tradition de big-band dans notre pays, amorcée dans
les années trente (Stan Brenders, Jean Omer, Fud Candrix). Après ‘The Music of Bert
Joris’ (double cédé sous le label W.E.R.F.) ‘Naked in the Cosmos’ (BJO + Kenny
Werner, au Nightbird) paraîtra début 2003. L’été 2002 a vu renaître la collaboration
avec Maria Schneider pour le projet ‘Sketches of Spain’ (avec le trompettiste Wallace
Roney). Ils se produiront notamment au Northsea Jazz Festival et lors de trois
concerts aux Etats-Unis. L’orchestre de jazz de Hoeilaart a sélectionné de nouvelles
compositions pour big-band. En novembre il y aura le projet Tango! et en juin 2003
seront donnés plusieurs concerts avec le Koninklijk Filharmonisch Orkest de Flandre.
Le bassiste Philippe Aerts (ex-BJO) a joué pendant deux ans à New York avec le
Toshiko Akiyoshi Jazz Orchestra (featuring Lew Tabackin). Après Gus Viseur, Jean
Omer et Sadi, Philip Catherine (avec Bert Joris), Nathalie Loriers, Eric Legnini,
David Linx (avec Diederik Wissels) et Aka Moon ont remporté de francs succès en
France. Phil Abraham (tb) et Serge Plume (tp) faisaient déjà partie de l’Orchestre
national de jazz). Philippe Aerts joue avec le New Decaband de Martial Solal, le duo
de rythme Benoît Vanderstraeten (b)/André Charlier (dm) est très actif notamment
avec Didier Lockwood avec qui ils ont sorti un cédé ‘Onztet de Violon Jazz’. En
1993, ils composaient ensemble le trio belge de Jacques Pirotton.
Parmi les éléments ayant contribué (ou contribuant) à ce succès, notons la formation
des musiciens de jazz et le dynamisme des firmes de disque et de nombreux
organisateurs. De même, le jazz (et pas seulement lui) doit sa nouvelle percée à
l’arrivée du cédé aux environs de l’année 1990. Ce dernier a offert aux musiciens
débutants davantage de possibilités de produire un disque de démonstration. Il est
donc plus correct de définir la dernière décennie comme la période 1987-2002.

Les cédés
Si l’analyse de la transition entre les vinyles et les cédés n’est pas chose aisée, nous
constatons, assez logiquement, que le premier jazzman belge sur cédé fut Toots. En
effet, ce dernier a réalisé, vers la moitié des années quatre-vingts, de nombreux
enregistrements sur les marchés japonais et américain. Chez nous, Igloo a produit, en
1987, ‘Extremes’ du Act Big Band & Guests (de Félix Simtaine (dm), avec Joe
Lovano (ts), John Ruocco (ts), Michel Herr (p, arr), Erwin Vann (ts), Kurt Van Herck
(ts), Peter (as) et Johan Vandendriessche (bs), Bert Joris (bugle, comp, arr), Richard
Rousselet (flhn), Marc Godfroid (tb), Philippe Aerts (b) ainsi que Jean-Pierre Catoul
(vln) en une seule fois : un véritable ‘all-stars band’. L’enregistrement date de 1986,
tout comme ‘Solid Steps’ (Lovano, Joris, Herr, Van de Geyn et Pallemaerts) (Jazz
Club) et ‘HLM’ (Houben-Loos-Maurane) (Igloo), qui avait paru d’abord sur vinyle.
C’est l’époque des rééditions et des compilations comme celle de Juul Anthonissens
‘50 Years of Belgian Jazz’ (Tauro).
En 1990, commence la série de cédé ‘Jazz Hoeilaart International Europ’Jazz
Contest’ (enregistrements de 1989) (d’abord BRT, puis B.Sharp). Le premier disque
de style ancien est le ‘25th Anniversary Album’ du Jeggpap New Orleans Jazzband
(René Gailly) (1987). En 1988 paraissent notamment ‘En public au Travers’ (Charles
Loos), ‘Harmonies du soir’ (Loos-Arnould Massart), ‘Storie Vere’ (Paolo Radoni) et
‘Made in Belgium’ (Trio Bravo). En 1989, citons ‘Lemon Air’ (Guy Cabay),
‘Intuitions’ (Michel Herr), ‘Trio’ (Steve Houben) et ‘El Dorado’ (Pierre Vaiana).
1990 voit naître ‘Modern Gardens’ (J.-P. Catoul), ‘Some Other Thing’ (Pierre
Lognay), ‘Never Let Me Go’ (Jacques Pelzer), ‘Where Rivers Join’ (David Linx),
‘Tender is the Night’ (Diederik Wissels), ‘Quadruplex’ (Fabien Degryse), ‘Some
Sounds’ (Erwin Vann avec Michel Hatzi et Dré Pallemaerts) et ‘Essentiels’ (Eric
Legnini). Cette sélection est parfaitement et volontairement subjective et incomplète.
La boule de neige commence à rouler et à grossir…

La suite…
En 1992 paraissent ‘L’Ame des Poètes’ et ‘Hautes Fagnes’ du H-septet de Pirly
Zurstrassen (p). Michel Herr réalise ‘Ouverture Eclair’ et une réédition de
‘Perspective’ (1978) et ‘Solis Lacus’ (1975). Epinglons aussi le tout premier Aka
Moon et les deux premiers cédés sur Jazz’halo : ‘Songs for Mbizo’ de Chris Joris avec
Johnny Dyani et ‘Spring Cleaning’ de Cameron Brown avec Steve Houben (as) et
Gilbert Isbin (g).
En 1993, le label W.E.R.F. lance ‘Sketches of Belgium’ de Kris Defoort et donne à
Igloo ‘Dance Or Die’ de Nathalie Loriers et ‘Salute to the Band Box’ de Jacques
Pelzer/Philip Catherine et ‘Waitin’ For You’ de Richard Rousselet. FMP et Fred Van
Hove produisent ‘Organo Pleno’ (Bauer/Nozati).
Enfin, 1994 nous permet de découvrir un nouveau Sadi (en quartette) et ‘The Hillock
Songstress’ de Diederik Wissels.
L’événement en 1995 est ‘Variations on A Love Supreme’ de Kris Defoort et Fabrizio
Cassol. Nathalie Loriers réalise ‘Walking Through Walls, Walking Along Walls’,
André Goudbeek ‘Nanook of the North’ (projet pour un film muet), Jeroen Van
Herzeele et Peter Hertmans ‘At the Crossroads’ et Antoine Prawerman avec Deep in
the Deep ‘Au fond dans la mer’. Parmi les rééditions, notons Steve Houben with
Strings (1982), Richard Rousselet ‘No Maybe’ (1984,1986) et ‘Mr. Blue’ d’Etienne
Verschueren. (1973, 1984).
1996 - reprise de ‘Postaeolian Train Robbery’ de COS (avec Charles Loos). Sortie
de : ‘White Nights’ de Ivan Paduart, ‘Another Day, Another Dollar’ de Kurt Van
Herck avec Kris Goessens (p), ‘Aquarelle’ de Ernst Vranckx (p) avec Stephan
Bracaval (fl) et Chris Joris (perc), ‘Cinq de coeur’ (le premier No Vibrato), ‘From
This Day Forward’ de Diederik Wissels (p) et ‘Unknown Mallow’ de Charles Loos
(p), avec André Donni (ts, cl).
1997 - ‘Loop the Loop’ de Fabrice Alleman (ts, ss) avec Michel Herr (p), ‘Clair
Obscur’ de Ivan Paduart, ‘Food For Free’ de Ben Sluijs (as, fl) à compte d’auteur,
‘Queen of the apple pie’ de Laurent Blondiau (tp) et ‘Ah Bah Joât’ de Rony Verbiest
(acc).
1998 - Michell Herr : ‘Notes of Life’ et, avec Jack van Poll, ‘A Tribute to Belgium’,
‘Bandarkâh’ de David Linx avec Diederik Wissels. Blondiau et Van Herzeele,
‘Määk’s Spirit Live(s)’ et The Chris Joris Experience ‘Live’.
1999 - réédition de ‘A Lover’s Question’ de James Baldwin avec David Linx et Pierre
Van Dormael et de ‘The Placebo Sessions’ de Marc Moulin, ‘Silent Spring’ de
Nathalie Loriers, ‘All Around Town’ de Jeanfrançois Prins (g), ‘L’esprit du val’ de
Manu Hermia (as), le premier ‘Foofango’ de Pierre Vaiana, ‘Two Trios’ de Frank
Vaganée (as) avec John Ruocco (ts), ‘Passages’ de Kris Defoort avec quartette et
Dreamtime, ‘Live at the Beursschouwburg’ de la Flat Earth Society.
2000 - réédition du nonetto de Sadi, ‘True Stories’ de Ivan Paduart, ‘Sad Hopes’ de
Charles Loos (p) avec le regretté Jean-Pierre Catoul (vln). Le premier des Demagogue
Reacts ‘Action-Reaction’ de Johan Vandendriessche (bs, dm), Paul Flush (org) et
Frank Michiels (perc), et de Slang, ‘Los Locos’ (François Garny-b, Manu Hermia-as-
fl, Michel Seba-perc) , ‘Candy Century’ de Ben Sluijs, ‘Restless’ Jean-Pierre Catoul et
Peter Hertmans (g), collaboration qui s’est terminée abruptement et dramatiquement
début 2001.
2001 - Diederik Wissels et Bart Defoort avec ‘Streams’, Ivan Paduart Trio ‘Live’,
Rêve d’Eléphant Orchestra avec ‘Racines du Ciel’, ‘Stones’ de Ben Sluijs et Erik
Vermeulen (p), compilation avec les musiciens belges ‘10 ans de jazz à Liège (1991-
2000)’, ‘Songs & Dances’ du Ernst Vranckx Quintet, ‘Voices of Pohjola’ (Alexi
Tuomarila-p avec ses compagnons belges), ‘Vivaces’ de Pierre Van Dormael,
‘Amazone’ de Anne Wolf (p), ‘Joy and Mystery’ (Olivier Collette-p, notamment avec
Kurt Van Herck-ts-ss, Steve Houben-as-fl, Nicolas L’herbette-b, J.L.Rassinfosse-b,
Jan de Haas-d, Mimi Verderame-d, Michel Seba-perc, Patrick Deltenre-g, Olivier
Bodson-tp), et ‘Heartland’ de Linx-Wissels-Paolo Fresu (tp).
2002 illustre surtout The Finest in Belgian Jazz : 10 cédé de Bruges 2002 & De Werf
par le BJO (‘The Music of Bert Joris’), Greetings From Mercury (‘Heiwa’), Aka
Moon (‘Guitars’), Nathalie Loriers Trio + Extensions (‘Tombouctou’), Octurn
(‘Dimensions’), Ben Sluijs Quartet (‘Flying Circles’), Philip Catherine (‘Summer
Night’), Bert Joris Quartet (‘Live’), Erik Vermeulen Trio (‘Inner City’), Defoort-
Turner-Thys-Black (‘Sound Plaza’).
Début 2002 ont également paru ‘Back to the Old World’ (Philippe Aerts Quartet avec
John Ruocco et Bert Joris), ‘Trinity Song’ de Jambangle, ‘Traces à neuf’ (Pirly
Zurstrassen), ‘Sarfalango’ (Foofango), ‘Bowling Ball’ du Maxime Blésin 5tet et ‘The
New International Edition’ de Pierre Lognay featuring Mark Turner, par le BJO avec
Kenny Werner.

La décennie (élargie)
Au cours des dernières années, plusieurs facteurs ont soutenu le développement du
temple du jazz belge .
- L’implication d’un centre artistique comme De Werf à Bruges, tant en ce qui
concerne l’organisation que la promotion et la production structurée de cédés.
- Le maintien ou le développement de festivals de plusieurs jours comme Jazz à Liège
(dès 1991, et un excellent double cédé avec des extraits des éditions de 1991 à 2000),
Gouvy, Gaume, Jazz’Amor, Vooruit Geluid, Jazz And Sounds (J.A.S.) et le Blue Note
Festival (Gand), Jazz’halo Music Days (divers endroits), le Brussels Jazz Marathon
(surtout le Jazz Rallye avec les enregistrements originaux sur cédé ‘Brussels Jazz
Promenade’ de 1992), le festival Audi (automne) le Jazz Festival et Jazz Middelheim
(depuis 1981, tous les deux ans). Diverses tentatives proposent une alternative les
années paires : le Left Bank Festival de 1984 à Anvers (musicalement trop fastueux et
financièrement désastreux) ou l’ambitieux festival Jazz Brugge 2002, Free Music
(Anvers) aux accents européens.
- La concentration de musiciens autour de petits centres comme Malines : Stephan
Bracaval (fl), Els De Doncker (fl), Frank Vaganée (as, ss), Tom Mahieu (ts), Eddy
Devos (as, ts, bs), René Jonckeer (p), Dirk Van der Linden (g), Chris Mentens (b),
Jean-Philippe Komac (dm), Chris Joris (perc).
- L’inventaire du patrimoine de jazz belge réalisé par exemple à La Maison du Jazz de
Liège (fondée en 1994 par Jean-Pol Schroeder et Jean-Marie Peterken), puis (dans une
moindre mesure jusqu’à présent et plus orientée vers le jazz traditionnel) à Mons
(depuis 2000, autour d’Albert Langue et de Luc Mairesse). La Maison du Jazz de
Liège a également organisé l’exposition Wallonie-Bruxelles, c’est Jazz. Le matériel
photographique est très intéressant mais reste en retrait par rapport aux attentes. Des
projets existent aussi pour un centre de jazz au Honky Tonk Jazzclub à Termonde
(délai prévu : août 2003).
- L’octroi de subsides officiels : en 2002, le Brussels Jazz Orchestra et Octurn en
perçoivent depuis quelques années (déjà).
- La mise en place et la reconnaissance générale de prix comme le Django d’Or
(depuis 1995, voir ci-dessous) et l’Euro Django (depuis 2000, création de Frank
Hagège, soutenu en l’occurrence par la PAB (Promotion artistique belge) et la
SABAM. En 2001, la Ville de Bruxelles a également décerné son Prix du jeune talent
à Nic Thys (b).
- Le dynamisme du collectif de musiciens Les Lundis d’Hortense (depuis 1976, voir
ci-dessous) et la création d’un remarquable site web.
- Un autre fait important a été la disparition au profit de l’euro du billet de 200 francs
belges. Ce dernier portait, en plus de l’effigie d’Adolphe Sax (qui a incontestablement
exercé une influence de taille sur le jazz grâce à son invention) - et ce, en dépit de
l’objection formelle du graveur : ‘ce sont des musiciens quelconques’ - des photos de
Jacky Lepage pour les Belges - également celles de Charlie Parker, André Donni et
Jeroen Van Herzeele.
- Le fabricant d’embouts de saxophones François Louis de Bruxelles est
mondialement connu.
- Les annuels Down Beat Awards sont systématiquement octroyées à Toots
Thielemans.
- Quelques anniversaires ‘en vrac’: Toots a atteint le cap des 80 ans (le 29 avril 2002 :
il est né le même jour que Duke Ellington), les trompettistes Herman Sandy et Albert
Langue le précèdent d’une courte année. Le bassiste Paul Dubois a eu 75 ans en 1999,
son collègue Warland en 2001 et Sadi en 2002.

Ce fut aussi la décennie de Aka Moon et du Brussels Jazz Orchestra, de Philip


Catherine et de Nathalie Loriers, la consécration de Bert Joris (notamment avec le
quartette de Catherine et le double cédé ‘The Music of Bert Joris’ du BJO), le
couronnement de Richard Rousselet notamment grâce à son projet Ecaroh et ‘A-Train
Sextet’ (Jean Warland). Il y eut également une belle pépinière de saxophonistes (voir
plus haut) : Frank Vaganée, Ben Sluijs, Jeroen Van Herzeele (Ode For Joe et
Greetings From Mercury, avec la star du rap Steven Segers). On a pu admirer Määk’s
Spirit avec Laurent Blondiau (tp), et le succès croissant du guitariste Peter Hertmans,
qui a été intégré au BJO par Maria Schneider. Pour ses récitals et son cédé enregistré
avec ce big-band, Kenny Werner a retenu le guitariste Jacques Pirotton.

Le Django d’Or
Ce prix annuel qui ne cesse de gagner en prestige, a été créé en 1992 en l’honneur de
Django Reinhardt par Frank Hagège et internationalisé en 1995. Pour la Belgique, on
avait opté au départ pour un double palmarès : un musicien francophone et un
néerlandophone par an. Voici la liste des lauréats :
1995 Philip Catherine & Marc Godfroid.
1996 Sadi & Bert Joris.
1997 Charles Loos & Kurt Van Herck.
1998 Fabrizio Cassol & Chris Joris.
1999 Nathalie Loriers & Jeroen Van Herzeele.
En 1998 et 2000, un prix spécial a été octroyé pour toute leur carrière à Jean Warland
et Edmond Harnie.
A partir de 2000, un soliste de jazz belge a été mis à l’honneur, en alternant les rôles
linguistiques :
2000 Steve Houben.
2001 Frank Vaganée.
Une récompense spéciale a été offerte à titre posthume à Robert Pernet pour toute sa
carrière passée au service du jazz. Avant l’année 2000, des nominations ou
distinctions européennes ont été décernées à Toots Thielemans, Philip Catherine,
David Linx et Diederik Wissels.
Le premier Euro Django attribué à une Belge l’a été l’année de sa création (2000) à
Nathalie Loriers.

Projets
Pendant une grande partie de la dernière décennie, plusieurs musiciens de jazz belges
ont mis au point d’intéressants projets comme L’Ame des poètes, tournant autour de
la chanson française (Pierre Vaiana-ss, Fabien Degryse-g (au départ Pierre Van
Dormael-g), Jean-Louis Rassinfosse-b), ou des expériences comme celles de Guy
Cabay (vib) sur des textes en wallon.

Crossover : The African Connection : Chris Joris Experience, Foofango (Pierre


Vaiana), et The Indian Connection : Aka Moon dans diverses combinaisons, Stephan
Bracaval avec le projet Sumari-Flamenco.
Kris Defoort : K.D.’s Basement Party, Passages avec Dreamtime et son quartette,
opéra pour soprano, orchestre de chambre et ensemble de jazz The Woman Who
Walked into Doors sous la direction du metteur en scène Guy Cassiers avec la
musique de Lod, qui crée d’autres projets intéressants avec Dick Van der Harst (par
exemple La nuit est une sorcière de Sidney Bechet).

Projets autour de coryphées du jazz :


Tribute to John Coltrane : concert mémorable sur De Kaai le 23 septembre 1991
(Trane 65) avec les saxophonistes Erwin Vann, Kurt Van Herck, Jeroen Van
Herzeele, Bart Defoort, Fabrizio Cassol et Pierre Vaiana.
The Gil (Evans) & Duke (Ellington - The New Orleans Suite) Jazz Orchestra de Kris
Defoort.
Far East Suite, Nutcracker Suite, Peer Gynt Suite (Ellington) et d’autres classiques du
BJO.
The Sacred Concerts (Ellington) : big band et chœurs avec Kristina Fuchs (solo v) du
Conservatoire d’Anvers sous la direction de Kurt Van Herck.
Ecaroh (d’après Horace Silver) et Monk de Richard Rousselet.
Parker Project : Manu Hermia.
Cannonball (Adderley) Project : Rhonny Vhentat.
Joe Henderson : Ode For Joe de Jeroen Van Herzeele et Peter Hertmans.
René Thomas : Big Band Guitares (Fabien Degryse).
Tribute to Bobby Jaspar : Robert Jeanne, Steve Houben, Al DeFino.
Jaspar-Thomas : Saxo 1000.
Francy Boland : Jean Warland Sax No End et Sax-Port.
The MJQ project : Arne Van Colie (p) et Andres Liefsons (vib) avec Daniel Zanello
(b) et Luc Vanden Bosch (dm).
Autres :
The Beatles Project/Beatles Jazz : Sergeant Peppers Lonely Hearts Club Band /
Beatles Revisited de Phil Abraham avec David Linx, Richard Rousselet et Charles
Loos.
Projets de films avec André Goudbeek (as, bcl), Nanook of the North et Bert Joris
Jeux de reflets et de la vitesse (films muets). Encore Bert avec Le Bal Masqué et
Michel Herr avec Just Friends.
Les projets Poel-jam de Fred Van Hove sur Free Music.
Erwin Vann : ‘Worlds’ avec Kenny Wheeler & Norma Winstone et ‘Koyà’ : solo.
‘Stones’ : un cédé de Ben Sluijs & Erik Vermeulen qui s’articule autour d’un musée
de sculptures à ciel ouvert (Middelheim) et de la poésie (Emile Clemens).
The Hopper Project : l’orchestre maison (qui s’est enrichi d’un seul homme Kurt Van
Herck-ts) du Jazzcafé Hopper d’Anvers, avec Frank Vaganée (as), Philippe Aerts (b),
Jos Machtel (b), Dré Pallemaerts (dm).
Pierre Van Dormael : ‘Vivaces’.

Plus ancien :
Tap Dance : ‘Charles Loos Old Time Trio - Tap Dance’ (cédé 2002).
Ragtime : vers 1970 - Ragtime Cats de Marc Herouet.

Une haute conjoncture qui repose sur du solide


Les véritables autodidactes deviennent rares. Depuis la création de l’orientation jazz
et musique légère dans les conservatoires, la formation commence dès le plus jeune
âge. Les premiers signaux se trouvent dans un magazine belge francophone :
L’Actualité Musicale de novembre 1948 parle de la Leo Souris’ Academy de
Marchienne-au-Pont (Université de musique contemporaine par correspondance).
Souris, (1911-1990) qui était pianiste, compositeur, arrangeur et plus tard homme de
radio, s’est illustré dès les balbutiements de l’histoire du jazz belge. En 1941, il jouait,
en première partie du récital de Charles Trenet, Léo Souris plays Peter Packay and
David Bee. Ces deux coryphées sont cités plus loin. L’expérience de Souris ne dura
guère.
L’une des premières possibilités concrètes de formation en jazz se profile en 1964
grâce à des stages orga-nisés par la fondation Lodewijk de Raedts de Gand, que l’on
appellerait aujourd’hui des ateliers. Au cours de la période 1968-’71, ces derniers se
sont tenus parallèlement au Jazz Bilzen. Parmi les co-organisateurs, on reconnaissait
le bassiste Maarten Weyler, dont le père fonda, au cours de la même période, la
fondation Halewijn. Dès 1975, des stages (sessions de week-end et d’été) se tiennent à
Tourneppe. Ces derniers encouragent la création du Weylers Jazz Studio à Anvers
(actuellement dirigé par Ondine Quakelbeen), première école de formation en jazz en
Belgique. Parmi les premiers étudiants qui y furent formés, on compte les
saxophonistes Frank Vaganée et Erwin Vann ainsi que le bassiste Piet Verbist.
Cette évolution s’est prolongée tout d’abord en Wallonie. Des musiciens comme
Philip Catherine, Pierre Van Dormael, Michel Herr, Charles Loos, Diederik Wissels et
Steve Houben sont partis étudier à la Berkley School Of Music de Boston. Houben a
entretenu un échange épistolaire enthousiaste avec le directeur du conservatoire de
Liège, Henri Pousseur. C’est là qu’en 1979 fut fondé le Séminaire de Jazz du
Conservatoire de Liège. Il survivra six ans. Entre-temps, un programme en cinq ans
avait démarré dans le Nord du pays : il se poursuit toujours dans des conservatoires
connus comme Gand, Anvers et Bruxelles (qui possède un département francophone
placé sous la direction du trompettiste Richard Rousselet) et à l’Institut Lemmens de
Louvain. Dans le Sud, les académies de jazz ont joué un rôle plus important que les
conservatoires. Une chose est cependant essentielle : ce sont généralement nos
musiciens expérimentés qui donnent les cours.
Ainsi, Guy Cabay enseigne dans le département francophone de Bruxelles
l’incontournable histoire du jazz. Une approche des styles anciens (Jean-Pol Danhier),
que les étudiants doivent réussir, est inscrite au programme : ils sont tenus d’exécuter
en groupe un répertoire s’étendant des premiers jours du jazz à la fin des années
trente. Vient ensuite le be-bop : théorie, harmonie, articulation et phrasé. Les autres
formations en jazz ne commencent qu’à partir de ce moment. Bruxelles propose
également une information sur les styles actuels (Michel Hatzi). Le département
néerlandophone a considérablement souffert de la liquidation de son orientation
musical et du licenciement de six professeurs/musiciens. Liège fonctionne toujours
pour l’improvisation musicale (Garrett List). Pour les musiciens, la présence dans
notre pays, surtout à Liège, d’autres Américains qualifiés en pédagogie et en
technique de jazz était importante (vers les années 80) : Greg Badolato (ts, ss), Bill
Frisell (g), Dennis Luxion (p), Kermit Driscoll (b), Joe Lovano (ts) et surtout le
spécialiste des anches, John Ruocco, qui donnait aussi régulièrement cours au Jazz
Studio d’Anvers.
L’important, dans ce processus, consiste à ‘relayer l’attente’ du public féru de jazz.
‘L’extinction’ d’une génération ne signifie pas nécessairement la fin de l’intérêt pour
le jazz lié à cette génération. Ce jazz (ou ce qui se fait passer pour lui) – le terme
‘jazz’ est, en soi, affreux et même Duke Ellington et Charlie Parker ne tenaient pas à
ce qu’on les associe à ce concept – ne cesse d’évoluer, ce qui rend cette musique
passionnante pour l’auditeur sans devenir pour autant accessible.
En 1963, Juul Anthonissen faisait déjà œuvre pédagogique en réalisant une tournée
dans tout le pays à la demande du ministère de la culture avec Jack Sels et Philip
Catherine. La BRT a diffusé de 1965 à 1971 un programme éducatif - Jazz voor de
jeugd - puis deux séries de School Days sur les concepts de jazz, dont la deuxième, en
1997, était illustrée ‘live’ dans le studio par le pianiste Kris Goessens.
Les origines
La Belgique offre au jazz un soutien logistique d’une valeur inestimable. Antoine-
Joseph Sax, mieux connu sous le prénom d’Adolphe, (1814-1894) a commencé, à
vingt-cinq ans, à fabriquer huit tailles de saxophones allant du sopranino à la sous-
contrebasse. Ce sont les saxophones soprano, alto, ténor et baryton qui se sont le plus
rapidement imposés dans le jazz. Soulignons l’importance du rôle joué par le
saxophoniste ténor Coleman Hawkins qui, dans les années vingt, a identifié
l’instrument à cette forme musicale. En jazz, outre ce ténor en si, on utilisait
également les accords en do. (C-melody sax ou ténor en ut : Frank Trumbauer)
En 1846, Adolphe Sax fit breveter le saxophone, qui avait pour modèles les clarinettes
en métal et l’ophicléide conçu par Halary (1817) à Paris. En grec, ophis signifie
serpent (imaginez un instrument en forme de serpent) et kleides veut dire clefs. Le
père Sax était également facteur d’instruments et il cherchait à perfectionner la
clarinette. Adolphe a adopté son idée en commençant par la clarinette basse. Sax a
également inventé le saxhorn et le saxotrombe. Dinant en Belgique étant trop petit, il
installe son atelier à Paris. Il figure tout de même sur le dernier billet de banque en
francs belges mis en circulation (200 Bef).

La préhistoire : ménestrel, ragtime et John-Philip Sousa


Robert Pernet était passionné par l’impact des Black and White Minstrel Shows : à
l’instar des ménestrels du Moyen-âge ces acteurs, musiciens, chanteurs et danseurs
blancs, parodiant les noirs ont traversé les six dernières décennies du 19ème siècle
aux Etats-Unis. Ce genre a eu énormément de succès en Grande-Bretagne et en
France, tandis que la Belgique passait déjà à la vitesse supérieure. Les Hooley’s
Minstrels sont venus à Bruxelles lors de leur tournée de 1851. Le cake-walk s’imposa
ensuite comme danse et connut ses heures de heures de gloire en 1903 (Brussels
Cakewalk) avec une musique du compositeur belge Louis Frémaux et en 1905 Les
célèbres petits nègres Rudy & Freddy (Walker). Entre-temps, John-Philip Sousa avait
créé son ‘band’ à Bruxelles. Le programme mentionnait: ‘en cas de bis, l’orchestre
exécutera les cake-walks américains authentiques et des airs populaires des Etats-
Unis’. Dans l’orchestre de de Sousa se trouvait un Belge : l’oncle du futur
saxophoniste liégeois Raoul Faisant. Plus tard, un autre Belge en ferait également
partie : le saxophoniste alto Jean Moeremans qui, au cours de sa période américaine, a
également joué pour Arthur Pryor et fut le premier saxophoniste solo enregistré sur
disque (et plus sur cylindre) pour la Victor Talking Machine Company.
Autres faits saillants : en 1878, eut lieu une démonstration du phonographe d’Edison
au Panopticum de Monsieur Castar à Bruxelles et en 1902, un magasin de
phonographes, graphophones et gramophones Edison s’ouvrit à Liège. Il offrait aussi
un choix de quelque 10.000 cylindres.

Ragtime
Il y a trois décennies, le film The Sting (1973) et le hit de Scott Joplin The Entertainer
ont remis le ragtime au goût du jour. Il ne fallait rien de plus pour encourager le génie
des pianistes belges Marc Herouet, Alain Lesire et André Van Lint : voir les lp
‘Belgian Ragtime’ (qui les réunit), ‘Piano Ragtime’ (Lesire) et ‘Marc Herouets
Ragtime Cats’. Le premier succès du ragtime en Belgique avait été ‘Toboggan’ (sous-
titre : Intermezzo-Two Step) de Louis Frémaux, spécialiste en la matière. 75.000
exemplaires de la partition se sont vendus, ce qui représentait un chiffre remarquable
pour l’époque. Un autre de ses succès était intitulé ‘Défilé de Jass’. Deux morceaux
du compositeur-pianiste Jean Pâques ont paru dans les années 70 dans des
compilations américaines de ragtime sous des labels aussi respectables que Biograph
et Folkways, toutefois Pâques était plus connu dans le genre cocktail.
Puis, la première guerre mondiale a éclaté…

‘Europe’, et le jazz arrive en Europe


Au cours de la première guerre mondiale, James Reese Europe (1881-1919) fait le
tour de l’Europe avec son 369th Infantry Regiment Band (ou les Hell Fighters) pour
soutenir le moral des troupe américaines. Europe était pianiste et violoniste. Il ne
dirigeait pas à proprement parler un orchestre de jazz, mais la base y était. Noble
Sissle (1889-1975) était guitariste et violoniste, il a aussi joué du bassdrum pour
Europe. Dans les années trente, Sidney Bechet a fait partie de son orchestre.
En février 1919, Europe revient en Europe. En avril de la même année, le Original
Dixieland Jazz Band enregistre à Londres, et le terme ‘jazz’ commence à se répandre
en Europe. Un contrat européen pour les Mitchell’s Jazz Kings (avec Sidney Bechet)
au Casino de Paris ne peut provisoirement se réaliser et Bechet accepte en juin 1919
de faire une tournée du continent avec Will Marion Cook et son Southern Syncopated
Orchestra. Cook (1869-1944), qui avait appris le violon à Berlin, a notamment
travaillé au sein du SSO avec Arthur Briggs, qui a joué un grand rôle dans la
vulgarisation du jazz en Europe et en Belgique. En 1922, il crée à Bruxelles son
Savoy Syncopated Orchestra. Selon le programme, Cook fait exécuter en avant-
dernier morceau un ‘clarionet solo’ par ‘Sydney’ Bechet, ‘Characteristic Blues’.
Déjà avant et pendant la première guerre mondiale, le batteur Louis Mitchell (1885-
1957) avait joué à Londres et de temps en temps avec James Europe aux E.U., avant
de se lancer dans l’aventure. Le 24 janvier 1920, les Mitchell’s Jazz Kings sont à
l’affiche de l’ouverture du Théâtre de l’Alhambra de Bruxelles rénové et repris par le
directeur du Casino de Paris. En Belgique, le jazz prend racine. ‘La vogue est lancée,
le virus se propage et rien ne pourra stopper ça’ écrit Robert Pernet, qui entame
également une étude approfondie sur Mitchell mais ne pourra l’achever.

Louis Mitchell, Félix Faecq et Robert Goffin


Les Mitchell’s Jazz Kings (à l’écoute, ce n’est pas du King Oliver, mais ils étaient les
premiers et noirs) jouaient de la ‘nouvelle musique’ au bar Le Perroquet de
l’Alhambra où se déroulait une revue à laquelle la presse faisait largement écho. Les
Jazz Kings furent surtout remarqués par des jeunes comme Félix-Robert Faecq et son
ami Robert Goffin. Le ‘band’ joue à Ostende pendant l’été 1920 puis quitte le pays au
printemps suivant, mais pas l’esprit de Faecq, sans doute le premier manager de jazz.
Le 26 novembre 1921, il organise pour son cercle d’amis une jazz-dance-party et
communique son amour du jazz au monde du disque encore tout jeune. Il obtient la
représentation pour la Belgique du label britannique Edison-Bell et importe
directement des E.U. des marques comme Gennett, Paramount, Perfect et Okeh. Outre
les disques, il distribue également des partitions et démarre sa propre société d’édition
en 1924, la International Music Company et le Universal Music Store qui vend des
disques, des partitions et des instruments. Cette même année, épinglons encore
l’édition - avec Paul Naeyaert - du magazine Musique Magazine, qui devient, un an
plus tard Music.
Le 15 janvier 1926, il organise avec Naeyaert à l’Union Coloniale, rue de Stassart à
Bruxelles, le premier concert de jazz de Belgique avec le Waikiki Jazz Band (né en
1920) et le Bistrouille A.D.O. (Amateurs Dance Orchestra). Y jouent aussi : le
saxophoniste Harold Connelly et Monsieur Constant Brenders. Au sein du Bistrouille,
on reconnaît aussi Peter Packay (Pierre Paquet) (tp) en David Bee (Ernest Craps) (as,
cl). Et c’est Faecq qui s’occupera de la publication des compositions de Packay et
Bee. Leur réputation s’étend au-delà de l’océan : en septembre 1930, l’orchestre des
Luis Russell Bee’s reprend ‘High Tension’. ‘J’allais souvent danser à l’Abbaye, près
de la Porte de Namur. C’était une annexe du Building de l’Elite qui allait devenir le
studio de l’INR avant la construction de l’immeuble de la place Flagey, explique
Faecq. L’orchestre qui jouait à l’Abbaye a attiré mon attention : Charles Remue
(leader sur alto et clarinette), Stan Brenders (p), Harry Belien (dm), Alphonse Cox
(tp), Gaston Frédéric (tp) et Remy Glorieux (basse en cuivre).’
Faecq trouve que les musiciens belges n’ont que trop peu d’occasions de réaliser des
enregistrements. Au cours de l’été 1927, il présente cet orchestre - Charles (Chas.)
Remue and his New Stompers - à Edison Bell. Il remporte un grand succès en
Angleterre avant même de réaliser que ces disques sont en fait les tout premiers de
jazz belge.
Il est également à noter que sur les quatorze morceaux enregistrés à Londres, cinq
sont des compositions belges dont ‘Vladivostok’, ‘Pamplona’, ‘Slow Gee-Gee’, ‘The
Bridge of Avignon’ (thème travaillé dans l’arrangement d’origine) et ‘Allahabad’ de
Bee et Packay.
‘Je connaissais bien Peter Packay. Il avait appris à jouer de la trompette et écoutait
Armstrong, Bix et Red Nichols. Peter aimait le band de Jimmy Dorsey. A l’époque, le
jazz était quelque chose de nouveau. Peter a choisi le Dixieland avec une inclination
spéciale pour les Negro Spirituals. Nous avons commencé à composer à deux, d’abord
pour le plaisir. Ensuite, un éditeur - le premier du continent - nous a fait confiance :
c’était Félix Faecq. C’est ainsi que notre carrière a vraiment commencé,’ relate Bee
Le premier jazzman belge à enregistrer à l’étranger fut le trompettiste et chef
d’orchestre liégeois Léon Jacobs. Son Jacob’s Jazz a enregistré en janvier 1927 avec
Josephine Baker… une situation totalement différente…
Robert Goffin (1898-1984) était poète et avocat (et aussi grand défenseur du jazz). En
1920, il publie dans Le Disque Vert un poème en l’honneur de ce genre musical, puis
en 1922 un recueil intitulé Jazz Band. Entre-temps, il avait commencé quelque chose
qui, dix ans plus tard, allait constituer le premier livre sur le jazz au monde, Aux
Frontières du Jazz, dédié à Louis Armstrong, avec lequel il se lia d’amitié et entretint
une importante correspondance (voir Louis Armstrong In His Own Words). Deux ans
avant sa parution, Faecq en publie des extraits dans Music.
En 1931, le label Pathé ouvre un studio à Bruxelles. Il enregistrera les meilleurs
musiciens de jazz belges comme Gus Deloof (et ses Racketeers) avec notamment
John Ouwerx (p), Josse Aerts (dm) et les saxopho-nistes Jean Omer et Jean Robert.
En 1932, Félix Faecq fonde le Jazz Club de Belgique avec Goffin et quelques amis.

Entre-temps…
Robert Pernet précise que dans les années vingt, les nombreux petits orchestres qui
naissent chez nous (la plupart sont jazzy plutôt que jazz) contribueront à dessiner la
physionomie (par ailleurs relativement florissante) de la scène de jazz belge. L’un des
plus anciens et des plus importants date de 1920 : les Bistrouille Amateurs Jazz Kings
du batteur et leader René Vinche. Ces derniers restent en retrait après l’entrée en
scène du Bistrouille A.D.O. (Amateurs Dance Orchestra), plus connu. Les Waikiki
étaient aussi un A.D.O., tout comme (Pernet les cite) Les Minstrels A.D.O., Le Hot &
Swing A.D.O., The Collegians, The Excellos Five, The Miami Jazz-Band, The White
Diamonds, The Red Beans de Bee et Packay (dans lequel le trompettiste Robert De
Kers fait son entrée), le Mohawk’s Jazz Band anversois et à l’avant-scène les Doctor
Mysterious Six avec comme trompettiste… Robert Goffin. Les paquebots de la Red
Star Line comme le Belgenland emploient des orchestres belges pour les traversées
Anvers-New York. C’est là une nouvelle occasion pour nos musiciens d’aller écouter,
au cours des années 20, le jazz américain on the spot. Nos jazzmen sont appréciés à
l’étranger : par exemple, le pianiste Jean Pâques devient le pianiste ‘maison’ chez
Edison Bell à Londres.
Le swing et les big-bands
La valeur généralement reconnue des musiciens de jazz belges s’illustre une fois de
plus au cours des années postérieures à la crise : au cours de la deuxième moitié des
années trente, les orchestres de Stan Brenders, Fud Candrix et Jean Omer comptent
parmi les plus célèbres d’Europe.

Stan Brenders
Stan Brenders (1904-1969) a suivi avec succès une formation classique et a
commencé une carrière dans ce genre de musique. Cela ne l’a pas empêché d’entrer,
deux ans plus tard, dans l’orchestre de ‘Chas. Remue and his New Stompers’ aux
studios de Londres (1927), après avoir joué en solo avec Fud Candrix lors du tout
premier festival de jazz belge jamais organisé (1926). Cinq ans plus tard, il devient le
pianiste de l’Orchestre symphonique de l’INR. Il sera le premier en Europe à
exécuter, avec cet orchestre, le Concerto en fa de George Gershwin.
Quand l’INR lui demande de fonder un orchestre de jazz, Brenders écrit une page de
l’histoire de la radio. La première émission est diffusée le 19 janvier 1936. Il a
rassemblé dans son orchestre les meilleurs musiciens de jazz belges comme John
Ouwerx (p), Chas Dolne (g, vln), Emile Deltour (Eddie Tower) (vln), Sus Van Camp
(tb) et plus tard Albert Brinkhuizen (tb) et Janot Morales (tp) et les saxophonistes
Arthur Saguet, Jack Demany (aussi vn) ainsi que son ancien ‘boss’, le pionnier
Charles Remue. Le band joue également pour des stations de radio étrangères
(Hilversum, BBC). Pendant la guerre, le travail avec la radio et en studio se poursuit.
Brenders réalise des disques chez Telefunken et Olympia, mais n’enregistrera jamais
en Allemagne. L’un des sommets de sa carrière se situe au printemps 1942, tandis
qu’il accompagne, comme Fud Candrix et (son) pianiste Ivon De Bie, Django
Reinhardt à Bruxelles et enregistre avec lui pour Rythme. Django enregistre avec De
Bie ses deux uniques solos de violon. Ils ne sont pourtant pas les premiers
‘Djangobelges’ puisqu’en décembre 1937, Gus Deloof (tp) et Jos(se) Breyre (tb)
avaient enregistré avec Reinhardt.
Les années de guerre marquent sa carrière d’une empreinte imméritée, comme il
apparaîtra plus tard. Brenders se produit encore occasionnellement dans de petites
formations ou en solo à l’Archiduc à Bruxelles où son piano trône toujours. Dans les
années soixante, il compose pour la BRT De keuze van Brenders. Brenders hérite
d’une reconnaissance internationale lorsque Capitol édite, en 1954, l’enre-gistrement
de sa composition ‘I Envy’ dans la version de Nat ‘King’ Cole (avec Nelson Riddle)
sur la face B de ‘Make Her Mine’ (Capitol 2803)

Fud Candrix
L’apparition de Candrix (1908-1974) dans un septette au Jazz Middelheim 1973 fut le
couronnement officiel et tardif d’une carrière riche et longue d’un demi-siècle. Avant
de maîtriser le ‘jazzfeeling’, il jouait comme violoniste et saxophoniste ténor avec
Jean Omer et Charles Remue (1931). Son premier big band se composait notamment
de George Clais (tp), Bobby Naret (as), Raymond ‘Coco’ Collignon (p) et Armand
Draelants (dm). Les premiers enregistrements datent de 1937. Jusqu’en 1943, il
travaille pour Telefunken et édite des disques sous le nom de Fud Candrix und sein
(grosses Tanz)orchester, dont la plupart portent des titres en allemand. Il joue pour la
BBC, enregistre avec Django en 1942 puis à Berlin où il se produit également (travail
obligatoire). Sa section rythmique se compose alors de Gene Kempf (b) et Jeff De
Boeck (dm). Plus tard, ses guitaristes s’appellent Frank Engelen (1946) et Jo Van
Wetter (1951). Candrix enregistre jusqu’en 1971. Son dernier disque compte, parmi
les trois morceaux (15 juin 71) ‘I Envy’.

Jean Omer
Omer (1912-1994) réalise ses premiers enregistrements en 1929 à… Milan avec ses
Carolina Stomp Chasers, parmi lesquels Chas Dolne (g) et le futur ‘Belge chez les
Ramblers’ André Van der Ouderaa (ts). Deux ans plus tard, il est en studio avec Gus
Deloof and his Racketeers avec Arthur Saguet et Jean Robert (anches), John Ouwerx
(p), Arthur Peeters (b) et Josse Aerts (dm). La même année, il accompagne, avec
Robert De Kers et ses Cabaret Kings, Josephine Baker à Paris, en Suisse et en Italie.
Les premiers enregistrements de son big band datent de décembre 1937. Il joue dans
le style de Jimmy Dorsey. Cette année-là, il ouvre le Cotton Club à Bruxelles. En
1938, il métamorphose le Pingouin en perte de vitesse (l’ancienne Abbaye) pour en
faire le Boeuf sur le Toit près de la Porte de Namur : the place to be !, même pendant
l’occupation. La première année, Coleman Hawkins y joue souvent avec l’orchestre.
Son complice est Jean Robert, le saxophoniste ténor européen, qui reste le plus près
possible de ‘Bean’. Benny Carter écrit des arrangements pour l’orchestre. Les disques
d’Omer paraissent sous le nom de Jean Omer et son (Grand) Orchestre du Boeuf sur
le Toit. L’orchestre regroupe Robert Louis Dehaes, Fernand Debray (et plus tard) Al
Goyens (tp), Roger Squinquel (tb), Vic Bayens (ts), Henri Segers (p), ensuite Rudy
Bruder (p), Jean Delahaut (b), Lucien Poliet (dm) et ensuite Buddy Heyninck (dm),
Gaston Bogaert (dm).
Après la libération, il ouvre à Cannes Le Monseigneur et procure ainsi du travail à une
vingtaine de musiciens belges. En 1947, il assure la saison d’été à Monte Carlo et
revient un an plus tard à Bruxelles pour la réouverture du Boeuf sur le toit. Elle se
produit en 1961.

Quelques autres musiciens


Même si les orchestres de Stan Brenders, Fud Candrix et Jean Omer sont
exceptionnels, la scène belge du swing a bien davantage à offrir. L’amateur de jazz
actuel connaît moins les noms d’Emile Deltour, Gene Dersin, Jack Kluger, Robert De
Kers, Bobby Naret et certainement Lucien Hirsch.

Emile Deltour (1899-1956) était liégeois, mais il a souvent utilisé le nom d’Eddie
Tower, à consonance plus anglo-saxonne. Violoniste classique au départ, il avait un
orchestre de swing avec, parmi les anches, David Bee et Arthur Saguet, soutenus par
un duo de rythme avec Arthur Peeters (b) et, à partir de 1940, Josse Aerts (dm). Onze
ans plus tôt, il avait enregistré avec le Charles Remue Band, deuxième version. Dès
1936, il fait partie de l’orchestre de l’INR de Stan Brenders. Il est aussi de la partie
lors de l’enregistrement avec Django. Eddie Tower évolue en grande partie sur le
terrain de la musique légère et du cross-over de l’époque : il écrit des concertos de
jazz pour violon et pour harpe, des chansons et des œuvres symphoniques.

Gene Dersin (1905-1985), originaire de Jemappes, était très populaire directement


après la guerre et a réussi par le choix de ses thèmes à amener ‘avec une main de
velours’ des gens qui ne savaient rien du jazz à apprécier ce type de musique. A
différents moments, on retrouve dans son orchestre Raoul Faisant, Jacques Kriekels,
Vic Ingeveldt et Arthur Saguet (anches) et Lucien Poliet (dm). Il joue d’instruments à
anche et laisse les solos à d’autres. Il a aussi travaillé avec des violonistes dont
Georges Octors et René Costy. Il a accompagné Bing Crosby et a fait écrire
l’arrangement de sa version de ‘White Christmas’ par Peter Packay. Son intérêt pour
le jazz lui est venu par le band de Lucien Hirsch avec lequel il a enregistré en 1931 en
tant que clarinettiste.

Lucien Hirsch (°1911) est liégeois et - quoique saxophoniste - surtout frontman. Vers
1930, il était très populaire dans sa ville natale. Il n’a réalisé que deux sessions pour
Columbia à Bruxelles. Dans la première,
(1931) Bobby Naret fait partie du band, dans la deuxième (1937) on retrouve les
saxophonistes Jack Demany, Jacques Kriekels et Henry Solbach. Fud Candrix les
rejoint parfois. Lors de la mobilisation de 1939, l’orchestre s’est consacré au soutien
des troupes sous les auspices de la Fondation reine Elisabeth. D’origine juive, il a
cessé toute activité musicale au début de l’occupation.

Bobby Naret (1915-1991) était également liégeois. Saxophoniste alto, il a remporté le


référendum du HCB (Hot Club de Belgique) en 1946. Comme clarinettiste, il a trôné
en première place. Il a créé son grand orchestre en 1944 avec les trompettistes Janot
Morales, George Clais et Edmond Harnie, Albert Brinkhuizen (tb), et encore Saguet
(anches), Frank Engelen (g) et arrangeur (comme David Bee et Peter Packay) et la
chanteuse Martha Love (Martha Delbecque, découverte par Jack Kluger).
Naret fait partie du Swingtette du guitariste-violoniste Chas.Dolne, avec lequel David
Bee joue de la harpe, ainsi que Lou Logist (acc) et Frank Engelen (g). Ensemble, ils
réalisent également des arrangements (Decca 1940-‘42). On trouve aussi des
enregistrements avec Gus Deloof (1941, avec Jean Robert), Jeff De Boeck and his
Metro(phone) Band (1941-‘42), avec Janot Morales (tp), Vic Ingeveldt (ts, cl), Ivon
De Bie (p), Frank Engelen (g), Gene Kempf (b), Django (1942, avec Candrix et
Brenders) et Hubert Rostaing (1942, Naret sur as). Il est avec Candrix de 1934 à 1943,
date à laquelle il fonde son propre band (voir plus haut). En 1962, il est à Comblain
avec les ‘vétérans’ puis disparaît de la scène.

Jack Kluger (1921-1963) est aussi connu sous le nom de ‘Jay Clever’. Il a commencé
comme leader de l’A.D.O anversois. Il fait partie des Collegians en 1932. Trois ans
plus tard, il commence, pour le compte du Jazz Club de Belgique, à réaliser des
émissions de radio. En 1939, il crée Jack Kluger and his Swing Orchestra/Band, avec
Louis Dehaes (tp), Harry Bart, Harry Turf(kruyer), Omer & Marcel De Cock, Vic
Ingeveldt (anches), et René Goldstein (b). Après la guerre, il se concentre sur l’édition
musicale, la production de disques et la chasse aux talents. Comme le dit Bernard
Legros: ‘Sans avoir jamais joué d’un instrument, Jack Kluger est important à cause
des bands qu’il a dirigés et parce qu’il comptait parmi les meilleurs en Belgique tant
comme producteur que comme manager. Il a contribué à faire connaître le jazz en
Belgique et le jazz belge aux EU’.

Robert De Kers (Keersmaeker) (1906-1987) était pianiste avant de se faire connaître


comme trompettiste. En 1936, il crée les Cabaret Kings avec David Bee (cl, ts), Ernst
van ’t Hoff (p) et Frank Engelen. En 1941, il enregistre aussi des morceaux au
vibraphone (& his Vibraswingers) et joue après la guerre en Allemagne occupée. En
1946, il enregistre la musique du court-métrage Modern Mood.
Les années de guerre
La vie musicale continue, mais le jazz est mis à l’index par les nazis dès 1935. De
plus, ‘Swing Tanzen ist verboten…’. L’inventivité des musiciens pour réaliser des
titres ‘acceptables’ par le régime est pratiquement illimitée. Le ‘St.Louis Blues’
devient le ‘Lied vom blauen Ludwig’ ou ‘La Tristesse de Saint Louis’; ‘At the
Woodchoppers Ball’ : ‘Houthakkersbal’; ‘Idaho’ : ‘Vous avez un beau chapeau
madame’; ‘Indian Summer’ : ‘Eté indien’; ‘Out Of Nowhere’ : ‘Sorti de nulle part’;
‘South Rampart Street Parade’ : ‘Rempart du Sud’; ‘Sweet Georgia Brown’ : ‘Douce
Georgie’; ‘I Know That You Know’ : ‘Je connais tes pensées’; ‘Who’s Sorry Now’ :
‘Pourquoi des regrets?’; ‘Bye Bye Blues’ : ‘Afscheid’ ou ‘Blues de l’adieu’;
‘Stardust’ : ‘Poussière d’étoile’ ou ‘Sterrenstof’.
En dépit de sa transparence, le truc semble fonctionner et tout le monde reste In Guter
Stimmung, c’est-à-dire In The Mood. Quand les Allemands se rendent compte que le
jazz et le swing restent appréciés, ils décident de combattre le mal par le mal. Le label
allemand Telefunken a, par exemple, réalisé des enre-gistrements de Stan Brenders à
Bruxelles et a importé les disques dans le Heimat. Un coup remarquable fut réalisé par
l’orchestre dirigé par Lutz Templin : Charlie and his Orchestra. Le chanteur ‘Charlie’
Schwedler, personnalité peu claire, interprétait des morceaux de jazz sous leurs titres
originaux. Le ministère de la propagande du Reich déterminait le nouveau sujet de la
chanson, faisait écrire un texte en allemand qui était ensuite retraduit en anglais. Le
contenu parodiait les alliés avec Churchill en Roosevelt pour cibles principales. Le
band fut composé avec soin et les enregistrements réalisés entre fin 1941 et mi-1943 à
Berlin. Deux Belges faisaient partie de cette compagnie internationale : Josse Breyre
(tb) et Jean Robert (ts). Cet accommodement avec les Allemands valut aux musiciens
le statut de collaborateur. Stan Brenders y perdit même son contrat avec la radio.
Aux E.U., la situation était différente : bon nombre de musiciens furent mobilisés
après Pearl Harbour. Les big-bands durent se dissoudre ou trouver des remplaçants.
Puis vint la première interdiction d’enregistrer du 1er août 1942 à la fin novembre
1944. De plus, avec le développement du be-bop (Parker, Gillespie,…), le jazz avait
connu une (r)évolution qui n’avait pu atteindre l’Europe à cause de la guerre. La
production des V-Discs (V pour Victory) avait commencé : ces disques n’étaient pas
destinés au commerce mais devaient servir de soutien moral (gratuit) pour les soldats
au front. A cause de la restriction sur les enre-gistrements, les V-Discs ne contenaient
pas de bop et furent diffusés jusqu’en 1949. Les militaires les revendaient avec
empressement.
Pendant l’occupation, plusieurs musiciens bruxellois se retrouvaient discrètement
dans une petite maison de quatre étages de la rue des Moineaux. L’histoire la connaît
sous le nom de Le Kot(t). Léon Demol (‘Podoum’) (tp), Jean-Jacques (Jacky) Jun(e)
(anches), Léon Demeuldre (‘Bodash’) (dm), Herman Sandy (tp), Jacky Thunis (dm) et
Jean Vandenheuvel (Warland) (b) en faisaient partie. Sous l’impulsion de Bodash fut
créé le groupe des Kot Jazzmen, qui a triomphé lors d’un tournoi du HCB et a
constitué la base du Jump College. Pendant la guerre, les musiciens belges sont restés
actifs mais l’arrivée des disques 78 tours de bop occasionna un choc et un revirement
du jazz. On considère généralement les Bob Shots de Bobby Jaspar comme le premier
orchestre de be-bop national, mais Jean Warland laisse cet honneur au band de Bill
Alexandre (g), avec Warland (b), Sandy (tp), Freddy Lhost (cl, as), Freddy De Bondt
(ts), Phil Decae (p) et John Ward (dm). Au printemps, ces derniers ont réalisé (à La
Haye) un enregistrement privé, qu’on nomme aussi ‘acétate’. Les premières traces
(effectives) de Jaspar et de ses amis datent d’un an plus tard.
Nous lisons dans la presse : ‘Un véritable orchestre de jazz au Welfare (service social
de l’armée) terrain de prédilection des musiciens Jean Carnin (dm) (19 ans à
l’époque), Roger Asselberghs (cl) (23), Roland Thyssen (p) (20), Nic Fissette (tp)
(20)’,… ‘Naturellement le band joue du be-bop.’ C’était en 1948. Un peu plus tard,
Toots Thielemans fut lancé aux EU par son manager Billy Shaw comme ‘The Belgian
King of Bop’. Ses solos dans Modern Mood, un court-métrage, accompagnés par le
band de Robert De Kers en 1946 et un enregistrement avec le sextette de Jack Sels
méritent en effet déjà un titre de noblesse.
Après la guerre, le Welfare a réalisé des émissions de radio et des tournées pour nos
musiciens dans les Officers Clubs des militaires américains encore stationnés en
Allemagne. Il a aussi lancé une nouvelle génération : Liège a joué un rôle
prépondérant avec La Session d’Une Heure (One AM Session), orchestre d’amateurs
capables de rivaliser avec leurs maîtres. L’un de ses membres était le saxophoniste
alto Jacques Pelzer. ‘En 1941 à Liège, nous jouions en style tantôt Dixieland, tantôt
Ellington’, commente-t-il
Les rejetons de la guerre
‘C’est aussi au temps des ‘boches’ que les émissions de radio comportaient le plus de
jazz et que le plus grand nombre de concerts étaient donnés au Palais des Beaux-arts,
alors que nous jouions une musique fortement déconseillée… Mais, en définitive, le
public ne l’aimait peut-être que parce que c’était un fruit défendu ?’, s’interroge
Gaston Bogart dans son livre Dance band - quand Bruxelles jazzait… Il parle de la
période 1937-1957 et raconte son histoire.
Boga(e)rt(s) - qui, à la fin de sa carrière, a fondé les Chakachas, modeste orchestre de
cha cha cha avec d’autres jazzmen comme Vic Ingeveldt (ts, fl) et Charlie Lots (tp) - a
débuté chez Charlie Calmeyn, comme batteur et a joué avec les Continentals, Gus et
Pol Clark et Roger Rose (as) avec notamment Mary Kay (voc) et René Goldstein (b).
Le nom de Marcel Hellemans (ts), chef d’orchestre de divertissement recouvre des
expériences essentielles. Les musiciens étaient arrivés à maturité et avaient assimilé
les idées américaines d’avant-guerre tandis qu’ils se trouvaient sur un terrain
européen. Juste avant la guerre (1938), quatre jazz clubs étaient nés : le Hot Club de
Belgique, le Sweet & Hot, le Antwerpse Jazz Club et le Jazz Club de Belgique, avec
des sections en province.
Comme l’a compris Bogart, le jazz ne se portait pas trop mal et le jazz belge était
enregistré et publié. Des critiques comme Albert Bettonville et Carlos de Radzitzky
donnaient des conférences et des soirées d’audition de disques. L’importation de
nouveaux disques américains était limitée ; la surprise serait d’autant plus grande… A
la Libération, Bruxelles devient le centre des divertissements : les Anglais choisissent
le Plaza, les Américains le Métropole. Les clubs comme Le Boeuf sur le Toit, le
Caveau du Corso, le 21 Club et le Cosmopolite sur la place Rogier offrent aux
musiciens l’occasion de jouer dans la capitale. A Liège, ce sont surtout l’Eden et à
Anvers l’Exi Club. Entre-temps, le premier band américain est apparu sur le
continent : c’est celui de Don Redman avec Don Byas. Les futures étoiles belges se
mettent à briller et conquièrent même massivement les Pays-Bas. En 1948, Fud
Candrix joue au Palais de la Danse à Scheveningen et Eddie De Latte et Henri Segers
dans les casinos de Scheveningen et Valkenburg.
Le renouveau du printemps…

Dans le chef de certains jeunes, dont Bobby Jaspar, l’idée de former son propre
groupe avait germé. Ce fut le Swingtet Pont d’Avroy, devenu plus tard les Bob Shots,
qui en mai 1947 paraissait déjà en photo dans le magazine américain Down Beat avec
la légende The most famous jazz combo in Europe. Le groupe évolua vers le bop;
Pelzer et Sadi s’y ajoutèrent, parfois le guitariste Pierre Robert était le leader et René
Thomas y jouait aussi. N’oublions pas non plus que Raoul Faisant (ts) était le parrain
du jazz liégeois.

Paris
Le couronnement (et la fin) des Bob Shots se prépare pour La Grande Semaine du
Jazz de Paris en mai 1949. Environ un an auparavant, Jaspar (février 1948) avait joué
au tout premier festival de jazz digne de ce nom à Nice. Le Belgique y était
représentée par l’orchestre du pianiste Jean Leclère, qui avait ‘revalorisé’ son groupe
en y incluant Bobby (ts), Herman Sandy (tp), Jacques Pelzer (as), Sadi (vib) et Toots
(g). Ils y accompagnèrent même le ténoriste Lucky Thompson.
A Paris, en 1949, deux groupes belges se produisirent : les Bob Shots et le quartet de
Toots Thielemans, dont l’harmonica qui ne séduisit pas immédiatement un public
parisien assez peu objectif. Le magazine Jazz Hot (voir ci-dessus) était pourtant assez
favorable au jazz belge, écrivant que Robert De Kers est ‘la plus grande autorité belge
en matière d’orchestration de jazz’. Il contient aussi un article sur un concours du
HCB (Hot Club de Belgique). Le correspondant était Paul Acket, fondateur par la
suite du Northsea Jazz Festival à La Haye.

Bobby Jaspar
Si Toots Thielemans s’affirme comme le meilleur représentant des événements de
jazz belge de l’après-guerre, Bobby Jaspar (1926-1963) est d’importance primordiale
pour le rayonnement de l’évolution nationale du bop jusqu’aux Etats-Unis. Ses
enregistrements complets chez Columbia avec le tromboniste J.J. Johnson sont
ressortis il y a quelques années sous le label des collectors Mosaic. Le 10 février
1947, il avait enregistré avec les Bob Shots sous la baguette de Pierre Robert (g) pour
la marque belge Olympia ‘Oop Bop Sh’Bam’ et ‘Moonlight In Vermont’ avec Jean
Bourguignon (tp), Jacques Pelzer, Jean-Marie Vandresse (p), Charles Libon (b) et
André Putsage (dm).
Deux ans plus tard, ils étaient les invités du Festival de Paris. Le band s’était enrichi
de Sadi (vib, voc), Francy Boland (p) et John Ward (dm). Miles et Bird jouaient
également à Paris. Devant eux, nos musiciens sont restés sans voix même s’ils étaient
bien préparés et connaissaient bien les disques… Jean Warland s’explique : ‘Nous
avions compris que ce qui se produisait là nous dépassait…’ Outre les distinctions
Down-Beat de Toots, le météore Jaspar atteignit en 1956 le top parmi les ‘new stars’.
Il enregistra avec Hank Jones, Milt Jackson et John Coltrane et joua avec Miles Davis,
même si cela n’a duré que quelques semaines. Le rôle qu’il a joué dans les quintettes
de J.J. Johnson et Donald Byrd en dit aussi très long. Il s’est produit avec les deux en
Europe.
Il vécut aussi à Paris. Comme de nombreux confrères belges, il prit ses quartiers à
l’Hôtel du Grand Balcon, tenu par Mme André dans la rue Dauphine/rue Mazarin. Il y
resta cinq ans, sans compter l’escapade qu’il fit à Tahiti. Paris lui permit de travailler
en studio notamment sur la session Saturne récemment rééditée, que l’on peut
considérer comme le premier enregistrement de bop français (1951). De nombreux
enregistrements parisiens étaient à nouveau disponibles via BMG (Vogue, Swing, de
‘Italiaanse’ RCA’s avec Chet Baker et René Thomas) et Universal (‘Jazz in Paris’,
EmArcy, Barclay). Les musiciens français que l’on retrouve régulièrement à ses côtés
sont les pianistes Henri Renaud, Maurice Vander, Bernard Peiffer, René Urtreger, et
Sacha Distel à la guitare plus les Belges ‘émigrés’ comme Sadi (vib) et surtout Benoît
Quersin (b). Un livre remarquable mais rare à son propos(bio- et discographie) reste
celui de Mon Devoghelaere. Plus récemment a paru Bobby Jaspar - Itinéraires d’un
jazzman européen de Jean-Pol Schroeder.

René Thomas
Jazz Middelheim 1973. ‘Ladies and gentlemen, my old friend from Belgium, René
Thomas’. Sonny Rollins présente l’homme qui l’a accompagné, il y a quinze ans, sur
une face du 33-tours ‘Brass and Trio”. En tant que (très) jeune gitariste, Thomas
(1927-1975) apprenait par coeur, et sur l’ouïe, les solos de Django Reinhardt. Le
parrain liégeois Raoul Faisant le prendra sous sa garde et avec lui, il enregistrera
quelques faces pour Olympia, accompagné par l’accordéoniste Hubert Simplisse.
Quant aux solos, il devra se contenter de très peux d’espace: p.ex. 8 mesures dans
‘Vous avez un beau chapeau, madame’ (‘Idaho’).
Après la guerre, René Thomas formera son propre trio avec Léo Flechet (p) et José
Bourguignon (d). Il y a du travail chez les Américains en Europe.
Ensuite, il rencontre Jacques Pelzer et Bobby Jaspar, mais ne fera jamais vraiment
partie des Bob Shots, malgré les nombreuses occasions de les accompagner, lui
offertes par le leader du groupe, Pierre Robert, également guitariste.
Le style de René Thomas des années ’50 peut être écouté sur ‘Easy Going’ de Jack
Sels, l’extrait d’une emission ‘Jazz Vivant’ d’Albert Bettonville.
Jaspar, Sadi, Quersin et Boland émigrent sur Paris, suivis par Thomas et Pelzer
(1953). Thomas y entendra les Américains Jimmy Gourley et, surtout, Jimmy Raney,
qu’il prendra comme exemple. Les enregistrements pour Vogue, Barclay et Polydor
viennent d’être réédités sur cd.
En voyant le jazz perdre son succes en Europe, Thomas part pour le Nouveau Monde,
avec le Canada comme destination initiale, où il résidera. Sur ‘United Notions’,
l’album international de Toshiko Akiyoshi (1958), Thomas est libelé Canadien, tandis
que Jaspar y est repris en tant que Belge.
Thomas apparaît souvent sur la scène New Yorkaise et enregistre même un album
sous son propre nom, en compagnie du ténoriste J.R. Monterose: ‘Guitar Groove’
(1960). L’année suivante, il retournera en Belgique (et à Comblain…).
Avec Jaspar, Quersin et Daniel Humair, il forme un quartette avec lequel il enregistre
chez Ronnie Scott’s à Londres. En 1961, un disque de Thomas avec Jaspar et une
section rythmique italienne sort sur RCA, le label sur lequel Chet Baker enregistrera
avec eux en 1962 ‘Chet is back’. Ensuite, il aura du travail au studio avec Lou
Bennett, Lee Konitz (enregistrement pour la radio Hollandaise en 1965 avec Misha
Mengelberg et Han Bennink) et Lucky Thompson (‘A Lucky Songbook in Europe’
avec Sadi, 1969). La même année, il entame sa collaboration avec le Stan Getz
Quartet, avec Eddy Louiss (org) et Bernard Lubat (d) (‘Dynasty’ enregistré chez
Ronnie Scott).
En 1974 sortent encore ‘Hommage à René Thomas’ (Timeless) et ‘TPL’ (Thomas-
Pelzer Limited) (Vogel).
René Thomas l’a également emporté aux Etats Unis. Verritable classe mondiale!
Benoît Quersin
Les bassistes sont rarement nommés en première place pour illustrer un courant, mais
avec Jean Warland et Quersin, les choses sont différentes. A l’origine, Quersin était
pianiste et a remplacé Warland dans le quartette de Toots Thielemans au festival de
Paris de 1949. Il s’est affirmé l’année suivante et a enregistré avec de grandes
pointures comme Sidney Bechet, Lionel Hampton, Dizzy Gillespie et Chet Baker.
Avant et après son retour en 1957, il a travaillé régulièrement avec Jack Sels, a dirigé
un moment le Blue Note jazz-club de Bruxelles à partir de 1960 ainsi que la section
jazz de la RTB. Il fut l’un des premiers à diffuser Eric Dolphy et Ornette Coleman
puis partit comme musicologue au Zaïre. Il a réalisé quelques enregistrements
marquants avec Bobby Jaspar, René Thomas et Jacques Pelzer.

Jacques Pelzer
Sur le deuxième d’une série de trois LP de 25cm Innovation en Jazz, édité à l’époque
par les chaînes de grands magasins, René Thomas jouait sous la direction de Pelzer
(1924-1994). Pelzer faisait parti du groupe Session d’Une Heure et passait, avec son
saxophone alto, de Johnny Hodges à Benny Carter en passant par Charlie Parker (puis
Lee Konitz), et sur le soprano, de Coltrane à Steve Lacy. Il n’évitait donc pas le more
free. Tout comme Thomas et Sadi, il s’était mis sous la protection de Raoul Faisant. A
l’instar de Quersin, il s’intéressait à l’Afrique et s’est mis, comme Jaspar à la flûtre
traversière. Au début des années soixante, il a souvent joué avec Thomas, a enregistré
avec lui, avec Jaspar et Chet Baker, avec qui il a créé un petit orchestre et s’est produit
à Carnegie Hall. La lignée musicale se poursuit par son neveu Steve Houben et sa fille
Micheline (dm). Houben et Pelzer étaient ensemble de 1978 à 1981 dans Saxo 1000,
un hommage à Thomas, Jaspar et à la ville de Liège qui fêtait alors son millénaire.

Francy Boland
En mai 1949, Boland (°1929) était le pianiste des Bob Shots. Grâce à ses études au
conservatoire de Liège, il est entré en contact avec la ‘nouvelle’ génération du jazz.
On le retrouve à Bruxelles, Anvers (Exi Club, chez Jack Sels dont il a fait partie du
Chamber Music comme trompettiste) et à Paris où il enregistre avec Jaspar, Sadi et
Henri Renaud et aussi Chet Baker avec qui il part en tournée. A l’instar de Jean
Warland, il a fait partie de l’orchestre d’Aimé Barelli et a rencontré le batteur Kenny
Clarke. Au USA, il a réalisé des arrangements pour Benny Goodman, Count Basie et
Mary-Lou Williams.
En 1958, il réalise ses premiers arrangements pour le band de Kurt Edelhagen pour
qui avaient déjà travaillé (ou allaient travailler) les Belges Christian Kellens (tb),
Eddie Busnello (bs) et Francis Coppieters (p, arr). En 1960, il se joint à Henri Segers
qui dirige aussi le BRT Big Band. Il rencontre ensuite Gigi Campi qui tient un salon
de dégustation de glaces à Cologne et y programme du jazz, plutôt qu’une musique de
salon. Il lui offre ‘Campico’ et l’enregistre en 1960 avec Don Byas. Gigi Campi et
Kenny Clarke l’ont encouragé à créer le Kenny Clarke - Francy Boland Big Band
(CBBB) dont ont fait partie de nombreux Belges, en plus de grands musiciens
européens et de vedettes américaines comme Jimmy Woode, Benny Bailey, Johnny
Griffin, Sahib Shihab et Stan Getz,.

Sadi
Sadi Lallemand (°1927) résume sa carrière en répondant à quelques questions :
‘PAS d’école de musique. J’ai étudié seul. Ce que je connais, je l’ai appris seul!
Autodidacte.
New York : J’aimais bien.
Kenny Clarke-Boland : J’adorais.
Mon orchestre (un big-band) à la ‘Rose Rouge’.
Paris : Quel bonheur ! Les années au ‘Ring Side’ Paris (avec quelques visiteurs
américains et Django) : Extraordinaire.’
Dans sa liste de disques, il souligne ceux du Clarke-Boland Big Band (CBBB) et de
Django Reinhardt (Decca).
‘Paris : J’ai enregistré ce disque (de Django Reinhardt - ss) qui était son tout dernier, 3
semaines avant sa mort en 1953’. En-dessous, un espace manifestement trop petit
pour indiquer sa discographie, il écrit : ‘Plus de place !!’
Il a réalisé son tout premier disque le 13 avril 1946 avec Gus Deloof (sur Victory)
avec notamment Raoul Faisant (ts) et Alphonse Verlackt (Al Verlane) (dm). Lionel
Hampton fut sa première influence, mais aussi Milt Jackson, lorsqu’il faisait partie
des Bob Shots. Il a participé à des tournées des American Special Services en
Allemagne. Depuis 1950, il a séjourné et habité onze ans en France et a beaucoup
enregistré pendant les années cinquante. De 1962 à 1965, il travaille à la télévision
RTB, puis devient membre de l’orchestre de jazz de la BRT d’Etienne Verschueren.
Au cours de tournées mondiales, il réalise des ‘jazz spot’ notamment avec la
chanteuse Caterina Valente. ‘Las Vegas : j’adorais…’

Jean Warland
‘Tout a commencé avec l’accordéon,’ affirme Jean (Bruxelles 1926). ‘Comme pour
Toots, Etienne Verschueren et Tony Bauwens’. Depuis ses trois ans, il joue de
l’accordéon et, en 1945, dans le band de Chas.Dolne (g) au Century Hotel d’Anvers,
où il remplace Lou Logist. David Bee y joue de la harpe, Frank Engelen de la guitare.
Il ne savait pas encore lire la musique : il ne jouait les pièces de Dolne qu’à l’oreille.
Il lui fut donc conseillé de se perfectionner en solfège. Ce qu’il fit. Il était excellent
dans les jam sessions : quand Jack Sels entrait, cela lui coûtait souvent son dernier
train pour Bruxelles. Le ‘Blues de l’adieu’ (‘Bye Bye Blues’) venait parfois un peu
tard…
Il était généralement le plus jeune dans les orchestres et il admirait beaucoup les
musiciens comme Jean Robert, Fud Candrix, Bobby Naret, Stan Brenders, Jean Omer,
Pol Bevernage (bs), Ivon De Bie et Janot Morales. Lorsqu’au cours de l’hiver 1947-48
Jean Omer décrocha un engagement à Cannes, Jean se produisait avec le band de Bill
Alexandre au Boeuf sur le Toit à Bruxelles : ‘Be bop pour la danse…’. Membre du
quartette de Toots, il a joué à la Grande Semaine du Jazz à Paris en 1949, avec Francis
Coppieters (p) et John Ward (dm). A partir de 1951, il y a, à Bruxelles, énormément
de travail en studio. Jean le confirme : ‘Il y avait deux sections rythmiques : A et B. A
avec Jaap Streefkerk (alias Steve Kirk) (p), Jo Van Wetter (g), René Goossens
(Goldstein) (b) et Jo Demuynck (dm). B avec Frans André (p), Jean Douchamps (John
Sweetfield) (g), Jean Warland (b) et Jeff De Boeck (dm). Le studio Philips choisissait
toujours le A, tandis que la B n’avait aucune chance.’ Jean l’eut une fois.
En 1956-57, il partage à l’Hôtel Le Grand Balcon à Paris la chambre de Sadi et
enregistre notamment ‘Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir’ dans lequel il joue
davantage de morceaux que Pierre Michelot. Il avait rencontré Clarke avec l’orchestre
de Jacques Hélian (avec Ernie Royal) (ts). Plus tard, il a joué deux ans avec Aimé
Barelli à Monte Carlo. Plein de respect, il parle de Lucky Thompson (dont il ne
connaissait pas, au début, ‘How Deep Is The Ocean’ ce qui ne rendait heureux ni l’un
ni l’autre…) et Dizzy Gillespie (qui lui apprit l’intro correcte de ‘A Night In
Tunesia’). En 1956 et 1959, il a travaillé régulièrement avec Lucky Thompson. Il a
fait une tournée mondiale avec Caterina Valente et a reçu une offre de Werner Müller.
Entre-temps, il a beaucoup travaillé à Cologne avec le Clarke-Boland Big Band (les lp
‘Fellini 7½’ et ‘Change of Scène’ - le dernier avec Getz. Il travaille ensuite
régulièrement avec le WDR-Big Band et part à la retraite en 1991 après deux concerts
de remerciement. Il dirige ensuite Sax No End et joue au Jazz Middelheim 1993, à
l’époque avec Richard Rousselet (tp), les saxophonistes Ben Sluijs, Bart Defoort,
Fabrice Alleman, Jeroen Van Herzeele et Bo Van der Werf. Un an plus tard, il devient
Sax No End plus Five. Avec les cinq derniers (une jeune section de saxophone
allemande), il continue à travailler sous le nom de Sax-Port. Avec Richard Rousselet,
il crée en 1998 le groupe ‘A Train Sextet’ qui joue le musique de Duke Ellington. Il
travaille ensuite en trio avec Curt ‘Bas’ Bulteel (p) et Laurent Mercier (dm). Son
conseil aux jeunes : ‘Ecouter, bien écouter, c’est la base d’un musicien de jazz.’
Quelques autres musiciens
Jack Sels
Des musiciens comme Jean Warland et Roger Vanhaverbeke mettent
respectueusement Jack Sels au centre de l’évolution du jazz belge de l’après-guerre.
Comme une grande partie de sa génération, Jack était un autodidacte. Dans sa
gigantesque collection de disques, ceux qui l’ont le plus intrigué sont Lester Young et
les disques de be-bop 78 tours. En février 1948, à Anvers, le concert du Dizzy
Gillespie Big Band a exercé un énorme impact sur lui et sur ses contemporains.
A l’automne 1949, Sels fonda un orchestre semblable avec notamment Charlie
Knegtel, Nic Fissette et Herman Sandy (tp), Christian Kellens (tb), Bobby Jaspar (ts),
Roger Asselberghs (bs), Francis Coppieters (p), Jean Warland (b), John Ward (dm)
(qui avait joué à Paris en mai 1949 avec les Bob Shots et Toots et qui commençait à
présent une carrière chez Hazy Osterwald) et Rudy Frankel (perc).
Moins de deux ans plus tard, revoilà Sels avec son Chamber Music inspiré par les
sessions de Miles Davis ‘Birth of the Cool’ : une fois de plus avec Knegtel, Sandy,
Kellens, Asselberghs et Frankel (dm), plus Francy Boland (tp, mel), Jean Fanis (p),
Benoît Quersin (basse, mais aussi hautbois, basson, violoncelle et tuba).
Ensuite, Jack a joué pour le Welfare en Allemagne - avec Sandy, Fissette, Kellens,
Asselberghs, Frankel, Etienne Verschueren et Roger Vanhaverbeke. Après le départ
de Jack, Vanha crée avec Etienne et Willy Albimoor (p) les Belgian Bluebirds. On en
retrouve plusieurs sur les LP 25 cm ‘Jazz in Little Belgium’, dont la plus belle
composition de Jack ‘Rain On The Grand Place’). Une certaine controverse est née à
propos du film Just Friends. Jack, qui ne mettait que rarement le pied au-delà de nos
frontières, n’a jamais été en Amérique et n’est que peu représenté sur le marché du
disque, quoiqu’un matériel imposant soit disponible surtout à la VRT.
En 1961, Jack enregistre un disque en quartette avec Philip Catherine. L’organiste
était Lou Bennett avec qui notre excellent guitariste René Thomas enregistrera deux et
cinq ans plus tard. Paris n’est pas loin, mais pas pour Sels. Il était pressenti par le
directeur de la production Elias Gistelinck pour venir jouer avec son quartette - Jean
Fanis (p), Roger Vanhaverbeke (b) et Al Jones (dm) - live dans le studio pour la série
radiophonique de la BRT Levende Jazz et plus tard pour exécuter des solos, des
compositions et des arrangements avec la section saxophone de l’orchestre de jazz de
la BRT sous le nom de Saxorama. Il reçoit un ultime hommage lorsque le critique et
homme de radio Mon Devoghelaere publie sur ses deux LP sous le label Vogel une
sélection judicieuse de ses archives radiophoniques.
Je tiens à citer deux des principaux piliers des big-bands de Jack des années 1949 et
1951 : le clarinettiste et saxophoniste baryton Roger Asselberghs et le batteur Rudy
Frankel.

Roger Asselberghs
Son intérêt pour le jazz s’éveille par hasard en écoutant les enregistrements de Benny
Goodman et Artie Shaw. Fin 1944, il travaille en tant que clarinettiste avec le band de
Marcel Bossu (g), et un peu plus tard avec celui de Coco Collignon (p). Il rencontre
ensuite Mickey Bunner (tb), qui le forme ainsi que Jack Sels et les prend dans son
octette. C’est à la même époque qu’ils découvrent les jam-sessions avec Sadi, Toots,
Jean Fanis, Bobby Jaspar et René Thomas. Il fait son service militaire au Welfare et
rencontre des musiciens comme Nicolas Fissette (tp), Roland Thyssen (p), Roger
Mores (p), le futur chef d’orchestre de la BRT Fernand Terby (vln). Ensuite, il entre
au Jump College de Jacky Jun(e) (anches) avec lequel il donne le 1er avril 1951 un
remarquable concert au PBA avec Sidney Bechet, Roy Eldridge, Don Byas, James
Moody et Kenny Clarke. Il jouera plus tard avec ces derniers et Dizzy Gillespie. En
1953, il réalise des enregistrements avec Buck Clayton, Kansas Fields (dm) et Taps
Miller (tp, voc) pour Ronnex. Il interrompt son séjour avec Jack Sels en Allemagne
occupée en 1953 pour étudier la photographie aux USA. Roger n’a réalisé que très
peu d’enregistrements commercialisés, mais il existe de ci de là quelques acétates. En
1955, il se retrouve tout de même sur le disque Innovation en Jazz de Henri Carels
(tp). Et en 1958 sur deux morceaux du disque ‘Jazz in Little Belgium’, avec Herman
Sandy (tp), Paul Dubois (b), Johnny Peret (dm). C’est ici que se termine sa présence
dans les studios (musicaux) mais il joue encore à la Rose Noire, après avoir été
recruté en 1957 par le RTB pour le band de Léo Souris avec qui il part en tournée en
Afrique (avec Sandy, Pelzer, Quersin). Ensuite, il met un terme à sa carrière de
musicien et devient photographe publicitaire. Il réalise tout de même encore d’autres
études musicales (1976) et un quintette, Roger Asselberghs and the Goodman Sound
(avec Jean Fanis) et joue un moment avec le Fondy Riverside Bullet Band. Dans les
années nonante, il fait à nouveau partie du groupe de jazz Jazz for Fun.

Rudy Frankel
Frankel (1928-2002) entre directement après la guerre avec Sels, Fanis et Asselberghs
dans le band de Mickey Bunner et réalise son premier disque (‘13th Port’). Rudy n’a
réalisé que peu d’enregistrements en comparaison avec son importance sur la scène
nationale de jazz et la plupart datent d’avant 1960. Il était un batteur de swing typique,
un chronométreur parfait et sobre qui a assimilé systématiquement le passage au bop
comme en témoignent ses enregistrements avec le Jacques Pelzer Modern Jazz Sextet
(1955). Il joua souvent avec Jack Sels, en 1947 avec Toots (l’acétate existe), en 1951
de nouveau, avec Billy Desmedt (org), et deux autres sessions avec Jaap Streefkerk
(alias Steve Kirk) et Sels (‘Rain on the Grand Place’ et avec Lucky Thompson). Il y a
également énormément d’œuvres radiophoniques et de variété. Parmi les excellents
musiciens américains qu’il a accompagnés, citons Oran ‘Hot Lips’ Page, Bill
Coleman, Stuff Smith, Lester Young, Erroll Garner et Bud Powell. Après 1960, il
travaille beaucoup avec Jean-Paul (p) et Joanna (voc) Vanderborght, le Victoria Band,
Johnny Dover et The Brussels Jazz Gang. Il se produisit souvent avec Herman Sandy
avec qui il a eu très symboliquement son dernier boulot…

Freddy Rottier
Avec Félix Simtaine, Rottier (1926-1995) est le plus important des batteurs de big-
band belge de l’après-guerre. Il a également ouvert la voie à la batterie be-bop dans de
petites formations pour les actuels jeunes turcs. Avant de se mettre à travailler avec
Jack Sels à la moitié des années cinquante (le film Meeuwen sterven in de haven,
beaucoup de radio et quelques enregistrements Ronnex), Freddy jouait déjà depuis
1943 avec de Stan Brenders et dès 1945 avec Robert De Kers. En 1946, il y eut des
enregistrements avec Rud Wharton (acc) (avec Toots). En 1953, il travaille avec Guy
Grynrock (p) et Raymond Lauwers (s), en 1955, il enregistre avec Herman Sandy, en
1956 avec Janot Morales, en 1958 avec Willy Rockin (avec Sels). Il entretient
également une étroite collaboration avec Sadi : quartette (1960-‘61), Big Band (1969-
‘72), à nouveau quartette (1976) puis le célèbre nonette (1987). Il part en tournée avec
Caterina Valente et Werner Müller, commence un travail à la BRT (The Modern
Brass Band sous la direction de Theo Mertens et Francis Bay). En 1970, un
enregistrement important : ‘Injacktion’ (Jack van Poll) avec les arrangements
d’Etienne Verschueren avec qui il enregistre le lp/cédé ‘Early Spring’ en 1983. En
compagnie de Roger Vanhaverbeke, il enregistre un disque avec la chanteuse Stella
Marrs et deux disques Bop Friends et on le retrouve dans ‘Jazzy Tunes’ de Georges
Mox (1992) et ‘Remember Adolphe Sax’ (1994). Jusqu’à sa mort, il fut membre du
Vanha’s New Look Trio. Son batteur favori était Billy Cobham.

Jean Fanis
A l’instar des bassistes Roger Vanhaverbeke et Jean Warland, la carrière de jazz du
pianiste Jean Fanis (°Wépion 1924) couvre environ un demi-siècle. En passant par
Ellington, Teddy Wilson, Nat ‘King’ Cole, Earl Hines et Erroll Garner, il a évolué
jusqu’à Al Haig et Bud Powell. En 1952-1953, il a joué avec Jack Sels et Roger
Vanhaverbeke en Allemagne, mais a dû décrocher à cause de problèmes aux yeux.
C’est la raison pour laquelle son parcours est resté très belge : Liège, Bruxelles et
Anvers, où il fait des rencontres décisives avec Roger Asselberghs et Jack Sels, à
Liège avec Sadi et Raoul Faisant, à Bruxelles il est de 1953 à 1957 le pianiste maison
de la Rose Noire, où il accompagne notamment Clifford Brown (en tournée avec
Lionel Hampton). Il ne réalise aucun enregistrement sous son propre nom, mais deux
petites faces avec Mickey Bunner (1946); des acétates avec Jack Sels and his
Chamber Music (1951); les trois lp 25 cm Innovation en Jazz (1955) : n°1 avec Henri
Carels et Roger Asselberghs, n°2 avec le Jacques Pelzer Modern Jazz Sextet (avec
René Thomas) et n°3 avec le Herman Sandy kwartet (avec Warland et Rottier). Un an
plus tard, il réalise également avec Sandy le lp Fiesta ‘Jazz For Moderns’ (avec
Pelzer, Warland et aussi Jo Demuynck à la batterie), ‘Rain On the Grand Place’ (avec
Jack Sels) (1958) puis avec lui également un Saxorama (1963) et quelques numéros
en quartette pour la BRT (1964-65) qui paraîtront finalement sous le label Vogel. Il y
eut Didian (1957) et le Willy Rockin Band (1958) et Lucky Thompson (1959). On
possède aussi quelques enregistrements épars avec Sadi, Freddy Sunder ou Sandy
avec le Brussels Jazz Gang et Jazz Combine avec Mike Zinzen et Patricia Beysens
(1981). Jean est toujours actif et a notamment joué pour célébrer les cinquante ans de
carrière de musicien de Roger Vanhaverbeke (voir ci-dessous).

Roger Vanhaverbeke
Roger (°Oostende 1930) a débuté officiellement le 1er octobre 1950 avec le band de
Mickey Bunner au night-club Beaulieu, sous le cinéma Palace à Liège. Pour les deux
dernières représentations, il a joué en outre du violon dans le cinéma avec l’orchestre
d’Emile Sulon. En organisant lui-même des tournées avec de grands solistes
américains comme Harry ‘Sweets’ Edison et Eddie ‘Lockjaw’ Davis, les trompettistes
Clark Terry, Carmell Jones, Art Farmer et Idrees Sulieman, les trombonistes Kai
Winding, Frank Rosolino et Slide Hampton, les saxophonistes altos Sonny Criss,
Sonny Stitt, Chris Woods et Phil Woods, les saxophonistes ténors George Coleman,
Ben Webster, Scott Hamilton, Don Byas, Lucky Thompson, Johnny Griffin et Dexter
Gordon, Cecil Payne (bs), Milt Jackson (vib) et la chanteuse Deborah Brown, il
épargne aux orga-nisateurs des frais importants. Il faut souligner sa tournée avec Nat
‘King’ Cole (et le frère de Lester, Lee Young à la batterie) et les représentations en
trio (avec le batteur Freddy Rottier) avec Teddy Wilson, Joe Albany et John Lewis.
Le plus beau compliment qu’il ait jamais reçu lui a été décerné par Roland Kirk chez
Pol : ‘I want to talk to the bass player… I like your pulsation and your sound. You
have the punch that I like.’ Et un autre jour : ‘Hey Vanhaverbeke, do you want to play
some more ?’
Il faut aussi citer les Européens comme Stéphane Grappelli, Dany Doriz, Gianni
Basso et Ronnie Ross. En réglant lui-même séjours et représentations, il a contribué
au renom de ces musiciens en particulier et du jazz en général. Roger a commencé
comme violoniste classique. Il a obtenu le premier prix du Conservatoire royal de
Bruxelles dans cette discipline puis en violon de jazz. Malheureusement, bon nombre
d’enregistrements de la BRT - avec Jean Fanis, Nic Kletchkovsky et Al Jones - ont
disparu. A bon droit, Roger admire Jack Sels avec qui il jouera notamment pour le
American Officers Clubs en Allemagne occupée (1952-1953). C’est là qu’Etienne
Verschueren troque le saxophone ténor pour un alto. Quand Jack revient en Belgique,
Roger crée ses Belgian Bluebirds avec Verschueren (as, acc), Willy Albimoor (p),
Cees See (dm) et plus tard Pierre Jowat (dm). Parmi les autres Belges en tournée à
l’époque, citons Al Goyens (tp), Johnny Renard (tp, vib) et Nic Kletchkovsky (b). En
1955, Roger part jouer pendant sept ans au Grand orchestre du Casino d’Ostende sous
la direction de Franz Lebrun. Il se joint ensuite au big-band de la TV belge sous la
direction de Henri Segers. Il travaille ensuite surtout en trio avec Jean Fanis (p) (plus
tard avec Bob Porter, Tony Bauwens, Johan Clement) et Al Jones (dm) (plus tard
Freddy Rottier et Luc Vanden Bosch). Ce qui fut d’abord le Al Jones trio s’appelle à
partir de 1983 le New Look Trio. Roger était aussi actif sur le terrain commercial
comme accompagnateur des groupes The Platters et The Golden Gate Quartet. Avec
Tony Bauwens, Freddy Rottier, Nic Fissette et Etienne Verschueren, il forme en 1977
le Bop Friends. Deux lp Vogel sont édités d’urgence : ‘Live at the Mozart’ (1977) et
‘Live at the Brussels Jazz Club’ (1978). Au moment où le band reçoit une invitation
de Paul Acket pour le Northsea Jazz Festival à La Haye (1980), Etienne tombe malade
et doit se faire remplacer par Steve Houben. Roger Vanha reste très actif avec le New
Look Trio - a musician’s musician.
L’espoir d’une ère encore plus moderne
Félix Simtaine
Simtaine (°1938, Verviers) est l’un des rares jazzmen belges contemporains qui me
demande parfois des ‘vieux’ enregistrements : Sonny Greer ou The Drums de Jo
Jones. On peut évoluer sans pour autant renier le passé. Dans son passé liégeois, il a
travaillé avec Léo Flechet, Robert Jeanne, Jacques Pelzer et René Thomas ; il en
existe un enregistrement de 1968. Tout comme un autre de 1970 avec Rhoda Scott
(org), dont il fut pendant quatre ans l’ (unique) accompagnateur. En 1974-75, il réalise
un enregistrement du super-groupe Solis Lacus de Michel Herr, en 1978 avec Freddy
Deronde (b) il enregistre le triple disque de Michel ‘Ouverture Eclair’.
Il entame les années quatre-vingts avec Christine Schaller (p) et Saxo 1000 ainsi que
son propre magnum opus, le Act Big Band. On trouve ses enregistrements avec le
band entre 1981 et 1996. Toujours optimiste, il reste très actif au studio dans les
années nonante avec par exemple Jeanfrançois Prins (‘NY Stories’), Eric Legnini et
Joe Lovano (‘Rhythm Sphere’), en trio avec Lew Tabackin à l’Archiduc (‘Round
About Five’). Bête de scène par excellence, il mène également pour le moment le Ten-
Tamarre.

Richard Rousselet
Actuellement, Rousselet (°1940) est responsable de la formation jazz du département
francophone du Conservatoire royal de musique de Bruxelles. En 1960, il se fait
remarquer au Festival d’Ostende en compagnie de Félix Simtaine. Sur le plan
stylistique, il est polyvalent, Montreux lance réellement sa carrière. En 1969, il s’y
produit avec l’orchestre international de Clark Terry (arrangements Ernie Wilkins) et
reçoit même un solo. Philip Catherine s’y trouve également. Deux ans plus tard, il
reçoit le prix de la presse après un spectacle avec Placebo. Plus tard (1974-75), il joue
un rôle important auprès de Solis Lacus puis avec Marc Moulin et Lilith (Claudine
Simon) et le Act Big Band. Premier enregistrement sous son propre nom ‘No May
Be…!’ (avec John Ruocco, 1984), ensuite (1995) ‘Waitin’ For You’ (avec
Jeanfrançois Prins), tous deux avec Michel Herr. Entre-temps, il a pris à Mons la
direction du big-band West Music Club. Il travaille ensuite notamment avec les Sweet
Substitutes (1993) et sur ses projets Ecaroh, A Train Sextet et Monk, et plus
récemment à un hommage à Miles Davis de nouveau avec Herr, Jeanfrançois Prins,
Bas Cooijmans (b) et Bruno Castellucci. ‘Mais j’aime également jouer les grands
standards des années trente.’ C’est un excellent pédagogue et un grand défenseur du
jazz en général.
Exposition universelle
1950 constitue un tournant pour les offres de travail : les soldats américains rentrent à
la maison (et partent en Corée…), leurs officers clubs disparaissent. Le juke-box
apparaît et déloge les orchestres. C’est ainsi que la Mecque du jazz et des
divertissements sur le Stadswaag a perdu tout son lustre au cours des années
cinquante. Dans quelques boîtes (portant des noms bariolés) comme de Schuur, de
Stal, de Zolder, de Gard Sivik, de Beddenbak, het Venushof,… on rencontre, à tous
les coups, de petits orchestres de jazz (ou autre). Provisoirement seulement, parce que
leur disparition est irrémédiable.
Les musiciens de jazz qui ne se sont pas exilés jouent souvent pour gagner leur pain
dans des orchestres de danse, tandis qu’au cours de cette moitié de décennie, le
rock’n’roll envahit le pays. Il reste quelques salles qui permettent de garder l’espoir,
comme la Rose Noire à Bruxelles, l’Exi, le Gruter et le Quellin à Anvers. Les
musiciens préfèrent parfois la sécurité à l’incertitude : Gaston Bogart avec ses
Chakachas, le guitariste Jo Van Wetter qui a remporté un grand succès avec ‘La
Playa’, le guitariste chanteur Frits Sundermann se rebaptise Freddy Sunder, se
retrouve dans le hit-parade avec ‘Rio Rita Boogie’ et n’est reconnu que plus tard
comme musicien de jazz. Les enregistrements avec ses compagnons du band de
Francis Bay (le bassiste Clement De Mayer et le batteur Armand Van de Walle) tout
comme ‘The Clouds’ valent vraiment la peine que l’on s’y arrête !
Les amateurs peuvent se rendre au Palais des Beaux-arts de Bruxelles pour écouter les
grands noms américains, généralement le dimanche, après un concert en matinée à
Anvers. Les Pays-Bas ou Paris offrent d’autres possibilités. Ainsi, le Jazz Club
d’Anvers a même organisé des voyages en autocar (avec tombola !) vers La Haye,
régulièrement suivis d’un concert nocturne à Amsterdam. Ella, et même Billie
Holiday, Basie, Ellington, le Jazz at the Philharmonic viennent sur le continent. En
1959, Armstrong a joué toute une semaine à la Oud België d’Anvers, comme il était
de coutume aux States.
L’exposition universelle de 1958 à Bruxelles a également donné quelques nouvelles
impulsions, malheureusement éphémères, au jazz, pas seulement grâce aux concerts
de Benny Goodman et Sidney Bechet mais aussi et surtout grâce à de nombreux
nouveaux enregistrements de musiciens belges sous des labels comme Fiesta, pour la
série Innovation en Jazz et surtout Decca avec ‘Jazz in Little Belgium’. Omega (sous-
label de la maison belge Decca) et Philips ont engagé pour le Francis Bay Big Band
les arrangeurs Bert Paige (Albert Lepage) et Peter Laine (Marcel Peeters) pour faire
enregistrer pendant l’année de l’expo des lp dont les plages seraient associées avec
Duke Ellington, Tommy Dorsey (‘Salute to…’), Ted Heath, Artie Shaw (‘Swing Low,
Great Clarinet’), Glenn Miller et Benny Goodman. Et aussi des cha cha cha… Avec
Edmond Harnie, Louis Dehaes et Charlie Knegtel (également très actif sous le label
Ronnex), le band possède d’excellents trompettistes. La section saxo forme avec
Frans L’Eglise, Jef Verhaegen, Benny Couroyer, Pros Creado et Guy Dossche le futur
Saxorama, dont Jack Sels enregistrera onze sessions (avec Emile Chantrain au lieu de
Verhaegen). Jean Evans est le pianiste de Bay, Sunder le guitariste. Bay est le
précurseur du futur orchestre de jazz de la BRT. Pendant l’Expo a été organisée une
journée du jazz belge.
Les années soixante et suivantes
Dans les années cinquante, Sidney Bechet était très populaire. Il a joué à l’Expo et on
le voyait régulièrement sur les chaînes de télévision nationales de même que d’autres
comme ‘Hot Lips’ Page, Peanuts Holland, Nelson Williams (tous trompettistes) et
Kansas Fields (dm). Etrangement, les concerts de Lionel Hampton ont rassemblé
autour de 1955 les premiers ‘jazzhooligans’ qui détérioraient des salles. Le tendre
Hamp a enregistré ses versions de ‘Toen onze mop…’, ‘Zeg kwezelken’ et ‘Sarie
Marais’. A l’Expo Benny Goodman a joué ‘Obsession’ (David Bee) et la ‘March of
the Belgian Paratroops’ (Pieter Leemans). ‘La Petite Valse’ de Joe Heyne a été reprise
par Erroll Garner et Duke Ellington. Parmi les musiciens de premier plan que nous
n’avons pas encore cités dans cet ouvrage, mentionnons (en 1958-1960) Milou
Struvay (tp), Johnny Renard (tp, vib), Alex Scorier (ts), Jean-Pierre Gebler (bs), Joel
Van Drogenbroeck (p) (qui allait travailler avec le tromboniste suédois Eje Thellin),
Jean Beurlys (alias Blaton) (g), José Bedeur (b) et José Bourguignon (dm) (parti au
Canada avec René Thomas). Plus tard au cours des années soixante, la BRT a
organisé (encore Gistelinck) une série de ‘Jazzpanorama’s live’ au cours desquels on
a pu admirer Babs Robert (ts) et Robert Pernet (dm). L’un des plus brillants élèves de
Raoul Faisant fut le Liégeois Michel Dickenscheid (ts) qui entrera dans l’histoire
surtout comme un excellent technicien du jazz : les premiers disques de Michel Herr
(‘Ouverture Eclair’), Saxo 1000 (une idée de Jean-Marie Hacquier), le premier Guy
Cabay, ‘Mauve Traffic’ (label : MD). Fin des années soixante apparaît le Free Jazz,
décrit plus subtilement par Willem M. Roggeman comme le ‘more free jazz’. Citons
aussi Fred Van Hove (p, org, acc), en 2002 toujours fidèle à ses idées et à
l’improvisation libre européenne à ne pas confondre avec le Free Jazz amércain.
Lisez ici le passage sur WIM et n’oubliez pas André Goudbeek (as, ban). Entre-
temps, la période de festivals d’été ‘sur l’herbe’ est déjà bien entamée... ou déjà
révolue.
La nouvelle tendance : les festivals
Comblain
La popularité du jazz s’est regonflée grâce aux festivals de jazz en plein air. Le
premier festival de jazz digne de ce nom s’est déroulé en 1948 à Nice. Newport,
Rhode Island ont entraîné le jazz en plein air à partir de 1954. Le premier (et le plus
dynamique) festival en Belgique a été celui de Comblain-La-Tour (1959-1966). On
trouve des informations précises dans les anciens numéros du magazine Jazz in Time,
dans le livre Jazz à Liège et/ou à la Maison du Jazz de Liège. Il a démarré un an avant
Antibes-Juan-les-Pins et a été pratiquement tous les ans généreusement arrosé par la
pluie. Chet Baker y était dès la première année. A l’époque, Léo Souris avait composé
un Comblain Concerto pour son New Jazz Group. Une série imposante de musiciens
américains y ont joué : Cannonball Adderley (‘Cannon Ball Edely’ dans la presse mal
informée), John Coltrane, Jimmy Smith, Stan Getz, Paul Bley, Andrew Hill, Bud
Powell, Ray Charles, Memphis Slim, Benny Goodman, Woody Herman et Bill Evans.
Mais les Belges aussi ont été largement programmés : René Thomas, Jacques Pelzer,
Bobby Jaspar, Sadi, Jack Sels, Francy Boland, Roger Vanhaverbeke, et en 1962 Philip
Catherine alors âgé de 20 ans. Des jams de clôture se déroulaient également au Jazz
Inn et à la Côte à l’Os à Liège.
En 1962, la commercialisation va bon train, réservant une place encore plus large à la
pop de l’époque, ce que les spectateurs n’apprécient pas toujours. D’autant que les
mesures de sécurité (barbelés) sont renforcées. En 1966, le festival est à sa dernière
édition même si, en 1961, il a surpassé, avec ses 30.000 spectateurs, le Newport Jazz
Festival. Quelques essais de relance ont été tentés en 1969 et de 1985 à 1990.
L’artisan de Comblain était Jean-Marie Peterken qui a également démarré en 1991 le
Festival International de Jazz à Liège et qui devint, trois ans plus tard, responsable
avec Jean-Pol Schroeder de la création de la Maison du Jazz à Liège.

Bilzen
Theo Boelen a créé le Jazz Bilzen en 1965 soit avant le déclin de Comblain. Au
départ, seul le jazz y était présenté (seul Ferre Grignard dans le rôle du vilain petit
canard). On a très vite opté pour un mélange, pas toujours heureux, de jazz et de rock,
même si les deux dernières années (1980 et 1981) le programme reposait sur d’autres
données. Au cours des années, des grandes pointures du jazz s’y sont produites : Zoot
Sims, Archie Shepp, Ornette Coleman, Charlie Mingus, Sonny Rollins, Freddie
Hubbard et Dizzy Gillespie. Parmi les Belges, on a vu notamment Robert Pernet
comme batteur avec le Babs Robert Quartet tant à Comblain qu’à Bilzen. Jazz Bilzen
a connu un sursaut en 1998. Un festival unique s’est tenu en 1968 à Amougies, du
côté francophone du Mont de l’Enclus. Des musiciens de renom qui y ont pris part,
comme Archie Shepp et le Art Ensemble of Chicago ont ensuite contribué au
catalogue de BYG à Paris. Cela ressemblait davantage à un (jazz)Woodstock en
miniature avant la lettre.

Jazz Middelheim
Jazz Middelheim est né le 17 mai 1969, jour où la BRT (sous l’impulsion d’Elias
Gistelinck), les promoteurs de Middelheim et Jeugd en Muziek Antwerpen ont
organisé un concert-promenade de jazz – sous la pluie comme à Comblain – avec le
sextette de Nathan Davis (avec Etienne Verschueren et Jan Wroblewski), le quartette
de Charles Tolliver et le quintette Eje Thellin avec John Surman. Un an plus tard, un
gigantesque chapiteau protégeait la foule de la pluie. La crème du more free
jazz/improvisation libre européenne s’y trouvait : Willem Breuker, Willem van
Manen, Han Bennink, Malcolm Griffiths, Evan Parker, Buschi Niebergall et Fred Van
Hove. Fred y était encore un an plus tard, tout comme Paul Van Gysegem, John
Tchicai et deux compagnies de jazz-ballets, l’une d’Etienne Verschueren (avec
l’orchestre de jazz de la BRT) et l’autre de Theo Loevendie. En 1972, le festival s’est
étendu à deux jours, toujours en mai dans le parc-musée du Middelheim. Parmi les
personnalités, il y avait Palle Mikkelborg, Ian Carr (avec Nucleus) et Jan Garbarek.
Walter Boeykens dirigeait aussi l’harmonie du conservatoire de musique d’Anvers.
En 1973, le festival déménagea pour un endroit plus spacieux (exempt de statues…)
dans le parc Den Brandt tout proche et fut déplacé au 15 août. Le programme était
exceptionnel : le Thad Jones-Mel Lewis Big Band, Sonny Rollins (également avec
René Thomas en invité), Dizzy Gillespie et M’Boom Re Percussion sous la direction
de Max Roach. En l’honneur de Jack Sels, on réalisa une recréation de Saxorama,
avec Etienne Verschueren et Nathan Davis comme solistes.
Jazz Middelheim s’est poursuivi tous les ans jusqu’en 1981. Il devint ensuite biennal
pour des raisons budgétaires et on se mit à la recherche de nouveaux grands sponsors.
Pour combler le trou, le Antwerp Left Bank Festival, entreprise mégalomaniaque et
fiasco financier, fut organisé en 1984. Depuis 1998, un Park Jazz-festival d’une
journée se déroule à Courtrai (à ne pas confondre avec l’annuel Jazz in ’t Park de
Gand, où en 2002 un vaste Blue Note Jazz Festival a été organisé au Bijloke et sur le
Gravensteen). Jazz Brugge 2002 est nouveau et devrait se réorganiser dans deux ans.
Il a été mis sur pied par De Werf dans le cadre de l’année 2002 au cours de laquelle
Bruges fut la capitale culturelle de l’Europe. Logiquement, cette première édition ne
présente que du jazz européen.
Fin de la crise ?
Clarke-Boland
La nouvelle musique ‘légère’ – rock and roll, twist puis soul – a infligé au jazz au
début des années soixante un revers sévère et pratiquement mortel. Même si Bobby
Jaspar joue avec Miles Davis et René Thomas avec Sonny Rollins, cela n’intéresse
guère de monde dans notre pays. Jaspar est mort jeune à New York, Thomas
commence à sortir de l’anonymat grâce à ses liens avec Chet Baker et son
engagement par Stan Getz (avec Eddy Louiss et Bernard Lubat).
Les musiciens belges essaient encore de percer à l’étranger, surtout dans le nouveau
‘paradis’ allemand : le WDR Big Band, le RIAS Tanzorchester, Werner Müller, Kurt
Edelhagen, Caterina Valente. Jean Warland (b), Freddy Rottier (dm), Jo Demuynck
(dm), René Goldstein (b), Janot Morales (tp), Nic Kletchkovsky (b), Francis
Coppieters (p), Eddie Busnello (as, bs), Christian Kellens (tb), Freddy Lhost (cl),
Bruno Castellucci (dm), Francy Boland (p, arr) et Etienne Verschueren (as) en sont les
invités fort prisés.
En 1961, Gigi Campi décide d’engager dans son salon de dégustation de glaces de
Cologne un jazz-band au lieu de l’habituelle musique de cocktail. Ce fut le début du
(Kenny) Clarke - (Francy) Boland Big Band (CBBB), composé des meilleurs
musiciens de jazz européens et de quelques Américains résidant ou de passage sur
notre continent. Comme Belges, seuls Boland (originaire de Edelhagen) et Sadi en
font plus ou moins partie régulièrement. On peut écouter Jean Warland sur un disque
avec Stan Getz, ainsi que Edmond Harnie qui s’y trouve aussi au début.
En Belgique, l’orchestre de la RTB d’Henri Segers a été dissous, mais il reste encore
la radio néerlandophone, la BRT.

BRT JO
Il fut un temps où les stations de radio possédaient leur propre big-band et même leur
propre orchestre de jazz. Il en reste des exemples en Europe comme le WDR et le
NDR Big Bands, et au Danemark le DRJO… Le BBC Big Band (1995) et le BRT JO
(1991) appartiennent maintenant à la légende. Par contre, en France, il existe l’ONJ,
Orchestre de jazz national et subsidié.
Le premier orchestre radiophonique belge (de jazz) fut celui de l’INR en 1936 (Stan
Brenders). En 1965, Etienne Verschueren est nommé directeur du BRT-Big Band, qui
devient, deux ans plus tard, un jazz combo avec une formation de dix personnes, puis
se transforme en un jazz big-band sous l’impulsion d’Elias Gistelinck. En 1971,
l’orchestre de jazz de la BRT se produit pour la première fois au Jazz Middelheim et
devient, à partir de 1973 ‘l’orchestre maison’. Gistelinck veillait non seulement à
sélectionner ses invités, mais organisait aussi une série impressionnante
d’enregistrements en studio avec des vedettes américaines comme Slide Hampton,
Phil Woods, Benny Bailey, Nathan Davis, Kai Winding, Frank Foster, James Moody
et des grands noms européens comme Jan Wroblewski, Zbigniew Namyslowski,
Ferdinand Povel et Martial Solal.
Le BRT JO a donné une série de concerts (éducatifs) et a entrepris des tournées au
Zaïre, en Tunisie, au Sénégal, en Allemagne et en Union soviétique. Des
considérations d’ordre financier ont cependant forcé l’orchestre à se dissoudre. Entre-
temps, le Brussels Jazz Orchestra prouve qu’un orchestre bien structuré peut vivre,
même dans une conjoncture économique moins favorable.
Au cours des années, Edmond Harnie, Nick Fissette, Janot Morales, Bert Joris et Jef
Coolen (tp), Frans Van Dijck, Paul Bourdiaudhy, Marc Mercini (Mestrez) et François
Hendrickx (tb), José Paessens, Emile Chantrain, Frans L’Eglise, Benny Couroyer,
Pros Creado, Eddy Devos, Vic Ingeveldt, Jacky Eddyn, Peter Vandendriessche et Guy
Dossche (anches), le vibraphoniste Sadi, et la section de rythme Tony Bauwens, Bob
Porter (p), Freddy Sunder (g), Nic Kletchkovsky parfois Roger Vanhaverbeke, Bart
De Nolf (b), Armand Vandewalle, Bruno Castellucci, Tony Gyselinck (dm) ont
notamment fait partie de l’orchestre.

Etienne Verschueren
Etienne (1928-1995) appartenait à la génération de Jack Sels avec qui il a joué dans
les années cinquante sur les bases militaires américaines en Allemagne. Il a débuté
dans le trio de Willy Albimoor et, tout comme Jack Sels (mais plus tard) il a fait partie
du band du tromboniste Mickey Bunner. Il avait également commencé comme
accordéoniste. Il a joué avec le big-band de Janot Morales, mais on le voyait aussi
régulièrement à la Rose Noire à Bruxelles. En 1959, il devient membre du Big Band
d’Henri Segers à l’INR, qui gagne, avec sa composition ‘Suite en Seize’ (avec Sadi
dans l’un des rôles principaux) en 1963 la Rose de bronze de Montreux (TV).
La même année, il est aussi recruté par la BRT, où il deviendra plus tard chef du BRT
JO. Notons encore son importante contribution aux Bop Friends, avec Nic Fissette
(tp), Tony Bauwens (p), Roger Vanhaverbeke (b) et Freddy Rottier (dm). Pour des
raisons de santé, il se fait remplacer par Steve Houben. Les mêmes pro-blèmes le
forcent prématurément à arrêter de jouer en 1985. S’il enregistrait beaucoup (pour la
BRT), on ne possède, comme pour Jack Sels, que peu de matériel qui lui soit propre.
Le plus courant est le LP/cédé ‘Mister Blue’, son sobriquet. Une suite prête pour la
production n’a pas été éditée. Il y jouait aussi de l’orgue et avait prévu de réaliser l’un
de ses meilleurs arrangements, la suite ‘De Fiertel’ pour orchestre de jazz sur des
chansons populaires des Ardennes flamandes. Sans oublier ses avancées moins
connues vers le more free jazz…

WIM asbl
Les Lundis d’Hortense et le Werkgroep Improviserende Musici (WIM) sont tous deux
nés d’une nécessité, même si celle-ci était de nature différente. Mais ils sont tous deux
gérés par les musiciens eux-mêmes. Lorsqu’ils apparut que pour le Jazz Middelheim
1972 les cachets des participants américains étaient bien plus élevés que ceux des
Belges, les interprètes de musique improvisée refusèrent de monter sur la scène.
Mieux encore, il se rassemblèrent sous la férule de Fred Van Hove et André
Goudbeek dans le WIM et s’organisèrent pendant plusieurs années sous la forme d’un
anti-festival de Free Music se déroulant au même moment. Plus tard, il fut déplacé au
premier week-end d’août pour éviter la concurrence.
L’objectif du WIM a toujours été d’améliorer la situation de l’improvisation musicale.
Il a même été établi un ‘Plan pour le jazz en Belgique’ mais aucun ministre de la
Culture n’a réagi à la demande de subsides pour les concerts, festivals, lieux de
répétition, possibilités d’enregistrements, création de groupes ou de plus grandes
formations et bourses d’études.
En 1985, le WIM a reçu un subside relativement raisonnable qui ensuite a été réduit à
deux reprises d’un tiers et n’a été versé, en 1997 (Free Music 24) qu’après le festival,
forçant ses organisateurs à le repousser en novembre. Grâce à un sponsoring privé, le
label WIMpro a pu être conservé.
Les années septante et suivantes
On garde en mémoire des concerts d’improvisation musicale au Château des Comtes
de Gand et les premiers jours de gloire du New Orleans Jazz, près de là. Jean-Pol
Schroeder remarque que par analogie, par exemple, avec Weather Report et le
Mahavishnu Orchestra, on utilise moins les noms d’orchestre reprenant le nom du
leader. Cela donne chez nous Placebo (1970-‘75) avec Marc Moulin (p), Richard
Rousselet (tp), Nic Fissette (tp), Alex Scorier (ts), Johnny Dover (bs), Freddy Rottier
(dm), Garcia Morales (fils de Janot) (dm), et Cosa Nostra (1971-‘73) avec le
Néerlandais résidant en Belgique Jack van Poll (p), l’Américain résidant aux Pays-
Bas Charlie Green (tp) ainsi que Robert Jeanne (ts), Freddy Deronde (b) et Félix
Simtaine (dm). Ajoutons le premier groupe dans ce style de Michel Herr (p), Solis
Lacus (1973-‘75) également avec Rousselet, Jeanne, Nic Kletchkovsky (b), Simtaine
ou Bruno Castellucci (dm). Steve Houben (as, fl) démarre avec Mauve Traffic et
Open Sky Unit, dans lequel il inclut en règle général ses amis américains comme Bill
Frisell (g). Un groupe important rassemblé autour de Charles Loos fut Abraxis, un
autre COS (1974-‘79), dans lequel Pierre Van Dormael (g) apparaît à la fin. Vers la
fin des années quatre-vingts, Van Dormael forme avec Fabrizio Cassol (as), Michel
Hatzi (b) et Stéphane Galland (dm) Nasa Na, le précurseur direct de Aka Moon
(1992). Parmi les groupes intéressants des années quatre-vingts, citons Lilith
rassemblé autour de Claudine Simon (p) et Baklava avec Gino Lattuca (tp), Michel
Massot (tb, bb) et Michel Debrulle. Les jours du Trio Bravo et du Trio Grande
approchent. Entre-temps, le LP a fait long feu (provisoirement et certainement pas
définitivement) : voici le cédé (voir : ‘De nos jours’). Mais il y a aussi le ‘jazz
d’antan’.

Les Lundis d’Hortense


Cette association unique de musiciens pour les musiciens a été fondée il y a environ
un quart de siècle (1976) suite à des réunions hebdomadaires qui se tenaient le lundi
dans la maison communautaire baptisée Villa Hortense à Hoeilaart. Une trentaine
d’artistes font partie des LDH à leur création, dont les musiciens de jazz Charles
Loos, Michel Herr, Bruno Castellucci, Richard Rousselet, Robert Jeanne et Marc
Moulin. Leur premier objectif consiste à promouvoir et à diffuser leurs productions et
à faire reconnaître le statut de l’artiste – souhait qui n’est pas encore tout à fait exaucé.
Une première tentative avait donné naissance à l’Onyx Club.
A partir de 1980, les LDH deviennent une association de musiciens de jazz
exclusivement. Son objectif consiste alors à enseigner le jazz et à organiser des
concerts dans les Halles de Schaarbeek. Herr devient le premier ‘président du jazz’
(1980-‘84). Des groupes belges sont également envoyés à l’étranger et un festival
mémorable est organisé en 1983 à Woluwé Saint-Pierre. A partir de l’année suivante,
le festival se tiendra au Botanique et prendra le nom de Jazz au Botanique. A partir de
1995, la semaine de stage Jazz au Vert est organisée et l’année suivante naît l’idée
d’un Jazz-Tour. Entre-temps, la première Maison du Jazz belge est installée avec
bibliothèque, discothèque, salle d’étude et de répétition. Elle s’adresse surtout aux
musiciens. Le concept était un peu mégalomaniaque…
Le plan d’assainissement n’a gardé que le festival, le Jazz-tour, les Midis Jazz au
Conservatoire (concerts en solo), l’organisation du programme du dimanche sur la
Grand Place de Bruxelles pendant le Jazz Marathon, le Jazz au Vert et l’unique site
web (administration Ilan Oz). Et bien sûr la lutte persévérante pour le statut. En dépit
du démarrage assuré par les francophones, les LDH sont une organisation pour et avec
tous les musiciens de jazz belges
‘Le jazz d’antan’
Way down yonder…
La Nouvelle Orléans. Ce style de jazz est encore très populaire en Flandre. En partant
de Bruxelles vers le Sud, c’est pour le jazz Dixieland que l’intérêt grandit avec, au
pinacle, dans les années cinquante les Dixie Stompers avec Jean-Paul Vanderborght
(p) et Albert Langue (tp) de Mons. Nouvelle Orléans est synonyme de mouvement de
renaissance : la ‘deuxième génération’ américaine qui, juste avant 1940, a été active
sous l’impulsion de Sidney Bechet (cl, ss) puis de Bunk Johnson (tp), Jim Robinson
(tb), Louis Nelson (tb), George Lewis (cl).
C’est à Gand que l’on trouve la base du prolongement belge de cette branche du jazz.
Le grand critique et connaisseur Walter Eysselinckx a donné des cours en s’appuyant
sur sa collection de disques qui, pour l’époque était exceptionnelle, et s’est intéressé à
une série de musiciens comme ‘Pitou’ Pierre Claessens (cl), Walter De Troch (p, bjo)
et Pol Gevaert (b). Claessens a fondé le premier orchestre de ce style : The New
Orleans Roof Jazzmen (1957) dans le salon de dégustation gantois Veneziana, proche
du Château des Comtes, où a notamment joué Jacques Cruyt (tp), futur leader du
Cotton City Jazz Band.
Ces deux bands existent toujours, mais Cruyt est décédé. Au Cotton, on peut écouter
Romain Vandriessche (tb). Rudy Balliu (cl, premier tp) s’y est joint pour un temps,
mais ensuite a créé les Rudy Balliu Society Serenaders. Entre-temps, en 1961, débutait
à Courtrai un festival de jazz qui existe encore et qui est devenu le plus ancien du pays
- le Golden River Jazz Festival, annexe du Golden River City Jazzband. Un an plus
tard naissait à Termonde le Jeggpap New Orleans Jazzband sous la direction de Bert
Heuvinck (cl). Emiel Leybaert (dm) en fait toujours partie. Aujourd’hui les termes
‘New Orleans’ ont été escamotés dans le nom de l’orchestre parce que le style a
évolué vers le swing (voir ce titre). Le même phénomène s’est produit pour le (New
Orleans) Train Jazzband d’Alajos Van Peteghem (tb) du pays de Waas, à Tamise-
St.-Nicolas. A Klein-Willebroek, sur le Rupel, le Fondy Riverside Bullet Band des
frères Camiel (tb) et Johnny (tp, voc) Van Breedam s’est installé dans la (première)
Veerhuis (1970). Le batteur actuel - Philippe De Smet - leader du Big Easy Brunch a
ouvert le club ‘t Ol van Pluto à Horebeke. Le Fondy a fêté son trentième anniversaire
(2000) à la Nouvelle Orléans, notamment par l’enregistrement d’un cédé à
l’Audiophile Studio de George H. Buck. C’est aussi ce qu’a fait Rudy Balliu, de
même que Norbert Detaeye (p, voc) qui, en 1995 a enregistré une partie de son cédé
‘Jesus On the Main Line’ avec le Lois Dejean Gospel Choir.
Detaeye est un personnage étrange dans ce contexte. Après avoir travaillé 20 ans
comme pianiste du Jeggpap New Orleans Jazz Band, il a entamé un programme en
solo de musique de la Louisiane du Sud intitulé Songs of the South, complété
aujourd’hui par les Religious Songs. Il dirige également les Gumbo Four, un quartette
N.O. se composant notamment de Bruno Van Acoleyen (tp), qui joue ou qui a joué
dans tous les bands flamands de style ancien. Un autre excellent trompettiste, Joris De
Cock, est parti à Cologne, et le batteur Didier Geers en Suède. Detaeye a édifié à
l’université de Brasov (centre de la Roumanie) une médiathèque qui porte son nom. Il
fait également partie (avec Pierre Claessens) de la formation de circonstance The
Original Patershol Ragtimers. Le Patershol est un vieux quartier non loin du Château
des Comtes, dont Norbert est le bailli… Parmi les personnalités marquantes du
phénomène Nouvelle Orléans, il faut mentionner Maurice Van Eyck.
Jean-Paul De Smet, co-fondateur du Lazy River Jazz Club (Gand) et grand marshall
du Black Diamonds Brassband organise des voyages réguliers (presque des
‘pèlerinages’) au Crescent City (Nouvelle Orléans). Les prix de ces bands et la
situation économique font que la grande époque des prestigieux festivals old style
(Honky Tonk Jazz Festival de Termonde et Lazy River Jazz Festival à Gentbrugge, à
partir de 1971) est révolue. Le festival de Gentbrugge existe toujours, mais dans une
version atrophiée, de même que celui de Courtrai.
Le Cotton City Jazz Band a longtemps invité les grands musiciens américains de la
Nouvelle Orléans (entre-temps décédés) pour des spectacles et des enregistrements.
Jeggpap et Fondy l’ont fait dans une moindre mesure. Parmi les invités permanents de
tous les orchestres flamands, on trouve la vedette anglo-américaine, archétype adoré
du public, Sammy Rimington (cl, ts). Le jazz ancien style flamand est entré dans le
21ème siècle.

It Don’t Mean A Thing…


Pour le jazz belge, les années trente sont un âge ‘d’or’. Le pays célèbre son
centenaire, en 1932 paraît le livre de Robert Goffin Aux Frontières du Jazz et le Jazz
Club de Belgique voit le jour. Les salles comme le Palais des Beaux-Arts et la
Madeleine à Bruxelles ouvrent leurs portes au jazz. Dans le courant de cette décennie
(et au cours de la suivante), de nombreux musiciens se révèlent comme les
trompettistes Robert De Kers, Gus Deloof et Johnny Claes et les saxophonistes Fud
Candrix, Jean Robert et Bobby Naret. C’est l’époque des trois grands big-bands :
Brenders, Omer, Candrix.
Après la guerre, on enregistre un certain ‘ralentissement’ dû à l’arrivée du be-bop –
les nouveaux disques n’étaient pas disponibles directement dans notre pays et les
musiciens ne se rendaient pas couramment à New York. La valeur sûre du jazz reste
le mainstream, interprété par les formations comme celles de Willy Rockin, Janot
Morales, Eddie De Latte, Francis Bay, Henri Segers et plus tard, l’orchestre de jazz de
la BRT, mais l’évolution est évidente. Un important ‘retour aux sources’ se produit
lorsque le Belgian Swing Band exécute, à l’occasion du Jazz Hoeilaart 2000, des
arrangements de Bee, Packay, De Kers,… La place qu’occupe Roger Asselberghs (cl,
bs) est essentielle : il a appuyé les idées de Benny Goodman et Buddy De Franco et a
fait partie, en tant que saxophoniste baryton, du mouvement précoce du bop belge qui
évoluait autour de Jack Sels (ts).
Même s’ils ne figurent plus parmi les intérêts prioritaires, le swing et le mainstream
restent encore consi-dérablement actifs en Belgique. Nous commencerons la
rétrospective en citant trois situations mettant en scène les pères et les fils : Willy
Donni (g) (série de concerts éducatifs avec son propre quartette, propriétaire pendant
un temps de son propre De Begijnenzolder à Malines), joue régulièrement au Caveau
de la Huchette et au Slow Club à Paris. Son fils André (ts, cl) est l’un des rares jeunes
musiciens de jazz belges - avec Dirk Van der Linden (g, org, p) - capable de
s’exprimer parfaitement dans le style swing. Vincent Mardens (ts, as) est le fils de
Vivi Mardens (dm). André Van Lint (p) a notamment joué avec le regretté Pol Closset
et Léon ‘Podoum’ Demol. Le fils de Jean Van Lint (b) se situe dans le style de Slam
Stewart et Paul Dubois. Jimmy Vandorpe s’affirme en tant que bassiste all-round.
Paul Dubois (b) est l’un des plus importants musiciens de l’histoire du jazz belge
d’après-guerre. Il a notamment fait partie du Victoria Jazz Band fréquenté par de
nombreux musiciens encore actifs (en grande partie)dans le domaine du swing :
Herman Sandy (tp), André Knapen (tb), Phil Abraham (tb), André Ronsse (ts, cl),
André Van Lint (p), Alain Lesire (p) (aussi au Cotton City Jazz Band), Jean-Pierre
Liénard (g, bjo) (engagé dans les Dixie Ramblers avec notamment Daniel Pollain (ts),
Ferry Devos (b), Vivi Mardens (dm) et Rudy Frankel (dm) décédé en 2002.
Les années nonante ont vu fleurir le Sweet Substitutes Band de Dubois avec Richard
Rousselet (tp), Phil Abraham (tb), André Donni (ts, cl), Charles Loos (p), Paolo
Radoni (g) et Luc Vanden Bosch (dm).
Des bands encore actifs dans ce genre sont Buster and the Swing (René De Smaele-t,
André Ronsse-cl, ts, Marc Herouet-p, Daniel Zanello-b et Bob Dartsch-dm), The
Swing Dealers (Vincent Mardens-ts, as, Pascal Michaux-p, également spécialiste de
l’orgue et de divers instruments à anches, Jean Van Lint-b et Jan de Haas-dm) et le
Brussels Little Big Band (avec Alex Scorier-as, ts, Johnny Dover-bs et Hinderik
Leeuwe-tp). Scorier et Dover ont dirigé des orchestres tout au long de leur carrière.
Dover créa l’un des premiers ensembles comprenant les cinq saxos plus un section
rythmique. Citons encore le trio mainstream de Roger Vanhaverbeke, accompagnateur
et promoteur par excellence des solistes américains et historiquement plus ancien (tout
d’abord avec les regrettés Al Jones-d et Freddy Rottier-d, actuellement avec Luc
Vanden Bosch-dm); le Jeggpap Jazzband (dont les leaders sont Peter Verhas-ts,cl et
parfois Freddy Sunder-g, voc) et le Dynamite Trio (avec Eddy Murlot-p, Willy Donni-
g et le batteur all-time Charlie Pauwels - aussi connu sous le nom Tony Dynamite).
Dans les autres orchestres de Dynamite, certains adeptes du swing ont également joué
dont Camille De Ceunynck (p) qui a gagné un premier prix en 1953 à Paris avec le
Hot Club du St.-Niklaas Big Band (de Willy Hermans) mais a dû raccrocher pour des
raisons de santé. Curt Bulteel est un jeune pianiste extrêmement dynamique (il joue
pour le moment avec le trio de Jean Warland-b).
Parmi les guitaristes émules de Django, mentionnons Fapy Lafertin, Jokke Schreurs et
Koen De Cauter – également excellent saxophoniste soprano et ténor. Jan De Coninck
(tp) et Pol Jaspers (ts), tout comme Herman Van Spauwen (cl), ancien leader du Deep
Creek Jazzuits (de Diepenbeek) sont également très ac-tifs. Joop Ayal est d’origine
indonésienne, mais a été adopté en Belgique. Patrick Wante (dm) (‘A Drum Is A
Woman’ avec Jokke Schreurs et André Donni, arrangement pour quartette de la
version intégrale de la ‘Far East Suite’ de Duke) mérité également d’être cité.
Parmi les Swingcats belgo-néerlandais, on retrouve Dirk Van der Linden (g, p) et
Karel Algoed (b). Renaud Patigny (p) est un spécialiste du boogie-woogie. Jean-Paul
Vanderborght (p) (‘Jean-Lou’) a dirigé différents groupes avec Henri Carels (tp) et
Willy Donni (g). Plus loin dans la liste, nous trouvons les Bab’s / Babs’ All Stars
d’André ‘Druss’ Lecomte (ou ‘Babs’). Eddy Devos (as, ts) est polyvalent. Le West
Music Club de Mons de Richard Rousselet (tp, arr, lead) le big-band qui reste le plus
proche de l’idiome du swing. Jusqu’à tout récemment, son équivalent flamand était le
Jos Moons Big Band.
En 2001, le projet ‘Olie op Duke/doek’ de Benjamin Boutreur (as) avec notamment
André Donni (ts, cl), Thomas De Prins (p), Nico Schepers (tp) et même Félix
Simtaine (dm) et Bart Maris (tp) fut une révélation : ce sont des reprises de morceaux
d’Ellington datant de 1927-1931 qui s’inscrivent dans un récit amusant de l’acteur
Dimitri Leue. A Anvers, le Antwerpse Jazz Club (pour les musiciens afro-américains
négroïdes d’avant-guerre et leurs proches successeurs dans la sphère de pensée du
critique français Hugues Panassié) et le USA Jazz Club composé notamment de
musiciens belges (donnant des concerts live mensuels) tentent de remettre à l’honneur
le mainstream jazz. A Bruxelles, le Cercle Sweet and Hot travaille en parallèle avec le
J.C. d’Anvers. Durant quelques années, ils ont édité un magazine très intéressant
intitulé Le Point du Jazz.
En conclusion
Il ne m’a pas été possible de citer tous les noms des musiciens belges de jazz. C’est
pourquoi, j’invite le lecteur à consulter l’index de la discographie de Pernet ou le site
web www.jazzinbelgium.org. Le personnage le plus marquant de l’histoire du jazz
belge d’après-guerre est assurément Toots Thielemans qui, par son aura universelle et
sa présence permanente dans notre pays, en constitue incontestablement le fil rouge.
Si vous voulez collectionner les jeunes talents, optez pour les nombreux groupes
actuels et surtout le BJO, véritable modèle en la matière. La suite de cette histoire est
en de bonnes mains.
PORTRAITS DE MUSICIENS ET GROUPES BELGES
Jempi Samyn
Phil Abraham
Phil Abraham est né à Mons en 1962. Il habite toujours dans un village rural, dans la
région de La Louvière, où il a grandi. Après sa formation classique (piano, guitare et
harmonie), Phil Abraham a soudainement ressenti un intérêt très marqué pour le jazz.
Il était surtout fasciné par le trombone, sur lequel il va immédiatement jouer en
autodidacte.
Phil Abraham, qui se désigne lui-même aujourd’hui comme un soliste moderne, s’est
approprié tous les styles de jazz, en jouant avec des artistes comme e.a. Clark Terry,
Toots Thielemans, Anthony Jackson, Deborah Brown, Benny Bailey, Maria
Schneider, Paolo Fresu, Art Farmer, Stefano di Battista, Falvio Boltro, Henri Texier,
Michel Legrand, Claudio Roditi, Klaus Weiss, William Sheller et Lucky Peterson.
Phil Abraham, par ailleurs excellent chanteur en scat, est très demandé par les big-
bands. Il est un des solistes réguliers de l’Act Big Band et de Ten-Tamarre de Félix
Simtaine, mais aussi du VRT Big Band, ainsi que, comme premier belge, d’une des
dernières versions de l’Orchestre National de Jazz. Phil Abraham a également
remplacé Bob Brookmeyer dans le sextet de Michel Petrucciani. On peut aussi
l’entendre dans la section des souffleurs, sur ‘Jazznavour’ de Charles Aznavour.
De tous ses cédés (jusqu’ici cinq sous son nom), son préféré est ‘Fredaines’ (Lyrae
Records), publié en 1999. Il y est accompagné par Frédéric Favarel (g) et Hein van de
Geyn (b). Phil Abraham enseigne au Conservatoire Royal de Bruxelles, et donne
régulièrement, ici et là, des masterclasses et des séminaires.

Phil Abraham : ‘Dans notre famille, cela semblait tout doucement être une habitude
d’envoyer les enfants à l’académie pour y apprendre la musique. Comme mes grands-
parents l’avaient fait avec leurs enfants, nous avons été, mon plus jeune frère
Christophe et moi-même, envoyés à l’académie de La Louvière.
J’avais choisi la trompette parce que s’était l’instrument favori de mon père. Mais,
quand je suis rentré avec à la maison, mon père m’a demandé si je n’aurais pas préféré
choisir un autre instrument. J’ai alors admis
qu’en fait, j’aurais préféré jouer du piano. Comme nous avions quand même un piano
à la maison, il a suffi que je ramène rapidement la trompette, même si on aurait mieux
fait de la garder, car plus tard, mon frère allait opter pour cet instrument.
Je dois ma première rencontre avec le jazz à mon cousin qui possédait une collection
impressionnante de disques de jazz. Il créera plus tard La Maison du Jazz à Mons. J’ai
souvent joué en duo avec mon cousin, lui-même joueur de banjo. Vers l’âge de quinze
ans, après avoir encore un peu joué de la guitare, j’ai créé un petit orchestre de jazz.
Les endroits où nous jouions n’étaient pas toujours très encourageants. Il s’agissait
parfois de maisons de retraite. Ce qui décevait presque toujours, c’était l’état du
piano. Voilà une des raisons pour lesquelles, un beau jour, j’ai commencé à étudier le
trombone. Au début, sur un trombone à pistons, que mon père détenait toujours de sa
jeunesse. Mais ensuite, j’ai quand même pris un trombone sans pistons, un Amati de
Tchécoslovaquie.
En passant d’un groupe de dixieland à un autre - je jouais alors dans des clubs et des
cafés, mais aussi à l’occasion de mariages, de croisières et pour des parades en rue -
j’ai automatiquement rencontré de nombreux musiciens de jazz qui ne se cantonnaient
pas au style dixieland. Des gens comme Alex Scorier m’ont par exemple, rapidement
fait connaître un jazz plus moderne, et même avant de m’en rendre compte, je jouais
du swing et ensuite du be-bop. Pendant une période, aux Pays-Bas, j’ai même joué du
free-jazz.
Dès le début, je me suis aussi mis à chanter, à commencer par les standards de l’ère du
dixieland et de la période swing. Il y avait même une chanson en français, ‘Les
Haricots Rouges’, que j’ai interprétée avec mon groupe, Traction à Vent. Ce n’est
qu’après que j’ai commencé à chanter en scat.
Je tente de rapprocher le plus possible mon jeu au trombone et mon chant. De ce point
de vue, je veux arriver un jour à produire les sons au trombone avec autant de
spontanéité et de naturel que lorsque j’utilise ma voix. L’espoir que j’y arriverai un
jour a été renforcé quand j’ai vu jouer quelqu’un sur un saque-boute, un instrument
baroque, qui est d’une certaine façon l’ancêtre du trombone, mais avec un pavillon
beaucoup plus petit. Depuis lors, je donne régulièrement des stages sur cet instrument,
pour lequel j’écris aussi de la musique.
Quant au concept ‘jazz’, j’entends souvent dire qu’il n’est pas possible de le définir.
Personnellement, je ne peux pas être d’accord. Pour moi, le jazz est un genre musical
construit à partir d’une part, de la mélodie et de l’harmonie, très liées entre elles, et
d’autre part du rythme. Sans le swing dans le rythme et sans le blues dans la partie
mélodique et harmonique, on ne peut pas parler de jazz. Ceci ne signifie pas qu’un
morceau de jazz doit nécessairement être un blues ou un standard du blues, ou qu’il
doit reposer sur un rythme ternaire, tant que le son de l’instrumentiste - qui doit par
définition être un jazzman - contienne suffisamment de swing et de blues, qu’il
improvise ou qu’il interprète. Ce n’est donc pas l’improvisation qui est typique pour
le jazz, même si elle est présente à plus de 90%. D’ailleurs, Bach improvisait déjà
aussi, bien avant que l’on ne parle de jazz. Sa musique ne contient ni blues ni swing.
Quand Stan Getz jouait de la bossa nova, ce n’était pas du jazz, mais comme c’est un
jazzman, le son qu’il produisait contenait assez de swing et de blues pour évoquer le
jazz. Le jazz peut donc exister sans improvisation.
Certains s’interrogent pour savoir si une telle conception offre assez d’espace pour
une évolution. Je me demande en fait si une forme artistique, comme une science, doit
absolument évoluer, étant donné que l’art est intemporel. La musique de gens comme
Louis Armstrong ou Charlie Parker, par exemple, sonne aujourd’hui avec autant
d’actualité que quand on l’a entendue pour la première fois à la radio.
Ceci dit, je considère le jazz comme une des révolutions musicales les plus
spectaculaires et la plus importante du 20ème siècle.’

Philippe Aerts
Philippe Aerts est né en 1964, à Bruxelles. Dès l’âge de onze ans, il commence à jouer
de la basse et de la guitare en autodidacte. Trois ans plus tard, son père, un bassiste de
dixieland talentueux, lui offre une contrebasse, en mettant par surprise un album de
Ray Brown sur le tourne disque. Ce fut l’amour à la première écoute. Le jeune
Philippe Aerts s’est alors mis au travail avec acharnement, d’abord en jouant sur les
disques, et en imitant les solos de Paul Dubois et Jean-Louis Rassinfosse. Mais, très
rapidement, il va faire partie de groupes locaux de jazz dixieland et mainstream. Il a
ainsi joué avec des gens comme Pol Closset, Johnny Dover et Léon Demol. Il allait
ensuite passer au modern jazz, avant de devenir très rapidement un des contrebassistes
les plus demandés en Belgique, comme à l’étranger. Toots Thielemans, Félix
Simtaine, Philip Catherine, Michel Herr, Steve Houben, Charles Loos, Kris Defoort,
Kurt Van Herck, Bob Brookmeyer, Tom Harrell, Lew Tabackin, Joe Lovano, Larry
Schneider, Chet Baker, Joe Henderson, Mal Waldron, Steve Grossman, Lee Konitz,
Richard Galliano… ils ont tous fait appel un jour à ce musicien de grande classe qui
parvient à harmoniser sa créativité avec un sens parfait de la précision, et dont le style
est également ca-ractérisé par la combinaison d’un lyrisme délicat avec des sonorités
basses, bien ancrées au sol.
Après un séjour de trois ans à New York (un passage qu’il conseille à tout musicien),
Philippe Aerts va s’établir à Vevey (Suisse), au début de l’an 2000. Il y travaille
régulièrement avec Malcom Braff. Depuis peu, il fait également régulièrement partie
du New Decaband de Martial Solal.
Sur ‘Back to the Old World’ (Igloo), le deuxième cédé sorti sous son nom, après ‘Cat
Walk’ (Igloo), on retrouve le trio composé de Aerts, John Ruocco (ts, cl) et Tony
Levin (dm), avec, en quartet, Bert Joris au bugle. Dans la série ‘The Finest in Belgian
Jazz’, on peut entendre Philippe Aerts sur le cédé de Philip Catherine et de Bert Joris.

Jouer le plus rapidement possible en public : le rêve de chaque musicien


Philippe Aerts : ‘Jacques Pelzer, qui avait le be-bop dans le sang, avait réellement
développé un son unique. On pouvait le reconnaître immédiatement. C’est le plus
souvent Bart De Nolf qui l’accompagnait à la basse. Cependant, je pouvais
régulièrement le remplacer. Je n’aurais pas pu imaginer meilleure école. Son jeu
profond au saxophone traduisait bien à quel point il connaissait le monde du jazz.
Lorsque je joue avec Philip Catherine, je ressens tout à fait la même chose.
Comme j’ai appris à jouer de la basse en autodidacte, je n’ai appris à lire les partitions
que très tard, même si le solfège ne m’était déjà plus étranger. Dans le big-band de
Toshiko Akiyoshi, au sein duquel j’ai joué pendant deux ans, à New York, je n’avais
pas le choix. J’ai alors dû me plonger dans le monde de l’écri-ture musicale à une très
grande vitesse.’

Le choix du bon matériel


Philippe Aerts : ‘Mon souci principal a dès le début, toujours été de trouver une
contrebasse avec un bon son. Celle sur laquelle je joue maintenant, date de 1830,
construite en France par Pillement. A l’origine, elle ne comportait que trois cordes. Il
n’en existerait qu’une quarantaine d’exemplaires dans le monde. J’ai rarement pu
jouer sur un instrument aussi précis : chaque note en sort impeccablement, tandis que
le vo-lume entre les différentes cordes ne varie pas d’un cheveu, ce qui est
exceptionnel pour une contrebasse. Le fait qu’elle a survécu jusqu’ici à tous les
voyages en avion, démontre en plus sa très grande solidité. Je tente aussi de me tenir
le plus possible au jeu sans amplification, afin de garder tout le contrôle sur le son et
la puissance de mon instrument. C’est un choix qui demande un engagement plus
grand, et qui m’oblige à beaucoup de répétions pour maintenir la force dans ma main
droite. Mais cela en vaut la peine. Je trouve que le son grave de la basse, qui swingue
beaucoup plus que quand il est amplifié, se mélange ainsi mieux aux sons des autres
instruments.
Je préfère avant tout jouer avec des cordes fabriquées à partir de boyaux. En effet,
elles produisent un son plus chaud que celles en métal. Hélas, elles coûtent beaucoup
plus cher. De plus, elles se désaccordent facilement, ne sonnent pas toujours de
manière aussi précise et s’usent très vite.’

Quelques vieux routiers dans le métier


Philippe Aerts : ‘Je dois énormément à Félix Simtaine que je considère encore
maintenant comme un des meilleurs batteurs européens. Je regrette vraiment
beaucoup qu’il soit à ce point sous-estimé. A propos, savais-tu que Félix collectionne
les trains miniatures ? Il possède près de 900 locomotives !
J’ai pu rencontrer John Ruocco, en jouant dans le Act Big Band de Félix. Ce que je
trouve fantastique chez John, c’est la liberté totale et constante qu’il laisse à ses
partenaires musiciens. Il ne faut jamais avoir peur de prendre des risques en jouant
avec lui, au contraire, il nous y encourage, comme Joe Lovano d’ailleurs. Il possède
une technique au saxophone très solide, tant sur un plan rythmique qu’harmonique.
Je connais Tony Levin grâce à Philip Catherine, qui lui, l’a rencontré quand il a été
invité par le bassiste allemand Ali Haurand à jouer dans son European Jazz Ensemble.
Je trouve que la technique très lyrique de Bert Joris à la trompette est une véritable
caresse pour l’oreille. Ce son de velours fait beaucoup plus penser au bugle. Il ne faut
pas se demander à quel point cela sonne divinement quand il joue vraiment au bugle.
C’est d’ailleurs pour cette raison que je lui ai demandé de jouer exclusivement au
bugle sur mon dernier cédé.’

Aka Moon
Avec le temps, Aka Moon a accédé au statut d’un des trios de jazz les plus
progressistes et les plus marquants de la dernière décennie. La formule du trio de
base, composée du compositeur et saxophoniste alto Fabrizio Cassol, du bassiste
Michel Hatzigeorgiou et du batteur Stéphane Galland, et qui s’ouvre régulièrement à
d’autres artistes invités pour leurs concerts et leurs enregistrements, rencontre les
faveurs d’un pu-blic toujours grandissant. Nous avons toujours en mémoire une série
de concerts mémorables, comme le concert donné au Théâtre Royal de La Monnaie
(Bruxelles), intitulé Oriental Voices, avec David Linx, les musiciens indiens
Umayalpuram K. Sivaraman (mridangam) et Neyveli Santhanagopalan (chant), ainsi
que José Miguel Cerro (chant) et Juan Ignacio Gomez ‘Chicuelo’ (g), d’Espagne.
Mais aussi, les différents concerts donnés avec le guitariste indien Prasanna et le
percussionniste Palanivel, ou encore celui du Jazz Middelheim, où Prasanna était
entouré du guitariste new-yorkais David Gilmore (cf. Steve Coleman, Don Byron) et
de Pierre Van Dormael (présenté dans cet ouvrage), sans oublier le spectacle total en
collaboration avec la compagnie théâtrale Stan et l’ensemble Rosas de la chorégraphe
Anne Teresa De Keersmaeker, où musiciens, comédiens et danseurs travaillent
ensemble en interactivité (cf. le cédé ‘In Real Time’), ni, enfin, les différents projets
avec DJ Grazzhoppa… Chacun de ces événements a remporté un succès éblouissant.,
augmentant par la même occasion la demande pour un nouveau cédé regroupant tous
ces invités spéciaux. Le cédé ‘Guitars’ (W.E.R.F.), repris dans le cédé-box Brugge
2002, rencontre en partie cette attente. En effet, on y retrouve Pierre Van Dormael,
Prasanna et David Gilmore.

Kaai
Toute histoire sur Aka Moon est incomplète sans la référence aux origines, au théâtre
Kaai à Bruxelles. Michel Hatzigeorgiou venait de rejoindre le groupe que Pierre Van
Dormael était entrain de constituer, à l’époque avec Eric Legnini et Bruno Castellucci.
Il en avait assez de toujours répéter sans pouvoir se produire devant un public. C’est
ainsi que Pierre Van Dormael, accompagné de son ami Etienne Geraert (et du
technicien François Louis), est parti à la recherche d’un endroit où ils pouvaient
répéter et se produire en même temps. Ils ont abouti, par hasard, au Kaai, une salle qui
se trouvait près du Théâtre Royal Flamand (KVS). Cette salle avait visiblement déjà
abrité des concerts, ils pouvaient donc y commencer tout de suite. Ils allaient être
rejoints par des gens comme Pierre Vaiana, Antoine Prawerman et Fabrizio Cassol,
avec lequel Pierre Vandormael collaborait à un autre projet. Un peu plus tard, Pierre
Van Dormael allait créer le groupe Nasa Na, avec Stéphane Galland, Michel
Hatzigeorgiou et Fabrizio Cassol, pour pouvoir interpréter ses propres compositions.
Le Kaai a été ouvert avec peu de moyens. Les musiciens qui y jouaient tenaient le bar
eux-mêmes, et servaient à tour de rôle le public présent, quand ils ne jouaient pas. Il y
avait des concerts quasi tous les jours, même si parfois, on rencontrait plus de monde
sur la scène que dans la salle. Cependant, comme le Kaai devenait le lieu de rencontre
de nombreux musiciens intéressants, il est devenu la pépinière de nombreuses
formations musicales prometteuses, dont Aka Moon, issu de Nasa Na, après le départ
de Pierre Van Dormael. Le groupe allait rapidement attirer l’attention d’un public de
plus en plus nombreux. Cet endroit plutôt défraîchi était devenu un lieu branché, et de
nombreux musiciens, du monde entier, y passaient par curiosité, mais étaient aussi
admiratifs de ces trois artistes talentueux, qui accompagnaient leur musique de
mouvements saccadés et sauvages. Steve Coleman, lui-même, a dernièrement reconnu
que son premier contact avec Aka Moon lui avait laissé une impression profonde.
L’histoire du Kaai n’aura duré en tout que cinq ans : une gestion plutôt chaotique et
donc une comptabi-lité pas toujours bien tenue (la caisse a même disparu plusieurs
fois) ont conduit l’endroit à la fermeture définitive. D’ailleurs, pour les groupes un
peu ambitieux, cela n’avait aucun sens de poursuivre sur cette scène improvisée, et,
comme de jeunes oiseaux, ils allaient donc quitter ce nid à talents en éclosion.
Le cédé ‘Live at the Kaai 31.3.1993’ (Carbon7) propose des traces sonores des années
Kaai légendaires de Aka Moon.

Les pygmées Aka


Leur séjour chez les pygmées Aka constitue un autre élément important dans la
naissance de Aka Moon. C’est à l’automne 1991, que quatre jeunes musiciens belges
se sont rendus en Afrique Centrale, afin de mieux comprendre le mode de vie très
particulier des pygmées Aka. Après beaucoup d’obstacles admini-stratifs, une série
d’entretiens préparatoires, le processus d’initiation indispensable et une longue et
difficile marche, ils sont enfin parvenus dans un campement primitif au cœur de la
brousse. Lentement, avec précaution, ils se sont mêlés à la population locale pour
vivre quelque temps parmi eux, en veillant à ne pas influencer de manière
déterminante les habitudes de leurs hôtes. Ils ont ainsi expérimenté in situ, qu’au-delà
de la première impression de calme général, la musique est constamment présente
chez les pygmées Aka. Tant leurs conversations, que leurs rires ou leurs cris,
balancent tout le temps entre parler ordinaire, chant et sons vocaux incontrôlés, le tout
sans la moindre préméditation. Tout se passe en effet, de la façon la plus naturelle
possible, et surtout, ce qui est très important, sans la moindre forme de hiérarchie. Les
hommes, comme les femmes ou les enfants peuvent à tout moment prendre la
direction du chant qui se déroule en permanence dans une grande harmonie avec les
sons de la forêt : le bruissement des feuilles, le sifflement des oiseaux, le cri de l’un
ou l’autre animal, le vent… Pour les pygmées Aka, tout contient assez de ‘musique’
pour conduire au chant.
La vie de Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland ne sera plus
jamais la même après ce séjour auprès des pygmées Aka : Aka Moon allait naître le
printemps suivant, et dix ans plus tard, ils ont publié treize albums.

L’Inde
Fabrizio Cassol : ‘Nos voyages en Inde représentent le troisième facteur important
dans l’existence de Aka Moon. Personnellement, je m’y rends seul plusieurs fois par
an. C’est ainsi qu’un beau jour, nous sommes entrés en contact avec le plus grand
maître indien du mridangam, Sivaraman, un gourou qui aujourd’hui encore nous
apprend toujours de nouvelles choses. ‘Invisible Mother’ (Carbon7) est le résultat des
connaissances accumulées avec Sivaraman. A chaque séjour en Inde, nous recevons
une nouvelle, minuscule partie de son savoir.’

Abrice Alleman
La fin de ses études aux Conservatoires de Mons (musique classique : premier prix en
musique de chambre et clarinette) et Bruxelles (jazz chez e.a. Jean-Louis Rassinfosse,
Michel Hatzigeorgiou, Steve Houben et Richard Rousselet), en 1990, marquait en
même temps le début de la carrière de musicien professionnel du saxophoniste,
clarinettiste, flûtiste et compositeur Fabrice Alleman. Deux ans plus tard, il allait
également recevoir le premier prix pour saxophone et histoire, avant de participer à un
séminaire donné par Phil Woods, Toshiko Akiyoshi et Steve Slagle, au Manhattan
School of Music à New York.
Les styles dans lesquels Fabrice Alleman se sent à l’aise sont très disparates. C’est
ainsi qu’il a travaillé, tant au studio que sur scène, avec Salvatore Adamo, William
Sheller, le Calvin Owens Blues Orchesra, Terence Blanchard, Kenny Werner, Garrett
List, Eric Legnini, Jean Warland, Steve Houben et Michel Herr.
Fabrice Alleman a déjà fait partie de nombreuses formations, comme le Act Big Band,
Sax No End, le Richard Rousselet Sextet, l’Ecaroh Quintet, le Jazz Addiction Band
(cédé ‘Nice Cap’, Lyrae Records), le Brussels Jazz Orchestra (sur leur premier cédé
‘Live’) et Ten-Tamarre.
En 1998, Fabrice Alleman a publié le cédé ‘Loop the Loop’ (Igloo), avec son premier
quartet (avec lequel il remporta le prix Nicolas Dor en 1997, au Festival International
de Jazz à Liège). A la même époque, il pu-bliait un cédé en duo avec Paolo Loveri,
chez Lyrae Records. Ils viennent de sortir leur deuxième album, ‘On the Funny Side
of Strings’ (Lyrae Records), accompagné par un ensemble à cordes.
Il espère encore publier un cédé avec sa formation de jazz-rock, Fabrice Alleman One
Shot Band (dont le regretté Jean-Pierre Catoul fut membre), avant la fin de l’année
2002.

Fabrice Alleman : ‘Mon rêve d’enfant d’une carrière comme joueur de football
professionnel a été brisé quand on a constaté que je souffrais d’un souffle au cœur.
Ma mère a alors décidé que j’allais apprendre
à faire de la musique. En effet, il fallait faire quelque chose en dehors de l’école. J’ai
été inscrit à l’académie vers l’âge de huit ans. Je pouvais déjà écarter la flûte, car le
professeur venait de décéder. J’ai alors choisi la clarinette, que j’allais abandonner un
an plus tard. Mais, un beau jour, l’envie est revenue. J’ai alors continué jusqu’au
conservatoire. Dès le début, j’ai toujours aimé improviser sur mon instrument, ce qui
n’avait rien à voir avec le fait que l’on écoutait presque toujours du jazz à la maison.
Mon père écoutait du jazz depuis l’âge de dix-huit ans (Count Basie, Parker, Konitz,
Kenton, Tristano, Jimmy Smith, Miles…), mais, pour moi, cela ne signifiait pas grand
chose, c’était de la musique, sans plus. Par contre, ce qui m’inspirait pour faire de la
musique, c’était les émotions et les expériences quotidiennes de la vie qui me
touchaient, comme par exemple, la lecture d’un livre ou la vison d’un film, ou tout
simplement, une conversation. Je me retirais alors régulièrement dans ma chambre
pour enregistrer mes extravagances musicales, pour lesquelles je n’avais aucune
explication. Un peu plus tard, je transcrivais soigneusement tout cela, avant de le
jouer pour ma bien-aimée. Il apparaîtra plus tard que je jouais alors surtout du blues,
sans en avoir vraiment conscience. Je devais avoir treize ans.
En réalité, encore aujourd’hui, je fais toujours la musique de la même façon. Les
émotions continuent de jouer un rôle déterminant dans ma façon de composer. Je ne
dois même pas savoir ce que je joue précisément. Cela me perturberait même de
rationaliser ce que je fais. Mais, je dois ajouter ici, qu’en plus de ma capacité à
pouvoir assimiler les choses avec beaucoup de facilité, j’ai toujours eu la chance
d’avoir des professeurs particulièrement doués. Ils m’ont tous remarquablement
transmis la technique des instruments que je joue. Cela m’a toujours permis de
pouvoir laisser libre cours à mon expression musicale, tant sur le plan mélodique,
harmonique que rythmique (je joue aussi de la batterie). D’ailleurs, je construis
toujours mes thèmes à partir d’un rythme que j’ai en tête, et pour lequel je trouve
immédiatement une mélodie. Les accords ne viennent qu’en troisième lieu. Je suis
même convaincu que le rythme est à la base de tous les styles musicaux, dans le
monde entier et à toutes les époques.
Mon intérêt pour le saxophone s’est manifesté à dix-huit ans, quand j’ai commencé à
apprécier l’instrument sur les disques soldés de Weather Report, Chick Corea,
Genesis et Supertramp. Ce n’est aussi qu’à ce moment que j’ai commencé à
comprendre ce qu’était vraiment le jazz. Je suis par exemple allé racheter
ce disque de Eric Dolphy, reçu en cadeau quand j’étais encore un enfant, mais que
j’avais aussitôt ramené au magasin parce que je n’y comprenais rien. Désormais, je
considérais que le jazz était le style de musique qui offrait le plus de liberté
d’expression.
En réalité, chaque forme musicale dépasse la puissance des mots. Tu n’as qu’à dire à
quelqu’un qu’il peut embrasser tes pieds. Le danger qu’une dispute en résulte est tout
à fait réel. Si tu chantes la même chose, on en rigolera tout au plus, même si tu viens
d’exprimer la même opinion. Tu peux aller encore un peu plus loin et jouer quelques
notes criardes sur ton instrument pour signifier qu’il peut aller se faire foutre. Dans ce
cas, il n’est pas exclu de voir ta sortie élevée au rang de déclaration. Cela confirme ma
théorie selon laquelle la musique peut être un moyen pour transformer de l’énergie
négative en énergie positive, et par définition, pour partager des émotions avec
n’importe qui. De ce point de vue, je trouve beaucoup plus important de pouvoir
toucher une personne avec une note, que de laisser toute une audience bouche bée
après un flot de notes déversé avec virtuosité. Dans ce cadre, je me souviens encore
très bien qu’à l’occasion d’un concert, dans un café à Bruges, voici six ou sept ans, où
on pensait tous avoir très mal joué, un vieux monsieur est venu me trouver, avec les
larmes aux yeux, pour me dire que pendant deux heures, notre musique lui avait fait
oublier tous ses problèmes. Un musicien peut difficilement recevoir un meilleur
compliment.
Je ne peux répondre qu’avec un vieux cliché quelque peu éculé à la question de savoir
quelle musique je considère être du jazz : le jazz doit swinguer. Je peux éprouver une
admiration sans mesure pour une musique très complexe, jouée avec beaucoup de
savoir-faire, mais je ne vais pas pour autant, si on me le demande, la classer
automatiquement dans le jazz. Car, la musique est d’abord là pour être écoutée, et non
pour être classée dans des cases.’
Pierre Bernard
Ce flûtiste particulièrement doué est né en 1959 à Léopoldville (Congo). Il étudiera la
musique classique au Conservatoire de Liège, où il suivra les cours d’improvisation
de Garrett List. Pierre Bernard y obtiendra le premier prix, tant pour la flûte
traversière que pour la musique de chambre.
Pierre Bernard appartient à ce groupe de musiciens de la scène liégeoise qui dans les
années ‘80, ont mis connaissances et expériences à profit pour insuffler une nouvelle
vie dans le jazz belge. Ils y ont notamment injecté des éléments de la musique
classique et contemporaine. A la fin des années ’80, Pierre Bernard était aussi de la
partie dans l’aventure légendaire du Kaai (cf. Aka Moon, Bart Defoort et Antoine
Prawerman). Il a joué dans l’ensemble de Garrett List, ainsi qu’au sein de La Grande
Formation. Aujourd’hui, on peut l’entendre e.a. aux côtés de Kris Defoort &
Dreamtime, Parfum Latin et Rêve d’Eléphant. Dans le duo Bed and Breakfast, Pierre
Bernard est le partenaire de la pianiste Véronique Bizet.

Michel Bisceglia
Le pianiste, compositeur et arrangeur Michel Bisceglia est né le 04 janvier 1970, à
Zwartberg, de parents italiens. En 1992, sollicité par un groupe de jazz allemand,
comme accompagnateur, il rencontre Randy Brecker, soliste invité par le même
groupe. Brecker fut clairement impressionné par le style de Bisceglia au piano. Ils
allaient se rencontrer à nouveau à l’occasion d’un concert des Brecker Brothers,
programmé le même jour que celui de Sketches, la formation de Michel Bisceglia. En
prévision de l’enregistrement de son premier album, Michel décide d’inviter Randy
Brecker comme invité spécial. Cependant, il lui fallait un second souffleur. Comme il
savait que Randy jouait souvent avec Bob Mintzer, il l’invita aussi. Ils acceptèrent
l’invitation et se retrouvent ainsi sur ‘About Stories’ (BMG), le premier cédé de
Bisceglia.
Bisceglia a travaillé avec d’autres musiciens de jazz comme e.a. Toots Thielemans,
Philip Catherine, Andy Middleton, Eric Gale, Erwin Vann, Eric Vloeimans, Marcia
Maria et Rony Verbiest.
Bisceglia est également très sollicité sur la scène pop et rock. C’est ainsi qu’il a déjà
accompagné Jo Lemaire, Johan Verminnen, John Miles, Sunny Side Up et Chelsey. Il
forme le Trio Cattleya, avec Harald Ingenhag et Volker Heinze, dont le cédé ‘Le
Temps Perdu’ (PAO) vient de paraître. Michel Bisceglia enseigne actuellement au
Conservatoire Royal de Bruxelles.

Laurent Blondiau
Laurent Blondiau est né le 24 décembre 1968. Trompettiste et joueur de bugle, il a
suivi des études dans la section jazz du Conservatoire de Bruxelles, avec Bert Joris et
Richard Rousselet. Il obtient son premier prix en 1990. Deux ans plus tard, il reçoit le
prix Nicolas Dor au Festival International de Jazz à Liège. En 1998, il publie son
premier cédé, ‘The Queen of the Apple Pie’ (W.E.R.F.), avec ses propres
compositions, interprétées en compagnie de Nathalie Loriers (p), Otti Van der Werf
(elb) et Jan de Haas (dm).
Au milieu des années ‘90, le label Jam Records (aujourd’hui JAS) sort ‘Lives’ de
Määk’s Spirit, avec Laurent Blondiau (tp, bugle, timb), Jeroen Van Herzeele (ts), Sal
La Rocca (b) et Hans van Oosterhout (dm). Sal et Hans seront plus tard remplacés par
respectivement Nic Thys et Dré Pallemaerts, avant l’élargissement du quartet à deux
chanteuses : Anne Van der Plassche et Galia Benali. En 2001, les spectateurs du
16ème Festival des Lundis d’Hortense étaient les témoins de la nouvelle
métamorphose de Määk’s Spirit, devenu entre-temps un quintet composé du
saxophoniste ténor Jeroen Van Herzeele, du trompettiste Laurent Blondiau, du
bassiste Otti Van der Werf, du tromboniste et tubiste Michel Massot et du batteur Eric
Thielmans, avec le guitariste français Jean-Yves Evrard comme invité spécial, pour ce
concert. Depuis lors, ce dernier est devenu membre du groupe à part entière, le
transformant en sextet.
On rencontre aussi Laurent Blondiau dans d’autres formations comme le GVA
Quintet, Octurn, Dreamtime, Deep in the Deep, Ernst Vranckx Quintet, Nathalie
Loriers Trio + Extensions, Rêve d’Eléphant, Vegetal Beauty, et le Brussels Jazz
Orchestra, où il vient d’être remplacé par Nico Schepers.

Laurent Blondiau : ‘Avec des parents qui jouaient de la musique classique, je suis,
comme ma sœur, qui est guitariste classique, tombé automatiquement au milieu des
notes. Je devais avoir douze ans quand ils m’ont inscrit à l’académie, au début un peu
contre mon gré. Mais grâce à ma rencontre avec d’autres musiciens, notamment cinq
ans plus tard au Jazz Studio, j’y ai vraiment pris goût, surtout sous l’influence de Bert
Joris. De plus, de nombreux condisciples d’humanité (Uccle 2) sont devenus plus tard
musiciens : Bo et Otti Van der Werf, Nicolas Thys… On suivait les mêmes cours à
l’académie, même si on sentait bien qu’on apprenait plus à l’extérieur, quand on jouait
notre propre musique, en compensation de la très ennuyeuse formation classique. Il
n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’on crée notre premier groupe de jazz, au
début des années ’90 : le GVA Quintet, composé de Nic Thys, Bilou Doneux, Fré
Desmyter, Bo Van der Werf et moi-même, avec lequel on s’est beaucoup produit,
remportant même de nombreuses distinctions.
Je n’ai pas suivi le conservatoire, mais j’ai énormément appris de Bert Joris et de
Richard Rousselet, mes professeurs à Anvers et Bruxelles. En dehors, j’ai beaucoup
appris en étudiant par moi-même, mais j’ai surtout eu la chance de pouvoir jouer
rapidement avec de grands musiciens, e.a. avec Octurn et le Brussels Jazz Orchestra,
deux groupes dont j’ai vécu la naissance activement.
Même si j’ai beaucoup d’admiration pour de grands trompettistes comme Miles, Chet,
Tom Harrell et Freddie Hubbard, je ne cèderai jamais à la tentation de copier leurs
solos. Je préfère développer mon propre son, auquel je travaille plusieurs heures par
jour, en améliorant surtout la respiration et le contrôle du diaphragme, plus que la
capacité d’atteindre des notes aiguës. De cette façon, je tente d’obtenir un spectre
sonore le plus large et le plus harmonique possible, sans trop de notes aiguës. J’aime
aussi expérimenter avec de petits outils, comme de vieux cendriers, pour déformer le
son.
En ce moment, je ne joue du bugle que lorsque la composition le commande.
Autrement, je garde la trompette. J’ai l’impression que quand on maîtrise bien la
trompette, on n’éprouve plus aucune difficulté au bugle, ce qui n’est pas vrai dans le
sens contraire.
J’aimerais sortir quelque chose de nouveau avec mon quintet. Mais, je ne peux pas me
plaindre. J’enregistre actuellement un nouveau avec Määk’s Spirit, ma formation
préférée du moment, au Centre Culturel de Meent (Alsemberg). Des concerts sont
déjà prévus au Maroc. J’ai également énormément de plaisir à jouer dans le sextet de
Nathalie Loriers Trio (+ Extensions), comme avec Vegetal Beauty, le projet de
Antoine Prawerman.
En plus, j’ai encore différents projets de Kris Defoort, dont le récent opéra ‘The
Woman Who Walked into Doors’, produit par Het Muziek Lod et le Ro Theater. Je
fonctionne le mieux quand je passe d’une culture à l’autre, d’un style à un autre. C’est
précisément ce que je trouve d’excitant dans la vie de musicien, surtout dans le jazz,
la forme musicale qui évolue le plus vite et le plus spectaculairement. Je limite
consciemment au maximum les cours que je donne aux conservatoires de Bruxelles et
de Gand. En effet, je préfère toujours répéter, jouer, travailler à mon propre son. Mon
attirance pour la polyvalence dépasse les frontières de la musique. J’ai ainsi terminé
mes études d’infirmier. Il est remarquable de constater que ces études m’ont permis
de sentir à quel point j’évoluais comme musicien.
Il va de soi que la manière dont tu fais de la musique est déterminée, en très grande
partie, par ton style de vie. Celui qui ne vit pas en harmonie avec son environnement
éprouvera automatiquement des difficultés dans son jeu. Ici, la chance occupe une
part non négligeable, par exemple, au travers de rencontres avec des gens avec
lesquels on se sent bien. Les tensions entre musiciens d’un même groupe entraînent
inévitablement des effets néfastes sur la cohésion. Un groupe ne peut donc bien
fonctionner que si un dialogue ouvert est constamment possible entre ses membres.
C’est ainsi que je viens d’être la victime d’une injustice, peu digne d’un groupe du
niveau de celui où cela s’est déroulé. Ceux qui se rendent coupables de ce type
d’action paient un jour ou l’autre la note. Le monde de la musique - et surtout celui du
jazz - est tellement petit.
Même si notre pays a souvent été l’objet de moqueries, on ne peut pas nier qu’il y fait
bon vivre. De nombreux amis français n’hésitent pas à déclarer qu’ils ne s’amusent
pas autant chez eux que chez nous, en Belgique. C’est bien pour cela que je considère
que l’honnêteté et la sincérité doivent continuer à triompher, sinon, nous en essuierons
tous les conséquences.’
On peut entendre Laurent Blondiau dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, sur le
cédé du Brussels Jazz Orchestra (‘The Music of Bert Joris’), Octurn (‘Dimensions’) et
Nathalie Loriers (‘Tombouctou’).

Brussels Jazz Orchestra


En mars 1993, après la disparition du BRT Jazz Orkest, le Brussels Jazz Orchestra
verra le jour à l’initiative de Frank Vaganée (ancien collaborateur freelance de
l’orchestre de la BRT), Marc Godfroid et Serge Plume. Le club de jazz bruxellois
Sounds constituera la base de la formation composée de seize musiciens, tandis que
les répétitions évolueront rapidement en workshops publics.
Au début, ils jouaient des compositions d’auteurs connus comme Count Basie, Thad
Jones, Duke Ellington, Bill Holman et Bob Brookmeyer. Mais, petit à petit, ils ont
sollicité des compositeurs belges : Bert Joris, Kris Defoort, Michel Herr, Erwin Vann
et Frank Vaganée.
C’est en 1993, que Jazz Middelheim propose au BJO sa première scène en dehors du
Sounds. L’enthousiasme du public a conduit les organisateurs à faire figurer le big-
band à chaque affiche de Jazz Middelheim. En 1997, Jean Warland se produit avec
eux comme chef d’orchestre invité, tandis qu’en 1999 et 2001, Kenny Werner et
Maria Schneider, jouent respectivement en qualité d’invités spéciaux. Toots
Thielemans se trouvait aussi sur scène à l’occasion de ces deux éditions.
En 1994, les workshops publics du Sounds sont complétés par des concerts mensuels
au club Damberd, à Gand, et en 1996, le BJO remporte le prix Nicolas Dor à
l’occasion de leur participation au Festival International de Jazz à Liège. La même
année, ils rendent hommage à Etienne Verschueren, pendant le troisième Mechelse
Jazzdag, dans le cadre du Festival de Flandre, et inaugurent la nouvelle saison du
programme radio Sesjun, diffusé par la Tros, aux Pays-Bas.
Le BJO publie son premier cédé, ‘Live’, en 1997, en collaboration étroite avec Radio
3, la chaîne de la BRTN. La même année, ils jouent avec Toots Thielemans à
l’occasion du Festival de Jazz à Junas (France), au Singel à Anvers (la nuit de radio
3), au festival de jazz Stranger than Paranoia, à Tilburg (Pays-Bas). Un an plus tard,
la curiosité de nos voisins du Nord allait en s’amplifiant : concerts au Porgy & Bess à
Terneuzen, le Philip Morris Jazzfestival à Bergen op Zoom.
C’est en septembre 1999, qu’ils enregistrent leur deuxième cédé, ‘The September
Songs’ (W.E.R.F.), au Studio Toots de la VRT après une tournée en hommage à Duke
Ellington. Le niveau qualitatif des interprétations de la musique enregistrée pour cet
album révèle un big-band de niveau international. Le cédé propose des compositions
de Bert Joris, Frank Vaganée, Michel Herr, Sir William Walton et Erwin Vann.
L’année 1999 se termine par un projet de haut-vol autour de Bill Holman, tandis que
2000 sonne l’augmentation significative de la fréquence des concerts en Belgique et à
l’étranger : Festival de Jazz des Lundis d’Hortense, avec comme invités spéciaux
Philip Catherine et Bert Joris, le Bimhuis à Amsterdam, le Centre Culturel Luchtbal et
Jazz à Liège (chaque fois en compagnie de Jeanne Lee), Jazzdag Mechelen (avec Bert
Joris), Jazz in ‘t Park à Gand, le Lemmensinstituut à Louvain et la série ClaZZic
(Gand et Wevelgem).
Début 2001, le BJO participe à New York à la convention annuelle de la International
Association of Jazz Educators, avec Kenny Werner.
Le BJO est composé aujourd’hui de Frank Vaganée (saxophones alto et soprano,
flûte), Dieter Limbourg (as, cl et fl), Kurt Van Herck (ts) Bart Defoort (ts et ss), Bo
Van der Werf (bs et bcl), Marc Godfroid, Jan De Backer et Lode Mertens (tb),
Laurent Hendrick (tb), Michel Paré, Gino Lattuca, Serge Plume et Nico Schepers (tp
et bugle), Bart Van Caenegem (p) et Martijn Vink (dm), qui jouait récemment encore
avec le Metropool Orkest et l’orchestre de la WDR. Jos Machtel est devenu le
contrebassiste permanent du BJO, depuis que Nic Thys s’est installé définitivement à
Brooklyn. Le BJO sollicite également régulièrement les services du guitariste Peter
Hertmans.
Au lieu de donner la parole aux seize musiciens du BJO, il nous a semblé intéressant
d’étendre quelques artistes étrangers qui ont eu l’occasion de jouer avec eux.

Bob Mintzer : ‘J’étais abasourdi quand j’ai vu le BJO pour la première fois à l’œuvre.
Après avoir travaillé avec eux pendant une semaine, je ne pouvais que conclure qu’il
s’agissait là d’une des meilleures formations de jazz que j’avais jamais entendue, de
par le monde.
Le fait que tous les musiciens du BJO, sans exception, atteignent un niveau
particulièrement élevé, transforme chaque répétiton avec eux en partie de plaisir. De
plus, ce qui me frappe, c’est la diversité des styles dans lesquels ces musiciens
parviennent à se mouvoir. En fait , cela faisait longtemps que j’étais à la recherche de
ce type de formation, étant donné que mes compositions comportent des influences
latinos, du swing, du funk et du rhythm and blues, et ne s’adressent pas exclusivement
à de grandes formations, mais aussi à des ensembles moins importants. Avec le BJO,
on a tout cela à portée de main, ce qui, pour un compositeur, représente un luxe
impayable.
En plus, le big-band est formé de nombreux solistes extraordinaires, et pour autant,
cela ne signifie pas qu’un tel va attirer toute l’attention à lui : travailler en équipe, ils
ont ça dans la peau. Enfin, ils savent tous exploiter de manière optimale les espaces
libres que je maintiens dans mes compositions, pour l’improvisation et pour
l’interaction. Ce qui m’apporte de nouvelles idées pour un nouveau travail. C’est
justement ce qui rend le jazz aussi passionnant.’

Maria Schneider : ‘Quand Kenny Werner m’a raconté à quel point il estimait ces
musiciens, j’étais un peu gênée de n’avoir jamais entendu parler de cet orchestre.
Mais j’ai réalisé qu’il n’était pas si connu que cela, malgré l’immense talent de ses
musiciens et la qualité extraordinaire de leur musique, que j’avais entre-temps eu
l’occasion d’écouter attentivement. Mon opinion était rapidement faite, il s’agissait
bien d’un orchestre de niveau mondial. Cela me posait un réel problème que personne
n’en ait jamais entendu parler.
Cela me frappe d’ailleurs qu’en général, les musiciens de jazz belge ne sont pas
tellement connus aux États-Unis. Toots Thielemans et Philip Catherine sont pour ainsi
dire les seuls belges dont on parle chez nous, alors que je constate de plus en plus que
cela grouille d’excellents musiciens chez vous. Vous devez rapidement remédier à
cela. J’espère que le fait que de plus en plus d’artistes américains jouent avec des
musiciens étrangers, pourra rapidement améliorer la situation.
En ce qui concerne le BJO, Toots m’avait déjà raconté qu’il y avait pas mal de
musiciens de haut niveau dans cette formation. Après deux jours de répétitions,
j’étais déjà interloquée par leurs prestations. En effet, je peux t’assurer que ma
musique n’est pas des plus aisées à interpréter. Je leur avais simplement envoyé les
partitions que j’avais en grande partie écrites pour mon propre orchestre, étant donné
que la composition des deux orchestres correspondait quasi totalement, y compris les
doublures. Quand j’ai entendu avec quelle rapidité ces gars du BJO avaient ajouté du
matériel neuf, je n’en croyais pas mes oreilles. De plus, leur jeu sonne si naturel.
Et le set que Bert Joris, encore un compositeur méconnu, a joué avec le BJO au Jazz
Middelheim était tout simplement grandiose.
Je considère mon concert avec Toots et le BJO comme un des moments forts de ma
vie ! C’était un de ces soirs où j’aurais vraiment aimé que mes parents soient là ! Les
mots me manquent vraiment pour pouvoir décrire cette expérience.’

Kenny Werner : ‘J’ai rencontré Frank Vaganée voici plus ou moins cinq ans, à
l’occasion d’une jam session à Jazz Middelheim. J’étais entrain de jouer du piano au
milieu d’une bande de bad cats de New York, et soudain arrive sur scène ce mec un
peu débraillé, avec ces ‘crolles’ marrantes et ce petit bouc de mousquetaire. Je me
demandais ce que cela signifiait jusqu’au moment où je l’ai entendu jouer du
saxophone : il a soufflé tous ces mauvais chats de New York sous la table ! J’ai de
suite voulu faire connaissance. Il semblait déjà au courant que j’écrivais pour des big-
bands, et m’a alors demandé si j’avais envie de faire quelque chose avec le Brussels
Jazz Orchestra, à l’occasion du prochain Jazz Middelheim (1999). Nous y avons donc
joué ma musique, et je ne pouvais que conclure qu’il s’agissait là d’un des meilleurs
big-bands jamais rencontrés dans ma vie. Mais, ce que je ne comprenais vraiment pas,
c’est pourquoi jamais personne n’avait entendu parler d’eux, et surtout pas chez nous
aux Etats-Unis. Des pays comme l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les
Pays-Bas auraient déjà tout mis en œuvre pour faire connaître des gens comme cela, à
la presse et au public du monde entier. Pourquoi n’est-ce pas possible en Belgique ?
En plus, ce n’est pas hors de prix, étant donné qu’à terme, une partie revient sous la
forme de précompte professionnel, à l’occasion des concerts à l’étranger.
Afin d’offrir une sorte de tremplin au BJO, j’ai pris l’initiative de les proposer aux
organisateurs de la convention de la IAJE, qui se tient chaque année à New York.
Leur condition pour la participation du BJO, en 2001, était qu’ils devaient jouer mes
compositions, ce qu’ils ont bien entendu accepté. Je n’exagère vraiment pas quand je
dis que tous les spectateurs - musiciens, organisateurs, journalistes, etc. - ont écouté le
BJO, la bouche ouverte. They really blew everybody away ! De plus, grâce à ce
concert, de nombreux médias spécialisés se sont soudainement intéressés à mes
compositions, à côté de celles des plus grands, parmi lesquels Maria Schneider et
Vince Mendoza. Jusque là, j’étais surtout connu comme pianiste interprète.
A la fin du concert, les organisateurs et les promoteurs formaient de petites grappes
autour d’eux pour les obtenir pour leurs festivals, et qui sait peut-être même pour leurs
labels. Incroyable : tout à coup tout le monde savait où se trouvait la Belgique sur la
carte du monde ! C’est dommage que votre pays est si petit, au point que sur le plan
des tournées, on en a vite fait le tour. C’est une raison de plus pour que les pouvoirs
publics entreprennent quelque chose pour éviter que les artistes ne soient pris au piège
de leur pays natal, un peu trop serré.’
Pour être tenu au courant des projets à venir du BJO, on peut consulter leur page
d’accueil sur : www.jazzinbelgium.org/groups/bjo.htm

Bruno Castellucci
Bruno Castellucci est né à Châtelet (près de Charleroi), en 1944. Ses parents,
d’origine italienne, l’inscrivent à un cours de solfège à l’académie alors qu’il était
encore à l’école primaire. Enfant, après deux ans de cours de piano, Bruno Castellucci
se rend compte qu’il n’est pas vraiment fait pour cet instrument. Il choisi alors la
batterie, qu’il commence à apprendre tous les jours en autodidacte. A quatorze ans, il
reçoit sa première vraie batterie, avant de jouer rapidement dans divers groupes. C’est
ainsi que, très jeune encore, il reçoit déjà le prix du meilleur batteur, à l’occasion du
festival Adolphe Sax à Dinant. Il va ensuite se faire reconnaître très vite comme
musicien professionnel.
Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que ce batteur, à l’évolution rapide et
constante, soit sollicité par e.a. Maurice Simon, Jacques Pelzer, Francy Bolland et
René Thomas. A partir de 1963 - il n’avait pas encore vingt ans - il va faire partie du
quintet de Alex Scorier. Dix ans plus tard, il participe à la formation de jazz-rock
belge, Placebo, avant de suivre Marc Moulin dans un certain nombre d’autres projets,
comme ‘Sam Suffy’. Avec Solis Lacus, dans lequel il jouait aux côtés de Michel Herr,
Robert Jeanne et Richard Rousselet, il participera à la montée en puissance du jazz-
rock. Avec Félix Simtaine et Freddy Rottier, Bruno Castellucci appartenait déjà au top
trois des batteurs belges.
Sa rencontre avec Toots Thielemans, qui l’admire encore maintenant pour sa
précision, donnera une impulsion favorable à son parcours artistique, déjà bien rempli.
En effet, en faisant partie du quartet européen de Toots, Castellucci va pouvoir jouer
avec toute la scène belge et étrangère : Benny Carter, Freddie Hubbard, Art Farmer,
Slide Hampton, Johnny Griffin, Palle Mikkelborg, Neils-Henning Ørsted Pedersen,
Joe Pass, Chet Baker ( sur l’album ‘Chet Baker - Steve Houben - Philippe Defalle’) et
Jaco Pastorius (sur son album ‘Word of Mouth’). Aucun festival, de Montreux à Los
Angeles, en passant par Montreal et La Haye, ne lui est étranger.

Le coiffeur n’était pas seulement un amateur de jazz, mais aussi un champion de


boxe
Bruno Castellucci : ‘J’ai grandi dans une famille d’immigrés italiens. Je me souviens
encore très bien qu’enfant, j’écoutais, bouche bée, les chansons des mineurs qui
venaient manger leurs tartines dans la cantine de mes parents. Ceci, combiné aux
chansons du folklore italien, avec lesquelles j’ai grandi, m’empêchait d’imaginer un
monde sans musique. A dix, douze ans, je jouais sur mon petit accordéon, avec les
musiciens de l’orchestre qui se produisait tous les dimanches dans le dancing de mon
père, qui chantait, jouait de l’accordéon, de la guitare et de la batterie. Je m’amusais
beaucoup, même si ça ne les arrangeait pas toujours. La batterie me fascinait déjà
énormément, et chaque fois que le batteur prenait une pause, je me défoulais dessus.
A l’occasion d’un de ces dimanches, le batteur était malade. Mon père est alors allé
acheter une batterie chez Marcel Dubois, à Charleroi, une Sonorus blanche, sur
laquelle j’ai joué le soir-même : tangos, paso-dobles, marches, cha-cha-cha, boléros…
Un jour, à l’occasion d’une braderie à Châtelet, j’entends la musique de Glenn Miller,
par les hauts-parleurs. Je ne savais pas ce que j’entendais ! Je n’ai alors pas tardé à
acheter ce disque, et peu de temps après, j’ai aussi découvert le programme ‘Pour
ceux qui aiment le jazz’, sur Europe1, au grand dam de ma mère, qui ne voulait pas
que je reste éveillé aussi tard, avant d’aller à l’école. Pourtant, je continuais d’écouter,
secrètement, avec mon transistor caché sous le coussin.
Ce que je n’avais pas saisi de suite, c’était que cette musique-là était jouée par de
vraies personnes, jusqu’à ce que je passe un après-midi d’été, chez Clément Depasse,
le coiffeur de la rue Tombelle, à Châtelet. Je veux que tu signales ceci, c’est très
important. J’entendais chez lui la même musique, jouée par les hauts-parleurs qu’il
venait d’installer dans son salon. Il s’avérait être un passionné de jazz ! Du coup, je
voulais aller toutes les semaines chez le coiffeur ! Au début, il ne comprenait vraiment
pas pourquoi je laissais systématiquement passer mon tour, jusqu’à ce qu’il
m’interroge : ‘Tu aimes bien cette musique-là ?’. Je répondis avec enthousiasme que
oui. ‘Clem Deps’, neuf fois champion de Belgique de boxe, et coiffeur dans la vie de
tous les jours, me coupait les cheveux en me parlant de jazz. Il s’entraînait chez lui,
dans son petit jardin, sur du jazz. Mais, pour cela, il avait besoin de quelqu’un qui
pouvait interrompre la musique toutes les trois minutes. Il me demanda alors si je ne
pouvais pas venir le faire. C’est ainsi que j’ai été confronté aux disques de Art Blakey,
Max Roach, Elvin Jones… Un nouveau monde s’ouvrait à moi. Je savais à ce moment
que l’on pouvait jouer ainsi de la batterie. Je recommençai donc à m’exercer
sérieusement.
Je n’oublierai jamais le premier festival Adolphe Sax à Dinant, avec José Bedeur à la
contrebasse, Willy Donni à la guitare et Jacques Bély au saxophone ténor. En plus du
prix du meilleur orchestre, on y a remporté chacun le prix du meilleur soliste. Jacques
Pelzer qui bien entendu, était aussi à l’affiche du festival,
m’a emmené à Liège. J’ai alors pu accompagner tous ces musiciens légendaires de
Liège : Bobby Jaspar, René Thomas, Maurice Simon, Jean Leclère et Robert
Grahame. Je me rappelle que j’ai alors téléphoné, tout enthousiaste, à mon père, pour
lui dire que cette musique de jazz, c’était vraiment quelque chose, et qu’en plus, on la
jouait pas très loin de chez nous, en public.
Lorsqu’un peu plus tard, j’ai fait partie du quintet de Alex Scorier, j’ai commencé à
étudier la musique. Johnny Peret, un batteur et vibraphoniste de Jette, m’a appris
toutes sortes de structures rythmiques, comme les moulins, en plus des principes de
base du solfège pour batteurs.’
Bruno Castellucci explique son amour pour le jazz : ‘Tous les styles honnêtes ont des
qualités. C’est une erreur de ne pas vouloir écouter un disque à cause de préjugés sur
un style de musique : on peut apprendre à tout apprécier. J’adore par exemple toute la
musique brésilienne, mais j’ai par le passé aussi joué du blues, avec beaucoup de
plaisir. Pourtant, je dois bien admettre que le jazz était ma première grande passion, à
cause de son caractère non-conformiste, mais aussi parce que c’était le premier style
de musique à offrir une liberté d’expression totale. Ceci ne signifie pas que le jazz ne
demande pas des aptitudes parti-culières aux musiciens. En effet, un malentendu a
bien existé au sein du grand public, autour de l’assertion que ‘ces musiciens de jazz
jouent n’importe quoi’, alors que des études de musique classique ne suffisent pas
pour pouvoir jouer du jazz de qualité, de manière convaincante.’

Philip Catherine
Philip Catherine est né le 27 octobre 1942 à Londres, d’une mère anglaise et d’un père
belge. Son grand-père était le premier violon du London Symphony Orchestra. Après
la seconde guerre mondiale, la famille revient en Belgique, s’installer à Bruxelles.
On cite souvent Django Reinhardt et Barney Kessel parmi les premières influences de
Philip Catherine, même si la musique de Georges Brassens l’avait séduit avant.
Charles Mingus appelait Philip Catherine ‘Young Django’ (titre du cédé que Philip
Catherine publie en 1980 avec Stéphane Grappelli). Quant à Django Reinhardt, il est
malheureusement mort trop tôt (mai 1953) pour qu’une rencontre entre lui et le
‘Young Django’ ait été possible. Cependant, Philip Catherine a souvent joué avec
Joseph Reinhardt, le frère de Django, qui était guitariste rythmique au sein du Hot
Club de France.
Très tôt, Philip Catherine va se produire avec e.a. Sonny Stitt, Lou Bennett (avant
René Thomas), Jack Sels et Fats Sadie. Il ignorait alors qu’il recevrait le Django d’Or
à deux reprises (en 1995 et 1998), cinq ans après avoir obtenu le prestigieux Bird
Prize au North Sea Jazz Festival, avec Stan Getz.
En 1973, Philip Catherine forme Pork Pie, légendaire groupe de jazz-rock, avec
Charlie Mariano et Jasper van ‘t Hof. En 1975, accompagné des mêmes musiciens, il
publiera ses premiers albums, sous son nom : ‘September Man’ et ‘Guitars’. Vingt-
trois ans après sa création, Pork Pie s’est réuni à nouveau pour enregistrer un cédé,
‘Operanoya’ (Intuition), avec le percussionniste Don Alias, comme invité spécial.
A l’automne 2001, Philip Catherine a l’opportunité unique de donner quelques
concerts exclusifs en Italie, entouré des guitaristes John Pisano (70) et Mundell Lowe
(80), anciens accompagnateurs de Charlie Parker, Billy Holiday, Bill Evans et Red
Mitchel.
Son cédé le plus récent, ‘Blue Prince’, publié en 2000 par Dreyfus, sur lequel on peut
aussi entendre Bert Joris (tp, bugle), Hein van de Geyn (b) et Hans van Oosterhout
(dm), est en ce moment encore un des albums de jazz le plus vendu.

Philip Catherine : ‘Je devais avoir environ treize ans quand j’ai appris mes premiers
accords de guitare avec José Marly. C’était comme si un nouveau monde s’ouvrait à
moi, surtout dès l’instant où je commençais à jouer avec d’autres élèves. J’essayais
aussi de m’exercer le plus souvent possible en jouant sur des disques de Georges
Brassens et ensuite Django Reinhardt et Barney Kessel. J’ai également suivi des cours
avec Joe Van Wetter, pendant un certain temps.
Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que je n’aille me produire régulièrement dans
les cafés. Quelqu’un m’a visiblement découvert de cette façon, car un beau jour, en
1957, la RTB m’invitait à participer à une émission radio, accompagné par la section
rythmique de Francis Bay, avec Armand Van de Walle à la batterie, Jean Evans au
piano et Clément De Mayer à la contrebasse.
A l’époque, je me trouvais aussi tous les mercredis dans une salle de la Galerie des
Princes, où le clarinettiste Henri Van Bemst jouait avec son quintet. A la fin de leur
concert, je pouvais jouer un morceau avec eux., du moins s’ils avaient encore un peu
de temps, ce qui n’était pas toujours le cas. Dans cette hypothèse, je rentrais chez moi,
très déçu.
Lesley Span est le tout premier guitariste de jazz que j’ai vu se produire en public, en
1958, à l’occasion d’une jam session à La Rose Noire, dans la petite rue des Bouchers
à Bruxelles. C’était après un concert qu’il avait donné avec Quincy Jones et Clark
Terry, au Palais des Beaux-Arts. Hélas, je ne suis jamais parvenu à rencontrer Les
Span. C’était pourtant possible, car la même année, je jouais déjà aussi dans ce club.
J’y ai d’ailleurs participé à une jam avec Sonny Stitt.
En 1958 toujours, à l’occasion de l’exposition universelle, j’ai joué sur la scène du
Théâtre de la Belgique Joyeuse, avec Freddy Sunder à la guitare. A la même époque,
je jouais aussi en trio avec le regretté Robert Pernet.
Tout en fréquentant toujours l’école, je gagnais déjà un peu d’argent grâce à mes
concerts. En 1960, avec la somme épargnée, et la vente de toute ma collection
Märklin, une autre de mes grandes passions, pour 6.000 BEF, je me suis acheté une
Gibson ES175, chez Persy à Bruxelles, pour 14.000 BEF. C’est avec cette guitare que
je joue encore aujourd’hui !
En 1961, Lou Bennett, alors en tournée en Belgique, m’invite à jouer avec lui au Blue
Note Club de Benoît Quersin. Visiblement, cela lui a beaucoup plu. En effet, je l’ai
ensuite régulièrement accompagné en tournée, jusqu’en 1969. La fin des années ’60
correspond aussi à la période où je jouais avec Freddy Deronde dans Casino Railway,
un projet de Marc Moulin.
Pourtant, je n’étais toujours pas décidé à gagner ma vie comme musicien, même après
avoir joué sur de nombreuses scènes pendant près de douze ans, aux côtés de
différents musiciens professionnels, comme Jacques Pelzer, rencontré grâce à
Quersin. Jacques m’a permis, à son tour, d’accompagner d’autres musiciens, le plus
souvent à l’occasion de jams organisées pendant le festival de Comblain-la-Tour.
Entre-temps, à vingt-et-un ans, j’avais appris la guitare classique pendant un certain
temps avec Nicolas Alphonso. J’ignore dans quelle mesure cela a influencé ma
technique, mais je peux t’assurer que j’ai eu beaucoup de plaisirs, notamment en
étudiant et en jouant des pièces de Segovia, dont j’ai toujours été un grand admirateur.
Le plus embêtant fut d’adapter la technique classique à la guitare, avec les doigts, au
jeu avec le plectre sur une guitare électrique. Il s’agissait pour moi de deux mondes
totalement différents que je n’ai jamais pu réunir, raison pour laquelle, aujourd’hui
encore, je ne parviens pas à développer une technique à la guitare jazz avec les doigts.
Après neuf mois, j’ai arrêté l’expérience.
Cela semble improbable, mais j’ai dû attendre plusieurs années avant de revoir un
guitariste de jazz sur une scène. Je jouais alors déjà sur un disque de Lou Bennett. Ce
guitariste s’appelait René Thomas et provenait de Liège. Il revenait en Belgique après
un long séjour au Canada. Peu de temps après, je voyais Toots Thielemans. Beaucoup
de gens ont oublié à quel point c’était un excellent guitariste. Il ne faut pas oublier
qu’à ce moment-là, très peu d’artistes de jazz, de format international, venaient jouer
en Belgique. On ne peut se l’imaginer aujourd’hui.
Ce n’est qu’à la fin des années ’70, alors que je venais de terminer mon service
militaire, que Jean-Luc Ponty m’invite pour devenir un membre à part entière de son
groupe, et à l’accompagner pour une tournée de deux semaines. J’ai alors décidé de
devenir un musicien professionnel, sans pour autant mettre fin à mes études. Imagine
un instant qu’il ne m’ait pas téléphoné à l’époque, je travaillerais peut-être
aujourd’hui dans l’un ou l’autre bureau.
J’ai donc fait partie du groupe de Jean-Luc Ponty pendant seize mois, au moment où
on me demandait aussi régulièrement en Allemagne, avec les formations de Klaus
Weiss et Ferdinand Povel.
En 1973, après mes études au Berklee College à Boston, je suis allé vivre quelque
temps à Berlin. J’y ai joué, pendant neuf mois, dans le big-band de la SFB. La même
année, j’ai créé le groupe Pork Pie avec Jasper van ‘t Hof et Charlie Mariano. C’était
un projet jazz-rock, comme cet autre trio, formé à la fin des années ’70, avec le
batteur Gerry Brown et le bassiste John Lee. L’arrivée du rock, de la soul, du funk et
du rhythm and blues représentait une véritable respiration pour les musiciens de jazz
de l’époque, après toutes ces années dominées par le swing et le be-bop, et qui,
soyons honnêtes, commençaient tout doucement à nous pomper. C’est là l’explication
de cette vague de fusion et de jazz-rock à la fin des années ’60, début des années ’70.
Dans les groupes dont je suis responsable, je tente toujours de donner la parole aux
autres musiciens, de façon optimale, que ce soit pour les standards ou mes
compositions, respectant ainsi leur valeur intrinsèque. Je tiens ainsi toujours compte le
plus possible des capacités techniques de mes partenaires. Avant de jouer, on se met
d’accord, entre nous, tout en les laissant libre dans leur expression musicale. Mes
compositions peuvent toujours évoluer, grâce à l’apport des autres musiciens, mais
aussi parce que j’évolue également, bien entendu.
J’essaye le plus possible de toujours respecter le public. Après tout, ils ont acheté un
ticket, et ont donc droit à un concert convenable. Ceci ne signifie pas qu’il peut
attendre n’importe quoi de moi. Les spectateurs de mes concerts ne se sentiront jamais
dupés.
Prendre l’habitude, tous les jours, de jouer des gammes et des schémas d’accords, et à
chaque fois placer la barre un peu plus haut, voilà le conseil que je peux donner à tout
jeune guitariste. Par ailleurs, travailler avec d’autres musiciens - et surtout les écouter
- est essentiel pour le développement personnel de chaque musicien.’

Jean-Pierre Catoul

Jean-Pierre Catoul est né le 14 août 1963, à Huy. A huit ans, après deux années
d’études classiques au violon, le programme de la télévision francophone ‘Feu Vert’
le consacre meilleur jeune talent. A cet âge là, il pouvait aussi déjà jouer au piano.
Bref, pour tous, il était clair qu’il s’agissait là d’un virtuose potentiel.
Jean-Pierre Catoul se sentait à l’aise autant dans le monde la musique pop, que dans le
classique et le jazz. En tant que soliste d’un orchestre symphonique de jeunes, Jean-
Pierre Catoul travaillera bientôt avec William Sheller, Jimmy Page, Robert Plant,
Stefan Eicher, Pierre Rapsat, B.J. Scott, Alain Souchon, Isabelle Antena, Alain
Bashung, Perry Rose, les groupes pops Niagara, Kent, Pow-Wow et Indochine, mais
aussi avec Toots Thielemans, Jacques Pelzer, Philip Catherine, Charlie Mariano (cf.
cédé ‘True Stories’, Igloo), Jean-Luc Ponty (qu’il a continuellement cité comme son
maître principal), Charles Loos (cf. cédé ‘Summer Winds’, Quetzal, et ‘Sad Hopes’,
Omnivore), Félix Simtaine, Pirly Zurstrassen (cf. ‘Septimana’, Carbon7), Fabrice
Alleman et Gwenaël Micault.

Jean-Pierre Catoul : ‘Ma mère était une très grande mélomane en musique classique.
Cependant, au cours de son enfance, elle n’a pas eu la chance d’étudier la musique. Il
ne faut pas oublier ici que l’enseignement de la musique n’est accessible à tout un
chacun que depuis une quarantaine d’années. Pour ma mère, cela a dû représenter un
manque terrible. C’est probablement la raison pour laquelle, elle nous fait, ma sœur et
moi, étudier la musique dès notre plus jeune âge. Ma sœur donne d’ailleurs toujours
des cours de piano à l’académie de musique. J’ai commencé à jouer du violon dès
l’âge de six ans. A vingt ans, je terminais mes études au Conservatoire.
Une fois mon premier prix en poche, j’en avais un peu marre de la musique classique,
et je suis alors passé au jazz. Le déclic est surtout venu du progamme ‘Le Grand
Echiquier’, diffusé par la télévision publique française. C’est là que j’ai vu pour la
première fois Stéphane Grappelli. Jusque là, je n’avais encore jamais entendu
quelqu’un jouer du jazz au violon. Je n’y connaissais donc rien, mais je savais que
c’était ce que je recherchais. Depuis lors, le jazz ne m’a plus lâché.
Tu ne peux pas imaginer quel sentiment libérateur cela représente d’atterrir ainsi dans
le chaos rebelle du jazz, quand on vient du monde fortement structuré de la musique
classique. Mais attention : j’en connais beaucoup qui n’ont jamais réussi à franchir ce
seuil, parce qu’ils se sentaient trop peu sûrs d’eux, et par peur de quitter le chemin
balisé par la partition. Et, parfois même pour éviter de porter atteinte à la technique
élaborée péniblement pendant des années. Je peux les comprendre, et s’ils peuvent
continuer à vivre ainsi, c’est bien entendu leur droit absolu.
En 1984, je suis arrivé au Séminaire de Jazz de Liège, où j’ai eu Steve Houben,
Richard Rousselet, John Ruocco et Michel Herr, comme professeurs.’
Un an plus tard, il forme le groupe de jazz-rock Equation, avec Eric Legnini, Stéphane
Galland et Claude Hastir. En 1986, on le retrouve avec Michel Herr et Joe Lovano,
sur le cédé ‘Extrêmes’ (Amplitude-Igloo), enregistré par l’Act Big Band de Félix
Simtaine. En 1987, et pendant deux ans, Didier Lockwood sera son professeur de
violon jazz. Un an plus tard, Jean-Pierre Catoul prenait sa décision : il allait se
consacrer exclusivement au jazz.
Le premier cédé de Catoul, ‘Modern Gardens’ (B.Sharp) remonte à 1990, l’année où
pour la première fois, il rencontre Stéphane Grappelli avec lequel il va collaborer
étroitement, pendant un certain temps.
Jean-Pierre Catoul : ‘J’avais envoyé quelques cassettes démos à Didier Lockwood.
Peu de temps après, il m’a invité à venir à Paris, où il occupait une grande maison,
avec deux autres familles d’artistes. Un de ces artistes était Toure Kunda.
J’avais aussi envoyé quelques démos à Stéphane Grappelli. Et un jour, il m’a
téléphoné pour me demander si j’étais près à faire quelque chose avec lui. J’ai d’abord
pensé que quelqu’un me jouait un tour, mais après un moment, je prenais conscience
qu’il s’agissait bien de Stéphane Grappelli. Il m’a alors dit qu’il avait surtout apprécié
la cassette de l’enregistrement d’un concert donné avec Jacques Pirotton. Alors que la
qualité sonore laissait plus qu’à désirer.
Stéphane m’avait envoyé une partition au préalable, pour que je puisse l’étudier à la
maison. Hélas, pour autant que je sache, ce concert en duo n’a pas été enregistré. Par
contre, j’ai bien un enregistrement du concert que nous avons donné, en 1993, avec
son trio, au Festival International de Jazz à Liège, qui n’a pas encore été publié
officiellement.’
Avec le temps, Catoul allait de plus en plus souvent utiliser un violon amplifié
électriquement.
Jean-Pierre Catoul : ‘Jean-Luc Ponty est et reste ma principale idole. La fusion en
général m’a toujours passionnée : Pat Metheny, John Scofield, Mike Stern, et Wayne
Shorter… C’est ainsi qu’un de mes premiers projets, Equation, était un groupe de
fusion.’
Sur ‘Restless’, ce merveilleux cédé enregistré avec Peter Hertmans, et publié par
Quetzal peu de temps avant le décès de Jean-Pierre Catoul, on entend encore
clairement sa préférence pour la fusion.
A propos de sa manière très particulière de composer, Jean-Pierre Catoul nous
déclarait : ‘Sur mon clavier, je suis continuellement à la recherche de nouveaux
schémas harmoniques. Ensuite, j’arrange les différents instruments autour de ces
schémas, avant d’imaginer un thème adéquat pour l’ensemble. C’est ainsi que naissent
la plupart de mes compositions. Mais, je dois ajouter ici que j’utilise de plus en plus
l’ordinateur, ce qui me fait gagner beaucoup de temps. Je peux entendre directement
le son des différents instruments, et cela m’aide beaucoup pour l’écriture des
arrangements. Il va de soi que je laisse toujours un espace pour l’improvisation dans
mes compositions, même si je suis persuadé qu’en jazz, le plus important est de
disposer, à la base, d’une composition bien écrite. Tant que les compositions ne
riment à rien, les accords, solos et rythmes de jazz pouvant même être joués à la
perfection, cela ne me touchera pas. Mais attention, ceci est mon opinion personnelle.
Le free jazz ne répond déjà pas à ce critère, et c’est bien pour cela que je n’ai jamais
pu aimer le free jazz, en tout cas pas sur disque. En public, le free jazz peut par contre,
être tout à fait supportable.’
Dans la nuit du dimanche 20 au lundi 21 janvier 2001, le sort, incarné par un
automobiliste ivre, a frappé sans merci, faisant taire pour toujours un de nos musiciens
les plus talentueux.

Michel Debrulle

Michel Debrulle est né le 18 août 1955 à Binche. Il a étudié la musique à Liège, en


suivant principalement les cours d’improvisation de Garrett List. Ils participeront
ensemble à l’aventure de La Grande Formation qui pu-blia deux magnifiques albums,
‘Everyone Lived in a Pretty How Town’ (Igloo) et ‘Galilée’ (Carbon7). Mais, avant
cela, Michel Debrulle avait déjà publié plusieurs enregistrements avec le Collectif du
Lion, Baklava Rhythm and Sounds, avec Henri Pousseur et avec Trio Bravo,
formation créée en 1984 par ce batteur opiniâtre, avec Fabrizio Cassol et Michel
Massot. Ce dernier dirigeait alors aussi le projet Bathyscaphe 5 (un cédé pour Igloo),
aussi avec Michel Debrulle. En 1992, après le départ de Fabrizio Cassol, Michel
Massot va trouver un nouveau partenaire, en la personne de Laurent Dehors, musicien
français et multi-instrumentiste. Trio Bravo deviendra ainsi Trio Grande, tandis que
Michel Debrulle intègrera Tous Dehors, le big-band de Laurent Dehors (deux cédés
distribués par Harmonia Mundi).
Depuis peu, Michel Debrulle s’investit dans un autre projet passionnant : Rêve
d’Eléphant, un septet avec lequel il a publié un premier cédé, en 2001, sur le label du
W.E.R.F., ‘Racines du Ciel’. Sur le même label, il vient de sortir le deuxième cédé de
Trio Grande, ‘Signé Trio Grande’.
Michel Debrulle : ‘Curieusement, mon parcours musical est une conséquence logique
de mes origines, même si la musique était absente dans ma famille. Mes parents sont
originaires de Binche, ce qui signifie des liens très solides avec la culture du carnaval
dans la région. Personnellement, j’évoluais déjà dès mon plus jeune âge comme Gilles
de Binche. Je peux donc dire que j’ai grandi dans l’ambiance exubérante d’une masse
dansante sur des battements de tambours. Ce n’est qu’aux humanités que j’ai
commencé à jouer un peu de la guitare, ce qui n’était pas évident dans un internat où
ce genre de chose était interdite. Autrement dit, pendant toute cette période, on ne
peut pas vraiment parler de formation musicale. Ensuite, lorsque j’étais étudiant à
l’université de Louvain-la-Neuve, j’ai organisé des concerts pendant environ deux
ans, alors que j’aurais par-dessus tout préféré être moi-même sur cette scène.
Après deux années de candidature en sciences économiques, j’ai arrêté les frais, et j’ai
annoncé ‘l’heureuse nouvelle’ à mes parents : je voulais devenir batteur. Il ne faut pas
oublier que dans les années ’70, les gens, et surtout les jeunes, n’étaient pas comme
aujourd’hui, obsédés par l’argent et la propriété privée. Nous nous contentions de peu
à l’époque.
C’est donc à vingt ans que j’ai plongé sur cette batterie, comme un parfait débutant. Je
suis allé suivre des cours de Johnny Peret, un batteur et vibraphoniste fantastique, qui
jouait alors souvent au Bieromdrome de Pol Lenders. Il avait aussi donné des cours à
Bruno Castellucci. Les trois premiers mois, il m’a appris à jouer sur des congas. Mais,
comme il s’exprimait mieux sur une batterie, on y est finalement passé.
Ensuite, je me suis rendu à Paris, pour suivre les cours de l’IACP, où j’ai entre autres
rencontré Pierre Vaiana. Les longs trajets ont tout doucement commencé à nous poser
un problème. C’est ainsi qu’un jour, nous avons réussi à convaincre Henri Pousseur,
alors directeur du Conservatoire de Liège, qu’une demande pour une telle formation
existait bel et bien. Les premiers séminaires de jazz liégeois, avec ses cours
d’improvisation et ses workshops, allaient aussi vite voir le jour. De 1980 à 1982, j’ai
organisé une série de concerts au Lion S’Envoile, dont j’étais l’exploitant. J’y faisais
également partie d’une section rythmique permanente, avec le pianiste Pirly
Zurstrassen et le contrebassiste Daniel Zanello.
En 1981, j’ai obtenu une bourse pour pouvoir étudier pendant trois mois au Creative
Music Studio à Woodstock. J’y ai surtout suivi des cours de rythmique avec e.a.
Trilok Gurtu, Dollar Brand, Collin Walcott et Nana Vasconcellos. La formation reçue
de Trilok Gurtu (un percussionniste indien) m’a impressionné au point qu’elle
deviendrait une de mes principales sources d’inspiration pour la musique jouée avec
Trio Bravo. J’ai formé ce trio en 1984, un peu en suivant l’exemple de Arthur Blythe
qui travaillait avec le joueur de tuba Bob Stewart, dont le rôle me semblait tout à fait
convenir pour Michel Massot (alors condisciple au Conservatoire et rencontré via
Garrett List). Ce n’est que plus tard, que Fabrizio Cassol, le saxophoniste alto du
groupe, allait lui aussi se pencher de plus près sur la musique indienne.
Une deuxième bourse (de la fondation Spes) m’a permis de me rendre à Madras, en
1994, pour approfondir mes connaissances de la musique indienne, et en 1995, j’ai
aussi pu aller à La Havane, pour expérimenter la musique cubaine in situ. Cette
dernière expérience m’a conduit à transposer une série de rythmes caractéristiques
pour la musique afro-cubaine en figures jouables à la batterie, comme je l’avais
d’ailleurs déjà fait pour les rythmes indiens.
Quand je compare les arrangements pour Rêve d’Eléphant avec ceux de Trio Grande,
une des différences principales me saute aux yeux : la liberté musicale d’un trio est
automatiquement plus grande que celle d’un septet. De plus, la créativité incessante
de Laurent Dehors rend toute convention avec lui non seulement impossible, mais
aussi superfétatoire. Ceci augmente par conséquent, le degré d’imprévisibilité de
chaque concert.
D’autre part, il est important de signaler que les arrangements écrits pour le jeu entre
le tuba et les percussions, dans Rêve d’Éléphant comme dans Trio Grande, demandent
une approche très spécifique. Ce que le spectateur entend et voit, est le résultat
d’expériences intensives, menées pendant des années, au cours de répétitions, et à
l’issue de discussions, pour obtenir un son où l’absence d’une basse ne pose aucun
problème, tant du côté des musiciens, pendant l’interprétation, que du côté des
auditeurs, confrontés au produit fini.
Le fait que je me trouve en ce moment très clairement dans une phase essentielle de
ma vie, constitue un autre point important, où je voudrais souligner l’aide et la
patience indispensables et inestimables des gens du Werf à Bruges, pour le
développement ultérieur de mes deux projets. Sans eux, Rêve d’Éléphant et Trio
Grande seraient sans doute tombés dans l’oubli. Bien entendu, j’ai probablement dû
décevoir certaines personnes, suite à toute une série de décisions difficiles à prendre.
Mais, a contrario, je serai toujours reconnaissant pour les opportunités offertes par les
gens du Werf qui m’ont permis de développer utilement mes deux projets. C’est
comme si j’avais enfin pu rassembler tous les ingrédients, répartis depuis des années,
dans différentes casseroles, laissées sur le feu, pour enfin réaliser le plat principal de
ma vie. Et cela, alors que j’avais toujours pensé que tout se passe avant la
quarantaine !’

Bart Defoort
L e saxophoniste soprano et ténor Bart Defoort est né en 1964, à Bruges. De 1984 à
1987, il suivra les cours de théorie musicale, d’harmonie et d’histoire au
Conservatoire de Gand. Ensuite, il va étudier le saxo-phone pendant trois ans avec
Steve Houben, au Conservatoire de Bruxelles, où il recevra un prix en 1991. Cela
faisait déjà trois ans qu’il était actif sur les scènes belges du jazz, où il se sentait
d’ailleurs à l’aise dans tous les styles, du swing traditionnel au be-bop, et du classique
contemporain (Blindman Saxophone Quartet) à l’improvisation libre. Il va ainsi
rapidement partager le podium, de différents clubs et salles, avec des musiciens
comme Richard Rousselet, Paolo Radoni, Mal Waldron, Félix Simtaine, Michel
Hatzigeorgiou, Erik Vermeulen et Chris Joris.
Comme de nombreux autres musiciens de jazz contemporains, Bart Defoort désigne
aussi le Kaai comme une des scènes les plus importantes, et qui a contribué à son
développement comme musicien. Ce club bruxellois modeste était exploité par les
musiciens eux-mêmes, et leur donnait la chance d’expérimenter leurs compositions en
toute liberté.
Bart Defoort fera partie du K.D.’s Basement Party en 1991, et créera le groupe
Octurn, en 1993, avec Bo Van der Werf et Jeroen van Herzeele. Il a réalisé trois cédés
avec Octurn, et a joué dans de nombreux festivals, à Montréal, New York,
Middelheim, Liège et La Haye (North Sea Jazz). En 1993, il rejoint le Brussels Jazz
Orchestra. Et, depuis 1995, Bart Defoort interprète aussi régulièrement ses
compositions avec son quartet, composé de Erik Vermeulen, Nicolas Thys et le
batteur américain Gene Calderazzo. En 1997, ils enregistrent le cédé ‘Moving’
(W.E.R.F.), et se retrouvent à l’affiche de Jazz Middelheim.
Entre 1998 et 2000, Bart Defoort se produit avec le Ernst Vranckx Quintet (avec
Kenny Wheeler), avec lequel il enregistre deux cédés, et part en tournée en Chine.
Pendant la même période, il participe aussi au Chris Joris Experience, notamment à
l’occasion de concerts en Suède, en France et en Allemagne. En 1998, Bart joue
même en Inde (Bangalore et Bombay) pour un projet avec Amit Heri et le Karnataka
College of Percussion. En 1999, il crée le groupe Streams en compagnie du pianiste
Diederik Wissels, ce qui a aussi conduit à une série de concerts, et à la publication du
cédé ‘Streams’ en 2001.

Bart Defoort : ‘Je n’arrive pas à me souvenir d’un jour sans musique, à la maison.
Enfant, j’étudiais déjà la musique, alors qu’on ne nous y obligeait pas. J’ai commencé
par la flûte à bec classique. Je chantais aussi régulièrement dans des chorales, surtout
parce que mon père est directeur de chorale. Mais, très vite, j’allais entrer en contact
avec d’autres styles de musique. J’ai alors commencé à chanter du blues, du folk et du
rock, en m’accompagnant à la guitare. A l’époque, j’étais un grand fan de chanteurs à
textes comme Neil Young, Nick Drake et Joni Mitchell, une artiste très polyvalente, et
qui a contribué à mon évolution vers le jazz. En effet, au même moment, Joni
Mitchell commençait à publier des albums avec des gens comme Jaco Pastorius et
Wayne Shorter. De plus, j’avais souvent vu mon frère Kris jouer avec son quintette
(avec Gino Lattuca et Pierre Vaiana), à l’époque où il étudiait à Liège, chez Dennis
Luxion. C’était au début des années 1982. Au même moment, j’ai aussi eu la chance
de voir Miles Davis pour la première fois sur scène, à l’occasion de son ‘We Want
Miles Tour’, avec Bill Evans au saxophone soprano. Tout ceci m’a conduit à prendre
des cours de saxophone chez Pierre Vaiana. Comme la conscience que la musique
allait déterminer ma vie s’imposait alors à moi, je me suis également investi de
manière intensive dans la musique classique, en m’inscrivant au Conservatoire de
Gand. Et, c’est justement après mes humanités, que toutes ces décisions allaient ouvrir
un nouveau chapitre de ma vie, et, elles la dominent encore aujourd’hui, jour et nuit.
J’ai choisi le saxophone pour le caractère vocal délibéré de l’instrument, mais aussi
parce que j’en avais un peu marre de la guitare. Et, comme l’académie de musique ne
possédait plus qu’un saxophone soprano, j’ai donc exclusivement joué de cet
instrument, pendant quatre à cinq ans. Ce n’est que plus tard que j’ai commencé à
jouer du ténor, un enchaînement qui allait finalement avoir une influence parti-
culièrement positive sur ma conception du son.
Je n’étais alors pas uniquement fan de Steve Lacy, mais aussi de toute une série de
ténors comme Sonny Rollins et Dexter Gordon. Je n’ai appris à apprécier Coltrane
que plus tard. Les fameux stages d’été orga-nisés avec John Ruocco, qui habitait alors
encore à Mechelen, et Joe Lovano, qui venait régulièrement en Belgique, m’ont aussi
apporté énormément.
Après environ quatre ans d’études au saxophone, je décrochais déjà un boulot au
théâtre musical, je faisais partie de groupes d’avant-garde, comme les Simpletones,
tandis que je jouais aussi dans le big-band de Fred Van Hove.
De manière assez étonnante, je n’ai commencé à me sentir pleinement musicien de
jazz qu’à la fin des années ’80, début 1990, un processus que je considère aujourd’hui
encore comme loin d’être abouti. J’espère d’ailleurs qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin
de ma vie. Après tout, un homme évolue, et donc, par définition, sa musique avec lui.
Pour le musicien de jazz moderne, tout l’art se situe, selon moi, dans ce défi qui
consiste à trouver la voie médiane, entre ce qu’il a reçu de ses ancêtres musiciens, et
les nouvelles choses qu’il découvre, principalement par l’improvisation. Tout en
tenant toujours compte d’une certaine logique. Ce n’est qu’ainsi que l’on parvient à se
créer une identité propre et crédible. C’est pour cette raison qu’un de mes principaux
objectifs est de devenir un bon improvisateur, et toujours avec le plus grand respect
pour le répertoire jazz existant et tout son vocabulaire. Ce qui n’empêche pas de rester
ouvert à d’autres formes musicales. Dès le début de son histoire, le jazz a toujours été
marqué par un croisement continuel avec d’autres cultures. Ceci en a d’ailleurs fait un
des styles musicaux dont l’évolution est la plus rapide et la plus drastique dans toute
l’histoire. Par conséquent, cela n’a aucun sens de vouloir limiter le jazz à toute une
série de critères auxquels il devrait correspondre pour pouvoir porter l’étiquette ‘jazz’.
Même si le jazz est très exigeant et très difficile à jouer, il faut surtout éviter que le
public le ressente comme tel. Sinon, on crée une distance inutile. C’est pour cette
raison que dans mes projets, je tiens à garder un lien solide avec des mélodies
logiques, des grooves qui swinguent et une sorte de feeling blues.
Le jazz est un style musical dans lequel tu peux être totalement toi-même, avec ton
propre son et tes idées. Ce qui me fascine aussi complètement, c’est cette possibilité
de jouer dans l’ici et maintenant, grâce à l’improvisation, et surtout le fait
d’improviser avec d’autres musiciens, d’autres individus, qui comme toi, sont dans un
mouvement constant.’
Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Bart Defoort sur le cédé
du Brussels Jazz Orchestra.

Kris Defoort
Ce compositeur et pianiste aux talents multiformes est né en 1959, à Bruges. Il a
d’abord étudié la musique ancienne et la flûte à bec au Conservatoire d’Anvers. En
1982, il va étudier la musique classique contemporaine et le jazz, au Conservatoire
Royal de Liège. De 1987 à 1990, il suit des cours à la Long Island University of
Brooklyn, New York. Kris Defoort s’est déjà produit avec de nombreux grands
artistes internationaux, comme Lionel Hampton, Lee Konitz, Ron McLure, Mark
Turner, Barry Altschul, Adam Nussbaum, Jack DeJohnette, Mike Formanek et Tito
Puente.
Il publie son premier cédé, ‘Diva Smiles’, en 1986. Les autres cédés de Kris Defoort
sont e.a. ‘Sketches of Belgium’ (avec son ensemble K.D.’s Basement Party -
W.E.R.F.), ‘K.D.’s Decade Live’ (W.E.R.F.), ‘Variations on A Love Supreme’ (avec
Fabrizio Cassol - W.E.R.F.), ainsi que le double cédé ‘Passages’ (avec Dreamtime et
Mark Turner - W.E.R.F.).
Kris Defoort a composé la musique et écrit avec le metteur en scène Guy Cassiers, le
texte du livret de ‘The Woman Who Walked into Doors’ - an opera for soprano,
actress and videoscreen’. Cet opéra, basé sur un livre du même titre de l’auteur
irlandais Roddy Doyle, est une production de Het Muziek Lod (Gand), du Ro Theater
(Rotterdam) et une co-production de deSingel (Anvers), de Rotterdamse Schouwburg,
La Monnaie (Bruxelles) et la Beethoven Academie (Anvers). Le résultat a pu être jugé
en automne 2001, par un public unanimement enthousiaste, au cours de dix
représentations à guichets fermés, à Anvers, Bruxelles et Rotterdam. La symbiose
parfaite entre la formation de jazz Dreamtime (il fallait voir les balancements de la
tête de Nic Thys, au moment où un groove conduit l’opéra vers un climax
improbable) et l’ensemble de musique classique Beethoven Academie, sous la
direction de Patrick Davin, assurait une architecture musicale encore jamais
expérimentée. Elle offrait ainsi un écrin de choix pour la voix de Claron Mc Fadden
(soprano) et pour la prestation théâtrale incomparable de Jacqueline Blom.
Kirs Defoort a également beaucoup écrit pour le Brussels Jazz Orchestra et pour
Octurn (cédé ‘Chromatic History’ et ‘Ocean’). Comme pianiste et accompagnateur, il
participe régulièrement à différents enre-gistrements, dont les albums ‘The
Unbearable Light’ et ‘Voyage’ (Garrett List), ‘Elohim’ et ‘Invisible Sun’ (Aka Moon),
‘Snake Ear’ (Deep in the Deep) et ‘Vivaces’ (Pierre Van Dormael).
En outre, depuis 1996, Kris Defoort enseigne l’arrangement, le jeu d’ensemble et
l’improvisation libre au Conservatoire Royal de Bruxelles.

Kris Defoort : ‘Même si j’ai traversé une période d’études inévitablement consacrées
au piano, j’ai toujours été obsédé par la composition. C’est ainsi que lorsque je joue
au piano, mon jeu est toujours automatiquement lié à la composition. J’ai toujours
considéré le piano comme un orchestre complet, dont je peux me servir seul. En
improvisant, en jouant sur les touches, je ne pense pas aux notes, mais aux couleurs.
Je veux continuellement me surprendre par mon jeu au piano, et surtout dans la
communication avec mes partenaires musiciens. Même si j’ai un certain son en tête
quand je compose, il peut arriver qu’en commettant une erreur, en jouant ce que j’ai
écrit, j’abandonne l’idée originale, parce que l’effet obtenu par hasard est plus
intéressant. D’ailleurs, une erreur n’est pas toujours simplement une erreur. Il arrive
qu’en jouant une série de notes et d’accords, ton esprit te conduise vers une certaine
suite à ces notes, sans y avoir pensé consciemment. L’art consiste à rester
continuellement ouvert, malgré les idées préconçues, pour les directions que la
musique veut prendre elle-même.
Un deuxième effet de surprise important se situe dans le fait qu’à chaque concert, j’ai
un autre instrument devant moi. Certains considèrent cela comme un désavantage. Je
pense plutôt que c’est un défi, et je me réjouis à l’idée que chaque concert sonnera
différemment, à cause de la couleur sonore du piano que l’on me présente. Prends par
exemple le symbole d’un la mineur septième. Donne-moi trois pianos différents, je te
jouerai ainsi trois la mineur septième totalement différents.’
Le piano semble bien être l’instrument idéal pour composer.
Kris Defoort : ‘ Contrairement à un trompettiste, un violoniste ou un guitariste, un
pianiste dispose en un clin d’œil, d’une vue d’ensemble de toutes les notes, ce qui est
bien entendu un avantage. En les comparant à celles des pianistes, les compositions de
saxophonistes ou de guitaristes diffèrent toujours totalement sur le plan de l’approche
harmonique. Comme pianiste, en ayant toute l’offre de notes à sa disposition, on a
souvent tendance à travailler automatiquement de façon harmonique, même si je m’en
défends. C’est justement cette limite qui oblige un guitariste ou un souffleur à jouer de
manière contrapuntique, ce qui peut parfois amener des idées originales. Je suis ainsi
persuadé que Steve Coleman a pu définir un idiome musical propre grâce au fait qu’il
n’est pas un pianiste. J’essaye de tenir continuellement compte de ce genre
d’information, ce qui fait que je ne joue pas au piano comme on pourrait l’attendre
d’un pianiste. Il y a peu, quelqu’un me demandait quels pianistes j’écoutais pour le
moment. Je suis alors arrivé à la constatation révélatrice que sur les disques que
j’écoutais ces derniers temps - surtout de la musique orchestrale - on ne rencontre
aucun pianiste. J’adore par exemple énormément la musique de Ornette Coleman, qui
ne travaille presque pas avec des pianistes.’
Comment Kris Defoort travaille-t-il quand il compose pour un orchestre, pour sa
propre formation Dreamtime ou pour un ensemble de jazz comme Octurn ?
Kris Defoort : ‘Tout mon passé musical - musique ancienne, musique contemporaine,
jazz, etc. - commence à se développer de plus en plus dans un langage propre. Je
trouve très passionnant de pouvoir travailler avec de grands ensembles, même des
orchestres symphoniques, combinés avec des musiciens de jazz, comme dernièrement
avec l’opéra ou avec le Vlaams Filharmonisch Orkest (mai 2002 : Conversations with
the Past, pour vingt-quatre souffleurs, harpe, piano, contrebasse et percussion). Dans
ce genre de travail, je respecte toujours les univers musicaux auxquels appartiennent
les orchestres, en utilisant leurs éléments les plus forts. C’est ainsi que les musiciens
classiques vont très loin dans la précision au niveau de la dynamique et dans le
contrôle de l’instrument. Avec mon propre ensemble ou avec Octurn, par contre, je
tenterai toute une série d’expériences sur place. Leur force se situe plutôt sur le terrain
de l’improvisation. Le plus excitant est de réunir ces deux univers, qui fonctionnent la
plupart du temps de façon complètement séparée. Mais aussi de voir comment les
musiciens communiquent entre eux, fascinés par une composition et créent ainsi un
langage commun, par delà les catégorisations.’
A la question de savoir si Kris Defoort se considère plutôt comme un musicien
classique ou comme un jazzman, il répond : ‘Je me suis posé la même question
pendant très longtemps, mais maintenant, je sais qu’il n’y a plus aucun doute
possible : je suis un musicien de jazz. Le point de départ de toutes mes expé-riences
musicales - comme compositeur et comme interprète - c’est encore et toujours mon
écoute et l’improvisation. De plus, le jazz est constamment en évolution, déjà pendant
l’exécution, dans l’ici et maintenant, et ce, bien plus que tout autre style de musique.
C’est un genre musical qui se remet continuellement en question, ce que je fais par
définition aussi pour moi-même.’

Fabien Degryse
Fabien Degryse est né en 1960, et de 1980 à 1982, il étudiera à la Berklee School of
Music à Boston. Il recevra le premier prix pour la guitare et l’harmonie comme
étudiant à la section jazz du Conservatoire de Bruxelles. Fabien Degryse a joué avec
e.a. Toots Thielemans, Philip Catherine, Charles Loos, Bruno Castellucci et Calvin
Owens. Fabien Degryse a pris la place de Pierre Van Dormael au sein du trio ‘L’Ame
des Poètes’, aux côtés de Jean-Louis Rassinfosse et Pierre Vaiana.
En 1997, il publiera un étonnant cédé ‘Hommage à René Thomas’ (Igloo) avec un Big
Band de Guitares formé pour l’occasion. En 1999, Fabien Degryse édite un cours de
guitare intitulé L’improvisation jazz par les arpèges pour la guitare. Au sein de son
propre quartet, avec lequel il vient de sortir le cédé ‘Fabien Degryse Jazz’, il est
accompagné par le pianiste Michel Herr, le bassiste Roman Korolik et le batteur
Laurent Mercier.
Sur le site Internet de Fabien Degryse, www.multimedia.com/fabiendegryse/, on peut
retrouver son cours et quelques extraits en format MP3.

Jan de Haas
Jan de Haas qui remporte le premier prix du Hoeilaart European Jazz Contest, en
1982, avec son quartet, n’est pas qu’un percussionniste doué. Il se distingue aussi
comme batteur et l’a déjà prouvé en accompagnant e.a. Chet Baker, Eddie Daniels,
Toots Thielemans, Philip Catherine, Steve Houben, Richard Rousselet, Michel Herr,
Jacques Pelzer, Jack Van Poll, Nathalie Loriers, Erwin Vann, Pirly Zurstrassen, Roger
Vanhaverbeke, Jerome Richardson et beaucoup d’autres. Sur son premier cédé ‘For
the One and Only’ (Igloo) et sur le récent cédé ‘Parfum Latin’ (Mogno Music), Jan
laisse entendre la pureté de son jeu à la batterie, mais aussi sa maîtrise au vibraphone,
au marimba et sur d’autres percussions.
Jan de Haas : ‘Chaque instrument a ses possibilités spécifiques. Au vibraphone, et
instruments associés, le défi ultime est de frapper de manière parfaite au bon endroit,
dans le bon coin. Même chez les plus grands, la faute reste possible. Il est important
que dès le début du concert, on ne se dise pas ‘ et si je frappe à côté…’, car autrement,
on fonce tout droit dans le brouillard. Un moment de doute me suffit pour perdre le
contrôle de l’instrument. Je ressens cela beaucoup moins à la batterie, mais je connais
des gens pour qui c’est justement l’inverse.’

Bart De Nolf
Bart De Nolf est né en 1965 à Bruges. De 1981 à 1984, il participe aux séminaires
d’été annuels orga-nisés à Dworp, en suivant les cours de John Clayton et Hein van de
Geyn. En 1986 (lorsqu’il devient membre du BRT Jazz Orkest) et en 1987, il obtient
les premiers prix pour contrebasse et ‘lecture à vue’ au Conservatoire de Musique à
Gand. Depuis 1988, il enseigne aux Conservatoires de Gand et de Bruxelles. Bart De
Nolf a eu l’opportunité d’accompagner de nombreux artistes de grand format, entre
autres Mal Waldron, Kenny Wheeler, Von Freeman, Horace Parlan, Jacques Pelzer,
Toots Thielemans et Michel Herr.
En avril 1997, il figure dans l’équipe du concert donné pour le 75ème anniversaire de
Toots Thielemans à Bruxelles, avec Oscar Castro-Neves, Philip Catherine et Bert Van
den Brink.

Ecaroh
Ein 1997, début 1998, le trompettiste Richard Rousselet (61) considérait que le temps
était venu de concrétiser un rêve de jeunesse, un projet musical autour du travail du
compositeur et pianiste Horace Silver. Il va alors recruter le saxophoniste soprano et
ténor Fabrice Alleman, le pianiste Ron van Rossum, le contrebassiste Jean-Louis
Rassinfosse et le batteur Bruno Castellucci. Il ne faudra pas beaucoup de temps pour
que ce quintet passe d’un club à un autre, avec un succès grandissant, sous le nom
d’Ecaroh (anagramme du prénom de Silver). Ce n’est un secret pour personne qu’on
ne gagne pas beaucoup d’argent en jouant du jazz. C’est dire si un seul quintet de jazz
peut suffire pour assurer un salaire décent à tous ses membres. Les artistes de jazz
sont donc continuellement obligés d’exercer toute une série d’activités
complémentaires, comme accompagnateur, membre d’autres compagnies musicales,
musicien de studio, enseignant ou même une combinaison de toutes ces fonctions.
Ecaroh n’échappe pas à cette règle, et disparaît donc de temps à autre de la scène. Fin
2001, le quintet réapparaît au Sounds Jazzclub de Bruxelles, avec un programme de
trois heures, consacré uniquement à des arrangements du répertoire de Horace Silver.

Aller-retour entre le cool jazz, le hard-bop et le jazz-rock


Richard Rousselet : ‘Horace Silver est apparu sur la scène du jazz à un moment très
important. D’un côté, on avait le be-bop sauvage, né pendant la seconde guerre
mondiale sur la côte Est des États-Unis, en réaction contre le swing dominé par les
blancs. Environ six ans plus tard, un nouveau style de jazz, beaucoup plus tranquille,
nous arrive de la côte Ouest : le cool jazz, avec des influences de la musique
classique, surtout joué par des blancs comme Gerry Mulligan et Chet Baker. Le
succès débordant du cool jazz indisposait tellement certains membres de la
communauté noire qu’il allait davantage encore radicaliser leur musique, ce que l’on
désignera plus tard comme hard-bop. En réaction, Horace Silver, par ailleurs membre
fondateur des Jazz Messengers de Art Blakey et leader de son propre quintet depuis
1956, va additionner les éléments du hard-bop et du cool jazz. Il va ainsi aboutir à
quelque chose d’unique, une sorte de synthèse de deux courants très importants qui
ont alors modifié durablement la direction du jazz. En réalité, Horace Silver est
retourné vers le blues, dont la présence fondamentale manquait dans le cool jazz. Il y
a ajouté ces mélodies typiques pour le be-bop, trépidantes, de préférence
polyphoniques, jouées par les cuivres, et souvent soutenues par des rythmes du swing,
fortement influencés par des couleurs latines. Il a ainsi crée un style spécifique,
reconnaissable.
Personnellement, j’ai toujours été passionné par la musique de Horace Silver. On l’a
trop peu entendu en Europe, et même jamais en Belgique, alors qu’au même moment,
aux États-Unis, on pouvait l’entendre sur toutes les stations de radio. Aujourd’hui
encore, on écarte systématiquement cette musique particulièrement captivante de nos
ondes. C’est bien pour cette raison qu’un jour j’ai décidé d’arranger ses compositions,
afin de les interpréter ici avec un quintet. Dès le début, le public a beaucoup apprécié
la démarche. De nombreux jeunes sont déjà venus me remercier. En effet, ils ont
découvert la musique de Horace Silver grâce à Ecaroh.’
Richard Rousselet se souvient encore de sa collaboration avec Marc Moulin, au début
des années ’70 : ‘Le succès que Marc Moulin connaît avec son nouveau projet ‘Top
Secret’ a conduit de nombreux jeunes à rechercher les albums publiés par Placebo
entre 1971 et 1974, et ‘Sam Suffy’, un disque enregistré sous son nom en 1975.
Heureusement, tout ce matériel vient d’être réédité en cédé.
Contrairement à Placebo, la formation de base pour les enregistrements de ‘Sam Suffy’
se limitait à trois personnes : Marc Moulin, Bruno Castellucci et moi-même. La
musique avait alors été enregistrée dans un studio à Bruxelles, le Studio Madeleine, si
je ne me trompe pas. Je me souviens qu’un des enregistrements se déroulait pendant
un dimanche sans voitures, à la suite de la crise pétrolière. Nous avions reçu une
autorisation écrite du Ministre Willy Claes pour pouvoir quand même nous rendre en
voiture au studio d’enregistrement.
Nicolas Fissette, moi-même et les autres souffleurs, dont le saxophoniste Nic
Kletchkovsky, décidions entre
nous qui allait jouer quoi. Nous jouissions d’une très grande liberté dans les partitions
écrites et arrangées par Marc. Je jouais sur une trompette amplifiée électriquement, un
peu à l’instar de Miles Davis : un microphone incrusté dans l’embouchure était
connecté avec un appareil électronique pour faire sonner les notes jouées dans deux
octaves à la fois. On pouvait aussi y raccorder toutes les pédales à effets possibles.
Les concerts live de Placebo étaient à chaque fois une vraie fête : des salles combles
et un public enthousiaste à l’extrême, visiblement mis en appétit par cette nouvelle
musique, qui porterait plus tard le nom de jazz-rock.
Solis Lacus, le projet jazz-rock de Michel Herr allait connaître le même succès. J’en
ai également fait partie avec Robert Jeanne, Félix Simtaine et ensuite Freddy Deronde
et Nic Kletchkovsky (à la fin Bruno Castellucci a remplacé Félix).’
Fabian Fiorini
Fabian Fiorini est né à Liège le 23 mars 1973. Il a étudié aux Conservatoires de
Bruxelles et de Liège, où il a remporté des prix pour le solfège, l’histoire, l’harmonie
et l’analyse. Il obtiendra une distinction pour la composition jazz en 1993, avec le trio
Vanderstraeten-Charlier-Fiorini.
Le fait que ce pianiste qui évolue de manière remarquable et rapide ne soit pas très
connu auprès du pu-blic jazz s’explique par son activité intense sur le terrain de la
composition pour le théâtre et le cinéma. De plus, il est toujours actif dans la musique
classique. Depuis quelques années, Fabian Fiorini collabore régulièrement avec Aka
Moon. Il ajoute ainsi une dimension supplémentaire indiscutable aux compositions de
Frabrizio Cassol, grâce à son jeu reconnaissable aux claviers, comme on peut s’en
rendre compte sur la trilogie ‘Invisible’ et le cédé ‘In Real Time’ (Carbon 7).
La musique de Octurn perdrait également beaucoup de sa puissance sans ces accords
typiques de Fiorini, joués au piano et au synthétiseur depuis 2000, date à laquelle il
devient membre à part entière du groupe. Dans la série ‘The Finest In Belgian Jazz’
on peut entendre Fabian Fiorini sur le cédé ‘Dimensions’, de Octurn.

Marc Godfroid
Marc Godfroid est né à Geraardsbergen en 1960. Poussé par son père, dès l’âge de six
ans, il va suivre des cours de solfège, et un an plus tard, de piano, à l’académie de
Mons. A dix ans, son père lui fait suivre des cours de clarinette. C’est ainsi qu’il
arrive par hasard dans le Garret Band, un groupe de Dixieland local. Un jour, à
quatorze ans, après avoir vu jouer un tromboniste, directement fasciné par
l’instrument, Marc Godfroid va choisir le trombone. Via la fanfare et l’harmonie, le
choix pour cet instrument va coïncider avec son entrée dans le big-band local, qu’il
dirige encore aujourd’hui.
La carrière musicale de Marc Godfroid va vraiment démarrer à vingt-et-un ans - au
moment où il dirige aussi Euro Jazz, l’orchestre de jeunes de l’Union Européenne
(pendant cinq années, avec Peter Vandendriessche, il est le seul à avoir participé à
toutes les sessions) - quand il deviendra membre du BRT Jazz Orkest, sous la
direction de Etienne Verschueren. Un an plus tard, il rejoint le Tony Bauwens Sextet.
La même année, au sein du Big Band Sound de Wetteren, il remporte le prix du
meilleur soliste au Tros Big Band Festival à Amersfoort (NL). Ce qui conduira Félix
Simtaine à le recruter pour son Act Big Band. En 1985, la BRT a désigne Marc
Godfroid comme représentant de la Belgique, pour rejoindre le European
Broadcasting Union Big Band, afin de participer au Festival International de Jazz de
Pori (Finlande). Comme membre du Metropoolorkest néerlandais, sous la direction de
Rogier van Otterloo, Marc Godfroid aura l’opportunité de faire la connaissance du
grand Carl Fontana. Depuis 1991, Marc Godfroid est membre du renommé Peter
Herbolzheimer Rhythm Combination and Brass, du Big Band de Joe Haider et du Joe
Haider Sextet. En novembre 1992, à la suite du projet Two Bones, il va jouer avec le
WDR Big Band, aux côtés de Bill Watrous. Quatre mois plus tard, avec Frank
Vaganée et Serge Plume, il forme le Brussels Jazz Orchestra, aujourd’hui
mondialement réputé. En 1995, comme musicien très sollicité par le SWR Big Band
de Stuttgart, il a la chance de travailler avec des grands noms comme Silde Hampton,
Frank Foster et Clark Terry. La même année, il est le premier musicien flamand à
remporter un Django d’Or.
Depuis 1986, Marc Godroid enseigne le trombone jazz au Conservatoire de Gand qui
l’a engagé, en 1993, comme coordinateur de la section jazz. De plus, depuis
septembre 1998, Marc Godfroid est également professeur au Sweelinck
Conservatorium à Amsterdam.
L’entretien avec Marc Godfroid se déroule dans le café, fraîchement ouvert, au coin
du bâtiment Art-Déco de la place Flagey, en cours de restauration et qui offre depuis
lors l’hospitalité au Brussels Jazz Orchestra.
Marc Godfroid : ‘A quatorze ans, jouer du trombone ne me posait aucun problème,
grâce à la formation musicale déjà acquise, tant à l’académie, qu’au sein du Garret
Band. De plus, ma technique à la clarinette allait me conduire à jouer des choses
inattendues au trombone. Par exemple, je partais du principe qu’il fallait obtenir aussi
vite au trombone, les gammes que j’avais l’habitude de jouer à la clarinette. Je m’y
étais donc appliqué avec acharnement. Bien entendu, je n’y suis jamais parvenu, mais
il en a quand même résulté un jeu au trombone assez inhabituel.
Le Big Band Sound de Wetteren était le premier grand orchestre d’un certain niveau
dont j’allais faire partie, avec e.a. le trompettiste Edmond Harnie, qui m’introduira
ensuite auprès de Etienne Verschueren, son employeur dans le BRT Jazz Orkest. Les
trombonistes étaient alors encore plus rares qu’aujourd’hui. Ainsi, à l’occasion des
stages d’été de Dworp, comme tromboniste, je recevais des cours de saxophonistes.
Cet état de fait a sans doute contribué à ce que Etienne Verschueren me propose une
place dans son orchestre, dès 1981. En effet, il se passait de la présence d’un
trombone depuis 1978. Mais l’orchestre serait dissout définitivement dix ans plus tard,
faute de moyens financiers suffisants pour réaliser de vraies grandes productions.
Rendre le jazz viable financièrement est et reste encore une dure lutte, et ce, malgré le
niveau qualitatif élevé de cette musique, qui est née et s’est développée dans des clubs
et des bars défraîchis, avec des musiciens toujours peu rémunérés pour les heures de
divertissement offertes aux consommateurs. Personnellement, je ne me suis jamais
senti attiré par le fait de participer à des jams, pendant des nuits entières, dans des
cafés, pour à peine cinquante euros, trois tickets boissons, simplement pour la cause
du jazz.
A contrario, le fait de toujours jouer les mêmes morceaux de Glenn Miller, mais aussi
de Ellington et de Basie, avec le big-band en Allemagne, ne me pose pas trop de
problèmes. Cela me donne l’occasion, en dehors, de pratiquer le jazz d’une façon plus
confortable.
Entre-temps, on peut tout de même se réjouir, depuis dix ans, de l’existence de notre
Brussels Jazz Orchestra, créé à l’issue d’un combat long et pénible. De plus, c’est
grâce à Maria Schneider, une des grandes artistes avec lesquelles le BJO a travaillé
plusieurs fois, qu’un monde nouveau vient de s’ouvrir à moi, celui de la salsa. Avec
son producteur et le tromboniste néerlandais Bart van Lier, je viens d’avoir l’occasion
de participer, à Stuttgart, à un opéra écrit par un Sud-Américain, où les voix solistes
étaient accompagnées par un chœur et une formation salsa assez large, composée
d’une section rythmique impressionnante et d’un quartet de souffleurs. Une partie de
ces musiciens enseigne la salsa à Berklee. Je viens seulement de comprendre quel
niveau certains musiciens peuvent atteindre dans cette musique aussi, même s’il ne
suffit pas de jouer les choses à la perfection : il faut aussi savoir passer la musique de
la façon la plus naturelle et spontanée. Pour y arriver, le fait de travailler sur son
instrument reste une condition incontournable.
Je tente aussi de faire comprendre à mes étudiants, que la meilleure manière
d’approcher la technique de son idole, n’est pas d’essayer tout de suite d’imiter ses
solos. En effet, à un moment ou à un autre, on arrive dans une impasse. Il faut plutôt
suivre le parcours attentivement et avec patience, en plaçant la barre
systématiquement un peu plus haut, avec les exercices nécessaires, bien entendu. De
plus, on ne peut pas travailler de façon novatrice, sans connaître et respecter la
tradition. Le jazz évolue, c’est une évidence, mais nous ne pouvons pas regarder avec
condescendance ce qui a été fait par nos ancêtres. L’innovation enrichit tous les styles
de musique, sans qu’un élément du passé ne puisse être éliminé.’

André Goudbeek
André Goudbeek (1946) a donné deux concerts mémorables au cours de la première
décennie des annuels Mechelse Jazzdag : avec Fred Van Hove (2000), et avec Xu
Fengxia. Il n’avait encore jamais travaillé avec ce dernier, ce fut donc un concert libre
et improvisé, dans le plein sens du terme. Après le violon, étudié pendant huit ans, au
cours de sa jeunesse, André joue aujourd’hui, du saxophone alto et de la clarinette
basse en autodidacte. Il se spécialise aussi au bandonéon, avec Alfredo Marcucci, un
grand maître argentin. Le Full Moon Trio, son premier groupe, créé en 1969 (LP six
ans plus tard), était composé du bassiste Pol Feyaerts (responsable du Damberd à
Gand) et du batteur Ronnie Dusoir. Après, il fondera le WIM avec Fred Van Hove, et
en 1976, lancera Hommage, le premier quartet de saxophones européen de musiques
improvisées libres : Michel Mast (ss), John Ruocco (ts) et Luc Houtkamp (bs). En
1981, à Jazz Middelheim, Goudbeek joue en duo avec François Jeanneau, Philippe
Maté et John Tchicai.
Ensuite (1981-1983), il devient membre du Chris McGregor’s Brotherhood of Breath.
En 1982, Willem Breuker lui demande d’intégrer le Kollektief. Il fera alors le tour du
monde en bien plus que quatre-vingt concerts, douze années durant. La collaboration
avec Fred Van Hove est toujours intense : MLB III, le septet flamin MLF7 et ‘t Nonet.
Dans les deux dernières formations, Fred Van Hove le désigne comme son premier
lieutenant. En effet, André peut plus facilement donner des signes que Fred, calé
derrière son piano.
En 1995, il reçoit une commande pour écrire la musique du film muet Nanook of the
North. La musique est alors jouée live en quartet, à l’occasion des projections en
Flandre et aux Pays-Bas, avec e.a. Bart Maris (tp), avec lequel André joue beaucoup,
ainsi que Peter Jacquemyn (b), qu’il retrouve aussi au sein du duo V2, et parfois par le
trio (lisez le nom deux lettres à la fois) Gojama.

Grand Groove
Un jour, les Jazzlab Series - une organisation pour la promotion et l’aide aux jeunes
musiciens émergents, lancée par le Centre Culturel de Werf à Bruges - mettent par
hasard la main sur une bande démo avec une étiquette mentionnant le nom de Grand
Groove. Il s’agissait d’un projet lancé par le jeune trompettiste Sam Vloemans (élève
e.a. de Jarmo Hoogendijk et Erik Vloeimans), pour interpréter ses compositions,
écrites pendant de nombreuses années et arrivées à maturation. Avec un certain
nombre d’amis (le batteur Jan-Kris Vinken, le bassiste Steven Van Loy, le
percussionniste Kobe Proesmans, le claviériste Pieter Van Malderen, le guitariste
Stijn Norga, les saxophonistes ténors Wietse Meys et Frank Deruyter), il avait enre-
gistré une cassette avec des morceaux de latin-jazz enlevés et très dansants, ainsi que
du funk instrumental où les thèmes stricts laissaient néanmoins assez d’espaces pour
des improvisations libres en solo. Conséquence : une série de concerts à la clé.
L’enthousiasme général du public a clairement démontré que le jazz ne doit pas cesser
d’évoluer, et, c’est bien ce que pensent aussi le batteur Teun Verbruggen, le
contrebassiste Henk Delaat et l’organiste Arno Krijger, les compagnons de Sam au
sein du récent Sam Vloemans Quartet.

Greetings From Mercury


Greetings from Mercury, c’est à ce jour, le nom d’une des créations les plus
ambitieuses de Jeroen Van Herzeele. Il s’agit d’un projet qui déplace les frontières, en
réunissant le jazz, le rock et le hip-hop, dans un spectacle musical dynamique. Projet
né d’un trio, formé du guitariste Peter Hertmans et du batteur Stéphane Galland, avec
lesquels il a publié le cédé ‘At the Crossroads’ (Carbon7), en 1994.
Depuis, le trio est devenu un sextet, avec l’arrivée du bassiste Otti Van der Werf, du
joueur de sitar Michel Andina (chargé du son pendant les enregistrements) et du
chanteur Steven Segers. Ce sextet a publié trois cédés : ‘Greetings from Mercury’,
‘Continuance’ (Carbon7) et ‘Heiwa’ (Tracks/Blue Note). Ce dernier cédé est repris
dans le box ‘Brugge Jazz 2002’ et a été enregistré pendant une semaine au Jet
Studio’s.
Lors d’un concert de Greetings from Mercury, à l’occasion de Jazz Middelheim 1999,
j’ai voulu retenir une dame qui se levait irritée, manifestant que cela n’était pas du
jazz, pour lui signaler in extremis ce que Steven Segers venait de chanter en rap :
‘Free your mind…’. Sans succès. En entendant les premières notes de be-bop de
Charlie Parker, certaines personnes ont, à l’époque, aussi dû se demander à voix haute
où était la relation avec le jazz, recourant certainement à l’expression célèbre : ‘It’s a
jazz thing’, ce qui signifie : ‘quel chaos’.
Jeroen Van Herzeele : ‘Il est temps que certaines personnes s’ouvrent un peu. Qu’est-
ce que le jazz aujour-d’hui ? Notre musique - et cela vaut surtout pour les solos -
contient autant de jazz que celle de Miles Davis, John Coltrane, Duke Ellington ou
Joe Henderson. Comme eux, nous ne faisons pas une musique pour puristes, et
comme eux aussi, nous improvisons tout le temps, ce qui est quand même une des
caractéristiques principales du jazz.’
Un certain nombre de critères auxquels, selon certains puristes, une musique doit
répondre pour pouvoir être classée comme ‘jazz’, sont basés sur des erreurs. Sur ce
point, Steve Coleman nous apprend que : ‘Sans rythme, l’harmonie et la mélodie
n’existent pas, car elles ont besoin d’un temps, d’un tempo. Il leur faut une
destination, une place où aller. Prenez par exemple Art Tatum et Charlie Parker : ils
jouaient tous les deux les mêmes harmonies, mais sur des rythmes complètement
différents. C’est la raison pour laquelle leurs styles ne peuvent quasiment pas être
comparés. Ce que Monk, Dizzy et même Don Byas allaient jouer plus tard, Tatum
l’avait déjà fait bien avant. Ils l’ont d’ailleurs tous admis. On avait l’impression qu’ils
étaient occupés à faire quelque chose de totalement nouveau, par le simple fait qu’ils
utilisaient d’autres rythmes. Ils n’auraient jamais obtenu cet effet s’ils avaient joué les
rythmes de Tatum, avec des harmonies modifiées. En histoire de la musique, on veut
nous faire croire que les fameux flat fives (les fameuses quintes dimi-nuées) sont
caractéristiques pour le be-bop. Cela ne rime à rien ! Duke Ellington les jouait déjà
dans les années ’20. Mais l’endroit, dans la structure du song, où la quinte diminuée
est précisément jouée, voilà ce qui fait la différence.’
Selon cette théorie, le rythme est seul responsable pour chaque modification dans la
musique. En d’autres termes, une harmonie identique, dans deux chants différents, ne
sonnera jamais de la même façon, si les rythmes ne sont pas identiques. Cette donnée
intéressante prend une dimension supplémentaire dans la musique de Greetings from
Mercury sur ‘Heiwa’, où pour la toute première fois, les rythmes (Stéphane Galland)
et les grooves (Otti van der Werf) forment les éléments de base pour les harmonies et
les mélodies, ajoutées à l’occasion d’une étape ultérieure.

Avant et maintenant
Jeroen Van Herzeele : ‘Alors qu’à l’époque, on partait de mes mélodies au saxophone,
auxquelles j’avais ajouté des rythmes et des grooves étudiés à partir de mon
ordinateur - en réalité une approche purement mathématique de la musique - ici, nous
sommes partis des rythmes et des grooves pour y ajouter des harmonies et des
mélodies, comme dans le travail de Pierre Van Dormael. C’est une des différences
principales avec les albums précédents.
C’est ainsi que, chose qui n’était encore jamais arrivée au sein de Greetings from
Mercury, Stéphane et Otti ont travaillé les grooves et les rythmes à deux, et ce n’est
qu’après que Peter s’est concentré sur les harmonies, pendant que Steven y intégrait
ses textes, avec refrains. De plus, nous avons postsynchronisé une série de lignes
vocales de Steven, les unes sur les autres, en polyphonie. Le système Pro Tools était
notre outil principal dans ce travail.
De plus, les morceaux sont volontairement courts : en moyenne, ils durent de trois à
quatre minutes maxi-mum, et aucun n’atteint les huit minutes, même pas le remix de
‘Closer’ qu’on trouve sur notre cédé live ‘Continuance’, d’une durée de dix minutes.’
Jeroen Van Herzeele garde résolument ses distances par rapport au rôle de leader du
groupe : ‘On tente de plus en plus de faire sonner la musique de Greetings from
Mercury comme un son homogène, où aucun élément ne domine et avec un minimum
de passages improvisés.’

Steven Segers : ‘La hiérarchie est un trop vilain mot pour l’utiliser en musique.
D’ailleurs, je pense que si chaque musicien se sent heureux là où il se trouve en
musique, je suis convaincu qu’un leader est superflu, tout au moins dans le sens de
quelqu’un avec du pouvoir. Il faut bien que quelqu’un prenne une certaine
responsabilité, quelqu’un sur lequel le groupe peut retomber. Un cercle ne peut exister
sans point central. Au sein de Greetings from Mercury, ce point central est très mobile
et flexible. A n’importe quel moment, n’importe qui peut prendre la direction sur un
passage déterminé.
D’un autre côté, je ne crois pas dans des choses comme le jazz, le rock, la musique
classique, la techno, le folk… la musique est pour tout le monde, et puis c’est tout.’
Si les contributions vocales de Steven Segers ont évolué avec le temps, du texte en rap
aux parties chantées, avec un timbre de plus en plus proche des chanteurs de soul et de
R & B, il en est de même pour le vocabulaire utilisé dans ses textes. En effet, il met de
plus en plus l’accent sur les failles du système : ‘Cela fait longtemps que je n’utilise
plus le slang dans le rap, et surtout pas en chantant. Je trouve très important que mes
textes soient compris par le plus large public possible. Pour la même raison, je ne
chante pas en néerlandais mais bien entendu, je garde tout le respect pour ceux qui le
font quand même. Je continue consciemment à utiliser la langue anglaise comme
moyen de communication universel.
De plus, ce n’est pas intéressant de présenter des textes qui n’ont aucun sens et qui ne
touchent personne. D’un autre côté, je ne livrerai jamais aucune critique. A la place, je
me limiterai toujours à mentionner des constatations qui portent à la réflexion, et qui
peuvent éventuellement conduire à la critique, mais je laisse cela à l’auditeur. Je ne
prononce pas de jugement.’

Manu Hermia
Manu Hermia est né le 09 novembre 1967. Pendant dix ans, il suivra des cours de
clarinette à l’académie. De 1988 à 1990, il étudie le saxophone à la section jazz de la
University of Southern California de Los Angeles. Les quatre années suivantes, il
étudiera au Conservatoire Royal de Bruxelles, où il obtient le premier prix pour
saxophone en 1992.
Manu Hermia a déjà travaillé avec e.a. Fred Wesley (tournée en 1997), Ben Ngabo,
Pierre Van Dormael, Gino Lattuca, Mimi Verderame, Paolo Radoni, Daniel Romeo,
Roland Van Campenhout et Ron van Rossum.
Sur son cédé jazz-rock ‘Acid Colors’ (Team4Action), on retrouve Francis Charlier,
Paolo Ragatzu, Willy Nsita et Xavier Tribolet, et sur son cédé le plus récent ‘L’Esprit
du Val’ (Igloo) dans le style post-bop, il est entouré de Erik Vermeulen, Sal La Rocca
et Bruno Castellucci.
Le trio Slang, créé par le bassiste François Garny, où joue également le
percussionniste Michel Seba, aux côtés de Manu Hermia, interprète un mix très stylé
d’ethno-jazz énergique avec de solides riffs de rock. Jusqu’ici, le trio a publié deux
cédés sur Carbon 7 : ‘Los Locos’ et ‘Save The Chilis’.

Michel Herr
Michel Herr est né en 1949, à Bruxelles. Dès les années ’70, il était déjà actif sur la
scène jazz européenne, même s’il n’envisageait pas nécessairement l’avenir comme
musicien. En effet, le courant ne passant pas avec son professeur, il a arrêté
prématurément les leçons de piano que ses parents lui offraient. Il allait cependant
tout de même continuer à jouer par lui-même, d’abord de la musique classique, dont il
collectionnait déjà pas mal de disques. Mais, à quinze ans, il entend par hasard un
disque du trompettiste Teddy Buckner. Sa passion allait changer de rive, seul le jazz
l’excitait encore. New Orleans, swing, be-bop, mo-dern jazz… il allait suivre tout le
parcours à une très grande vitesse, bouche bée à chaque nouvelle découverte : Parker,
Monk, Miles, Coltrane… un scénario qui depuis lors, est devenu un cliché.
Le pianiste s’est également rapidement profilé comme un compositeur inventif, mais
aussi surtout comme un soliste hors-pair, à une époque où on ne parlait pas encore
d’enseigner le jazz dans notre pays. Il ne pensait toujours pas à une carrière musicale,
même si, pendant sa période universitaire, il consacrait tout son temps libre
entièrement au jazz, et pas uniquement avec Bill Evans comme modèle, mais aussi
des novateurs comme Chick Corea, Herbie Hancock et Joe Zawinul.
De manière assez étonnante, il va d’abord écrire des chroniques musicales pour un
périodique de cinéma, avant d’évoluer comme musicien. Il tenait à d’abord se
perfectionner en profondeur, ce qui n’était possible qu’au travers de stages organisés à
l’étranger, à l’origine de nombreuses rencontres intéressantes. Il ne tournera
cependant jamais le dos au monde du cinéma. En effet, il livre encore régulièrement
des compositions pour des bandes sonores.
Il choisira définitivement la carrière de musicien, à la suite d’un prix reçu en 1971,
comme meilleur soliste d’un concours de jazz aux Pays-Bas. Un an plus tard, en
Allemagne, il rencontre Wolfgang Engstfeld, un saxophoniste avec lequel il joue
encore régulièrement aujourd’hui. C’est avec lui qu’il crée Jazz Tracks, suivi par le
groupe de fusion jazz-rock Solis Lacus, avec e.a. Richard Rousselet, Robert Jeanne,
Freddy Deronde, Nic Kletchkowsky, Félix Simtaine et Bruno Castellucci. En 1978,
toujours avec Engstfeld, il crée le Michel Herr-Wolgang Engstfeld Quartet, à
l’époque, un des ensembles européens les plus réputés. Aujourd’hui, on retrouve le
même saxophoniste dans le Michel Herr European Quintet, avec Bert Joris, Ricardo
del Frà et Dré Pallemaerts.
Une deuxième rencontre importante se déroulera en 1975, avec le flûtiste néerlandais
Chris Hinze. Pendant plusieurs mois, Herr fera partie de son groupe Combination. Un
an plus tard, après avoir étudié pendant quelques semaines au Berklee College de
Boston, sans que cela ne lui apporte grand chose, il rejoint le groupe Solstice de Steve
Houben. En 1977, il publie ‘Ouverture Eclair’, un album avec ses compositions,
enregistré avec son propre trio, où il est accompagné par Freddy Deronde à la
contrebasse et Félix Simtaine à la batterie. Entre-temps, Michel Herr est devenu très
actif comme partenaire dans pas mal de formations, comme le BRT Jazz Orkest et le
NDR de Hambourg. En 1980, il fait partie de la grande formation liégeoise Saxo
1000. Dès le début, il sera aussi le directeur artistique de l’Act Big Band de Félix
Simtaine. Depuis 1984, Michel Herr est membre d’un des ensembles de Toots
Thielemans, avec lequel il a déjà fait quelques fois le tour du monde. C’est ainsi qu’il
a eu l’occasion de partager la scène avec des bassistes comme Rufus Reid, Ray
Drummond ou Ricardo del Frà et des batteurs comme Adam Nussbaum ou Billy Hart.
Michel Herr était aussi un des trois compositeurs-arrangeurs pour le big-band qui
assurait le concert organisé à l’occasion du 70ème anniversaire de Toots. Les autres
noms étaient Quincy Jones et Peter Herbolzheimer.
En 1998, tant la RTBF que la VRT désignaient Michel Herr comme meilleur
arrangeur de l’année, avant de diriger, l’année suivante, le Brussels Jazz Orchestra
pour l’enregistrement de sa ‘Celebration Suite’ pour le cédé ‘The September Sessions’
(W.E.R.F.).
En 2000, Michel fut l’invité d’honneur de la remise des Django d’Or belges.
Citer tous les musiciens belges et étrangers avec lesquels il a travaillé occuperait un
chapitre entier. Voici tout de même un échantillon : Archie Shepp, Joe Pass, Chet
Baker, Joe Henderson, Joe Lovano, Palle Mikkelborg, Palle Danielsson, Johnny
Griffin, Steve Grossman, Lew Soloff, Lee Konitz, Bill Frisell, John Abercrombie,
Philip Catherine, Didier Lockwood, Scott Colley, Marc Moulin, Daniel Humair, Tom
Harrell, Paolo Radoni…

Michel Herr : ‘Enfant, en jouant au piano chez moi, j’ai rapidement compris que la
force d’attraction de l’instrument se cachait derrière le fait que, contrairement aux
autres instruments comme la trompette, le saxophone ou la guitare, dès qu’on le
touche, il produit immédiatement un son correct. C’est ainsi que j’ai tout de suite
ressenti l’envie d’improviser.
A l’époque, j’ai aussi eu la chance d’accompagner de nombreux grands artistes
américains de passage dans notre pays. En effet, faire venir tout un groupe des États-
Unis était encore impayable. La Belgique n’avait pas encore d’écoles où on pouvait
enseigner le jazz, j’ai donc dû tout apprendre par moi-même. Les stages d’été en
Suisse et en Allemagne (alors inexistants en Belgique) m’ont beaucoup apporté.
La place du swing représente une des grandes différences dans la conception du jazz
entre l’Europe et les États-Unis. En effet, les Américains sont avant tout attachés au
swing, au groove et consorts, tandis que les Européens s’en sont détachés pour créer
un tout autre type de jazz, dont les racines, pour certains, ne sont parfois même plus à
rechercher du côté des États-Unis. Personnellement, j’ai eu la chance d’être à la fois
très lié à la culture jazz américaine et d’appartenir à une des premières générations
d’artistes à la recherche d’autres influences, dont les musiques folkloriques
européennes et la musique classique contemporaine. Je me sens autant à l’aise dans le
swing-jazz de Bert Joris ou Félix Simtaine que dans le jazz européen de Erwin Vann
ou Jean-Pierre Catoul. Je ne ressens d’ailleurs pas du tout la nécessité de classifier le
jazz dans tel ou tel style, catégorie ou courant.
Dans mes compositions, surtout nourries par les accords et les mélodies nés des idées
développées pendant que je répète à la maison ou pendant mes improvisations,
j’attends aussi un apport des autres musiciens, pour enrichir les morceaux que nous
interprétons.’

Peter Hertmans
Peter Hertmans est né le 10 avril 1960 à Gand. Il appartient à l’élite des guitaristes de
jazz européen. Jusqu’à présent, il a participé à une vingtaine d’albums, comme leader
et accompagnateur. En 2000, il publie ‘Restless’ (Quetzal), avec le violoniste Jean-
Pierre Catoul, et livre une composition pour ‘True Stories’ (Igloo Sowarex) de Ivan
Paduart, auquel il participe aussi. On peut sans risques également conseiller les cédés
‘Buddies’, enregistré avec Marco Locurcio, Nicolas Thys et Hans van Oosterhout,
publié voici quelques années sur le label Jazz’halo, et ‘Waiting’ (Timeless), sur lequel
il est accompagné par John Ruocco, Billy Hart et Hein van de Geyn. Par ailleurs, on
peut l’entendre régulièrement dans différentes formations, comme Greetings from
Mercury et Ode For Joe (avec Jeroen Van Herzeele, Sal La Rocca et Jan de Haas),
avec lesquels il joue sur deux cédés (un pour Igloo et un pour le W.E.R.F.). Et, dans la
même lancée, pourquoi ne pas écouter sa contribution dans ‘Hommage à René
Thomas’ de Fabien Degryse & Guitars Big Band (Igloo) et ‘The Queen of the Apple
Pie’ du Laurent Blondiau Quintet (W.E.R.F.). Les autres personnalités du jazz avec
lesquels il a collaboré ou collabore toujours sont Toots Thielemans, Philip Catherine,
Slide Hampton, Jean-Louis Rassinfosse, Bert Joris, Bruno Castellucci, Phil Abraham,
Frank Vaganée, Erwin Vann et Charlie Mariano.
De toute évidence, Peter Hertmans est un homme très occupé qui de plus, enseigne au
Lemmensinstituut à Louvain, où il assume aussi le rôle de coordinateur.

Peter Hertmans : ‘Les gens me demandent parfois si on peut combiner l’enseignement


de la musique et se produire régulièrement. Personnellement je considère plutôt qu’il
s’agit d’une ‘pollinisation croisée’. J’enseigne depuis 1983, d’abord au Jazz Studio, et
depuis 1992 au Conservatoire de Bruxelles, où je me rends encore un jour par
semaine, et trois ans plus tard, je suis coordinateur au Lemmensinstituut. Là,
j’enseigne maintenant deux jours par semaine, ce qui signifie que je me retrouve dix-
sept heures par semaine devant les bancs d’école, avec comme charge principale la
guitare (à Bruxelles, exclusivement avec les étudiants en dernière année que
j’accompagne jusqu’à leur examen de fin d’études). Tous les guitaristes qui se
retrouvent en dernière année suivent chez moi, deux heures par semaine, un cours
dans une des disciplines les plus compliquées en jazz : le jeu en trio (avec basse et
batterie). Je leur propose différents morceaux que nous travaillons ensemble, et où ils
doivent tout faire eux-mêmes : mise en voix, thème et improvisation… avec
régulièrement de petits concerts au conservatoire, comme dernièrement celui avec
Quentin Dujardin, un nom à bien retenir.
La troisième branche que j’enseigne concerne la didactique. J’y forme les étudiants
pour qu’ils puissent plus tard enseigner dans les académies de musique. Au
Lemmensinstituut, je donne également un cours d’harmonie aux deux premières
années. Enseigner est une activité que je prends très à cœur, dans le sens où je suis
très proche de mes étudiants. C’est d’ailleurs indissociable avec le fait de jouer en
public, mon autre activité principale.
En 1979, à dix-neuf ans, j’ai commencé à jouer du jazz en autodidacte, et encore
maintenant, je découvre régulièrement des choses, sur scène ou pendant les
répétitions, que j’utilise directement dans mes cours. D’autre part, il m’arrive
régulièrement d’être stimulé par l’enthousiasme de mes élèves pour expliquer
certaines choses d’une nouvelle manière, ce qui n’est pas sans influence sur mon jeu à
la guitare.
Personnellement, je suis surtout influencé par e.a. John Scofield, Bill Frisell et John
Abercrombie. Je voudrais ici aussi saisir l’opportunité pour placer le constructeur de
guitare Jacky Walraet sous les projecteurs. J’avais seize ans lorsque je l’ai rencontré
pour la première fois. Il devait en avoir vingt. Jacky a ce que l’on appelle des mains
en or : il arrive à tout bricoler avec une grande facilité. Son désir de combiner son
savoir-faire avec sa passion sans limites pour la guitare et le jazz l’a conduit dans une
école pour luthiers à Puurs. Après deux années, grâce à sa connaissance du métier, on
lui a demandé d’y enseigner. Depuis lors, il a été nommé comme enseignant, et c’est
sous sa direction que l’on fabrique toutes sortes de guitares acoustiques et électriques.
Il construit ou répare aussi des contrebasses. Il a fabriqué deux contrebasses
électriques remarquables pour Jean-Louis Rassinfosse (une cinq et une six cordes).
En 1990, j’ai demandé à Jacky s’il acceptait de me construire une guitare électrique,
et, voici le résultat. De loin, on croit découvrir une Fender Stratocaster, mais dès
qu’on l’observe de près, on se rend compte qu’elle est incomparable. Le corps solide a
été à moitié évidé. Les éléments (deux microphones à double bobinage et une bobine
simple) sont de Seymour Duncan. Je suis convaincu que sans cette guitare, je ne serais
pas devenu le musicien que je suis aujourd’hui : je dois toutes mes idées de ces dix
dernières années à cet instrument remarquable.
J’enregistre sur quatre pistes à la fois, c’est-à-dire en stéréo tant pour la guitare
synthétiseur que pour la guitare elle-même. Ceci assure non seulement un son ouvert,
avec beaucoup d’espace, mais aussi un grand nombre de possibilités comme le son
d’un piano acoustique sur ‘Let the Cat Out’ (cédé ‘Buddies’) ou cet effet synthé
typique d’instruments à cordes joués à l’archet sur ‘Song Three (le même cédé),
régulièrement utilisé par Pat Metheny. D’ailleurs, je trouve que le cédé ‘Buddies’,
enregistré avec Marco Locurcio est encore aujourd’hui mon meilleur album. Sur ce
cédé, comme sur ‘Restless’ avec Jean-Pierre Catoul et ‘True Stories’ avec Ivan
Paduart, je joue sur une guitare acoustique construite aussi par Jacky. Cet instrument
comprend aussi quelques particularités propres : le concept d’origine se dirigeait vers
une guitare folk avec une caisse de résonance de l’importance d’une Gibson J200,
avec une échancrure simple dans la table, pour pouvoir accéder plus facilement aux
aiguës, ainsi qu’une table arrière voûtée destinée à produire un son de guitare jazz,
semi-acoustique, avec une table d’harmonie voûtée. Paolo Radoni joue aussi sur une
guitare jazz de Jacky Walraet.’ Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut
entendre Peter Hertmans sur le cédé de Greetings from Mercury.
High Voltage Sextet
Celui qui observe ce sextet de près constate qu’il s’agit d’une extension du Bart Van
Caenegem Trio (avec le contrebassiste Peter Verhaegen et le batteur Lieven Venken),
avec trois jeunes souffleurs du Brussels Jazz Orchestra : le trompettiste et joueur de
bugle Nico Schepers (Prix Erasmus 1998 avec son quartet), le saxo-phoniste ténor
Dieter Limbourg (cf. Blue Blot) et le tromboniste Lode Mertens.
Un concert du High Voltage Sextet révèle six musiciens très prometteurs qui
contribuent à la renaissance de la tradition hard- et post-bop, grâce à leur manière
d’interpréter le répertoire existant et à la façon dont ils construisent leurs propres
compositions. L’enthousiasme du public démontre à chaque fois le professionnalisme
avec lequel ces artistes réussissent à rendre des styles traditionnels actuels et pleins de
fraîcheur.

Steve Houben
Steve Houben est né le 19 mars 1950, à Liège. Sa mère était pianiste classique et son
père jouait du jazz. Pourtant, ce ne sera pas à cause de lui, mais à cause de son cousin,
le grand Jacques Pelzer - avec lequel il créera le groupe Open Sky Unit, en 1973 - que
Steve Houben va finalement se consacrer au jazz.
Dès l’âge de douze ans, Steve Houben commence à étudier la flûte traversière, même
s’il joue du piano depuis quelques années déjà. Aujourd’hui encore c’est son
instrument préféré. Très tôt, Steve Houben chantait déjà dans un orchestre local,
espérant secrètement pouvoir marcher sur les pas de son idole d’alors, Frank Sinatra.
Il avait seize ans lorsqu’il a entendu le quartet de Réné Thomas et Jacques Pelzer pour
la première fois, en public, au Jazz Inn à Liège. Depuis lors, le monde du jazz n’allait
plus le lâcher. Deux ans plus tard, il se retrouve déjà avec son cousin sur une scène à
Paris, où il rencontre des artistes comme Archie Shepp et Ornette Coleman. Steve
était d’ailleurs fasciné par le saxophone en plastique blanc que Ornette Coleman avait
offert à Jacques Pelzer.
Il allait donc de soi que Steve Houben s’inscrirait peu de temps après au
Conservatoire (à Verviers), où il poursuivrait d’abord l’apprentissage du piano, avant
de recevoir le premier prix pour la flûte traversière et la musique de chambre.
En 1973, avec son cousin, Steve Houben va créer la formation Open Sky Unit, au sein
de laquelle on trouve Guy Cabay (vib), Janot Buchem (b), Micheline Pelzer (dm) et le
pianiste américain Ron Wilson. C’est avec Guy Cabay qu’il va ensuite créer le groupe
Merry-Go-Round.
Au milieu des années ’70, Steve Houben suit les cours du Berklee College à Boston,
avant de revenir en Belgique, avec plusieurs Américains, et réaliser son premier
enregistrement studio, avec le groupe Solstice. On y rencontre Michel Herr, Janot
Buchem, John Thomas, Eddie Davidson et Greg Baldato, ainsi que Chet Baker.
Après un second séjour à Boston, en 1978, Steve Houben va lancer la formation de
jazz-funk, Mauve Traffic, avec Bill Frisell, Greg Baldato, Kermit Driscoll et Vinnie
Johnson (album ‘Oh Boy’). En 1979, avec Henri Pousseur, il ouvre le séminaire de
jazz au sein du Conservatoire Royal de Liège.
A partir du début des années ’80, Steve Houben va participer, comme musicien free-
lance, à toute une série de projets, dont Saxo 1000, l’Act Big Band, Lemon Air et le
quintet de Richard Rousselet. A l’étranger, il fut sollicité par des gens comme Peter
Herboltzheimer, Kenny Wheeler et Emil Viklicky.
En 1983, Steve Houben réalise le rêve caché de tout soliste de jazz : un
enregistrement avec un ensemble à cordes, composé de pas moins de 14 violonistes,
autour d’un sextet formé pour l’occasion, avec Denis Luxion, Michel Herr, Michel
Hatzigeorgiou, Guy Cabay et Mimi Verderamme (cédé ‘Steve Houben + Strings’,
Igloo). En compagnie de Charles Loos, il va ensuite travailler à un jazz de chambre
assez introverti, avant de passer d’un projet à l’autre : le groupe de fusion Cocodrilo
(1986), Steve Houben Invite (dans le cadre de l’année Adolphe Sax, 1994), le trio
Pirotton-Houben-Pougin, le groupe Pantha Rei (avec Luc Pilartz), la formation belgo-
tunisienne Anfass le collectif belgo-cubain Breeze (avec Didier Labarre)...
Steve Houben reçoit le Django d’Or en 2000, et en février 2001, il est invité par Toots
Thielemans à le rejoindre sur scène, à l’occasion de son concert au Théatre Royal de
la Monnaie.

Intérêt ou passion ?
Steve Houben : ‘Très peu de styles musicaux ont connu dans leur évolution des
épisodes aussi passionnants que le jazz, qui a connu ces périodes où il demeurait en
même temps accessible, particulièrement jouissif, très consommable et tout de même
sans compromis. J’ai toujours vérifié que le facteur de jouissance du jazz baisse à
mesure qu’augmente l’intellectualisme dans l’approche musicale. Lorsque j’ai besoin
d’un accord en mineur ou en majeur, pour faire sonner une ligne mélodique de
manière sensée, je l’utiliserai, même si cent critiques, au bord du terrain, me crient
que ce n’est plus ‘à la mode’. Que savent-ils de ce que Clifford Brown entendait par
‘The Joyful Conception of Jazz’.
En fait, cela vaut tout aussi bien pour la musique classique. Si quelqu’un entend une
interprétation passionnante de Bach, il ne soucie guère de savoir si elle correspond à
la méthode imposée par les soi-disant connaisseurs et par les puristes.
J’applique ce principe aussi dans la vie quotidienne : cela ne joue aucun rôle de quelle
façon et à quel moment tu portes certains vêtements, tant que tu te sens bien dedans.
Je ne veux pas signifier par là qu’il faut jeter toute norme par-dessus bord, bien au
contraire : les normes doivent continuer à exister pour pouvoir être enfreintes. A une
certaine époque, des musiciens de jazz ont précisément commis l’erreur d’éradiquer
toute forme de règle, avec pour conséquence qu’il n’y avait plus rien à détruire, et
l’arrêt de toute forme d’évolution. D’ailleurs, tu ne peux faire s’effondrer un château
de cartes, qu’après l’avoir construit consciencieusement.
La fusion, la plus naturelle possible, de cultures provenant des coins les plus éloignés
de la terre, me passionne aussi énormément. C’est une des raisons principales de la
création de projets comme Anfass ou Pantha Rhei, avec comme défi supplémentaire,
comprendre leurs musiques millénaires et parvenir à les interpréter avec nos propres
instruments. Ici non plus, cela n’a aucun sens de vouloir tout rationaliser. Il suffit de
veiller à ce que les instruments soient joués de manière professionnelle, même si cela
représente de nombreuses heures d’études et de répétitions. Mais, le spectateur ne doit
pas s’en rendre compte : faire passer la musique comme si elle ne représentait aucun
effort, voilà précisément tout l’art.
Rendre la musique accessible et passionnante (et la maintenir ainsi), a toujours
constitué une de mes préoccupations. La qualité ne doit pas toujours être associée
avec une élite. On doit en fait, se méfier de ce qui est considéré uniquement comme
‘intéressant’, car par définition, cela n’a rien à voir avec la passion. Le fait d’être
intéressé par quelque chose ne signifie pas encore qu’elle t’excite.’
Gilbert Isbin
Gilbert Isbin est né en 1953 à Bruges. Après une période où il travaillait le luth et la
musique baroque, il a développé un intérêt grandissant pour la composition et
l’interprétation de musique contemporaine pour guitare. C’est ainsi qu’il a créé un
style tout à fait particulier, où le jazz rencontre avec harmonie une musique basée sur
des structures polyrythmiques et des types de mesure impairs, à laquelle s’ajoutent des
influences ethniques et de classique contemporain. On peut l’entendre clairement sur
les huit albums solos qu’il a publiés jusqu’ici, dont certains sur son propre label Tern.
En 1999, Gilbert Isbin a produit ‘Twins’ (Dam), en collaboration avec Geert Verbeke,
multi-instrumentiste, compositeur et expert en échelle sonore. La même année, il sort
l’album ‘Gilbert Isbin Plays Nick Drake’, une commande du label allemand Traurige
Tropen. En 2001, le label Dam publie ‘The Fingerstyle of Gilbert Isbin’. Gilbert Isbin
a travaillé avec e.a. Fred Van Hove, Pierre Vaiana, Steve Houben, Chris Joris, Ernst
Reijseger, John Ruocco, Cameron Brown et Eric Thielemans.

Peter Jacquemyn
Peter est un contrebassiste de musique improvisée autodidacte. Pour lui : ‘Chaque
action produit un son, chaque son apporte de nouvelles idées, et la musique se
construit en fait d’elle-même. Je tente de supprimer la frontière entre moi et mon
instrument, je veux le pénétrer, je suis ma contrebasse. D’ailleurs, la contrebasse est
un instrument miraculeux, grande et robuste pièce en bois avec quatre cordes que l’on
peut caresser ou cueillir ou même marteler. La contrebasse peut résonner comme un
gros tambour ou chuchoter comme un petit violon tibétain. Cet instrument peut tout
affronter. Parfois, je veux obtenir un son large, aussi haut qu’une cathédrale, parfois je
le veux doux comme la soie et sucré comme le miel. Parfois, la contrebasse est aussi
tranchante qu’un couteau affûté.’
Depuis près de dix ans, Peter Jacquemyn est membre du WIM, et il co-organise le
Free Music Festival. Il joue souvent en solo, mais aussi avec André Goudbeek, Dirk
Wauters, Bart Maris, le saxophoniste américain Jeffrey Morgan, la violoniste
allemande Gunda Gottschalk, le contrebassiste allemand Peter Kowald et
l’accordéoniste Ute Völker, le percussionniste franco-vietnamien Ninh Le Quan, le
chanteur Phil Minton et depuis peu le joueur de guqin chinois Xu Fengxia. Il est
membre du MLF7 de Fred Van Hove. Parmi ses projets, on notera un double duo
(avec Kowald, Goudbeek et Morgan). Avec ce dernier, il a enregistré ‘Sign of the
Raven’, une production de John Rottiers, fanatique et producteur de radio, qui a
également participé au cédé ‘As It Happened’ (WIMpro), avec Goudbeek, Minton et
Maris.
Peter est également plasticien. Il enseigne le dessin à Bruxelles. Il établit une
passerelle entre son travail artistique et la musique sur le terrain de la danse,
notamment en travaillant avec la chorégraphe Maria Clara Villalobos.

Bert Joris
Bert Joris est né à Anvers, en 1957. Enfant, il étudia le violon classique, le piano et la
contrebasse. Il commence à jouer de la trompette à l’âge de quatorze ans. Creusant de
plus en plus le terrain du jazz, il interrompt ses études au Conservatoire d’Anvers. Dès
l’âge de 24 ans, grâce à son extraordinaire talent de soliste, il intègre le BRT Radio
Jazzorkest, dirigé par le regretté Etienne Verschueren.
En 1986, il enregistre l’album ‘Sweet Seventina’ (Jazzcats), avec son propre quartet
où il est accompagné par le pianiste Michel Herr, le contrebassiste Philippe Aerts et le
batteur Dré Pallemaerts.
En 1987, Bert Joris commence à enseigner à la Swiss Jazz School de Berne.
Aujourd’hui, il donne également cours au Lemmens Instituut de Louvain.
C’est en 1996 qu’il reçoit le Django d’Or du meilleur musicien belge et deux ans plus
tard, les auditeurs et la critique le désignent comme meilleur trompettiste belge. En
1996 encore, l’association des Lundis d’Hortense le sollicite, à l’occasion de leur
20ème anniversaire, pour écrire une composition pour le Brussels Jazz Orchestra.
Quatre ans plus tard, à l’occasion du festival annuel de la même organisation, qui se
déroule au Botanique à Bruxelles, Bert Joris conduit le BJO qui interprète ses
arrangements, avec Philip Catherine comme invité spécial. Depuis 1992, il fait partie
du quartet de Philip Catherine. Ces derniers temps, on a pu entendre ce quartet à
l’occasion de nombreux événements : Brussels Jazz Marathon (Grand Place à
Bruxelles), Sounds Jazz Club, ainsi que le festival bisannuel de Jazz Middelheim (où
Bert Joris est régulièrement invité). On entend Bert Joris sur le dernier album de
Philip Catherine, ‘Blue Prince’ qui, publié en 2000, est une des meilleurs ventes de
cédés. Au printemps 2002, le quartet de Philip Catherine est même parti en tournée au
Mexique.
A l’occasion du festival Europalia Horta, Bert Joris a conduit la représentation You
ain’t Heard Nothin’ Yet. Le Brussels Jazz Orchestra et The Sweet Substitutes y
interprétaient sa musique, pendant la projection d’une série de films muets, en
hommage aux légendes du jazz du passé. On retrouve certains morceaux du spectacle
sur les cédés ‘Live’ et ‘The September Sessions’ (W.E.R.F.) du BJO, produits par Bert
Joris.
Bert Joris est aussi présent sur le tout premier cédé publié par un musicien belge sur
Blue Note: ‘Top Secret’ de Marc Moulin, sorti en 2001.
La plupart des orchestres au sein desquels Bert Joris était présent comme soliste,
jouent aujourd’hui encore ses compositions et ses arrangements (e.a. EBU Big Band,
les grands orchestres de jazz de la WDR, NDR, Klaus Weiss, Al Porcino et Peter
Herbolzheimer, le Nederlands Metropole Orchestra, l’Act Big Band de Félix Simtaine
et le Brussels Jazz Orchestra).
Bert Joris a composé et arrangé tous les morceaux joués par le Brussels Jazz
Orchestra, les 13 et 14 septembre 2001, au Werf à Bruges, et que l’on retrouve sur le
premier cédé de la série ‘The Finest in Belgian Jazz’. Il s’agit d’un double cédé, qui
démontre une fois encore le savoir-faire incontestable de tous les musiciens de notre
big-band le plus prestigieux du moment. A d’autres endroits de cet ouvrage, vous lirez
d’ailleurs avec quel enthousiasme plusieurs artistes nationaux et internationaux, de
haut niveau, s’expriment à propos de notre fierté nationale sur le terrain du jazz. La
même série de cédés comprend également un enregistrement du quartet de Bert Joris.

Famille musicienne
Bert Joris : ‘Ma sœur, mes quatre frères et moi-même, nous avons tous grandis avec la
musique. J’étais le plus jeune. Le fait de jouer de la flûte à bec, dès notre plus jeune
âge, nous semblait tout à fait naturel. Notre père, organiste à l’église, nous a tous
inscrits à l’académie. En fait, nous n’avion pas le choix : chacun d’entre nous allait
devoir suivre une formation classique, et devait commencer par une année de piano,
avant de pouvoir choisir librement un autre instrument. C’était comme une
récompense. Personnellement, je me voyais bien jouer du violon. Je chantais aussi
dans le chœur d’enfants à l’Opéra. Cependant, ce que j’attendais vraiment, c’était le
jour où on me solliciterait pour jouer à l’église, même si le quartet que mon père
accompagnait était exclusivement composé de cuivres. C’est ainsi que je suis passé à
la trompette, vers l’âge de treize ans.
Environ quatre ans plus tard, lorsque mon frère Dirk est allé étudier au
Lemmensinstituut, il a commencé à se consacrer au jazz : ‘A Love Supreme’ de
Coltrane, ‘The Real McCoy’ de Tyner, Eric Dolphy et Don Cherry… ce genre de
choses. Je l’ai alors assez rapidement suivi. Il pouvait philosopher pendant des heures
sur la musique, il en savait tout.
A la même époque, un condisciple, lui-même batteur, et qui avait pas mal de disques
de jazz chez lui, venait d’acheter ‘Thermo’, un double 33tours de Art Blakey & The
Jazz Messengers, avec Freddie Hubbard à la trompette. Je n’avais encore jamais
entendu quelqu’un jouer de la trompette d’une manière aussi fantastique. Je peux
même dire que ce disque a changé ma vie, au point que depuis six ou sept ans,
j’enseigne le travail des Jazz Messengers à la Swiss Jazz School de Berne. Et, ce n’est
que maintenant, à quarante-cinq ans, que je peux enfin jouer correctement ces parties
à la trompette.
En réalité, je n’ai trouvé mon propre son que depuis que j’ai commencé à jouer avec
Philip Catherine, voici plus ou moins dix ans. Au sein de l’orchestre de la BRT,
j’avais la réputation d’être un spécialiste des ballades. Ainsi, on ne me laissait rien
jouer d’autre. Il faut savoir que jouer une ballade exige beaucoup de concentration et
d’assurance de la part du musicien, et j’éprouvais beaucoup de difficultés à maintenir
un contrôle permanent sur mon jeu.
Les premières années avec Philip Catherine, on jouait en trio, sans batterie. On se
retrouvait donc souvent comme solistes, dans une situation assez fragile. L’évidence
avec laquelle Philip joue et l’attitude rassurante de Hein van de Geyn m’ont permis
d’accroître jour après jour ma confiance en moi. Inévitablement, ceci a également
contribué au développement positif de ma technique. Le fait de voir jouer Tom
Harrell avec Philip m’a énormément aidé. En effet, j’ai alors pris conscience, avec un
regard de spectateur, que sur scène, il n’y avait que des hommes faits de chair et de
sang. La façon dont ces trois êtres parvenaient à provoquer des émotions auprès de
leur public, allait éteindre chez moi tout désir de voir et d’entendre des
aptitudes techniques. Il s’agit probablement là d’un des enseignements les plus
importants que j’ai reçu dans ma vie. Il va de soi que je perfectionne ma technique
encore tous les jours. J’utilise une embouchure classique, avec une ouverture assez
large pour pouvoir créer un son chaleureux. Plus l’ouverture d’une trompette est large,
plus il est difficile d’en jouer, à cause de la quantité d’air nécessaire pour produire les
sons.
La musique que tu entends sur le nouveau double cédé du BJO représente un aperçu
de mon parcours musical, entrepris depuis des années, jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi
que ‘Walkin’ Tiptoe’ et ‘For the Time Being’ datent encore de l’époque où je jouais
avec le BRT Jazz Orkest. ‘Atonal’ pourrait même être encore plus ancien. ‘Jeux de
reflets et de la vitesse’, ‘Magic Box’, ‘Nuées d’Orage’ et ‘Warp 9’ remontent aussi
déjà à quelques années, ainsi que ‘Mr Dodo’ que j’ai encore totalement écrit au
crayon. Je n’ai commencé à exploiter complètement les avantages de l’ordinateur que
sur les morceaux comme ‘Innocent Blues’, ‘Blue Alert’, ‘Kong’s Garden’ et ‘Benoit’.
Cette dernière composition, je l’ai d’ailleurs écrite dans le bus de la tournée avec
Philip Catherine, en 2001, après avoir rempli mon cerveau avec une masse
d’informations utilisables, au bout de quelques heures d’essais au piano, chez moi.
Quant aux arrangements pour orchestre symphonique de Raymond van het
Groenewoud, dans le cadre de Bruges 2002, je les ai entièrement élaborés sur mon
ordinateur portable, pendant la tournée suivante avec Philip Catherine, en Allemagne.
J’en garde d’ailleurs de merveilleux souvenirs. Comme tu le vois, l’ordinateur offre à
terme un gain de temps précieux, même si je dois pour cela sacrifier les visites
enrichissantes de cités éloignées, ainsi que la lecture de littératures intéressantes dans
les trains, les avions et toutes sortes de salles d’attente.
Je considère que ‘The Music of Bert Joris’ est un point de départ pour mon travail en
tant que compositeur. En fait, ces quinze dernières années, je n’ai publié aucun album
sous mon propre nom. C’est pour cela que j’ai tendance à jouer constamment des
morceaux de ce répertoire sur scène. Le fait que ce matériel soit aujourd’hui
immortalisé pour la postérité me met dans une situation où je vais pouvoir travailler à
une masse de nouvelles idées, pour pouvoir ensuite me présenter avec un nouveau
répertoire.’

Qu’est-ce que le jazz ?


‘Je ne considère pas du tout le jazz comme un style de musique, mais plutôt comme
une mentalité. Pendant ma formation classique, j’ai presque exclusivement rencontré
des musiciens qui s’interrogeaient sur la manière dont d’autres pourraient faire sonner
tous ces morceaux du répertoire, sans que la qualité ne puisse être remise en question.
Alors que les musiciens de jazz semblent constamment à la recherche de renouveau et
de variation. De plus, j’ai toujours eu l’impression que les musiciens classiques
mettent l’accent sur une interprétation la plus fidèle possible, alors que pour les
musiciens de jazz, le contenu et la sensibilité priment sur la forme.
Je ne veux pas ainsi me risquer à une définition personnelle du concept ‘jazz’. Le jour
où je pourrai la donner, pour autant qu’on me la demande une fois, me semble, je
l’espère, encore très éloigné.’

Chris Joris
Dans les sections rythmiques, le tempo et le rythme sont habituellement déterminés
par le batteur et le bassiste. Quand l’ensemble comporte un pianiste, on le compte
dans la section rythmique, puisque la partie gauche du clavier est habituellement
utilisée pour le soutien rythmique de la mélodie, celle-ci étant jouée en grande partie
sur les touches droites du clavier. Ce schéma correspond bien entendu, aux ensembles
traditionnels.
La communauté noire, lorsqu’elle est arrivée en esclavage sur ‘la terre promise’, a
transmis ses habitudes musicales dans le jazz et le blues. Cette influence s’est surtout
exprimée dans l’utilisation de toutes sortes d’instruments à percussion. Plus que tout
autre style de musique, le jazz s’est continuellement mélangé à d’autres cultures, il
s’est donc ouvert dans son instrumentation, au triangle, aux woodblocks, aux bongos,
aux congas, au berimbau, au balafon, au didgeridoo, et beaucoup d’autres percussions
latines.
Même si on les utilise pour interpréter des mélodies, voire des harmonies, le marimba
et le vibraphone sont également repris dans la catégorie des instruments à percussion.
Ceci est principalement dû aux habitudes liées à la musique classique. En effet, dans
un orchestre symphonique, le musicien qui joue des percussions, est aussi celui qui
jouera du marimba et/ou du vibraphone.
En Belgique, parmi les valeurs sûres du jazz, Chris Joris représente incontestablement
un artiste incontournable. Percussionniste, pianiste et compositeur obstiné, il
expérimente, depuis près d’un quart de siècle, toute une série de musiques ethniques.
Comme personne d’autre, Chris Joris parvient à réaliser une synthèse entre le jazz et
les musiques du monde. Il apporte ainsi sa pierre précieuse à l’évolution constante du
jazz.
Chris se produit tantôt en solo, et parvient à accrocher son public en l’entraînant
pendant près de deux heures dans un voyage balisé de sons bizarres et de rythmes
endiablés, cela grâce à son impressionnante collection d’instruments à percussion, du
monde entier. Dans d’autres circonstances, on rencontre Chris au sein d’un trio ou
d’un quartet, et parfois même sur un podium, au milieu de tout un groupe de
musiciens originaires de continents différents, comme ce fut le cas pour le spectacle
Trans(e)fusie, à Louvain.
Dans les années ’60, Chris Joris va créer son Experimental Jazz Trio, avec lequel il
provoquera toute une série de rencontres, avec entre autres le pianiste Fred Van Hove,
les saxophonistes John Tchicai et Michel Mast, et le bassiste Sud-africain Johnny
‘Mbizo’ Dyani.
En 1987, Chris Joris participe à l’album ‘A Lover’s Question’, reprenant ses
compositions, et celles de David Linx et de Pierre Van Dormael, toutes basées sur des
textes de James Baldwin. Les autres participants étaient e.a. Jimmy Owens, Slide
Hampton, Steve Coleman, Victor Lazlo, Toots Thielemans, Hein van de Geyn,
Michel Hatzigeorgiou, Pierre Vaiana, Diederik Wissels, Bob Stewart et Deborah
Brown.
La très grande créativité avec laquelle Chris Joris parvient à transformer les objets les
plus ordinaires, en instruments à percussion à part entière, est une démarche où
l’humour n’est jamais très éloigné. De plus, la façon dont il ajoute des éléments
traditionnels, comme les toms et les cymbales, dans son jeu aux percussions, lui
permet d’occuper pleinement le rôle de batteur. On pourrait d’ailleurs se demander si
Chris Joris se considère comme un batteur ou comme un percussionniste.
Chris Joris : ‘Ce qui compte surtout pour moi, c’est de pouvoir intégrer le plus
possible de percussions ty-piques et populaires, comme le djembé, les congas, le
berimbau, le didgeridoo, le likembe, le balafon, ainsi que toutes sortes de cloches, de
gongs, de blocs en bois, dans la musique improvisée et dans le jazz. Il a fallu attendre
des années pour que tous ces instruments soient acceptés dans le swing, à cause du
malentendu selon lequel toutes ces percussions devaient se cantonner dans les styles
latinos et africains. Les percussionnistes sont toujours traités de façon impitoyable. On
les réduit encore souvent au rôle de celui qui va donner un peu de couleurs au groupe.
Qu’il s’agisse des musiques brésiliennes, cubaines, mexicaines ou africaines, ou
même tout simplement du jazz, on constate partout à quel point le percussionniste
occupe un rôle secondaire, à côté du batteur. C’est précisément cet état de fait que je
tente de contrer, depuis des années, notamment par un positionnement central sur la
scène, entouré par mes instruments. C’est pourquoi j’utilise aussi mes percussions
avec des éléments plus traditionnels, issus de la batterie, comme les cymbales et les
toms. Je veux ainsi prouver que l’on peut tenir un rôle dominant dans la rythmique, en
n’utilisant que des percussions jouées à la main. De plus, j’essaye de raconter ma
propre histoire avec ces percussions typiques d’Afrique et d’Amérique Latine, en
évitant de tomber dans les idiomes clichés, tant attendus du côté de ces instruments.
Le tout, en respectant, bien entendu, la fonction originelle de ces percussions.
Le djembé occupe ainsi un rôle multifonctionnel dans mes concerts : il ne forme pas
uniquement l’harmonique inférieure, en accompagnement des cymbales, mais il me
sert aussi d’instrument solo, en combinaison avec les toms. Cela semble plus simple
qu’il n’y paraît, mais, cela m’a pris de nombreuses années pour pouvoir swinguer sur
ces cymbales, en les frappant rien qu’avec les mains. Il en va de même de la manière
dont je joue avec mes doigts sur le djembé, pour pouvoir ainsi imiter le son de balais
qui swinguent. Cette technique exige beaucoup d’exercices. Dans ce type de travail, le
feeling et la motricité diffèrent totalement de celui du batteur, à cause de ce jeu avec
les mains.
Il m’a aussi fallu attendre de nombreuses années, et dépenser beaucoup d’argent, afin
de trouver le matériel adéquat. C’était assez facile de trouver un djembé qui sonne
correctement. Quant au choix des cymbales, ce fut moins évident.

La méconnaissance rend impopulaire


Une histoire particulière entoure le cédé ‘Benkadi’, enregistré par Chris Joris, avec
Adama Dramé : ‘Un jour, Dora Mols de la Zuiderpershuis (Anvers) me contacte pour
me dire que Adama Dramé venait de présenter plusieurs groupes, sous son nom, et
tous fort bien accueillis par le grand public. Il semblait même déjà avoir son propre
fan-club à Anvers. Dora Mols voulait organiser un concert avec Adama Dramé,
entouré de musiciens invités, tous actifs dans d’autres sphères musicales que lui.
Quatre rencontres allaient donc être organisées, au cours desquelles nous nous
sommes découverts, en lançant déjà quelques tentatives timides pour jouer ensemble.
Au final, ce travail s’est traduit par un concert excellent, à l’issue duquel nous avons
manifesté notre enthousiasme respectif, en exprimant une gratitude sincère et
partagée. Nous avons alors décidé de faire enregistrer le concert suivant, par un studio
mobile. Un album d’une grande sincérité, que je viens encore de faire entendre à des
musiciens cubains, en a résulté. L’enthousiasme de ces derniers compte bien plus pour
moi que cette critique étrange parue à l’époque dans Jazz Hot, et qui caractérisait
notre musique comme ‘inclassable’, et conséquemment (!) mauvaise. Alors que la
plupart des autres revues ne publiaient que des critiques élogieuses…’

Sal La Rocca
A vingt-trois ans, le jeu de basse de Paul Chambers conduira Sal La Rocca (né autour
de Liège en 1961 et au départ, guitariste de rock) à opter définitivement pour la
contrebasse. Peu de temps après, il jouera déjà dans le groupe de Jacques Pelzer, grâce
auquel il pourra également accompagner e.a. Jon Eardley et Chet Baker.
Sal La Rocca : ‘A un certain moment, un ami saxophoniste m’a prêté quelques
disques de jazz, pour une écoute attentive. Un nouveau monde s’est alors ouvert à
moi, mais tout de même un monde que j’attendais inconsciemment depuis longtemps.
Un jour, cet ami m’a dit que j’avais un look de contrebassiste, à cause de ma barbe
hirsute. On peut ne pas me croire, mais j’ai pris ses paroles à la lettre, au point de les
considérer comme un signe de prédestination, manifestée sous le menton. ‘Tu seras
mon bassiste’, ajouta-t-il, et ainsi fut fait !’
Aujourd’hui, Sal La Rocca est un des contrebassistes les plus demandés de Belgique.
Ainsi, vous le verrez aux côtés de Philip Catherine ou Bruno Castellucci, mais aussi
de Toots Thielemans. Il est membre à part entière du trio de Nathalie Loriers et de la
formation Ode For Joe.
Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Sal La Rocca sur le cédé
‘Tombouctou’ (W.E.R.F.) de Nathalie Loriers.
Gino Lattuca
Gino Lattuca est né en 1955, et commence à jouer de la trompette à treize ans, dans la
fanfare de Havré, dans la région de Mons. En 1980, il reçoit le premier prix pour
trompette au Conservatoire de Mons. La même année, en compagnie de partenaires
bruxellois de jam-sessions ( e.a. Philippe Leblanc, Alain Rochette et René Harvengt),
il forme le Minority Sextet. Deux ans plus tard, il crée un quartet avec Michel Ardui
(p), Ferdinand Philipot (b) et Koen Vandendriessche (dm). En quelques mois, on le
signale déjà sur toute une série de podiums en compagnie de Paolo Radoni, Baklava
Rhythm and Sounds, Mimi Verderame, l’Act Big Band de Félix Simtaine, Lilith de
Claudine Simon, Kris Defoort, Charles Loos, Jean-Louis Rassinfosse, Michel Herr,
Bruno Castellucci, Ivan Paduart et Michel Hatzigeorgiou.
Parmi les sources d’inspiration principales de ce trompettiste fort sollicité, on cite
Harry James, Louis Armstrong, King Oliver, et dans un stade ultérieur, Freddie
Hubbard. Depuis 1989, il se produit avec son propre quartet, composé aujourd’hui de
Ivan Paduart (p), Bart De Nolf (b) et Mimi Verderame (dm). Quant à son quintet, il
est composé de Kurt Van Herck (ts), Christoph Erbstösser (p), Christophe Devisscher
(b) et Mimi Verderame (dm).
Depuis leur premier enregistrement en 1997, Gino Lattuca fait également partie de la
section de base des souffleurs du Brussels Jazz Orchestra, qui a livré le premier cédé
de la série ‘The Finest in Belgian Jazz’.

Don naturel
Gino Lattuca : ‘Un camarade d’école qui jouait du bugle habitait en face de chez
nous, dans la région de Mons, où j’ai grandi. L’instrument me fascinait. Il m’a alors
appris à en jouer : je devais faire comme si je voulais cracher un petit morceau de
tabac, et le son en est ainsi sorti tout seul. Peu de temps après, quelques jours avant la
Sainte Cécile, en novembre 1968, je me suis inscrit à la fanfare de Havré. Quant à
mon condisciple, il est devenu agent de police.
On aurait dit que j’avais un don naturel pour jouer du bugle, et que j’avais la gamme
en do-majeur dans la peau. Je me souviens encore de la réaction du directeur d’école,
lorsque je me suis inscrit à l’académie : ‘Tu es bien sûr que tu ne viens pas t’inscrire
juste pour participer à la grande fête de Sainte Cécile, pour y boire et manger ?’ Mais,
il a rapidement compris que j’étais passionné par ce bugle. Avec le temps, j’ai
également fait l’acquisition d’une trompette, un autre nouveau monde s’ouvrait à moi.
Un moment donné, j’ai dû aller gagner ma croûte à l’usine. Cependant, je
n’abandonnais pas mes leçons de musique classique. Je comparais les cours du début
et ceux de la fin, et je pensais : le jour où je maîtri-serai tout cela, je serai un grand
trompettiste. Ma mère m’a alors donné la chance de m’inscrire au Conservatoire de
Mons, où j’ai étudié pendant cinq à six ans, car je n’avais pas terminé l’académie. A
l’école, j’apprenais le classique, mais à la maison, j’écoutais des disques de jazz, étant
donné qu’il s’agissait de l’univers auquel je voulais appartenir. Je n’avais d’ailleurs
aucune envie d’aller user mes fonds de pantalon dans l’un ou l’autre orchestre
symphonique, où j’aurais dû me mesurer continuellement avec les plus grands
virtuoses. Des clubs de jazz : c’est là que je voulais jouer, là se trouvait mon avenir.
Chuck Mangione est le premier trompettiste que j’ai vu jouer en public, en 1979, au
Théâtre 140 à Bruxelles. J’étais très impressionné par sa technique, même si ce n’était
pas tout à fait le genre de musique que j’attendais. Cette musique-là, j’allais l’entendre
peu de temps après, chez nous, à Mons, lorsque Richard Rousselet et ensuite Steve
Houben sont venus jouer au Vieux Puits.
Je me suis alors inscrit au séminaire de jazz à Liège, même si Richard Rousselet
m’avait déjà laissé entendre qu’il ne pouvait plus rien m’apprendre. A cette époque, je
gagnais un peu d’argent en allant jouer dans les bals du samedi. En 1981, lorsque j’ai
obtenu mon premier prix, j’ai déménagé à Bruxelles, où j’ai gagné ma vie tout un
temps en jouant dans des groupes de salsa. J’y ai rencontré une série de condisciples
du séminaire, dont Charles Loos.
Quelques années plus tard, j’ai atterri au Travers, où j’ai finalement habité pendant
près de six ans. J’assistais donc à toutes les jams du lundi. Ce fut ma meilleure école,
combinée avec les différents cours que j’achetais pour perfectionner mon jeu. Je dois
beaucoup à des gens comme Pierre Van Dormael, que je rencontrais régulièrement au
Travers. Ils m’ont permis d’élargir sensiblement ma vision du jazz, et ainsi de me
rapprocher chaque jour un peu plus de ceux que j’aurais voulu être : Freddie Hubbard
ou Woody Shaw. Même si je n’ai jamais essayé de copier leurs solos. En effet, je
veux avant tout rester moi-même. Je ne me suis d’ailleurs jamais limité aux
trompettistes : j’ai tout autant écouté des pianistes comme Bill Evans ou Oscar
Peterson.
Je dois également beaucoup au batteur Koen Vandendriesche qui, en 1983, m’a offert
l’opportunité de jouer à Jazz Middelheim. A la fin des années ’80, j’allais
régulièrement jouer au Kaai, comme beaucoup de musiciens de jazz à l’époque. De
nouveau, j’y ai atterri dans un univers totalement différent. Tu sais, la vie est une
leçon permanente.
En ce moment, j’essaye d’améliorer mon jeu, jour après jour, mais je sens que j’ai
encore tout un chemin à parcourir. Je me compare souvent à ce vin gardé en cave,
dans un grand tonneau, et qui vieillit jusqu’au jour où son propriétaire considère qu’il
a atteint l’âge requis pour pouvoir être bu. De temps à autre, j’ouvre un petit robinet, à
l’occasion de l’un ou l’autre concert, avant de le refermer aussi vite : pas encore bon
pour être consommé !
Les gens me considèrent souvent comme un pessimiste. Je préfère me définir comme
un perfectionniste. Le fait qu’il ne faut pas nécessairement être beau pour pouvoir
jouer est aussi un autre avantage du jazz.’

Eric Legnini
Eric Legnini (né le 20 février 1970 à Huy) est considéré comme un de nos jeunes
pianistes les plus ta-lentueux. Avec une mère cantatrice et un père guitariste, il n’est
donc pas étonnant qu’il ait été fasciné par la musique dès l’âge de six ans. Dès 1977,
on l’inscrit à l’Académie de Huy, aux cours de solfège, percussion et piano. Il y
rencontra Stéphane Galland. En 1982, premier contact avec le jazz, grâce au
tromboniste Sébastien Jadot qui le prend dans le Jazz Quartet 47, en compagnie du
bassiste Eric Antoine. Eric Legnini recevra ses premières leçons de piano jazz de
Charles Loos et Pirly Zurstrassen était son professeur à l’Académie d’Amay en 1985,
l’année où il faisait partie du groupe de jazz-rock Equitation, formé par Jean-Pierre
Catoul. Dans le même temps, il avait formé un trio avec Stéphane Galland et Jean-
Louis Rassinfosse (cf. cédé ‘Natural Balance’, Jazz Club), régulièrement étendu en
quintet avec Michel Massot et Fabrizio Cassol (cf. cédé ‘Essentiels’, Igloo). En 1988,
alors qu’il a commencé à donner des cours, e.a. à la demande des Lundis d’Hortense,
Eric Legnini va partir pour Brooklyn, New York, pour y étudier au Long Island
University, auprès du pianiste Richie Beirach et du trompettiste Cecil Bridgewater.
Pendant ce séjour de deux ans (interrompu de temps à autre pour participer à quelques
festivals d’été en Belgique), Legnini participera à de nombreuses jams avec e.a.
Lonnie Plaxico, Gary Bartz et Ron McClure.
Depuis, ce pianiste très prometteur s’est produit dans de nombreux pays comme le
Canada (Festival International de Jazz de Montréal), le Congo-Brazzaville, le Zaïre,
l’Espagne (Bilbao Festival), la Norvège, la Suède, l’Allemagne, la France et l’Italie.
Parmi les artistes nationaux et internationaux avec lesquels Eric Legnini a collaboré,
on compte e.a. Michael Brecker, Mike Stern, Henri Salvador, John Ruocco, Joe
Lovano, Toots Thielemans, Jacques Pelzer (cf. cédé ‘Never Let Me Go’, Igloo), Philip
Catherine, Félix Simtaine, Serge Reggiani, Marcia Maria, Bruno Castellucci, Mimi
Verderame, Aka Moon et Daniel Romeo (cf. cédé ‘Live at the Sounds’).
A Paris, où il habite actuellement, Legnini se produit régulièrement avec e.a. André
Ceccareli, Stefano di Battista, Flavio Boltro, Paco Sery, le Belmondo Quintet, Aldo
Romano et Eric Le Lann.
Depuis 1990, Eric Legnini enseigne le piano jazz au Conservatoire Royal de
Bruxelles.

Eric Legnini : ‘J’ai grandi dans une famille musicienne (ma mère, une chanteuse
classique, me chantait souvent mes negro-spirituals préférés). A sept ans, je me
rendais déjà à l’académie de musique. Je voulais absolument jouer du trombone, mais
c’était impossible, mes dents n’étaient pas encore formées définitivement. J’ai alors
commencé à apprendre le violon, une autre déception. Enfin, ce fut la percussion
classique avec tout ce que cela comporte, suivie de près par le piano. La combinaison
des deux instruments a provoqué une tendinite, j’ai donc dû arrêter de jouer de la
batterie. Après un certain temps - vers l’âge de quinze ans - le piano ne m’excitait plus
vraiment. J’ai alors sérieusement pensé à arrêter la musique définitivement. En réalité,
je rêvais secrètement d’une carrière de joueur de football, jusqu’au jour où ma mère
m’a joué quelques airs de jazz au piano, ce qui m’a complètement fait changer d’avis.
C’était tout autre chose, comparé aux exercices que je devais jouer : cette liberté, ce
côté ludique. J’ai alors tenté de rejouer ces morceaux, du matin au soir, et avant même
de m’en rendre compte, je me préparais à une carrière de pianiste de jazz. C’est ainsi
que j’ai rencontré Pirly Zurstrassen, à l’Académie d’Amay. Je me suis aussi inscrit
plusieurs fois aux stages réputés organisés à Dworp et Wépion. Pendant la même
période, je commençais à me produire de plus en plus régulièrement, notamment avec
Guy Cabay, qui m’a intégré dans son groupe dès le début. Ce fut l’origine d’un
parcours très passionnant jalonné de rencontres intéressantes avec des artistes
remarquables, comme Stéphane Galland (un condisciple) et Fabrizio Cassol. A dix-
huit ans, grâce à l’argent de ces concerts, accumulés pendant trois ans, j’ai pu me
payer un voyage à New York. Finalement, j’y ai passé deux fois huit mois,
principalement à m’exercer seul au Fender Rhodes, parfois à raison de dix heures par
jour, si je ne me rendais pas à l’un ou l’autre concert dans un club de jazz. La mission
consistait à engranger le maximum d’informations musicales.
En 1990, de retour en Belgique, on m’a proposé une place au Conservatoire Royal de
Bruxelles. Jusqu’à présent, enseigner s’avère être une de mes grandes passions.
J’aime partager les voyages, les découvertes que j’entreprends quotidiennement au
travers des nombreux cédés que j’écoute. A la même époque, j’ai eu l’opportunité de
beaucoup travailler avec Jacques Pelzer, ce fut d’ailleurs un moment clé dans ma
carrière. En effet, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les musiciens de la
première période du be-bop, et Pelzer, qui habitait près de chez nous, et qui n’était
surtout pas contrarié de jouer avec nous, était un des derniers témoins vivants de cette
époque. J’allais souvent chez lui, pas uniquement pour faire de la musique, mais aussi
pour jouer au ping-pong, aller aux concerts, bref faire le plus possible de choses
ensemble. Il m’a beaucoup appris.
La période pendant laquelle j’ai pu jouer avec Toots, en remplacement de Michel Herr
qui venait de prendre deux années sabbatiques, représente un autre moment clé dans
ma vie d’artiste. L’hospitalité et la générosité de Toots ne sont pas que légendaires. Le
temps passé au sein de Nasa Na - depuis la création du groupe - ainsi que les
répétitions et concerts au légendaire Kaai sont d’une valeur inestimable pour mon
développement musical.
J’ai rencontré le trompettiste Flavio Boltro tout à fait par hasard au Sounds à
Bruxelles. Il jouait alors avec le contrebassiste Rosario Bonaccorso, j’ai participé à la
jam, en jouant un morceau avec eux. Ils m’ont alors dit que je devais absolument faire
la connaissance d’un jeune saxophoniste, un certain Stefano di Battista. Le hasard a
voulu que quelques mois plus tard, lui aussi est venu jouer au Sounds. Il m’a de suite
invité à participer à la jam, avant de me proposer de l’accompagner à Paris, où il avait
un projet avec Flavio Boltro. En tant que célibataire, je n’avais aucune obligation ici.
Je n’ai donc pas réfléchi très longtemps et j’ai tenté ma chance. Après une série de
jams, qui débouchaient régulièrement sur des rencontres intéressantes, Aldo Romano
se trouvait déjà à nos côtés. Au fil de nos concerts, on sentait que le public était de
plus en plus nombreux et enthousiaste. J’ai ainsi atterri très rapidement dans d’autres
groupes : le Belmondo Quintet, Eric Le Lann… Jusqu’au jour où j’ai eu l’immense
plaisir d’être invité par Paco Sery pour travailler avec lui à un projet autour de Miles.
En dehors de Flavio et Stefano, on retrouvait là Richard Bona et Louis Winsberg. J’ai
alors exploité cette opportunité pour introduire mon bon ami Daniel Romeo auprès de
Paco. Ce dernier semblait très enthousiasmé par les talents de Daniel.
Dado Moroni est quelqu’un qui m’a énormément apporté. En un an, il m’a fait acheter
près de trois cents vieux 33tours ! Quelle science incroyable ! Cependant, c’est la
musique soul noire que j’aimerai toujours le plus, avec une préférence absolue pour
Donny Hathaway. En ce moment, j’écoute beaucoup de hip-hop, qui se situe selon
moi dans la lignée de la soul. Quant au rôle du musicien dans le groupe, je considère
qu’il doit avant tout tenir compte de la musique et du travail en équipe, plutôt que de
se mettre en avant. La musique ne sera spontanée et sincère que si chaque membre du
groupe joue avec un respect total pour ses partenaires. Il suffit d’écouter avec
attention la magie quasi sensible dans la musique de Miles : même s’il était le leader
de ses groupes, il veillait à ce que chaque membre - pas les premiers venus - contribue
autant au son qui était pourtant le sien. Seul les génies sont capables d’une telle
démarche.’

David Linx
Ce filleul de Nathan Davis est né le 22 mars 1965. Depuis l’âge de six ans, il joue du
piano auquel il ajoute rapidement la flûte traversière comme instrument principal. Son
père, Elias Gistelinck (fondateur du festival Jazz Middelheim), donnait des cours
d’harmonie à Hoeilaart. C’est là, à onze ans, que David Linx a rencontré Diederik
Wissels, de quatre ans son aîné. Wissels composait alors pour un petit groupe formé
de Jan De Haas, Frank Michiels et Nicolas Fiszman.
Personnellement, je me souviens avoir vu le jeune David Linx se produire au club
bruxellois Le Travers, comme batteur au sein d’une formation avec Hein van de Geyn
et Diederik Wissels. J’ignore si c’était avant ou après la période pendant laquelle il
habitait chez Kenny Clarke. Mais en 1988, alors qu’il faisait toujours partie d’un
groupe avec Steve Coleman, Bob Stewart et Pierre Van Dormael, David Linx a
définitivement cessé de jouer de la batterie. On le signalait alors régulièrement comme
chanteur au Brussels Jazz Club, aux côtés e.a. de Pierre Van Dormael, Philippe
Allaert, Nicolas Fiszman et Philippe Decock.
Un an auparavant, le 1ier décembre 1987, David Linx perdait un très grand ami : le
poète James Baldwin (63) chez qui il avait séjourné à New York. Ils venaient
d’enregistrer en studio le merveilleux cédé ‘A Lover’s Question’, avec Pierre Van
Dormael et Michel Hatzigeorgiou et une pléiade d’invités comme Steve Coleman,
Jimmy Owens, Toots Thielemans, Bob Stewart, Slide Hampton, Deborah Brown,
Chris Joris, Pierre Vaiana, Diederik Wissels… trop nombreux pour être tous cités. En
guise d’hommage à James Baldwin, David Linx rassembla au grand complet les
participants à cet album pour une version live inoubliable. David Baldwin y a lu les
poèmes de son frère. Le concert a été enregistré par Sky Channel. En 1998, le Label
Bleu publiait une version remastérisée du cédé, accompagnée d’un livret de poèmes
de près de cent-cinquante pages. C’est chez James Baldwin que David Linx a
rencontré personnellement de grands artistes comme Sarah Vaughan et Miles Davis.
A ce jour, David Linx a publié douze cédés, dont le récent ‘Heartland’ (Emarcy-
Universal), enregistré avec Diederik Wissels, Paolo Fresu, Palle Danielsson et
l’ensemble de cordes dirigé par Jean-Paul Dessy. Il enseigne à l’occasion de master
classes, comme à Libramont ou Dworp, à l’Université de New York ou encore au
Conservatoire de Bruxelles. Parmi ses élèves, il compte quelques grands noms comme
Arno, Khadja Nin, Viktor Lazlo et Marie Daulne.
Quel élément a conduit David Linx, pourtant en recherche permanente, à se
concentrer presque exclusivement sur le chant ?

Linx : ‘A un moment donné, je me suis rendu compte qu’avec ma voix, je pouvais


obtenir bien plus que sur n’importe quel autre instrument. Pour moi, la voix humaine
représente beaucoup plus qu’un instrument, quel qu’il soit. Un chanteur dispose ainsi
de la force pour traduire une mélodie en mots. Caetano Veloso a, par exemple, très
bien compris cela. C’est pour cela que je trouve sa façon de chanter très passionnante.
Beaucoup de chanteurs de jazz sont très limités, et j’ai toujours eu horreur de chanter
en scat. C’est pour cela que je me suis toujours investi pour exploiter au maximum les
possibilités de la voix, qu’aucun instrument ne peut offrir. Betty Carter y est toujours
fort bien parvenue, grâce à cette manière très particulière avec laquelle elle utilise sa
voix. Pour moi, elle est une des rares à ne pas correspondre aux clichés du vocaliste
de jazz. En effet, avec sa voix, elle se situe en permanence dans une zone inaccessible
aux instruments. Je me souviens aussi comment, à l’époque où j’étais un jeune
batteur, je chantais avec les disques de Ella Fitzgerald. Un jour, j’ai même réussi à la
rencontrer personnellement, comme Betty Carter d’ailleurs. J’ai donc commencé très
tôt à explorer ma voix, et, cela m’a toujours fasciné de l’entraîner le plus loin
possible. De plus, comme j’écoute surtout des voix de femmes, j’ai développé une très
grande souplesse dans ma voix, que j’ai ensuite continuellement appliquée aux solos
de Charlie Parker, John Coltrane et Michael Brecker.
Suis-je alors un chanteur de jazz ? Le jazz signifie pour moi tout d’abord la liberté et
le développement d’un langage propre. Mon approche musicale peut donc en tout cas
être classée comme du jazz. Mais, ceci ne signifie pas que je considère mon style au
chant comme étant du jazz, car selon moi, les styles ne sont rien d’autre que des
outils. Pour moi, il n’y a aucune différence entre chanter au sein de Aka Moon ou
avec Diederik Wissels, chanter une valse musette ou monter sur scène avec Cecil
Taylor. Voilà précisément la li-berté que je poursuis. La plus grande influence sur
mon approche en tant que vocaliste de jazz vient sans aucun doute de Miles Davis.
Lorsqu’il est venu en vacances chez James Baldwin, nous avons eu régulièrement de
longues conversations. Le conseil en or qu’il m’a donné est : ‘From the beginning,
you always have to think you are going to be the best. Never stop thinking it, but never
say it loudly.’ Contrairement à ce que prétendent de nombreux journalistes, Miles
Davis était un homme très charmant. Le fait qu’il jouait parfois le dos tourné au
public n’était en rien une forme d’arrogance chez lui, mais plutôt une forme de
timidité avec, toutefois, le respect pour ses accompagnateurs et le souci de jouer le
mieux possible.
Michael Brecker est un autre musicien qui m’a beaucoup appris. Comme nul autre, il
parvient à combiner la perfection technique avec l’émotion. Je trouve cela très
important.’
A la question, avec quels artistes de jazz contemporains il se sent sur la même
longueur d’onde, David Linx répond : ‘Côté chanteurs : Cassandra Wilson. D’ailleurs,
elle, Me’Shell Ndegeocello et moi-même, nous travaillons avec le même producteur,
Craig Street. Chris Whitley est aussi fantastique. Côté instrumentistes, ma préférence
va sans aucune hésitation vers Fabrizio Cassol. Je me suis toujours retrouvé
parfaitement dans ses mélodies, et, je le connais maintenant depuis pus de quinze ans.
Étudier un morceau de Aka Moon représente donc pour moi une question de minutes.
Je compose surtout au piano, en partant autant de textes que de mélodies. Ces derniers
temps, je me concentre surtout sur des mélodies. A la manière dont un chanteur peu
chanter une ballade, je peux entendre s’il est capable d’interpréter une composition en
up tempo et, inversement, j’admire énormément des musiciens comme Betty Carter et
Egberto Gismonti, qui parviennent à me faire pleurer, même avec un morceau en up
tempo. Pour moi, il s’agit là d’un signe de connaissance et de sagesse.’

Charles Loos
Charles Loos est né en 1951, à Bruxelles. Pianiste classique, il a très vite été
passionné par la musique des Beatles mais exprimait aussi une grande préférence pour
la bossa nova. Il allait ensuite s’intéresser au jazz qui intègre des éléments de ces
sources d’inspiration.
En 1972, Loos part pour Boston, au Berklee College, pour y étudier l’orchestration et
la composition jazz. Une fois de retour en Belgique, il impressionne surtout le public
jazz-rock par son jeu aux claviers dans COS, avec e.a. Daniel Schell, Pascale Son, et
par moments, Marc Moulin. A partir de 1976, il va conduire son propre groupe de
jazz, Abraxis, au sein duquel son jeu lyrique au piano va pouvoir réellement
s’exprimer. Tout comme dans Julverne, cet autre ensemble éclectique qui a contribué
à ouvrir de nouvelles voies au public de jazz belge.
Charles Loos publie son premier album solo, ‘Egotriste’, en 1978. Trois ans plus tard,
paraît sur le label LDH, le premier cédé de Sava, une formation internationale où
Loos est entouré de Greg Baldato, John Ruocco, Serge Lazarevitch, Ricardo del Frà,
Jean-Louis Rassinfosse et Eric Ineke. Pendant la même période, il joue aussi souvent
en duo avec Steve Houben, avant de former un trio avec l’arrivée de la chanteuse
Claude Maurane, et de devenir ainsi H.L.M., non pas une maison d’habitation sociale
dans la banlieue d’une grande ville en France, mais tout simplement les premières
lettres de leurs noms de famille. Le titre de leur premier album allait aussi porter ce
nom. En 1993, Charles Loos créait le trio de dixieland The Sweet Substitutes, en
compagnie du clarinettiste et saxophoniste ténor André Donni et du batteur Luc
Vandenbossche.
Une série d’albums, parfois sous son nom, vont ensuite se succéder, et la liste des
artistes nationaux et étrangers avec lesquels Charles Loos a collaboré va, au fil des
années, prendre des proportions démesurées. On y retrouve des noms comme Toots
Thielemans, Chet Baker, Philip Catherine, Weber Iago, Johnny Griffin, Etienne
Verschueren, Pierre Van Dormael, Ali Ryerson, Félix Simtaine, Dre Pallemaerts,
Chris Joris et le regretté Jean-Pierre Catoul avec qui il enregistra ‘Summer Winds’ en
1997 et ‘Sad Hopes’ en 2001.
Aujourd’hui, Charles Loos fait partie de l’ensemble Parfum Latin (avec Anne Wolf,
Pierre Bernard, Henri Greindl et Jan de Haas). Il travaille aussi à un projet avec Steve
Houben (ici exclusivement au saxophone soprano), la violoncelliste Kathy Adam
(Pantha Rei) et le violoniste Igor Semenoff (Ictus Ensemble). A travers ce projet, une
fois de plus, il livre une contribution solide à l’enrichissement du jazz européen qui se
distingue fortement de la culture swing et be-bop des États-Unis. De plus, Charles
Loos est particulièrement actif dans le monde du théâtre, et il collabore aussi
étroitement avec plusieurs poètes.
En 1997, il reçoit le Django d’Or, prix qu’il relativise quelque peu :
Charles Loos : ‘Les distinctions sont après tout des instantanés soumis à toute une
série de facteurs qui contribuent, dans la plupart des cas, à les recevoir de manière
injustifiée. Pendant un moment, j’ai envisagé de refuser ce Django d’Or, mais alors,
j’aurais déçu ma mère, et je ne voulais pas lui faire ça.
Tu as certainement dû remarquer que je joue souvent avec des cordes, en lieu et place
de formations composées selon la bonne tradition du jazz avec un piano, une basse,
une batterie, ainsi que des souffleurs et/ou autres solistes. Ceci vient du fait que mon
amour pour l’improvisation, un des piliers de l’attitude jazz, est partagé avec une
préférence toujours aussi forte pour la musique classique. On ne doit pas oublier qu’à
une certaine époque, les musiciens improvisaient aussi beaucoup en musique
classique, jusqu’au jour où Schönberg est venu tout contaminer avec ses lois
contradictoires.
Depuis des années, j’expérimente la réalisation d’une espèce de musique classique (de
chambre) improvisée, comme c’était le cas à l’époque, avec Julverne. En d’autres
mots, un matériau déjà écrit à raison de 15 à 20 %, et pour le reste, de l’espace pour
l’improvisation, quoique structurée. En effet, il ne faut pas perdre de vue que même
l’improvisation implique énormément d’obligations.
Le fameux mariage entre le monde classique ‘sérieux’ et la scène jazz rebelle,
appartenait déjà au rêve de Henri Pousseur, lorsqu’il a créé Les Iles Déchaînées, voici
une vingtaine d’années, avec un orchestre symphonique, un groupe de jazz et un
ensemble de musique classique contemporaine, où les trois îles, avec leur langage
propre, grandissaient les unes vers les autres, jusqu’à ce que s’exprime une
gigantesque fusion. Henri Pousseur a toujours été très en avance sur son temps.’

Nathalie Loriers
Nathalie Loriers est née le 27 octobre 1966 à Huy. Tout en bénéficiant d’une
formation classique, au fil du temps, elle se sentira attirée par le jazz, grâce aux stages
et séminaires où elle rencontra Steve Houben, Charles Loos, John Ruocco, Alex
Ulanowsky, Jim McNeely, Dave Frank, Rob Madna et Diederik Wissels. En 1990, au
Conservatoire de Bruxelles, où elle a suivi les cours de Dennis Luxion, Steve Houben
et Pirly Zurstrassen, elle obtient le premier prix d’harmonie et de piano. Elle a
également reçu d’autres prix comme le Sax Price (Jazz Critics Association, 1989), le
Belga Price pour le meilleur soliste du Brussels Jazz Rally (1990), le premier prix du
Concours Radio francophone (1991), le prix Bobby Jaspar comme meilleur musicien
européen (Académie du Jazz, France), le Django d’Or 1999, ainsi que l’Eurodjango
en tant que meilleur artiste de jazz européen (2000). Entre-temps, Nathalie Loriers a
déjà travaillé avec e.a. Steve Houben, Diederik Wissels, David Linx, Félix Simtaine,
Toots Thielemans, Philip Catherine, Ivan Paduart, Laurent Blondiau, Rachel Gould,
Paolo Fresu, Aldo Romano, Charlie Mariano, Emanuele Cisi, Al Levitt et Lee Konitz,
avec lequel elle enregistre le cédé ‘Discoveries’ (AMC), en 1993. Depuis octobre
1994, elle enseigne le piano au Conservatoire Royal de Bruxelles.
Nathalie Loriers démontre ses qualités de compositrice depuis qu’elle a formé son
premier quartet, avec Kurt Van Herck, Philippe Aerts et Mimi Verderame (cédé
‘Nympheas’, Igloo). Elle enregistra son deuxième cédé, ‘Dance Or Die’ (Igloo), avec
Rick Hollander et Jeroen Van Herzeele. Aujourd’hui, Nathalie Loriers tourne avec
deux formules. Au sein de son trio, on retrouve le contrebassiste Sal La Rocca et le
batteur Hans van Oosterhout (cédés ‘Walking Through Doors, Walking Through
Walls’, chez Igloo, et ‘Silent Spring’, Pygmalion). Quant à la formation du Nathalie
Loriers Trio + Extensions, son trio est augmenté de Frank Vaganée (as), Kurt Van
Herck (ts) et de Laurent Blondiau (tp). Le premier cédé de ce sextet, ‘Tombouctou’
(W.E.R.F.), vient de paraître dans la série ‘The Finest In Belgian Jazz’.

Nathalie Loriers : ‘ Comme tous ceux qui sont passés par l’académie, j’ai d’abord eu
une formation classique. A la maison, nous avions un orgue, sur lequel je jouais
pendant des heures. Enfant, j’essayais tout le temps de rejouer les chansons que l’on
entendait à la radio.
Dans l’interprétation du répertoire classique, tout l’art consiste à faire sonner ces
pièces comme si on les avait écrites soi-même, même si ces compositions sont
familières au public. Il suffit d’écouter comment Gould interprète Bach. On en attrape
la chair de poule. J’ai autant de respect pour ceux qui se consacrent toute leur vie à
une œuvre existante ou aux standards du jazz, que pour ceux qui évoluent comme
improvisateurs ou compositeurs d’un nouveau répertoire. Comment en suis-je arrivée
à me diriger vers le jazz, après une formation classique de près de dix ans ?
Simplement parce que j’aime cette musique, et que je n’en ai jamais assez. Ce sont
surtout les aspects liés à la communication (avec les artistes comme avec le public) et
à l’improvisation qui m’attirent dans le jazz. De plus, le fait qu’on n’arrête pas de
découvrir ou d’inventer de nouvelles choses - le plus souvent de façon spontanée et
honnête - garde en éveil l’enfant en nous, et contribue à ce que je me sente de plus en
plus chez moi dans l’univers du jazz. Et, lorsqu’au téléphone, quelqu’un comme Toots
me souhaite d’éprouver comme lui, à quatre-vingt ans, toujours autant de plaisir à
jouer du jazz, je me sens à nouveau armée pour affronter tous les contretemps
possibles. Ainsi, j’appréhende l’avenir avec le sourire.
Ceci n’empêche pas, qu’aujourd’hui encore, j’aime énormément écouter de la
musique classique. Je connais d’ailleurs pas mal de musiciens classiques qui
appréhendent plein d’espoirs les années, et parfois les décennies, nécessaires pour
jouer tout ce qu’ils veulent interpréter.
Le tout premier morceau de jazz - ou du moins fragment de celui-ci - que j’ai joué,
était de Duke Ellington. Je ne l’oublierai jamais. La dernière page des partitions, que
j’avais alors achetées pour m’exercer au piano, comportait toujours, sous forme de
publicité, un fragment d’un titre d’un compositeur connu. C’est ainsi qu’un jour, je
devais avoir seize ans, mes yeux sont tombés sur une partition de Ellington - je crois
‘Solitude’ - construite à partir d’accords totalement nouveaux pour moi. Quand j’ai
commencé à les jouer, j’ai eu l’impression qu’un monde nouveau s’ouvrait : des
harmonies que je ne m’étais encore jamais entendu jouer sortaient de mon piano. Cela
me rendait folle, et je continuais à jouer ces accords, chez moi comme à l’académie,
au grand bonheur de mon professeur qui semblait être un amateur de jazz fervent.
Lorsque, peu de temps plus tard, j’ai pu entendre Steve Houben en public, à Dinant,
ma conviction était faite : le jazz serait mon truc. J’achetai alors un disque de jazz
après l’autre. Et, quand j’ai appris que Steve Houben donnait cours au Conservatoire
de Liège, je m’y suis aussitôt inscrite, même si je n’avais pas encore la moindre idée
de la manière dont je devais commencer un morceau de jazz. De fil en aiguille, j’allais
rapidement jouer du jazz en public avec un certain nombre de mes condisciples.
Pendant quelque temps, j’aurais pu choisir le saxophone, mon second instrument
pendant mes études classiques. Mais, il apparut rapidement que je me sentais plus à
l’aise au piano, instrument qui m’attirait déjà beaucoup lors de mon enfance. De ce
point de vue, il me semble très important de laisser l’enfant libre dans le choix de
l’instrument qui lui correspond le mieux - s’il le faut, lâchez-le dans un magasin
d’instruments de musique, vous serez rapidement fixé. L’approche naturelle et
spontanée d’un instrument me semble encore et toujours la bonne. Un vrai virtuose ne
montrera d’ailleurs jamais ses capacités techniques sur l’instrument de manière
explicite - quelle que soit la complexité du morceau - pour privilégier une
transmission naturelle, comme si chacun pouvait le répéter immédiatement chez soi.’

Bart Maris
Ces derniers temps, Bart Maris explore un peu tout : la chaotique fanfare jazz Think
Of One, les orchestrations adaptées de Peter Vermeersch pour Flat Earth Society, le
collectif hip-hop Yutakasa, l’ensemble néerlandais de musique concrète Blast, la
musique agréablement perturbée de la formation Jaune Toujours de son frère Piet, le
pop-rock de Betty Goes Green, sans parler de son projet de free jazz Kamikaze, sa
collaboration avec André Goudbeek et Fred Frith, de sa participation au collectif de
mambo-surf-rock The Whodads, ou même de sa présence sur le dernier album de
Marc Moulin, ‘Top Secret’ (Blue Note). Les fans du X-legged Sally trop tôt disparu,
rencontraient déjà le nom de Bart Maris sur les différentes pochettes de leurs cédés.
Aucun concert n’est trop étrange pour lui. A Maubeuge, il était voici peu l’invité du
groupe français Art Zoyd, aux côté de Daniel Denis et Gérard Hourbette. Il n’est donc
pas étonnant que Bart Maris se vit décerner le Zamu Award 2000 du meilleur
musicien. Bart Maris a eu Marc Godfroid comme professeur.

Bart Maris : ‘Au Conservatoire, j’étais parmi les premiers à suivre des cours de jazz.
Marc Godfroid me laissait une liberté totale pour improviser comme je l’entendais, à
une condition : savoir lire à la perfection. Sinon, je pouvais tout aussi bien rester à la
maison. Je peux t’assurer que j’ai beaucoup transpiré, mais je lui suis toujours
reconnaissant pour cela. Même si j’ai encore des problèmes d’articulation.
J’ai terminé mes études avec Olivier Bodson pour lequel j’ai une admiration sans fin.
Même à la fin, ce type parvenait encore à obtenir 95%, alors que je devais me
contenter d’atteindre les 80% ! D’un autre côté, le résultat final, qui dépend surtout
des capacités liées à la technique et à la dextérité, ne constitue pas le critère unique
pour déterminer les qualités d’un musicien. Le don pour la créativité ne peut d’ailleurs
pas être enseigné. De plus, c’est tout un art de transformer ses propres limites en
atouts. Plus fort encore : toute limite est une opportunité. Prenons par exemple, Jan
Mues. C’est un musicien fantastique, mais comme trompettiste, il est fort limité. Il
parvient cependant à puiser sa force dans ces limites, et à créer ainsi un son très
reconnaissable, que personne d’autre ne pourra imiter. Quant à Laurent Blondiau, il
connaît surtout des limites physiques. Il sait qu’il doit surtout faire attention à sa façon
de doser. Serge Plume, par contre, peut presque tout entreprendre avec son
embouchure, sans même y penser.
A côté, il y a aussi tous ces souffleurs de salsa, comme Arturo Sandoval, qui sont
arrivés dans le jazz, et qui jouent toutes ces partitions de jazz sans aucune difficulté.
A chaque fois, je me demande si ces gars-là sont encore capables de jouer de manière
sobre, et s’ils osent encore jouer ‘fragile’. Je pense alors à des trompettistes comme
Bert Joris, conscients qu’il ne peuvent éclater en puissance, transforment cela en
marque de fabrique, en élaborant, jusqu’à la perfection, un jeu sobre et délicat. Ils
arrivent ainsi à développer un son exceptionnellement émouvant qui impose le
silence. On retrouve d’ailleurs constamment ce raffinement dans les compositions et
les arrangements de Bert Joris.’

Vivre de sa musique
En son temps, Bart Maris a décidé de manière résolue de gagner sa croûte
exclusivement en jouant et en composant de la musique : ‘En Belgique, il est vraiment
très difficile de pouvoir vivre comme musicien à temps-plein. Je ne donne pas cours et
je ne reçois aucune allocation. Je suis donc obligé de participer au plus grand nombre
de projets possibles, afin de garder quelque chose dans ma poche. Financièrement, je
n’y arriverais pas sans le statut dont je bénéficie en participant à des productions de
théâtre comme avec Flat Earth Society, même si je dois y laisser une part de liberté.
Le plus dur, c’est qu’on doit parfois quémander pendant des mois ce à quoi on a droit.
Surtout auprès de maisons de disques, où l’on ne sait parfois même pas qui tu es, alors
que tu joues comme invité sur le cédé du groupe qui au même moment, représente
leur meilleure vente. Et c’est une chance, quand à l’évocation des droits connexes, on
ne te répond pas que le disque est un four, même quand tu as répondu à toutes les
exigences et que tu as respecté tous les accords. Quand je jouais encore avec X-legged
Sally, j’ai constaté que les disques étaient vendus chez les disquaires sous l’étiquette
‘musique progressive belge’. Comment alors se plaindre de piètres chiffres de vente ?’
Pas mal de trompettistes de jazz américains grattent la laque de leur instrument, ce qui
enrichirait le spectre sonore de l’instrument. Chez Bart Maris, les choses se sont
déroulées autrement : ‘Avec le temps, cette laque est tombée d’elle-même.
Effectivement, pour relativement peu d’argent, tu peux acheter une trompette
Quesnon non laquée, mais certains importateurs les laquent ou les plaquent d’argent
eux-mêmes. Ils peuvent ainsi fortement augmenter leur bénéfice. Mais, ce n’est pas
comme cela qu’on achète un instrument aussi précis comme par exemple le bugle
Kanstul de Laurent Blondiau ou ce vieux Selmer de Bert Joris. Personnellement, je
préfère acheter mes instruments dans des marchés aux occasions ou des bourses. On y
trouve un choix plus large d’instruments fiables et déjà rodés. C’est ainsi que j’ai pu
acheter un jour une trompette de poche Jupiter pour € 125. Bien entendu, cela prend
un peu plus de temps, et il faut avoir un peu d’expérience en la matière, mais cela vaut
la peine. Je connais ainsi un jeune trompettiste de la région d’Anvers, Bert Bernaerts,
qui a réussi à acquérir une Vintage Martin Committee de 1952, la marque sur laquelle
jouait alors Miles Davis, dans un marché d’occasion à Boston.
Après coup, je me suis renseigné sur l’origine du nom ‘Martin Committee’, et j’ai
appris que cette trompette a été conçue par un comité d’une cinquantaine de
professeurs de conservatoire. Pour pouvoir produire leur instrument, ils ont transféré
la licence de leur brevet, détenu collectivement, chez le fabricant d’instruments
Martin.’
Bart Maris détient sa propre théorie pour éviter le feedback : ‘Le meilleur moniteur
est encore celui qui repose sur le vieux principe utilisé en son temps par les orchestres
de bal : un petit panneau en plexiglas que l’on glisse par-dessus le microphone, pour
ainsi renvoyer directement ton propre son, sans feedback. En plus, c’est le moyen le
plus naturel pour entendre ton propre son.’

Michel Massot
En tant que musicien classique, le tromboniste et tubiste Michel Massot (1960 à
Halle) a déjà joué comme soliste au sein de l’Orchestre Philharmonique de Liège,
l’orchestre de la BRT, l’ensemble Musique Nouvelle de Georges-Ellie Octors, la
compagnie parisienne Musique Oblique, ainsi que l’Ensemble Synonymes, qu’il a
créé lui-même en 1985. Très rapidement, il participera aussi activement à la scène de
la musique contemporaine et d’avant-garde, avec e.a. Garrett List, Henri Pousseur et
Jean-Pierre Peuvion. Il collabora aussi aux œuvres de Philippe Boesmans et Bernard
Foccroule. En 1984, en compagnie de Michel Debrulle et Fabrizio Cassol, il lance
Trio Bravo (cf. les 33tours ‘Pas de Nain’, ‘Hi-o-Ba’, ‘Compact’ et le cédé ‘Quatrième
Monde’. Voir aussi : Michel Debrulle).
Par ailleurs, Michel Massot a également fait partie de Baklava Rhythm and Sounds,
La Grande Formation, Le Collectif du Lion (avec Steve Lacy), l’Act Big Band de
Félix Simtaine et le projet Variations on a Love Supreme de Kris Defoort. Enfin, il a
aussi fondé le groupe Bathyscaphe 5. Aujourd’hui, il est actif dans Rêve d’Eléphant
Orchestra, Trio Grande, Kris Defoort & Dreamtime, Thomas & Co, Tous Dehors,
Määk’s Spirit et l’Ensemble Ictus.
Parmi les artistes étrangers avec lesquels Massot a collaboré jusqu’ici (ou collabora
toujours), on rencontre e.a. Claude Barthélémy, Gary Valente, Evan Parker, Christof
Lauer, Wolfgang Pusching, Rabih Abouh Khalil, Martial Solal, Louis Sclavis, Henri
Texier, Kenny Wheeler, Michel Portal, Ray Anderson, Andy Sheppard, Geoffroy de
Masure, Han Bennink, Marc Ducret, François Merville, Nguyen Lè, Gilles Coronado
et Guillaume Orti. Michel Massot enseigne depuis plus de vingt ans au Conservatoire
de Liège, et donne aussi des cours d’improvisation.

Michel Massot : ‘Je devais être en cinquième année primaire, quand j’ai commencé à
jouer sur un saxophone soprano. Après six mois, j’en ai eu assez. Mon père, qui était
membre de la fanfare locale, m’a alors mis un bugle et une trompette à disposition. A
partir de ce moment, je ne laissais plus planer aucun doute sur mon avenir comme
musicien professionnel, et non comme athlète, ainsi qu’on le supposait alors.
A treize ans, je recevais déjà un prix à l’académie : un disque de Dizzy Gillespie avec
Stan Getz. Immédiatement, je suis devenu complètement dingue de ces mélodies be-
bop sauvages, sans savoir d’ailleurs qu’en fait j’écoutais du jazz. Entre-temps, Olivier,
mon plus jeune frère (actuellement soliste à l’Orchestre National de Lyon et de Paris),
me faisait découvrir la musique de Frank Zappa. A quinze ans, je gagnais déjà de
l’argent comme trompettiste semi-professionnel, au sein d’un orchestre de bal. Même
si mes parents ne se réjouissaient pas de me voir partir ainsi chaque samedi, jusqu’au
dimanche matin. Je commençais aussi à jouer ici et là, dans des groupes de Dixieland.
Un jour, mon professeur, lui même tromboniste et tubiste doué, me voyait souffrir à la
trompette. Il m’a alors laissé jouer sur son tuba. Une semaine plus tard, j’en avais un
pour moi. J’avais enfin trouvé l’instrument que je recherchais inconsciemment depuis
toujours. De plus, comme le laissait clairement apparaître mon style au trombone, que
je jouais depuis un certain temps, j’évoluais déjà en musique comme un bassiste.
Les tous premiers musiciens de jazz avec lesquels j’ai joué étaient Gino Lattuca,
Philippe Leblanc et Arnould Massart, quand j’étudiais encore au Conservatoire de
Mons.
Plus tard au Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège, où je suivais aussi des
cours d’improvisation, j’ai automatiquement rencontré Garrett List. Je n’allais
vraiment pas souvent aux cours. Ce qui m’intéressait surtout alors, c’était les jams
avec e.a. Jacques Pelzer, Jon Eardley, Fabrizio Cassol et Kris Defoort. Steve
Grossman, qui habitait alors à Liège, venait aussi jouer régulièrement. Cependant,
l’hystérie collective qui régnait autour de lui ne me plaisait pas beaucoup. Pendant la
même période, 1982-1983, j’ai joué un temps dans un petit groupe de jazz avec Jean-
Pol Schroeder - un compositeur d’ailleurs estimable - au piano. En 1984, Michel
Debrulle me propose de fonder Trio Bravo avec Fabrizio Cassol. Au début, on jouait
des compositions existantes de Pierre Vaiana, Denis Pousseur et Monk. Mais très
rapidement, Fabrizio est venu avec ses propres compositions. Sa toute première
composition pour Trio Bravo portait le titre de ‘Red Monk’. Les gens ne savaient pas
ce qu’ils entendaient. Ils avaient l’impression qu’on venait d’une autre planète. La
musique de Trio Bravo, qui reposait alors surtout sur des rythmes binaires, se
rapprochait plus du rock que du jazz. L’absence de basse et la formule réduite créaient
un certain nombre d’hiatus dans le spectre sonore, que je ne pouvais que combler
partiellement avec mon tuba. Ainsi, on devait aussi utiliser la batterie de Michel
Debrulle d’une manière plus inventive. Fabrizio et moi, nous avons donc écrits de
nombreux arrangements dans ce sens. Aujourd’hui, avec Trio Grande, le problème se
pose beaucoup moins. En effet, après toutes ces années, Michel Debrulle est
réellement incrusté dans le système mais l’apport créatif de Laurent Dehors avec ses
instruments à anches y contribue aussi.
Selon moi, le concept ‘jazz’ est impossible à définir. Tous les critères auxquels la
musique doit répondre, selon certains, pour pouvoir être considérée comme du jazz,
me semblent réducteurs, et par définition, mortels. La frappe systématique sur la
cymbale doit-elle vraiment être toujours présente ? Faut-il constamment improviser à
tour de rôle ? La contrebasse et le piano doivent-ils toujours jouer de telle et telle
manière ? … Je peux déterminer pour moi-même si une musique peut ou non être
ressentie comme du jazz. Prenez par exemple, un étudiant en jazz classique. Il sait
parfaitement comment il faut jouer un morceau de swing, de be-bop ou n’importe quel
autre titre de jazz, parce qu’il l’a appris ainsi, en interprétant des partitions d’autres
musiciens, y compris leurs improvisations, sans apport personnel. Ce musicien a
appris à phraser, mais il n’a jamais goûté au plaisir d’improviser lui-même. Je me
souviens ici d’un cours d’improvisation que j’avais donné en France, à la suite d’une
‘jazz-masterclass’. J’avais alors invité les étudiants présents à jouer chacun à leur tour
un petit morceau de jazz. Résultat, j’ai alors entendu les phrasés les plus clichés et les
plus prévisibles : un petit morceau de blues mal joué au piano, un passage de walking
bass assez raide, une petite mélodie de bossa nova chagrineuse à la guitare, bref du
n’importe quoi, et surtout, tout, sauf du jazz. Ensuite, je leur ai demandé de jouer ce
qui leur passait par la tête de façon non-contrôlée. Tu aurais dû les entendre, les
choses les plus dingues et les plus passionnantes en sortaient : une version polytonale
de ‘Au Clair de la Lune’ au piano, un solo sauvage du bassiste, un guitariste qui
sortait complètement de ses gonds… J’étais enfin parvenu à les faire improviser avec
leur son personnel, et j’ai pu conclure satisfait : ceci est du jazz.
La cohésion du groupe joue aussi un rôle énorme. Le meilleur soliste fonce
complètement dans le brouillard s’il n’est pas soutenu par une formation au jeu
cohérent, où personne ne sort de son rôle. J’en ai encore parlé dernièrement avec
Guillaume Orti. Pour moi, c’est un maître absolu sur ce terrain. Il est capable de tout
et contrôle réellement l’ensemble des paramètres. Pourtant il ne le montre pas de
façon explicite, et reste étonnamment humble, ce qui l’honore.’

Octurn
Ceux qui assistent régulièrement aux concerts de clubs comme le Sounds Jazz Club,
l’Athanor Studio ou le défunt Marcus Mingus, savent que ces concerts dérapent
souvent en jam-sessions sauvages. Plus d’une fois, il arrive que l’un ou l’autre
musicien présent dans le public dispose par hasard de son instrument, se laisse
entraîner par l’ambiance, et alors l’envie de participer l’emporte. Pour certains
musiciens, participer aux jam-sessions, dans ces clubs, est même devenu une habitude
hebdomadaire. Le plus beau arrive lorsque, au bout d’un certain temps, ces rencontres
nées du hasard donnent naissance à un groupe régulier et que ces improvisations
évoluent vers un répertoire clairement reconnaissable. Ainsi est né le groupe Octurn,
au Sounds, au début des années ’90. Le plus remarquable est que la composition du
groupe évolue sans cesse. Après avoir publié trois cédés remarquables pour le label
brugeois W.E.R.F. (‘Chromatic History’, ‘Ocean’, ‘Round’), et déjà joué au North
Sea Jazz Festival, Jazz A Liège, Jazz Middelheim, Festival des Lundis d’Hortense,
What is Jazz à la Knitting Factory (New York), au Festival de Jazz de Montréal et à
l’Audi Jazz Festival. Octurn est aujourd’hui composé de Laurent Blondiau (tp, bugle),
Geoffroy de Masure (tb), Guillaume Orti (as), Bo Van der Werf (bs), Pierre Van
Dormael (g), Fabian Fiorini (p), Jean-Luc Lehr et Otti Van der Werf (elb), ainsi que
Chander Sardjoe (dm). Mais, personne ne sait comment sera la composition du groupe
demain.
La musique que Octurn propose aujourd’hui se situe entre la musique classique
contemporaine et poly-rythmique, avec un groove jazz teinté de M-base. Le
saxophoniste américain Greg Osby était leur invité à l’occasion de l’édition 2001 de
Jazz Middelheim. Le nouveau répertoire a été composé par Geoffroy de Masure, Bo
Van der Werf et Antoine Prawerman. Chacun, familier avec leur musique, sait qu’il
est impossible de prévoir comment sonnera le métissage des différents styles de ces
compositeurs uniques. C’est précisément cette imprévisibilité, en combinaison avec le
dialogue entre les beats explosifs et polyrythmiques, les lignes de basse grassement
funky et un excellent mix de musique contemporaine, de big-band swing, de boptunes
et de jazzrock-fusion, qui fait que le public en demande plus après chaque concert.

Œuvres de compositeurs importants, spécialement pour Octurn


La musique que Octurn a jouée pendant leurs derniers projets, n’a pas été composée
exclusivement par les membres du groupe. Le pianiste Kris Defoort, qui a déjà joué
avec Octurn en invité, a ainsi composé de nombreux morceaux pour le groupe. Mais
aussi d’autres compositeurs de renommée, comme le pianiste new-yorkais Kenny
Werner, Frederic Rzewski, le saxophoniste new-yorkais Patrick Zimmerli, Walter Hus
ainsi que Denis Pousseur. Une telle diversité sur le plan de l’écriture conduit la
musique de Octurn au carrefour passionnant de la musique classique, contemporaine
et du jazz.

Des musiciens aux parcours et aux formations les plus divergents


Bo Van der Werf : ‘Tous les compositeurs qui écrivent pour Octurn nous ont d’abord
tous vus à l’œuvre de manière approfondie. C’est justement ce qui est chouette dans
notre histoire : en fait, nous n’avons jamais dû convaincre personne, Kris Defoort,
comme Walter Hus, Denis Pousseur, Frederic Rzewski et Kenny Werner sont
tellement enthousiasmés par notre manière de jouer, qu’ils ont écrit avec beaucoup de
plaisir pour le groupe. Le fait de composer pour nous a dû constituer un défi, même
pour Kenny Werner, car je n’avais jamais rien entendu de pareil chez lui.
Visiblement, il a été inspiré par la façon de jouer de certains d’entre nous, et plus
particulièrement par Chander. Récemment, Chander a de manière remarquable,
succédé à Stéphane Galland, qui a dû quitter le projet par manque de disponibilité.
Chaque morceau se déroule dans un univers totalement différent, ce qui est inévitable
vu le parcours divergent des différents compositeurs. Rzewski, Hus et Pousseur sont
avant tout des compositeurs classiques contemporains, alors que Werner et Defoort
sont plus proches du jazz. Ainsi, il est important pour nous de pouvoir nous dépla-cer
d’un monde vers l’autre, le plus naturellement possible, sans aucune diminution de
l’attention aiguë permanente. En effet, de nombreuses pièces sont construites à partir
de passages changeants, qui prennent régulièrement des orientations imprévisibles.
Imagines un instant que le public nous voit souffrir et nous débattre avec toutes ces
partitions sur scène. Je n’ose y penser. Ces répétitions difficiles doivent justement
nous conduire à interpréter ces compositions comme si elles sortaient naturellement
de nos instruments. Ce n’est qu’à cette condition-là que je considère que nous
donnons au public son dû pour le prix d’entrée.
A une certaine époque, j’ai entendu des réactions de critiques, qui à la lecture de la
liste des membres de notre formation, se demandaient si un tel agrégat de musiciens,
avec des backgrounds et des formations aussi différents, parviendrait un jour à jouer
ensemble de manière cohérente. Ce, jusqu’au moment où ils nous ont vu jouer.
Le plus grand défi consiste pour nous à donner une valeur ajoutée aux partitions,
écrites par d’autres, grâce à notre façon de les interpréter. Ce type de confrontation
rend le travail au sein de Octurn si passionnant.
D’un autre côté, tous les compositeurs ne laissent pas autant d’espaces à
l’improvisation. Pour le cédé ‘Round’ par exemple, Kenny Werner nous a, dans une
première phase, donné quelques fragments de base de ses partitions, à partir desquels,
au cours des répétions - auxquelles il participait aussi - nous pouvions déjà
improviser. Il a intégré ces nouveaux éléments sous forme de modules. Après
quelques adaptations apportées ici et là, il les a collés les uns aux autres, sans
coutures. Par contre, dans les partitions de Federic Rzewski (‘The Cradle Will Rock’
et ‘When The Wind Blows’), il n’y a aucune place pour l’improvisation : notre rôle
consiste ici à interpréter ce qui est écrit avec le plus de conviction et de soumission
possible, même si nous sommes libres de jouer selon nos habitudes. Nous pouvons en
effet déterminer des éléments comme les timbres et les grooves. Mais nous avons
maintenant décidé de jouer principalement des compositions écrites par les musiciens
qui font partie du collectif ou des compositeurs qui sont proches de notre approche de
la musique. Du coup, le groupe a pris une nouvelle dimension avec la formule
actuelle : le nouveau type de travail que nous avons entrepris nous a ouvert un nouvel
horizon qui apparaît désormais sans limite.’
Odds On
La création de Odds On par le composteur et saxophoniste Tom Van Dijck (25 mars
1967), en compagnie du guitariste Andreas Suntrop, du bassiste Mark Haanstra et du
batteur Kris Duerinckx est assez récente. ‘About Time’, leur premier cédé, publié en
juin 2002, laisse entendre comment le quartet interprète des standards, revus et
corrigés par des sonorités actuelles, au point de rendre les compositions d’origine
souvent méconnaissables.
La combinaison du son lyrique du saxophone ténor avec la clarté des parties jouées à
la guitare, parfois proches de Bill Frisell - les lignes basses fretless typiques avec,
dans le même temps, les rythmes frappés de manière dynamique et subtile - livre une
sonorité fraîche et séduisante. Elle emporte l’auditeur au carrefour entre le be-bop, le
cool, le jazz moderne et des formes musicales associées à la M-base. Le vocabulaire
traditionnel du jazz s’enrichit ainsi d’éléments des cultures africaines et indiennes.

Ivan Paduart
Beaucoup d’artistes, dont Tom Harrell, Toots Thielemans, Richard Galliano, Didier
Lockwood, Philip Catherine, Bob Malach, Charlie Mariano, Marcia Maria, Claude
Nougaro et Maurane ont déjà collaboré ou fait appel aux talents du pianiste Ivan
Paduart (35). Avec ‘Trio Live’, il vient de publier ce qui doit être son treizième album.

Ivan Paduart : ‘Aujourd’hui, dans le rayon jazz des disquaires, on trouve pas mal de
musiques dont on peut difficilement dire qu’elles swinguent. Beaucoup de gens
refusent, à juste titre selon moi, de considérer cette musique comme du jazz. D’autres
estiment que la seule présence d’un saxophone et de parties improvisées permet
d’étiqueter une musique comme étant du jazz. Personnellement, je ne peux pas être
d’accord avec cette position. Par exemple, la musique d’Aka Moon n’est pas du jazz
pour moi, il lui manque trop d’harmonie. Ceci ne signifie pas que je condamne cette
musique, au contraire. Je les trouve très passionnants - Michel Hatzi est pour moi un
des meilleurs bassistes du monde - mais, ne me dites pas qu’Aka Moon joue du jazz.
Le pianiste Martial Solal est un autre exemple de musicien que je trouve génial, mais
une chose est indiscutable : sa musique ne swingue pas.’

Dré Pallemaerts
Dré Pallemaerts est né en 1964 à Anvers. Il suivra ses premières leçons de batterie à
quinze ans. Deux ans plus tard, il rencontre le contrebassiste John Clayton qui le met
en contact avec Jeff Hamilton. Celui-ci lui donnera des cours de batterie aux Etats-
Unis, en 1984. L’année suivante, le ministère de la culture belge (encore fédéral) le
sollicite pour jouer au Singapore Jazz Festival, en compagnie d’autres grands artistes
de chez nous, parmi lesquels Jacques Pelzer, Steve Houben, Michel Herr, Bert Joris et
Charles Loos.
Dans le trio de Jack Van Poll, pendant tout un temps, Pallemaerts va partager la scène
avec Hein van de Geyn, mais aussi avec des chanteurs et artistes internationaux de
haut niveau, comme Deborah Brown, Arnett Cobb, Dee Dee Bridgewater, Dave Pike
et Etta Cameron. En Belgique comme à l’étranger, il a aussi été membre de toute une
série de formations comme le Brussels Jazz Orchestra, Määk’s Spririt, les quartets de
Bob Brookmeyer, Toon Roos et Kurt Van Herck et les trios de Kris Defoort, Erwin
Vann, Michel Herr et Frank Vaganée. En 1991, Dré Pallemaerts reçoit le premier prix
de ‘Jeugd en Muziek Vlaanderen’ (jeunesses musicales). En 1998, il participe à
l’enregistrement de la bande son du film de Julien Vreebos Le Bal Masqué, composée
par Bert Joris. Parmi les artistes importants que Dré Pallemaerts a accompagné, on
retrouve e.a. Toots Thielemans, John Scofield, Art Farmer, Archie Shepp, Norma
Winstone, Slide Hampton, Junior Cook, Teddy Edwards, Mal Waldron, Wolfgang
Engstfeld, John Ruocco, Joe Lovano, Fred Hersch, Dave Kikoski, Philip Catherine
(cédé ‘Oscar’, Igloo) et Serge Lazarevitch. Depuis quelque temps, Dré Pallemaerts
fait partie du trio de Bill Carrothers (cédé ‘Swing Sing Songs’), avec Nic Thys. Dans
son projet drum’n’bass Mother, on rencontre le saxophoniste ténor Erwin Vann, le
bassiste Otti Van der Werf et la chanteuse Ann Van der Plassche. Dré Pallemaerts
enseigne au Jazzstudio à Anvers et au Lemmensinstituut à Louvain. Il donne
régulièrement des workshops, e.a. au Conservatoire de Rotterdam et au Swiss Jazz
School à Bern. Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’ on entend Dré Pallemaerts
sur le cédé du Bert Joris Quartet.

No judgement
Dré Pallemaerts : ‘ Je ressens la musique comme une sorte d’état d’esprit, quelque
chose dont j’ai absolument besoin pour me sentir bien physiquement et mentalement,
comme d’autres vont au sauna, pêcher, skier, lever le coude ou regarder le football. La
musique exerce ainsi un effet méditatif sur moi. C’est ainsi que je trouve toutes les
formes musicales passionnantes. Je ne m’arrête donc jamais pour savoir si je fais du
jazz, du rock, de la pop ou de la techno. Tant qu’il s’agit de musique.
Ce qui est, selon moi, important dans la musique, c’est qu’elle puisse nous délivrer de
tout ce qui nous emprisonne sur cette terre. Chaque fois que tu commences à jouer,
tant que tu parviens à recouvrer cette liberté, tu réussis à atteindre un des objectifs les
plus importants de la musique. Si, en plus, tu parviens à transmettre ce sentiment au
public, à former une unité avec ton public et le lieu où tu joues, là tu es sur le bon
chemin pour devenir un grand artiste. En fait, ceci vaut également pour d’autres
activités humaines, pour les sportif, ébéniste, architecte, fleuriste, capitaine au long
cours… Dernièrement, quelqu’un est venu me demander comment je résistais à la
tentation d’élargir mon style de jeu à la batterie, un style relativement sobre. Eh bien,
simplement par ce que je n’en ressens pas le besoin. D’ailleurs, je ne considère pas
mon instrument comme une simple batterie. Il suffit par exemple qu’à un moment
donné, je pense à un piano, pour l’entendre effectivement à la place des peaux et des
cymbales de ma batterie, sur lesquelles je frappe. Dans mes solos, il arrive que je
m’entende tout à coup jouer de la contrebasse, du saxophone, peu importe. A ce
moment là, des notions comme ‘tom’, ‘caisse claire’ ou ‘cymbale’ sont aussi
éloignées pour moi, que le verglas en Provence ou les feux de forêt au Sahara.
Ce qui importe à mes yeux, est surtout le timbre. De préférence, pendant un concert,
je préfère le déterminer le plus possible moi-même. Par exemple, j’aime bien jouer
avec le son des différentes peaux, en les pliant, pendant l’interprétation, vers les
sonorités les plus impensables. On pourrait désigner cette donne dans le jeu musical
comme étant ‘l’élément flexible’.
Je chante aussi littéralement (la plupart du temps intérieurement) tout ce que je joue à
la batterie. Un autre élément, au moins aussi important, dans tout ce que je fais - et
donc certainement aussi dans ma musique - est la conservation de l’énergie. C’est
bien pour cela qu’il faut mesurer la musique, tout comme un surfer mesure la
puissance d’une vague roulante, pour en utiliser le plus d’énergie possible, la
maintenir au maxi-mum et ainsi devenir un avec elle. Chaque note que tu joues
contient déjà toute l’information sur la sui-vante, vers laquelle tu es en réalité aspiré
automatiquement. Cette note, tu ne peux pas la trouver au travers d’une pensée
rationnelle, mais bien en te livrant totalement à elle. C’est ce que nous désignons,
dans le processus (d’apprentissage) musical, comme étant ‘l’élément non-flexible’.
‘No judgement’ représente encore un autre élément important dans le processus
musical. Cela n’a aucun sens de se prendre la tête pour savoir si ce que tu joues est
beau ou laid. Dès que tu commences à porter un jugement là-dessus, tu te fragilises et
tu perds automatiquement une certaine confiance dans ton jeu. Après tout, ton
processus de pensée est un véritable maître ès paradoxes. Il t’imposera toujours des
limites dans ce que tu veux faire. Voilà justement ce à quoi il faut toujours résister,
autrement, toute spontanéité et toute honnêteté disparaîtra dans ce que tu veux faire.
En fait tout commence au moment de l’observation, de la perception, et dans la
manière dont tu décortiques ce que tu ressens. Assez souvent, c’est à ce moment-là
que la domination de l’intellect se manifeste. De cette façon, de nombreux musiciens
naviguent à contre-courant de l’énergie de la musique, alors que, selon moi, l’intellect
ne devrait servir qu’à stocker des expériences, y réfléchir, mais pas pour décider ce
que tu feras ou ne feras pas.
Je fonctionne le mieux avec des musiciens qui se laissent complètement porter par la
musique. Je travaille ainsi depuis quelque temps dans un projet électronique, avec
Joachim Saerens, un jeune pianiste. Jusqu’ici, il est le seul avec qui ce projet
fonctionne vraiment, puisque nous sommes sur la même longueur d’onde quant à la
façon de vivre pleinement le moment présent et d’en exploiter toute l’énergie.
Joachim utilise un Fender Rhodes comme source sonore, et personnellement je
n’utilise que de l’électronique. J’utilise également de plus en plus souvent l’ordinateur
portable. Mes sources d’inspirations ? Si tu veux vraiment entendre des noms : Elvin
Jones est pour moi le sommet absolu. Tony Williams était un véritable novateur. De
Philly Joe Jones et Mel Lewis, j’ai beaucoup appris, grâce à leur façon de faire sonner
une batterie comme un orchestre symphonique. Billy Hart et Paul Motian m’ont
apporté énormément de choses pour le développement de ma musique. Il s’agit là bien
entendu, d’un échantillon hasardeux de l’immense offre disponible.’

Pay Day In March


L’éducation musicale tous azimuts de Tom Wouters (°9 juillet 1971, Turnhout), que
nous connaissons de Flat Earth Society, Think of One et Kamikaze, et comme
présentateur du trio Pay Day in March, s’est déroulée au travers des disques de sa
mère et de son frère (Louis Prima, Louis Armstrong, Charlie Parker, Thelonious
Monk, mais aussi le Velvet Underground, Joy Division, Will Tura et Louis Neefs). A
neuf ans, il joue des percussions au sein de l’harmonie locale. Au solfège, il ne brillait
pas particulièrement à l’exercice de dictée. Aussi, lui conseillera-t-on, à l’âge de
quatorze ans, d’affiner son oreille par le jeu d’un instrument mélodique. Il choisit
alors la clarinette.
Tom Wouters a ainsi pu développer sa technique sur la clarinette basse de Peter
Vermeersch, prêtée pour une durée de deux ans. Le compositeur et percussionniste
Frank Nuyts, un des professeurs de Tom Wouters, a joué un rôle très important dans
son développement musical.
Tom Wouters : ‘Ces dernières années, je me concentre surtout sur la transmission la
plus spontanée et la plus fluide possible du groove et du swing, chose à laquelle je ne
pensais pas quand j’étudiais la musique. Mêmes les choses les plus compliquées que
l’on joue doivent être reçues comme simples et évidentes. Je me souviens d’un
concert de Captain Beefheart et de ses musiciens, je pensais ‘ça je peux le faire aussi’,
jusqu’à ce que je tente de le répéter chez moi…’

Jacques Pirotton
Jacques Pirotton est né à Xhoris (près de Liège), en 1955. Dès l’âge de quinze ans, il
joue de la guitare, en autodidacte, dans différents groupes de bal et de rock. Suite à sa
rencontre avec le jazz, il prend des cours de guitare avec Bill Frisell au Séminaire de
Jazz du Conservatoire de Liège. En 1980, lorsqu’il faisait partie du groupe de jazz-
rock Sambal Oelek, Jacques Pirotton opte pour la carrière de musicien professionnel.
Un an plus tard, il entame une étroite collaboration avec Jacques Pelzer. En 1984, ils
enregistrent un album, sous le nom The Two JP’s. Ensuite, Pirotton travaillera avec
e.a. Serge Lazarevitch, John Thomas, Jon Eardley, Garrett List, Chet Baker, Woody
Shaw, Dave Pike, Charlie Green, Steve Houben, Michel Herr et Guy Cabay.
En 1987, Pirotton crée Artline avec Eric Legnini (ky), Benoît Vanderstraeten (elb) et
André Charlier (dm), formation pour laquelle il composera plusieurs morceaux dans
le style fusion (‘Labyrinthe’, Lp). Il publiera encore quelques cédés avec ce trio, sans
Legnini. Parmi les différents albums où l’on retrouve Pirotton, on notera ‘Ocean’ et
‘Round’ de Octurn (W.E.R.F.).

Antoine Prawerman
Le clarinettiste Antoine Prawerman, né à Paris et séjournant actuellement à Bruxelles,
a déjà publié avec sa formation Deep In The Deep, deux albums de ses propres
compositions (‘Au Fond, dans la Mer, une Etoile se Reflète sur le Ventre d’Argent des
Poissons’ chez Art Public et ‘Snake Ear’, J.A.S.). Ce projet a depuis lors cédé la place
à Vegetal Beauty, où l’on rencontre autour de Prawerman, le trompettiste Laurent
Blondiau, le saxophone alto Stéphane Payen, le bassiste Luc Evens et le batteur
Franck Vaillant. Leurs représentations se déroulent souvent en collaboration avec
Mad Spirit, le collectif de danse hip hop de sa compagne, la chorégraphe Fatou
Traoré. Prawerman compose également régulièrement pour Octurn.
On retrouve Prawerman sur les cédés de Aka Moon (Carbon 7), le H Septet de Pirly
Zurstrassen (Carbon 7), La Grande Formation (Igloo et Carbon 7) et Frabrizio Cassol
et Kris Defoort (W.E.R.F.).
En 1998, Antoine Prawerman est désigné comme le meilleur clarinettiste de Belgique
par les radios publiques, tant francophone que flamande.
Antoine Prawerman : ‘Le fait que je me sois investi pendant tout un temps, de
manière intensive, dans l’étude des nombres, de leur logique et de leur mécanisme,
constitue un des éléments importants dans le processus de création de mes
compositions. Cela m’a notamment permis de maîtriser assez rapidement toutes sortes
de structures polyrythmiques complexes. Je pense ici surtout au théorème de
Pythagore qui est entre autre à la base du principe de l’harmonie arithmétique. Par
ailleurs, en composant, je suis également très attentif à l’équilibre parfait entre
rythme, harmonie et mélodie, trois éléments qui doivent toujours être présents. De
plus, toutes les manières de vivre la musique sont également essentielles, non
seulement à travers le chant, mais aussi par la danse ou simplement par l’écoute.’
Paolo Radoni
Paolo Radoni est né en 1949 à Cairo Montenotte (Italie). Encore très jeune, il s’établit
en Belgique avec ses parents. Très rapidement, Paolo va développer un intérêt marqué
pour la musique, allant du classique au rock et au jazz, en passant par la musique
populaire italienne et la variété. L’intérêt pour le jazz lui vient surtout de
l’impressionnante collection de 78 tours de ses parents. Dès l’âge de douze ans, il
commence à apprendre la guitare, en solitaire, manifestant déjà une très grande
ouverture d’esprit artistique. Dans le même temps, il avait déjà son propre groupe. A
quinze ans, il tient sa première guitare électrique. Il tente tout de suite de jouer des
morceaux des Shadows, des Stones et des Beatles, même si le jazz gardait sa
préférence.
De 1968 à 1971, Paolo Radoni fait ses débuts comme musicien professionnel dans
Here and Now, une formation de blues-rock progressif, avec Marc Hollander, Denis
Van Hecke, Vincent Kennis et Daniel Denis. Il deviendra rapidement aussi membre à
part entière de groupes cultes comme Kleptomania et Arkam (à nouveau avec Daniel
Denis). Pendant environ quatre ans, Paolo Radoni va revenir au monde du jazz en
compagnie de Chris Joris et du bassiste Sud-Africain Johnny ‘Mbizo’ Dyani, pour une
série de concerts et d’enregistrements.
Entretemps, Paolo Radoni ne se produit pas seulement dans la plupart des pays
européens, mais aussi au Japon, au Canada et en Afrique. Lee Konitz, Ricardo del Frà,
Paolo Fresu, Clifford Thornton, Christine Schaller, Joe Lovano, Rachel Gould, Joe
Lee Wilson, Francis Varis… il s’agit là simplement d’un échantillon de la longue liste
d’artistes avec lesquels il a travaillé.
Voici quelques années, Radoni forme un trio avec Jean-Louis Rassinfosse et Bruno
Castellucci, régulièrement élargi en quartet avec le pianiste Ron van Rossum. Ben
Sluijs, Bas Cooijmans et Félix Simtaine participent aussi régulièrement aux
formations de Paolo Radoni. C’est en leur compagnie, qu’en 1999, il publie ‘Coast to
Coast’ (Lyrae Records). Paolo Radoni enseigne la guitare au Conservatoire de
Bruxelles.
Paolo Radoni : ‘De mon temps, on avait encore des cours de musique à l’école
primaire. J’ai eu l’immense chance de recevoir ses cours d’un merveilleux instituteur
qui m’a appris à chanter. J’ai tout de suite fait partie de la chorale de l’école, mais je
me sentais déjà attiré par la guitare. A douze ans, j’en recevais une en cadeau de mes
parents, qui l’avaient achetée pour € 30. Je pouvais enfin m’accompagner en chantant,
comme je l’avais toujours rêvé.
Je me souviens aussi qu’enfant, j’ai souvent entendu Louis Armstrong à la radio.
Nous ne savions alors pas que c’était du jazz. Pour nous, cette musique représentait ce
que la pop est aujourd’hui. J’ai très vite compris que Armstrong jouait sur plusieurs
tableaux : chanter, jouer de la trompette, animer des émissions et même jouer la
comédie dans une série de films. A douze ans, je me suis donc plongé dans sa
biographie et son travail, car j’avais le sentiment que plus tard, je prendrais la même
direction. Pourtant, à cette époque j’écoutais tout aussi bien de la chanson, de la
variété, du rock que de la pop, bref la musique qui passait à la radio et que mes
copains écoutaient avec plaisir, avec au sommet The Beatles, The Rolling Stones, Jimi
Hendrix, Cream, The Who, Zappa et un millier d’autres noms. A l’école, avec notre
petite formation, on jouait le répertoire des Shadows, en privilégiant les titres qui
permettaient d’improviser. Ceci démontrait clairement une préférence pour le jazz,
mais il s’agissait d’un amour partagé : la place du blues a toujours été très importante
pour moi. Selon moi, le jazz doit en grande partie au blues, son sens de l’aventure et
de la liberté. J’en ai eu la confirmation lorsque j’ai fait partie du Ambach Cirkus de
Paul Ambach (avant qu’il n’ ’insécurise’ les scènes sous le nom de Boogie Boy). En
tant que promoteur de concerts, le premier artiste étranger que Ambach va faire venir
en Belgique sera Muddy Waters. La première partie était assurée par l’Ambach
Cirkus. Voilà probablement une des raisons pour lesquelles, aujourd’hui encore, dans
tous mes concerts de jazz, vous entendrez un peu de blues émerger. En réalité, j’ai
toujours considéré que le jazz et le blues, comme un immense drapeau, recouvrent un
territoire sans fins qui ne doit pas être compartimenté. En écoutant du jazz, je ne passe
pas mon temps à savoir si j’entends du New Orleans, du swing, du be-bop, du cool
jazz, même si j’appréhende clairement les différences entre toutes ces périodes. Ce
qui me gêne, c’est que l’on cultive de plus en plus ces différences. Comme si
l’industrie du disque et les médias, à l’encontre des principes de l’évolution naturelle,
voulaient faire croire qu’au bout de x années, quelqu’un va consciemment mettre en
avant un nouveau genre, avec une espèce de volonté darwinienne pour éliminer tout
ce qui précède. Les vrais novateurs ne considèrent d’ailleurs jamais leurs nouveautés
comme un objectif, mais beaucoup plus comme le résultat d’un parcours.
Avec le temps, a mûri la conscience que le be-bop représente un des piliers
fondamentaux dans mon développement personnel comme musicien. Autour de mes
vingt-trois ans, pendant un an, je n’ai pratiquement écouté que la musique de Charlie
Parker, ce qui m’a fait comprendre que le be-bop était la synthèse naturelle entre le
caractère spontané et sauvage du blues et la complexité structurée et sophistiquée de
la musique classique. Il faut écouter attentivement Art Tatum et Coleman Hawkins.
Ils reprennent parfois des passages entiers de compositeurs classiques dans leurs
improvisations, chose insolite pour l’époque.
Ce qui me rassure le plus dans la manière dont le jazz est vécu aujourd’hui par
beaucoup de musiciens et d’amateurs, c’est l’estompement des frontières entre les
différents courants. Pendant un même concert, on peut maintenant fort bien entendre
un mélange sain de swing, be-bop, fusion, latin jazz etc., sans que le public ne
considère qu’il s’agit d’une salade désordonnée de styles. Ce qui compte le plus dans
le jazz, c’est la personnalité au travers de laquelle l’artiste s’exprime, en se servant de
la façon la plus créative et la plus intègre possible de l’immense répertoire existant :
every music belongs to everybody, so let’s respect it.’

Jean-Louis Rassinfosse
Jean-Louis Rassinfosse est né le 09 janvier 1952 à Bruxelles. Il a commencé à chanter
des morceaux de chanson française (e.a. Brassens), de pop (e.a. Beatles) et du
répertoire rock, en s’accompagnant à la guitare. Il se produisait alors aussi avec son
propre groupe de blues. Le petit Rassinfosse a grandi avec la musique de big-band que
ses parents écoutaient souvent. Il a tout de même fallu du temps avant que l’écoute
d’un disque de Django Reinhardt ne l’attire consciemment vers le jazz. Le fait que
Emile Letellier, son sévère professeur de guitare, s’avérait être un amateur de jazz, a
conduit le jeune Rassinfosse à jouer de plus en plus de jazz à la guitare. A l’époque, à
l’écoute de disques comme ceux de Django, il suivait surtout la ligne de la basse, ceci
le décidera un jour à échanger sa guitare pour une contrebasse.

Jean-Louis Rassinfosse : ‘Mes doigts semblaient devenir trop grands pour la guitare.
J’ai d’abord tenté de résoudre le problème en utilisant une guitare douze cordes
comme une six cordes. Un jour, via une annonce dans un toutes-boîtes, j’ai pu
acquérir une contrebasse de 1920. Depuis lors, j’évolue dans la vie comme
contrebassiste. Je devais avoir plus ou moins vingt ans.’
En autodidacte, Rassinfosse commencera à jouer du Dixieland et du Middle Jazz sur
sa contrebasse, notamment au cours des nombreuses jams avec des musiciens comme
Marc Herouet et André Knapen, qui comme lui, feraient rapidement partie du
‘Dixieland Gamblers’ de Pol Closset., formation avec laquelle il réalisa son premier
enregistrement professionnel, six mois à peine après avoir joué ses premières notes
sur la contrebasse.
A l’époque, la Belgique ne comptait que très peu de contrebassistes. En dehors de
Roger Vanhaverbeke, Paul Dubois et Freddie Deronde, tous déjà actifs depuis quelque
temps déjà, et de Jean Warland qui lui, jouait quasi exclusivement à l’étranger, les
groupes de jazz devaient recruter leur contrebassiste à l’étranger. Rassinfosse
commençait à transcrire les parties de trombone pour sa contrebasse, ce qui
enrichissait la palette sonore de ses lignes de basse, et le faisait évoluer vers le be-bop,
lorsqu’en 1975, il rencontre le pianiste Charles Loos. Celui-ci venait de rentrer des
États-Unis, après y avoir étudié pendant un temps au Berklee College à Boston. Cette
rencontre fut le début d’une collaboration intense de près de sept ans. Entre-temps, en
tant que contrebassiste très sollicité, Rassinfosse avait déjà accompagné de nombreux
artistes de passage, parmi eux Bill Coleman, Slide Hampton, Philly Joe Jones, Sal
Nistico, Pepper Adams, Clifford Jordan, Joe Henderson et Michel Petrucciani. A
l’étranger aussi, on faisait souvent appel à ce contrebassiste qui évoluait de façon
extraordinairement rapide. C’est ainsi qu’à l’époque, il a joué au festival de Juan Les
Pins avec Sam Rivers et Martial Solal.
A vingt-quatre ans, Rassinfosse allait faire une autre rencontre importante, celle du
trompettiste Chet Baker, avec lequel il allait d’abord tourner non-stop pendant trois
mois, avant une période d’un an. De retour en Belgique, il fut demandé par presque
tout le monde pour des concerts et des enregistrements : Toots Thielemans, Etienne
Verschueren, Jacques Pelzer, Michel Herr, Philip Catherine, Richard Rousselet, Steve
Houben, Bruno Castellucci, Act Big Band, Saxo 1000 etc. Les rencontres régulières
avec Chet vont durer dix ans, pendant lesquels celui-ci enregistra six albums avec
Rassinfosse. Avec Philip Catherine, ils formaient un trio très sollicité en Europe.
Au début des années ’80, Jean-Louis Rassinfosse commence à enseigner au Séminaire
de Jazz à Liège. A la même époque, il fut le cofondateur de l’association ‘Les Lundis
d’Hortense’. Il publiera, avec Charles Loos, Greg Badolato, Serge Lazarévitch et
Félix Simtaine, ‘Sava’, le premier album du label LDH, créé par les fondateurs des
Lundis d’Hortense, et qui deviendra plus tard le très productif Igloo-Sowarex.
Jean-Louis Rassinfosse : ‘Aucun label major ne semblait alors intéressé par notre
musique, ce qui nous a conduit à prendre les choses en mains nous-mêmes : organiser
des festivals, enregistrer des albums et les publier, contacter des clubs de jazz etc. En
effet, tant que tu n’enregistres pas ta musique pour la publier, la présenter ainsi à
l’extérieur, elle n’évolue pas. C’est ce qui a conduit à la création de l’association des
‘Lundis d’Hortense’, qui devait s’occuper du sort des jeunes artistes de jazz débutants.
Elle devait aussi veiller au maintien de l’esprit du jazz, autrement dit, à une parfaite
sensibilité démocratique et à la liberté, tant dans la musique que dans les groupes qui
l’interprètent. L’improvisation - sur des standards connus comme sur du nouveau
matériel - qui constitue un des principes de base du jazz, symbolise cette liberté d’une
façon frappante.’
A la fin des années ‘80, Rassinfosse faisait aussi partie du trio d’Eric Legnini, avec
Stéphane Galland, que l’on peut retrouver sur plusieurs cédés.
Humour dans le jazz et un son reconnaissable
A l’occasion des concerts donnés par l’Ame des Poètes (cf. le récent ‘Elle est à Toi
Cette Chanson’, Igloo) et de son propre octet (cf. le récent ‘Crossworlds’, Igloo),
Rassinfosse annonce les différents titres du programme par des textes remplis
d’humour délirant et à double sens. Il brise ainsi auprès du public le cliché
d’intellectualisme qui colle aux formations de jazz d’aujourd’hui, et comble le fossé
qui séparait le public des artistes. De plus, son jeu de basse fort reconnaissable étonne
toujours et encore.
Jean-Louis Rassinfosse : ‘Le fait que j’ai toujours été attiré par la musique vocale se
traduit dans mon jeu à la contrebasse, qui est surtout mélodique, parfois même
mélancolique, plutôt que rythmique. Les contrebassistes qui jouent cantabile comme
par exemple Red Mitchell, une de mes grandes idoles, me touchent beaucoup plus,.’
S’agit-il là d’une explication pour la cinquième corde sur la contrebasse de
Rassinfosse ?
Jean-Louis Rassinfosse : ‘Lorsqu’à l’époque, j’ai acheté la contrebasse sur laquelle je
joue toujours aujourd’hui, j’ai bien entendu, été frappé par le fait qu’elle comptait une
corde de plus qu’à l’ordinaire. On m’a alors même proposé de la transformer pour en
faire une quatre cordes. Mais, en définitive, j’ai gardé l’instrument dans son état
d’origine, en y ajoutant une corde en do augmenté, ce qui a posteriori, explique
effectivement l’importance grandissante du facteur mélodique dans mon jeu de basse.
Surtout si on tient compte du fait que cette corde en do augmenté résonne plus
longtemps que les autres.’
En 1998, Jean-Louis Rassinfosse a été élu meilleur contrebassiste tant par les
auditeurs de la radio publique francophone (RTBF) que néerlandophone (VRT).

Daniel Romeo
Cet autodidacte qui n’a reçu par le passé, que quelques cours de Michel
Hatzigeorgiou, combine les styles de Jaco Pastorius et de Marcus Miller.
Fort sollicité par des artistes pops belges comme Axelle Red et Victor Lazlo, depuis
son appartenance à l’Electric Six (avec Eric Legnini, Stefano di Battista, Flavio
Boltro, Jean-Pierre Taieb et Paco Sery, le batteur du Joe Zawinul Syndicate), même à
Paris, Daniel Romeo n’est plus un inconnu. Ceux qui l’ont déjà entendu sur scène, aux
côtés de Kurt Van Herck, Nic Thys, Dré Pallemaerts, Eric Legnini ou Stéphane
Galland, reconnaissent son jeu de basse unique et énergique. De plus, ceux qui l’ont
déjà vu à l’œuvre, au sein de sa propre formation, dans laquelle se rencontrent Eric
Legnini toujours, l’organiste Hammond Bert Gielen, le guitariste Martijn Van Agt, le
saxophoniste Kurt Van Herck, le claviériste Xavier Tribolet et le batteur Patrick
Dorcean, sont persuadés que ce pays est trop étroit pour un si grand talent. Son
premier cédé, ‘Live At The Sounds’, est sans exagérer, d’un niveau international. Sur
son deuxième cédé, non encore publié au moment de boucler cet ouvrage, on trouve
pour deux titres, la participation du guitariste Mike Stern.

Richard Rousselet
(voir Historique et Ecaroh)
Slang
Voici quelques années, un monstre à trois têtes émergeait des marécages torrides, nés
de la pénombre toujours grandissante et de plus en plus excitante, entre le jazz, le rock
et les musiques du monde, pour se frayer un chemin vers un public de fans de plus en
plus important. De nombreuses influences s’unissent dans son cri, et conduisent vers
un son tout à fait neuf, où se découvrent le blues, le jazz à la Coltrane, le rock de
Hendrix, le jazz-rock de Tony Williams, la musique arabe, sans oublier des éléments
latino et flamenco. Le plus étonnant réside encore dans le naturel avec lequel ce
mélange de culture se traduit dans les compositions, toutes écrites par les membres du
groupe : le bassiste et chanteur François Garny (ancien accompagnateur de Arno et
Jack Bruce), le saxophoniste alto, soprano, flûtiste et chanteur Manuel Hermia et le
percussionniste et chanteur Michel Seba, réunis sous le nom de Slang.

Ben Sluijs
Ben Sluijs est né le 06 mars 1967 à Anvers. Après cinq ans de musique classique, il
suivra pendant quatre ans les cours du Jazz Studio et notamment, l’enseignement de
John Ruocco. Ensuite, Steve Houben deviendra son professeur dans la section jazz du
Conservatoire de Bruxelles.
Sur le premier cédé de Ben Sluijs on retrouve déjà Stacy Rowles, Dré Pallemaerts,
Nathalie Loriers et Stefan Lievestro. Depuis lors, le nombre de projets et de groupes
dans lesquels on retrouve Ben Sluijs s’accumule : Brussels Jazz Orchestra, Octurn,
Paolo Radoni Quartet, Ten-Tamarre, Jan Mues Septet, Emanon Five, Jos Moons Big
Band, Yellow City Big Band, BRT Big Band, Sax No End, Act Big Band, Myriam
Alter Quintet et l’ensemble de Jean Warland. Il a également travaillé avec Philip
Catherine, Joe Lovano, Michel Herr et Bert Joris.
En 1992, Ben Sluijs remporte le Jack Van Poll Award, et en 1999, le Prix Antoon Van
Dijck.
Avec son propre quartet, dans lequel le pianiste Erik Vermeulen, le contrebassiste Piet
Verbist et le batteur Eric Thielemans l’entourent pour interpréter ses compositions,
Ben Sluijs a déjà publié les cédés ‘Food For Free’ (On Purpose), ‘Candy Century’
(W.E.R.F.) et ‘Seasounds’ (W.E.R.F.). En même temps que ‘Seasounds’, sortait
l’album ‘Stones’ (Jazz’halo), en duo avec Erik Vermeulen.

Punk, new wave et jazz


Ben Sluijs : ‘Mon père écoutait exclusivement de la musique classique. Et, même si je
n’en raffolais pas, j’en ai tout de même gardé quelque chose, ce qui explique sans
doute les influences classiques dans mes compositions. D’ailleurs, mon père tenait à
ce que j’apprenne à jouer du violon, et m’inscrivait d’ailleurs pour cela, beaucoup trop
tôt, au cours, comme on allait le constater rapidement. Je n’arrivais pas à m’y intéres-
ser, et, malgré les cours privés construits à ma taille, je n’évoluais pas vraiment. Le
professeur a d’ailleurs fait comprendre clairement que j’étais encore trop jeune. Ma
première rencontre avec le jazz remonte à mes onze ans, quand mon frère est rentré à
la maison avec un disque de Joe Jackson, ‘Jumping Jive’, sur lequel celui-ci joue avec
tout un big-band. C’était l’époque du punk, suivie par la new wave et tous ses dérivés,
comme le reggae de UB 40 et le ska de Madness. J’en étais dingue. Le son du
saxophone dans tous ces groupes m’interpellait énormément, mais mon père ne
voulait pas m’en offrir un. Jusqu’au jour où, au grand soulagement de ma mère, je
suis parvenu à le convaincre, même si je ne pouvais pas abandonner le violon pour
autant. J’avais alors quinze ans. Heureusement, le saxophone est un instrument avec
lequel on peut, dès le début, évoluer très rapidement et de manière spectaculaire. Je le
constate encore maintenant avec mes élèves. Prenez Bart Defoort : il devait avoir dix-
huit ou dix-neuf ans quand il a commencé à jouer du saxophone, et regardez où il se
situe maintenant !
Je me souviens encore très bien quand ma mère est revenue avec le saxophone alto de
l’académie. J’ai tout de suite commencé à en jouer, et le soir même, je ne pouvais
même plus tremper mes lèvres dans un verre, à force de souffler, j’avais éclaté mes
lèvres. J’ignorais que l’anche devait être tournée vers le bas et non vers le haut ! Et
pourtant, cela ne sonnait pas si mal que ça ! Un an plus tard, je jouais déjà dans un
petit groupe de new wave.
Je me souviens aussi très bien à quel point, lors du premier cours suivi au Jazz Studio
à Anvers, qu’il a marqué de son empreinte, le charisme de John Ruocco
m’impressionnait. John parvenait à transmettre une étincelle gigantesque à ses élèves.
La liberté dont jouissait chacun m’attirait aussi beaucoup au Jazz Studio. J’y ai
rencontré des types chouettes comme Jeroen Van Herzeele, Frank Vaganée, Kurt Van
Herck (en fait un altiste, on l’entend à sa manière de jouer du saxophone ténor) et Nic
Thys. Ce dernier y avait déjà formé un petit groupe de funk, avec le batteur Bilou
Doneux, le pianiste Ivan Paduart et le saxophone ténor Frank Deruyter.’

A la recherche de sa propre identité musicale


Ben Sluijs : ‘Je suis persuadé que je dois mon besoin de liberté, tant dans la
composition que dans ma façon de jouer, à la domination parfois écrasante de mon
père, à laquelle je tentais en permanence d’échapper. J’ai l’impression que ma
musique contient une bonne dose de fuite, en tout cas, c’est ce que les gens viennent
parfois me raconter. Pour moi même, j’ai l’impression que je veux constamment jouer
pour m’effa-cer. Mais attention, je ne prétendrai jamais que je renouvelle le genre, car
ce n’est pas du tout le point de départ de ma démarche. La seule chose qui me
préoccupe, c’est de travailler de la façon la plus créative possible avec le matériau
existant, tout en restant le plus sincère possible avec moi-même. Je me remets
d’ailleurs constamment en question. Je ne sais pas encore vraiment ce que je veux. Par
contre, je sais très bien ce que je ne veux pas, et je le jette d’ailleurs tout de suite par-
dessus bord. Ici, je me rappelle souvent une des déclarations importantes de mon
professeur, et que je n’oublierai jamais : ‘Don’t play the way you want to play, just
play the way you play.’ J’ai toujours considéré la musique comme un mystère où on
retrouve la magie et la dynamique dans le son. C’est pour cela que j’accorderai
toujours beaucoup d’importance au lyrisme. Ceci ne signifie nullement de ma part un
jugement négatif de musiciens comme Steve Coleman, qui placent consciemment le
concept d’émotion à l’arrière-plan, et utilisent des ordinateurs pour écrire leurs
compostions, ce qui s’entend clairement d’ailleurs. En intellectualisant la musique, on
peut la rendre très complexe, ce qui peut donner des résultats très excitants et très
impressionnants. Mais, dans le même temps, cela enlève aussi toujours
automatiquement une part de mystère et de dynamique à la musique, en la
rationalisant et en la rendant ‘intelligible’. Personnellement, je continue à donner la
prio-rité à la magie et à la puissance de la simplicité de une ou deux notes jouées avec
intensité, au déluge de mélodies superposées sur une structure rythmique complexe.
Cela m’impressionne, mais me laisse plutôt indifférent.’
Emmanuelle Somer
Née en 1972, cette compositrice a fréquenté le Conservatoire de Bruxelles de 1989 à
1993, tandis qu’elle étudiait l’improvisation collective avec Fabrizio Cassol et Michel
Massot. Elle étudiera l’improvisation jazz pour hautbois et la compostion pendant
trois ans, au Berklee College of Music à Boston, avec comme professeurs, Greg
Baldato, Bill Pierce et Ken Pullig. En 1995, elle reçoit le Berklee Annuel Wind
Ensemble Concerto Composition Award. En compagnie du pianiste Marc Mangen,
Emmanuelle Somer formera le Somer-Mangen Quartet.
En tant que leader du Helios Quartet, dans lequel on retrouve e.a. le guitariste Peter
Mc Cann, elle interprète ses propres compositions, au carrefour du jazz moderne, du
jazz-rock, de la fusion et de l’avant-garde. Elle vient de former un nouveau groupe
avec Michel Massot, Chander Sardjoe et Marco Puntin. Enfin, en juin 1998,
Emmanuelle Somer a publié le cédé ‘The Appel Tree’ (Lyrae Records), avec son
Helios Quartet et les Tone Poets (avec e.a. Chris Potter et Jim Black).

Eric Thielemans
Né en 1969, Eric Thielemans commence à suivre des cours de percussions et de
solfège à l’académie d’Overijse, dès l’âge de dix ans. Ensuite, il étudiera le piano
classique, l’harmonie et le jeu d’ensemble à l’académie de Bruxelles. Au Jazz Studio
à Anvers, il aura comme professeurs Dré Pallemaerts et Jan de Haas. A l’occasion de
stages d’été, il suivra aussi les cours de Billy Hart. Enfin, Eric Thielemans a
également suivi plusieurs stages d’initiation à la musique indonésienne. Son style
raffiné à la batterie est en grande partie caractérisé par une quête permanente de
couleurs sonores. Cette approche est très appréciée par de nombreux musiciens : Erik
Vermeulen, Michel Hatzigeorgiou, Michel Bisceglia, Erwin Vann, Serge Lazarevitch,
Kurt Van Herck, Ben Sluijs… tous font régulièrement appel à ses talents, y compris
dans le monde du free jazz (Barre Philips, Eddy Loozen, Véronique Bizet).
En 2002, au Meent à Alsemberg, Eric Thielemans a participé à l’enregistrement du
nouveau cédé de Määk’s Spirit, la formation de Laurent Blondiau. La même année, il
a présenté son propre projet, Rrauw.

Think Of One
Cette joyeuse bande de nomades, qui se déplace dans une camionnette hors d’âge,
transformée en podium, produit une musique très séduisante, impossible à réduire
sous une étiquette. En public, ces musiciens constituent une vraie révélation : un petit
groupe désorganisé qui parvient néanmoins, avec beaucoup de soins, à sortir les
morceaux de musique les plus complexes de son chapeau. Le noyau de musiciens
autour duquel Think Of One fonctionne est composé aujourd’hui de David ‘Swa
Mobile’ Bovée (g, voc), Tomas ‘Matsi’ De Smet (b, bdm, voc), Tobe Wouters (tu),
Eric Morrel (ts), Bart Maris (tp) et Roel ‘Porino’ Poriau (dm), avec Tom Wouters (cl),
Jan Peeters (bs), Tom Pintens (ky), ainsi que Ruben Deprez (tb) et Stefan Blancke (tb)
comme collaborateurs occasionnels. Leur nouveau cédé ‘Naft 2’ vient d’être publié
par le label Zonk. Le dialecte anversois y trouve des accents maghrébins étonnants.
Quant au style de David Bovée, à la guitare, il est toujours au croisement entre feu
Frank Zappa et John Abercrombie. Les parties jouées par les souffleurs soulignent par
moments le caractère jazzy, même si l’élément fanfare, mélangé à d’autres fi-gures de
style ethniques, est toujours bien présent. Vous découvrirez tout sur cette formation en
allant sur les sites internet www.thinkofone.be et www.makerij.be

Nic Thys
Le bassiste Nicolas Thys (32) termine ses études au Conservatoire de Hilversum en
1993, avant de suivre des cours supplémentaires avec Marc Johnson, Marc Helias et
Dave Holland. Il devient rapidement un bassiste très sollicité. C’est ainsi qu’il a
collaboré avec e.a. Lee Konitz, Michael Clark, Toots Thielemans, Garrett List, Wim
Overgauw, Jasper Van ‘t Hof, Mark Turner, Bob Malach, Toon Roos, Rick Hollander,
Ferdinad Povel, Kris Defoort, Jarmo Hoogendijk, Richard Rousselet et Marc Ducret.
‘Live’ du K.D.’s Decade (W.E.R.F.), ‘Intensive Act’ de Félix Simtaine (Igloo), ‘Le
Singulier des Pluriels’ de Tomas & Co, ‘Another Day, Another Dollar’ du Kurt Van
Herck Quartet (Igloo), ‘Live’ et ‘The September Sessions’ du Brussels Jazz Orchestra
(BRTN et W.E.R.F.), ‘Moving’ du Bart Defoort Quartet (W.E.R.F.), ‘Into Pieces’ du
Eric Vermeulen Icarus Consort (Igloo), ‘Hybrid Offspring’ de Martinez Move
(VIAJazz), ‘Clair Obscur’ de Ivan Paduart (A Records), ‘Ocean’ et ‘Round’ de
Octurn (W.E.R.F.), ‘Buddies’ de Peter Hertmans (Jazz’halo), ‘Speed Life’ de Nils
Wogram (Enja), ‘Standards’ de David Linx (Travers) et ‘Swing Swing Songs’ de Bill
Carrothers ne constituent qu’une partie des trente albums sur lesquels on retrouve déjà
le nom de Nic Thys. En 1997, il publiera ‘Alice’s 5 Moons’ (Crossover), qui
représente selon Jan Kuijken, jusqu’ici la meilleure expérience musicale de sa vie. La
pochette est illustrée par une photo de Alice, la fille de Nic, avec au-dessus de sa tête,
les Five Moons, les cinq membres du quintet : Thys, Falk Willis (dm), Jan Kuijken
(cello), John Schröder (g) et Jeroen Van Herzeele (ts).
En 2000, Nic Thys s’installe à New York, sans aucun doute à la recherche de
nouveaux défis et d’un avenir meilleur. Il y travaille avec e.a. Bill Carrothers, Ben
Waltzer, Takuya Nakamura, D.D. Goodman, Dan Weezer, Christian Ulrich et le High
Noon Quintet avec le pianiste John Dryden.
Dans son propre pays, Nic Thys débarque régulièrement dans l’un ou l’autre club de
jazz, avec une préférence pour l’Archiduc (Bruxelles), comme invité de Take The
Duck, la formation de son frère, ou avec Dré Pallemaerts, à la suite d’un concert avec
le Bill Carrothers Trio. Bref, toutes les raisons sont bonnes pour traverser de temps à
autre l’océan et pour rendre une visite aux amis et à la famille.
Contrairement à des musiciens comme Philippe Aerts, Sal La Rocca, Roger Vanha et
Mario Pavone, qui ne jouent que de la contrebasse - du moins en public - ou Michel
Hatzigeorgiou, Daniel Romeo et Marcus Miller qui ne jurent que par la basse
électrique, Nic Thys appartient à cette catégorie de bassistes qui passent sans
difficultés de la basse électrique à la contrebasse et vice versa, comme Bart De Nolf,
Christian McBride, Stanley Clarke ou Lonnie Plaxico.
Nic Thys : ‘ J’ai commencé la basse électrique à douze ans, en jouant à l’oreille tout
le parcours du rock au funk. A dix-huit ans, j’ai étudié pendant un an au Jazz Studio
avec Maarten Weyler. J’y travaillais comme un fou sur mon instrument. Ensuite, je
me suis retrouvé au Conservatoire de Hilversum. Après un an, vers vingt-et-un ans,
mon professeur m’a demandé si je ne voulais pas passer à la contrebasse. Alors que je
n’avais jamais vu cet instrument de près, je m’y suis de suite senti à l’aise. Je n’ai
jamais éprouvé de difficultés pour utiliser ces instruments alternativement, même si je
reconnais que je dois plus m’exercer à la contrebasse qu’à la basse électrique. La
contrebasse sur laquelle je joue en ce moment est une Hawks d’Angleterre, du début
du 20ème siècle, comme Dave Holland à une certaine époque. Si je dois comparer les
Américains et les Européens dans leur approche du jazz, j’en arrive chaque fois à la
conclusion logique que chacun reprend automatiquement au moins une partie de sa
culture dans sa façon de jouer. Deux points de divergence sautent ici aux yeux. D’une
part, l’humilité avec laquelle la plupart des Belges jouent leur instrument, en contraste
très net avec le style de la majorité des Américains. D’autre part, quand je joue avec
des Américains, je sens très nettement qu’ils sont encore fort liés à la culture
traditionnelle du jazz, telle qu’elle s’est développée sur leur continent, au travers de ce
mélange de cultures des quatre coins du monde, rassemblés alors chez eux par le jeu
du destin. Il ne me semble pas utile ici d’entrer dans les détails : l’histoire est décrite
amplement dans de nombreux ouvrages. Si je devais choisir dans le monde, un lieu où
habiter, je choisirais certainement la Belgique, même si je dois bien avouer que je
m’en sors très bien aux États-Unis, ou plus précisément à New York, la bouillonnante.
Le vendredi qui a suivi le fameux 11 septembre 2001, j’ai participé à une jam non
annoncée dans un club de jazz, où nous étions un certain nombre de musiciens à nous
être réunis. L’écoute entre nous était impressionnante, et la magie que nous avons tous
ressentie m’a donné beaucoup d’espoir dans l’avenir de la musique, qui joue encore
pleinement son rôle de moyen de communication important, surtout en ces temps de
catastrophes et de désolation. C’est justement cet objectif supérieur qui nous donne la
force nécessaire pour ramer à contre-courant des principes qui régissent les grandes
institutions commerciales et leurs dirigeants. Pour eux, depuis longtemps, ce n’est
plus le fond qui prime, mais la forme.’

Alexi Tuomarila Quartet


En 1999, au cours de la 21ème édition de l’International Jazz Contest à Hoeilaart, le
pianiste Alexi Tuomarila, né à Pori (Finlande) et alors âgé de 25 ans, remportait le
prix du meilleur soliste. Son quartet était composé du saxophoniste ténor Nicolas
Kummert, du contrebassiste Christophe Devisscher et du batteur Teun Verbruggen.
La formation a tellement impressionné le public comme le jury, qu’elle remporta aussi
le premier prix.
Alexi Tuomarila commence à jouer du piano à quatre ans, en suivant la méthode
Suzuki, et de 1980 à 1992, il étudie le piano classique à l’académie finlandaise Espoo
Music. Ensuite, pendant deux ans, il sui-vra les cours du Oulunkyla Pop & Jazz
Conservatory à Helsinki. En 1994, Alexi Tuomarila s’installe en Belgique, où il reçoit
l’enseignement de Diederik Wissels et Nathalie Loriers, jusqu’en 1999, au
Conservatoire Royal de Bruxelles. Sur le premier cédé du quartet (‘Voices Of
Pohjola’, Igloo), on entend clairement comment Tuomarila transpose des éléments de
la musique folklorique finlandaise dans ses compositions aériennes et transparentes,
ce qui explique d’ailleurs en partie leur caractère. En 2002, le Alexi Tuomarila
Quartet a été signé par Warner Music.
Frank Vaganee
Frank Vaganée est né le 19 mars 1966 à Malines. A sept ans, il commence à étudier la
musique au sein de l’harmonie locale. Il poursuit en étudiant la musique classique au
Conservatoire de Malines et ensuite à celui d’Anvers. Vers quatorze ans, il entre en
contact pour la première fois avec le jazz.. Il s’inscrit alors rapidement au Jazz Studio
où il suit les cours de John Ruocco.
Un an plus tard, il dirige plusieurs formations, et en 1985, on le retrouve déjà à
l’affiche du Jazz Middelheim. A partir de 1986, il fera partie du BRT Jazz Orkest
comme saxophoniste free-lance, au moment où Bob Porter occupe le poste de chef
d’orchestre. Il tourne ensuite en Europe et au Japon, au sein du Glenn Miller’s
Timeless Orchestra, avec lequel il a aussi enregistré un cédé.
En 1991, alors qu’il faisait déjà partie du Del Ferro-Vaganée Group (avec le pianiste
néerlandais Mike Del Ferro) - un quartet avec lequel il a tourné de manière intensive
pendant quatre ans, tout en enregistrant deux cédés - Frank Vaganée va publier son
premier cédé, ‘Picture A View’ (B-Sharp), avec son propre quintet (Vaganée,
Christoph Erbstösser, Frans Van der Hoeven, Dré Pallemaerts, Chris Joris).
En 1993, Frank Vaganée contribue à former le Brussels Jazz Orchestra. Cinq ans plus
tard, il forme le groupe avec lequel il publie le cédé ‘Two Trios’ (W.E.R.F.), composé
du contrebassiste Rosario Bonaccorso et du batteur Dré Pallemaerts. En 2001, il reçoit
le Django d’Or belge, tandis qu’on le sollicite pour rejoindre la formation Jambangle
de Karel Van Marcke, créée en 2000. Aujourd’hui, il enseigne au Conservatoire de
Gand, ainsi qu’au Lemmensinstituut à Louvain. Dans la série ‘The Finest In Belgian
Jazz’, on peut entendre Frank Vaganée sur les cédés ‘The Music of Bert Joris’ du
Brussels Jazz Orchestra et ‘Tombouctou’ du Nathalie Loriers Trio + Extensions.

Frank Vaganée : ‘A sept ans, sous l’influence de mon père, j’ai rejoint l’harmonie
locale, comme mes deux frères. Au sein de l’harmonie s’est rapidement constitué un
ensemble à partir des nombreuses jeunes recrues de la formation. La trompette que
l’on m’avait mise dans les mains s’avéra, selon moi, rapidement inadéquate. Le bugle
que je reçus en remplacement ne me convenait pas tandis que j’étais encore trop petit
pour le trombone de cavalerie : l’extrémité touchait le sol ! Ce fut donc le saxophone
ténor, qu’ils avaient encore en réserve, alors que ma main droite ne parvenait pas
encore à toucher les clés inférieures. Comme je me sentais le plus attiré par cet
instrument, au final j’ai joué du saxophone alto.
A huit ans, comme une suite logique à la formation au sein de l’harmonie, on m’a
inscrit à l’académie, et, au bout d’un temps, j’ y ai suivi des cours classiques pour le
saxophone alto, la flûte traversière et le piano.
Je devais avoir treize ou quatorze ans, lorsque j’ai rencontré René Jonckeer, à
l’occasion d’une soirée traditionnelle de concerts entre harmonies et fanfares. Il
dirigeait un autre orchestre, avant de clôturer la soirée avec son big band. Je ne savais
pas ce que j’entendais là. Pour la première fois de ma vie, j’étais confronté à la masse
de décibels et à l’énergie débordante qu’un big band peut produire. Cette musique se
situait à des kilomètres de ce j’étais habitué à entendre au sein de l’harmonie, tout
comme cette façon pour les musiciens de se lever l’un après l’autre pour jouer un solo
et après, de continuer à jouer comme si rien ne s’était passé. J’allais rapidement
participer à leurs répétions, et me retrouver ainsi sous l’emprise du jazz pour big band.
Ves 1981, je suis allé avec mon frère suivre des cours de jazz, organisés un dimanche
sur deux par la Halewijnstichting. Là, se déroulaient aussi des workshops organisés
par Maarten Weyler, qui jouait alors la basse dans le big band de René Jonckeer. Par
une accumulation de hasards, ces cours étaient aussi suivis par des gens comme Erwin
Vann, Kurt Van Herck, Dré Pallemaerts, bref toute la bande - en fait des gens de mon
âge - y était rassemblée.
Je suis parvenu assez rapidement à improviser, et à partir de là, tout s’est accéléré. Le
Jazz Studio est né à la suite de ces cours de jazz, où nous nous sommes inscrits tous
les onze (aux musiciens déjà cités ci-dessus, il faut e.a. ajouter Hendrik Braekman,
Kris Goessens et Piet Verbist, alors que Ben Sluijs nous a rejoints un peu plus tard ).
On y a suivi l’enseignement de John Ruocco, que je connaissais depuis un temps déjà,
étant donné qu’il habitait aussi à Malines, à un kilomètre de chez nous. Il lui arrivait
parfois de jouer avec le big- band, et un jour, intrigué par ma manière de jouer, il a
demandé à René si cela m’intéresserait de suivre des cours avec lui, ce qui s’est
finalement réalisé. Néanmoins, je tenais à poursuivre ma formation au Conservatoire
Royal d’Anvers, où il valait mieux qu’on ignore tout de ma participation au Jazz
Studio, autrement on m’aurait sans aucun doute mis à la porte.
J’ai passé des années fructueuses au Jazz Studio, surtout grâce au fait que l’on pouvait
y jouer et jammer pendant toute la journée, ce qui nous conduisait automatiquement à
faire des rencontres excitantes. De plus, en 1983, j’y ai constitué mon premier quartet,
d’où est né plus tard le quintet Tough Talk, avec lequel j’ai donné mon premier
concert devant un public important, à l’occasion du festival Jazz Middelheim, en
1985. Plus tard, de 1987 à 1990, j’ai aussi donné cours au Jazz Studio, avant de
devenir membre du Timeless Orchestra de Glenn Miller, pendant deux ans. Ensuite,
j’ai enseigné pendant deux ans à Amsterdam, dans la section jazz du Sweelinck
Conservatorium.
En 1993, l’année où j’ai contribué à la création du Brussels Jazz Orchestra, on m’a
sollicité pour donner cours au Lemmeninstituut et au Conservatoire de Gand, deux
jobs que j’exerce aujourd’hui encore avec le plus grand plaisir.’

Pierre Vaiana
Né le 14 octobre 1955 à Waterschei, Pierre Vaiana avant son premier anniversaire,
déménage avec ses pa-rents à Seraing, commune de la région liégeoise. A quinze ans,
il commence à jouer du saxophone soprano. Ce n’est qu’en 1976 qu’il entame des
études consacrées au jazz. Au Conservatoire de Liège, il suit les cours du séminaire de
jazz donnés par Jacques Pelzer et Steve Houben, par Steve Lacy et Karl Berger, ainsi
que par Garrett List pour la classe d’improvisation. En 1981, Pierre Vaiana rejoint
l’Act Big Band de Félix Simtaine. D’autres groupes vont suivre rapidement : Diva
Smiles, Pirly Zurstrassen Quintet, Richard Rousselet Quintet… Trois ans plus tard, il
forme avec succès son propre trio sans piano, Trinacle, avec Hein van de Geyn et
Félix Simtaine (album pour le label Igloo). Par ailleurs, comme on peut le lire dans cet
ouvrage, Charles Loos évoque Les Iles Déchaînées, une composition de Henri
Pousseur, avec Pierre Vaiana comme un des interprètes. De 1986 à 1990, il poursuit
des études auprès de Joe Lovano, à la Brooklin School of Music, à New York,
entrecoupés de quelques courts séjours en Belgique, jusqu’ à l’obtention du très prisé
titre de Bachelor in Fine Arts.
En 1988, il participe au projet A Lover’s Question, avec e.a. David Linx, Bob Stewart,
Toots Thielemans, Pierre Van Dormael, Byard Lancaster et James Baldwin, à qui
l’œuvre est dédiée. La même année, il enregistre l’album ‘Eldorado’ (Igloo) avec Trio
Bravo et participe régulièrement aux jams légendaires organisées au Kaai, aux côtés
des musiciens qui formeront plus tard Aka Moon.
Au cours de son séjour à New York, il a l’opportunité de jouer avec Butch Morris,
Mike Formanek et Tito Puente. Il y retournera en 1992, pour enregistrer un album
avec Formanek, Salvatore Bonafede et Jeff Hirshfield. La même année, il fonde le trio
L’Ame des Poètes avec Jean-Louis Rassinfosse et Pierre Van Dormael, remplacé plus
tard par Fabien Degryse. Ils ont enregistré quatre cédés pour le label Igloo. Le label
Jazz’halo publiait en 1993 le cédé ‘Bihogo’ de Chris Joris, auquel Pierre Vaiana a
collaboré. Au milieu des années ’90, Pierre Vaiana va séjourner pendant quatre ans à
Ouagadougou (Burkina Faso), pour y enseigner. Avec son groupe Foofango, ramené
du Burkina Faso, il a déjà publié deux cédés pour son propre label Azeto, du même
nom que l’ethno fanfare dont il fait également partie. Pierre Vaiana collabore aussi
régulièrement avec le pianiste malien Jo Kaïat qui tente depuis plusieurs années de
transposer la musique pour balafon au piano. Pierre Vaiana : ‘ Je proviens d’une
famille sicilienne où l’on écoutait beaucoup de musique. Mon père était un amateur
passionné d’opéra. Je voulais plus qu’écouter simplement de la musique. A quatorze
ans, je me suis ainsi inscrit à l’académie de Seraing ( je suivais déjà des cours d’arts
plastiques à l’Académie des Beaux-Arts). Je me suis tout de suite contenté du
saxophone soprano qu’on me proposait, d’autant plus que j’écoutais déjà beaucoup la
musique de Sidney Bechet et John Coltrane, même si Jimi Hendrix et Eric Clapton
étaient aussi mes idoles. Imagine-t-on que l’on pouvait alors entendre cette musique à
la radio, grâce au programme Cap de Nuit de Marc Moulin ? A l’époque, j’ai tout de
même hésité entre le saxophone soprano et la guitare, que je devais rapidement
chasser de mes pensées, par manque d’argent. Je n’ai pas regretté une seconde d’avoir
finalement opté pour le saxophone soprano. Car, dès que je suis rentré avec
l’instrument chez moi, j’en ai joué tous les jours, comme un fou. J’étais (encore
maintenant) réellement amoureux de cet instrument.
A l’académie, j’ai tenu le coup pendant un an. On y interdisait formellement de jouer
du jazz, c’est dire si on pouvait l’y apprendre, alors que pendant le même temps, avec
des amis, on improvisait sur des thèmes de jazz-rock. Les standards du jazz ne nous
intéressaient pas encore, surtout depuis le concert de Miles Davis aux Palais des
Beaux-Arts, en 1973. A l’époque, même Jacques Pelzer jouait plus de jazz-rock que
de jazz, avec son Open Sky Unit.
Jusqu’à l’âge de vingt et un ans, j’ai joué de la musique en amateur. Après la fin de
mes études aux Beaux-Arts, en 1976, j’ai loué un atelier où je peignais seul jour après
jour. Pour échapper à cette solitude, je décide un soir de me rendre dans un club de
jazz, et alors, l’habitude s’est installée d’aller traîner dans les cafés jazz où on
pratiquait les jam sessions. La grande fureur du jazz-rock s’était un peu calmée tandis
que les standards et le be-bop revenaient en force. C’est dans ces clubs que j’ai fait la
connaissance de Lou Mc Connell, un Américain qui habitait à Liège, et qui me
donnait pour la première fois l’occasion de connaître les saxophone ténor de près. J’ai
alors même pu lui en acheter un, en suivant des cours chez lui, jusqu’à la fin des
années ’70, début des années ’80, quand Steve Houben et Henri Pousseur ont créé le
séminaire de jazz à l’intérieur du Conservatoire Royal de Liège. Nous sentions que les
choses allaient vraiment devenir sérieuses. D’ailleurs on a tout de suite vu des gens
intéressants s’y inscrire : Kris Defoort, Michel Massot, Fabrizio Cassol, Pierre
Bernard… On sentait que quelque chose s’y passait. J’allais d’ailleurs rapidement
jouer dans différentes formations, parmi lesquelles le Act Big Band, et en 1984 je
lançais mon propre groupe, le trio Trinacle. Deux ans plus tard, je suis allé vivre à
New York, avec ma famille, pendant quatre ans. Pendant la journée, je travaillais pour
entretenir ma famille, et le soir je jouais du jazz.
Mon amour pour le saxophone soprano et la technique que j’ai développée pendant
des années, me donnent aujourd’hui la possibilité de m’exprimer dans les trois
registres où je me sens chez moi : celui du jazz traditionnel, avec ses standards, ses
ballades et son be-bop, celui de la musique du bassin méditerranéen et celui de la
musique africaine. J’aime le défi qui consiste à faire sonner mon saxophone soprano
comme un instrument ethnique des traditions arabes ou africaines. Je dois préciser ici,
que sans l’embouchure en argent de François Louis, je n’aurais pas pu développer le
son que je produis aujourd’hui sans peine au saxophone.
Le fait de pouvoir improviser, je le dois entièrement au jazz et à la musique
improvisée contemporaine, les deux mondes où, depuis mon adolescence, je me
déplace jour après jour. Je suis parti très loin dans la recherche des racines du jazz et
de ma propre identité : j’ai habité quatre ans aux États-Unis et ensuite encore quatre
ans en Afrique. La conscience très forte que je ne suis ni un Américain, ni un
Africain, ne m’a pas empêché de plonger le plus profondément possible dans leurs
cultures respectives, avec comme objectif, à chaque retour en Belgique, de livrer une
contribution aussi grande que possible à la vie de la culture jazz. Ceci explique ma
participation aux événements organisés au Kaai, ma contribution dans la création de
l’Ame des Poètes, ainsi que ma quête de nouvelles formes d’improvisation au travers
de rencontres avec des musiciens d’autres cultures, ce qui m’a conduit aux projets
autour de Foofango et de l’Azeto Orkestra. Aujourd’hui, cette quête me mène vers la
mer Méditerranée. Je viens de terminer une tournée au Maroc, avec Jo Kaïat, un
musicien fantastique ! En même temps, ici en Belgique, Chris Joris est un musicien
qui continue à m’enthousiasmer beaucoup. Je partage avec lui cette opinion sur la
musique : la musique est un moyen de communication universel qui rapproche les
gens de par le monde, sans qu’ils ne sachent parler les différentes langues ou ne
connaissent les différentes cultures.’

Bart Van Caenegem


Fils d’un pianiste de Dixieland, Bart Van Caenegem a côtoyé le piano dès le plus
jeune âge. Après ses humanités artistiques à Louvain, il suit les cours de Jan
Vermeulen, Ron van Rossum, Bert Joris, Philippe Aerts, Frank Vaganée et Dré
Pallemaerts, au Lemmensinstituut. Aujourd’hui, il enseigne en humanités artistiques à
Anvers. Bart Van Caenegem a travaillé avec e.a. Dré Pallemaerts, Chris Joris, Gino
Lattuca. Depuis quelques temps déjà, il se produit avec le High Voltage Sextet, et fait
depuis peu, partie du Brussels Jazz Orchestra et de la formation De Frivole Framboos.
Son propre trio est composé de Peter Verhaegen à la contrebasse et Lieven Venken à
la batterie.
Bart Van Caenegem : ‘Je regrette que l’enseignement classique soit quasi
exclusivement dirigé sur la seule reproduction de notes, alors que l’on pourrait tout
aussi bien y apprendre à improviser comme dans le jazz. Personnellement, dans la
quête de ma sonorité personnelle, je tente de rapprocher la musique classique et le
jazz, deux univers longtemps très séparés dans ma tête.’
Johan Vandendriessche
Certains se rappelleront peut-être de Johan Vandendriessche au sein de Milkshake
Banana, la formation avec laquelle il remporte les Concours International de Jazz à
Hoeilaart, en 1979. Sinon, il est fort probable que son nom renvoie à l’un ou l’autre
artiste ou formation de renom : Philip Catherine, Toots Thielemans (avec lequel il a
enregistré un album), Randy Crawford, Debbie Harry (Blondie), Roger Hodgson, le
BRT Big Band, BRT Jazz Orkest sous la direction de Etienne Verschueren (et plus
tard Bob Porter), BRT Filharmonisch Orkest, Act Big Band sous la direction de
Michel Herr, West Deutsche Rundfunk Big Band, Filharmonisch Orkest de Flandre,
Dirk Van Esbroeck, Claude Maurane, Raymond van het Groenewoud, Johan
Verminnen (pendant 7 ans), Claude Nougaro, Clouseau… Il est peu de formations
auxquelles Johan Vandendriessche n’a pas participé ! Le 30 avril 1995, au saxophone,
il a même joué à l’occasion du Purple-Cucumberconcert aux côtés de The Zucchini
Rocking Teenage Combo, Robert Martin, Jake Newman, Andy Jacobson, Andy
Treacey, Danny De Cort, le BRTN Filharmonisch Orkest et Bart Maris, ce qui lui a
permis de mieux connaître ce dernier, trompettiste polyvalent, avant de le présenter à
Marc Moulin, pour participer au projet ‘Top Secret’. Par ailleurs, Johan
Vandendriessche a également eu un trio au sein duquel il jouait de la batterie, avec
Mimi Verderame à la guitare.
Comment dites-vous ? Vous voudriez le rencontrer personnellement ? Lui demander
un autographe ? C’est possible, il suffit de s’inscrire au Conservatoire de Gand pour y
suivre les cours d’harmonie, d’histoire du jazz et de la pop, d’étude des orgues, il
signera ainsi vos résultats obtenus, en sa qualité d’enseignant. Vous connaissez
probablement aussi Johan Vandendriessche de Jive Talk, son propre quartet de
rhythm’n’jazz, même s’il est plus probable de l’avoir vu au sein du trio ‘The
Demagogue Reacts’ aux côtés de l’organiste (Hammond) Paul Flush et du
percussionniste ethnomusicologue Frank Michiels. Dans ce trio, Johan
Vandendriessche joue de la clarinette basse, de la flûte traversière, des saxophones
soprano, alto, ténor et baryton, mais aussi de la batterie en combinaison avec des
congas, ududrums, un Korg-Wavedrum, des cloches, ainsi qu’un didgeridoo
improvisé à partir d’un banal tube en PVC et encore une dizaine d’autres instruments-
percussions et un sampler mis au point par Frank Michiels. De son orgue Hammond,
Paul Flush tente de créer des sonorités très différentes en complément des mélodies
exécutées de manière parti-culièrement subtile. ‘Action-Reaction’ (Lyrae Records) est
le titre du cédé que le trio vient de publier, et le titre du morceau ‘Take The B-Train’
renvoie au modèle B3 du Hammond. Point de départ de l’entretien avec le multi-
instrumentiste Johan Vandendriessche : ‘Un jour Paul Flush a tout abandonné à
Eddinbourg, pour s’établir avec femme et enfant à Wakkerzeel. Quand il est venu me
rendre visite, je lui ai montré mon orgue Hammond. Il faut savoir que depuis 1967,
lorsqu’il est devenu musicien professionnel, Paul jouait presque exclusivement sur
Hammond. Ce n’est que plus tard qu’il s’est produit plus souvent comme pianiste. Au
cours de sa visite chez moi, il a repris goût au Hammond, et s’en est racheté un. En
réalité, l’orgue Hammond, bien plus que le piano, peut être considéré comme un
orchestre en soi.

Hammond et jazz
Johan Vandendriessche : ‘Parfois, je me pose même la question de savoir si l’orgue
est bien un instrument, étant donné que les touches de cet appareil électromagnétique
sont en fait des commutateurs et que le volume est commandé en permanence par le
pied droit. Le son est produit via une synthèse additive. Les instruments électroniques
tombent aussi sous l’étiquette instruments. D’un autre côté, je considère aussi que
l’orgue Hammond est un des instruments les plus complets qui existe. D’ailleurs, avec
le temps, j’ai jeté tous mes synthétiseurs par la fenêtre. Mon Hammond, je l’ai
toujours conservé chez moi. Le désavantage de la disponibilité de la basse au pied
avec les orgues Hammond B3 ou le A100, est leur utilisation trop fréquente pour
sonner précisément comme un orchestre complet. La musique en devient surchargée
et sonne même de manière emphatique. Beaucoup d’organistes tiennent absolument à
exploiter toutes les possibilités de l’instrument, et de préférence en même temps.
Comme s’il souffrait d’une forme aiguë d’horror vacui ! Dans le jeu moderne de
l’orgue Hammond, auquel Paul Flush s’adonne, on recherche justement ces espaces
remplis inutilement, pour ne maintenir que le dialogue entre les deux mains. Il suffit
d’écouter le jeu subtil de Larry Young ou de Dan Wall, où l’on entend un jeu continu
de questions et de réponses entre les deux mains. C’est de la sensibilité, c’est du
Bach ! Même Joey Di Francesco qui semble ne jouer de la basse qu’avec ses pieds,
double en réalité ce jeu avec sa main gauche. Beaucoup de joueurs de Hammond
gonflent le mythe de la basse au pied, partant du principe qu’ils ont vu ça chez des
organistes comme Jimmy Smith, Jimmy McGriff ou Eddy Louiss, alors que la plupart
des vrais organistes de jazz n’utilisent que la main gauche pour jouer les basses. Pour
quelle autre raison pensez-vous qu’ils demandent tous un Hammond B3 ou A100 sur
scène ? Justement parce qu’ils disposent d’une registration qui permet de jouer la
basse à la main gauche, ce qui n’est pas le cas des orgues rock comme les modèles
L100 ou C3 de Hammond. On y a éliminé quelques générateurs de sons, partant du
principe que grâce à la présence automatique d’un bassiste, la main gauche serait
libérée pour jouer aussi des accords. D’ailleurs, pour jouer une ligne de basse fluide,
on devrait en fait utiliser deux pieds, et se trouver ainsi dans l’impossibilité de
commander la pédale du volume avec le pied droit. Néanmoins, chez tous ces grands
organistes de jazz, j’entends toujours une ligne de basse très fluide. C’est assez
significatif non ?’
Celui qui ‘jazzifie’ la musique populaire se livre souvent à la critique et à la
condamnation, alors qu’en fait, le jazz est né en partie de ce type de processus.
Johan Vandendriessche : ‘Ce qui m’irrite énormément de la part de prétendus
connaisseurs en jazz et de certains musiciens, c’est ce comportement réactionnaire qui
consistait hier à adorer le swing jazz, comme un veau d’or, et à s’opposer au rock,
funk , hip hop et autres styles, désignés comme des infiltrations dans un genre musical
qui devait, selon eux ,conserver une forme de pureté. Ce, jusqu’au moment où leurs
propres idoles se sont mises à expérimenter avec ce qui était détestable, et étiqueté
comme anti-jazz. Ils ont alors subitement négocié un virage à 180°, pour se lancer
comme spécialiste du rock, du funk, du hip hop ou de la techno, ou sont partis en
tournée avec un DJ et un rapper. Mais, je ne citerai pas de noms.’

Pierre Van Dormael


Le guitariste Pierre Van Dormael (Uccle 1952) compose, depuis plus de vingt ans de
la musique improvisée qui fait autorité. Au sein de la formation Faider Reunion
(1980-1981), il développe la musique ‘cyclique’, en superposant plusieurs longueurs
de mesure. A l’instar de Steve Reich, la musique répétitive est ainsi étendue vers une
répétition non-globale, inspirée par la nature et la philosophie de Henri Bergson. Van
Dormael a poursuivi ses recherches autour de la musique cyclique avec le Duo Etoiles
(1982), le Van Dormael Orchestre (1983) et le trio Suite Normande (1984). Il écrit
aussi pour des projets chorégraphiques - Verified - et en musique contemporaine - Ciel
bleu et mouvements à différentes hauteurs du paysage sur 3 tempos différents et dans
la tonalité des oiseaux. Entre-temps, en 1981, Van Dormael avait également enregistré
‘L’étendue des extrêmes’, son manifeste sur la théorie de la symétrie des tensions
dans la musique Afro-américaine, développée plus tard dans son cédé ‘A Lover’s
Question’ (avec David Linx et James Baldwin), avec le quartet Natural Logic (avec
Steve Coleman, Bob Stewart et David Linx, 1987), ainsi qu’avec Nasa Na (avec
Frabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland 1989-1992).
Pierre Van Dormael s’est établi au Sénégal de 1994 à 1997, pour y étudier les
principes de la polyphonie rythmique africaine, et élaborer une théorie qu’il nommera
‘Harmonie Rythmique’, basée sur la symétrie des tensions dans le temps.
Il publie le cédé ‘Djigui’, en 1997, avec Soriba Kouyaté et Otti Van der Werf, et en
2001, le cédé ‘Vivaces’, sur lequel il va lier les principes précités à un développement
plus avancé de l’harmonie.

Dans sa vie, Pierre Van Dormael a finalement opté pour le jazz pour trois raisons
fondamentales : ‘En premier, parce que j’adore improviser. Enfant, lorsque je jouais
quelque chose de Bach sur mon violon, à partir de la troisième mesure, je commençais
déjà à modifier la mélodie, quelle qu’en soit la beauté. Deuxième raison : le jazz,
contrairement à la plupart des autres ‘nouveaux’ styles de musique du 20ème siècle,
ne s’est jamais détaché de la tonalité sur laquelle les œuvres maîtresses de la musique
européenne étaient construites, ni de la simplicité des morceaux de la musique
populaire, basée sur des sentiments, l’amour et la vie elle-même. Troisièmement : la
rencontre entre les traditions africaines et européennes dans un contexte social
américain a conduit à des changements dans la manière dont la musique fonctionne.
Ces changements n’auraient jamais eu lieu ni en Afrique, ni en Europe. En d’autres
mots, le jazz est une nouvelle sorte de musique qui nous apporte la solution pour le
développement de la tonalité, solution que les Européens n’étaient pas en mesure de
trouver. Je vois le jazz comme un outil pour l’organisation, la créativité, la liberté et
pour exprimer la vie, et non pas comme quelque chose du passé.’
Quant à son approche personnelle de la musique, Pierre Van Dormael déclare : ‘J’ai
toujours tenté de comprendre comment les choses cheminent, comment la musique
fonctionne. Cela m’a pris beaucoup de temps de tout déconstruire, et plus de temps
encore pour rassembler le tout. En analysant et en jouant tous les styles de musique
possibles, j’ai appris que la qualité dans un style peut devenir un défaut dans un autre.
Ma musique n’est pas basée sur des règles ou des idiomes, mais sur des principes.
Chez Miles j’ai trouvé une indication quant au secret de la musique noire américaine
d’après la guerre de sécession de 1865, chez Duke Ellington, la manière pour la
rendre accessible à un public blanc, chez Charlie Parker, comment on peut jouer trois
lignes mélodiques en même temps sur un instrument, chez John Coltrane, comment
on peut approcher la tonalité de façon mathématique, chez Joe Zawinul, comment on
peut obtenir l’effet sonore d’un médiator en jouant avec les doigts sur les cordes, chez
Yousef Yancy, comment faire sonner sa guitare comme une trompette et avec Steve
Coleman, j’ai eu la confirmation de mes recherches musicales (‘L’étendue des
extrêmes’, 1981), des tuyaux pour phraser, de nouveaux développements dans le
rythme (il a repris le concept cyclique de ma musique), les rythmes d’Afrique
Occidentale, hip-hop et la microtonalité dans le temps… et, il y a tant de choses que
nous n’avons pas encore entendues.’
Roger Vanhaverbeke
(voir Historique)

Kurt Van Herck


Kurt Van Herck est né en 1965 à Westmeerbeek. Il étudie le solfège et le saxophone
de 1975 à 1979, à l’académie de Heist-op-den-Berg, avant de suivre des humanités
artistiques classiques à Anvers.
Entre-temps, le hasard de l’écoute de disques de John Coltrane, Charlie Parker,
Dewey Redman, Ornette Coleman et Bill Evans le conduit dans les bras du jazz. A
partir de 1978, il s’inscrit aux cours d’été à Dworp, pour y suivre les leçons de John
Ruocco. Au Jazzstudio à Anvers, il suit les cours du pianiste Dennis Luxion. Il
entreprendra même un voyage spécial à San Francisco pour une formation avec Larry
Schneider. Steve Houben, Jeff et John Clayton et Greg Bedolato comptent aussi parmi
ses maîtres. A quinze ans, Kurt Van Herck va former son premier groupe avec Erwin
Vann et Dré Pallemaerts, deux camarades de classe en humanités artistiques. Cinq ans
plus tard, au moment d’intégrer le quartet de Jack van Poll, il devient un musicien
professionnel à part entière. Dès 1986, les commandes et les propositions vont se
succéder : membre du Serge Lazarevitch Quartet (cf. cédé ‘London Baby’, Igloo),
tournée avec Michel Herr, membre du Nathalie Loriers Quartet (cf. cédé ‘Nympheas’,
Igloo), de l’Act Big Band de Félix Simtaine (cf. cédé ‘Extrêmes’, Igloo),
remplacements au sein du BRT Big Band, collaboration avec le Basement Party de
Kris Defoort, recrutement par le Brussels Jazz Orchestra… Plus ponctuellement, il a
aussi joué avec d’autres musiciens : Jacques Pelzer, Toots Thielemans, Jean-Louis
Rassinfosse, Daniel Romeo, Pierre Van Dormael, Michel Hatzigeorgiou, David Linx,
Eric Legnini, Bert Joris, Erik Vermeulen, Stéphane Galland, Philippe Aerts, Bruno
Castellucci et Diederik Wissels, mais aussi Viktor Lazlo, Khadja Nin et Axelle Red,
ainsi que de nombreux musiciens étrangers de renom, comme Joe Lovano, Slide
Hampton, David Liebman, Calvin Owens, George Mraz, Antonio Hart et Danilo
Perez.
En 1997, Kurt Van Herck reçoit un Django d’Or. Dans la série ‘The Finest in Belgian
Jazz’, on peut entendre Kurt Van Herck sur les cédés du Brussels Jazz Orchestra (‘The
Music of Bert Joris’) et Nathalie Loriers (‘Tombouctou’).

Donnez-nous un peu plus de chauvinisme


Kurt Van Herck : ‘Cela peut paraître bizarre, le choix de mon instrument a été
déterminé par le fait que ma mère adorait le son du saxophone. De plus, au sein de la
fanfare locale, ils avaient encore un saxophone soprano qui traînait, ce qui m’a permis
de commencer tout de suite. J’avais plus ou moins neuf ans. J’ai ensuite été inscrit à
l’académie de Heist-op-den-Berg, où j’ai pu étudier le solfège et le saxophone alto.
Les dix premières années j’ai joué du saxophone alto de manière presque exclusive.
Je suis rentré en contact avec le jazz un peu par hasard, notamment en écoutant des
disques de jazz, ce qui m’a conduit automatiquement vers Juul Anthonissen. Il m’a
alors conseillé de suivre les séminaires d’été organisés à Dworp. Entre-temps, j’avais
fait la connaissance de Erwin Vann et Dré Pallemaerts, pendant mes humanités
artistiques à Anvers. Je me produisais régulièrement avec eux, ce qui m’a beaucoup
appris dès le début, tout comme les milieux de la musique de bals, où j’ai pu
perfectionner ma technique au saxophone. C’est alors que je suis passé au saxophone
ténor, aux sonorités plus profondes et passionnantes. Au départ, je voulais accumuler
un maximum d’informations au saxophone ténor, pour l’appliquer plus tard au
saxophone alto, à l’instar d’un saxophoniste fantastique : Gary Bartz. Néanmoins,
jusqu’à aujourd’hui, je n’y suis pas encore arrivé, car je m’amuse encore trop au
ténor. C’est à l’âge de vingt ans que j’ai pu commencer au sein du quartet de Jack van
Poll. Il ne faut pas oublier que l’offre de musiciens de jazz était alors beaucoup plus
réduite, donc on obtenait plus rapidement un job. Aujourd’hui, on dispose de
beaucoup plus de musiciens de talent, ce que l’on ne peut que saluer. Cela contribuera
à maintenir un niveau de qualité, et comme aux États-Unis, cela amènera ici aussi un
esprit de compétition, surtout lorsqu’il apparaîtra qu’il n’y a pas de place pour tout le
monde. A ce moment-là, on devrait pouvoir compter sur le travail à l’étranger, mais si
l’on met les points sur les ‘i’, on sent bien à quel point l’idée européenne est encore
éloignée. De plus, tant qu’on sera qualifié par des journalistes belges de ‘moyen,
parce que Belge’, donc sans beaucoup de crédibilité dans notre propre pays, je crains
que l’on doive encore longtemps trépigner dans notre arrière cour. De ce point de vue,
je trouve que le Middelheim est un de nos festivals les plus sincères : on y retrouve
toujours une affiche équilibrée entre artistes belges et étrangers. Il nous manque ce
chauvinisme que les Français pratiquent à l’envi. On le remarque même auprès du
public, où règne encore une très grande dévotion à l’égard de tout ce qui vient des
Etats-Unis. Ne prenons que le Hnita Hoeve à Heist-op-den-Berg de Juul Anthonissen :
le monde y vient que lorsque des Américains sont à l’affiche. Tant que cette mentalité
ne changera pas, on ne pourra éviter des situations comme avec Toots, Philip
Catherine, David Linx, Bert Joris et Philippe Aerts, même si on peut l’envisager de
manière positive : comme un stimulant pour être encore plus créatif en musique.
Le fait que ces Américains présentent tellement de maîtrise technique n’est en soi pas
étonnant, quand on connait les efforts qu’ils doivent déployer chez eux pour
simplement continuer à compter. Je l’ai vécu personnellement à New York : la
première fois que j’y ai participé à une jam, avec Dré Pallemaerts, j’ai remarqué pas
moins de sept saxophonistes ténors qui faisaient la file. Et, il ne s’agissait là que d’un
banal restaurant. Si ces garçons ne savent pas jouer des solos impressionnants, ils
n’arriveront tout simplement pas à monter sur une scène. Heureusement, ici, ce n’est
pas encore le cas, mais je conseillerais à tous les jeunes musiciens d’aller faire un tour
à New York. Ils en apprendraient beaucoup.
Le répertoire constitue une autre grande différence entre l’Europe et les États-Unis. La
culture des standards et du be-bop y est beaucoup plus incrustée que chez nous, ce qui
est compréhensible, puisqu’elle fait partie intégrante de leur tradition. Ici, nous
pouvons nous référer à beaucoup d’autres cultures, d’où émergent automatiquement
d’autres sortes de jazz, comme on en rencontre sur le label ECM, pour ne citer que cet
exemple. Chez nous, le paysage du jazz est beaucoup plus morcelé, ce qui en
constitue justement la richesse.’

Fred Van Hove


Fred Van Hove est né à Anvers en 1937. En réalité, il renaît sans cesse au travers de
sa musique (libre) improvisée. Malgré son agenda d’enfer (paradis ?), il part tout de
même parfois en vacances, ce qui peut entraver les plans pour une discussion. Piano,
accordéon, orgues d’église imposant : il s’agit pour lui, de moyens d’expression
enthousiastes de la vie. ‘Je joue de la musique parce que j’en ai besoin et que je veux
jouer. Exister signifie s’exprimer et communiquer : je le fais au travers de sons.’ En
1996-1997, Fred était l’ambassadeur culturel de la Flandre. Il l’est toujours : en août
2002, il a joué avec le tromboniste Johannes Bauer au Festival de Beyrouth, bien que
le Gouvernement Flamand, pour des raisons de restrictions budgétaires, n’ait pas pu
réaliser ses promesses quant aux frais de voyage de ses artistes. Promesses pourtant
annoncées dans la presse.
‘Qu’ils s’abstiennent de placer des annonces dans lesquelles il n’est question ni de
restrictions, ni de prio-rités !’ Fred a toujours été (à raison) révolutionnaire, déjà
lorsqu’en 1972, l’ancienne BRT (télévision publique flamande) pratiquait une
différenciation assez grossière entre les gages payés aux musiciens américains et aux
musiciens belges, à l’occasion du festival Jazz Middelheim. Ainsi est né le premier
Free Music Festival au Muze à Anvers. (cf. chapitre consacré au WIM dans la partie
historique)
Le père Van Hove était musicien professionnel et possédait une importante collection
de disques de jazz. La version de ‘Lover Man’ par Charlie Parker touchait quelque
peu Fred, mais sans en faire directement un fanatique du jazz. Pourtant, avec quelques
amis, il forma un petit groupe de jazz. ‘En réalité, je ne me suis jamais réellement bien
senti chez mois avec cette musique. Même si on en suivait l’évolution pas à pas :
Ornette Coleman, John Coltrane, que j’ai entendu à Comblain en 1965.’ Mais, depuis
lors… ‘Ce qui me perturbait dans le jazz, c’était l’ordonnancement traditionnel, la
structure rigide des thèmes et la suite d’accords clairement déterminée dans
l’harmonie. Il fallait quand même trouver autre chose.’ Ce qui arriva régulièrement
lorsqu’il pouvait remplacer le pianiste Paul Dumont au sein du Quartet de Mike
Zinzen, au Mok à Anvers. ‘A l’intérieur du répertoire consacré du be-bop, il
m’arrivait de jouer un solo en modes, plus qu’en accords. De jeunes musiciens comme
le saxophoniste Kris Wanders et le regretté batteur Jan Van de Ven se sont joints à
nous. Avec eux, j’ai poursuivi la route sur le nouveau chemin, ce qui a conduit, pour
l’époque, à une découverte fantastique, quelque chose que j’avais toujours voulu faire.
Je venais d’atterrir dans une musique avec des possibilités d’improvisation sans
limites, une musique qui se déroulait selon mes idées et non plus selon le schéma
traditionnel. Ce devait être en 1967.’
Il apparaît alors que : ‘Dans les pays environnants, un certain nombre de musiciens
évoluaient dans la même direction : Willem Breuker, Han Bennink et Misha
Mengelberg aux Pays-Bas, Evan Parker et Paul Rutherford en Angleterre, Peter
Brötzmann et Peter Kowal en Allemagne, ainsi qu’une suissesse comme Irene
Schweizer.’
Au cours de l’année symbolique 1968, il enregistra ‘Requiem pour Che Guevara,
Martin Luther King, John F. and Robert Kennedy, Malcom X’ (MPS), à l’occasion du
premier (prestigieux) Berliner Jazztage, avec parmi les musiciens cités : Wanders,
Breuker, Kowald et Bennink. En janvier 1965, le label MPS avait aussi publié le
premier disque allemand de free : ‘Heartplants’ de Gunther Hampels.
Six mois avant le ‘Requiem’, on enregistrait ‘Machine Gun’, l’album clé pour la
musique libre improvisée européenne, sur le label de Brötzmann, réédité plus tard
sous une seconde version pour le label FMP (Free Music Production) de Jost Gebers.
‘Jost était lui-même bassiste et connaissait donc ce petit monde de l’intérieur. J’avais
moi-même la chance de pouvoir beaucoup travailler en Allemagne, le public y était
très curieux de cette nouvelle musique. Il l’appréciait aussi, comme dans l’ancienne
partie de l’Est.’ Fred figure sur les cinq premiers albums du label FMP. Vint Gand :
‘Le bassiste Paul Van Gysegem organisait l’Avant garde Festival dans le majestueux
Gravensteen, et me demandait d’y jouer en solo, ce que je n’avais jamais fait jusque
là.’ Vint ensuite, en 1971, le solo à Jazz Middelheim. Mon Devoghelaere (critique
musical) : ‘Cela m’a fait très plaisir que le premier disque pour son propre label soit
un enregistrement solo de février 1972. Avec un très joli concept de pochette réalisé
par Paul Ilegems : 2/3 de ciel bleu, avec à l’intérieur, le nom du label, ‘Vogel’ en
plein vol, 1/3 de terre rouge. A l’horizon un piano noir et une chaise blanche. Pas de
titre, mon nom simplement, tout en petites lettres.’ Son deuxième disque portait
logiquement le nom de ‘een tweede vogel’ (un deuxième oiseau), cette fois en duo
avec Cel Overberghe. Ces albums vont revenir à l’occasion d’un double cédé sur le
label UMS à Chicago. Sur ce deuxième album, on entend les cloches, importantes
pour Fred, de l’église Carolus-Borromeus, ainsi que les bruits d’un chantier de métro
en cours. Cloches, église, orgues d’église. ‘Tout a commencé chez Maurice vande
Vannet - aujourd’hui décédé - ancien patron de De Spiegel à Bruges. Un personnage
haut en couleurs. Le Conservatoire possédait des orgues d’église. Dikke Maurice (gros
Maurice) invitait alors trois pianistes pour donner un concert d’orgues d’église :
Alexander Schlippenbach, Misha Mengelberg et moi-même. Depuis l’idée ne m’a
plus lâché, cela m’a terriblement fasciné. Je joue le plus souvent en Allemagne,
surtout dans des églises protestantes. Le premier enregistrement s’est déroulé à
l’église Sankt-Peter de Sinzig am Rhein, en août 1979 (FMP). Il porte un long titre
‘Between 2 battles, the warrior has a wel-deserved rest at the soft breast of his
beloved lady and dreams of other dispairs and victories.’ Je ne possède même plus ce
disque… Faisons donc ensemble un saut dans le temps.
Steve Lacy ? : ‘Nous avons joué ensemble pendant des années, le premier témoignage
sonore remonte au duo enregistré sur ‘Five Facings’ pour FMP. Récemment, j’ai
encore joué avec lui au Café Central à Bruxelles, dans le cadre de la tournée
européenne d’adieu de Steve. Il va devenir professeur à l’université de Boston.’
L’interaction entre les participants constitue une base solide de la musique libre
improvisée, en commençant la formule en duo : Fred avec Lacy, Michel Portal,
Anthony Braxton, Paut Rutherford, Albert Mangelsdorff, Johannes Bauer, Konrad
Bauer, Phil Wachsmann, la regrettée Annick Nozati, Joëlle Léandre (enregistré en
2001 pour une publication par Radio France), le concert grandiose avec André
Goudbeek au Mechelse Jazzdag, en juin 1999. Le duo de piano avec Christian Leroy,
devenu entre-temps le Quartet de Piano Belge, avant d’évoluer vers les formules
MLA/MLB/MLF (Musica Libera Antverpiae/Belgiae/Flandriae), jusqu’au nonet, et
dans le passé la WIM-Fanfare.
On vient de publier le FIN Trio (Fred, le batteur Ivo Vander Borght et le violoncelliste
Nikos Veliotis sur WIMprozes), le f.i. quartet avec le saxophoniste Luc Houtkamp, le
trompettiste Herb Robertson et Ivo (X-O), ‘GrafHovOx’ (le saxophoniste et
clarinettiste Frank Graftkowski, Fred et le batteur Tony Oxley) sur Nuscope
Recordins à Dallas et du matériel inédit de groupes de Brötzmann de Fuck de Boere et
l’autre version de ‘Machine Gun’ (également pour UMS à Chicago).
Une photo dans la revue française Jazz Magazine montre Fred avec le saxophoniste
(alto et soprano) français Etienne Brunet, à l’occasion de la sortie du cédé enregistré
sur des orgues en France (dans des églises à Paris) pour le label Saravah, et désigné
par ce magazine comme Disque d’émoi.

Erwin Vann
Ce saxophoniste soprano et ténor, est né le 17 décembre 1963 à Anvers. Lorsqu’en
1980 il commence à étudier le jazz, il avait déjà huit ans d’études classiques derrière
lui. John Ruocco, Bert Joris, Dennis Luxion et Maarten Weyler étaient ses maîtres de
musique au Jazz Studio à Anvers. Plus tard, il suivra des cours de spécialisation et des
stages en Belgique et à l’étranger, auprès de Richie Beirach, Joe Lovano, Steve
Coleman, Dave Holland, Julian Priester, Kenny Wheeler et David Liebman.
Depuis 1985, Erwin Vann joue régulièrement avec Bob Porter et à la VRT (autant
radio que télévision) comme soliste, compositeur, musicien de studio et membre du
BRT Jazz Orkest. C’est un musicien très demandé, il a ainsi joué avec e.a. Toots
Thielemans, Kenny Wheeler, Joe Lovano (sur son dernier cédé ‘Solid Steps’,
JazzClub), Nguyen Lé, Aldo Romano, Simon Goubert, Michel Benita, Paolo Fresu,
Maurane, l’Act Big Band de Félix Simtaine, Bruno Castellucci, le North Sea Jazz
Tentet avec Hein van de Geyn, le H-Septet de Pirly Zurstrassen, le sextet de Frank
Vaganée, l’Octet de Eric Van der Westen et le quintet de Richard Rousselet et, au
North Sea Jazz 2002, avec Wayne Shorter.
En 1988, à l’occasion d’un stage important à Banff (Canada), avec des cours donnés
par Steve Coleman, Dave Holland, Kenny Wheeler et Julian Priester, Erwin Vann
rencontre le guitariste Pete McCann et le bassiste Lindsey Horner. Il ne jouera avec
eux que plusieurs années plus tard, notamment à New York, où il a séjourné pendant
un an et demi. On retrouve Dré Pallemaerts et Michel Hatzigeorgiou au sein de l’Inner
Space Band qu’il créa en 1990. Le trio se produit régulièrement avec des invités
spéciaux comme Peter McCann, Marc Ducret, Jacques Pirotton et Christoph
Erbstösser.
Parmi les différentes distinctions remportées par Erwin Vann citons en 1991, le prix
du meilleur soliste à l’occasion du Brussels Jazz Rally, le prix Spes en 1995 pour son
cédé ‘Worlds’ enregistré avec des invités comme Norma Winstone, Pete McCann,
Kenny Wheeler, Adama Drame et Chris Joris (JAS Records), ainsi qu’en 1998, le prix
de meilleur saxophoniste ténor (référendum auprès des auditeurs des radios publiques
belges, la VRT et la RTBF).
Le projet qui lui tient le plus à cœur est Koyà, un projet au saxophone solo avec des
effets électroniques. Erwin Vann est également leader et compositeur du quartet
formé avec Dré Pallemaerts, Michel Hatzigeorgiou et Jozef Dumoulin, ainsi que co-
leader et compositeur avec Peter Hertmans, du quartet avec Nic Thys et Billy Hart et
du quartet italien Dufay.

A la recherche du cursus le plus adapté


Erwin Vann : ‘ Mon frère aîné, de treize ans, Erik Vanslembrouck, a suivi des études
à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers. Partant du principe que l’on pouvait
également apprendre le jazz de cette manière, je partais avec beaucoup de bonnes
résolutions et d’attentes un peu dans toutes les directions. Je devais rapidement
conclure que ce n’était pas possible. Dans un premier temps, je me suis alors inscrit à
l’académie de musique de mon quartier, et me suis contenté des concerts auxquels je
pouvais assister à l’occasion du Middelheim Jazzfestival. Au début des années ’80,
j’ai choisi de suivre des cours en humanités artistiques, même si ça ne me rassasiait
pas. En effet, certains cours étaient répétés, car je les avais déjà reçus en 3ème et
4ème humanités classiques, tandis que le retard accusé en musique m’obligeait à
rattraper le temps perdu. De plus, cela n’avait toujours rien à voir avec le jazz, et on y
disposait de très peu de musique écrite pour saxophone ténor. Ainsi, pendant près de
six ans, j’ai d’abord suivi des cours classiques de saxophone alto, avant de m’investir
à fond au saxophone ténor, notamment à l’occasion des jazz workshops à Dworp. Par
contre, il faut bien admettre que j’ai appris à jouer du piano de manière très
passionnante, et que j’y ai rencontré des gens comme Dré Pallemaerts et Kurt Van
Herck, deux camarades de classe. Heureusement, plus tard, le jazz a quand même été
introduit dans les cours en humanité artistique. A nouveau, je suis probablement né
quelques années trop tôt. L’observation des oiseaux, et de leur chant, a énormément
influencé ma conception de la musique. J’étais membre d’une association de
protection (BJN), influencé par mon père, qui était un observateur d’oiseaux
passionné.’

Discipline : la clé pour la maîtrise technique


Erwin Vann : ‘La discipline est le terrain où en tant qu’Européens, nous nous
distinguons fortement par rapport aux Américains. Je me souviens ainsi de l’inconfort
avec lequel Joe Lovano nous observait à l’occasion d’un concert au Théâtre Royal de
La Monnaie. En effet, on y buvait notre café sur scène, ce qui est impen-sable aux
USA, où ce type de comportement est autorisé pendant les pauses. Aux USA, à
l’occasion d’une répétition, Kris Defoort est arrivé cinq minutes en retard, quelqu’un
d’autre était déjà assis derrière le piano ! D’ailleurs, on se presse en nombre pour
prendre votre place à la première occasion venue. De ce point de vue, je trouve qu’un
séjour aux États-Unis - surtout New York - est une excellente école pour tout
musicien.’

Hommage à François Louis


Erwin Vann : ‘ Comme beaucoup de saxophonistes belges, et de nombreux autres de
par le monde, je dois beaucoup à François Louis pour le son de mon instrument.
François Louis est un luthier très sympathique de la région liégeoise qui s’est
spécialisé dans les embouchures pour saxophones et tout ce qui tourne autour. La
manière dont il étudie la conduction des ondes sonores, et parvient à la canaliser, pour
optimaliser de manière naturelle le son particulier de chaque musicien, est absolument
phénoménal. Cet homme mérite tout notre intérêt, même s’il aura tendance à
relativiser son travail. Chaque embouchure réalisée par François Louis est, sans
exagérer, une œuvre d’art unique. J’espère qu’il recevra - le plus tôt possible - la
reconnaissance qu’il mérite. Un bon accord pour la commercialisation de ses
embouchures représenterait déjà un soutien important pour lui.’

Lieven Venken
Lieven Venken (°Genk, 1975) est un batteur né : ‘Comme mon père était violoniste
professionnel, et chef de quatre chorales, il semblait évident que j’étudierais le violon,
même si à cinq ans j’avais décidé que je serais batteur. Mon cousin, un batteur
professionnel, me laissait libre cours sur sa batterie. Tu dois décider pour toi-même ce
que tu veux jouer disait-il toujours, et il avait raison. Je lui dois beaucoup, comme à
mon professeur de musique à Koersel qui m’a donné des leçons de percussions dès
l’âge de douze-treize ans. Elle aussi m’a souvent permis de jouer sur une batterie.
Au Lemmeninstituut, où à dix-sept ans je suivais des cours de percussion classique, je
faisais aussi partie d’un petit groupe de jazz, avec Bart Van Caenegem à la basse
électrique et Alano Gruarin au piano. On se produisait tous les mercredis, et on se
réunissait presque tous les soirs pour écouter de la musique, on répétait aussi de
manière intensive. J’ai appris énormément des enregistrements réalisés à partir de ce
travail, ainsi que de nos fréquents concerts.
De plus, deux ans plus tard, à l’occasion de mon passage dans la section jazz, Dré
Pallemaerts m’a surtout enseigné la technique du ride cymbal, la base de la batterie de
jazz. En fait, on peut décrire une batterie comme un orchestre dont le batteur
coordonne quatre timings (à partir desquels on peut en plus, créer différents timbres)
et détermine quelles combinaisons d’éléments il va harmoniser l’une avec l’autre.’

Mimi Verderame
Né le 03 juillet 1958 à Tilleur, Mimi Verderame a grandi dans une famille de
musiciens. A l’âge de six ans, il commence à apprendre les percussions en
autodidacte, et à neuf ans, il joue la batterie dans Les Rebelles du Rythme, l’orchestre
de bal de son père. Cinq ans plus tard, il commence à enregistrer sa musique en
studio. Entre-temps, il commence aussi à étudier la guitare, en accompagnant les
disques de guitaristes de jazz célèbres, et en 1975, il fait ses débuts officiels sur la
scène jazz aux côtés de Jacques Pelzer. Rapidement, d’autres noms célèbres vont
suivre : Toots Thielemans, Philip Catherine, Michel Herr, Steve Houben, Charles
Loos, Larry Schneider, John Ruocco, Dennis Luxion, Jacques Pirotton, Claude
Maurane,Isabelle Antena (tournée au Japon en 1985), Richard Rousselet, Eric
Legnini, Gino Lattuca…
Sur ‘Game Over’ (A Records), son troisième cédé, publié en 1999, on retrouve
Rosario Giuliani, saxopho-niste alto très prometteur, vainqueur en 1997 du Jazz
Hoeilaart International Contest. Un an plus tard, il publie ‘Nice Cap’ (Lyrae Records)
à la tête de son septet, le Jazz Addiction Band.

Peter Vermeersch
La fin de X-Legged Sally, après huit ans et six albums, et au grand dam des nombreux
fans, ne signifie pas que le fondateur de cette formation exceptionnelle de speed-funk-
punk-classico-jazz baisse les bras. Bien au contraire, avec le temps, la productivité de
l’architecte sonore Peter Vermeersch va grandissante : avec A Group par exemple,
projet créé voici quelques années avec Pierre Vervloesem, guitariste et compositeur
obstiné, avec lequel il produisit tous les premiers albums de dEUS, Mad Dog Loose et
Nancy. Ensemble ils collaboraient aussi aux productions théâtre de Josse De Pauw
Weg et Larf.
Compositeur, clarinettiste et saxophoniste ténor, Peter Vermeersch est aussi l’auteur
de compositions et/ou arrangements pour e.a. Rosas danst Rosas, une chorégraphie de
Anne Teresa De Keersmaeker, pour laquel-le il a écrit la musique avec Thierry De
Mey, comme pour What The Body Does Not Remember et The Weight Of A Hand de
Wim Vandekeybus. Et, comme si cela ne suffisait pas, Peter Vermeersch signe seul la
musique pour Immer Das Selbe Gelogen et Her Body Doesn’t Fit Her Soul, toujours
de Vandekeybus, en jouant un rôle important dans les performances de e.a. Radeis,
Dito’Dito, Charlie Degotte, Willy Thomas et José Besprosvany, en composant pour le
Duke Quartet, l’Arditti Quartet et l’Ensemble Musique Nouvelle. Il a également
participé aux formations de Union (où il rencontra le tromboniste Jan De Backer), de
Fred Frith, Jazzwork From Berlin et The Simpletones. Sans oublier The Soluble
Fisch : le projet d’opéra réalisé en collaboration avec Ryszard Turbiasz, créé en
février 1994, ou encore la suite orchestrale composée en avril 1995 pour un hommage
à Zappa au Singel à Anvers (The Purple Cucumber), ainsi que les arrangements de 20
chansons de Arno pour le concert de septembre 1997 donné au Botanique (Bruxelles)
par un ensemble d’instruments à vents. Depuis quelques années, Peter Vermeersch est
très occupé avec The Flat Earth Society (rien à voir avec Waleco, un groupe rock
psychédélique américain des années ’60, qui publia alors un album du même nom), un
big band composé de seize jeunes musiciens et avec lequel il a déjà publié deux cédés
(‘Live at the Beursschouwburg’ et ‘Bonk’). La musique varie d’arrangements pour
big-band aux mélodies ethno-fanfaresques, de rythmes et mélodies arabes aux
chansons pops fraîches avec un petit air de jazz, en passant par la musique concrète au
chaos structuré à la Varèse et Zappa. Le tout avec deux principes de base qui
traversent comme un fil rouge, tout le projet : qualité et humour. Aucun obstacle n’est
évité pour y parvenir. Ainsi, sur le dernier cédé, on retrouve deux morceaux de The
Residents, un des groupes de rock d’avant-garde les plus déterminants des années ’70,
dont les membres ont réussi à garder leur anonymat pendant des années. Leur
musique, souvent élaborée jusqu’à l’absurde à partir de notes musicales aux sonorités
étranges et de rythmes très peu conventionnels, résultait de l’utilisation consciemment
erronée des instruments et de l’électronique. D’après Peter Vermeersch, le défi
consistait ici principalement à faire interpréter cette musique tribale, produite de
manière rudimentaire avec une économie de moyens, par un big-band efficace sans
perdre la rugosité originelle de la musique. Ce genre de défi ca-ractérise bien l’esprit
avec lequel Peter Vermeersch aborde la musique. La faillite du label sur lequel Peter
Vermeersch avait enregistré la plupart de ses productions précédentes et le peu
d’intérêt d’autres firmes de disques, l’a conduit à créer Zonk. Dans un premier temps,
ce label publiera uniquement les productions du Flat Earth Society et - par extension -
des autres membres du groupe (Bart Maris, Anja Kowalski, Tom Wouters, David
Bovée etc). Le Flat Earth Society était l’orchestre maison de Bruges 2002, Capitale
culturelle de l’Europe.

Peter Vermeersch : ‘Les morceaux de Flat Earth Society sont tous composés selon le
même principe. Ils sont prêts pour la répétition, mais comportent assez d’espaces pour
l’apport des autres membres du groupe, ce qui conduit automatiquement à
l’enrichissement du spectre sonore et à la spontanéité lors de l’exécution. Nous
voulons aussi briser les clichés autour du big-band. Car, pour la majorité des gens,
l’image du big-band se limite à Duke Ellington, Count Basie, Glenn Miller et
éventuellement Stan Kenton (avec Gil Evans, la plupart décroche déjà !). La
composition du Flat Earth Society qui correspond en grande partie à celle des big-
band suffit à nous coller la même étiquette, mais l’association s’arrête bien là. Nous
voulons tout simplement exploiter au maximum les possibilités offertes par ce type
d’orchestration, et les expérimenter jusqu’aux derniers détails. Que ici ou là, par
hasard, on y retrouve quelque chose de Duke Ellington, est tout à fait logique. Cela
n’a d’ailleurs pas de sens de renier une tradition à laquelle nous devons beaucoup.
Dans le passé, il y a déjà eu d’autres big-bands qui ne répondaient pas aux critères de
la ‘moral majority’ : Sun Ra, Charles Mingus ou Carla Bley, de grandes orchestrations
où, hasard ou pas, chaque membre conservait sa personnalité propre, ce que je trouve
très important. Au contraire de ce que l’on pourrait appeler les big-bands policés, où
d’une certaine façon chaque membre est interchangeable.’

Erik Vermeulen
Erik Vermeulen est né en 1959. Enfant, il jouera d’abord du violoncelle, avant de
passer au piano. Il commence à tourner avec son propre trio à l’âge de vingt-deux ans,
avec Hein van de Geyn à la contrebasse (ensuite Philippe Aerts) et le batteur Dré
Pallemaerts, remplacé en 1990 par Félix Simtaine. Plus tard, le contrebassiste Sal La
Rocca et le batteur Jan de Haas vont rejoindre le trio, comme on peut le constater sur
le nouveau cédé ‘Songs Of Minutes’ (W.E.R.F.).
Au début de son trio, Erik Vermeulen participait également à différentes petites et
grandes formations, avec e.a. Erwinn Vann, Frank Vaganée, Kurt Van Herck,
Milkshake Banana, Peter Hertmans et le BRT Jazz Orkest.
Erik Vermeulen s’est produit avec de nombreux artistes belges et étrangers, parmi
lesquels on retrouve e.a. Clark Terry, Slide Hampton, Steve Grossman, Art Farmer,
Jacques Pelzer, Richard Rousselet, Deborah Brown, Ali Ryerson, Joe Lovano, John
Ruocco, Bert Joris, Phil Abraham, Bob Mover et David Schnitter.
Aujourd’hui, Erik Vermeulen est le pianiste attitré du Bart Defoort Quartet, du
Stéphane Mercier Sextet, du Manu Hermia Quartet et du quartet du saxophoniste Ben
Sluijs, avec lequel il vient d’enregistrer en duo le cédé ‘Stones’ (Jazz’halo). Il
enseigne le piano au Conservatoire de Gand.

Lors de l’entretien avec Erik Vermeulen, son cédé, intégré dans la série ‘Finest In
Belgian Jazz’, était toujours en pleine préparation. Après de multiples répétitions et
sessions, il n’avait encore aucune idée du matériel qu’il allait considérer comme
approprié pour l’enregistrement. Les morceaux improvisés vont-ils primer ou le cédé
va-t-il uniquement proposer des compositions totalement écrites ? Un entretien avec
Erik Vermeulen n’est pas une sinécure. Comme pour son style pianistique, la plupart
des dialogues avec ce pianiste tourmenté dépendent continuellement de ses humeurs
changeantes. Une bonne dose de patience, et une série de discussions animées ont été
nécessaires avant d’arriver au patchwork de pensées intéressantes et de méditations
reproduites ci-dessous.

Standards contre composition (improviser)


Erik Vermeulen : ‘ Ces deux éléments ne doivent pas nécessairement être considérés
comme des extrêmes opposés. De nombreuses pièces, composées par des musiciens
de jazz avec l’objectif de pouvoir improviser dessus, ont ensuite presque atteint le
même statut que les standards classiques de Porter ou Gershwin. Personnellement, je
ne jouerai jamais un standard dont je ne connais la mélodie qu’au travers de clichés
trop souvent entendus dans des versions à tort et à travers. Pour plus de commodité, il
est fort probable que l’on considère par exemple une improvisation au piano en mode
mineur, qui apparaît après coup attachée à ‘Footprints’ de Miles Davis, comme un
standard, alors que Miles a composé le morceau comme un ‘vecteur’ pour projeter ou
interpréter une atmosphère particulière qu’il avait en tête. D’autre part, une partie de
la ‘forme’ est également déterminée par les musiciens pendant qu’ils jouent. Dans le
même esprit, lorsque je joue un morceau (standard ou composition de jazz), je
déterminerai la forme en fonction des atouts que la pièce offre. Ceci ne signifie pas
que j’utiliserai les mêmes caractéristiques ou les mêmes paramètres comme leitmotiv,
à chaque nouvelle interprétation du même morceau. Je veux dire par là qu’improviser
et composer peuvent se trouver très proches l’un de l’autre. Lorsque j’improvise
réellement, je recherche presque instinctivement la forme et le thème. De ce point de
vue, on pourrait éventuellement dire que pour chaque humeur du jour, j’invente une
composition.
La culture des standards et du be-bop, les différentes manières de composer et de
jouer des grandes fi-gures de l’histoire - Louis Armstrong, Art Tatum, Bud Powell,
Charlie Parker, John Coltrane, Sonny Rollins, Lenny Tristano, Thelonious Monk,
Keith Jarrett, Joe Zawinul, Herbie Hancock - constituent une autre source
d’inspiration. En effet, ils ont tous un style plus ou moins reconnaissable qui constitue
une partie de mes bagages. Personnellement, j’ai toujours donné la préférence à
l’improvisation et à la composition, tout à fait détachées des standards et des
compositions existantes que tu m’entends jouer souvent. Les sources d’inspiration les
plus divergentes émergent dans les pièces que j’écris : une mélodie tzigane hongroise,
une sonate de Beethoven, quelque chose de Monk… Je jette aussi de très nombreuses
pages d’écriture, ce qui est inévitable. Depuis bientôt vingt ans, j’improvise quasiment
tous les jours de nombreuses heures au piano, chez moi. Ainsi, j’y démarre de points
de départ très différents. Je peux une fois refuser de réfléchir à la direction à prendre
et jouer pas à pas, et une autre fois, baliser de manière très claire le chemin à sui-vre,
pour expérimenter toutes les variations possibles autour d’un même thème. Une autre
possibilité est de travailler par associations et de voir ensuite quelles idées demeurent.
Je peux par exemple partir d’un groove, mais tout aussi bien d’une mélodie ou d’une
harmonie ou même construire toute une pièce sur un ostinato.
Je me demande cependant souvent dans quelle mesure une improvisation est
réellement improvisée, car ce que tu joues est à chaque fois le résultat de réflexions
qui précédent. Dans quelle mesure peut-on encore vraiment parler d’improvisation ?
D’autre part, ça n’a aucun sens de t’obliger à sonner différemment des autres, juste
pour l’originalité, le risque est alors grand que la forme prenne le pas sur le fond.
Sauf, bien entendu, si tu appartiens aux rares génies de l’histoire de la musique’.

Trio ou section rythmique autonome ?


Erik Vermeulen : ‘Je ne considère pas du tout le trio piano-basse-batterie comme une
section rythmique, qui jouerait sous l’autorité de quelqu’un, mais plutôt comme un
ensemble rassemblé avec soins et plastique. Une des raisons pour lesquelles je joue en
trio consiste justement à relativiser la notion de ‘section rythmique’. Je n’ai jamais
apprécié la distribution des rôles appliquée dans cette hiérarchisation séculaire entre
musiciens. En principe, dans le song, tous les rôles sont à chaque moment
interchangeables. De cette façon, le saxophoniste ténor doit par exemple être capable
de passer du lyrique au rythmique dès que le batteur joue une certaine mélodie,
comme la contrebasse qui réagit au groove lourd du piano en jouant de manière
mélodique. Il s’agit là de l’essence du contrepoint.
Par contre, la hiérarchie physique entre les notes ne peut presque pas être effacée :
l’ouïe prendra toujours les notes les plus élevées et les plus basses comme point de
départ, afin de découvrir une structure pour tout ce qui se trouve entre les deux. Les
notes les plus basses occuperont un rôle dominant pour l’harmonie, et les notes les
plus hautes seront automatiquement désignées comme la mélodie. Alors que le fait de
savoir qui doit prendre les notes les plus hautes et les plus basses ne joue aucun rôle.
De plus, la taille du trio donne à chacun des trois membres la possibilité d’exploiter et
d’élargir son spectre sonore de manière maximale, et de répondre ainsi aux timbres
des autres.

Instruments acoustiques ou amplifiés ?


Erik Vermeulen : ‘Dans les années ’70, comme beaucoup de gens de ma génération,
j’ai beaucoup écouté le jazz-rock de Miles Davis, Herbie Hancock, Mahavishnu, Jan
Hammer, Georges Duke, Chick Corea et Weather Report, une musique qui m’a
toujours fort attiré. J’ai d’ailleurs souvent joué sur un Fender Rhodes, un instrument
qui m’excite encore beaucoup aujourd’hui. Le fait que le Fender Rhodes soit amplifié
électriquement n’empêche pas que sa sonorité soit produite de manière acoustique,
entre autres par la frappe de petits marteaux sur des lamelles, que l’on peut en plus
régler manuellement. Au début des années ’80, j’ai même pu en acquérir un d’un
musicien qui ne l’avait presque pas utilisé. J’ai usé l’instrument jusqu’à la corde en
jouant le répertoire musical des années ’70. Ceci m’a également permis de jouer dans
des lieux sans piano disponible.’

Ernst Vranckx
A 21 ans, le pianiste Ernst Vranckx décide de développer ses études musicales en
s’inscrivant au Jazz Studio d’Anvers, avant de poursuivre au Conservatoire de
Bruxelles, où deux ans plus tard, il obtient un premier prix pour piano jazz. En 1992, à
Maastricht, l’International Association of Jazz Educators le distingue au travers du
‘special citation for outstanding musicianship’. En 1994, à l’affiche du Festival de
Liège avec son quartet, il reçoit le Prix ‘Nicolas Dor’.
A côté de son propre quintet (avec lequel il publie ‘A Child’s Blessing’ en 1998 et
‘Songs And Dances’ en 2001, tous deux sur le label W.E.R.F.), Ernst Vranckx est
aujourd’hui un membre actif de The Chris Joris Experience. Il collabora aussi avec
John Ruocco, Kenny Wheeler et Bert Joris. Depuis 1993, Ernst Vranckx enseigne le
piao et l’harmonie au Conservatoire de Gand et au Jazz Strudio d’Anvers.

Jean Warland
(voir Historiques)

Diederik Wissels
A l’âge de cinq ans, Diederik Wissels (°1960 à Rotterdam) jouait déjà du piano, avant
d’apprendre la guitare, la flûte traversière et le piano à l’académie. A seize ans, il
étudie le piano avec Michel Herr, puis un peu plus tard, part à Boston suivre les cours
du Berklee College of Music avec e.a. Kenny Drew et John Lewis. En 1982, il y
reçoit son diplôme de Professional Music. De retour en Belgique, il commence à
travailler avec Jacques Pelzer et Jean Linsman.
Toujours en 1982, il remporte le premier prix de la 4ème édition de l’International
Jazz Contest de Hoeilaart, au sein du Jan de Haas Quartet. Depuis lors, ce
compositeur-pianiste touché par la grâce va collaborer avec des célébrités comme
Toots Thielemans, Sahib Shihab, Joe Henderson, Mark Murphy, Chet Baker, Slide
Hampton, Larry Schneider, Philip Catherine, Per Goldschmidt, Junior Cook, Steve
Houben, Guy Cabay, Philippe Aerts, l’ancien BRT Jazz Orkest et Isabelle Antena.
En 2001, Diederik Wissels surprend tout le monde avec le cédé ‘Streams’ (Igloo),
publié avec le saxopho-niste ténor Bart Defoort, accompagnés par le contrebassite
Stefan Lievestro et le batteur Lieven Venken.
En compagnie du chanteur David Linx, avec lequel, depuis vingt ans, il rencontre
régulièrement le succès, Diederik Wissels sortira à la fin de la même année un autre
cédé ‘Heartland’ (Emarcy). A côté de Paolo Fresu (tp, bugle), on y trouve le
contrebassiste Palle Danielsson et le batteur Jon Christensen, ainsi qu’un quatuor à
cordes composé de Igor Semenoff, Cécile Broché, Dominica Eyckmans et Jean-Paul
Dessy. De plus, Diederik Wissels se produit régulièrement avec son Silent Song
Sextet, avec lequel il interprète le répertoire de Federico Mompou.
Diederik Wissels : ‘ J’ai rencontré David Linx à l’âge de quatorze ans, à l’académie
de Hoeilaart. Je répétais alors avec mon petit groupe dans le grenier chez Jan de Haas,
David nous rejoignait de temps à autre pour jouer de la batterie. On passait des heures,
encore maintenant, à s’échanger des idées, d’où sortait avec la régularité d’une montre
un projet de collaboration ou un album. Chez moi, on écoutait vraiment tous les styles
de musiques, de cultures et de périodes très différentes. Je n’ai donc pas été influencé
pour prendre une direction musicale définie. J’ai toujours pu déterminer si la musique
me touchait ou non, quel que soit le style. Je ne savais même pas que ce que mon père
jouait - un pianiste de jazz de bonne facture - s’appelait le jazz. Enfant, en essayant
constamment de l’imiter au piano, j’ai atterri naturellement sur le terrain du jazz.
Je n’ai assimilé que plus tard les frontières entre les différents genres et périodes,
même si elles n’apparaissent pas dans mes compositions. Je tiens à créer un son qui
m’est propre et reconnaissable, au lieu de devenir une photocopie de quelque chose
qui existe déjà, mais, toujours sans me forcer. C’est comme pour Federico Mompou :
les choses ne semblent vraisemblables que lorsqu’elles émanent d’un processus
naturel.
La musique de Mompou, comme elle ne trahit pas ses origines espagnoles, ne peut
être classée dans une case. Son unique objectif a toujours été de ne pas perdre sa
personnalité dans sa musique, avec pour conséquence que son style difficile à définir
n’est jamais vraiment devenu populaire. Tant que tu n’entres pas dans telle ou telle
case, tu ne sembles pas compter. Je lutte depuis toujours contre ce principe. Je consi-
dère que nous devons plus que jamais nous opposer à cette mentalité du classement, et
quels artistes sont mieux armés pour cela que les musiciens de jazz ?’

Pirly Zurstrassen
Né le 15 avril 1958 à Heysy (Verviers), Pirly Zurstrassen apprendra à jouer du piano
en autodidacte. En 1977, il s’inscrit au Conservatoire de Verviers. Ensuite, il suivra
les cours d’improvisation donnés au Séminaire de Jazz du Conservatoire Royal de
Liège.
‘Gallinacée’ est le titre du premier album de Zurstrassen, publié en 1984 avec son
quintet (Igloo). L’année suivante il compose la bande-son de la série télévisée Quick
& Flupke. En 1987, il fonde le septet H (H du grec hepta, sept). Le premier album de
‘H’ (Igloo) sera couronné par le Prix Sax. En 1993, il remporte le prix André Grosjean
pour la publication de ‘Hautes Fagnes’ (Igloo).
Pirly Zurstrassen travaille aussi souvent en duo, comme dans ses projets avec Daniel
Stokart, la vocaliste suisse Christine Schaller (parfois en trio avec Garrett List) et le
regretté Jean-Pierre Catoul (cédé ‘Septimana’, Carbon 7). Les activités de Pirly
Zurstrassen se déploient aussi sur les terrains du théâtre et de la danse. Depuis 1990,
Zurstrassen enseigne dans la section francophone du Conservatoire Royal de
Bruxelles, et depuis 1995 dans la partie néerlandophone. Pirly Zurstrassen préside
depuis quelques années, l’association des Lundis d’Hortense.
Jempi Samyn veut remercier (dans l’ordre arbitraire) : Rik Bevernage, Filip Delmotte,
Jan Rachels, Marnix Puype, Miel Vanattenhoven, Ilan & Monique Oz, Guy Van De
Poel, Dirk De Gezelle, Jos Demol, Emile Clemens, Luc De Baets, Sim Simons, Guido
Geuns, Koen Maes, Jules Imberechts, Christiane Gillaerts, Christine Jottard, Guy
Segers, Alan Ward, Jos Knaepen, Jacky Lepage, Dirk Godts, Veerle Vandepoel,
Jacobien Tamsma, Patrick Verstraete, Dirk Feys, Ronny Michielsen, Bertrand
Flamang, Jan Hautekiet, Emily-Sue Van Horenbeeck, Jean-Marie Vangrudenberg,
Bart De Smedt, Marc Tasset, Bruno Deneuter, Renata Kamara, Sergio Duvallioni,
Paul Huygens, Jean-Claude Laloux, Patrick Bivort, Kloot Per W, Dirk Fryns, Marc
Bosch, Liesbeth, Karel et Lukas, et tous les artistes dans ce livre.
PORTRAITS DE MUSICIENS ET GROUPES
(Résumé des musicien et groupes traités, dans l’ordre alphabéthique)

Phil Abraham 101


Philippe Aerts 105
Aka Moon 109
Fabrice Alleman 113
Pierre Bernard 117
Michel Bisceglia 117
Laurent Blondiau 118
Brussels Jazz Orchestra 123
Bruno Castellucci 129
Philip Catherine 133
Jean-Pierre Catoul 138
Michel Debrulle 143
Bart Defoort 147
Kris Defoort 151
Fabien Degryse 156
Jan de Haas 156
Bart De Nolf 157
Ecaroh 159
Fabian Fiorini 161
Marc Godfroid 162
André Goudbeek 165
Grand Groove 166
Greetings From Mercury 167
Manu Hermia 171
Michel Herr 172
Peter Hertmans 176
High Voltage Sextet 179
Steve Houben 180
Gilbert Isbin 184
Peter Jacquemyn 185
Bert Joris 187
Chris Joris 193
Sal La Rocca 196
Gino Latucca 197
Eric Legnini 201
David Linx 206
Charles Loos 211
Nathalie Loriers 213
Bart Maris 217
Michel Massot 221
Octurn 225
Odds On 230
Ivan Paduart 230
Dré Pallemaerts 231
Pay Day In March 236
Jacques Pirotton 237
Antoine Prawerman 237
Paolo Radoni 238
Jean-Louis Rassinfosse 242
Daniel Romeo 247
Slang 248
Ben Sluijs 248
Emmanuelle Somer 252
Eric Thielemans 253
Toots Thielemans 9
Think Of One 254
Nic Thys 255
Alexi Tuomarila 258
Frank Vaganée 259
Pierre Vaiana 263
Bart Van Caenegem 267
Johan Vandendriessche 268
Pierre Van Dormael 271
Kurt Van Herck 274
Fred Van Hove 278
Erwin Vann 283
Lieven Venken 287
Mimi Verderame 288
Peter Vermeersch 289
Erik Vermeulen 292
Ernst Vranckx 297
Diederik Wissels 298
Pirly Zurstrassen 301
INDEX
(Musiciens et groupes belges)

Abraham, Phil (tb): 30, 36, 43, 95, 101, 177, 293
Abraxis: 89, 211
Act Big Band: 37, 77, 78, 101, 107, 113, 139, 162, 175, 182, 188, 197, 221, 245, 250,
263, 266, 283
Adam, Kathy (cello): 212
Aerts, Chryster (dm): 32
Aerts, Josse (dm): 52, 56, 57
Aerts, Philippe (b): 31, 36, 37, 44, 105, 187, 215, 257, 267, 275, 277, 292, 298
Aka Moon: 31, 36, 38, 39, 41, 43, 89, 109, 117, 153, 161, 203, 209, 210, 231, 238,
263
Albimoor, Willy (p): 72, 76, 86
Alexandre, Bill (g): 61, 69
Algoed, Karel (b): 96
Allaert, Philippe (dm): 206
Alleman, Fabrice (ss, ts): 30, 38, 70, 113, 139, 159
Andina, Michel (sitar): 167
André, Frans (p): 70
Antoine, Eric (b): 201
Ardui, Michel (p): 197
Arkam: 240
Asselberghs, Roger (cl, bs): 26, 28, 61, 71, 72, 73, 75, 94
Ayal, Joop (ts, cl): 96
Azeto Orkestra: 267
Bab’s / Babs’ All Stars: 96
Baklava Rhythm and Sounds: 89, 143, 197, 221
Balliu, Rudy (cl, tp): 91, 92
Bart, Harry (s): 58
Bathyscaphe 5: 143, 221
Bauwens, Tony (p): 31, 69, 76, 86, 162
Bay, Francis (tb, cond): 74, 79, 94, 134
Bayens, Vic (ts): 56
Bed and Breakfast: 117
Bedeur José (b): 81, 132
Bee, David (Ernest Craps) (as, ts, cl, vib): 44, 51, 57, 58, 59, 69, 81, 94
Belgian Bluebirds: 71, 76
Belgian Swing Band: 94
Belien, Harry (dm): 51
Bély, Jacques (ts): 132
Benali, Galia (voc): 118
Bernaerts, Bert (tp): 220
Bernard, Pierre (fl): 31, 117, 212, 266
Beurlys, Jean (voir Jean Blaton)
Bevernage, Pol (bs): 69
Beysens, Patricia (voc): 75
Big Easy Brunch, The: 92
Bisceglia, Michel (p): 117, 253
Bistrouille A.D.O.: 51, 53
Bistrouille Amateurs Jazz Kings: 53
Bizet, Véronique (p): 117, 253
Black Diamonds Brassband: 92
Blancke, Stefan (tb): 254
Blaton, Jean (Jean Beurlys) (g): 81
Blésin, Maxime (g): 30, 39
Blondiau, Laurent (tp, bugle): 31, 38, 41, 118, 177, 213, 215, 219, 220, 226, 237, 253
Bob Shots: 61, 65, 66, 68, 69, 71
Bodson, Olivier (tp): 39, 217
Bogart, Gaston (Gaston Bogaerts) (dm): 62, 78
Boland, Francy (p, tp, mel): 28, 43, 66, 68, 69, 70, 71, 82, 84, 85
Bop Friends: 74, 76, 86
Borremans, Bart (s): 31
Bossu, Marcel (g): 72
Bourdiaudhy, Paul (tb): 86
Bourguignon, Jean (tp): 66
Bourguignon, José (dm): 81
Boutreur, Benjamin (as): 96
Bovée, David (g, voc): 254, 291
Bracaval, Stephan (fl): 30, 38, 40, 43
Braeckman, Hendrik (g): 30
Brenders, Stan (Constant) (p): 35, 36, 51, 54, 57, 60, 69, 74, 85, 94
Breyre, Jos(se) (tb): 55, 60
Brinkhuizen, Albert (tb): 54, 58
BRT Jazz Orkest: 85, 123, 157, 162, 163, 174, 187, 189, 190, 221, 259, 268, 283, 292,
298
Bruder, Rudy (p): 56
Bruneel, Janos (b): 32
Brussels Jazz Gang, The: 17, 21
Brussels Jazz Orchestra: 30, 36, 40, 41, 42, 44, 86, 113, 119, 121, 122, 123, 147, 151,
153, 163, 164, 175, 179, 187, 188, 198, 206, 231, 250, 255, 260, 262, 267, 274, 275
Brussels Little Big Band: 95
Buchem, Janot (b): 182
Bulteel, Curt (Bas) (p): 70, 96
Bunner, Mickey (tb): 72, 73, 75, 86
Busnello, Eddie (as, bs): 68, 85
Buster and the Swing: 95
Cabaret Kings: 56, 59
Cabay, Guy (vib): 31, 37, 42, 45, 81, 182, 204, 237, 298
Calmeyn, Charlie (dm): 62
Candrix, Fud (ts, vln): 36, 54, 55, 58, 59, 63, 69, 94
Carels, Henri (tp): 73, 75, 96
Carnin, Jean (dm): 61
Carolina Stomp Chasers: 56
Cassiers, Steven (dm): 32
Cassol, Fabrizio (as): 17, 25, 30, 38, 42, 43, 89, 109, 110, 111, 112, 143, 145, 151,
162, 201, 204, 209, 221, 222, 224, 238, 245, 252, 266, 271
Castellucci, Bruno (dm): 18, 22, 31, 78, 85, 86, 89, 90, 110, 129, 145, 156, 159, 160,
161, 172, 174, 177, 197, 203, 240, 245, 275, 283
Catherine, Philip (g): 14, 22, 26, 30, 36, 38, 41, 42, 43, 45, 46, 72, 77, 82, 105, 106,
107, 118, 124, 126, 133, 138, 156, 157, 175, 177, 187, 189, 190, 197, 203, 211, 230,
233, 245, 250, 268, 277, 288, 298
Catoul, Jean-Pierre (vln): 37, 39, 113, 138, 176, 179, 201, 212, 301
Cavalière, Alexandre (vln): 32
Cercle Sweet and Hot: 96
Chakachas: 62, 78
Chantrain, Emile (cl, ts): 79, 86
Charlier, André (dm): 36, 161, 237
Charlier, Francis (g): 172
Claessens, Pierre ‘Pitou’ (cl): 91, 92
Claeys, Anthony (g): 31
Clais, George (tp): 55, 58
Clark, Gus (p): 62
Clark, Pol (ts): 62
Clarke-Boland Big Band: 28, 68, 69, 70, 84
Clement, Johan (p): 76
Clever, Jay (Jack Kluger) (lead): 58, 59
Closset, Pol (tp): 95, 105, 244
Clouds, The: 79
Collectif du Lion, Le: 143, 221
Collegians, The: 53, 58
Collette, Olivier (p): 39
Collignon, Raymond ‘Coco’ (p): 56, 72
Cooijmans, Bas (b): 78, 240
Coolen, Jef (tp): 86
Coppieters, Francis (p, arr): 17, 68, 70, 71, 85
COS: 38, 89, 211
Cosa Nostra: 89
Costy, René (vln): 57
Cotton City Jazz Band: 91, 92, 95
Couroyer, Benny (ts, vln): 79, 86
Cox, Alphonse (tp): 51
Craps, Ernest (voir David Bee)
Creado, Pros (s): 79, 86
Cruyt, Jacques (tp): 91
Dartsch, Bob (dm): 95
De Backer, Jan (tb): 124, 289
De Bie, Ivon (p): 54, 55, 58, 69
De Boeck, Jeff (dm): 55, 58, 70
De Bondt, Freddy (ts): 61
Debray, Fernand (tp): 56
Debrulle, Michel (dm, perc): 89, 143, 221, 224
De bruyn, Steven (hca): 11
Decae, Phil (p): 61
De Cauter, Dajo (b): 32
De Cauter, Koen (g, ss, ts, voc): 96
De Ceunynck, Camille (p): 96
De Cock, Joris (tp): 92
De Cock, Marcel (anches): 58
De Cock, Omer (ts, cl): 58
Decock, Philippe (synth, p): 206
De Coninck, Jan (tp): 96
De Cort, Danny (g): 268
De Doncker, Els (tp, fl): 30, 40
Deep Creek Jazzuits: 96
Deep in the Deep: 38, 119, 153, 237
Defoort, Bart (ss, ts): 17, 30, 39, 40, 43, 70, 117, 124, 147, 251, 255, 293, 298
Defoort, Kris (p): 30, 38, 39, 40, 43, 105, 117, 121, 123, 148, 151, 197, 221, 222, 226,
228, 233, 238, 255, 266, 274, 286
Degryse, Fabien (g): 30, 37, 42, 43, 156, 177, 263
de Haas, Jan (dm, vib): 39, 95, 118, 156, 177, 206, 212, 253, 292, 298, 300
Dehaes, Robert Louis (tp): 56, 58, 79
De Kers, Robert (tp, p): 53, 56, 57, 59, 61, 65, 74, 94,
Delahaut, Jean (b): 56
De Latte, Eddie (vln): 63, 94
Delbecque, Martha (voir Martha Love)
Deloof, Gus (tp): 52, 55, 56, 58, 69, 94
Delplancq, Frédéric (ts): 31
Deltenre, Patrick (g): 30, 39
Deltour, Emile (voir Eddie Tower)
De Maeseneer, Mark (s): 31
Demagogue Reacts, The: 39, 268
Demany, Jack (s, vln): 54, 58
De Mayer, Clement (b): 79, 134
Demeuldre, Léon ‘Bodash’ (dm): 61
De Meyer, Jan (dm): 32
Demol, Léon ‘Podoum’ (tp): 61, 95, 105
Demuynck, Jo (dm): 70, 75, 85
Denis, Daniel (dm): 217, 240
De Nolf, Bart (b): 31, 86, 106, 157, 197, 257
Deprez, Ruben (tb): 254
De Prins, Thomas (p): 96
Deronde, Freddy (b): 77, 89, 136, 161, 174, 244
Dersin, Gene (as, cl): 57
De Rudder, Michel (bs): 25
Deruyter, Frank (ts): 166, 251
De Smaele, René (tp): 95
Desmedt, Billy (org): 73
De Smet, Philippe (dm): 92
De Smet, Tomas (b, dm, voc): 254
Desmyter, Fré (p): 31, 119
Detaeye, Norbert (p, voc): 92
De Troch, Walter (p, bjo): 91
Devisscher, Christophe (b): 32, 197, 258
Devos, Eddy (as, ts, bs): 40, 86, 96
Devos, Ferry (b): 95
Dewulf, Tom (dm): 32
Dickenscheid, Michel (ts): 25, 81
Diva Smiles: 151, 263
Dixie Ramblers: 95
Dixie Stompers: 91
Dixieland Gamblers: 244
Doctor Mysterious Six: 53
Dolne, Chas (g, vln): 54, 56, 58, 69
Doneux, Bilou (dm): 119, 251
Donni, André (ts, cl): 38, 41, 94, 95, 96, 211
Donni, Willy (g): 94, 95, 96, 132
Dorcean, Patrick (dm): 247
Dossche, Guy (bs, cl): 79, 86
Douchamps, Jean (voir John Sweetfield)
Dover, Johnny (bs): 73, 89, 95, 105
Draelants, Armand (dm): 55
Dubois, Paul (b): 41, 73, 94, 95, 105, 244
Duerinckx, Kris (dm): 230
Dumont, Paul (p): 279
Dumoulin, Jozef (p): 31, 285
Dusoir, Ronnie (dm): 165
Dynamite, Tony (Charlie Pauwels) (d): 95
Dynamite Trio: 95
Ecaroh: 41, 43, 78, 113, 159
Eddyn, Jacky (s): 86
Emanon Five: 250
Engelen, Frank (g): 55, 58, 59, 69
Erbstösser, Christoph (p): 197, 260, 283
Evans, Jean (p): 79, 134
Evens, Luc (b): 237
Excellos Five, The: 53
Experimental-Jazz Trio: 194
Faisant, Raoul (ts, cl): 49, 57, 65, 67, 69, 74, 81
Fanis, Jean (p): 28, 71, 72, 73, 74, 76
Favarel, Frédéric (g): 101
Feyaerts, Pol (b): 165
Fiorini, Fabian (p): 161, 226
Fissette, Nic (tp): 61, 71, 72, 76, 86, 89, 161
Fiszman, Nicolas (elb): 206
Flat Earth Society: 39, 217, 219, 236, 289, 291, 292
Flechet, Léo (p): 77
Flush, Paul (org): 39, 268, 269, 270
Fondy Riverside Bullet Band: 73, 92
Foofango: 39, 42, 265, 267
Frankel, Rudy (perc, dm): 28, 71, 72, 73, 95
Franken, Rob: 18, 22
Frédéric, Gaston (ts): 51
Frémaux, Louis (lead): 49
Frivole Framboos, De: 267
Full Moon Trio: 165
Galland, Stéphane (dm): 89, 109, 110, 111, 139, 141, 167, 168, 201, 204, 228, 245,
247, 271, 275
Garny, François (b, voc): 31, 39, 172, 248
Gebler, Jean-Pierre (bs): 81
Geers, Didier (dm): 92
Gerstmans, Samuel (b): 32
Gevaert, Pol (b): 91
Gielen, Bert (org, p): 247
Gistelinck, David (voir David Linx)
Gistelinck, Elias (lead): 35, 72, 81, 83, 85, 206
Glorieux, Remy (bb): 51
Godfroid, Marc (tb): 30, 37, 42, 123, 124, 162, 217
Goessens, Kris (p): 30, 38, 46, 262
Goffin, Robert (tp): 51, 94
Golden River City Jazzband: 91
Goldstein, René (René Goossens) (b): 59, 62, 70, 85
Goossens, René (voir René Goldstein)
Goudbeek, André (as, bcl, ban): 30, 38, 44, 81, 87, 165, 185, 217, 282
Goya, Francis (voir Jo Van Wetter)
Goyens, Al (tp): 56, 76
Grande Formation, La: 117, 143, 221, 238
Grand Groove: 166
Greetings From Mercury: 39, 41, 167, 177, 179
Greindl, Henry (g, b, synth): 212
Grynrock, Guy (p): 74
Gumbo Four: 92
GVA Quintet:: 119
Gyselinck, Tony (dm): 31, 86
Harnie, Edmond (tp): 42, 58, 79, 85, 86, 163
Harvengt, René (vib, p, perc): 197
Hatzi(georgiou), Michel (elb): 22, 31, 37, 45, 89, 109, 110, 111, 113, 147, 182, 194,
197, 206, 231, 247, 253, 257, 271, 275, 283, 285
Helios Quartet: 253
Hellemans, Marcel (ts): 62
Hendrick, Laurent (btb): 124
Hendrickx, François (tb): 86
Hermans, Willy (lead): 96
Hermia, Manu (as, ss, fl, voc): 17, 39, 43, 171, 248, 293
Herouet, Marc (p): 44, 49, 95, 244
Herr, Michel (p): 17, 22, 37, 38, 44, 45, 77, 78, 84, 89, 90, 105, 113, 123, 124, 129,
139, 156, 157, 161, 172, 182, 187, 197, 204, 231, 233, 237, 245, 250, 268, 274, 288,
298
Hertmans, Peter (g): 30, 38, 39, 41, 43, 124, 141, 167, 176, 255, 285, 292
Heuvinck, Bert (cl): 91
Heyne, Joe (arr, comp): 81
Heyninck, Buddy (dm): 56
High Voltage Sextet: 179, 267
Hirsch, Lucien (s, cond): 57, 58
Hollander, Marc (ky, bcl): 240
Hot Club St.-Niklaas big band: 96
Hot & Swing A.D.O.: 53
Houben, Gregory (tp): 31
Houben, Steve (as, ss, fl): 16, 30, 37, 38, 39, 42, 43, 45, 67, 76, 87, 89, 105, 113, 129,
139, 147, 156, 174, 180, 184, 200, 211, 212, 213, 216, 231, 237, 245, 248, 263, 266,
274, 288, 298
H Septet: 38, 238, 283, 301
Hus, Walter (p): 226, 228
Ingeveldt, Vic (ts, cl, fl): 57, 58, 62, 86
Inner Space Band: 283
Isbin, Gilbert (g): 38, 184
Jacobs, Léon (tp): 52
Jacquemyn, Peter (b): 166, 185
Jadot, Sébastien (tb): 201
Jambangle: 39, 260
Janssens, Jonas (s): 31
Jaspar, Bobby (ts, fl, cl, bs): 28, 36, 43, 61, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 82, 84, 132, 213
Jaspers, Pol (ts): 96
Jazz Addiction Band, The: 113, 288
Jazz Combine: 75
Jazz for Fun: 26, 73
Jeanne, Robert (ts): 43, 77, 89, 90, 129, 161, 174
Jeggpap New Orleans Jazzband: 37, 91, 92, 65
Jonckeer, René (p): 40, 260, 262
Joossens, Philip (p): 31
Joris, Bert (tp, buglr): 30, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 44, 86, 105, 107, 118, 119, 122, 123,
124, 127, 134, 174, 176, 177, 187, 219, 220, 231, 233, 250, 260, 267, 275, 277, 283,
293, 297
Joris, Chris (dm, perc, p): 31, 38, 40, 42, 44, 147, 148, 184, 193, 206, 212, 240, 260,
265, 267, 268, 285, 297
Jos Moons Big Band: 96, 250
Jowat, Pierre (d): 76
Jump College, The: 61, 72
Jun(e), Jean-Jacques (Jacky) (ss, as, ts): 61, 72
Kamikaze: 217, 236
Kay, Mary (voc): 62
Kellens, Christian (tb): 68, 71, 85
Kempf, Gene (b): 55, 58
Kennis, Vincent (elb): 240
Kleptomania: 240
Kletchkovsky, Nic(olas) (b): 76, 85, 86, 89, 161, 174
Kluger, Jack (vr Jay Clever)
Knapen, André (tb): 95, 244
Knegtel, Charlie (tp): 71, 79
Komac, Jean-Philippe (dm): 40
Kot Jazzmen: 61
Kowalski, Anja (g): 291
Kriekels, Jacques (ts): 57, 58
Kuijken, Jan (cello): 255
Kummert, Nicolas (ts): 31, 258
Lafertin, Fapy (g): 96
Laine, Peter (Marcel Peeters) (as, arr): 79
L’Ame des Poètes: 156, 245, 263, 267
Langue, Albert (tp): 40, 41, 91
La Rocca, Sal(vatore) (b): 22, 31, 118, 172, 177, 196, 215, 257, 292
Lasoen, Isolde (dm): 32
Lattuca, Gino (tp, bugle): 31, 89, 124, 148, 172, 197, 222, 267, 288
Lauwers, Raymond (s): 74
Leblanc, Philippe (s, bcl): 197, 222
Lebrun, Franz (acc, as, ts): 76
Leclère, Jean (p): 65, 132
Lecomte, André ‘Druss’ (aussi ‘Babs’) (p): 96
Leeuwe, Hinderik (tp): 95
L’Eglise, Frans (as, cl): 79, 86
Legnini, Eric (p): 30, 36, 37, 77, 110, 113, 139, 201, 237, 245, 247, 275, 288
Lemon Air: 37, 182
Lepage, Albert (voir Bert Paige):
Lesire, Alain (p): 49, 95
Letellier, Emile (g): 242
Leybaert, Emiel (d): 91
L’herbette, Nicolas (b): 39
Lhost, Freddy (cl, as): 61, 85
Libon, Charles (b): 66
Liefsons, Andres (vib): 43
Liégeois, Quentin (g): 32
Liénard, Jean-Pierre (g, bjo): 95
Lilith: 78, 89, 197
Limbourg, Dieter (as, cl, fl): 30, 124, 179
Linx, David (David Gistelinck) (voc): 30, 36, 37, 38, 39, 40, 43, 109, 194, 206, 213,
255, 263, 271, 275, 277, 298, 300
Locurcio, Marco (g): 30, 176, 179
Logist, Lou (acc): 58, 69
Lognay, Pierre (g): 30, 37, 39
Loos, Charles (p): 30, 37, 38, 39, 42, 43, 45, 90, 95, 105, 138, 156, 182, 197, 200,
201, 211, 213, 231, 244, 245, 263, 285
Loozen, Eddy (p): 253
Loriers, Nathalie (p): 22, 30, 36, 38, 39, 41, 42, 43, 118, 119, 121, 122, 157, 197, 213,
248, 259, 260, 274, 275
Lots, Charlie (tp): 62
Love, Martha (Martha Delbecque) (v): 58
Luypaerts, Claude/Claudine (voir Maurane)
Määk’s Spirit: 38, 41, 118, 119, 121, 221, 253
Mad Spirit: 238
Mahieu, Tom (ts, ss): 31, 40
Malempré, Frédéric (perc): 32
Manssens, Nico (dm): 32
Mardens, Vincent (ts, as): 95
Mardens, Vivi (dm): 95
Maris, Bart (tp): 31, 96, 166, 185, 217, 254, 268, 291
Martini, Stéphane (g): 30
Massart, Arnould (ky): 37, 222
Massot, Michel (tb, tu): 30, 89, 119, 143, 145, 201, 221, 252, 253, 266
Mast, Michel (ss): 165, 194
Maurane (Claude/Claudine Luypaerts) (voc): 37, 211, 230, 268, 283, 288
Mauve Traffic: 81, 89, 182
Mentens, Chris (b): 40
Mercier, Laurent (dm): 70, 156
Mercini, Marc (Marc Mestrez) (tb): 86
Merry-Go-Round: 182
Mertens, Lode (tb): 124, 179
Mertens, Theo (tp):
Mestrez, Marc (voir Marc Mercini)
Meyer, Sara (s): 31
Miami Jazz-Band, The: 53
Michaux, Pascal (p, s, cl): 95
Michiels, Frank (perc): 39, 206, 268, 269
Milkshake Banana: 268, 292
Minstrels A.D.O., Les: 53
Modern Brass Band, The: 74
Moeremans, Jean (as): 49
Mohawk’s Jazz Band: 53
Mohy, Pascal (p): 31
Morales, Garcia (dm): 89
Morales, Janot (tp): 54, 58, 69, 74, 85, 86, 94
Mores, Roger (p): 72
Morrel, Eric (ts): 254
Moulin, Marc (p, ky): 31, 35, 39, 78, 89, 90, 129, 136, 160, 175, 188, 211, 217, 265,
268
Mox, Georges (ts): 74
Mues, Jan (bugle): 219, 250
Murlot, Eddy (p): 95
Naret, Bobby (as, cl): 55, 57, 58, 69, 94
Nasa Na: 89, 110, 204, 271
Neve, Jef (p): 31
New Jazz Group: 82
New Look Trio: 74, 76
New Orleans Roof Jazzmen, The: 91
Nihoul, Jan (vib): 31
Nijs, Koen (s): 31
Nsita, Willy (elb): 172
Nuyts, Frank (perc, comp): 236
Octors, Georges (vln): 57, 221
Octurn: 39, 40, 119, 122,147, 153, 154,155, 162, 225, 237, 238, 250, 255
Odds On: 230
Ode For Joe: 41, 43, 177, 197
Omer, Jean (s): 3§, 52, 54, 55, 56, 69, 94
Open Sky Unit: 89, 189, 182, 265
Original Patershol Ragtimers, The: 92
Overberghe, Cel (ts): 281
Ouwerx, John (p): 52, 54, 56
Packay, Peter (Pierre Paquet) (tp): 44, 51, 52, 53, 57, 58, 94
Paduart, Ivan (p): 30, 33, 38, 39, 176, 197, 215, 213, 230, 251, 255
Paessens, José (anches): 86
Paige, Bert (Albert Lepage) (arr): 79
Pallemaerts, Dré (d): 18, 31, 37, 44, 118, 174, 187, 212, 231, 247, 248, 253, 257,260,
262, 267, 274, 275, 277, 283, 285, 287, 292
Pantha Rhei: 182, 183, 212
Pâques, Jean (p): 49, 53
Paquet, Pierre (voir Peter Packay)
Paré, Michel (tp, bugle): 124
Parfum Latin: 117, 157, 212
Patigny, Renaud (p): 96
Pauwels, Charlie (voir Tony Dynamite)
Pay Day In March: 236
Payen, Stéphane (as): 237
Peeters, Arthur (b): 56, 57
Peeters, Jan (bs): 254
Peeters, Marcel (voir Peter Laine)
Peeters, Yves (dm): 32
Pelzer, Jacques (as, fl): 16, 26, 28, 37, 38, 62, 65, 66, 67, 73, 75, 77, 82, 106, 129,
132, 136, 138, 157, 180, 196, 203, 204, 222, 231, 237, 245, 263, 265, 275, 288, 293,
298
Pelzer, Micheline (dm): 67, 182
Peret, Johnny (dm, vib): 73, 132 , 145
Pernet, Robert (dm): 25, 26, 42, 47, 50, 53, 81, 83, 97, 134
Philipot, Ferdinand (b): 197
Pierreux, Ewout (p): 31
Pilartz, Luc (vln): 182
Pintens, Tom (ky): 254
Pirotton, Jacques (g): 30, 36, 41, 141, 182, 237, 283, 288
Placebo: 39, 78, 89, 129, 160, 161
Plumacker, Alexandre (tp): 31
Plume, Serge (tp, flhn): 31, 36, 123, 124, 163, 219
Poliet, Lucien (d): 56, 57
Pollain, Daniel (ts): 31, 95
Poriau, Roel (d): 254
Pork Pie: 133, 137
Porter, Bob (p): 76, 86, 259, 268, 283, 293
Pougin, Stephan (d): 32, 182
Poumay, Olivier (hca): 11
Pousseur, Denis (comp): 224, 228
Prawerman, Antoine (cl, bcl): 38, 110, 117, 121, 226, 237
Prins, Jeanfrançois (g): 30, 39, 77, 78
Putsage, André (d): 66
Quartier, Bart (vib): 31
Quersin, Benoît (b, ob, cello, tu): 26, 28, 35, 66, 67, 71, 73, 136
Radoni, Paolo (g): 30, 37, 95, 147, 172, 175, 179, 197, 238, 250
Ragatzu, Paolo (p): 172
Raiff, Guy (g): 30
Rassinfosse, Jean-Louis (b): 39, 42, 105, 113, 156, 159, 177, 178, 197, 201, 211, 240,
242, 263, 275
Rebelles du Rythme, Les: 288
Red Beans, The: 53
Reinhardt, Django (g): 12, 42, 54, 55, 57, 58, 68, 69, 96,133, 134, 242
Remue, Chas. (Charles) (as, cl): 51, 52 54, 55, 57
Renard, Johnny (tp, vib): 76, 81
Rêve d’Eléphant Orchestra: 117, 119, 143, 146, 159, 221 Robert, Babs (ts): 26, 81, 83
Robert, Jean (ts): 53, 56, 58, 60, 69, 94
Robert, Pierre (g): 65, 66
Rockin, Willy (as): 74, 75,94Ï
Romeo, Daniel (b): 31, 172, 203, 205, 247, 257, 276
Ronsse, André (ts, cl): 95
Rose, Frankie (g): 30
Rose, Roger (as): 62
Rottier, Freddy (dm): 28, 74, 75, 76, 85, 87, 89, 95, 125
Rousselet, Richard (tp, bugle): 28, 30, 31, 37, 38, 41, 43, 45, 70, 77, 89, 90, 95, 96,
113, 118, 119, 129, 139, 147, 156, 159, 160, 174, 182, 200, 245, 247, 255, 263, 283,
288, 293
Sadi (Lallemand) (vib, voc, bongo’s): 26, 28, 31, 36, 38, 39, 41, 42, 65, 66, 67, 68, 70,
72, 74, 75, 82, 85, 86
Saerens, Joachim (p): 235
Saguet, Arthur (anches): 54, 56, 57, 58
Sainderichin, Thomas (b): 32
Sambal Oelek: 237
Sandy, Herman (tp): 26, 41, 61, 65, 71, 73, 74, 75, 95
Sardjoe, Chander (dm): 226, 228, 253
Sax No End: 43, 70, 113, 250
Saxo 1000: 43, 67, 77, 81, 175, 182, 245
Saxorama: 72, 75, 79, 84
Sax-Port: 43, 70
Schaller, Christine (p, voc): 77, 240, 301
Schell(ekens), Daniel, (g): 211
Schepers, Nico (tp,bugle): 31, 96, 119, 124, 179
Schillebeeckx, Raphaël (g): 30
Schreurs, Jokke (g): 96
Schroeder, Jean-Pol (p): 25, 40, 67, 82, 89, 222
Scorier, Alex (ts): 26, 81, 89, 95, 102, 129, 132
Seba, Michel (perc, voc): 31, 39, 172, 248
Segers, Henri (p): 56, 63, 68, 76, 85, 86, 94
Segers, Steven (voc): 41, 167, 169, 171
Sels, Jack (ts): 28, 46, 61, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 79, 82, 84, 86, 87, 94, 133
Semenoff, Igor (vln): 212, 300
Session d’une heure: 62, 67
Simon, Claudine (p): 78, 89, 197
Simtaine, Félix (dm): 28, 31, 37, 74, 77, 89, 96, 101, 105, 107, 129, 138, 139, 147,
161, 163, 174, 175, 176, 188, 197, 203, 212, 213, 221, 240, 245, 255, 263, 274, 283,
292
Sketches: 117
Slang: 39, 171, 172, 248
Sluijs, Ben (as, fl): 17, 30, 38, 39, 41, 44, 70, 240, 248, 253, 262, 293
Solbach, Henry (s): 58
Solis, Lacus: 38, 77, 78, 89, 129, 161, 174
Solstice: 174, 182
Somer, Emmanuelle (ob): 252
Son, Pascale (voc): 211
Souris, Léo (p): 44, 73, 82
Squinquel, Roger (tb): 56
Stokart, Daniel (as, ss): 301
Struvay, Milou (tp): 81
Sunder(mann), Freddy (g, voc): 26, 75, 79, 86, 95, 134
Sweetfield, John (Jean Douchamps) (g): 70
Sweet Substitutes: 78, 95, 188, 211
Swing Dealers, The: 95
Swingtet Pont d’Avroy: 65
Take The Duck: 257
Talbot, Marie-Sophie (p): 31
Ten-Tamarre: 31, 77, 101, 113, 250
Terby, Fernand (vln): 72
Thielemans, Eric (dm): 119, 184, 250, 253
Thielemans, Toots (hca, g): 9, 26, 30, 37, 41, 42, 61, 65, 66, 67, 69, 70, 71, 72, 73, 74,
97, 101, 105, 118, 123, 124, 126, 127, 129, 136, 138, 156, 157, 175, 177, 182, 194,
197, 203, 204, 206, 212, 213, 215, 230, 233, 245, 255, 263, 268, 275, 277, 283, 288,
298
Thijs, Pieter (g): 32
Think Of One: 217, 236, 254
Thomas, René (g): 36, 4, 65, 66, 67, 72, 75, 77, 81, 82, 84, 129, 132, 133, 136, 156,
177, 180
Thompson, Lucky (ts): 65, 70, 73, 75
Thunis, Jacky (dm): 61
Thys, Nic(olas) (b): 18, 31, 41, 118, 119, 124, 147, 153, 167, 233, 247, 251, 255, 285
Thys, Toine (s): 31
Thyssen, Roland (p): 61, 72
Tough Talk: 262
Tower, Eddie (Emile Deltour) (vln): 54, 57
Train Jazzband: 91
Tribolet, Xavier (ky, synth): 172, 247
Trinacle: 263, 266
Trio Bravo: 37, 89, 143, 145, 221, 224, 263
Trio Grande: 89, 143, 146, 221, 224
Tuomarila, Alexi (p): 39, 258
Turf(kruyer), Harry (anches): 58
Vaganée, Frank (as, ss, fl): 17, 30, 36, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 123, 124, 127, 163, 177,
215, 233, 251, 259, 267, 283, 292
Vaiana, Pierre (ss, ts): 30, 37, 39, 42, 43, 110, 145, 148, 150, 156, 184, 194, 206, 224,
263
Vaillant, Franck (dm): 237
Van Acker, Benny (b): 32
Van Acoleyen, Bruno (tp): 92
Van Agt, Martijn (g): 247
Van Bemst, Henri (cl): 134
Van Beul, Martijn (b): 32
Van Breedam, Camiel (tb): 92
Van Breedam, Johnny (tp, voc): 92
Van Caenegem, Bart (p): 31, 124, 179, 267, 287
Van Camp, Sus (tb): 54
Van Colie, Arne (p): 43
Vanden Bosch, Luc (dm): 43, 76, 95
Vandendriessche, Johan (bs, dm): 30, 37, 39, 268
Vandendriessche, Koen (dm): 197
Vandendriessche, Peter (as): 30, 37, 86,
Vandenheuvel, Jean (voir Jean Warland)
Vander Borght, Ivo (dm): 282
Vanderborght, Jean-Paul (Jean-Lou) (p): 73, 91, 96
Vanderborght, Joanna (voc): 73
Van der Harst, Dick (ban, g) : 43
Van der Linden, Dirk (g, p, org): 31, 40, 95, 96
Van der Ouderaa, André (ts): 56
Van der Plassche, Anne (voc): 118, 233
Van der Slock, Franky (s): 31
Vanderstraeten, Benoît (elb): 36, 161, 237
Van der Werf, Bo (bs): 30, 70, 119, 124, 147, 226, 228
Van der Werf, Otti (el b): 118, 119, 167, 168, 226, 233, 271
Van Deun, Karel (g): 30
Van de Ven, Jan (dm): 279
Van de Walle, Armand (dm): 79, 134
Van Dijck, Frans (tb): 86
Van Dijck, Tom (s): 31, 230
Van Dormael, Pierre (g): 30, 39, 42, 44, 45, 89, 109, 110, 153, 156, 169, 171, 194,
200, 206, 212, 226, 263, 271, 275
Vandorpe, Jimmy (b): 95
Vandresse, Jean-Marie (p): 66
Vandriessche, Romain (tb): 91
Van Drogenbroeck, Joel (p): 81
Van Eyck, Maurice (dm): 92
Van Gysegem, Paul (b): 83, 281
Vanhaverbeke, Roger (b, vln): 26, 28, 31, 68, 71, 72, 74, 75, 82, 86, 95, 157, 244,
257, 274
Van Hecke, Denis (cello): 240
Van Herck, Kurt (ts): 17, 30, 37, 38, 39, 42, 43, 44, 105, 124, 197, 215, 233, 247, 251
253, 255, 263, 274, 285, 292
Van Herzeele, Jeroen (ts): 17, 30, 38, 41, 42, 43, 70, 118, 119, 17, 167, 169, 177? 215,
251, 255
Van Hove, Fred (p, org, acc): 30, 38, , 81, 82, 87, 150, 165, 166, 184,185, 194, 278
Van Lint, André (p): 49, 95
Van Lint, Jean (b): 95
Van Loy, Steven (b): 32, 166
Van Marcke, Karel (p, comp): 260
Vann, Erwin (Vanslembrouck) (ts): 17, 30, 37, 43, 44, 45, 118, 123, 124, 157, 176,
177, 233, 253, 262, 274, 275, 283, 292
van Oost, Hans (g): 30
Van Peteghem, Alajos (tb): 91
Van Reyn, Leen (b): 32
Vansina, Bruno (s): 31
Van Spauwen, Herman (cl): 96
Vantomme, Dominique (p): 31
Van Wetter, Jo (Francis Goya) (g): 55, 70, 79, 134
Vegetal Beauty: 119, 121, 237
Venken, Lieven (dm): 32, 179, 267, 287, 298
Verbiest, Rony (acc): 38, 118
Verbist, Piet (b): 31, 45, 250, 262
Verbruggen, Teun (dm): 32, 166; 258
Verderame, Mimi (dm, g): 30, 39, 172, 197, 203, 215, 268, 288
Verhaegen, Jef (as, cl): 79
Verhaegen, Peter (b): 32, 179, 267
Verhas, Peter (ts, cl): 95
Verhelst, Louis (g): 31
Verhelst, Peter (g): 31
Verheyen, Robin (s): 31
Verhulst, Dries (g): 31
Verlackt, Alphonse (voir Al Verlane)
Verlane, Al (Alphonse Verlackt) (dm): 69
Vermandel, Mario (b): 31
Vermeersch, Peter (cl, ts): 217, 236, 289
Vermeulen, Erik (p): 30, 39, 44, 147, 172, 250, 253, 255, 267, 275, 292
Verschueren, Etienne (as, ts, acc): 28, 38, 69, 71, 74, 76, 83, 84, 85, 86, 123, 162, 163,
164, 187, 212, 245, 268
Versweyveld, Sam (tp): 31
Vervloesem, Pierre (g): 289
Vets, Tim (g): 31
Vhentat, Rhonny (s): 31, 43
Vinche, René (dm): 53
Viseur, Gus (acc): 36
Vloemans, Sam (tp): 31, 166, 167
Vranckx, Ernst (p): 38, 39, 119, 147, 297
Waikiki Jazz Band: 51, 53
Wanders, Kris (s): 279
Wante, Patrick (dm): 96
Ward, John (dm): 61, 66, 70, 71
Warland, Jean (b, acc): 17, 28, 31, 41, 42, 43, 61, 66, 67, 68, 69, 71, 74, 75, 85, 96,
113, 123, 244, 250
Waterschoot, Cedric (b): 32
Wauters, Dirk (perc): 185
Wery, Olivier (dm): 32
West Music Club: 78, 96
Weyters, Bram (p): 31
Wharton, Rud (acc): 74
White Diamonds, The: 53
Wissels, Diederik (p): 30, 36, 37, 38, 39, 42, 148, 194, 206, 208, 209, 213, 259, 275,
298
Wolf, Anne (p): 30, 39, 212
Wouters, Filip (g): 32
Wouters, Tobe (tu): 254
Wouters, Tom (cl, perc): 236, 254, 292
X-Legged Sally: 217, 220, 289
Yellow City Big Band: 250
Zanello, Daniel (b): 43, 95, 145
Zinzen, Mike (as): 75, 279
Zurstrassen, Pirly (p): 30, 38, 39, 138, 145, 157, 201, 203, 213, 238, 263, 283, 301

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