Programmes et accompagnement
Français
Classes de seconde et de première
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Sommaire
Avant-propos ...................................................................................... 5
Ces développements présentent d’une manière détaillée les principes théoriques sur les-
quels les programmes sont fondés. Ils reviennent, en particulier, sur la notion d’histoire
littéraire et culturelle, sur la distinction entre les genres et les registres, et sur la ques-
tion de l’argumentation. On les lira donc non seulement comme un commentaire sur
les programmes, mais aussi comme une réflexion d’ensemble sur l’état de l’enseigne-
ment du français au lycée tel qu’on peut aujourd’hui l’envisager, au carrefour des
recherches universitaires les plus récentes et des préoccupations didactiques qui doi-
vent être les siennes.
De telles analyses théoriques ont pour fonction de guider le professeur dans le choix
qu’il fera lorsqu’il construira ses séquences d’enseignement et retiendra les exemples
littéraires qui lui paraissent les plus appropriés. Elles ne doivent, en aucun cas, devenir
la matière première de l’enseignement en classe de seconde et en classe de première. Car
l’objectif majeur de cet enseignement doit demeurer la lecture de textes littéraires aussi
variés que possible : dans cette rencontre des élèves avec les grandes œuvres de la
littérature, on n’oubliera pas qu’au-delà des méthodes d’analyse, l’appropriation d’une
culture et la découverte des significations se construisent par une relation personnelle
aux textes, dans laquelle l’émotion, le plaisir ou l’admiration jouent un rôle essentiel.
Avant-propos 5
Programmes des classes
de seconde (2001)
et de première (2006)
L e français au lycée : préambule
Ce préambule indique les finalités de l’enseigne- apporter des connaissances et s’attacher à former
ment du français au lycée d’enseignement général et leur réflexion et leur esprit critique.
technologique. Il spécifie les objectifs à atteindre,
les types de contenus à enseigner et les démarches à
mettre en pratique pour chaque classe. Il fixe les
I.1. La formation de la pensée :
cadres et les principes du programme ; les modali- les perspectives d’étude
tés détaillées feront l’objet de documents d’accom-
pagnement destinés aux professeurs. L’étude des textes contribue à former la réflexion
sur l’histoire littéraire et culturelle, sur les genres et
les registres, sur les significations et la singularité
I. Finalités des textes et sur l’argumentation et les effets de cha-
que discours sur ses destinataires.
L’enseignement du français participe aux finalités
générales de l’éducation au lycée : l’acquisition de L’histoire littéraire et culturelle
savoirs, la constitution d’une culture, la formation Elle doit permettre aux élèves de découvrir et de
personnelle et la formation du citoyen. Ses finalités s’approprier l’héritage culturel dans lequel ils
propres sont la maîtrise de la langue, la connais- vivent. Elle les aide à comprendre le présent à la
sance de la littérature et l’appropriation d’une lumière de l’histoire des mentalités, des idéologies
culture. Ces trois finalités interdépendantes méri- et des goûts saisis dans la lecture des textes.
tent une égale attention. Elle repose avant tout sur la connaissance de la lit-
– Il contribue à la constitution d’une culture par la térature française. Mais elle doit aussi donner des
lecture de textes de toutes sortes, principalement ouvertures sur les espaces culturels francophone et
d’œuvres littéraires significatives. Il forme l’atten- européen qui lui sont historiquement liés. Elle
tion aux significations de ces œuvres, aux question- implique la mise en relation de textes littéraires et
nements dont elles sont porteuses et aux débats de textes non littéraires, ainsi que de l’écrit et d’au-
d’idées qui caractérisent chaque époque, dont elles tres langages. Au collège, les élèves ont lu des tex-
constituent souvent la meilleure expression. Par tes porteurs de références culturelles majeures.
là, il permet aux lycéens de construire une pers- Au lycée, l’approche de l’histoire littéraire et cultu-
pective historique sur l’espace culturel auquel ils relle se fait de façon plus réflexive. Elle permet de
appartiennent. saisir les grandes scansions historiques que consti-
– Il favorise la formation personnelle de l’élève en tuent les changements majeurs dans les façons de
donnant à chacun une meilleure maîtrise de la lan- penser et de sentir, mais aussi dans les façons de
gue et en l’amenant à mieux structurer sa pensée et s’exprimer.
ses facultés de jugement et d’imagination. Il doit lui
permettre, au terme de cette formation, de savoir Les genres et les registres
organiser sa pensée et de présenter, par oral et par Le langage en général, et l’art littéraire en particu-
écrit, des exposés construits abordant les questions lier, a pour propriété spécifique d’exprimer des atti-
traitées selon plusieurs perspectives coordonnées. tudes et émotions fondamentales, communes à tous
– Il apporte à la formation du citoyen, avec la les hommes, qui prennent forme dans les genres et
connaissance de l’héritage culturel, la réflexion sur les registres de l’expression. Il convient donc de
les opinions et la capacité d’argumenter. donner aux lycéens un accès à ce patrimoine com-
Cet enseignement s’inscrit dans la continuité de mun de l’humanité.
celui du collège, mais ses démarches sont plus
réflexives, afin de permettre aux lycéens de devenir Les significations et la singularité des textes
des adultes autonomes, aussi bien dans leurs études La lecture et l’écriture de textes variés permettent
à venir que dans leur vie personnelle et leur intégra- aux élèves de mieux percevoir comment tout texte
tion sociale. Pour remplir ce rôle majeur dans leur s’inscrit dans des ensembles mais présente aussi des
formation culturelle, le français doit à la fois leur particularités liées à la situation où il est élaboré, au
4. Le travail de l’écriture
III. Démarche
L’analyse des rapports entre sources, projets, L’enseignement du français en seconde s’organise
brouillons, texte et variantes, permet de montrer en séquences qui associent la lecture, l’écriture,
que la production d’un texte est un processus sin- l’oral et le travail sur la langue. Un objet d’étude
gulier à l’intérieur même des règles d’un genre ou peut être abordé à l’intérieur d’une ou plusieurs
par rapport à celles-ci ; on aborde la question de séquences. Une séquence peut rassembler des élé-
l’originalité d’un style. ments issus de plusieurs objets d’étude.
Corpus : un groupement de textes littéraires et de La durée des séquences peut varier en fonction du
documents au choix du professeur. projet du professeur et des réactions des élèves ;
Perspective dominante : réflexion sur la production leur durée moyenne sera d’une quinzaine d’heures.
et la singularité des textes. Le professeur a le choix des œuvres, des textes et
Perspectives complémentaires : étude de l’argumen- des documents étudiés à l’intérieur du cadre défini
tation et des effets sur le destinataire ; genres et au paragraphe précédent. Les documents d’accom-
registres. pagnement fourniront à titre indicatif des listes
d’œuvres et de documents ou de types d’œuvres et
5. Démontrer, convaincre et persuader de documents, et donneront des exemples de mise
Le but est de percevoir et comprendre les différen- en œuvre.
ces, mais aussi les liens, entre démontrer – dans le Les contenus indiqués dans le programme font
domaine des vérités vérifiables – et convaincre ou l’objet du travail en classe entière. Les modules sont
persuader, en s’appuyant sur des arguments ration- les lieux privilégiés pour développer, en liaison avec
nels ou sur des facteurs affectifs. les activités menées en classe entière, la maîtrise de
Corpus : un groupement de textes et de documents la langue, la production de textes écrits et oraux et
(éventuellement iconographiques) au choix du la méthodologie, appliquée notamment à la docu-
professeur. mentation.
Perspective dominante : étude de l’argumentation
et des effets sur le destinataire.
Perspectives complémentaires : étude des genres et IV. Mise en œuvre
des registres (en particulier le polémique) ; appro-
che de l’histoire littéraire. et pratiques
6. Écrire, publier, lire IV.1. La lecture
L’examen de la situation des auteurs, des lecteurs Les élèves qui entrent en seconde ont déjà appris,
ou des spectateurs, des modes de diffusion, est tant dans leur cursus antérieur que dans leurs pra-
conduit de façon à montrer leurs effets sur les tex- tiques personnelles, à s’approprier des écrits divers
tes (qu’ils s’y plient ou y résistent). selon des modalités de lecture variées. On vise
Corpus : un ou plusieurs ouvrages, au choix du à développer leur goût et leur capacité de lire, en
professeur, et divers documents et extraits (incluant les confrontant cependant à des œuvres plus éloi-
des articles). gnées de leur univers familier, dans un souci de for-
Perspective dominante : approche de l’histoire litté- mation d’une culture partagée. Dans ce but, des
raire et culturelle. lectures aussi nombreuses que possible sont indis-
2 La poésie
L’argumentation : convaincre,
4
persuader et délibérer
6 L’autobiographie
7 Les réécritures
Le français a un rôle important à jouer dans la for- Enfin, un enjeu esthétique majeur réside dans les
mation de la pensée. Indissociables de la langue et émotions que les œuvres sollicitent par leur séman-
de sa maîtrise, la réflexion, le jugement, la tisme comme par leurs formes : cette question des
mémoire et l’imagination sont constamment solli- émotions, qui se manifestent dans les registres
cités par la fréquentation des textes, et la littéra- esthétiques, est au carrefour des perspectives précé-
ture offre un objet privilégié pour l’enrichissement dentes.
de la sensibilité et du goût. On ne peut donc bor- Ces perspectives ne sont pas à enseigner de manière
ner les enjeux de l’enseignement du français à des théorique aux lycéens : leur conquête passe avant
connaissances ni à des méthodes, même si les unes tout par la pratique. En classe de seconde, il est pré-
et les autres sont indispensables : ils s’étendent à férable de les mettre en œuvre sans en donner de
la formation de la pensée dans ses deux aspects, le formulation théorisée, en introduisant seulement
raisonnement pour le jugement critique, la curio- les notions indispensables (genre, registre, argu-
sité et l’imagination pour la part sensible. Et mentation, style), à mesure que le besoin s’en fait
comme en matière de lettres et de culture, les juge- sentir. En classe de première, leur compréhension
ments engagent toujours des façons de voir, des peut devenir progressivement plus notionnelle et
opinions, des convictions, une part d’affects, les faire l’objet d’une présentation simple qui permette
deux aspects sont indissociables. Ils sont des élé- le retour réflexif sur ces démarches fondamentales.
ments conjoints de la formation de la personne et Ces perspectives sont utiles pour tout texte.
du citoyen. Cependant, leur mise en œuvre simultanée et
La lecture des œuvres littéraires et l’écriture d’in- constante, et la recherche de leur hiérarchisation
vention nourrissent la sensibilité, l’analyse et l’ar- pertinente selon les œuvres et les genres étudiés,
gumentation nourrissent le jugement. Éduquer, seraient d’un niveau de difficulté que les lycéens
c’est-à-dire donner les moyens de ne pas rester pris auraient du mal à maîtriser d’emblée. Reste qu’en
dans les réactions premières, de conquérir la dis- fin de scolarité les élèves doivent avoir été mis en
tance de la réflexion critique, exige que ce second mesure de saisir la nécessité de ces modes d’appro-
aspect soit progressivement pris en charge de façon che des faits langagiers, textuels et culturels, de leur
plus consciente par les adolescents. Un des rôles mise en jeu simultanée, des hiérarchisations dont
spécifiques du lycée consiste à nourrir cette elles doivent faire l’objet. Laisser croire, par exem-
conscience critique. Il se traduit par la mise en ple, que la poésie n’a pas d’enjeu argumentatif et
œuvre de plus en plus réflexive des démarches intel- l’essai pas d’enjeu esthétique serait faux, mais
lectuelles : elles sont désignées ici comme des pers- oublier que l’enjeu esthétique peut être essentiel
pectives d’étude. Quatre perspectives principales pour l’une, et le rôle de débat d’idées pour l’autre,
sont mises en avant pour l’étude des faits de langue, ne le serait pas moins en retour.
des faits littéraires et des faits culturels : Il serait faux aussi de croire que ces perspectives,
– une perspective historique, condition de la com- puisqu’elles sont constantes, vont de soi et n’ont
préhension correcte des textes dans leur contexte, pas à faire l’objet d’une démarche réflexive et d’une
mais aussi de leur relation au présent ; élaboration progressive.
– une perspective générique, nécessaire pour com- Il serait faux enfin de laisser croire qu’elles n’ont de
prendre que les textes relèvent de codes sociaux, les raison d’être que pour le littéraire. Tout texte tient
genres, indispensables à l’échange entre les à une situation, relève d’un genre, tend à produire
humains ; un effet sur ses lecteurs ou auditeurs, fait écho à
– une perspective argumentative (ou pragmatique) d’autres textes et s’en marque ou démarque, et bien
pour rendre compte du fait que les textes ne sont sûr, met en jeu des registres d’expression et d’émo-
pas écrits et lus dans un monde idéal, mais juste- tion. La publicité ou l’histoire drôle privilégient le
ment dans ce jeu des rapports humains ; premier et le dernier de ces points, les textes admi-
– une perspective intertextuelle, qui prend en nistratifs, juridiques et professionnels sont injonc-
compte l’élaboration des textes et les échos multi- tifs et, s’ils évacuent en principe l’émotif, ils suppo-
ples qui les parcourent. sent des intertextes denses – quel intertexte plus
Perpectives d’étude 21
Ainsi pourront-ils la saisir dans sa complexité plus res à la compréhension des œuvres étudiées. Là
grande en première, par une initiation à la question aussi, il existe diverses conceptions du contexte.
des relations et influences entre cultures. Pour plus de clarté, on précise ici que, par « contex-
tualiser », on entend la démarche par laquelle les
La progression de la seconde à la première élèves apprennent à situer les textes qu’ils lisent, à
L’histoire littéraire est envisagée à partir de la lecture s’interroger sur les informations nécessaires à leur
d’œuvres et de groupements de textes. Cela impose compréhension et à discerner les relations que ces
de tenir compte des capacités de lecture des élèves. textes entretiennent avec d’autres. Il s’agit d’une
Les œuvres relevant d’un état de langue historique- démarche : un exposé des données contextuelles y
ment éloigné présentent en général à cet égard des convient donc bien moins que la réflexion et la
difficultés que les élèves de première seront plus recherche des élèves eux-mêmes.
aptes à affronter que ceux de seconde. Puisque le Il importe en effet de leur faire discerner que le
programme a retenu le principe de privilégier en contexte ne consiste pas en un rapprochement
seconde le domaine français et francophone, et en arbitraire ou vague, que chacun pourrait opérer
première de donner des ouvertures sur la dimension plus ou moins à sa guise, mais dans l’établissement
européenne et internationale, il s’agit d’aborder les de relations précises. Et, parmi ces relations, sont
mouvements qui constituent des scansions majeures à mettre au premier rang celles qu’un texte entre-
de l’histoire en l’un et l’autre domaines. Ainsi peut- tient avec d’autres textes, contemporains mais
on répartir l’étude de la façon suivante : aussi antérieurs. La situation historique du texte,
– en seconde, les mouvements qui ont eu un rôle en particulier quand celui-ci présente une dimen-
structurant dans l’histoire littéraire française : sion argumentative importante ou dominante,
Pléiade, classicisme, romantisme, art pour l’art, constitue un second élément-clé. L’étude des condi-
réalisme/naturalisme, littérature engagée ; tions de création et de réception (voir « Écrire,
– en première, des mouvements et phénomènes de publier, lire », page 55) apporte à ces deux égards
dimension européenne : humanisme, baroque, des informations utiles ; elle doit être menée avec
Lumières, symbolisme, surréalisme. des analyses particulièrement précises, lors de
l’étude des œuvres intégrales.
N.B. – Le romantisme a une dimension euro- Enfin, les contextes sont aussi un ensemble de
péenne, mais il constitue un phénomène fort en connaissances à acquérir progressivement : celles
France et son étude peut ainsi préparer à l’approche qui concernent des évolutions de sensibilités,
des questions d’influences culturelles qui seront d’idéologies et d’esthétiques. Pour cela, les textes
traitées en première. littéraires seront mis en relation avec d’autres tex-
tes ainsi qu’avec des documents iconographiques,
D’autres mouvements et écoles littéraires consti- de façon à construire la perception des mouve-
tuent des objets riches et significatifs : ainsi le ments culturels (surtout en première). Il est recom-
Parnasse, le régionalisme, le Nouveau Roman, des mandé de procéder, en cours d’année, à des com-
courants comme la préciosité, le libertinage, ou celui paraisons entre les mouvements littéraires et cultu-
qu’on désigne sous le nom d’absurde, et enfin des rels abordés pour faire percevoir des éléments
phénomènes comme la querelle des Anciens et des d’évolution. De même, en première, on pourra
Modernes, la revendication identitaire dans les procéder à des comparaisons et mises en relation
anciennes colonies… Mais, pour être bien compris, avec les mouvements dont l’étude est prescrite
ils supposent d’être mis en relation avec ceux des cette année-là et ceux qui sont prescrits pour la
mouvements préconisés, qui les précèdent et, sou- classe de seconde.
vent, constituent des modèles en face desquels –
voire en réaction contre lesquels – ils ont pris forme.
La démarche préconisée est :
– que dans chacune des deux années un mouvement
Genres
soit étudié en tant que tel, afin de construire les Objectifs
notions correspondantes ;
– que les autres soient intégrés à l’étude d’autres L’étude des genres constitue une part importante de
objets de sorte que, en fin de scolarité, tous les élè- l’enseignement du français au lycée. Au collège, les
ves disposent des éléments-clés de la mise en pers- élèves ont eu une approche des genres par leurs lec-
pective historique. tures. Au lycée, elle devient une étude méthodique.
Elle a pour buts :
– la connaissance de la littérature ;
Contextualiser – la comparaison entre le littéraire et le non-
Le rôle de l’histoire littéraire est, en premier lieu, de littéraire ;
donner les éléments de contextualisation nécessai- – la compréhension de la notion même de genre :
Perpectives d’étude 23
le roman, la nouvelle, il est recommandé de partir gnement du français au lycée est de donner aux élè-
d’une étude d’œuvre intégrale. L’associer avec la ves un accès conscient à ces échanges constituant
lecture – cursive – d’une deuxième œuvre ou avec une ouverture sur un patrimoine humain qui
un groupement de textes permet de faire percevoir dépasse les frontières des aires linguistiques.
les évolutions du genre. Les registres sont la manifestation par le langage de
La mise en situation historique constitue en effet la ces grandes catégories d’émotions et de mouvements
seconde préconisation importante. Les genres ne se de sensibilité. La joie, l’angoisse, la colère, l’indigna-
comprennent pleinement qu’en fonction des tion, l’admiration, la plainte, la compassion, la
contextes où ils trouvent leurs expressions les plus méfiance, le doute trouvent là leur lieu, à travers des
abouties. Aussi est-il recommandé d’éviter les formes d’expression multiples. Au lycée, dans un tra-
approches qui relèveraient d’une poétique formelle. vail réflexif, les élèves ont à acquérir des connaissan-
S’agissant des genres théâtraux, il est important de ces sur ces registres, à devenir capables de les recon-
mettre en lumière leurs qualités spécifiques de tex- naître et de les analyser, mais aussi d’exprimer eux-
tes conçus pour la scène et le spectacle, en même mêmes ce qu’ils éprouvent, d’une façon consciente,
temps que de textes à lire. mesurée et pertinente. L’étude de la littérature les
Mettre en relation les genres et les registres permet amène à comprendre que ces registres peuvent faire
d’amener les élèves à une meilleure compréhension l’objet d’un travail proprement esthétique, c’est-à-
des uns et des autres, aide aussi à montrer que les dire qui leur donne forme dans des objets, les
genres littéraires peuvent être mis en relation avec œuvres, par lesquels les émotions deviennent sensi-
des textes et des œuvres non littéraires et permet bles même en dehors des situations concrètes qui les
une initiation à une poétique générale ; mais il provoqueraient ; ils renvoient alors à la perception
s’agit d’une initiation, ce qui écarte le recours à des que l’humain a de lui-même. Cette perspective
catégories trop abstraites. d’étude est donc au cœur de l’accès au sens.
Perpectives d’étude 25
– en première, le lyrique (et l’élégiaque), le polémi- aussi être objets de premières indications, mais on
que, le satirique (et l’ironique), le pathétique, le évite de surcharger le programme en les réservant
délibératif. pour l’année suivante.
Perpectives d’étude 27
quoi elle est, parfois, originalité, est une voie d’ac- l’observation des étapes de l’élaboration d’un pas-
cès aux qualités littéraires. Pour autant, l’origina- sage chez Flaubert ou Zola, conviennent bien à
lité n’est pas une fin en soi. Un texte peut être ori- cette analyse. Ces aspects ne sont pas étudiés pour
ginal par rapport à d’autres sans être intrinsèque- eux-mêmes, mais comme des étapes contribuant à
ment plus beau – ou moins beau – que ces autres une meilleure interprétation des textes.
(Racine imitant Euripide n’est pas supérieur ou Les travaux d’écriture des élèves deviennent par là,
inférieur, en termes objectifs). Mais elle correspond eux aussi, des objets d’étude. Il s’agit de faire appa-
à une recherche d’adaptation à un public et à un raître que les étapes de l’écriture d’un texte sont des
temps, ou d’affirmation de la personnalité de l’au- enjeux majeurs. Élaborer un projet, rechercher des
teur, ou – dans le cas de la parodie – de volonté de informations, tracer un canevas de projet, puis en
prendre des distances avec les textes ainsi mis en venir à la rédaction elle-même sont des méthodes
jeu. La progression a pour but de faire peu à peu que l’observation des productions littéraires permet
assimiler les notions de singularité, d’originalité et de développer (voir aussi « Écriture d’invention »,
d’implication des choix d’écriture. page 87). Il y a donc ici un retour réflexif sur les
pratiques.
N.B. Enfin, cette perspective permet d’engager, en classe
– Dans les démarches, une telle perspective d’étude de seconde, une réflexion sur les questions du style
appelle la plus grande attention aux mises en rela- et de l’originalité. Comprendre qu’une œuvre est le
tions entre des textes, et aux comparaisons métho- fruit d’un travail amène à voir qu’elle résulte d’une
diques qui peuvent en résulter ; elles sont importan- série de choix faits par l’auteur, jusque dans le détail
tes, notamment dans le cas de la poésie. de l’expression : les élèves accèdent à la question du
– L’histoire littéraire repose pour une bonne part style. En même temps, le fait que chaque texte
sur les changements dans les conditions de produc- puisse suivre un projet et un protocole différents
tion et de réception des textes, et pour une autre, mérite d’être souligné : cela évite que les élèves
sur des changements dans les intertextes ; aussi croient qu’un auteur procède toujours de la même
l’approche de ces questions et celle de l’histoire lit- façon et qu’ils appliquent mécaniquement à tous les
téraire sont-elles liées ; à cet égard, il est nécessaire textes du même auteur une formule trouvée dans un
de faire fond, chaque année et entre la seconde et la manuel. La question de l’originalité sera ainsi per-
première, sur les mouvements littéraires abordés et çue à la fois par les différences entre les auteurs,
de faire en sorte que les élèves conservent trace de mais aussi entre les textes d’un même auteur.
ceux-ci, d’une année sur l’autre. La pratique de l’écriture personnelle conduit égale-
– Les questions d’intertextualité et d’originalité ont ment les élèves à percevoir les différences entre ce
une place accrue en série L, notamment en liaison qu’eux-mêmes peuvent produire et les choix origi-
avec l’objet d’étude « Réécriture » ; elles consti- naux d’un écrivain. Dès lors, il est possible de mon-
tuent une part de la spécificité de cette série. trer que l’originalité n’est pas l’effet d’une sponta-
néité mais l’acquis de choix assumés dans un travail
en continuité.
Les objets d’étude
Cette perspective d’étude est pertinente pour tous En première
les textes et pour tous les objets d’étude. Cepen- Les orientations données pour la classe de seconde
dant, elle prend un intérêt particulier dans certains restent valables pour celle de première. Mais les
cas et, afin de ne pas produire un émiettement de questions d’intertextualité doivent être approfon-
l’attention, ces derniers sont indiqués comme tels dies au cours de cette année. À cette fin, le travail
par le programme. de l’écriture ayant fait l’objet d’une première
approche en seconde, les analyses sont davantage
En seconde concentrées sur certains objets d’étude ; elles peu-
Elle s’applique particulièrement à l’étude du travail vent ainsi faire l’objet d’un temps de synthèse dans
de l’écriture et à celle des conditions de publication l’étude de la poésie et/ou du théâtre. Pour la série L,
ainsi qu’à celle du roman ou de la nouvelle. Mais l’analyse des réécritures appelle de façon logique
elle peut aussi intervenir pour d’autres objets. Elle que la réflexion sur les intertextes soit développée à
se combine notamment avec l’histoire littéraire. cette occasion.
Elle conduit à prendre en considération les étapes La notion d’originalité, de même, sera définie alors
de l’élaboration d’un texte : de nombreux docu- comme telle.
ments offrent des exemples à cet égard. Elle amène Dans toutes les séries, des travaux d’écriture d’in-
aussi à prendre en compte les conditions de la créa- vention s’appuient sur des exercices relevant de la
tion littéraire, les habitudes d’un public, les exigen- réécriture, ce qui permet d’aborder l’intertextualité.
ces d’une collection, ou encore les contraintes de la Ils attachent une attention particulière aux change-
censure. Le cas des censures subies par Molière ou ments de genres et de registres. Ils mènent à des étu-
Perpectives d’étude 29
– de les conduire à prendre conscience de la dimen- – la délibération, qui correspond au cas le plus
sion dialogique de l’argumentation : elle implique la abouti où la confrontation d’idées et de prises de
présence de l’autre, qu’il s’agisse de celui que l’on position débouche sur un jugement (individuel et
cherche à convaincre ou persuader, ou de celui dont collectif) ;
on cherche à contester ou à soutenir les arguments ; – l’argumentation indirecte, où une prise de posi-
elle suppose ainsi l’écoute et le travail de reformula- tion se manifeste moins dans un débat ouvert que
tion ; par là, elle conduit à la capacité de délibérer, par des voies visant à susciter une adhésion par
elle est donc essentielle à la formation du jugement ; l’agrément.
– de les amener à reconnaître des grandes opéra- L’exercice de la dissertation est étroitement lié à la
tions de réflexion – affirmer, douter, réfuter, admet- première de ces deux lignes de force. L’écriture d’in-
tre – et le vaste champ des postures cognitives vention est davantage liée à la seconde.
qu’elles impliquent : l’affirmation qui va de la cer-
titude d’une conviction à l’entêtement du péremp-
toire, le doute qui va de l’interrogation rationnelle
Contenus et objets d’étude :
à la perplexité de l’hésitant, la réfutation qui va du argumentation, littérature d’idées
refus raisonné de la position adverse à l’obstination et rhétorique
du contradicteur, l’admission qui va du consente-
ment assumé à l’utopie du consensus ; En seconde
– de leur faire comprendre la double dimension, En classe de seconde, les élèves abordent les gran-
rationnelle et affective, de l’argumentation. des formes du raisonnement : raisonnement par
déduction, qui prend son modèle dans le syllo-
gisme et qui suppose tant des prémisses avérées
Langue et littérature qu’une chaîne logique cohérente ; raisonnement
Le travail de l’argumentation est donc conçu en pre- inductif, qui part de cas particuliers pour aboutir
mier lieu comme un travail sur la langue qui exige à des conclusions de portée générale (ce type de
des élèves la maîtrise progressive de moyens linguis- raisonnement est à l’œuvre aussi bien dans la
tiques (voir la section « Étude de la langue ») : communication ordinaire, la conversation, que
– perception précise de l’énonciation, des stratégies dans la recherche expérimentale). Enfin, on aborde
énonciatives et de la modalisation ; le raisonnement critique, qui consiste à réfuter une
– prise de conscience et analyse du rôle de l’impli- thèse opposée à celle qu’on veut défendre, et le
cite et du présupposé ; raisonnement par concession, qui suppose la
– capacité de convoquer le discours d’autrui, de reconnaissance partielle de la thèse adverse. On
la citation directe aux différentes formes de la prépare ainsi les élèves au débat aussi bien qu’à la
reformulation ; délibération et à la dissertation.
– capacité d’articuler argument et exemple dans la Cependant, tenant compte du fait que l’univers de
mise en œuvre d’une argumentation ; l’opinion et des valeurs dont on discute dans la vie
– initiation aux différents modes d’organisation du sociale ne peut être aussi rigoureusement établi que
discours argumentatif. celui des vérités scientifiques, il convient d’amener
Ces catégories s’appliquent à l’oral comme à l’écrit, les élèves à s’interroger sur l’articulation entre les
dans des textes littéraires comme dans des textes dimensions rationnelles et affectives de l’argumen-
non littéraires. tation ; de leur apprendre à repérer le rôle des
En parallèle, la lecture et l’étude d’œuvres littérai- humeurs, des images, des opinions et des valeurs
res font connaître les différentes dimensions de l’ar- que les interlocuteurs partagent de manière plus ou
gumentation : argumentation directe et indirecte, moins dite ; de les faire travailler sur l’efficacité de
démonstration, persuasion, art de convaincre, déli- la connivence dans l’art de persuader et de convain-
bération sont présents dans pratiquement tous les cre (on peut éventuellement se référer à la notion
genres et à toutes les époques, même s’il est possi- d’enthymème).
ble de mieux les observer dans certaines catégories À ce titre, réfléchir sur la fonction des lieux com-
de textes. muns (topoï) dans la communication mène non
seulement à dénoncer les clichés, les stéréotypes qui
ne sont jamais remis en question, mais aussi à mon-
La progression de la seconde trer comment ils jouent un rôle majeur dans les
à la première échanges sociaux et varient en fonction des pério-
des, des groupes humains, mais aussi des genres de
L’omniprésence de l’argumentatif exige de répartir discours.
l’analyse de ses divers aspects. C’est pourquoi en Enfin, les élèves doivent apprendre à tenir compte
seconde le but est d’en voir la variété, en première aussi bien de l’image (sincérité, modestie, vertu,
de spécifier deux de ses dimensions majeures : dévouement, compétence…) que le discours donne
Perpectives d’étude 31
En première Séries technologiques
De même, l’argumentation peut faire l’objet d’un Dans ces séries, l’approche de l’argumentatif peut
temps propre dans l’année, mais elle doit aussi être faire une part plus importante à des textes pratiques,
abordée à plusieurs reprises. Des genres propre- en invitant les élèves à davantage de comparaisons
ment argumentatifs sont étudiés : ils doivent per- entre littéraire et non-littéraire. En revanche, les
mettre de discerner des cas où les textes montrent écrits d’invention ne doivent pas être exclusivement
un jugement qui prend forme, ou qui a pris forme consacrés à des essais purement argumentatifs. On
et s’affirme (certains essais, certains dialogues), des veille à établir le lien entre les parties de la formation
cas où il est en suspens (autres cas de dialogues, à caractère professionnel, où de tels textes intervien-
voire d’essais), des cas d’argumentation indirecte nent, et l’enseignement du français : le but est de
(apologues, part de l’apologie dans le roman ou développer les comparaisons, non de susciter des
l’autobiographie). redondances entre ces deux parts de la formation.
Le travail de dissertation, abordé en seconde, est en
lien direct avec ces temps de formation du juge- Série L
ment. Il est important de montrer aux élèves que les Les deux objets d’étude spécifiques à cette série
écrits de commentaire aussi doivent être argumen- offrent de multiples cas d’approfondissement des
tés. Dans les écrits d’invention, représentation et analyses d’argumentation. Les liens entre argumen-
argumentation sont l’une et l’autre présentes, soit tation et jeux de registres (le lyrisme comme moyen
séparément, soit conjointement (dans des écritures de toucher pour persuader, par exemple) sont à
d’apologue notamment). mettre en avant.
Cette section explicite les contenus du programme. collège sur le narratif – et celui du genre précis que
Nombre d’entre eux sont des objets d’étude pris en le professeur choisit d’étudier – roman ou nou-
compte de longue date dans l’enseignement du velle –, selon la classe et son rythme de travail et de
français. Aussi les chapitres qui leur sont consacrés lecture (s’il choisit la nouvelle, il est préconisé de
sont-ils délibérément brefs, mettant seulement en faire lire par ailleurs, à propos d’un autre objet
lumière les éléments neufs qui les concernent. De d’étude, un roman, et réciproquement) ;
même, les différents chapitres indiquent des corpus – leur faire lire des œuvres significatives, en s’ap-
de textes, d’œuvres et d’auteurs qui sont autant de puyant sur la curiosité qu’éveillent en général chez
viviers : leur rôle est d’orienter le professeur, de les adolescents les textes narratifs.
rappeler au besoin des œuvres canoniques à ne pas
négliger ou d’indiquer des œuvres plus neuves qui Contenus
peuvent utilement être intégrées. Ils ne sont bien
entendu ni des listes d’œuvres obligatoires ni des La problématique des genres
listes limitatives. Le roman et la nouvelle sont des genres souples,
Il est cependant sans doute utile de procéder ici à multiformes ; mais ils présentent aussi quelques
deux rappels : traits distinctifs forts : structure narrative, fiction,
– les contenus du programme sont à proprement inscription dans une temporalité. D’autre part, ils
parler les objets d’étude qu’il répertorie. Ces objets sont des genres aujourd’hui très largement répan-
d’étude sont obligatoires. Leur liste constitue un dus dans les lectures les plus usuelles. Enfin, ils
des apports essentiels des nouveaux programmes, permettent une transition mesurée avec les acquis
qui indiquent ainsi les fondements de la culture du collège. Ils offrent donc un domaine où la
nécessaire et partagée des lycéens et futurs notion de genre peut être à la fois définie et pro-
citoyens ; blématisée, ce que les élèves pourront ensuite réin-
– la progression entre la seconde et la première ne vestir en première et au-delà. Le but n’est pas de
repose pas seulement sur des seuils de difficultés et théoriser sur cette notion, mais de faire compren-
d’exigences croissantes dans l’analyse des textes et dre en quoi les genres sont des codes sociaux
dans les exercices d’expression écrite et orale : elle nécessaires.
réside dans une répartition des contenus.
Répartition qui n’a rien de mécanique ni d’étanche. Le récit et ses genres
D’une classe à l’autre, des complémentarités se Le narratif est largement répandu sous des formes
construisent. multiples, du non-littéraire (par exemple le repor-
tage) au littéraire. Revenir sur la notion de récit
conduit ainsi, en seconde, à faire percevoir aux
élèves en quoi les récits littéraires présentent des
Le roman propriétés communes avec les autres textes narra-
tifs – et donc qu’en étudiant un récit littéraire, on
En classe de seconde : acquiert les compétences utiles pour toute lecture
le récit, le roman et la nouvelle de récit – et en quoi ils offrent l’attrait de leur
forme et la liberté de la fiction. Le roman consti-
Objectifs tue depuis un siècle la forme dominante dans la
Les élèves ont lu et étudié au collège de nombreux production littéraire : les élèves seront ainsi ame-
récits (contes, romans, nouvelles). Il est donc possi- nés à s’engager dans une réflexion sur la littéra-
ble, en seconde, de prendre appui sur ces acquis ture et ses apports, à partir de leur relation avec
pour atteindre les objectifs suivants : cette forme.
– les conduire à maîtriser la notion de genre ;
– leur faire percevoir les implications de cette Des romans modernes
notion à deux échelons complémentaires, celui du Pour la raison ci-dessus, et pour que les élèves se
récit en général – en mettant à profit les acquis du familiarisent avec la lecture d’œuvres littéraires de
Objets d’étude 33
quelque longueur sans être trop gênés par des diffi- général et la codification des genres littéraires du
cultés de langue et de références culturelles, la roman ou de la nouvelle.
classe de seconde privilégie la lecture de romans des
XIXe et XXe siècles, y compris d’œuvres immédiate- Lectures : auteurs et œuvres
ment contemporaines. Le programme spécifie que le choix des œuvres est
ouvert et appartient aux professeurs, au sein des
Récit et registres œuvres des XIXe et XXe siècles. La liste suivante dis-
L’abondance de la production littéraire narrative tingue, d’une part, les auteurs que l’histoire littéraire
permet au professeur, dans le cadre de sa liberté de a consacrés et qui constituent de grands repères
choix des œuvres étudiées en fonction de la pro- culturels, d’autre part ceux qui, sans être secondai-
gression annuelle de chaque classe, de faire lire et res, sont moins directement perçus comme des
étudier des textes offrant des cas de registres qui repères, et enfin des œuvres qui sont sans doute
n’ont pas été abordés par ailleurs. Ainsi des élé- moins attendues mais peuvent être étudiées avec
ments d’épique et de didactique, dans sa variante profit. On suggère en outre l’étude d’œuvres inté-
réaliste, sont notamment à mettre en lumière (la grales du domaine francophone, mais aussi des
souplesse de la forme romanesque donnant par ail- possibilités d’ouvrir aux élèves – par des lectures
leurs nombre d’occasions d’initier les élèves à d’au- cursives notamment – un accès aux littératures
tres registres). étrangères.
Objets d’étude 35
caractère poétique : ainsi, du vers racinien à la son interrogation sur le sens, permettent de tracer
phrase de Chateaubriand, au « gueuloir » de des liens avec la peinture et le dessin (ainsi les mots
Flaubert, au rythme de Céline, ou encore au mot de dans la peinture, chez Braque, Magritte, par exem-
Montaigne : « J’aime l’allure poétique, à sauts et à ple). Ce travail est mis en relation avec l’étude de
gambades », ils percevront la quête multiforme de l’image.
l’image dans le langage et ses enjeux.
Aussi convient-il, pour entrer dans la matière poé- Les relations entre formes prosodiques et contenu
tique, d’étudier les aspects suivants qu’on présente, Le travail sur la poésie concerne les relations entre
pour plus de clarté, en allant du plan de l’expres- les sons et la signification. Les jeux rythmiques et
sion (physique, sonore, visuelle) au plan du sonores marquent l’action réciproque des formes
contenu (langage figuré, image, subjectivité) en de l’expression et du contenu, caractéristique de
soulignant l’interaction entre ces deux plans (les l’exercice poétique du langage. Rythmes et sons
relations entre formes prosodiques et contenus). suscitent ainsi un surgissement de propriétés de la
langue, en général passées inaperçues dans l’usage
N.B. – Les quelques orientations sur la matière courant, et portent avec eux des surgissements de
poétique suggérées ici ne sont pas exclusives, et le sens, eux aussi souvent occultés dans cet usage
professeur organise son travail sur cette matière en ordinaire. Les élèves doivent donc apprendre à
fonction des textes et des œuvres qu’il a choisi reconnaître ces éléments. Pour les analyser, les ins-
d’étudier. Mais la contextualisation de ce travail est truments de l’étude prosodique sont nécessaires :
essentielle : elle concerne bien entendu l’histoire lit- au-delà de la rime et de la classique allitération,
téraire, mais aussi le langage dont la poésie ne cesse accentuation, assonance, enjambement, mètre,
d’interroger toutes les dimensions. C’est pourquoi, rythme et groupes rythmiques, strophe, vers, vers
loin de refermer le poème sur lui-même, son étude libre, verset. Mais, afin qu’ils ne se limitent pas à de
doit au contraire l’ouvrir sur les formes générales simples identifications formelles, il faut leur mon-
de la langue et du discours : la relation son/sens qui trer que ces notions sont mobilisées en vue d’une
ne lui est pas exclusive, la syntaxe qu’il met en ten- saisie du sens. Par exemple, plutôt que de considé-
sion avec la métrique, les figures qui transforment rer le rythme comme un domaine réservé de la poé-
ou revivifient celles que l’usage a consacrées sie ou de le confondre avec les principes métriques
jusqu’à l’usure, les dimensions narrative et argu- de la versification, il convient de le rapporter à la
mentative qu’il a en partage avec d’autres genres. réalité phonétique générale de la langue (l’accen-
tuation de groupe) ; dès lors, il devient possible de
L’oralité de la poésie le reconnaître d’abord dans le langage courant
Les élèves ont été depuis longtemps sensibilisés à pour pouvoir en saisir les formations singulières
cette donnée première de la poésie, liée à ses origi- dans le langage poétique avec leurs valeurs séman-
nes mêmes : son oralité, qui implique le corps, les tiques propres. Les tensions que le rythme impose à
caractères sonores de la voix (timbre, volume, la syntaxe en poésie comme dans le :
inflexion, hauteur, etc.), l’écoute. La poésie se « […] pareil à la
fonde d’abord sur la matérialité de la langue, Feuille morte » (Verlaine),
qu’elle fait entendre. Cette dimension sensorielle sont ainsi associées à des effets que le destinataire
doit être approfondie au lycée dans un travail de la (lecteur ou auditeur) ressent sous forme de sensa-
diction lié à l’interprétation – au sens théâtral du tions sources d’émotions, et qui donnent la nuance
terme. De la matière phonique du mot aux enjeux de sens liée aux images offertes par le texte : le sens
des silences et des variations prosodiques, l’oralité – le mouvement incontrôlé, subi par l’être humain,
de la poésie fait corps avec sa signification. Dire la en l’occurrence – réside dans la matière du texte
poésie est donc essentiel : cette activité peut aussi – les sons – en même temps que dans la sémantique
bien prendre la forme de récitations que d’un tra- des mots. À partir de quoi, il devient significatif
vail sur des comparaisons de différentes dictions d’associer le rythme à ces effets, en interrogeant des
(par des comédiens ou par les élèves eux-mêmes) catégories qui sont utilisées dans le langage usuel.
d’un même poème. Par exemple, il est courant de décrire un rythme
comme régulier ou saccadé, rapide ou lent, et de
Le texte et l’image du texte qualifier ses effets en le jugeant berceur, pesant,
La poésie marque aussi son ancrage dans la maté- fou… L’étude rejoint ainsi la question des registres
rialité de la langue par l’impression sur le papier : donc des émotions que le langage instaure.
la disposition sur l’espace de la page, le rôle des
blancs, la typographie, la figuration plastique du Poésie et langage figuré
texte poétique (Calligrammes d’Apollinaire, Stèles De même, le travail sur l’image poétique et sur le
de Segalen, par exemple) forment autant d’éléments langage figuré sera d’autant mieux compris qu’il
visuels qui, incorporés à l’étude de la poésie et de mettra en relation les figures dans la poésie avec leur
Objets d’étude 37
Feuillets d’Hypnos de Char ou La nuit remue de mêmes les grands moments de l’histoire poétique
Michaux…, au choix du professeur. Le travail sur au sein de l’histoire littéraire et culturelle, à travers
le recueil est alors celui de l’étude d’une œuvre inté- ses continuités, ses évolutions et ses ruptures. Le
grale, et fait alterner études ponctuelles et saisie de but est, en effet, de les aider à structurer les
l’ensemble. Les variantes dans la composition de connaissances partielles et fragmentaires qu’ils ont
l’œuvre, qui en éclairent la genèse, peuvent favori- déjà du domaine poétique.
ser cette approche globale.
L’anthologie
Éléments de mise en œuvre
L’anthologie (étymologiquement : « cueillette de
fleurs »), le florilège ou les morceaux choisis carac- Progression de la seconde à la première
térisent aussi la manière dont la poésie est proposée et place dans l’année
à la lecture. Il serait évidemment souhaitable que En seconde, la poésie n’est pas un objet d’étude spé-
les élèves en première disposent d’une anthologie cifique mais est présente de deux façons :
poétique, ou plutôt que plusieurs anthologies circu- – à l’occasion d’autres objets d’étude (par exemple,
lent dans la classe. Leur confrontation est éclai- le romantisme, la littérature engagée, la tragédie, le
rante : on perçoit ce que la mémoire culturelle a portrait avec l’éloge et le blâme) ;
sélectionné et retenu, ou ce qu’elle a occulté ; on – dans les écrits d’invention, qui ouvrent à l’explo-
peut aussi lire l’anthologie comme un discours sur ration des richesses du langage.
la poésie (par exemple à partir des principes de sa En première, la poésie doit faire l’objet d’une
composition et de la lecture de sa préface) ; l’antho- séquence au cours de l’année. Mais son étude ne se
logie permet enfin de réfléchir sur la définition et le limite pas à ce seul cas. Elle intervient aussi à d’au-
statut du chef-d’œuvre. tres moments : par exemple à propos de l’apologue,
dans l’étude d’un mouvement littéraire et culturel
ou du langage théâtral.
L’histoire poétique dans l’histoire
littéraire et culturelle Démarches
Le travail sur la poésie est un travail du texte. Il
Plusieurs approches sont possibles, notamment : donne lieu à des pratiques aussi diversifiées que
– l’étude comparative d’anthologies ou celle de possible : lectures oralisées, récitations, lectures
l’évolution d’un genre : la robustesse du sonnet par analytiques, confrontation de textes, récitations,
exemple qui, en dépit d’occultations périodiques, écriture d’invention, recherches documentaires, etc.
traverse l’histoire de la poésie française, de Marot à Dans la séquence consacrée à la poésie, la lecture
Mallarmé ; d’un recueil et d’un groupement de textes – en asso-
– l’étude de conflits et de ruptures qui sont propres ciant lecture analytique et lecture cursive – est préco-
à la poésie. On mettra ainsi l’accent sur les querel- nisée, ainsi que la mise en relation avec d’autres arts.
les poétiques qui scandent la trame de son histoire L’étude du poétique doit aussi intervenir dans le
et marquent la présence des poètes aux avant- cadre d’autres séquences, comme on l’a vu, mais
postes de la littérature et de la culture. Ce travail encore convient-il de développer l’étude du poéti-
peut se faire au moyen de groupements de textes, que hors de la seule poésie. Enfin, elle est présente
simultanément ou séparément poétiques et criti- aussi dans celle des réécritures en classe de première
ques ; pour ces derniers, le lien avec l’étude de l’ar- littéraire.
gumentation s’impose alors : manifestes, préfaces, Ce travail est étroitement lié avec l’étude raisonnée
arts poétiques peuvent y trouver place, tels que de la langue, non pour faire du poème le prétexte à
Défense et illustration de la langue française de du une question de grammaire, mais au contraire,
Bellay, Art poétique de Boileau, article « Poésie pour faire comprendre que la poésie relève d’une
lyrique » de l’Encyclopédie, préfaces de Victor interrogation sur le langage et ses contraintes.
Hugo, « La Nuit de mai » de Musset, préface aux Dans l’écriture d’invention, de manière explora-
Petits Poèmes en prose de Baudelaire, « Art poéti- toire en classe de seconde, il est bon que soit mani-
que » de Verlaine, Lettres du voyant de Rimbaud, feste l’étroite alliance des règles contraignantes et
Crise du vers de Mallarmé, Lettres à un jeune poète de la liberté qui en caractérise l’exercice (statut de
de Rilke, Manifeste Dada de Tzara, Manifeste du l’imitation, jeux poétiques, explorations lexicales,
surréalisme de Breton, extraits de la « Première travail de la métaphore, transformations de textes,
leçon » du Cours de poétique de Valéry, production de variantes, etc.).
« L’évidence poétique » d’Éluard, Le Second La liaison originaire de la poésie avec les autres arts
Manifeste de l’OuLiPo de Le Lionnais. est à mettre en œuvre de façon pratique : arts plas-
Quelle que soit la démarche retenue, on doit don- tiques (poésie et peinture), arts du spectacle (théâ-
ner aux élèves les moyens d’appréhender par eux- tre et poésie) et musique (poésie, chant et chanson).
Objets d’étude 39
époque et de faire dès lors apparaître une double en lecture cursive, ou par lecture d’extraits), en
dimension de l’histoire littéraire : relation avec les genres et registres comiques et/ou
– le contexte historique, avec la connaissance des tragiques :
traits essentiels du classicisme ; Anouilh, Audiberti, Bernhard, Brecht, Camus,
– l’évolution historique des formes, pour faire com- Claudel, Cocteau, Dubillard, Euripide, Feydeau,
prendre que les genres ont, eux aussi, une histoire. Montherlant, Obaldia, Pagnol, Pinget, Pinter,
Pirandello, Sarraute, Sartre, Shakespeare,
L’oral Sophocle, Tardieu, Tchekhov.
Genre scénique, le théâtre impose un travail sur
l’oral. Des mises en voix de scènes, des lectures à Texte et spectacle
haute voix, des récitations peuvent s’associer au tra- L’étude du théâtre doit pouvoir associer, dans la
vail sur la nature de l’œuvre comme spectacle. Ces mesure du possible, le travail sur le texte et sur l’in-
exercices sont recommandés en classe de seconde. terprétation scénique. Pour ce dernier aspect, la
vision d’une réalisation de l’œuvre étudiée en classe
Dialogue et argumentation est bien sûr souhaitable. Des cassettes audiovisuel-
Les œuvres de théâtre (notamment classique) les sont diffusées par :
incluent souvent des scènes de dialogue comportant – l’INA (collection « Voir et Savoir ») proposant
une dimension argumentative : ainsi, par exemple, des mises en scène d’œuvres théâtrales :
l’étude des scènes 1 et 2 d’Andromaque permet de Hamlet, de Shakespeare (mise en scène de Patrice
lier l’analyse de l’exposition théâtrale et du conseil Chéreau) ; Britannicus, de Racine (Gildas Bourdet) ;
(scène 1) à celle d’un affrontement argumentatif Le Misanthrope, de Molière (Antoine Vitez) ; La
(scène 2). On peut donc initier les élèves aux pro- Cerisaie, de Tchekhov (Jean-Claude Carrière) ; La
blématiques du dialogue, ainsi qu’à des aspects de Vie de Galilée, de Brecht (Antoine Vitez) ; Les
l’argumentation dans les œuvres de fiction même, Chaises, de Ionesco (Jean-Luc Bouté) ; L’Hypothèse,
comme moyen de l’action. de Pinget (Joël Jouanneau) ;
– le CNDP (collection « Les théâtrales »), Bérénice
Le texte et la scène : liens avec l’étude (Jean-Claude Carrière et Jean-Daniel Verhaegue) ;
de l’image et les arts – le CNDP publie aussi des dossiers avec diapositi-
Dans le cours de français, il est nécessaire de pren- ves et disque compact dans la collection « Théâtre
dre en compte – d’abord à partir des indications aujourd’hui », dont le numéro 6 sur Hamlet et La
scéniques, explicites ou implicites du texte – le rôle Nuit des rois.
de l’espace scénique, des décors et costumes, des
éclairages et d’engager une réflexion sur les conven-
tions de représentation. Ces analyses peuvent se
En classe de première :
fonder sur l’étude d’images, de décors ou de costu- texte et représentation
mes, ainsi que sur la mise en images que constitue
une mise en scène vue. L’étude du théâtre offre de Objectifs
nombreuses occasions de travail en liaison avec les Durant l’année de seconde, les élèves ont acquis
arts. Ces analyses sont amorcées en seconde, et une connaissance précise du théâtre (objet d’étude :
reprises et approfondies en première. « Le théâtre : la tragédie et le tragique, ou la comé-
die et le comique »). Il s’agit en première de com-
Auteurs et œuvres pléter et approfondir cette étude.
Auteurs dramatiques français En effet, le théâtre occupe une place singulière dans
De la même manière que pour le récit, la liste indi- la littérature, non seulement parce qu’il a donné des
cative qui suit, issue des mises en œuvre de 2000- œuvres qui constituent des modèles majeurs, mais
2001, invite à distinguer les auteurs français du surtout :
XVIIe au XXe siècle dont l’œuvre constitue un repère – parce qu’il est à la fois texte et spectacle ;
culturel. La liste est délibérément donnée par ordre – parce que, comme tel, il présente une part d’ora-
alphabétique et, nombre d’auteurs ayant écrit des lité fondamentale.
pièces relevant des deux genres, ou – pour certaines C’est cette spécificité du théâtre qui est ici en jeu.
– difficilement classables, on ne distingue pas entre Elle doit mener les élèves à mieux saisir la diversité
auteurs de tragédies et auteurs de comédies : des ressources du littéraire, et à s’interroger sur
Corneille, Giraudoux, Ionesco, Jarry, Marivaux, les liens entre oral et écrit, verbal et visuel, et les
Molière, Musset, Racine. concordances ou éventuelles discordances entre les
deux sortes de langage, ainsi que sur les problèmes
Autres lectures d’interprétation.
D’autres auteurs français et étrangers pourront De la sorte, alors qu’en seconde la complexité de
également être abordés (en étude d’œuvre intégrale, ce langage multiple a certes été abordée, mais est
Contenus Démarche
Les œuvres et textes étudiés sont au choix du pro- Le théâtre peut, en première, faire l’objet d’une
fesseur. Il veille à éviter les redondances avec le pro- séquence en propre, ou être intégré à une séquence
gramme de seconde. Il veille aussi à choisir des orientée par un autre objet d’étude.
œuvres et textes offrant une matière riche pour étu- Dans tous les cas, une remise en mémoire des
dier l’association du texte et du spectacle. Les gen- acquis de la classe de seconde est indispensable.
res préconisés sont, de ce fait : Dans tous les cas aussi, la lecture – soit cursive, soit
– la tragi-comédie ; par étude analytique – d’une œuvre intégrale est
– le drame ; nécessaire. Dans tous les cas, des éléments de mise
– le théâtre moderne à genre indéfini. en comparaison sont à prévoir, soit au sein d’une
Peuvent également être abordés avec fruit des même séquence, soit par recours à des textes de
exemples pris dans le théâtre médiéval (jeux, mys- théâtre à divers moments de l’année.
tères). Si le théâtre est abordé sous l’égide d’autres objets
Le programme recommande d’associer l’étude d’étude, les objets d’étude « Mouvements littéraires
d’une œuvre intégrale et la lecture d’extraits. Le et culturels » et « Argumenter et délibérer » sont
plus profitable en la matière est de diversifier large- particulièrement propices (par exemple, L’Île des
ment les genres et les époques (une œuvre ancienne, esclaves de Marivaux s’intègre bien à une étude du
des extraits plus modernes, ou l’inverse). Le théâtre débat dans la satire sociale et/ou une étude des
contemporain est représenté au moins par extraits. Lumières).
Les notions-clés sont : Dans le cas où le théâtre fait l’objet central d’une
– la mixité des genres ; séquence, trois possibilités se présentent :
– les registres pathétique et/ou ironique, satirique ; – étude d’une œuvre ancienne non classique et com-
– la double énonciation. paraison avec des textes plus récents ;
– étude d’un drame romantique, non pour repren-
N.B. – Par double énonciation, on désigne la dre l’analyse du romantisme – étudié en seconde,
situation typique du théâtre où les personnages donc objet de remémorations, éventuellement de
s’adressent les uns aux autres sur scène (plan compléments, mais non d’étude approfondie – et
d’énonciation 1) et où l’ensemble de leurs propos, comparaison avec l’amont et l’aval ;
mais aussi leurs gestes, leurs costumes, les décors, – étude d’une œuvre du XXe siècle, et recherche
les accompagnements musicaux éventuels, les d’exemples en amont d’œuvres offrant les mêmes
lumières, forment un discours global qui s’adresse mixités de genres et registres, et le même souci de
au public (plan d’énonciation 2). Cette notion est à faire une large place aux effets visuels.
traiter à propos du théâtre, mais elle est présente Dans l’analyse des textes, deux préoccupations
dans de nombreux autres domaines littéraires ; ainsi s’imposent :
les genres du roman épistolaire et du dialogue y ont- – la visualisation associée au texte : de préférence par
ils recours. Comme toutes les séries n’étudient pas vision de la pièce, sur scène ou en vidéo ; au moins
Objets d’étude 41
par mise en voix et en espace en classe ; un travail • Centre national du théâtre : 134, rue Legendre,
avec le professeur d’arts plastiques est ici souhaitable ; 75017 Paris, www.cnt.asso.fr.
– des analyses comparatives, à deux échelons : au • Ateliers diffusion audiovisuelle : 41, rue des
sein d’une même œuvre, entre le verbal et le visuel Envierges, 75020 Paris, www.adav-assoc.com.
qui souvent sont décalés, et entre des œuvres et tex- • Association nationale de recherche et d’action
tes différents. théâtrale : 38, rue du Faubourg-Saint-Jacques,
Le recours à des documents tels que reproduction 75014 Paris, www.anrat.asso.fr.
de décors et costumes, musiques, enregistrements, • Centre national de la cinématographie : 11, rue
est préconisé. Galilée, 75016 Paris, www.cnc.fr.
De même, un temps de réflexion sur le rôle des
interprètes (le comédien, le metteur en scène) est
nécessaire (éventuellement accompagné de l’ana-
lyse d’un extrait du Paradoxe du comédien de
L’argumentation
Diderot et/ou Une soirée perdue de Musset), en lien
En classe de seconde : démontrer,
avec la réflexion sur les variations de significations
des œuvres et la notion d’interprétation. convaincre et persuader
Objets d’étude 43
Cet ancrage dans la littérature, permettant de spé- Par ailleurs, l’argumentation peut être présente
cifier ce domaine en français par rapport aux sujets dans le théâtre, où elle est souvent un élément
traités en éducation civique, juridique et sociale, moteur des dialogues ; elle l’est souvent aussi dans
justifie la forme des intitulés proposés ci-dessous : le roman (où l’intervention du narrateur a aussi
« Littérature et… ». un rôle important à cet égard). Enfin, elle l’est
de toute évidence dans l’éloge et le blâme. Elle
Une progression de la seconde à la première doit donc être associée à ces différents objets
La liste de sujets appropriés pour la classe de d’étude.
seconde proposée ici est indicative ; selon les situa- Cependant, la part considérable qui est la sienne
tions et les projets pédagogiques, les professeurs dans la discipline français fait qu’il est bon que lui
ont liberté d’aborder d’autres sujets similaires. Il est soit consacré un temps spécifique au cours de l’an-
souhaitable toutefois que ces problématiques soient née, qui sera l’occasion d’introduire les notions
réparties de manière raisonnée entre la classe de essentielles et de dessiner des éléments de synthèse
seconde et la classe de première, établissant ainsi la des observations conduites à l’occasion d’autres
possibilité d’une progression. En seconde, où l’ac- objets d’étude.
cent est mis sur les genres narratifs et théâtraux
et sur les XIXe et XXe siècles, les problématiques Argumentation et problématique
peuvent se rapporter, au moins en partie, à des évé- L’étude de l’argumentation peut alors donner lieu à
nements et au rapport de l’individu à la collectivité. une séquence centrée sur un sujet envisagé comme
Ainsi, il est possible d’envisager une des probléma- une problématique. « Problématique » implique que
tiques suivantes : l’un des enjeux pédagogiques importants consiste à
– littérature et altérité, qui invite à réfléchir sur des apprendre aux élèves à construire des séries de ques-
textes portant par exemple sur la découverte du tions sur un sujet donné et de savoir aussi en discer-
Nouveau Monde mais aussi sur la colonisation et la ner des lieux communs (voir « Argumentation et
francophonie (permettant des relations avec le pro- délibération », dans la section « Perspectives
gramme d’histoire de seconde) ; d’étude », page 29) et des points de vue singuliers.
– littérature et éducation, qui invite à réfléchir à Aborder une problématique appelle plutôt un tra-
l’histoire des débats sur l’éducation du XVIe au XXe vail fondé sur l’étude d’un groupement raisonné de
siècle (ce qui offre une transition avec le pro- textes. Ce groupement peut comprendre, outre les
gramme de première) ; textes littéraires, des documents diversifiés, ver-
– littérature et politique, qui invite à réfléchir sur baux ou iconographiques.
des textes portant par exemple sur le débat démo- Avec la lecture et l’analyse de textes, l’étude donne
cratique (Hugo, Zola, etc.), sur sa critique ou sur lieu à des productions orales (débats, exposés) et
ses objets ; écrites (analyses de points de vue contradictoires,
– littérature et guerre, qui invite à réfléchir sur des essais, initiation à la dissertation) visant à impli-
textes romanesques, des pamphlets, des lettres, des quer progressivement les élèves dans le contenu de
articles de presse, des documents visuels et cinéma- la problématique étudiée et à les amener à réfléchir
tographiques portant notamment sur les grands sur les manières d’y prendre position en associant
conflits du XIXe et du XXe siècle. étroitement lecture, analyse et écriture.
En première, les problématiques proposées seront On suggère ici deux exemples possibles : les débats
davantage ancrées dans une dimension plus sur l’éducation et la question de l’altérité. Cela,
conceptuelle. sans exclure les autres ; il est ainsi possible d’asso-
cier un travail sur la littérature et la guerre à l’étude
Mise en œuvre et propositions de la nouvelle (par exemple, Maupassant, Boule de
suif) et du roman (par exemple Dorgelès, Les Croix
Démarche ; place dans le travail de l’année de bois).
L’argumentation étant omniprésente dans les dis- Les indications qui suivent ne visent en rien à don-
cours et les textes, elle doit aussi être présente tout ner des modèles (aussi les exercices écrits et oraux
au long de l’année. Elle est étroitement liée à nom- ne sont-ils pas spécifiés) mais des listes de textes
bre de travaux écrits et oraux. Les exercices oraux qui ont été utilisés avec profit lors des expérimen-
de confrontation d’idées et de points de vue prépa- tations et mises en œuvre des programmes, et
rent au débat ; le lien avec l’ECJS est manifeste. Les qui ont seulement une valeur indicative (ni obliga-
travaux écrits d’argumentation préparent à la dis- toire, ni limitative). Elles distinguent les textes
sertation. De même, des pages de textes littéraires littéraires (pour les œuvres indiquées seulement
argumentatifs peuvent faire l’objet d’un commen- par leur titre, plusieurs extraits sont possibles,
taire. L’écriture d’invention peut être aussi bien selon les choix des professeurs) et des suggestions
argumentative que figurative. de documents.
Objets d’étude 45
– le professeur choisit de ne pas le traiter en tant – des extraits de La Bruyère, Caractères, et des
que tel, mais les élèves pourront en rencontrer les Mémoires de Retz ou de Saint-Simon ;
notions et les formes essentielles à l’occasion d’ac- – des extraits de pièces de théâtre (par exemple,
tivités consacrées à d’autres objets d’étude (dans le Molière, Le Misanthrope : la scène des portraits) ;
cadre d’un travail sur l’argumentation, pour faire – des extraits de romans (cas de portraits et/ou d’in-
ressortir la dimension affective et passionnelle de la terventions du narrateur dans le corpus étudié du
persuasion, dans le cadre de l’étude d’une œuvre XIXe ou du XXe siècle) ;
narrative ou théâtrale, si elle conduit à analyser des – le genre du portrait de presse, des textes de criti-
portraits de personnages, par exemple) ; que d’actualité littéraire ou culturelle.
– le professeur choisit d’y consacrer une séquence :
c’est ce second cas qui est envisagé ci-dessous. Dans le domaine visuel
– Des portraits en majesté, picturaux (Louis XIV,
Genres et formes de l’éloge et du blâme Napoléon, etc.) ou photographiques (photos offi-
Le travail sur l’éloge et le blâme pouvant puiser à cielles de présidents de la République) et, à l’op-
une grande diversité de textes et d’œuvres, littérai- posé, des caricatures (de Daumier, par exemple) ;
res ou non, verbaux ou non, il est possible d’abor- – des photographies d’artistes, d’écrivains, d’hom-
der certains des genres particuliers qui les mettent mes politiques (Nadar, quatrièmes de couverture,
en œuvre, outre celui du portrait qui s’applique à publicités pour des romans contemporains) ;
l’un comme à l’autre : – des sculptures et des monuments à visée de glori-
– genres de l’éloge : ode, oraison funèbre, apologie, fication.
panégyrique, hagiographie, critique, plaidoyer,
consolation, compliment, toast, etc. ; À partir du portrait
– genres du blâme : pamphlet, satire, réquisitoire, À partir des démarches repérables dans le por-
libelle, critique, autocritique, diatribe, caricature, trait (portrait physique, portrait moral, résumé
raillerie et persiflage, etc. des principaux faits de la vie – ce qui donnera une
À noter que, dans ces genres, la transition entre le transition avec l’étude du biographique en pre-
littéraire (par exemple, l’ode) et le non-littéraire mière), il est aisé d’établir une extension vers les
(par exemple, le toast) est aisée à faire percevoir éléments-clés de l’éloge et du blâme, par compa-
aux élèves. raison avec des textes tirés d’autres genres.
Cet objet d’étude se prête aussi, en ce qui concerne L’étude du portrait permet ainsi de faire discerner
les registres, à l’analyse de l’épidictique, du polémi- des choix : un personnage vu sous un certain
que, du pathétique, à l’initiation au satirique et à angle, un certain éclairage, dans un certain envi-
l’ironique (développés en première). ronnement, un contexte, dans une pose suggérant
un sentiment, offrant une émotion au destina-
Les leçons de la pratique ; un exemple : taire. À partir de quoi les élèves peuvent perce-
le portrait voir comment l’éloge et le blâme jouent sur le
Le programme suggère un travail sur le portrait. On point de vue, l’amplification ou la réduction de
peut choisir de réaliser, tôt dans l’année, une certains traits du modèle ou du sujet, et donc sur
séquence sur l’éloge et le blâme organisée autour de l’affectif. Il leur est ainsi possible de saisir le rôle
l’étude du genre du portrait. Elle permet d’initier les de celui-ci dans les effets exercés sur les destina-
élèves aux notions de genre, registre, persuasion, taires (par exemple, « mettre les rieurs de son
style littéraire et non littéraire. Elle se prête particu- côté »), ainsi que sur les liens entre poétique et
lièrement à des écrits d’invention, dans lesquels les rhétorique. Ces éléments peuvent être réinvestis
élèves reprennent et approfondissent des acquis du en écriture d’invention.
collège (la description). Elle permet des exercices
brefs et l’étude de textes assez courts préparant
à des lectures plus longues et plus exigeantes. Elle
En classe de première :
se lie de plus à l’étude de textes de la Renaissance convaincre, persuader et délibérer
(blasons et plaidoyers amoureux chez Ronsard, cri-
tiques de Rome dans Les Regrets de Du Bellay, sati- Définitions et objectifs
res dans Les Tragiques de d’Aubigné). Pour les définitions des termes qui indiquent les
De ces mises en pratique, on peut retenir les sugges- formes et buts de l’argumentation et ses principales
tions de textes et documents suivants : données linguistiques, se reporter à la section
« Perspectives d’étude », « Argumentation ». Les
Dans le domaine verbal principales données linguistiques de l’argumenta-
– Des textes poétiques : blasons et contre-blasons du tion y sont indiquées. Dans la continuité avec la
XVIe siècle ; Baudelaire, Les Fleurs du mal (« La cheve- classe de seconde, les objectifs de la classe de pre-
lure », « Une charogne », etc.) ; Éluard, Aragon, etc. ; mière sont (rappel) :
Objets d’étude 47
tif. C’est pourquoi la fable désigne pour une part le Du Bellay, Défense et Illustration de la langue
vaste corpus des récits produit par l’art oral française ; Boileau, Art poétique ; Rousseau,
ancien ; mais le terme s’est spécialisé pour désigner Lettre à d’Alembert ; Hugo, préface de Cromwell ;
des mises en scène d’animaux, d’êtres inanimés ou Verlaine, « Art poétique » ; Proust, Contre Sainte-
d’hommes dans un récit généralement bref qui ren- Beuve ; Breton, Manifeste du surréalisme ; Sartre,
ferme un enseignement moral : l’apologue. Plus lar- « Qu’est-ce que la littérature ? » in Situations, II.
gement, apologue qualifie des fictions ayant une
visée argumentative, des fables, des contes, des Liens avec l’étude de la langue
exempla, aboutissant à une leçon morale. Voir la section « Étude de la langue » et le chapitre
« Argumentation en classe de seconde ». En classe
Suggestions de problématiques de première, en ce domaine, l’accent est mis sur la
En classe de première, les problématiques propo- syntaxe du raisonnement logique, sur la modalisa-
sées seront surtout ancrées dans une dimension tion, et sur le vocabulaire du jugement :
plus conceptuelle qu’en seconde – où elles étaient – dont des verbes tels que : penser, estimer, croire,
tournées plutôt vers les rapports entre l’individu et juger, concéder, reconnaître, admettre, prouver,
la société – ainsi que sur les XVIe-XVIIIe siècles où ces éprouver et bien sûr analyser, démontrer, convain-
problématiques ont donné ample matière à débats. cre, persuader, délibérer ;
Ainsi on peut aborder une des problématiques sui- – et les substantifs : analyse, argument, argumenta-
vantes : tion, avis, certitude, concept, concession, conclu-
– littérature et tolérance, qui invite à réfléchir sur sion, consensus, conviction, croyance, débat,
des textes portant, entre autres, sur les rapports décision, délibération, données, exemple, fait, idée,
entre littérature, religion et sciences, et qui peut être impression, information, jugement, opinion, per-
étudié dans le cadre de l’humanisme et des suasion, preuve, problématique, sentiment.
Lumières ; Les termes ici énumérés constituent un substrat
– littérature et utopie, qui invite à envisager sa notionnel commun à maîtriser en fin de première.
dimension européenne, et qui convient bien aussi à
l’étude de l’humanisme et des Lumières ; Mise en œuvre
– littérature et égalité (l’esclavage, les relations La progression en cours d’année vise à donner aux
homme-femme, les rapports patrons-ouvriers, les élèves la maîtrise du raisonnement, du jugement
conflits coloniaux), convient aux mêmes périodes critique, de la confrontation de données et de juge-
de l’histoire littéraire et culturelle ; ments. La délibération, entendue comme la capa-
– littérature et savoirs convient aussi à ces périodes, cité à former son propre jugement après avoir pris
mais s’étend également au baroque et au surréa- en compte et examiné des points de vue divers,
lisme ; des textes scientifiques de débats sur les voire divergents ou opposés, constitue un but
savoirs et leurs usages doivent y trouver place, dans essentiel de la classe de première. Elle s’élabore par
la suite de ce qui a été amorcé en seconde ; la comparaison de textes, par les exercices de débat
– les conceptions de la littérature (toutes périodes). à l’oral, de dissertation à l’écrit.
L’écriture d’invention, en première, s’associe princi-
Œuvres et auteurs palement à l’argumentation :
On indique ici un vivier d’œuvres et d’auteurs qui – dans ses formes indirectes, l’apologue en est une
peut être utilisé pour des œuvres complètes ou des composante importante sous les diverses formes
extraits et qui n’est pas limitatif. qu’il peut prendre ;
Rabelais ; Montaigne ; Descartes ; Pascal ; La – dans ses formes directes, lorsqu’il n’y a pas
Fontaine ; Saint-Évremond, Dissertation sur le mot confrontation de points de vue aboutissant à un
« vaste », Dissertation sur Alexandre le Grand ; jugement tranché (ainsi pour le dialogue d’idées).
Voltaire ; Marivaux, L’Île des esclaves, L’Île des fem- Le commentaire de texte est abordé comme le lieu
mes, La Colonie ; Diderot, Supplément au voyage de d’une analyse argumentée des qualités propres d’un
Bougainville, Le Neveu de Rameau, Lettre sur les texte littéraire.
aveugles, Paradoxe du comédien ; Rousseau, La mise en relation du littéraire et du non-littéraire
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité est un des éléments importants dans l’étude de l’ar-
parmi les hommes, Émile, Du contrat social, gumentation. Elle permet en effet de manifester
Profession de foi du vicaire savoyard ; Rivarol ; comment l’analyse de textes littéraires donne accès
Chateaubriand ; Nizan ; Valéry ; Camus ; Paulhan ; aux traits essentiels des discours et peut donc, a for-
Celan. tiori, être utile pour le non-littéraire. Elle montre
Pour une problématique sur les conceptions de la que la littérature d’idées permet de rendre compte
littérature, recommandée notamment en série litté- des caractéristiques de tout texte argumentatif,
raire, (essais en prose ou arts poétiques en vers), on mais aussi en quoi elle élabore des propos qui accè-
peut recourir aux auteurs et aux ouvrages suivants : dent à la conviction, à la persuasion et au jugement
Objets d’étude 49
tant que tel. Pour éviter tout malentendu, précisons un répertoire de formules toutes faites, qui ne ren-
ici, au risque de quelque pesanteur : cela ne signifie dent pas compte de la particularité des œuvres. La
pas que la seule dimension historique des acquis de lecture de textes contemporains de l’œuvre étudiée
seconde est l’étude d’un mouvement littéraire et et leur comparaison sont indispensables à la fois à
d’un seul, mais que la réflexion nécessaire sur la la mise en contexte et à l’identification d’une
notion de mouvement littéraire se fait sur l’un de période et d’un état de pensée et de sensibilité. Il est
ceux cités ci-dessus ; les élèves acquièrent ainsi la donc nécessaire d’accompagner l’étude d’une
capacité de comprendre ce qu’est un mouvement œuvre intégrale de lectures complémentaires, soit
littéraire et de transférer les démarches de contex- un groupement de textes, soit une autre œuvre ou
tualisation et d’analyse sur d’autres. des extraits lus en lecture cursive.
Pour cette appropriation, il est indispensable que – Si l’histoire littéraire est à aborder par des lectu-
l’étude se fonde sur des lectures effectives des élè- res, ces lectures doivent aussi mettre en relation les
ves. C’est pour tenir compte de leurs capacités de œuvres et les textes littéraires avec d’autres textes et
lecture, et des difficultés plus grandes que présen- des documents, y compris d’autres langages – ima-
tent la langue et la mise en contexte des œuvres ges, musiques – qui donnent accès à l’idée des mou-
plus anciennes, que le programme préconise de vements de sensibilité, et qui ouvrent sur l’histoire
donner en seconde la place principale à des textes culturelle. Le rôle de la documentation est ici
des XIXe et XXe siècles. Ainsi pourraient être étudiés important.
comme mouvements littéraires en tant que tels en – Surtout, il ne s’agit pas de former les élèves à des
seconde : le romantisme, le réalisme et le natura- méthodes de l’histoire littéraire, mais à sa démar-
lisme, la littérature engagée. che : ils doivent apprendre à discerner les lacunes
dans leurs connaissances, à construire des question-
Rappel – Le romantisme a une dimension euro- nements, ainsi qu’à se livrer, à une échelle modeste,
péenne, mais il constitue un phénomène fort en à des recherches. L’exercice de l’exposé, souvent
France et son étude peut ainsi préparer à l’approche utilisé à cette fin, doit cependant être limité, dans sa
des questions d’influences culturelles qui seront durée comme dans sa fréquence et ses ambitions.
traitées en première. Un travail de groupe lors de l’étude d’une œuvre
intégrale est souvent productif.
Autres mouvements littéraires pour la classe – Nombre de mouvements littéraires sont caracté-
de seconde ristiques d’un moment de l’histoire mais peuvent se
Comme l’histoire littéraire concerne aussi l’histoire manifester à d’autres, y compris en amont (par
des genres, l’étude de la tragédie et/ou de la comé- exemple, d’Aubigné est un écrivain qui s’engage) ;
die conduit ainsi à aborder le classicisme. Des tex- il est profitable de ne pas diluer la chronologie et de
tes du XVIe siècle, des poèmes de la Pléiade notam- faire percevoir les moments caractéristiques, avant
ment, peuvent être analysés dans un travail sur le de montrer les extensions possibles.
portrait en étudiant « L’éloge et le blâme ». Mais il
est raisonnable de réserver à la classe de première la Éléments de mise en œuvre
réflexion sur l’humanisme. Pour Montaigne entre
autres, l’étude du genre de l’essai facilite alors son Étude d’un mouvement en tant que tel
approche. L’étude du roman ou de la nouvelle s’as- On peut choisir d’étudier le romantisme. Ce mou-
sortit aisément avec le réalisme et le naturalisme. vement se prête bien à des lectures touchant à la
La littérature engagée se lie aisément aussi avec poésie, mais aussi au théâtre et au roman. Le tra-
l’argumentation, l’art pour l’art avec le travail de vail peut ainsi s’organiser autour de la lecture d’une
l’écriture. œuvre et de textes complémentaires diversifiés. Le
lien avec la peinture et la caricature est aisé à éta-
Démarches blir. Le rôle des registres – épique, mais aussi pathé-
Il existe diverses méthodes pour étudier l’histoire lit- tique et fantastique – peut y être mis en lumière. Le
téraire, qui peuvent avoir divers mérites. Nous rap- lien avec le programme d’histoire permet de faire
pelons seulement ici quelques principes essentiels : saisir le rôle de la rupture révolutionnaire dans
– Le but étant la constitution d’une culture, il s’agit l’évolution de l’histoire culturelle. La compréhen-
avant tout de lire des textes et de placer le plus pos- sion de ce qu’est un contexte est ainsi facilitée. Elle
sible au centre du travail l’étude d’une œuvre peut aussi être liée à une approche du classicisme
intégrale. menée par ailleurs, qui contribue à faire percevoir
– L’objectif est d’apprendre aux lycéens à tenir les effets de rupture advenus dans les choix esthéti-
compte des contextes pour lire, comprendre et ques, et en quoi ils sont révélateurs des sensibilités
interpréter les textes ; il convient donc de leur et des idéologies.
apporter les démarches nécessaires pour aborder Le réalisme ou le naturalisme sont parfois choisis
ces contextes et non de figer l’histoire littéraire en pour être étudiés comme mouvements en tant que
Objets d’étude 51
œuvres d’écrivains, mais aussi dans d’autres arts et autres – à l’étude du genre de l’essai et plus large-
dans d’autres domaines de la vie intellectuelle, ment de l’argumentation. Les Lumières se lient
artistique et idéologique. Il est alors possible d’in- aisément aussi avec l’argumentation. En série L, les
troduire la notion de « phénomène », pour initier « Réécritures » offrent une large gamme de possi-
les élèves à des situations où des auteurs peuvent bles en lien avec l’humanisme et le symbolisme.
avoir des traits en commun par delà même leurs Il est également bon d’initier les élèves à d’autres
différences, voire divergences, pour des raisons his- phénomènes de l’histoire littéraire, qui n’en consti-
toriques identifiables (ainsi de l’humanisme avec la tuent pas des scansions majeures, mais qui permet-
redécouverte des sources antiques et la crise reli- tent de contextualiser les œuvres et textes lus.
gieuse, du baroque et des temps d’inquiétude poli-
tique et religieuse, des Lumières et de l’attitude Démarches
optimiste de maîtrise du monde). Par là, une Rappelons ici encore qu’il existe diverses méthodes
réflexion s’amorce sur l’idée de culture. pour étudier l’histoire littéraire, qui peuvent avoir
divers mérites, que chaque professeur peut procé-
Scansions majeures der diversement, pour peu qu’il mette en avant,
Après les scansions majeures de l’histoire littéraire sans dogmatisme de méthode, les démarches fonda-
française envisagées en classe de seconde (Pléiade, mentales :
classicisme, romantisme, réalisme et naturalisme, art – Le but étant la constitution d’une culture, il s’agit
pour l’art, littérature engagée), la classe de première avant tout de lire des textes et de placer au centre
envisage des phénomènes d’ampleur géographique du travail, le plus possible, l’étude d’une œuvre
plus vaste, de dimension internationale, largement intégrale.
européenne, mais ayant eu un France un fort reten- – Il s’agit d’apprendre aux lycéens à tenir compte
tissement : humanisme, baroque, Lumières, symbo- des contextes pour lire, comprendre et interpréter
lisme, surréalisme. les textes ; il convient donc de leur apporter les
démarches nécessaires pour aborder ces contextes
N.B. – Comme le classicisme, le baroque est un et non de figer l’histoire littéraire en un répertoire
phénomène identifié et désigné longtemps après par de formules toutes faites, qui ne rendent pas
les historiens et les critiques, et non une appellation compte de la particularité des œuvres. La lecture de
d’époque ; ce fait ne présente pas d’inconvénient textes contemporains de l’œuvre étudiée et leur
majeur dans la perspective de compréhension d’un comparaison sont indispensables à la fois à la mise
phénomène, pourvu que les élèves soient informés en contexte et à l’identification d’une période et
qu’il s’agit d’une appellation forgée après coup. d’un état de pensée et de sensibilité.
– Si l’histoire littéraire est à aborder par des lectures,
Un mouvement littéraire et culturel étudié ces lectures doivent aussi mettre en relation les œuvres
en tant que tel et les textes littéraires avec d’autres textes et des docu-
Pour éviter tout malentendu, on rappelle encore ici, ments, y compris d’autres langages – images, musi-
au risque de quelque pesanteur : étudier en tant ques – qui donnent accès à l’idée des mouvements de
que tel un mouvement littéraire et culturel ne signi- sensibilité et qui ouvrent sur l’histoire culturelle.
fie pas que la seule dimension historique en pre- – Surtout, pour former les élèves à l’essentiel de la
mière est l’étude d’un mouvement littéraire et démarche historique, il s’agit de leur apprendre à
culturel, mais que la réflexion nécessaire sur la construire des questionnements et à se livrer, à
notion de mouvement littéraire et culturel se fait leur échelle modeste, aux recherches d’informa-
sur l’un de ceux cités ci-dessus ; les élèves acquiè- tions nécessaires. Savoir discerner les questions
rent ainsi la capacité de comprendre ce qu’est un tel indispensables est une compétence majeure, plus
mouvement et de transférer les démarches de importante, à ce niveau d’étude, que l’entassement
contextualisation et d’analyse sur d’autres. À la dif- de formules toutes faites forcément mal articulées.
férence de la classe de seconde et compte tenu de La remise en mémoire des acquis de la classe de
ses acquis, il est davantage possible d’envisager des seconde et le travail par des comparaisons sont
phénomènes plus éloignés dans le temps. Le choix indispensables : la construction de la perspective
du professeur est donc encore plus libre en la historique exige cette mise en lumière des héritages
matière. et différences.
Objets d’étude 53
gient la représentation réaliste tandis que d’autres et les diverses spécialités de l’armée, chacun incar-
la refusent. nant de la sorte une attitude, une tendance, une
qualité ou un défaut propre à chaque catégorie (le
Les options stylistiques proprement dites capitaine mondain et distant, le caporal-paysan
Celles-ci peuvent intervenir à deux moments de la bon soldat et bon camarade, etc.). Les deux se
genèse d’un texte : combinent dans des épisodes où la description des
– lors de sa conception (par exemple lorsqu’un faits est prise en charge (par « effet de régie »,
canevas est fait en prose et le texte final en vers) ; selon les termes de Ph. Hamon) par le regard d’un
– lors des modifications par rapport à une première personnage : décrire l’artillerie en action est une
version, dans des rééditions, dont l’analyse relève étape du canevas, faire cette description à travers
alors de l’examen des variantes. le regard d’un des soldats en est une autre : le texte
final donne au lecteur le sentiment que les autres
Mise en œuvre soldats admirent les artilleurs.
Objets d’étude 55
de leur donner à voir que la culture contemporaine choisir de le traiter ou non, et de le traiter en tant
est nourrie de littérature et abonde en création lit- que tel ou de l’aborder en corollaire de l’étude
téraire. En même temps, les médias audiovisuels d’un autre objet. Reste qu’un tel objet d’étude a un
ont multiplié les adaptations d’œuvres littéraires du double rôle d’initiation : il contribue à mettre en
passé. Un travail sur les adaptations ou sur les place la réflexion sur l’histoire littéraire et la
reprises théâtrales d’œuvres du passé appartient construction de la conscience historique, qui se
donc aussi à ce domaine d’études. Par ces appro- fera progressivement sur les deux années de
ches, en liaison avec la démarche d’ensemble pro- seconde et de première ; il permet aussi la mise en
posée pour l’étude de l’histoire littéraire, les élèves place d’éléments de contexte et de problématiques
peuvent être amenés à observer la culture actuelle (sur les genres, la notion de littérature, la lecture
pour mieux saisir l’importance d’en étudier les de l’image). Il peut donc y avoir profit à l’aborder
antécédents, l’histoire et l’héritage dans lesquels assez tôt au cours de l’année de seconde. On peut
elle s’inscrit. Envisager en seconde un mouvement ainsi choisir de le situer dans le premier trimestre,
littéraire du XIXe ou du XXe siècle permet d’avoir comme moyen de mettre en place des usages, des
assez commodément accès à une documentation notions et des questions, en partant de la lecture de
sur les usages de création, publication et réception. romans contemporains. Par exemple, dans des
Dans l’étude d’un mouvement d’une période plus classes qui se sont associées au Goncourt des
éloignée, en première, les notions et démarches lycéens, la réflexion sur « Écrire, publier, lire » a
ainsi acquises pourront être réinvesties. été prise en compte dans le cadre des lectures appe-
lées par cette participation, au sein d’une séquence
Écrire, publier, lire sur l’étude du roman. Les questions liées aux prix
Observer les usages culturels invite à ne pas scinder littéraires, aux académies et jurys, à l’édition, au
ces trois actes. Il s’agit d’amener les élèves à com- rôle de la critique et des médias ont ainsi trouvé
prendre que les auteurs créent en situation, que l’ac- place dans l’approche des œuvres en contexte.
tion de publier opère des choix, oriente des modes Dans d’autres cas, sans relation avec un prix litté-
d’écriture et de lecture, que tout un réseau d’instan- raire, cette approche a été faite comme moyen de
ces intervient dans la vie culturelle. Lier les trois découvrir les cadres de l’histoire littéraire contem-
aspects contribue à la formation d’un esprit averti. poraine, à l’occasion d’un travail sur la littérature
engagée ou sur l’évolution des genres théâtraux.
Mieux mettre les œuvres en contexte En classe de première, les acquis ainsi élaborés sont
Prendre en compte le littéraire, ses diverses formes repris, mais cet objet d’étude n’est plus présent en
et le non-littéraire permet d’amener les élèves à tant que tel : les données en sont intégrées à l’étude
réfléchir sur les genres, leurs apports différents et des autres objets d’étude. Leur importance est par-
leurs évolutions. On ne bornera donc pas la récep- ticulièrement sensible pour le théâtre (lecture et
tion à la seule lecture au sens strict. Le programme représentation), la poésie (rôle de l’oral et de
prescrit une étude du théâtre : il est bon de faire l’écrit), les genres de l’argumentation (pour les rap-
percevoir que le théâtre est fait pour être vu autant ports aux destinataires).
que pour être lu. D’autre part, il est bon de compa-
rer le cas du théâtre et celui du récit : montrer que Démarches
le roman est le genre aujourd’hui dominant mais ne
l’a pas toujours été, que la tragédie n’est plus un Textes, seuils et approche des contextes
genre productif en tant que tel mais peut faire l’ob- Une telle étude appelle l’observation des différents
jet de représentations et rééditions nombreuses, « seuils » (selon le titre d’un ouvrage de Genette)
permet d’initier les élèves à l’idée de contexte. De qui manifestent, dans le livre même, l’acte de publi-
même, il est plus aisé de contextualiser les œuvres cation et les rapports entre l’auteur et le public. Le
modernes en les comparant avec des textes non lit- titre et ses variations éventuelles, la couverture et ses
téraires et des textes de littérature de large diffusion illustrations éventuelles, la quatrième de couverture
qu’on ne le fait pour les œuvres du passé. Enfin, la constituent des moyens d’entrée dans cette mise en
mise en regard de productions audiovisuelles contexte. Un va-et-vient entre texte et « péritexte »
actuelles et d’œuvres littéraires permet de faire dis- enrichit la lecture d’éléments d’analyse et d’interpré-
cerner des traits communs et des différences entre tation tenant ainsi à la mise en situation du texte.
ces langages et ces usages culturels. Ces démarches sont aujourd’hui usuelles dans l’en-
seignement du français, point n’est besoin donc de
Mise en œuvre les détailler davantage ici.
Objets d’étude 57
Mais les formes les plus caractéristiques de la de référence et sa réécriture, qu’il s’agisse de textes
réécriture sont le pastiche et la parodie : leur his- courts, d’extraits ou d’œuvres intégrales. La
toire est ancienne et éclaire l’ensemble de la problé- seconde fait intervenir des productions d’élèves
matique. procédant à des réécritures en fonction de consi-
La parodie apparaît chez Aristote parmi les genres gnes précises.
qui construisent la littérature : alors que l’action
haute en mode dramatique est désignée du nom de Analyse de textes littéraires
tragédie, l’action haute en mode narratif du nom L’étude d’œuvres littéraires (voir les indications
d’épopée, l’action basse en mode dramatique du d’auteurs et titres ci-dessous) privilégie l’étude des
nom de comédie, « l’action basse en mode narratif genres et des registres, de l’organisation du dis-
n’est illustrée que par référence allusive à des cours, des destinataires et des changements induits
œuvres plus ou moins désignées sous le terme de dans la réception par la réécriture. On compare dif-
parôdia » (voir Aristote, Poétique, I, et G. Genette, férents extraits d’œuvres pour mettre en évidence
Palimpsestes, Seuil, 1982, p. 20). les raisons des choix opérés lors des transpositions.
G. Genette est amené à proposer une hypothèse On propose ainsi une vision de la littérature dans
permettant de définir plus précisément le terme : son historicité.
« ôdè, c’est le chant ; para : “le long de”, “à côté” ;
parôdein, d’où parôdia, ce serait le fait de chanter Productions d’élèves
à côté, donc de chanter faux, ou dans une autre Le travail suppose une analyse préalable du texte
voix, en contre-chant – en contrepoint – ou encore qui sert de référence. Les différents aspects de la
de chanter dans un autre ton : déformer ou trans- transposition sont fonction des changements de
poser une mélodie » (ibid. page 20). destination, d’effets visés, de registres. La réécriture
Parallèlement, le mot pastiche vient de l’italien, par les élèves se fait ainsi selon des critères définis
pasticcio : « mélange, imbroglio ». L’histoire de la qui permettent une évaluation satisfaisante. Elle est
musique propose une acception du terme qui une des formes de passage de l’imitation à l’inven-
mérite l’attention : le pastiche serait l’adaptation de tion, pratiquée en seconde.
certains airs d’opéra dans la langue du pays où la
représentation est donnée, tandis que d’autres par- Place dans la progression annuelle
ties du texte restent en langue originale. Le terme Le travail sur les réécritures peut se joindre à l’ana-
désigne aussi une pièce musicale composée par dif- lyse d’autres objets d’étude : en particulier, la poé-
férents auteurs à partir d’un morceau servant de sie et l’apologue en offrent des cas nombreux. Cette
référence. façon de l’intégrer à la progression annuelle paraît
Ces deux termes renvoient donc à l’idée d’une plus appropriée que de lui consacrer une séquence
production « à partir de » et « le long de » : le en propre – ce qui reste cependant possible. En
parodieur, le pasticheur prend appui, accompagne effet, en première L, un des objectifs principaux est
tout en gardant ses distances : distance de la lan- d’approfondir l’analyse des données littéraires :
gue, du « ton », distance imposée par le change- – L’examen des réécritures est propice à la compré-
ment de lieu et donc de public. C’est plus ici la hension des faits de style et d’originalité.
posture du pasticheur qui intéresse le pédagogue – Réécrire est une démarche, non un but : aussi est-
que le produit fini : on ne demandera pas aux élè- ce en montrant les effets de cette démarche qu’on
ves de rédiger des pastiches dignes de Balzac (Les fera le mieux percevoir la richesse, sans la désigner
Contes drôlatiques), de Proust (Pastiches et comme une fin en soi.
Mélanges) ou des À la manière de… de Muller et
Reboux (1908-1913)… Suggestions de démarches
La combinaison des deux lignées – imitation et On peut envisager deux types de démarches avec
parodie – a été particulièrement active dans le bur- les élèves. Il est possible de procéder à des études de
lesque. Elle est aussi d’un usage fréquent dans textes littéraires mettant en parallèle la version de
l’écriture polémique. Ainsi la spécification des référence et sa réécriture, qu’il s’agisse de textes
intertextes dans la réécriture peut être éclairée par courts, d’extraits ou d’œuvres intégrales ; on peut
ces réflexions sur les formes les plus affirmées de partir de productions d’élèves procédant à des
cette dernière et éclairer en retour les mises en réécritures en fonction de consignes précises.
œuvre au sein de la classe.
Réécrire pour renvoyer au discours d’autrui
Mise en œuvre
Deux types de démarches complémentaires s’of- Citer, faire allusion, se référer de manière implicite
frent dans le travail avec les élèves. La première La fonction de ces réécritures est double : elles per-
consiste évidemment à procéder à des études de mettent d’abord de prendre appui sur le discours
textes littéraires, en mettant en parallèle la version d’une autorité déjà reconnue (pour conforter un
Objets d’étude 59
l’ensemble identiques ; mais une reprise tragique et achevé : l’histoire littéraire fournit de nombreux
aussi comico-cynique qui associe des registres que la exemples ; le genre biographique est particulière-
tradition shakespearienne ne répugnait pas à mêler. ment riche en versions refondues : de la « Préface
L’étude du genre de l’apologue facilite la réflexion testamentaire » des Mémoires d’outre-tombe
sur la réécriture : d’Ésope et Phèdre à La Fontaine (1833) à l’« Avant-propos » de 1846 ; de la préface
et ses multiples pasticheurs et parodistes. de l’édition de Neufchâtel des Confessions au dis-
Enfin, dans la poursuite de ce que les élèves ont cours préliminaire conservé par Rousseau.
acquis en seconde, on peut faire travailler les élèves Il peut être valorisant de proposer aux élèves des
sur des textes d’auteurs identiques, qui reprennent réécritures de textes après une période d’apprentis-
à plusieurs années d’intervalle un texte qui semblait sage assez longue.
La maîtrise de la langue constitue un enjeu essentiel doit leur permettre de mieux percevoir la langue
du français au lycée. Lieu (et filtre inévitable) de dans laquelle ils sont immergés, de distinguer les
nos échanges, de nos réflexions et de nos percep- caractères propres de l’oralité et de l’écriture,
tions, la langue est un élément constitutif de l’iden- d’améliorer leurs capacités d’expression en travail-
tité, tant à l’échelon individuel (répondant ainsi à la lant le vocabulaire et la syntaxe, de mieux saisir les
finalité de la « formation de la personne ») où elle significations.
donne l’accès aux connaissances, l’exercice de la
pensée et l’expression de la sensibilité, qu’à l’éche-
lon collectif (« formation du citoyen ») où elle défi-
nit notre appartenance culturelle commune, notre
Objectifs et démarches
inscription dans la société et la compréhension
Objectifs
d’autrui. Les inégalités scolaires sont souvent l’effet
d’une inégale maîtrise de la langue. Il revient au Eu égard aux enjeux généraux développés ci-des-
professeur de français un rôle crucial pour donner sus, l’objectif de l’étude de la langue au lycée est
aux élèves cette maîtrise qui détermine leur forma- celui de sa maîtrise : les élèves ont déjà l’usage de la
tion et leur réussite. langue et ont déjà étudié les données grammatica-
Le travail sur la langue doit donc être effectif au les, aussi s’agit-il moins de dresser des listes de
lycée. Le programme demande d’en poursuivre et règles à apprendre que de mettre l’accent, en
d’en approfondir l’étude au-delà du collège, car seconde surtout, sur la récapitulation et la consoli-
l’apprentissage de la langue est continu, progressif dation des acquis, puis de s’attacher davantage à
et ininterrompu, depuis l’école élémentaire jusqu’à l’approfondissement en première. Néanmoins, il
la fin des études secondaires. existe des objectifs pratiques communs aux deux
Cette prescription n’est pas nouvelle : les précé- classes, liés à la nécessité d’une réflexion sur le sens
dents programmes demandaient la pratique raison- plus approfondie qu’au collège. Ce sont :
née de la langue au lycée. Une telle position, alors – développer le vocabulaire ;
justifiée par les progrès de la linguistique que les – consolider les acquis du collège en matière de
programmes s’efforçaient de prendre en compte, a grammaire et remédier aux ignorances morpho-
pu conduire à des excès de formalisme dans les pra- syntaxiques aussi bien qu’orthographiques qui
tiques d’enseignement, notamment dans les métho- limitent l’exercice de la langue, à la fois dans le
des d’analyse des textes. Les programmes actuels détail de ses réalisations et dans la maîtrise de ses
adoptent une position plus précise : ils ne font pas structures globales, de la phrase au texte ;
de l’étude de la langue un objet d’étude distinct, – enrichir le contact des élèves avec leur langue, en
mais une démarche transversale aux différents leur faisant découvrir des phénomènes qu’ils n’ont
objets d’étude. Le travail sur la langue n’est ainsi pas étudiés jusque-là ou qui n’ont pu être appro-
jamais séparé de sa mise en œuvre dans les dis- fondis au collège ;
cours, écrits ou oraux, textes d’écrivains ou textes – assurer et renforcer le lien entre la grammaire, les
des élèves ; il n’est jamais séparé des enjeux prag- analyses de textes, les pratiques orales et les réali-
matiques et esthétiques de sa réalisation concrète. sations écrites, qu’il s’agisse de commentaire et
L’étude de la langue au lycée doit fournir aux élèves d’appréciation esthétique, d’argumentation et d’ef-
les moyens d’un apprentissage raisonné, c’est-à-dire ficacité persuasive, ou d’écriture d’invention liée à
personnellement assumé. Il s’agit donc moins de la maîtrise des genres et des registres ainsi qu’à
leur proposer des connaissances techniques de for- l’argumentation.
mes de plus en plus complexes que de les conduire
à réfléchir sur les formes qu’ils connaissent déjà
plus ou moins précisément, pour qu’ils en mesurent
Démarches
la signification et la portée et qu’ils passent de leur Principes
pratique à leur maîtrise. Ainsi, compte tenu de l’in- Le travail sur la langue au lycée prolonge et appro-
térêt des adolescents pour la réflexion, cette étude fondit les démarches qui ont été mises en œuvre au
Marques de l’oralité
Accent
Intonation
*Prosodie
Redondance
Rythme
Syntaxe de l’oral
Démarches et progressions 75
cours se définit comme la mise en œuvre du lan- – le souci, pour réaliser une liaison efficace des
gage ; il est donc une activité, un processus d’élabo- apprentissages, d’organiser le travail en ensemble
ration et d’échange de sens : une activité codifiée, liant différents exercices autour d’objectifs com-
c’est-à-dire régie par des contraintes de contenus et muns, ou séquences, qui permettent de mettre en
d’expression, une activité déterminée par une situa- lumière les solidarités entre langue et littérature,
tion impliquant des interlocuteurs et une activité oral et écrit, lecture et écriture.
qui engage des effets sur les destinataires. Les quatre domaines de pratiques rencontrés au
Un texte est le produit d’une interaction toujours collège sont donc également présents au lycée.
singulière entre ces différents paramètres. Ils se
trouvent repris et englobés dans les quatre perspec- La lecture
tives d’étude qui constituent, au lycée, les voies de Les programmes de lycée visent à motiver la lecture
formation de la pensée propres à l’enseignement du (lecture cursive) autant qu’à approfondir le travail
français dans un souci de continuité entre les don- d’interprétation (lecture analytique). Ils entendent
nées ; mais le passage au lycée impliquant une atti- stimuler les interprétations et apprendre à contex-
tude plus réflexive, les attitudes intellectuelles tualiser les textes. Pour cela, ils mettent en avant
demandées aux élèves changent et des connaissan- une conception large de la littérature, qui associe
ces nouvelles apparaissent. les genres devenus canoniques dans les usages sco-
Du point de vue des attitudes intellectuelles deman- laires (poésie, roman, théâtre, essai) et d’autres gen-
dées aux lycéens, ces changements se traduisent par res qui constituent des références historiques
la nécessité de développer et de maîtriser les com- majeures et/ou des pratiques très fortement repré-
pétences suivantes : sentées aujourd’hui (le dialogue, l’autobiographie).
– la capacité de reconnaître des régularités et des Le travail sur la lecture appelle, à côté de textes lit-
singularités au niveau des genres, des textes et de la téraires, la lecture de textes non littéraires (presse,
langue et de savoir à leur tour les employer ; encyclopédies, ouvrages documentaires) ; il conduit
– la capacité d’appréhender les contextes (littéraire, aussi à la lecture de l’image.
culturel, historique) de création, mais aussi de
réception des textes ; L’expression écrite et orale
– la capacité d’analyser les enjeux d’un texte (objet Les programmes préconisent de diversifier les pra-
du discours et valeurs engagées). tiques d’écriture en mettant l’accent sur plusieurs
Du point de vue des connaissances nouvelles que types de production :
les élèves abordent en seconde, on soulignera l’im- – les écrits visant à construire un jugement (de l’ex-
portance de : posé d’une opinion personnelle à la discussion et à
– la définition des notions de genre et de registre ; la délibération) ; cet usage est déjà connu par les
– la constitution progressive des repères essentiels élèves en troisième, mais ils doivent progresser vers
d’histoire littéraire et culturelle, en définissant la une réflexion plus analytique et en venir peu à peu
notion de mouvement littéraire et celle de contexte à la délibération (la seconde constitue à cet égard
historique ; une année de transition) et donc à la dissertation ;
– l’introduction à la réflexion sur l’idée de style et – les écrits visant à développer la capacité d’analyse
d’originalité pour les œuvres littéraires ; et d’interprétation (commentaire) ; il s’agit de pra-
– les différences à analyser entre démontrer, tiques relativement nouvelles par rapport à la troi-
convaincre, persuader et délibérer. sième, aussi les introduira-t-on progressivement au
cours de l’année de seconde ;
– les écrits visant à développer l’invention ;
Pratiques – les écrits visant à fixer les connaissances, en fran-
Maîtriser la langue et les discours, en production et çais et dans les autres disciplines (analyses, résumés,
en réception, est une capacité qui se développe de dossiers, prises de notes).
manière continue, du collège au lycée. L’oral fait l’objet, au lycée, de deux pratiques plus
On retrouve donc au lycée des principes qui orga- développées qu’au collège :
nisent les démarches d’enseignement du collège : – l’analyse des genres de l’oral ;
– la nécessité de donner des connaissances précises, – la pratique du débat.
qui permettent de structurer les savoirs et les com-
pétences des élèves ; L’étude de la langue
– l’effort poursuivi pour la maîtrise de la langue et Les programmes du lycée proposent un travail
des discours, par une appréhension de la langue effectif sur la langue et les discours, concernant tant
dans les dimensions de son exercice effectif, à l’oral le système de la langue (en synchronie et en dia-
comme à l’écrit, dans la diversité des formes de lec- chronie) que ses usages et ses variations discursives,
ture et d’écriture, et dans la variété des genres et des selon les textes étudiés ou les besoins d’expression
auteurs étudiés ; des élèves.
Démarches et progressions 77
exemple, une dissertation, et en cours de séquence, tinent de ne pas formaliser l’exposé en une langue
un exercice bref d’écriture d’invention). singeant l’écrit, donc de laisser une part de sou-
plesse syntaxique. En revanche, il est nécessaire
La progression entre seconde et première d’exiger de la précision dans le vocabulaire. À
L’année de seconde ne doit pas être dévorée par des l’écrit, la précision du vocabulaire entre dans la
exercices voués exclusivement à la préparation des teneur même des travaux rédigés. La correction
épreuves d’examen. Elle constitue cependant une syntaxique et orthographique est évaluée par une
étape importante pour celle-ci. Les travaux portant partie de la note. Les exercices d’écriture et d’étude
sur l’argumentation sont une préparation à l’argu- de la langue sont aussi à présenter aux élèves
mentation et aux écrits d’invention de première ; comme partie intégrante de la préparation à l’exa-
les travaux de lectures analytiques et de réflexion men. De même, comprendre quelle est la part des-
sur les genres, les registres, le style préparent au criptive et la part argumentative de leurs propos,
commentaire comme à l’oral. En cours d’année, des écrits et oraux, leur est nécessaire : la formation à
exercices brefs en construisent les étapes ; sur l’an- l’argumentation écrite et orale doit être menée en
née, les élèves sont amenés à rédiger – avec des explicitant les enjeux pour l’examen – sans pour
sujets qui les guident et les aident – un commentaire autant en faire les seuls enjeux, mais en soulignant
de texte, une dissertation, un écrit d’invention au contraire comment l’examen, sur des textes lit-
argumentatif. téraires, évalue des compétences qui sont par ail-
leurs indispensables en tous domaines, en même
Les épreuves et les exercices temps qu’il évalue des connaissances définies.
L’écrit
Les exercices demandés le jour de l’examen entrent Lecture
de façon logique dans le cadre des programmes.
Les exercices écrits de commentaire, de dissertation
et d’écriture d’invention correspondent à des capa-
Objectifs
cités qui ont été élaborées tout au long de l’année Au lycée, dans la continuité du collège, le but essen-
de première, et même antérieurement : les élèves tiel est de faire lire beaucoup, en première comme en
ont été amenés à rédiger de tels travaux en cours seconde. Donner des références, offrir à ceux qui en
d’année et à acquérir en classe de seconde les manquent un accès aussi large que possible à l’héri-
démarches qui leur permettent de les réussir. tage culturel, exige des lectures nombreuses et diver-
sifiées. L’objectif de six œuvres par année est à regar-
L’oral der comme un idéal qui ne demande qu’à être
La préparation de l’oral présente une difficulté par- dépassé. Le professeur en prescrit d’autres, selon son
ticulière. En effet, le nombre d’élèves par classe per- projet pédagogique, en compléments de celles-ci.
met rarement qu’ils aient la possibilité de présenter À cette fin, il est nécessaire de diversifier les démar-
individuellement une lecture analytique d’un texte ches de lecture.
et de prendre part à un entretien. Ces exercices sont
pourtant nécessaires. Une pratique judicieuse est
d’en réaliser sous forme de préparation d’analyses
Démarches
de textes, confiées à plusieurs élèves dont un seul Deux démarches essentielles de lecture se dévelop-
intervient oralement devant la classe, par tirage au pent au lycée.
sort ce qui permet aux autres de prendre part à
l’entretien. Il est recommandé d’organiser des pré- La lecture analytique
parations de ces oraux en situation conforme à Elle a pour but l’examen méthodique des textes et
l’examen, en durée limitée comme le jour de l’oral constitue un travail d’observation des éléments
des EAF. Cette expérience place les élèves en situa- constitutifs de ceux-ci, suivi d’un travail d’interpré-
tion d’autonomie et leur donne ainsi une expé- tation. Elle permet aux élèves de s’approprier
rience plus exigeante que celle de l’examen ; elle progressivement les perspectives d’étude et de
leur donne matière à réflexion sur leur capacité à distinguer celles qui sont les plus pertinentes selon
mener une analyse et une interprétation d’un texte les textes étudiés. La lecture analytique est une
et à avoir un jugement personnel à son sujet. démarche, c’est-à-dire qu’elle peut se réaliser sous la
forme d’exercices divers : aussi bien ceux qui ont pu
Maîtrise de la langue être appelés précédemment explication de texte ou
et des discours et examens lecture méthodique, que l’étude d’œuvres intégrales.
Les élèves doivent y apprendre à formuler des hypo-
Les épreuves d’examen exigent une maîtrise effec- thèses de sens et les confronter aux caractéristiques
tive de la langue et des discours. À l’oral, il est per- du texte. Ils ont pris l’habitude d’analyser des textes
Démarches et progressions 79
ment propre à faire observer les jeux d’implicite. des « arts de l’espace » est constitutive de la
Ainsi, la lecture de l’image a pour buts dans le réflexion esthétique). Le dialogue entre les deux
cours de français : – nourri de longue date du « ut pictura poesis » –
– de développer les démarches d’observation et a constamment été nourri de cette différence,
d’interprétation en tenant compte du caractère notamment dans la recherche de moyens de la
polysémique de l’image ; réduire, tant du côté des arts plastiques (peinture
– par là même, de donner accès à différentes dimen- d’histoire narrative, fresques, cinéma, bande dessi-
sions de l’héritage culturel, en mettant en relation le née…) que du côté de la littérature. Celle-ci, en
verbal et le non-verbal, contribuant ainsi à la effet, fait image elle aussi. La poésie se rapproche
contextualisation des œuvres étudiées ; souvent de l’image visuelle en proposant au lecteur
– de développer sur des œuvres non littéraires des des images verbales, réalisées au moyen de figures
compétences identiques à celles de la lecture des (ces termes sont importants). Les calligrammes
textes, en travaillant à partir des perspectives indi- d’Apollinaire, les idéogrammes de Segalen ou les
quées pour l’ensemble du programme : rôle du peintures verbales de Dotremont, et plus ancienne-
contexte culturel, fonctions du genre choisi, origi- ment les arts de l’emblème en sont des manifesta-
nalité et modèles, valeur argumentative et effets sur tions extrêmes et flagrantes : elles tendent à abolir
les destinataires. la différence entre l’image suggérée – et qui s’ac-
complit seulement dans l’esprit du lecteur – et
l’image montrée. Aussi est-il bon que les élèves
Les relations entre texte et image soient initiés à ces jeux d’identité et de différences
Les relations du texte et de l’image sont multiples. entre les deux langages, surtout en première.
L’image peut être source d’un écrit (poésie L’image visuelle par sa nature même (elle est présente
d’ekphrasis ou écrits de critique d’art de Diderot ou et instantanée) tend à s’imposer, tandis que le lan-
Baudelaire par exemple), et réciproquement, textes gage verbal est plus analytique : les images qu’il pro-
et images peuvent, même sans lien explicite, mani- pose sont absentes, seulement suggérées, à construire
fester les mêmes options esthétiques (le surréalisme par le lecteur dans son imaginaire, et toute percep-
en fournit foule d’exemples) ; mais, plus encore, tion de mots exige un temps de déroulement du pro-
image et texte peuvent être unis dans un même dis- pos. Dans l’univers des discours d’aujourd’hui, la
cours global. C’est le cas au théâtre, au cinéma, surabondance d’images produit un effet d’impres-
dans des livres joignant textes et dessins ou textes sions rapides répétées, peu propice à une perception
et photographies, et enfin, à l’extrême, dans les critique qui exige le temps de l’analyse (cas des spots
genres fusionnant le verbal et le visuel, comme publicitaires par exemple). L’image peut donc être un
l’emblème ou le calligramme. moyen de propagande fort. Mais à l’inverse, visuelle
Pour ordonner et éclairer ces liens nombreux et et/ou verbale, elle est aussi un point extrême de la
complexes, une distinction utile peut être faite entre : recherche esthétique (elle frappe, surprend, étonne
– des similitudes thématiques et esthétiques, cas les – ce qui est le sens premier de admirari, « admirer »).
plus courants dans l’approche de l’histoire littéraire La relation dialectique entre le verbal et le visuel per-
et culturelle et qui seront mis en lumière dans l’étude met de montrer ces deux dimensions : d’une part, la
des contextes culturels (le surréalisme, le réalisme qualité analytique du verbal, qui permet de prendre
pour la peinture de la condition populaire, etc.) ; le temps (on le voit bien dans l’analyse de film : elle
– une identité de genres et de registres (caricature et nécessite des moments où l’on arrête le déroulement
écriture satirique par exemple) ; des images) et, d’autre part, sa quête de l’instantané
– l’analyse du discours verbal et du discours de qui saisit.
l’image (tableaux historiques et narratifs, caricatu- Ainsi, l’éducation à l’image trouve, dans l’étude du
res) ; c’est en ce sens que le film ou le téléfilm peu- littéraire et du verbal en général, deux investisse-
vent être envisagés dans leur qualité de récits – les ments qui correspondent aux enjeux de l’enseigne-
adaptations d’œuvres littéraires en constituent ment des lettres : la formation de l’esprit critique et
l’exemple flagrant ; du jugement, par l’exigence analytique que la
– enfin, et peut-être surtout, le langage verbal et le confrontation des deux langages révèle, et l’enri-
langage visuel proposent deux modes de perception chissement de la sensibilité, les images – verbales et
contrastés, auxquels une attention spécifique doit visuelles – étant le point d’acmé des moments où
être accordée pour éviter les rapprochements l’art émeut.
intempestifs.
Ce dernier point appelle quelques précisions. Le Objets d’étude et connaissances
langage verbal, par sa nature même, est successif
(mots et phrases se déroulent dans le temps) ; le En reprenant les distinctions précédentes, les inclu-
visuel est simultané (depuis le Laokoon de Lessing sions d’images dans le cours de français peuvent se
au moins, cette distinction des « arts du temps » et répartir entre les objets d’étude suivants (le pro-
Démarches et progressions 81
publicités) montre que les moyens du langage visuel de recherche, et d’en définir le projet en liaison avec
et du langage verbal sont partiellement identiques : le professeur-documentaliste.
il est possible alors de travailler sur les effets d’illus-
tration, de redondance, de décalage, de contradic- La série L
tion ; mais les deux langages utilisent aussi des
moyens différents pour provoquer les réactions des En série L, le travail sur les relations entre texte et
spectateurs-lecteurs, différences qui doivent être image présente une importance particulière dans
soulignées : simultanéité de l’image fixe, déroule- deux domaines :
ment du texte. – l’approfondissement des données d’histoire litté-
raire et culturelle est une des spécificités de la série :
Lecture de l’image et travaux écrits et oraux les relations entre textes et images sont reprises et
La reformulation écrite du discours d’une image, approfondies en terminale L et font une place assez
tel qu’on l’a analysé d’abord oralement, peut être large aux images mobiles (film) ; aussi en première
un moyen de travailler sur l’argumentation et les L on privilégiera les liens entre littérature et
effets d’un discours sur le destinataire. Les diffé- peinture ;
rents modes de lecture de l’image donnent aisément – l’objet d’étude « Les réécritures », spécifique à la
lieu à des productions écrites et orales relevant du série L, peut être envisagé dans sa dimension de
commentaire : description, hypothèses, interpréta- réécritures par passage d’un langage à un autre.
tions. On multiplie les comparaisons entre images, Enfin, l’analyse des identités et différences entre
extraits de films, mises en scène. arts visuels et art verbal doit être approfondie en
Dans un travail sur le genre du portrait, tableaux, première L, et ce pour l’ensemble des élèves et pas
gravures ou caricatures fournissent des sujets à par- seulement pour ceux qui choisissent une option arts
tir desquels on peut demander aux élèves de pro- plastiques, théâtre ou cinéma.
duire des textes d’invention dans le domaine de la
description.
Démarches et progressions 83
les prises de parole par un élève soient des moments le niveau de langue choisi n’est pas familier : les
de formation à l’écoute pour les autres : l’invitation procédures de thématisation, les réajustements sont
à la pratique des reformulations et à l’art de poser à prendre en compte autrement qu’à l’écrit, de
des questions pertinentes y participe. même que l’intonation, les mimiques peuvent rem-
Les débats, travaux de groupe, échanges d’impres- placer des formes de la modalisation.
sions doivent avoir lieu après un temps d’appro-
priation des données et conduire à la réalisation
– mesurée et limitée dans la durée – de débats. Les
L’oral et l’examen
élèves peuvent échanger sur l’interprétation d’un Le français est une discipline qui comporte une part
texte, d’une œuvre littéraire, cinématographique, d’oral dans son examen terminal au lycée (EAF).
picturale, sur une problématique liée au pro- D’autre part, l’oral est nécessaire pour les examens
gramme ou à un projet pédagogique précis. dans d’autres matières. Il y a donc là double motif
Lorsque l’élève prend la parole, il doit apprendre à d’attirer l’attention des élèves sur les retombées
clarifier son objectif : son but est-il d’utiliser l’art pratiques à court terme de leur maîtrise de l’oral.
oratoire de manière à marquer sa domination ou, Outre la maîtrise générale de la prise de parole, on
au contraire, d’avoir un vrai dialogue ? L’analyse insistera ici sur les aspects particulièrement liés à
de débats télévisés ou radiodiffusés permet de saisir l’oral dans l’EAF, qui comprend l’analyse d’un
ces deux aspects de la rhétorique. texte et un temps d’entretien.
L’école ne privilégie pas les situations d’affronte- Il n’y constitue pas un simple vecteur, un support
ment ou de polémique ; on encouragera plutôt la pour la transmission d’informations, mais implique
capacité d’écoute et de reformulation. L’élève trois paramètres spécifiques :
apprend progressivement à prendre en compte le – la situation de présence directe de l’interlocuteur :
discours d’autrui, à se construire une opinion et à le candidat ne doit pas réciter aveuglément un dis-
la justifier tout en faisant des concessions. Il doit cours appris plus ou moins par cœur à propos d’un
pouvoir résumer l’opinion d’autrui pour avancer texte, mais veiller à tenir compte de l’attention de
ses propres arguments, ou la reformuler pour la son auditeur ;
valoriser ou la dénigrer en en déployant les implici- – la durée limitée : si l’écrit laisse la possibilité de
tes. Il doit aussi nuancer son propos, le rectifier, repentirs, de retours en arrière, en situation d’oral
voire le retirer. Au collège, les élèves ont travaillé et dans un temps contraint, l’aisance de la prise de
sur le rôle du discours pour expliquer et pour argu- parole est essentielle ; d’où le besoin d’exercices
menter : il convient de prendre explicitement appui d’entraînement en cours d’année ;
sur ces acquis antérieurs. – la partie de l’épreuve consistant en un entretien
met particulièrement en lumière le degré d’autono-
Évaluation mie du candidat dans sa parole.
Il ne saurait être question d’évaluer systématique- Ces trois critères appellent une formation qui sou-
ment les performances orales ; il est en outre ligne que le but de l’oral n’est pas une récitation,
recommandé de ne pas disqualifier les élèves timi- mais l’expression d’une lecture, d’une réflexion et
des ou réservés dont les compétences orales doivent d’un jugement personnel. En cours d’année, les
être néanmoins développées : aussi indiquera-t-on exercices préparatoires porteront sur deux aspects :
toujours des critères clairs et précis sur lesquels se d’une part la prise de parole et l’usage d’un registre
fondera l’évaluation, pour ne pas donner à penser de langue approprié à la situation et au texte traité,
qu’on juge la personne plutôt que l’exercice. Pour d’autre part le jugement personnel assumé, y com-
cela, il convient d’utiliser comme critères d’évalua- pris dans ses limites et ses incertitudes. L’entretien,
tion les contraintes imposées par le genre travaillé s’il donne l’occasion de réinvestir des connaissances
avec les élèves (exposé, dialogue, récitation, orali- acquises dans l’année, n’est pas non plus le lieu
sation d’une scène de théâtre…). d’une récitation, mais évalue l’appropriation de ces
L’oral scolaire de participation à un débat peut être connaissances aux questions posées. La capacité
extrêmement variable. L’évaluation chiffrée ne d’écoute est là un préalable nécessaire à la prise de
s’impose pas toujours à cet égard. Elle est plus parole pertinente.
appropriée lorsqu’il s’agit d’exposés.
La lecture à haute voix d’un texte étudié ou sa réci-
tation permettent de se rendre compte si l’élève a
compris les analyses qui ont été faites. Elles fondent
L’écriture d’invention
donc des évaluations chiffrées possibles.
Définition et objectifs
L’évaluation de l’oral ne peut se limiter à la seule
répétition générale de l’oral d’examen à venir. Les pratiques d’écriture peuvent consister soit à
Enfin, on tiendra compte du fait que la syntaxe de produire un texte qui en glose, commente, discute
l’oral diffère de celle de l’écrit, et ce, même lorsque un autre, soit à produire un texte nouveau, auto-
Démarches et progressions 85
c’est à ce titre qu’ils ont pu paraître nouveaux et selon les objectifs définis en situation au sein des
inconnus à certains collègues. Ils ont pu aussi être objectifs généraux ici rappelés.
assimilés, abusivement, à ceux de sujets libres, de
rédactions spontanées… Ces termes, longtemps,
n’ont pas eu à être spécifiés parce que ces exercices
Place dans la progression
entraient dans un cadre rhétorique connu. Ils
consistaient en effet, sur un schéma donné de dis- En cours d’année
positio – une lettre, un discours, un portrait –, à un L’écriture d’invention est une catégorie générale
travail de recherche d’idées (ou inventio dans les d’exercices. Elle ne convient donc pas comme objet
dénominations des cinq étapes de l’élaboration du spécifique d’une séquence dans l’année. Elle doit
texte en rhétorique : inventio, dispositio, elocutio, plutôt intervenir de façon diverse à divers moments
actio et memoria) et de mise en mots et en phrases au sein de la progression annuelle. Elle peut consis-
(elocutio). La connaissance et la conscience de ce ter en exercices courts, qui permettent une appro-
cadre s’étant érodées, le sens des termes lui-même che d’un fait textuel (la description, le dialogue…),
s’est élargi, dispersé. Les reprendre en une seule et en exercices longs, de réalisation progressive (sur
expression, « écriture d’invention », correspond à plusieurs séances ou en travail personnel hors de la
un besoin de redéfinition du cadre en même temps classe sur plusieurs semaines), qui réalisent des syn-
que de réactivation des exercices correspondants. thèses et des réinvestissements.
L’écriture d’invention est donc, comme il a été vu,
invention au sens entier du terme : inventio mais De la seconde à la première
aussi choix de dispositio en fonction d’une situa- Mise en œuvre des genres et registres, l’écriture
tion, et elocutio ; mais elle est encore – au sens où d’invention doit être liée avec les contenus du pro-
invention est entendu comme synonyme de décou- gramme : les genres et registres à privilégier cha-
verte – une entreprise d’exploration du langage, que année sont ceux qui figurent dans le pro-
de ses ressources et de ses contraintes. À cet égard, gramme de l’année. Cette correspondance ne sau-
elle est le pendant de la lecture, dans l’essai de rait être mécanique : il ne s’agit pas de faire écrire
trouver soi-même « les mots pour le dire ». Elle en seconde un roman, une comédie, une tragé-
est étroitement liée à la nécessaire étude de la die… D’autre part, cette catégorie d’exercices pré-
langue. sente des éléments de progression propres qui sont
Ces deux aspects se réunissent dans une même importants pour que son rôle soit entier dans la
caractéristique : l’écriture d’invention est surtout progression d’ensemble des deux années et qui
un travail d’amplification : dans les contenus sont précisés ci-dessous.
comme dans le langage, elle développe ce qu’un
sujet appelle, impose, sollicite, suggère. La classe de seconde
Mais comme ce travail ne peut se faire à partir de Elle se doit de faire la transition avec les acquis du
rien, l’écriture d’invention s’appuie toujours sur des collège en la matière. En particulier, les élèves ont
sources et/ou sur des modèles : elle est production eu à rédiger au collège des récits complexes et des
d’un texte non sur un autre texte, mais à partir textes de discussion. Le lien avec ces acquis est
d’un ou plusieurs textes. En ce sens, elle est une donc logique dans l’approche du narratif (roman,
approche par expérience directe des faits d’inter- nouvelle : voir ce chapitre), comme du descriptif
textualité. (dans le cas du portrait : voir « L’éloge et le
Choix d’une forme appropriée au propos et à la blâme », page 45), enfin, comme élément des
situation, amplification et travail à partir de sour- débats d’idées, liés à l’objet d’étude « Démontrer,
ces sont ses caractéristiques pratiques principales. convaincre et persuader » (page 42) et, notamment,
L’invention n’est pas un exercice sauvage de l’ima- à la préparation à la dissertation et dans une appro-
gination et ce n’est pas l’imagination des élèves che du dialogue, via le théâtre. En seconde, il s’agit
qu’il s’agit d’y évaluer : elle consiste, bien plutôt, à d’employer ces acquis antérieurs comme moyens de
construire et nourrir l’imagination par l’explora- réflexion sur les genres ; il est possible, si néces-
tion des mots et des textes. Elle n’est pas davantage saire, de reprendre des exercices pratiqués au col-
créativité sauvage, mais apprentissage de ce que lège, mais les buts majeurs sont bien l’étude de la
toute rédaction comporte d’exigences. Enfin, elle langue et celle des genres.
n’est pas a priori liée à un seul domaine, au seul Mais la classe de seconde est aussi une année pro-
narratif et à l’autobiographie ou la fiction (on verra pice aux explorations du langage. C’est pourquoi,
que, au contraire, l’autobiographique doit y être si la poésie est étudiée en tant que telle en première,
considéré avec les plus grandes précautions) ; elle les exercices d’écriture d’invention peuvent et doi-
peut porter sur tous les domaines et toutes les for- vent en seconde faire une part aux jeux poétiques
mes, le débat d’idées et le poétique aussi bien que le avec le langage. Ils peuvent à cette fin s’appuyer sur
narratif, la spécification des exercices se faisant les registres (comique, tragique, épidictique, épi-
Démarches et progressions 87
Les étapes nelle et la mise à distance qui est la condition de la
– Le sujet de l’exercice doit toujours donner des mise en langage. Cette part d’expérience est un
consignes précises et claires. De même, le but doit accès majeur à la sensibilité littéraire : les élèves ont
en être clairement indiqué aux élèves. Les contrain- souvent l’impression que les écrivains s’épanchent
tes de genre, de registre, de situation sont indi- volontiers immédiatement : ils découvrent ici que le
quées ; si elles sont laissées au choix des élèves, passage par le langage pour accéder à une relation
cette liberté est aussi à préciser. avec l’autre, le lecteur, est une médiation.
– Les textes-sources ont été lus et au besoin analysés
en détail auparavant, collectivement. Les éléments Mises en œuvre en classe de seconde
de modèles ou d’inspiration qui en sont retenus sont L’écriture d’invention amène d’abord l’élève à
clairement définis (faits de style, de genre, de regis- transformer et transposer, puis à imiter et repren-
tre, sujets abordés, images retenues). dre, des textes préalablement étudiés. La transfor-
– L’élaboration du texte nécessite elle-même des éta- mation et la transposition, qui supposent d’utiliser
pes, que les élèves ont déjà abordées au collège, qu’il directement les textes modèles, sont souvent d’un
s’agit au lycée de reprendre et de préciser : conce- accès plus aisé pour les élèves, au début du moins.
voir le projet, planifier son élaboration, définir la Ces démarches donnent un premier ensemble de
forme générale du texte, enrichir ses idées, images et types d’exercices que l’ont peut ici répertorier (dans
arguments par des lectures (des textes-sources et une présentation schématique qui n’a aucune pré-
d’autres textes au besoin), concevoir le schéma tention à l’exhaustivité, la part d’invention du pro-
détaillé du texte, rédiger, réviser, donner à lire. Ces fesseur devant elle aussi rester disponible) selon les
démarches sont pertinentes pour toute écriture (et types de rapport aux textes-sources.
leur répertoire est utilement l’objet d’un temps de
synthèse, en première, comme complément des don- Transposer, transformer
nées de rhétorique vues dans l’argumentation et – Transposer, en faisant varier le cadre temporel, en
« Le travail de l’écriture »). En revanche, l’écriture faisant varier le mode de narration (modification
d’invention permet d’observer des applications du statut du narrateur, modification du point de
diversifiées. vue), en modifiant le genre et/ou le registre (en pas-
– L’étape d’enrichissement (ou de recherche) est sant du dialogue romanesque au dialogue théâtral
l’objet d’une attention particulière. Il s’agit en effet et inversement, en passant du blâme à l’éloge et
de nourrir l’imagination. Donc lectures, et au inversement, en passant du registre épique au regis-
besoin recherches documentaires, sont des temps tre comique, en faisant intervenir plusieurs registres
d’assimilation motivée de connaissances. Les dans l’évocation d’un même événement).
connaissances déjà acquises sont à réinvestir : sou- – Transformer, en amplifiant (développement d’une
vent les élèves ne voient pas comment, voire ne pen- ellipse narrative, description d’un personnage seu-
sent pas à le faire ; aussi, avant de se lancer dans un lement nommé, insertion d’un dialogue ou d’une
travail de documentation, un retour sur les acquis description, etc.), en réduisant (par résumé, ou par
antérieurs est nécessaire. coupes en vue de produire un effet différent), ou en
Deux traits sont à souligner particulièrement : prolongeant.
– former la faculté d’invention passe par un souci
constant du questionnement : les élèves doivent Imiter, reprendre
s’habituer à interroger les mots, les savoirs, pour – Par reprise partielle, c’est-à-dire à partir d’un élé-
définir ceux qui sont pertinents à leur projet, et ment d’un texte étudié. Elle consiste par exemple à
aussi voir où sont les lacunes à combler ; écrire une scène théâtrale reposant sur un quipro-
– développer l’imagination passe par une attention quo, à partir d’une scène de Molière, à écrire une
aux mots. Il ne s’agit pas de mettre en vedette les description reposant sur une série d’antithèses, sur
élèves qui ont de l’imagination (critère bien vague) une métonymie ou sur une métaphore filée, à
mais de donner à chacun des temps de méditation reprendre la morale d’une fable et à l’illustrer par
sur ce que tels ou tels mots et images éveillent un nouveau récit.
comme image pour lui ou pour elle. – Par reprise d’un genre et/ou d’un registre. La
Cela suppose aussi d’instaurer dans la classe des reprise d’un genre peut consister à écrire une nou-
temps de réflexion collective, de discussion orale velle, une poésie, un article de critique (littéraire,
pour préparer l’écrit. Cela suppose, enfin, une atten- théâtrale, cinématographique). La reprise d’un
tion à l’égard de la part de l’autobiographie, ten- genre associé à un registre peut consister à écrire
dance fréquente. L’écriture d’invention n’est pas une saynète comique, ou à utiliser le registre épique
affaire d’épanchement intime. Les élèves sont ame- ou le registre tragique pour évoquer un événement,
nés à s’impliquer, d’évidence ; mais le recours à la voire aller jusqu’à faire écrire une nouvelle fantas-
nécessaire part de fiction – concevoir une situation – tique. L’écriture d’une nouvelle est accessible aux
est ici le lieu d’un retour sur l’implication person- élèves de seconde, en relation avec l’étude des gen-
Démarches et progressions 89
du débat d’idées et de la critique littéraire, et que critères ci-dessus. Les cadres des genres, registres et
les « mots d’essai » et de dissertation ont été sou- ceux du traitement du sujet en une matière appro-
vent, au moins à cette époque, regardés comme des priée, proportionnée au temps passé, aux lectures
quasi-synonymes. Aussi convient-il de faire perce- faites et au niveau des élèves sont donc des critères
voir aux élèves que l’une et l’autre formes d’écriture objectifs, identiques à ceux qui sont mis en œuvre
participent au même travail de construction d’une dans l’évaluation de tous les travaux d’écriture.
façon d’exprimer son point de vue, par une argu- La lecture des écrits d’invention peut se faire par
mentation de conviction dans un cas, par une argu- échanges au sein de la classe, par publication en
mentation de persuasion ou une mise en images forme d’un recueil remis à tous les élèves, par le
dans l’autre. professeur seul. Il est bon de privilégier les formes
d’échanges. Ces écrits doivent bien sûr faire l’objet
Cas de la série L : les réécritures d’un temps de bilan et de correction en classe.
Outre les catégories générales pour la classe de pre-
mière, l’objet d’étude « Les réécritures » appelle un
travail sur l’imitation d’un style, les écritures « à la
manière de… », pastiches et parodies. Par exem-
Dissertation
ple : écrire un dialogue absurde en relation avec un et commentaire
travail sur le théâtre de l’Absurde ; décrire un objet
en liaison avec l’étude d’un roman, un paysage en La dissertation et le commentaire littéraires sont
liaison avec l’étude du romantisme, un portrait en deux exercices caractéristiques du cours de français
liaison avec l’étude d’un roman réaliste, etc. Il est au lycée depuis assez longtemps pour qu’il ne soit
recommandé de se borner en seconde à une initia- pas nécessaire de reprendre en détail les démarches
tion à ces réécritures, qui sont davantage dévelop- qui les concernent. Il s’agit ici de rappeler briève-
pées en première L. Elles sont à lier étroitement ment l’essentiel et de préciser comment ils s’inscri-
avec la notion de style, qui doit être mieux maîtri- vent dans le cadre du programme actuel.
sée par les élèves de cette série. Dans de tels exerci-
ces, l’écriture d’invention entretient un rapport
étroit avec la lecture et l’analyse : elle en est issue et
La dissertation
elle doit permettre de faire retour sur les choix de
l’écrivain et sur la compréhension de l’œuvre. Rappels historiques sommaires
Cet exercice a été introduit dans l’enseignement du
Évaluation français depuis plus d’un siècle, lorsque s’est déve-
Conçus comme exercices brefs, les écrits d’inven- loppé l’usage d’un enseignement des lettres sans
tion n’ont pas à faire systématiquement l’objet latin : le discours latin, qui était l’exercice canoni-
d’une évaluation notée ; il est bon de conserver, en que pour le baccalauréat, devait, dans ce cadre
seconde, une part de liberté dans ces exercices de nouveau, avoir un substitut en français ; ce fut la
découverte. Mais la notation se justifie, par étapes, dissertation. Elle-même a des antécédents de deux
en fonction de l’accomplissement de consignes sortes : d’une part la dissertation savante, relevant
précises : du domaine philosophique et qui se pratiquait en
– respect des étapes nécessaires dans l’élaboration latin ; d’autre part, la dissertation comme genre lit-
et la réalisation du projet (voir « Intertextualité, téraire. Celle-ci constitue, au XVIIe siècle, une forme
production et singularité des textes », page 27) ; à caractère plutôt mondain. Elle est employée dans
– réalisation d’un texte correspondant à l’ensemble la critique littéraire (ainsi l’abbé d’Aubignac rédige
des consignes et des contraintes qu’imposait le pro- dans les années 1660 des Dissertations pour criti-
tocole de départ ; quer les pièces de Corneille, Saint-Évremond une
– correction et précision dans la syntaxe et le Dissertation sur Alexandre le Grand de Racine, en
vocabulaire ; réponse à une dame salonnière qui lui demandait
– enfin et surtout, ampleur des apports d’amplifica- son avis à la lecture de la pièce). Mais la disserta-
tion (enrichissement par la recherche d’idées). tion peut porter sur toute sorte de sujets, y compris
L’évaluation de la langue porte davantage sur sa ceux qui paraissent assez futiles (Saint-Évremond
précision et sa correction que sur sa beauté. Ce cri- en compose une Sur le mot Vaste). Au long de cette
tère subjectif n’est pas le but premier (mais s’il période et au XVIIIe siècle, la dissertation est perçue
advient, bien sûr, c’est un élément éminemment comme une forme assez libre, qui permet de discu-
positif) : il ne s’agit pas d’amener les élèves à se ter un point de vue sur toute sorte de sujets ; elle est
prendre pour des génies en germe de la littérature. alors proche de l’essai (le mot est employé comme
La réalisation aboutie d’une expérience, et dans le un quasi-synonyme d’essai, mais aussi d’une forme
cas d’exercices longs, d’un texte autonome cohé- souple du traité, par les philosophes des Lumières :
rent et répondant au projet est l’aune qui définit les
Démarches et progressions 91
des registres et du style sont la catégorie de pensée Commentaire, dissertation,
essentielle pour prendre en compte ces qualités au invention : étapes et progression
moyen de notions précises. Il convient alors de faire
saisir aux élèves comment les objets d’étude sont Étapes
réinvestis dans les exercices de commentaire. À Les étapes d’élaboration des travaux écrits sont
noter que c’est aussi par cette démarche qu’ils per- en grande partie identiques pour les trois exerci-
cevront le mieux que les mêmes catégories (genre, ces : recherche des idées, élaboration d’un plan,
registre, style) s’appliquent aussi à des textes non lit- rédaction sont nécessaires dans les trois cas (voir
téraires et sont décisives pour les comprendre et les « Le travail de l’écriture », page 53, et « Écriture
juger, et que la formation à la littérature donne un d’invention », page 83). L’analyse du texte et de
usage des manifestations complexes de ces notions, ses caractéristiques est la phase de recherche du
permettant de mieux lire toute sorte de textes. commentaire, correspondant à la recherche
d’idées dans les deux autres exercices. De même,
Commentaire et sens l’élaboration de la disposition du texte à écrire
Un des risques du commentaire est qu’il sombre est une étape nécessaire. Il est bon que les élèves
dans des analyses technicistes et perde de vue la soient amenés à observer ces traits communs, de
question du sens dans le texte commenté. Le pro- façon à mieux percevoir les exigences différentes
fesseur veillera constamment à ce que les exercices par ailleurs : l’écriture d’invention conduit à
prennent complètement en compte la sémantique. chercher les meilleurs « mots pour le dire », le
L’attention aux faits de vocabulaire et de syntaxe commentaire impose les mots qui sont ceux du
est à cet égard primordiale. Elle est primordiale de texte ; la dissertation est pour partie lieu d’impo-
même pour l’appréciation du texte : un thème peut sition (respecter les termes du sujet) et pour par-
être banal, voire constituer une sorte de topique tie lieu de recherche par le rédacteur de ses pro-
d’un genre (relever de lieux communs là encore) pres mots (énoncer un point de vue personnel).
mais son traitement dans le texte associe des effets
de style et des effets sur le lecteur, des enjeux de Progression
registre. La question de l’originalité de la pensée ne De la seconde à la première, l’acquisition des
doit pas être posée de façon péremptoire, mais compétences de commentaire et de dissertation doit
d’abord soumise au souci de rendre compte de ce être progressive. La seconde permet de faire com-
que le texte présente de propriétés qui le caractéri- prendre les buts et démarches de ces exercices, la
sent et qui font sa singularité, pour apprécier première d’en faire l’objet d’une pratique et d’un
ensuite son originalité. L’originalité ne peut être entraînement méthodique.
appréciée de façon un peu personnelle que si l’élève
a suffisamment lu pour comparer des textes. Aussi La dissertation et le commentaire à l’examen
est-il légitime que le corps du propos soit consacré Une formation équilibrée des élèves exige de veiller
à rendre compte de façon précise et argumentée des à ce que la préparation aux trois types d’exercices
caractéristiques du texte, et que l’appréciation de écrits soit bien répartie. Ce qui suppose que les élè-
l’originalité ne vienne, le cas échéant, qu’à la fin. En ves soient amenés à voir comment le choix de
revanche, la part de réaction personnelle (intérêt, l’exercice doit se fonder sur ce qu’ils ont à exprimer
émotion) qui peut advenir – mais qui ne peut être sur les sujets proposés, non sur la forme du texte à
imposée, sous peine de pousser là encore au rédiger. En particulier, il convient de dissiper des
sophisme – doit pouvoir être exprimée. illusions communément répandues : si les sujets
d’examen offrent un corpus de textes sur lesquels
Les formes du commentaire ils prennent appui, la dissertation ne peut borner
Le commentaire est un exercice d’analyse et d’argu- ses références aux seuls textes donnés en appui du
mentation : il énonce des caractéristiques du texte sujet ; le commentaire ne peut être mené à bien en
et les prouve, par des références précises et des cita- se cantonnant à un discours impressionniste sur le
tions ; il suppose donc qu’avant de commencer à texte à commenter.
écrire, l’élève ait fait une lecture analytique appro- L’un et l’autre exigent des connaissances acquises
fondie du texte et que le commentaire prenne appui au long de l’année qui nourrissent l’exercice. En
sur les conclusions auxquelles celle-ci l’a conduit. Il effet, les épreuves portent sur les contenus du pro-
convient d’insister sur cette démarche, indispensa- gramme, non sur la virtuosité rédactionnelle ou la
ble pour tout commentaire. Mieux vaut donc conformité à une contrainte formelle. En revanche,
admettre que les deux temps de l’analyse préalable les textes proposés dans les sujets d’examen appel-
du texte, puis de l’exposé synthétique des conclu- lent un travail de compréhension qui alimente
sions de cette analyse avec preuves – reprises d’ana- ensuite la réflexion, et les candidats qui néglige-
lyses en détail – à l’appui soient clairement distincts raient d’en faire usage se mettraient eux-mêmes en
dans l’esprit des lycéens. difficulté.
Démarches et progressions 93
contextualisation, notion importante dans les nou- apportées en classe par l’enseignant ou consultées
veaux programmes, nourrit donc la perception du au CDI, prennent en séries technologiques une
discours tenu sur le monde et sur soi, les approches importance plus sensible encore. Des lectures d’ar-
formelles ne prenant sens que dans ce cadre. ticles d’encyclopédies, de revues spécialisées, d’ou-
vrages de vulgarisation, qui rassurent les élèves sur
leur capacité d’accéder aux savoirs, sont à encoura-
Histoire littéraire et culturelle : ger. L’initiation à la recherche documentaire, à la
quelle approche ? sélection et à la vérification des sources puis au trai-
tement des documents est primordiale, d’autant que
L’approche des mouvements littéraires et culturels l’introduction des nouvelles technologies (l’usage de
français et européens du XVIe au XVIIIe siècle, et l’Internet en particulier) rend encore plus prégnant
l’analyse méthodique de l’un d’entre eux, est essen- ce besoin : les élèves des séries technologiques sont
tielle pour assurer des références culturelles sou- amenés dans leurs spécialités à utiliser fréquemment
vent instables. Si cette analyse méthodique est ces moyens sans nécessairement adopter de réflexion
optionnelle dans le programme, cela implique que critique à leur égard. Les lectures littéraires cursives
les exercices d’examen ne sauraient porter sur ce sont facilitées par l’habitude de ces rapports aux tex-
domaine ; mais la construction de repères culturels, tes : s’il est souvent délicat de les exiger en début
commune à toutes les sections, est nécessaire ici d’année, elles constituent bien un but concret à
aussi. Afin de favoriser la construction de ces repè- atteindre dans la seconde partie de l’année : là, plus
res, il est possible et particulièrement fructueux de encore qu’ailleurs, les comparaisons argumentées
travailler en interdisciplinarité chaque fois que cela ont un rôle-clé.
est envisageable, en conformité avec les program-
mes des disciplines concernées, afin d’élargir la
perspective à l’histoire générale et à l’histoire des
Formation du jugement critique
sciences et des techniques, et de faire percevoir Plus que d’autres peut-être, les élèves des séries
ainsi que le littéraire et la culture participent de technologiques sont dépendants de représentations
l’évolution d’une société donnée, l’annoncent, la stéréotypées. Leurs préjugés relatifs à la conception
prolongent. de l’art font souvent obstacle à la réception des
On peut citer à titre d’exemple, lié à l’étude de démarches artistiques rencontrées au fil des lectures
l’illusion théâtrale, les relations apparues avec ou des analyses d’œuvres iconographiques. Il est
l’humanisme entre retour aux sources antiques, donc nécessaire de travailler ces représentations.
curiosité intellectuelle, et exploration des infinies Un des objets d’étude approprié pour mener cette
possibilités de l’optique dont témoigne le tableau tache est l’étude des spécificités du langage poéti-
d’Holbein Les Ambassadeurs, et sa représentation que. En effet, la poésie est le plus souvent associée
de l’anamorphose. De même, et dans la continuité par les élèves à un « beau langage » étranger à leur
du travail initié en seconde à propos de la singula- culture, aux formes fixes, aux sujets nobles. Les
rité des textes, l’analyse d’un mouvement littéraire démarches de lecture proposées devront donc
tel que le symbolisme, qui peut paraître d’un abord s’efforcer de les modifier à partir de l’émergence de
complexe, prendra sens dans une approche privilé- ces représentations, afin que chacun perçoive la
giant l’intertextualité : un groupement de textes et nature du travail littéraire opéré et réfléchisse à
d’images portant, par exemple, sur les réécritures l’acte créateur. L’analyse des liens entre forme et
d’un mythe tel que Salomé favorise la compréhen- signification dans le texte poétique (ce que permet la
sion de la notion de mouvement par les relations perspective dominante, centrée sur l’étude des gen-
entre écrivains et peintres, réassure des références res et des registres), prenant appui sur les exercices
culturelles (bibliques notamment) et éclaire, à tra- d’écriture d’invention pratiqués en seconde et, au
vers l’observation des effets de citations et d’écarts, besoin, leur reprise brève en première, renforce la
les choix effectués par les écrivains et les peintres. perception des variations, des emprunts (analyse qui
Dans une telle démarche, la lecture analytique est au cœur de la perspective « Intertextualité, pro-
prend tout son sens, car elle suppose une réelle mise duction et singularité des textes » qui a été abordée
en relation et interprétation de signes, et elle permet en seconde), et leur donne sens. Des œuvres telles
de répondre aux interrogations des élèves sur la que les Poèmes élastiques (B. Cendrars) ou des tex-
conscience des choix opérés par les artistes et la tes de Ponge, abordés en lecture puis associés à des
légitimité de leur analyse. propositions d’écriture, peuvent ainsi nourrir la
Comme l’étude des mouvements littéraires et cultu- réflexion sur les liens entre quotidien et langage,
rels requiert la consultation de documents qui pro- expériences sensorielles et transfiguration. Les poè-
longent l’analyse menée à travers l’œuvre intégrale mes de Cendrars permettent de comparer l’article de
ou le groupement de textes étudiés, les temps de presse dont le poète s’inspire et sa mise en texte, tan-
consultation de sources documentaires variées, dis que les variantes rédigées par Ponge sur l’œillet
Démarches et progressions 95
On ne saurait trop insister sur le manque de mots qu’un nombre non négligeable de ces élèves
« pour le dire », et sur l’importance de l’enrichisse- s’orientera en BTS et devra soutenir à l’oral un
ment lexical. À l’occasion par exemple d’une étude projet professionnel déterminant pour l’obtention
de 1984, lu en lecture cursive et faisant l’objet de l’examen. Dans tous les cas, les élèves se desti-
d’une analyse comparée avec Brazil (film de Terry nent à des classes dans lesquelles ils vont devoir
Gilliam), la dénonciation du totalitarisme par conduire des projets et auront à les présenter
l’apologue permettra l’étude du lexique de la vie devant un jury : aussi les activités orales menées
politique (noms des différents régimes, lexique de en cours à propos des études littéraires (choix
la liberté ou de sa privation…), savoir au demeu- d’extraits destinés à prolonger un groupement et
rant sollicité en EJCS. Plus généralement, on veil- justification, formulation de questions destinées
lera à poursuivre le travail initié en seconde sur le à un groupe ayant eu en charge une autre partie
maniement des dictionnaires, par exemple à l’occa- de recherche documentaire…) sont-elles autant
sion de l’étude d’un registre tel que le pathétique, d’occasions de développer des compétences trans-
pour le différencier du tragique grâce à l’observa- versales.
tion des adjectifs privilégiés. L’enjeu primordial demeure dans ces classes la per-
ception des relations unissant l’écrit et l’oral, car la
Expression écrite et orale confusion entre ces codes est source de nombreux
Des écrits diversifiés, liés aux différentes séquences, dysfonctionnements : les marques d’oralité sont
seront proposés sous forme d’exercices souvent légion à l’écrit, et à l’inverse, certains élèves ont
brefs, avec la nécessité de clarifier pour chaque une représentation de l’oral en milieu scolaire mar-
proposition les références culturelles requises, et de quée par la norme, et peinent à adopter une forme
proposer des aides à la rédaction graduées, depuis de communication adéquate. Il est donc essentiel de
des stocks d’arguments, des modèles rédactionnels mettre en place des interactions nombreuses entre
(aide à la dispositio…) jusqu’à des cadres syntaxi- ces codes pour faire percevoir leurs distinctions, tel-
ques ou des ensembles lexicaux. Les écrits seront les que les spécificités de leur syntaxe.
donc proposés sans exclusive, les élèves de l’ensei-
gnement technologique ayant comme tous le besoin
d’une formation à la pensée critique, à l’invention, à
la synthèse, au commentaire, mais ils seront accom-
La série littéraire
pagnés plus systématiquement d’activités spécifi-
ques d’enseignement de la langue.
Éléments d’analyse ; les objectifs
Il est nécessaire de concevoir dans ces sections un
apprentissage systématique de l’écriture, qui distin- de la série L
gue soigneusement le temps de l’invention, puis L’une des préoccupations majeures des nouveaux
celui de la mise en texte, pour ménager enfin des programmes est de redonner à la série littéraire une
temps de retour sur la production écrite et la modi- spécificité forte, sans laquelle son existence même
fier, à partir des indications de l’enseignant mais est menacée. Par rapport à la situation antérieure,
aussi dans l’interaction avec les propositions des les nouveaux programmes marquent une rupture :
autres élèves ou dans la simple maturation. – par leur contenu : le programme de première L
Les exercices de dissertation et d’écriture d’inven- comprend des objets d’étude spécifiques et met l’ac-
tion sont semblables à ceux des autres séries ; dans cent sur certaines perspectives d’étude ;
les exercices de commentaire, les élèves sont aidés – par la progression effective qu’ils instaurent entre
par des questions ou des suggestions d’orientation une première et une terminale où l’enseignement de
de leur observation du texte. Néanmoins, il est littérature (nouvelle appellation pour la série L)
salutaire en cours d’année de les mettre aussi, à titre passe de deux à quatre heures, mettant en place un
de formation, en situation de rédiger un commen- cursus complet, réservé à cette seule série.
taire moins guidé. Dotée de nouveaux horaires, la série L doit se doter
L’oral présente de sérieuses difficultés en séries de nouvelles ambitions et ouvrir au bachelier une
technologiques et suppose un véritable apprentis- diversité de choix que parfois il ignore. Bien sûr, le
sage. Nombre d’élèves peinent à identifier sociale- débouché premier est celui des études supérieures
ment les locuteurs, à repérer à travers les discours dans le domaine des lettres, des langues, des arts et
tenus les modalités de l’engagement, les modes de des sciences humaines. Mais il est bon de noter que
prise en charge, et échouent dans la construction nombre de ces élèves ne feront pas des études litté-
d’un discours adéquat, la participation à un dialo- raires au sens strict, et donc de garder à cette série
gue argumentatif efficace. La pratique de l’oral, une ouverture sur les données culturelles que la lit-
dans des classes qui regroupent des élèves ayant térature apporte.
souvent du langage une vision fragmentée, est un À noter aussi que nombre d’élèves de série L inté-
enjeu déterminant. Il ne faut pas oublier enfin ressés en priorité par les langues vivantes ou les arts
Démarches et progressions 97
la dimension historique des textes et elle en révèle La progression dans l’année
aussi la singularité.
Les réécritures envisagent le texte dans sa genèse et Elle s’inspire des mêmes principes et appelle les
dans son élaboration progressive. La comparaison mêmes exercices que dans les autres séries.
entre les variantes que propose un manuscrit met Cependant, l’horaire spécifique de la série L amène
en évidence les choix par lesquels s’élabore un style, à des modalités propres. Il offre un nombre d’heu-
amène à s’interroger sur leur justification. C’est res plus élevé. Il incite à organiser l’année en un
ainsi que se construit un style et l’élève le compren- plus grand nombre d’ensembles de travaux ou
dra d’autant mieux qu’il entrera par l’écriture séquences. Il est à souhaiter aussi que des temps de
d’invention dans un processus de création. On pri- bilan et de synthèse soient ménagés pour les ques-
vilégiera, en première L, les écritures de parodie et tions touchant à l’histoire littéraire, pour les
pastiche, les adaptations d’un genre, d’un registre, notions de style et d’originalité. Il invite aussi à
voire d’un langage à un autre (ainsi l’ekphrasis ou amener les élèves à un plus grand nombre de lectu-
la réécriture à partir d’un film). res cursives complémentaires.
Les commentaires qui suivent prolongent les rent : les trois premières entrées privilégient l’étude
Documents d’accompagnement publiés en 2001. des grands genres littéraires (le roman, le théâtre et
Partant du nouveau programme de la classe de pre- la poésie) ; l’entrée suivante, de nature transversale,
mière, tel qu’il a été défini par l’arrêté du 5 octobre invite à une réflexion sur la question de l’argumen-
20061, ils indiquent quelques pistes d’analyse sus- tation ; une dernière entrée, synthétique, conduit
ceptibles d’éclairer la mise en œuvre des différents à l’approfondissement des problèmes posés par
objets d’étude qui composent ce programme. l’histoire de la littérature. Deux objets d’étude spé-
L’accent a été mis sur la cohérence qui fonde la dis- cifiques, enfin, concernent les élèves de la série L :
tribution des savoirs entre la classe de seconde et la l’autobiographie et les réécritures.
classe de première, et sur la nécessité des relations
à établir entre ces deux niveaux d’enseignement. À travers tous ces objets d’étude, l’objectif majeur
Les exemples littéraires évoqués ici ont pour seule de l’enseignement doit demeurer la lecture d’œu-
fonction d’illustrer les analyses qui sont proposées. vres littéraires diversifiées, situées dans le cadre de
Ils ne suggèrent en aucune façon une liste de textes l’histoire littéraire et culturelle. Dans cette initia-
qui seraient prescrits, explicitement ou implicite- tion des élèves aux grandes œuvres de la littérature,
ment, à l’intérieur du cadre que définissent les on n’oubliera pas que la compréhension du sens
objets d’étude, les professeurs sont libres de choisir passe non seulement par l’analyse méthodique des
les œuvres littéraires qui leur sembleront convenir différents procédés qui peuvent être mis en évi-
le mieux à leur projet d’enseignement. dence, mais aussi par une relation personnelle au
Les cinq objets d’étude proposés à tous les élèves de texte dans laquelle l’émotion, le plaisir ou l’admira-
la classe de première2 offrent un ensemble cohé- tion éprouvés par le lecteur jouent un rôle essentiel.
Le roman 101
Le choix des siècles d’où sont tirées les œuvres rale, le lien aux autres arts sera établi dès lors que
abordées ne doit pas créer d’exclusive qui amène- s’imposera son pouvoir d’éclaircissement.
rait, par exemple, à ne plus s’intéresser au XIXe siè-
cle parce qu’il aurait déjà été abordé en seconde. Si
la classe de seconde privilégie la lecture de romans
des XIXe et XXe siècles, y compris d’œuvres immédia-
Transformations narratives
tement contemporaines, la classe de première ne et écriture d’invention
doit pas s’interdire pour autant le choix de ces
périodes. Mais on essaiera, dans la mesure du pos- Telle qu’elle est définie à l’intérieur des épreuves du
sible, d’élargir aux XVIIe et XVIIIe siècles la mise en baccalauréat, l’écriture d’invention est un exercice
perspective historique qui fonde la spécificité de qui part d’un texte support (ou d’un corpus com-
l’année de première : l’exemple du roman épisto- posé de quelques textes) pour en proposer la trans-
laire (Les Lettres persanes de Montesquieu, formation.
Les Liaisons dangereuses de Laclos) pourra être Elle peut privilégier une réflexion sur le contenu argu-
retenu dans cette perspective. mentatif du texte d’origine : l’invention consiste
alors à reprendre, à développer ou à contredire les
thèses exprimées, dans le cadre d’une lettre, d’un
Utilisation de documents dialogue, d’un monologue délibératif, ou d’un article
critique, par exemple.
complémentaires Mais elle peut aussi procéder à une réécriture du texte
d’origine, à partir d’une analyse de ses procédés
On n’hésitera pas à s’appuyer, chaque fois que de composition : dans ce cas, l’invention consiste,
nécessaire, sur des textes critiques produits par par exemple, à modifier le point de vue narratif
les romanciers eux-mêmes (préfaces, manifestes, (raconter une scène en adoptant une autre perspec-
commentaires…), en montrant quel statut pos- tive), à transformer la forme du discours (récrire une
sède le discours théorique à côté de l’œuvre litté- description sous la forme d’un dialogue), à changer
raire (synthèse rétrospective dans le cas de de genre littéraire (passer d’une scène de roman à un
l’« Avant-Propos » à La Comédie humaine, mani- dialogue théâtral), à jouer sur les registres (donner un
feste programmatique avec Le Roman expérimental, caractère épique ou fantastique à une description réa-
mise en abyme avec le « Journal » des Faux- liste), ou encore à amplifier ce qui demeurait implicite
Monnayeurs, etc.). (insérer une description ou un dialogue dans un récit,
On ne s’interdira pas davantage, dans la mesure où développer une ellipse narrative, poursuivre un
la notion de vision de l’homme et du monde touche texte).
à l’ensemble des représentations d’une époque, de On veillera donc à ne pas limiter l’écriture d’inven-
se référer aux productions picturales (le cas tion à sa seule dimension argumentative, et on
échéant, cinématographiques), proches ou contem- exploitera les possibilités de transformations narra-
poraines de l’œuvre retenue. D’une manière géné- tives que permet l’étude de textes romanesques.
La poésie 103
L
Perspectives
e théâtre
L’argumentation 105
U
Perspectives
n mouvement littéraire et culturel
L’autobiographie 109
de la question de l’individu, de la personne et de – fût-ce en plusieurs prises – le portrait physique,
leurs droits. social et moral de la personne… S’appuyant sur
ces éléments, l’analyse peut porter sur le rôle des
registres dans les textes littéraires autobiographi-
Autobiographie ques : suscitant l’admiration ou le rejet, donc
l’identification ou la mise à distance, ils peuvent
et argumentation induire le sentiment de sympathie – voire d’empa-
thie – dans le lyrisme, ou le sentiment de colère
Les rapports entre littérature et argumentation partagée dans la polémique. Ces perceptions, en
peuvent être abordés à travers la problématique de général sensibles dès la lecture cursive du texte,
l’autobiographie. Toute autobiographie comporte conduisent à l’observation des ressources stylis-
des points de passage obligés, dont l’absence même tiques mises en jeu. Elles permettent de saisir com-
devient significative : le récit des origines, l’enfance ment l’argumentation intervient, non seulement
et la formation intellectuelle, le moment où se dans les faits relatés et leur interprétation, mais
décide une orientation ou une vocation, les épreu- aussi dans l’art de persuader, en suscitant des émo-
ves affrontées, ainsi que le moment où est fait tions et des plaisirs chez le lecteur.
On s’appuiera sur ce qui a été fait précédemment. tions idéologiques et narratives qui accompagnent
Les objets d’étude de la classe de seconde (« Le tra- le développement des récits mythiques ; travail sur
vail de l’écriture », « Écrire, publier, lire ») les problèmes posés par l’adaptation d’une œuvre
invitaient à réfléchir sur les différents aspects de la littéraire (passage du roman au théâtre, ou du
création littéraire. Le programme de première roman au scénario de cinéma)…
reprend cet objectif dans une perspective plus large, La deuxième orientation invite à développer chez les
en mettant l’accent sur l’analyse d’un processus. élèves une « pratique » d’écriture. Il s’agit de mettre
Deux orientations sont indiquées : il s’agit non seu- en œuvre ce que le groupement de textes a pu sug-
lement d’« étudier » différentes formes de réécriture, gérer. Dans le cadre de l’entraînement à l’écriture
mais aussi de les faire « pratiquer » par les élèves. d’invention, on travaillera, par exemple, sur la mise
La première orientation propose une découverte en forme du discours argumentatif ou sur la trans-
des modalités de la réécriture à travers une série formation des textes narratifs. Mais on développera
d’exemples puisés dans l’histoire de la littérature. aussi, autant que possible, des exercices qui permet-
Pour construire le groupement de textes qu’il pro- tront aux élèves de prendre conscience des enjeux
posera à ses élèves, le professeur sera libre de suivre rhétoriques et stylistiques liés à la maîtrise de
la piste qui lui semblera la plus appropriée, à l’inté- l’expression écrite : élaboration d’un plan, résumé
rieur d’un domaine qui est très vaste : réflexion sur d’un texte, reformulation d’une argumentation, cor-
les jeux de l’intertextualité ou sur les mécanismes rection d’un brouillon, utilisation de citations dans
de la parodie et du pastiche ; étude des transforma- un commentaire littéraire, etc.
(*) À partir de l’objet d’étude « Le théâtre » (la poésie dramatique), l’objet d’étude « Un mouvement litté-
raire et culturel du XIXe ou du XXe siècle » (la poésie lyrique, la poésie épique), ou de l’objet d’étude « Le tra-
vail de l’écriture » (l’écriture du poème)…
(**) Rappel du programme de la classe de troisième, à partir de l’objet d’étude « Le récit », de l’objet
d’étude « Démontrer, convaincre et persuader » ou de l’objet d’étude « L’éloge et le blâme ».
La définition suivante de l’épreuve écrite de français rer l’autre partie de l’épreuve écrite, la partie prin-
est applicable à compter des épreuves anticipées de cipale consacrée à un travail d’écriture.
la session 2009 des examens des baccalauréats géné- Lorsque de telles questions sont proposées, le
ral et technologique, organisées en juin 2008. barème de notation est explicitement indiqué, le
Les épreuves anticipées de français vérifient les nombre de points attribué aux questions n’excède
compétences acquises en français tout au long de la pas 4 points dans les sujets des séries générales et
scolarité et portent sur les contenus du programme 6 points dans les sujets des séries technologiques.
de la classe de première. Elles évaluent les compé- Qu’il soit ou non accompagné de questions, le sujet
tences et connaissances suivantes : offre le choix entre trois types de travaux d’écri-
– maîtrise de la langue et de l’expression ; ture, liés à la totalité ou à une partie des textes étu-
– aptitude à lire, à analyser et à interpréter des diés : un commentaire ou une dissertation ou une
textes ; écriture d’invention. Cette production écrite est
– aptitude à tisser des liens entre différents textes notée au minimum sur 16 points pour les sujets des
pour dégager une problématique ; séries générales et sur 14 points pour les sujets des
– aptitude à mobiliser une culture littéraire fondée séries technologiques quand elle est précédée de
sur les travaux conduits en cours de français, sur questions, sur vingt dans toutes les séries quand il
des lectures et une expérience personnelles ; n’y a pas de questions.
– aptitude à construire un jugement argumenté et Le commentaire porte sur un texte littéraire. Il peut
à prendre en compte d’autres points de vue que le être également proposé de comparer deux textes.
sien ; En séries générales, le candidat compose un devoir
– exercice raisonné de la faculté d’invention. qui présente de manière organisée ce qu’il a retenu
de sa lecture, et justifie son interprétation et ses
Épreuve écrite : jugements personnels. En séries technologiques, le
– durée : 4 heures ; sujet est formulé de manière à guider le candidat
– coefficients : dans son travail.
• 3 en série L,
• 2 en séries ES et S, La dissertation consiste à conduire une réflexion
• 2 en séries STG, SMS, STL, STI, hôtellerie, tech- personnelle et argumentée à partir d’une probléma-
niques de la musique et de la danse. tique littéraire issue du programme de français.
Pour développer son argumentation, le candidat
Les sujets prennent appui sur un ensemble de s’appuie sur les textes dont il dispose, sur les
textes (corpus), comprenant éventuellement un « objets d’étude » de la classe de première, ainsi
document iconographique contribuant à la que sur ses lectures et sa culture personnelle.
compréhension ou enrichissant la signification de L’écriture d’invention contribue, elle aussi, à tester
l’ensemble. Ce corpus peut également consister en l’aptitude à lire et comprendre un texte, à en saisir
une œuvre intégrale brève ou un extrait long les enjeux, à percevoir les caractères singuliers de
(n’excédant pas trois pages). Il doit s’inscrire dans son écriture. Elle permet au candidat de mettre en
le cadre d’un ou de plusieurs objets d’étude du œuvre d’autres formes d’écriture que celle de la dis-
programme de première, imposés dans la série du sertation ou du commentaire. Il doit écrire un texte,
candidat, et ne doit pas réclamer un temps de lec- en liaison avec celui ou ceux du corpus, et en fonc-
ture trop long. tion d’un certain nombre de consignes rendues
Une ou deux questions portant sur le corpus explicites par le libellé du sujet.
et appelant des réponses rédigées peuvent être L’exercice se fonde, comme les deux autres, sur une
proposées aux candidats. Elles font appel à leurs lecture intelligente et sensible du corpus, et exige du
compétences de lecture et les invitent à établir des candidat qu’il se soit approprié la spécificité des
relations entre les différents documents et à en pro- textes dont il dispose (langue, style, pensée), afin
poser des interprétations. Ces questions peuvent d’être capable de les reproduire, de les prolonger,
être conçues de façon à aider les candidats à élabo- de s’en démarquer ou de les critiquer.