Vous êtes sur la page 1sur 21

L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE

FRANCE HENRI

T211

S OMMAIRE
S OMMAIRE

➊ DU DESIGN À L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE ➎ LA PHASE DE RÉALISATION DU MATÉRIEL


1.1 La poussée des technologies
1.2 La montée d’un nouveau paradigme ➏ LA PHASE DE VALIDATION
1.3 Le design comme science 6.1 La mise à l’essai
6.1.1 L’axe de modélisation des connaissances
➋ LES PHASES DE L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 6.1.2 L’axe de conception pédagogique
6.1.3 L’axe de conception médiatique
➌ LA PHASE D’ANALYSE ET DE CONCEPTION PRÉLIMINAIRES 6.2 La validation
3.1 L’axe de planification
3.2 L’axe de modélisation des connaissances ➐ LA PHASE DE MISE EN PLACE ET DE DIFFUSION
3.2.1 La méthode MOT
3.3 L’axe de conception pédagogique ➑ LA PHASE DE GESTION ET D’EXPLOITATION
3.4 L’axe de conception médiatique
➒ CONCLUSION
➍ LA PHASE DE CONCEPTION
4.1 La conception de l’architecture
4.1.1 L’axe de modélisation des connaissances
RÉFÉRENCES
4.1.2 L’axe de conception pédagogique
4.1.3 L’axe de conception médiatique
4.1.4 L’axe de planification
4.2 La conception du matériel pédagogique
4.2.1 L’axe de modélisation des connaissances
4.2.2 L’axe de conception pédagogique
4.2.3 L’axe de conception médiatique
4.2.4 L’axe de planification

© Télé-université et École de technologie supérieure 1997


L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 1

1. DU DESIGN PÉDAGOGIQUE À L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE


L’ingénierie pédagogique désigne l’ensemble des processus mis en œuvre pour produire de
façon systémique et planifiée un produit ou un environnement d’apprentissage. Ces processus
vont de l’analyse initiale des besoins jusqu’à la livraison, l’entretien et la révision continue du
produit fini. Dans le domaine des sciences de l’éducation, on utilise aussi le terme design
lorsqu’il s’agit de concevoir et de développer des produits ou des environnements
d’apprentissage. Il n’existe pas d’unanimité chez les auteurs œuvrant dans le domaine quant
au sens spécifique à donner aux termes ingénierie pédagogique et design pédagogique.
Dans une perspective historique, la notion de design pédagogique est apparue avant celle
d’ingénierie pédagogique. Le design pédagogique comme champ disciplinaire s’est développé
durant les beaux jours du behaviorisme. Le modèle du design était alors centré sur l’analyse
minutieuse du problème de formation et la démarche de développement était plutôt linéaire.

Objectifs
Besoins Contenu

Évaluation Statégie pédagogique


Développement du matériel

L’évolution vers l’expression ® ingénierie pédagogique ¯ marque un changement d’époque


caractérisé par le développement des technologies de l’information et par l’émergence d’un
nouveau paradigme en matière de théories d’apprentissage.

1.1 LA POUSSÉE DES TECHNOLOGIES


Basque (1997) explique que l’évolution des modèles de design pédagogique est attribuable
notamment aux développements technologiques. En effet, les plus récentes technologies de
l’information et de communication telles que le multimédia, l’hypertexte, l’hypermédia et les
services télématiques ont ouvert de nouvelles possibilités en ce qui a trait à la conception
pédagogique de produits éducatifs. Ceux-ci peuvent maintenant être développés en vue de les
intégrer dans des environnements d’apprentissage informatisés où s’organisent un ensemble
d’éléments en interaction : des personnes, des machines ou ordinateurs, des logiciels et
d’autres techniques qui créent des conditions susceptibles de favoriser l’apprentissage. Dans
ce contexte, de nouvelles pratiques de design pédagogique s’imposent puisque les modèles
classiques ne permettent pas de tirer profit de la nature interactive et du potentiel médiatique
des technologies (Trollip, 1996). Ils ne permettent pas non plus de prendre en compte la
complexité des environnements d’apprentissage qui font intervenir l’apprenant, le formateur et
les technologies.
Avant l’ère actuelle, la lourdeur des technologies et leur coût ne permettaient pas de fabriquer
rapidement des prototypes. Pour des raisons économiques et pratiques, la réalisation
proprement dite ne débutait que lorsqu’on avait analysé le problème dans ses moindres détails
et que l’on croyait avoir identifié la meilleure solution. Le développement des technologies, qui
rend facile l’approche par prototypage, a donc influencé le design classique en le faisant
évoluer vers des modèles d’ingénierie axés sur le développement de la solution du problème
d’apprentissage plutôt que sur l’analyse détaillée du problème. Désormais, on peut très
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 2

rapidement mettre au point un prototype (la solution) et le tester pour savoir si l’on s’oriente
dans la bonne direction. Les modèles adoptent donc aujourd’hui une démarche de
développement plus itérative que linéaire.
Cette évolution des modèles de design présume désormais d’un travail d’ingénierie qui colle
mieux à la nouvelle réalité des technologies informatiques. Les modèles prennent en compte le
fait que les rôles des membres des équipes de conception de systèmes d’apprentissage
informatisés ont dû être redéfinis. En effet, on fait aujourd’hui appel à des personnes ayant des
spécialités diversifiées : interactivité, rédaction, graphisme, programmation, évaluation, etc.).
Ce nouveau contexte nécessite une gestion de projet et un travail d’équipe plus complexes que
ne le demandaient les modèles classiques de design.

1.2 LA MONTÉE D’UN NOUVEAU PARADIGME


La montée des paradigmes cognitiviste et constructiviste en psychologie et en éducation a
conduit à une redéfinition du processus d’apprentissage et d’enseignement. Plutôt que de
présenter des stimuli et d’évaluer uniquement des réponses comme le veut l’approche
behavioriste, les scénarios d’apprentissage issus du cognitivisme et du constructivisme veulent
activer les processus mentaux et les habiletés métacognitives des apprenants. Ils tentent de
les amener à découvrir de quelle manière ils apprennent afin qu’ils puissent, par la suite, mieux
gérer et contrôler leur apprentissage. Sous l’influence de ces nouveaux paradigmes, les
modèles de design pédagogique se sont graduellement transformés en mettant l’accent sur :
• la modélisation des connaissances, c’est-à-dire l’analyse détaillée des connaissances à
acquérir afin d’en identifier le type et d’établir des liens entre elles;
• la prise en compte des connaissances antérieures de l’apprenant;
• une vision des médias qui définit ces derniers comme des outils plutôt que comme des
présentateurs de contenu;
• un plus grand contrôle de l’apprenant sur son apprentissage.
En voulant refléter la complexité du processus d’apprentissage, les modèles de design
pédagogiques sont devenus plus complets et donc plus complexes aussi.

1.3 LE DESIGN COMME SCIENCE


Les sciences du design proposent une autre façon de comprendre la distinction entre design et
ingénierie. Van Patten (1989) énonce que le design pédagogique fait partie de la famille des
sciences du design qui comprend notamment le design architectural, le design industriel et les
autres disciplines de l’ingénierie. Toutes ces sciences ont un processus commun et un produit
commun.
Quel est le processus commun? Il en est un d’ingénierie (d’où l’expression ® ingénierie
pédagogique ¯) et comporte trois composantes principales :
• l’identification du problème,
• l’élaboration d’une solution (design),
• l’implantation de la solution.
À travers ce processus commun, tous les designers utilisent trois types de connaissances et
d’informations :
• ce qu’ils connaissent (théories, principes, faits),
• ce qu’ils observent (le problème visé),
• ce qu’ils sentent (leur intuition, acquise avec l’expérience).
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 3

Quel est le produit commun? Tous les designers produisent des solutions à des problèmes ou
à des besoins. En fait, ils créent une série de produits tout au long du processus de design,
chacun étant évalué au fur et à mesure. Trois d’entre eux sont fondamentaux :
• le rapport d’analyse, qui identifie le besoin,
• le plan (design) de la solution, qui comporte des spécifications de design,
• la solution développée.
Ces précisions de Van Patten permettent de comprendre que, de plus en plus, le terme
« ingénierie pédagogique » ou « ingénierie didactique » est utilisé pour désigner l’ensemble
des processus de conception et de développement d’un produit ou d’un environnement
d’apprentissage, alors que le terme « design » tend à désigner une des étapes de ce
processus. Notons toutefois que les auteurs ne s’entendent pas tous à ce sujet; il est bon de
vérifier quel sens l’auteur accorde à ces termes lorsqu’on lit sur le sujet.
Traditionnellement, l’ingénierie est un champ de travail où la connaissance scientifique est
appliquée aux problèmes industriels (par exemple, la construction de ponts). L’ingénierie
pédagogique se rapproche du modèle axé vers la solution que proposent les sciences du
design. Comment? Par la méthode qu’elle emploie et par l’application des connaissances
scientifiques qui sont issues des sciences cognitives et des différentes théories de
l’apprentissage et de l’enseignement.

2. LES PHASES DE L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE


Dans le contexte de la production d’un multimédia, l’ingénierie pédagogique s’applique à
l’étude intégrale d’un projet. Elle englobe toutes les phases et les activités de développement
du produit :
• l’analyse préliminaire (analyse des besoins, analyse de la clientèle)
• la conception, soit le design pédagogique (élaboration d’une solution) :
− de l’architecture (déploiement des connaissances, définition des scénarios
pédagogiques, infrastructure médiatique et technologique)
− du matériel pédagogique (outils, instruments, guides, activités)
• la réalisation du matériel (développement, médiatisation, mise en forme)
• la validation (mise à l’essai de la version préliminaire, prise en compte des réactions des
usagers et réajustement)
• la mise en place et la diffusion (livraison)
• la gestion et l’exploitation (évaluation, entretien, évolution).
Ces phases s’inspirent en bonne partie d’une méthode d’ingénierie des systèmes
d’apprentissage développée au Centre de recherche LICEF1 de la Télé-université dans une
volonté de renouveler le processus de design pédagogique en tenant compte de l’évolution
évoquée plus haut (technologies, paradigme cognitiviste, etc.). Cette méthode s’appelle MISA,
pour Méthode d’ingénierie d’un système d’apprentissage (Paquette, Crevier, Aubin, 1997). La
méthode est générique, c’est-à-dire qu’elle peut s’adapter à différents supports de matériel
pédagogique, à différents outils et à différentes infrastructures technologiques. MISA intègre
certaines des pratiques toujours utiles des modèles plus classiques.

1. LICEF signifie Laboratoire en informatique cognitive et environnements de formation; c’est le centre de recherche de la Télé-
université.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 4

Ainsi, elle comporte des « phases » bien identifiées, mais chacune d’elle se développe selon
quatre axes interreliés, soit :
• l’axe de modélisation des connaissances,
• l’axe de conception pédagogique,
• l’axe de conception médiatique,
• l’axe de planification.
La figure 1 présente le squelette de la méthode MISA.

AXES PHASES
Analyse Conception Validation Mise en place Gestion et
préliminaire et diffusion exploitation

Architecture Matériel
Modélisation
des connaissances
Conception
pédagogique
Conception
médiatique

Planification

FIGURE 1
Phases et axes de la méthode MISA.

Cette façon de faire permet de briser la stricte linéarité des modèles systématiques et de
concevoir de manière parallèle le modèle de connaissances, le modèle pédagogique et le
modèle médiatique d’un système d’apprentissage. Dans les pages qui suivent, nous décrirons
chacune de ces phases en mentionnant quelques-unes des tâches relatives aux quatre axes
identifiés. La description qui suit constitue un abrégé de la méthode. On notera que la
description des grandes phases emprunte également quelquefois à Lebrun et Berthelot (1994)
ainsi qu’à un cours de la Télé-université, INF 9003 Initiation à la formation-conseil en milieu de
travail, (Paquette, 1993).

3. LA PHASE D’ANALYSE ET DE CONCEPTION PRÉLIMINAIRES


Cette phase marque le début de la mise sur pied du projet pédagogique. D’abord et avant tout,
on cernera le problème ou le besoin de formation, on identifiera les objets d’apprentissage et
on définira globalement et de façon préliminaire les approches pédagogique et médiatique.

3.1 L’AXE DE PLANIFICATION


Pour analyser de façon préliminaire le problème, on doit faire la collecte d’informations
pertinentes sur le but de la formation, le type de clientèle cible et la nature des contraintes.
Cela fait référence, dans le contexte de MISA, à l’axe de planification.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 5

Pour préciser le but, on décrit d’abord la situation à laquelle on veut arriver grâce au projet de
formation. Pour ce faire, on recueille les informations suivantes :
• liste de compétences à communiquer, en prenant en compte les divers publics;
• priorités de formation (court, moyen, long terme);
• durée anticipée de l’apprentissage;
• ampleur anticipée de l’environnement d’apprentissage à développer;
• durée de vie de l’environnement d’apprentissage;
• date de livraison de l’environnement;
• attentes face au projet.
On rassemble ensuite des informations sur le contexte dans lequel s’inscrira le nouveau produit
ou système d’apprentissage. Ces informations portent notamment sur la clientèle cible, afin de
déterminer à qui précisément la formation est destinée. On dépeint alors un portrait quantitatif
et qualitatif des caractéristiques de cette clientèle, en précisant, par exemple :
• le profil du groupe de personnes touchées par le problème de formation,
• leur âge et leur degré de scolarité,
• leur familiarité avec le sujet de formation,
• leur degré de motivation, d’autonomie et autres particularités.
L’identification des contraintes susceptibles d’empêcher de bien répondre aux attentes face au
projet permettra de guider le choix des principes pédagogiques et l’élaboration de solutions
médiatiques. Les contraintes financières et temporelles sont les plus fondamentales. Les
ressources disponibles sur le plan humain, matériel et techniques sont aussi des contraintes
incontournables. Par exemple, sur le plan technologique, l’exigence de recourir à une nouvelle
technologie non testée peut avoir des incidences sur le délai de livraison.
La planification préliminaire inclut enfin une analyse des impacts et des coûts-bénéfices ainsi
que l’élaboration d’un plan de livraison.

3.2 L’AXE DE MODÉLISATION DES CONNAISSANCES


La phase d’analyse et de conception préliminaires se poursuit selon l’axe de modélisation des
connaissances. C’est l’étape où l’on développe le modèle des connaissances qui feront l’objet
d’apprentissage. On dresse notamment un inventaire de ces connaissances. On peut le faire
en utilisant comme point de départ du matériel pédagogique existant (manuels, fiches, vidéo,
didacticiels) qui servent déjà à la formation. Ce travail permet d’évaluer le type de
connaissances visées ainsi que leur ampleur et leur complexité.
Pour modéliser les connaissances, la méthode MISA utilise une technique appelée MOT, pour
Modélisation par objets typés. Un logiciel permettant d’appliquer cette technique a été
développée au Centre de recherche LICEF (Bleicher, 1997; Léonard et Lalonde, 1997).
Décrivons brièvement cette technique.

3.2.1 La méthode MOT


La technique MOT montre les différents types de connaissances sous forme de schémas
(graphes). Ces schémas représentent plusieurs types de connaissances: faits, concepts,
procédures, principes. Dans le schéma graphique, le concept est un rectangle, la procédure,
un ovale, le principe, un hexagone, etc. Voici quelques exemples de ces types de
connaissances :
• Le concept, c’est le « quoi » ( un médecin, les pâtisseries, la radio).
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 6

• La procédure, c’est le « comment » (donner un cours, exécuter une recette de gâteau,


additionner).
• Le principe, c’est le « pourquoi » ou le « quand » (le four doit toujours être préchauffé, le
champagne doit être servi très frais).
• Les faits, c’est, par exemple, le pont Jacques-Cartier ou le sirop d’érable de la Beauce.
De plus, le modèle MOT contient divers types de relations ou de liens entre les connaissances.
Par exemple, un lien C de composition (la « voiture » se compose d’une « carrosserie »), un
lien S de spécialisation (« Chevrolet » est une sorte de « voiture ») et ainsi de suite. Il n’est pas
indispensable de comprendre en détail cette technique. Il suffit de savoir qu’elle permet de
décomposer le contenu d’un cours de formation en niveaux puis en sous-niveaux (par
exemple, un cours en gestion pourrait décomposer les connaissances comme suit: philosophie,
approche théorique de l’organisation, conception de la gestion, style du gestionnaire, etc.).
Cela permet d’obtenir une vue d’ensemble cohérente de l’organisation des principales
connaissances et de leurs liens. Cette représentation des connaissances aide ensuite à
réaliser le devis d’un système d’apprentissage, de formuler les objectifs, de déterminer les
approches pédagogiques et les instruments d’apprentissage les plus adéquats pour les types
de connaissances visés.
La figure 2 est un exemple de modèle de connaissances développé avec la méthode MOT et
réalisé avec son logiciel.

3.3 L’AXE DE CONCEPTION PÉDAGOGIQUE


Dans cette phase préliminaire, l’axe de conception pédagogique sert à :
• préciser l’approche pédagogique générale (constructivisme, cognitivisme, béhaviorisme) et
les stratégies pédagogiques (exemple : simulation, jeu, projet, exposé, etc.) les plus
adéquates;
• esquisser la fréquence et la nature des évaluations;
• préciser le mode de formation (autoformation, formation à distance, formation en présence);
• identifier la démarche d’apprentissage privilégiée (libre, semi-dirigée ou fortement dirigée).

3.4 L’AXE DE CONCEPTION MÉDIATIQUE


L’axe de conception médiatique sert à définir une stratégie médiatique pour la diffusion qui
précise :
• le mode d’accès au système d’apprentissage (réseau télématique, téléphonique, poste);
• les médias utilisés et la facture du matériel (vidéo, imprimé, multimédia, plurimédia);
• les supports (cédérom, site web, etc.);
• certaines caractéristiques techniques (capacité, nombre d’utilisateurs, densité des
informations).
On définit ensuite les préalables quant aux réseaux et la liste des outils nécessaires
(ordinateur, modem, lecteur CD, magnétoscope) pour le développement du système, puis on
estime les coûts et le nombre de jours et de personnes nécessaire à leur conception et leur
réalisation. Le tableau 1 présente la synthèse de la phase d’analyse préliminaire.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 7

Formation et compétitivité
• (Modèle de connaissances AP C4 Analyser
du domaine)

C C
C C C

D-1 D-2 D-3 D-4 D-6


• Contexte et défis • Analyse théorique Démarches d'analyse des Systèmes de développement Réponses mises de
de formation de la fomation • systèmes de développement des ressources humaines l'avant aux problèmes
des ressources humaines et de formation • de formation
et de formation professionnelle et
d'apprentissage
AP AP
AP AP
AP
C2 Expliquer C2 Expliquer C3 Appliquer R C C C
C4 Analyser C3 Comparer

D-5
Des relations spécifiques
• entre les systèmes
d'éducation, de formation
et de production affectant D-4.1 D-4.2 D-4.3
chacun de ces systèmes • Système éducatif • Systèmes de formation • Systèmes d'emploi
(système productif)

AP AP AP AP

C3 Analyser C4 Identifier C4 Identifier C4 Identifier

D-3
Démarches d'analyse des
• systèmes de développement
des ressources humaines AP C3 Appliquer
et de formation

S
D-3.1.1
D-3.1
C1 Identifier AP Analyse de Marc I Analyse sociétale AP C3 Appliquer
Maurice

R D-3.1.3
• Contexte historique
du système de
formation
D-3.1.2
Interrelation entre l'espace
éducatif de formation, l'espace
C3 Relier AP
organisationnel et l'espace des
relations industrielles AP

C2 Établir

FIGURE 2
2
EXEMPLE D’UN MODÈLE DE CONNAISSANCES MOT .

2. Modèle développé pour le cours Formation et compétitivité de la Télé-université.


L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 8

T ABLEAU 1
Synthèse de la phase d’analyse préliminaire

Analyse préliminaire

Axe de planification Contextuel actuel (incluant la clientèle cible)


Situation désirée
Contraintes
Analyse globale (impacts, coûts-bénéfice, plan de livraison)
Axe de modélisation des Schéma des connaissances par types (MOT)
connaissances • concept
• procédure
• principe
• faits
Axe de conception Choix de l’approche pédagogique
pédagogique • constructivisme
• cognitivisme
• béhaviorisme
Choix des stratégies pédagogiques
• projet
• simulation
• étude de cas
• résolution de problème
• etc.
Démarche d’apprentissage
• libre
• dirigée
Nature des évaluations
Mode de livraison
• autoformation
• formation à distance
• formation en présence
Axe de conception médiatique Stratégie médiatique de diffusion et d’accès au matériel
Médias et facture du matériel
• vidéo
• imprimé
• logiciel
• etc.
Support du matériel
• cédérom
• site web
• disquettes
• etc.
Infrastructure technologique
Coûts de conception et de réalisation

4. LA PHASE DE CONCEPTION
Dans un design pédagogique traditionnel, la phase de conception consiste à définir de manière
précise le contenu et les objectifs d’apprentissage, la stratégie pédagogique et les activités
d’apprentissage, les médias et les documents de formation ainsi que les modes et les outils
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 9

d’évaluation (Paquette, Bourdeau, 1993). La méthode MISA reprend sensiblement les mêmes
éléments. Bien qu’elle s’applique à n’importe quel système d’apprentissage, elle distingue la
conception de l’architecture de la conception du matériel pédagogique, ce qui s’avère très
pertinent pour un produit multimédia.

4.1 LA CONCEPTION DE L’ARCHITECTURE


L’architecture pose les assises du système d’apprentissage. Dans toute construction, il faut
d’abord ériger la structure et la charpente de l’édifice avant de penser aux autres détails. Le
même principe s’applique en ingénierie pédagogique; on élabore la structure pour ensuite
penser aux détails du contenu.

4.1.1 L’axe de modélisation des connaissances


L’axe de modélisation des connaissances permet de déployer, par niveaux, les connaissances
identifiées dans le graphe ébauché à la phase I. On décompose certaines connaissances en
sous-connaissances ou on y associe d’autres connaissances plus précises.
On peut aussi associer des habiletés à des connaissances principales. Une habileté, dans la
méthode MISA, correspond assez bien à la notion d’objectif d’apprentissage. Ainsi, une
habileté peu exigeante sera liée à l’acquisition de faits, de concepts ou de procédures simples;
elle pourra, par exemple, être associée à un scénario d’apprentissage déductif. Par contre,
pour une habileté plus exigeante comme l’analyse ou la synthèse, on trouvera, dans le modèle,
des connaissances de type « principe » surtout; cette habileté pourra ensuite être associée à
un scénario d’apprentissage constructiviste.

4.1.2 L’axe de conception pédagogique


L’axe de conception pédagogique sert à formuler précisément les stratégies pédagogique qui
régiront les unités d’apprentissage (modules, leçons, chapitres, etc.). Lebrun et
Berthelot (1994) définissent la stratégie pédagogique comme un ensemble d’événements qui
doit susciter l’apprentissage visé chez l’apprenant. La stratégie doit répondre à des questions
du type : ® De quelle façon attirer l’attention et l’intérêt chez l’apprenant? Comment le contenu
sera-t-il présenté? ¯ Chez les théoriciens du domaine, les principes les plus souvent
mentionnés sont :
• une organisation structurée et une microgradation du contenu (tous ne sont pas d’accord
avec ce principe),
• un renforcement de la motivation de l’apprenant,
• une participation active de l’apprenant,
• une formation pratique et une rétroaction fréquente,
• le respect du rythme d’apprentissage de l’apprenant.
L’application de ces principes devrait transparaître, dans la mesure du possible, à travers
l’architecture de l’environnement d’apprentissage.
Certaines stratégies pédagogiques se prêtent mieux que d’autres à certains types
d’apprentissage. « Par exemple, l’utilisation de l’exposé seulement ne suffit pas pour le
développement d’habiletés motrices; la démonstration et l’exercice répété devront être utilisés.
De la même façon, les simulations, les jeux de rôle, les discussions de groupe s’avéreront plus
appropriés dans le cas de développement ou de modification d’attitudes » (Lebrun, Berthelot,
1994, p. 143).
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 10

On définit par la suite les scénarios pédagogiques en fonction des principes évoqués plus haut
et du type d’apprentissage. MISA identifie deux types de scénarios : le scénario
d’apprentissage (celui de l’apprenant) et le scénario de formation (celui du formateur). Le
premier décrit ce que fera l’apprenant, les activités qu’il aura à mener, les étapes au cours
desquelles l’apprentissage se réalisera. Le second concerne les activités du formateur, les
interventions qu’il sera appelé à faire auprès de l’apprenant. Les scénarios déterminent les
activités de l’apprenant et du formateur et permettent de faire la description du matériel et des
services (communication, consultation, traitement de données, etc.) requis pour faire ces
activités. Il faudra déterminer comment cet ensemble pourra fonctionner dans l’environnement.

4.1.3 L’axe de conception médiatique


L’axe de conception médiatique sert à élaborer le devis des guides pédagogiques (en tenant
compte des scénarios d’apprentissage et de formation), à définir les services et à décrire les
outils matériels et logiciels qui seront disponibles dans le système.
Le devis d’un guide (guide d’apprentissage ou guide de formation) consiste, par exemple, à
déterminer des éléments médiatiques (forme de la page titre et des paragraphes, graphiques,
son, images dynamiques, etc.) puis à évaluer la taille de ces éléments (nombre de minutes,
mégaoctets).
La conception médiatique des services, quant à elle, vise :
• à décrire à quelles activités ou à quelles tâches le service est relié et comment il sera utilisé
(exemple : encadrement par messagerie, travail collaboratif par téléconférence);
• à définir le mode de transmission (modem, ATM, câblodistribution);
• à spécifier les logiciels requis pour la communication et le transfert de fichier et à déterminer
le type de communication (synchrone, asynchrone).
La description des outils matériels et logiciels implique d’en faire la liste, d’en identifier le
nombre ainsi que leurs spécifications techniques.

4.1.4 L’axe de planification


Enfin, l’axe de planification de la phase de conception de l’architecture sert à ébaucher le plan
de mise en place de l’infrastructure technologique afin de préparer les éléments requis pour les
mises à l’essai et la diffusion. On élaborera alors un calendrier d’implantation pour les dates de
livraison.

4.2 LA CONCEPTION DU MATÉRIEL PÉDAGOGIQUE


Il s’agit de développer de façon détaillée le contenu du matériel pédagogique en vue de sa
réalisation.

4.2.1 L’axe de modélisation des connaissances


L’axe de modélisation des connaissances sert à identifier précisément les connaissances et les
habiletés liées à chaque instrument (au sens large, un instrument peut être un manuel, un
guide, un gabarit, une fiche citation, une fiche résumé, une fiche logistique, une grille de
comparaison, un journal de bord électronique, etc.). On indiquera si l’instrument est utilisé dans
plus d’une unité d’apprentissage et on spécifiera, pour chaque instrument, les types de
connaissances dont il est question (concept, principe, procédure, fait).
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 11

4.2.2 L’axe de conception pédagogique


L’axe de conception pédagogique sert à la rédaction des activités elles-mêmes et de leurs
consignes; on décrira précisément les productions qu’on attend de l’apprenant, les étapes et
les conditions de réalisation de ces productions ainsi que la forme qu’elles prendront : travail
écrit, individuel ou en équipe, complétion de gabarit, fiches à compléter, résumé d’échanges
pertinents réalisés dans les services, etc.
On fera le plan de chaque instrument et on en décrira la fonction pédagogique conformément à
ce qui est prévu dans les scénarios d’apprentissage et de formation. Par exemple, la fiche
résumé est utilisée pour reformuler des propos d’un auteur dans les mots de l’apprenant et le
journal de bord est destiné à la formulation de notes personnelles : pensées, réflexions,
réactions. Des instruments de différentes natures peuvent donc composer le matériel
pédagogique, par exemple, des descriptions de cas, des vidéos, des bases de données
documentaires, des outils de calculs, du matériel de jeu, des tests ou questionnaires, etc.

4.2.3 L’axe de conception médiatique


L’axe de conception médiatique sert à regrouper certains instruments au besoin (par exemple,
regroupements de tous les gabarits, de toutes les fiches, etc. qui s’appelleront désormais
« matériel pédagogique »).Cet axe sert également à rédiger les consignes d’utilisation de
chacun de ces regroupements et à déterminer leur type de support médiatique (exemple : son,
texte et images dynamiques pour le guide et le gabarit, texte et image statique pour le journal
de bord, etc.).
On rédigera aussi les consignes de réalisation des instruments en indiquant sous quelle forme
chaque partie du contenu (déterminées dans l’axe de conception pédagogique) sera
médiatisée (texte, graphique, animation, son, etc.) et quelle sera leur taille (mégaoctets). On
précisera pour chaque instrument informatisé les paramètres de l’interactivité puis le gabarit et
la page-écran associée à l’élément médiatique de l’instrument. Enfin, on décrira comment,
dans l’environnement informatisé, on pourra récupérer ce matériel pédagogique et y accéder,
notamment en rapport avec l’interface.
Dans le contexte spécifique d’un produit ou d’un environnement multimédia, on développe ici le
scénario-maquette (storyboard) dès que la conception pédagogique du matériel pédagogique
est terminée. Le scénario-maquette, c’est la documentation fine et détaillée nécessaire à la
réalisation d’un multimédia interactif. Il contient des indications pour la programmation, de
même que le scénario sonore et une description détaillée de l’ensemble des éléments visuels
du produit : texte, images statiques et dynamiques, son. Le scénario-maquette tient compte
aussi des possibilités d’interactivité offertes à l’apprenant ainsi que du degré de contrôle que ce
dernier aura dans son environnement. Enfin, le scénario-maquette indique les lieux et les
modes de rétroaction qui sont présentés à l’apprenant dans l’ensemble des activités
pédagogiques.

4.2.4 L’axe de planification


L’axe de planification de la phase de conception du matériel pédagogique permet d’élaborer un
calendrier afin de préparer la réalisation des guides et des instruments et leur intégration dans
l’environnement multimédia. Un plan des essais et des tests du produit (incluant le
développement des instruments de collecte de données) sera également réalisé à ce moment.
Le tableau 2 présente une synthèse de la phase de conception.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 12

T ABLEAU 2
Synthèse de la phase de conception

Conception

Conception de l’architecture Conception du matériel


pédagogique

Axe de planification Préparation d’un plan de mise à Préparation d’un calendrier de


l’essai réalisation
Préparation d’un calendrier
d’implantation

Axe de modélisation des Déploiement des connaissances et Identification des instruments qui
connaissances des habiletés par niveaux et sous- composent l’ensemble du matériel
niveaux et qui véhiculeront chaque
connaissance et habileté
• manuels
• guides
• fiches
• grilles
• fiches résumé
• vidéos
• bases de données documentaires
• outils de calculs
• matériel de jeu
• gabarits
• tests ou questionnaires
• etc.

Axe de conception Description des stratégies Rédaction des activités de


pédagogique pédagogiques l’apprenant et du formateur
• exposé Description de la fonction
• démonstration pédagogique de chaque instrument
• exercices à utiliser pour réaliser les activités
• jeu de rôles
Plan de chaque instrument et
• discussions
rédaction de leur contenu
• etc.
Description du scénario
pédagogique
• liste des activités
d’apprentissage
• liste des instruments
• liste des services

Axe de conception Élaboration des devis des guides Liste des instruments et, si
médiatique pédagogiques nécessaire, regroupement
• déterminer les éléments de ceux-ci
médiatiques Précision du type de support
• évaluer leur taille médiatique pour chaque instrument
Définition des services Développement des maquettes et
• courrier électronique des scénarios-maquettes pour le
• téléconférence matériel pédagogique
• transfert de fichiers
• etc.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 13

5. LA PHASE DE RÉALISATION DU MATÉRIEL


Dans cette phase, il s’agit de développer les composantes du matériel pédagogique avant de
les mettre à l’essai et de les livrer. On notera ici que, dans le cadre d’un projet où de nombreux
facteurs d’incertitude sont présents, cette phase peut viser à produire une maquette ou un
prototype exploratoire.
Précisons ici qu’il existe deux approches en ingénierie pédagogique. La première approche est
celle du prototypage. Elle est caractérisée par une phase assez courte de planification et de
conception, c’est-à-dire que l’ensemble des phases que nous avons vues jusqu’ici ne sont
qu’ébauchées très rapidement pour permettre de mettre au point un produit qui ressemble au
produit fini. Ensuite, une longue phase de mises à l’essai successives s’organise pour en
parfaire la conception et la réalisation. Dans la méthode par prototypage, les mises à l’essai
permettent de raffiner de plus en plus le produit en créant successivement, de façon itérative,
plusieurs versions (versions 1, 2, 3, 4, et ainsi de suite) jusqu’à ce que l’on obtienne un résultat
final satisfaisant. En somme, la phase de réalisation prend la forme d’une longue mise à
l’essai. Disons seulement que MISA n’a pas été conçue expressément pour servir cette
approche. Elle peut éventuellement être appliquée, à condition de mettre en œuvre la phase de
réalisation très tôt dans le projet.
La deuxième approche est une approche planifiée. Opposée à la précédente, elle est implicite
à MISA. La grande partie du travail de planification et de conception se fait avant de
commencer la réalisation. Les phases que nous venons de décrire sont donc développées et
approfondies minutieusement avant de faire intervenir l’équipe de production. Dans cette
approche, la mise à l’essai n’est pas utilisée pour alimenter la conception mais plutôt pour
vérifier la justesse et l’efficacité du matériel avant de conclure complètement la phase de
réalisation.
La phase de réalisation s’emploie à fabriquer le matériel pédagogique (documents imprimés,
graphiques, audiovisuels ou logiciels). Dans un cas, il s’agira de développer des prototypes, et
dans l’autre, de réaliser une version préliminaire. C’est à ce moment qu’entreront en scène
l’architecte de système, les analystes, les informaticiens, les programmeurs, le directeur
artistique, les vidéographes, les graphistes, le spécialiste des effets sonores et le spécialiste de
la numérisation de l’image, bref, toute l’équipe de réalisation technique.
Le tableau 3 présente une synthèse de la phase de réalisation du matériel pédagogique.

T ABLEAU 3
Synthèse de la phase de réalisation du matériel

Réalisation du matériel
Développement du système
Approche par prototypage
Planification, conception et réalisation rapide d’une première version
Analyse, étude, test de cette première version (mise à l’essai)
Planification, conception et réalisation détaillées du système par des
versions successives (mises à l’essai)

OU
Actualisation de la conception pédagogique et médiatique détaillée
Approche planifiée
Fabrication des instruments par l’équipe de réalisation technique
Version préliminaire du système ou de l’environnement
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 14

6. LA PHASE DE VALIDATION
La phase de validation peut être subdivisée en deux parties : une mise à l’essai de la version
préliminaire et une validation rigoureuse du produit ou du système d’apprentissage.

6.1 LA MISE À L’ESSAI


La mise à l’essai de la version préliminaire vise essentiellement à vérifier la qualité de
l’ensemble du matériel pédagogique auprès d’au moins quelques sujets, qui n’ont évidemment
pas participé à sa conception et à sa réalisation. Idéalement, le profil de ces sujets devraient
correspondre à celui établi pour la clientèle cible. Durant cette mise à l’essai, d’autres individus
doivent observer les actions, les réactions et les commentaires des sujets ainsi que le résultat
de leurs actions dans les unités d’apprentissage. Si elle est bien réalisée, cette étape devrait
permettre d’éliminer les défauts majeurs du matériel pédagogique de même que la majorité des
problèmes d’expression, de communication et d’ergonomie.

6.1.1 L’axe de modélisation des connaissances


L’axe de modélisation des connaissances permet de faire un compte-rendu des modifications à
apporter au contenu de connaissances du matériel pédagogique : ajouter des précisions au
contenu d’un guide, d’un instrument, d’une consigne; compléter le contenu; changer des
éléments de contenu qui sont mal compris, etc.

6.1.2 L’axe de conception pédagogique


L’axe de conception pédagogique permet de décrire les modifications à apporter au système
d’apprentissage Ces modifications pourront toucher la séquence des activités d’un événement
d’apprentissage, la formulation d’une consigne, le temps alloué à une activité ou la forme d’un
graphique ou d’un schéma.

6.1.3 L’axe de conception médiatique


L’axe de conception médiatique sert à vérifier la fonctionnalité du système suite à la mise à
l’essai. On pourra par exemple s’assurer qu’il répond bien aux normes de médiatisation du
matériel, c’est à dire que le format et le style ou le gabarit d’un instrument sont conformes,
qu’une page-écran est lisible, que la compréhension des symboles, des icônes et des boutons
est facile. On évaluera aussi la convivialité de l’interface.

6.2 LA VALIDATION
Pour Paquette et Bourdeau (1993), le processus de validation fait appel à un travail d’une plus
grande ampleur que celui qui est nécessaire aux mises à l’essai; elle met en place des
conditions beaucoup plus rigoureuses. Un groupe d’apprenants ciblés reçoit l’ensemble de la
formation dans des conditions le plus proche possible de la réalité. Le but est de tester l’impact
global de la formation, les conditions de sa diffusion et la qualité des activités et des
documents. Ce processus de validation est en quelque sorte un type d’évaluation formative.
La phase de validation consiste donc à mener une opération complète portant sur l’ensemble
des événements d’apprentissage afin d’y apporter les derniers ajustements. On veut s’assurer
que l’ensemble de la séquence des apprentissages se déroule comme prévu, que la qualité est
présente jusque dans les moindres détails de l’opération. Autrement dit, on veut obtenir
l’assurance de la satisfaction des apprenants, des formateurs et des responsables. Les critères
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 15

de succès qui découlent de la validation sont généralement le bon fonctionnement du système


ou du produit, la performance d’apprentissage attendue ainsi que la satisfaction de tous. Le
tableau 4 présente une synthèse de la phase de validation.

T ABLEAU 4
Synthèse de la phase de validation

Validation

Mise à l’essai Validation

Axe de planification Planification rigoureuse


Mise en place de conditions le
plus proche possible de la
réalité

Axe de modélisation des Compte-rendu des modifications à Vérification de la qualité globale


connaissances apporter au contenu de
connaissances du matériel
pédagogique

Axe de conception Modification de la séquence des Vérification de la qualité globale


pédagogique activités ou d’un événement
d’apprentissage Reformulation de
consignes
Ajustement du temps attribué pour
une activité Modification de la
forme d’un graphique ou d’un
schéma

Axe de conception Vérification de la fonctionnalité du Vérification de la qualité globale


médiatique système suite à la mise à l’essai
Modification des normes de
médiatisation du matériel
• format
• style
• gabarit
Degré de lisibilité d’une page-écran
Compréhension des symboles, des
icônes et des boutons
Évaluation de la convivialité de
l’interface

7. LA PHASE DE MISE EN PLACE ET DE DIFFUSION


La phase de mise en place et de diffusion du produit multimédia ou de l’environnement
d’apprentissage multimédia concerne la livraison du produit. Les tâches qui sont associées à
cette phase dépendent de l’envergure du produit de formation. Cette phase a pour but
d’implanter les conditions humaines, organisationnelles et administratives nécessaires à la
diffusion de la formation et d’installer les outils et les infrastructures technologiques. Notons
que cette phase n’est pas incluse dans la méthode MISA, qui ne prévoit que la phase de la
préparation de la mise en place et de la livraison.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 16

Dans le cas d’un système d’apprentissage important, la mise en place peut se réaliser par
service. Un calendrier sera établi pour la mise en place des services pédagogiques, des
services de distribution, des services administratifs, des services technologiques, des services
de mise en marché et des services à la clientèle.
En ce qui a trait aux services à la clientèle, il s’agit notamment de donner un ensemble de
consignes aux divers intervenants. On transmet aux apprenants les consignes d’inscription
(date limite, modalités d’inscription, etc.), les consignes de constitution de groupes pour le
travail collaboratif, s’il y a lieu, et les consignes de démarrage des activités. On formera les
autres intervenants, qui sont d’abord les tuteurs (ou formateurs), puis on les affectera à la
supervision d’un groupe.
La diffusion, quant à elle, se réalise par des tâches de nature administrative. Encore une fois,
elle dépend de l’envergure du produit. Il s’agit d’annoncer les cours, les objectifs et les modes
d’inscription, de recevoir et de gérer les inscriptions, d’assurer la logistique (matériel, support
technique), de faire respecter les droits de reproduction et d’utilisation. Le tableau 5 présente
une synthèse de la phase de mise en place et de diffusion.

T ABLEAU 5
Synthèse de la phase de mise en place et de diffusion.

Mise en place et diffusion


Mise en place Diffusion
Implantation des conditions humaines et Annonce des cours
organisationnelles Information sur les objectifs et les modes
Installation des outils et des infrastructures d’inscription
technologiques Gestion des inscriptions
Implantation des services Logistique (matériel, support technique)
Transmission des consignes aux apprenants Etc.
• consignes d’inscription
• consignes de constitution de groupes
• consignes de démarrage des activités
Formation des formateurs ou tuteurs

8. LA PHASE DE GESTION ET D’EXPLOITATION


Cette dernière phase s’applique lorsque le produit est en diffusion depuis quelque temps. Elle
permet d’organiser les procédures d’évaluation et de mise à jour du système d’apprentissage
et de préparer la mise en œuvre des procédures d’entretien.
Pour ce qui est des procédures d’évaluation et de mise à jour, parlons plutôt ici de
réévaluation. Afin de maintenir la pertinence et la qualité de la formation, des mécanismes
généraux peuvent être prévus. D’abord, une évaluation à la fin de chaque formation par les
étudiants, en réutilisant un questionnaire qui aurait été développé pour la validation. On peut
aussi envisager de réunir des cercles de qualité, composés de formateurs et d’autres
spécialistes, pour réfléchir sur les façons de corriger des faiblesses ou d’enrichir la formation.
Enfin, avec le temps, un cycle de mise à jour des connaissances s’avère indispensable,
particulièrement pour un contenu qui pourrait devenir désuet.
En ce qui a trait aux procédure d’entretien, sachons qu’elles concernent principalement
l’évolution de l’infrastructure technologique. En effet, il faut parfois remplacer des équipements,
installer de nouvelles versions de logiciels, de nouveaux liens de communication. Certains
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 17

documents pédagogiques ou publicitaires doivent aussi évoluer avec le temps et faire l’objet
d’une mise à jour. Le tableau 6 présente une synthèse de la phase de gestion et d’exploitation

T ABLEAU 6
Synthèse de la phase de gestion et d’exploitation

Gestion et exploitation

Procédures d’évaluation et de mise à jour Procédures d’entretien et d’évolution


du système de l’environnement
Évaluation à la fin de chaque formation Remplacement des équipements
Cercles de qualité pour corriger les faiblesses ou Installation de nouvelles versions de logiciels
enrichir la formation Création de nouveaux liens de communication
Cycle de mise à jour des connaissances Etc.
Etc.

9. CONCLUSION
La présentation extrêmement abrégée et simplifiée que nous venons de faire démontre que
l’ingénierie pédagogique est un domaine complexe. Elle s’appuie sur un corpus de
connaissances scientifiques bien développés et sur des savoir-faire spécifiques issus de
plusieurs domaines : analyse de besoins, planification, psychologie, pédagogie, technologie de
l’éducation, création et réalisation médiatique, informatique, etc.
L’ingénierie pédagogique comme « spécialité » n’est donc pas à la portée de tous. Cependant,
il faut comprendre que, sans être spécialiste, on peut développer une bonne connaissance du
processus et y participer. En effet, un responsable de la formation ou un formateur dans une
entreprise, un enseignant dans un établissement scolaire doivent pouvoir travailler avec
l’équipe d’ingénierie. S’ils ont, comme client, commandé un système d’apprentissage qu’ils
auront par la suite à diffuser, à gérer et à entretenir, il leur faut interagir avec l’équipe de
conception et de réalisation. Pour eux, il importe de bien connaître les différentes phases de la
méthode, d’être initiés aux concepts et aux différentes techniques utilisées et surtout de
pouvoir faire une analyse critique et de porter des jugements justes en rapport avec les
propositions qui seront faites par les « ingénieurs pédagogiques » tout au long du processus.
Car malgré les compétences des ingénieurs et les données d’analyse qu’ils ont recueillies au
début du projet, ceux-ci ne maîtrisent pas toujours toutes les données d’une situation. Il revient
au « client » d’être attentif et vigilant à toutes les phases du projet, d’être en communication
constante avec l’équipe d’ingénierie et de réagir aux propositions qui seront faites en se
demandant si elles correspondent véritablement à la solution attendue.

RÉFÉRENCES
BASQUE, J. et S. DORÉ (1997). Dossier de présentation du cours TEC 6310, Design
pédagogique des environnements d’apprentissage informatisés. Montréal : Centre de
recherche LICEF, Télé-université.
BLEICHER, É. (1997). Logiciel MOT. Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
LEBRUN, Nicole et Serge BERTHELOT (1994). Plan pédagogique : une démarche systématique
de planification de l’enseignement, Montréal : Éditions nouvelles, 317 p.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 18

LÉONARD, M. et D. LALONDE (1997). Logiciel MOT. Éditeur de graphes. Modélisation par objet
typés. Manuel de l’utilisateur. Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
PAQUETTE, G., F. CREVIER, et C. AUBIN (1997). Méthode d’ingénierie d’un système
d’apprentissage (MISA). Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
PAQUETTE, Gilbert (1993). Initiation à la formation-conseil en milieu de travail. Cours INF 9003,
Québec : Télé-université.
TROLLIP, S.R. (1996). « Courseware design », dans T. Plomp et D.P. Ely (éd.), International
Encyclopedia of educational technology. Cambridge, U.K. : Pergamon, pp. 173-178.
VAN PATTEN, J. (1989). “What is instructional design?”, dans K. Johnson & L. Foa (Eds.),
Instructional design : New alternatives for effective education and training. New York :
Macmillan, pp. 16-31.
Modélisation par objets typés

La modélisation consiste à identifier et à structurer les connaissances ou d’autres


entités en une représentation schématique utile à la construction d’un système
d’apprentissage. Elle permet une vue d’ensemble cohérente des principales
connaissances ou des principales entités et de leurs liens afin de réaliser un devis d’un
système d’apprentissage, de distribuer les connaissances en modules ou en unités
d’apprentissage, de formuler les objectifs et de déterminer les approches
pédagogiques et les instruments les plus adéquats.
La modélisation par objets typés dans le sens d’un système de représentation
particulier est composée de quatre éléments fondamentaux :
Un lexique ou vocabulaire, qui définit quels sont les symboles de base qui
peuvent être utilisés dans la construction des représentations;
Une grammaire, partie structurelle qui décrit les contraintes portant sur
l’agencement de ces symboles;
Une sémantique qui permet d’associer un sens aux représentations;
Une partie procédurale ou pragmatique qui spécifie les processus par lequel on
peut construire une représentation, la modifier et l’utiliser.1

Connaissances
Il y a trois types de connaissances : les connaissances abstraites, les connaissances
concrètes et les autres. Les connaissances abstraites se subdivisent elles-mêmes en
trois classes : les concepts, les procédures et les principes. Elles sont représentées
ainsi dans le modèle MOT.

1. CONCEPTS (connaissances conceptuelles) Décrivent ce que sont les objets, les


personnes, les événements d’un
domaine.
« le quoi »

2. PROCÉDURES (connaissances procédurales) Décrivent les ensembles d’opérations


permettant d’agir sur les objets.
« le comment »

3. PRINCIPES (connaissances stratégiques) Décrivent les propriétés des objets;


permettent d’établir des liens de
cause à effet entre les objets.
« le pourquoi »

1. Gilbert Paquette, Technique de modélisation des connaissances par objets typés (MOT). Version préliminaire.
Document interne LICEF 09, l996, p. 5.
4. FAITS (connaissances concrètes) Résultent des connaissances
abstraites (concepts, procédures,
principes). Ce sont des données,
observations, exemples, prototypes,
entre autres, qui permettent de
percevoir des objets concrets
particuliers.

5. AUTRES Ce type de connaissances est


habituellement réservé aux habiletés,
Non typé aux métaconnaissances.

Types de relations
Les relations entre les entités cognitives sont décrites au moyen de traits fléchés,
traversés par une lettre qui qualifie la relation.

I Lien d’instanciation : chaque connaissance «s’instancie» à un groupe de faits.


C Lien de composition : permet de spécifier les attributs d’un objet comme des
composantes. «Se compose de»
S Lien de spécialisation : met en relation deux entités cognitives de même type
dont l’une est « une sorte de », un particulier de l’autre
I/E Lien intrant/extrant : relie un concept et une procédure.
R Lien de réglementation : définit le concept par des contraintes à satisfaire, établit
une loi ou une relation entre deux ou plusieurs concepts.
AP Lien d’application : met en relation les habiletés et les autres types de
connaissances.

Modèle pédagogique
Les divers objets du modèle sont décrits au moyen des symboles suivants :

Activités

Principes (ou choix)

Intrants/extrants
Le symbole apparaissant au coin supérieur gauche d’un ovale signifie que le
processus ou le sous-processus se décompose à un niveau inférieur.
Le point l apparaissant à l’intérieur de certains objets du modèle signifie que cet objet
est «référencé», c’est-à-dire qu’il apparaît sur d’autres schémas du modèle.

Vous aimerez peut-être aussi