FRANCE HENRI
T211
S OMMAIRE
S OMMAIRE
Objectifs
Besoins Contenu
rapidement mettre au point un prototype (la solution) et le tester pour savoir si l’on s’oriente
dans la bonne direction. Les modèles adoptent donc aujourd’hui une démarche de
développement plus itérative que linéaire.
Cette évolution des modèles de design présume désormais d’un travail d’ingénierie qui colle
mieux à la nouvelle réalité des technologies informatiques. Les modèles prennent en compte le
fait que les rôles des membres des équipes de conception de systèmes d’apprentissage
informatisés ont dû être redéfinis. En effet, on fait aujourd’hui appel à des personnes ayant des
spécialités diversifiées : interactivité, rédaction, graphisme, programmation, évaluation, etc.).
Ce nouveau contexte nécessite une gestion de projet et un travail d’équipe plus complexes que
ne le demandaient les modèles classiques de design.
Quel est le produit commun? Tous les designers produisent des solutions à des problèmes ou
à des besoins. En fait, ils créent une série de produits tout au long du processus de design,
chacun étant évalué au fur et à mesure. Trois d’entre eux sont fondamentaux :
• le rapport d’analyse, qui identifie le besoin,
• le plan (design) de la solution, qui comporte des spécifications de design,
• la solution développée.
Ces précisions de Van Patten permettent de comprendre que, de plus en plus, le terme
« ingénierie pédagogique » ou « ingénierie didactique » est utilisé pour désigner l’ensemble
des processus de conception et de développement d’un produit ou d’un environnement
d’apprentissage, alors que le terme « design » tend à désigner une des étapes de ce
processus. Notons toutefois que les auteurs ne s’entendent pas tous à ce sujet; il est bon de
vérifier quel sens l’auteur accorde à ces termes lorsqu’on lit sur le sujet.
Traditionnellement, l’ingénierie est un champ de travail où la connaissance scientifique est
appliquée aux problèmes industriels (par exemple, la construction de ponts). L’ingénierie
pédagogique se rapproche du modèle axé vers la solution que proposent les sciences du
design. Comment? Par la méthode qu’elle emploie et par l’application des connaissances
scientifiques qui sont issues des sciences cognitives et des différentes théories de
l’apprentissage et de l’enseignement.
1. LICEF signifie Laboratoire en informatique cognitive et environnements de formation; c’est le centre de recherche de la Télé-
université.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 4
Ainsi, elle comporte des « phases » bien identifiées, mais chacune d’elle se développe selon
quatre axes interreliés, soit :
• l’axe de modélisation des connaissances,
• l’axe de conception pédagogique,
• l’axe de conception médiatique,
• l’axe de planification.
La figure 1 présente le squelette de la méthode MISA.
AXES PHASES
Analyse Conception Validation Mise en place Gestion et
préliminaire et diffusion exploitation
Architecture Matériel
Modélisation
des connaissances
Conception
pédagogique
Conception
médiatique
Planification
FIGURE 1
Phases et axes de la méthode MISA.
Cette façon de faire permet de briser la stricte linéarité des modèles systématiques et de
concevoir de manière parallèle le modèle de connaissances, le modèle pédagogique et le
modèle médiatique d’un système d’apprentissage. Dans les pages qui suivent, nous décrirons
chacune de ces phases en mentionnant quelques-unes des tâches relatives aux quatre axes
identifiés. La description qui suit constitue un abrégé de la méthode. On notera que la
description des grandes phases emprunte également quelquefois à Lebrun et Berthelot (1994)
ainsi qu’à un cours de la Télé-université, INF 9003 Initiation à la formation-conseil en milieu de
travail, (Paquette, 1993).
Pour préciser le but, on décrit d’abord la situation à laquelle on veut arriver grâce au projet de
formation. Pour ce faire, on recueille les informations suivantes :
• liste de compétences à communiquer, en prenant en compte les divers publics;
• priorités de formation (court, moyen, long terme);
• durée anticipée de l’apprentissage;
• ampleur anticipée de l’environnement d’apprentissage à développer;
• durée de vie de l’environnement d’apprentissage;
• date de livraison de l’environnement;
• attentes face au projet.
On rassemble ensuite des informations sur le contexte dans lequel s’inscrira le nouveau produit
ou système d’apprentissage. Ces informations portent notamment sur la clientèle cible, afin de
déterminer à qui précisément la formation est destinée. On dépeint alors un portrait quantitatif
et qualitatif des caractéristiques de cette clientèle, en précisant, par exemple :
• le profil du groupe de personnes touchées par le problème de formation,
• leur âge et leur degré de scolarité,
• leur familiarité avec le sujet de formation,
• leur degré de motivation, d’autonomie et autres particularités.
L’identification des contraintes susceptibles d’empêcher de bien répondre aux attentes face au
projet permettra de guider le choix des principes pédagogiques et l’élaboration de solutions
médiatiques. Les contraintes financières et temporelles sont les plus fondamentales. Les
ressources disponibles sur le plan humain, matériel et techniques sont aussi des contraintes
incontournables. Par exemple, sur le plan technologique, l’exigence de recourir à une nouvelle
technologie non testée peut avoir des incidences sur le délai de livraison.
La planification préliminaire inclut enfin une analyse des impacts et des coûts-bénéfices ainsi
que l’élaboration d’un plan de livraison.
Formation et compétitivité
• (Modèle de connaissances AP C4 Analyser
du domaine)
C C
C C C
D-5
Des relations spécifiques
• entre les systèmes
d'éducation, de formation
et de production affectant D-4.1 D-4.2 D-4.3
chacun de ces systèmes • Système éducatif • Systèmes de formation • Systèmes d'emploi
(système productif)
AP AP AP AP
D-3
Démarches d'analyse des
• systèmes de développement
des ressources humaines AP C3 Appliquer
et de formation
S
D-3.1.1
D-3.1
C1 Identifier AP Analyse de Marc I Analyse sociétale AP C3 Appliquer
Maurice
R D-3.1.3
• Contexte historique
du système de
formation
D-3.1.2
Interrelation entre l'espace
éducatif de formation, l'espace
C3 Relier AP
organisationnel et l'espace des
relations industrielles AP
C2 Établir
FIGURE 2
2
EXEMPLE D’UN MODÈLE DE CONNAISSANCES MOT .
T ABLEAU 1
Synthèse de la phase d’analyse préliminaire
Analyse préliminaire
4. LA PHASE DE CONCEPTION
Dans un design pédagogique traditionnel, la phase de conception consiste à définir de manière
précise le contenu et les objectifs d’apprentissage, la stratégie pédagogique et les activités
d’apprentissage, les médias et les documents de formation ainsi que les modes et les outils
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 9
d’évaluation (Paquette, Bourdeau, 1993). La méthode MISA reprend sensiblement les mêmes
éléments. Bien qu’elle s’applique à n’importe quel système d’apprentissage, elle distingue la
conception de l’architecture de la conception du matériel pédagogique, ce qui s’avère très
pertinent pour un produit multimédia.
On définit par la suite les scénarios pédagogiques en fonction des principes évoqués plus haut
et du type d’apprentissage. MISA identifie deux types de scénarios : le scénario
d’apprentissage (celui de l’apprenant) et le scénario de formation (celui du formateur). Le
premier décrit ce que fera l’apprenant, les activités qu’il aura à mener, les étapes au cours
desquelles l’apprentissage se réalisera. Le second concerne les activités du formateur, les
interventions qu’il sera appelé à faire auprès de l’apprenant. Les scénarios déterminent les
activités de l’apprenant et du formateur et permettent de faire la description du matériel et des
services (communication, consultation, traitement de données, etc.) requis pour faire ces
activités. Il faudra déterminer comment cet ensemble pourra fonctionner dans l’environnement.
T ABLEAU 2
Synthèse de la phase de conception
Conception
Axe de modélisation des Déploiement des connaissances et Identification des instruments qui
connaissances des habiletés par niveaux et sous- composent l’ensemble du matériel
niveaux et qui véhiculeront chaque
connaissance et habileté
• manuels
• guides
• fiches
• grilles
• fiches résumé
• vidéos
• bases de données documentaires
• outils de calculs
• matériel de jeu
• gabarits
• tests ou questionnaires
• etc.
Axe de conception Élaboration des devis des guides Liste des instruments et, si
médiatique pédagogiques nécessaire, regroupement
• déterminer les éléments de ceux-ci
médiatiques Précision du type de support
• évaluer leur taille médiatique pour chaque instrument
Définition des services Développement des maquettes et
• courrier électronique des scénarios-maquettes pour le
• téléconférence matériel pédagogique
• transfert de fichiers
• etc.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 13
T ABLEAU 3
Synthèse de la phase de réalisation du matériel
Réalisation du matériel
Développement du système
Approche par prototypage
Planification, conception et réalisation rapide d’une première version
Analyse, étude, test de cette première version (mise à l’essai)
Planification, conception et réalisation détaillées du système par des
versions successives (mises à l’essai)
OU
Actualisation de la conception pédagogique et médiatique détaillée
Approche planifiée
Fabrication des instruments par l’équipe de réalisation technique
Version préliminaire du système ou de l’environnement
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 14
6. LA PHASE DE VALIDATION
La phase de validation peut être subdivisée en deux parties : une mise à l’essai de la version
préliminaire et une validation rigoureuse du produit ou du système d’apprentissage.
6.2 LA VALIDATION
Pour Paquette et Bourdeau (1993), le processus de validation fait appel à un travail d’une plus
grande ampleur que celui qui est nécessaire aux mises à l’essai; elle met en place des
conditions beaucoup plus rigoureuses. Un groupe d’apprenants ciblés reçoit l’ensemble de la
formation dans des conditions le plus proche possible de la réalité. Le but est de tester l’impact
global de la formation, les conditions de sa diffusion et la qualité des activités et des
documents. Ce processus de validation est en quelque sorte un type d’évaluation formative.
La phase de validation consiste donc à mener une opération complète portant sur l’ensemble
des événements d’apprentissage afin d’y apporter les derniers ajustements. On veut s’assurer
que l’ensemble de la séquence des apprentissages se déroule comme prévu, que la qualité est
présente jusque dans les moindres détails de l’opération. Autrement dit, on veut obtenir
l’assurance de la satisfaction des apprenants, des formateurs et des responsables. Les critères
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 15
T ABLEAU 4
Synthèse de la phase de validation
Validation
Dans le cas d’un système d’apprentissage important, la mise en place peut se réaliser par
service. Un calendrier sera établi pour la mise en place des services pédagogiques, des
services de distribution, des services administratifs, des services technologiques, des services
de mise en marché et des services à la clientèle.
En ce qui a trait aux services à la clientèle, il s’agit notamment de donner un ensemble de
consignes aux divers intervenants. On transmet aux apprenants les consignes d’inscription
(date limite, modalités d’inscription, etc.), les consignes de constitution de groupes pour le
travail collaboratif, s’il y a lieu, et les consignes de démarrage des activités. On formera les
autres intervenants, qui sont d’abord les tuteurs (ou formateurs), puis on les affectera à la
supervision d’un groupe.
La diffusion, quant à elle, se réalise par des tâches de nature administrative. Encore une fois,
elle dépend de l’envergure du produit. Il s’agit d’annoncer les cours, les objectifs et les modes
d’inscription, de recevoir et de gérer les inscriptions, d’assurer la logistique (matériel, support
technique), de faire respecter les droits de reproduction et d’utilisation. Le tableau 5 présente
une synthèse de la phase de mise en place et de diffusion.
T ABLEAU 5
Synthèse de la phase de mise en place et de diffusion.
documents pédagogiques ou publicitaires doivent aussi évoluer avec le temps et faire l’objet
d’une mise à jour. Le tableau 6 présente une synthèse de la phase de gestion et d’exploitation
T ABLEAU 6
Synthèse de la phase de gestion et d’exploitation
Gestion et exploitation
9. CONCLUSION
La présentation extrêmement abrégée et simplifiée que nous venons de faire démontre que
l’ingénierie pédagogique est un domaine complexe. Elle s’appuie sur un corpus de
connaissances scientifiques bien développés et sur des savoir-faire spécifiques issus de
plusieurs domaines : analyse de besoins, planification, psychologie, pédagogie, technologie de
l’éducation, création et réalisation médiatique, informatique, etc.
L’ingénierie pédagogique comme « spécialité » n’est donc pas à la portée de tous. Cependant,
il faut comprendre que, sans être spécialiste, on peut développer une bonne connaissance du
processus et y participer. En effet, un responsable de la formation ou un formateur dans une
entreprise, un enseignant dans un établissement scolaire doivent pouvoir travailler avec
l’équipe d’ingénierie. S’ils ont, comme client, commandé un système d’apprentissage qu’ils
auront par la suite à diffuser, à gérer et à entretenir, il leur faut interagir avec l’équipe de
conception et de réalisation. Pour eux, il importe de bien connaître les différentes phases de la
méthode, d’être initiés aux concepts et aux différentes techniques utilisées et surtout de
pouvoir faire une analyse critique et de porter des jugements justes en rapport avec les
propositions qui seront faites par les « ingénieurs pédagogiques » tout au long du processus.
Car malgré les compétences des ingénieurs et les données d’analyse qu’ils ont recueillies au
début du projet, ceux-ci ne maîtrisent pas toujours toutes les données d’une situation. Il revient
au « client » d’être attentif et vigilant à toutes les phases du projet, d’être en communication
constante avec l’équipe d’ingénierie et de réagir aux propositions qui seront faites en se
demandant si elles correspondent véritablement à la solution attendue.
RÉFÉRENCES
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pédagogique des environnements d’apprentissage informatisés. Montréal : Centre de
recherche LICEF, Télé-université.
BLEICHER, É. (1997). Logiciel MOT. Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
LEBRUN, Nicole et Serge BERTHELOT (1994). Plan pédagogique : une démarche systématique
de planification de l’enseignement, Montréal : Éditions nouvelles, 317 p.
L’INGÉNIERIE PÉDAGOGIQUE 18
LÉONARD, M. et D. LALONDE (1997). Logiciel MOT. Éditeur de graphes. Modélisation par objet
typés. Manuel de l’utilisateur. Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
PAQUETTE, G., F. CREVIER, et C. AUBIN (1997). Méthode d’ingénierie d’un système
d’apprentissage (MISA). Montréal : Centre de recherche LICEF, Télé-université.
PAQUETTE, Gilbert (1993). Initiation à la formation-conseil en milieu de travail. Cours INF 9003,
Québec : Télé-université.
TROLLIP, S.R. (1996). « Courseware design », dans T. Plomp et D.P. Ely (éd.), International
Encyclopedia of educational technology. Cambridge, U.K. : Pergamon, pp. 173-178.
VAN PATTEN, J. (1989). “What is instructional design?”, dans K. Johnson & L. Foa (Eds.),
Instructional design : New alternatives for effective education and training. New York :
Macmillan, pp. 16-31.
Modélisation par objets typés
Connaissances
Il y a trois types de connaissances : les connaissances abstraites, les connaissances
concrètes et les autres. Les connaissances abstraites se subdivisent elles-mêmes en
trois classes : les concepts, les procédures et les principes. Elles sont représentées
ainsi dans le modèle MOT.
1. Gilbert Paquette, Technique de modélisation des connaissances par objets typés (MOT). Version préliminaire.
Document interne LICEF 09, l996, p. 5.
4. FAITS (connaissances concrètes) Résultent des connaissances
abstraites (concepts, procédures,
principes). Ce sont des données,
observations, exemples, prototypes,
entre autres, qui permettent de
percevoir des objets concrets
particuliers.
Types de relations
Les relations entre les entités cognitives sont décrites au moyen de traits fléchés,
traversés par une lettre qui qualifie la relation.
Modèle pédagogique
Les divers objets du modèle sont décrits au moyen des symboles suivants :
Activités
Intrants/extrants
Le symbole apparaissant au coin supérieur gauche d’un ovale signifie que le
processus ou le sous-processus se décompose à un niveau inférieur.
Le point l apparaissant à l’intérieur de certains objets du modèle signifie que cet objet
est «référencé», c’est-à-dire qu’il apparaît sur d’autres schémas du modèle.