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FOUNDATIONS OF SEMIOTICS
General Editor
ACHIM ESCHBACH
(University of Essen)
Volume 24
Robert Marty
ROBERT MARTY
Université de Perpignan
1990
Library of Congress Cataloging-in-Publication Data
Marty, Robert.
L'algèbre des signes : essai de sémiotique scientifique d'après Charles Sanders Peirce /
Robert Marty.
p. cm. -- (Foundations of semiotics, ISSN 0168-2555; v. 24)
1. Peirce, Charles S. (Charles Sanders), 1839-1914 - Contributions in semiotics. 2. Semio
tics. I. Title. II. Series.
P85.P38M37 1989
121'.68'092 -- dc20 89-17799
ISBN 90 272 3296 2 (alk. paper) CIP
© Copyright 1990 - John Benjamins B.V.
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Table des matières
Avant-propos ix
Notes 365
Annexes 367
Annexe A 367
Annexe 385
Annexe 389
Annexe D 397
Annexe E 401
Annexe F 403
Charles Sanders Peirce est "le plus profond investigateur de l'essence des
signes", telle est l'opinion de R.Jakobson sur le sémioticien américain;
René Thom qualifie sa classification des signes de "simple et profonde" et
il n'est pas d'auteur qui dans les premières pages d'une présentation géné
rale de la sémiotique ne consacre quelques lignes au "grand précurseur".
Le dénominateur commun à l'ensemble de ces références à Peirce, c'est
cette sorte de reconnaissance implicite d'un corps de doctrine identifié sous
le nom de "sémiotique peircienne". Or un examen superficiel, même limité
aux écrits de Peirce les plus largement diffusés, comme les Collected Pa
pers, montre qu'un tel corps de doctrine n'existe pas vraiment dans ces tex
tes et, si on étend l'examen aux manuscrits dont l'ensemble microfilmé,
sans la correspondance, occupe trente deux rouleaux de cent mètres cha
cun, on est littéralement choqué qu'une telle affirmation puisse être soute
nue, à moins de réduire ce corps de doctrine à quelques lignes comprenant
une définition des signes (et déjà le choix de cette définition serait problé
matique comme le montrent sans conteste l'annexe A de ce travail et la lec
ture de la section 3 de son premier chapitre) et la célèbre classification des
signes en icônes, indices (ou index) et symboles, universellement reconnue,
le tout étant enveloppé dans quelques vagues références à la phanéroscopie
et aux catégories fondamentales. Finalement c'est la plupart du temps au
travers des présentations qu'en ont donné quelques exégètes, notamment
Charles Morris, que la sémiotique peircienne est pratiquement utilisée. Il
n'est pas dans mes intentions de faire l'inventaire de ces présentations et
d'en pointer les différences, les oppositions voire les incohérences. D'abord
parce que ce serait un travail considérable et de peu d'intérêt; ensuite et
surtout, parce que la confusion qui règne est tout à fait normale étant don
né l'état de l'oeuvre de Peirce, monument inachevé, pour ainsi dire une sor
te d'équivalent dans la pensée de la Sagrada Familia de Gaudi à Barcelone
en architecture. Teresa Calvet de Magalhaes dans son petit livre (1971)
consacré aux catégories met en exergue ce que Peirce pensait lui-même de
χ L'ALGEBRE DES SIGNES
sance mathématique autre que celles qui sont démontrées dans le cours du
texte. C'est-à-dire que je n'utilise aucun résultat et donc que le rapport en
tre les phénomènes de signification que j'étudie et les mathématiques n'est
pas un rapport d'application mais un rapport de constitution. La difficulté
pour le lecteur pourra résulter de l'insuffisance de son expérience antérieu
re des objets de l'algèbre, c'est-à-dire de son habitus à saisir des objets for
mels et à les combiner. Qu'il soit persuadé que le choix de la théorie des ca
tégories algébriques et des foncteurs ne résulte pas d'un désir de sophistica
tion mais d'une adéquation particulièrement réussie entre la pensée de
Peirce et la pensée algébrique moderne. La théorie des catégories a autori
sé de grandes clarifications dans les mathématiques; il est permis de penser
qu'elle peut rendre des services au moins équivalents dans les sciences hu
maines, dans la mesure où la pensée structuraliste, en instituant la primauté
de la relation sur l'élément, a ouvert la voie aux formalismes de l'algèbre
homologique dans les sciences humaines.
Ma démarche se veut "scientifique" en un sens qui tend aujourd'hui à
se banaliser dans les sciences humaines et qui s'exprime dans la méthodolo
gie mise en oeuvre: l'observation "abstractive" qui consiste à abstraire du
donné empirique les caractères essentiels des observables (essentiels, c'est-
à-dire des caractères sans lesquels ils ne seraient pas ce qu'ils sont) est mise
en rapport avec un ensemble organisé d'universaux mathématiques. Cette
mise en rapport est de type fonctoriel, c'est-à-dire que lorsque des caractè
res essentiels des observables apparaissent liés dans l'observation (par
exemple lorsque deux ou plusieurs d'entre eux sont simultanément présents
ou dans une relation constante de causalité temporelle), les universaux
mathématiques choisis correspondant à chacun d'eux doivent entretenir
aussi une relation formelle explicite formulée en termes mathématiques. La
notion de catégorie algébrique qui permet de saisir les êtres mathématiques
à la fois par leur structure, et par les relations que ces structures entretien
nent entre elles (morphismes) et la notion de foncteur qui met en corres
pondance les structures des objets et pour chaque couple d'objets les rela
tions que leurs structures entretiennent, apparaissent a priori comme les
notions fondamentales sur lesquelles une telle méthodologie doit trouver
ses fondements et sa justification. Elles conduisent à une conception nette
ment holistique de l'épistémologie des sciences humaines. L'objet de
connaissance n'est pas l'élément dont les caractères essentiels déterminent
l'appartenance à la classe des observables mais l'élément en tant qu'il parti
cipe d'un tout, en tant qu'il est le lieu de solidarités avec d'autres éléments
AVANT PROPOS xiii
tuellement présente dans les écrits de Peirce et dont l'extension dépasse lar
gement l'algèbre qui en est ici ébauchée.
CHAPITRE PREMIER
lieu d'apercevoir que cette propriété est la simple retraduction d'une pro
priété de la langue on peut s'imaginer tenir une qualité cachée de l'objet; et
si, par la suite, le même objet se présente en toute clarté on ne le reconnaît
plus par suite de la disparition de ce qu'on aura cru être un élément décisif
de l'intelligibilité de l'objet. La méthode aura alors créé de toutes pièces un
obstacle épistémologique. Dans "Comment rendre nos idées claires" (Peir-
ce, 1879) souligne particulièrement bien les possibilités de confusion intro
duites par le langage (et nous ajouterons qu'elles sont démultipliées lors
qu'on donne à la langue une place centrale dans une théorie):
Mais affirmer qu'il y a des perles au fond des mers, des fleurs dans les soli
tudes vierges, etc..., ce sont là des propositions qui, comme ce que nous
disions d'un diamant pouvant être dur alors qu'il n'est pas serré, touchent
beaucoup plus aux formes du langage qu'au sens des idées" (CP 5.409).
C'est la raison pour laquelle nous posons a priori, comme garant de la
scientificité de notre approche ou du moins comme ne ruinant pas notre
tentative dès l'origine, que les définitions fondatrices de la sémiotique doi
vent manifester une neutralité absolue vis à vis du champ des observables
dès lors qu'il est clairement délimité. Il se peut que des sémiotiques des
"régions du réel" , au sens bachelardien du terme, (et les faits de langue
constituent une région du réel) entretiennent des relations de dépendance,
ou que certaines structures découvertes dans l'une d'elles en surdétermi
nent d'autres (et il est fort possible que certaines structures linguistiques se
révèlent être universelles). Une démarche scientifique bien conduite doit
mettre en évidence ces relations hiérarchiques, si elles existent, à titre de
résultats. Il n'est pas question de les ériger en a priori, à moins que l'on
considère qu'il s'agit d'un acquis, ce qui n'est guère qu'une opinion dans
l'état actuel des sciences humaines. Nous nous efforcerons donc de faire ta
ble rase de tout a priori pour aborder l'étude scientifique des signes.
2. Facticité et nécessité
Figure 1.
Figure 2.
vraiment peu usitées et d'un volume qui, même s'il est relativement minoré
par la proximité de l'imposant manteau de fourrure, est peu compatible
avec les traits graciles du visage.
Dans les diagrammes de la Figure 2 les points représentent les élé
ments pertinents qui font l'objet des deux arrangements correspondant aux
deux choix perceptifs, chacun de ces choix étant précédé d'une sélection.
On peut observer que seuls les cheveux et le manteau ont la même destina
tion dans les deux diagrammes. C'est pourquoi nous avons représenté un
axe passant par ces deux points pour souligner que les choix perceptifs s'ef
fectuent par une sorte de mouvement de bascule autour de cet axe qui rem
plit la fonction d'invariant géométrique. Il suffit de choisir la destination
d'un seul élément (et l'un des deux choix possibles nous est la plupart impo
sé par la prégnance biologique de l'élément considéré, problèmes que nous
examinerons plus loin) distinct des cheveux et du manteau pour détermi
ner, par le jeu des relations de proximité, tous les autres et se trouver dans
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 13
Les 76 textes regroupés dans l'Annexe A et, pour les textes 1 à 60, classés
chronologiquement, s'échelonnent de 1865 à 1911. Une brève étude de la
dispersion dans le temps des textes datés montre que plus de 80 % des tex
tes ont été produits après 1902 c'est-à-dire après que Peirce eut dépassé la
soixantaine. On note une pointe en 1903, année des conférences Lowell.
En outre, si l'on en juge par leur contenu, la plupart des textes non datés,
et notamment les huit définitions rassemblées dans MS 793 sont de la même
période. Notre propos n'étant pas d'étudier l'évolution de la pensée de
Peirce en général nous nous intéresserons seulement aux différentes
conceptions du signe qu'il nous propose si, toutefois, on peut parler
d'abord de leurs différences avant de souligner leur unité. Est-il besoin de
rappeler que l'unité fondamentale de ces conceptions est réalisée par l'affir
mation sans cesse renouvelée du caractère "ternaire" du signe? Nous écri
vons "ternaire" pour l'instant, nous réservant de qualifier ce caractère fon
damental de "triadique" quand nous en aurons reconnu la nécessité. En
qualifiant le signe peircien de "ternaire" nous mettons simplement en évi
dence la présence dans toute définition explicite ou implicite du signe selon
Peirce, de trois éléments constitutifs.
Sur la dénomination de ces trois éléments Peirce a varié pour des rai
sons qu'il a quelquefois explicitées. N'oublions pas qu'il est l'auteur d'une
très rigoureuse morale terminologique (2.219 à 2.226).
Pour désigner l'objet d'expérience directe nécessairement à l'origine
de tout phénomène sémiotique Peirce utilise les mots "représentation",
"representamen" et surtout "signe". Il n'utilise le terme "representation" à
cet effet que dans les textes n°l (1865), 6(1873) et 74 (n.d.), les autres utili
sations de ce terme désignant l'acte ou le fait de représenter, comme dans
les textes 10,19, 27, 50, 52. Dans le texte n°61, ce mot est donné comme sy
nonyme de "signe". Il n'y a pas de raison de retenir ce terme.
Par contre on peut s'intéresser de très près aux différents emplois et
18 L'ALGEBRE DES SIGNES
un effet mental spécial sur un esprit dans lequel certaine association a été
produite.
Un inventaire systématique des termes que Peirce utilise pour donner
un contenu au concept d'interprétant montre qu'il lui assigne, suivant son
propos du moment et la maturation de sa pensée, les caractéristiques sui
vantes:
- il est une pensée ou pensée interprétante dans les textes n°, 8,10,18, 28.
- il est un effet déterminé ou créé ou modelé par le signe sur une personne,
un esprit ou un quasi-esprit dans les textes n°9,12,14,16, 21, 32, 33, 39, 40
(b,c,d e) 46, 47, 48, 49, 51, 56, 58, 61, 70, 75.
- il est une détermination d'un esprit ou quasi-esprit ou une influence sur
une personne ou un esprit, cette détermination ou influence étant réalisée
à travers le signe, l'objet en étant la cause médiate dans les textes n°34, 37,
40 (a,b,c,e,f,) 52.
- Il est un Troisième ("Third") qui suivant les cas est un troisième correlat
d'une relation triadique ou un "Tertian", c'est-à-dire un élément déterminé
par la Tiercéité, dans les textes n°13, 15, 20 22, 36, 69 (b,c,d,e). De plus
dans le n°30 il est qualifié de "correlat passif", et dans le n°76 il est un quasi-
patient.
- il est une signification, ou cognition, ou résultat signifié dans les textes
n°35, 37, 38, 40 (a,b).
- il est un signe du même objet en 11, 12, 16, 24, 25, 26, 27, 29, 54.
On voit que ces caractéristiques (en excluant la dernière qui est de na
ture radicalement différente), peuvent être classées en deux groupes:
- Celles qui réfèrent à un signe in actu, qui saisissent donc ce troisième
élément du phénomène sémiotique dans sa particularité et qui sont prati
quement réductibles à un effet sur une personne ou encore à une détermi
nation d'un esprit, dans l'ici et maintenant de la perception.
- Celles qui réfèrent à un signe abstrait qui relèvent de l'analyse logique du
phénomène et participent d'une construction formelle, dans lesquelles l'in
terprétant est qualifié de correlat d'une relation triadique.
Peirce avait beaucoup de mal à faire admettre cette conception, banale
aujourd'hui, d'un modèle formel du signe. Dans sa lettre à Lady Welby du
23 décembre 1908 il s'en plaint, en écrivant:
J'ai ajouté 'sur une personne' comme pour jeter un gâteau à Cerbère, parce
que je désespère de faire comprendre ma propre conception qui est plus
large.
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 21
sit pour qu'un signe fonctionne comme tel, ce qui exclut évidemment la
possibilité que le signe puisse créer l'Interprétant ex-nihilo. C'est ce que
Peirce reprend dans ce texte en précisant que l'Interprétant est créé par le
Signe "dans sa capacité à supporter sa détermination par l'Objet". Dans
une de ses approches les plus formelles dans laquelle il part de la relation
triadique (2.233 et s.q.q., Division of Triadic Relations) Peirce définit le
Representamen (voir texte n°22, v.1903) comme le premier correlat d'une
relation triadique authentique, autrement dit il considère que ce premier
correlat détermine le troisième correlat. Cela veut dire qu'à cette époque,
il aborde le signe par la triadicité à laquelle il ajoute un correctif: la déter
mination de l'interprétant par le signe, les liaisons signe-objet et objet-in-
terprétant étant induites par la relation triadique, le signe lui-même étant
un représentamen particulier, à savoir un représentamen qui détermine un
interprétant particulier qui est l'"acte de connaître" d'un esprit ("a cogni
tion of a mind").
En prenant en compte la dissymétrie de la relation Objet- Signe il a
donc, nous l'avons vu, abandonné la triadicité comme principe fondateur et
a eu recours à une nouvelle notion, liée à la mise en évidence des détermi
nations successives (du Signe par l'Objet et de l'Interprétant par le Signe)
dans l'analyse du signe in actu, la notion de médiation. Il s'agit en fait d'une
reprise de cette notion déjà présente en 1867 ("représentation médiatrice"
dans le texte n°8) et en 1902 ("la médiation authentique est le caractère d'un
signe" dans le texte n°13). En 1904, triadicité et médiation apparaissent
dans le même texte (n°28). Cependant on peut constater que dans la plu
part des textes postérieurs à 1905 qui mentionnent les deux déterminations
précitées, l'un des mots "médiation" ou "médium" ou le verbe "to media
te" est présent (textes n°: 33, 37, 39, 40 (a,b,c,e,f) 46, 47, 48, 49, 51, 52). Il
s'agit d'une nouvelle approche théorique (car le terme "triade" ne figure
dans aucun de ces textes) qui est fondée cette fois sur la détermination de
l'Interprétant par l'Objet à travers le signe. Cette conception est partielle
ment explicitée et formalisée dans le texte n°30 (1905) dans lequel la triade
est encore présente: le Signe y est présenté comme correlat passif dans sa
relation à l'Objet, laquelle relation est incorporée dans une relation triadi
que de telle façon que l'Interprétant est mis dans une relation dyadique
avec l'Objet, induite par cette relation triadique. Ce qui ne figure pas dans
cette définition assurément la plus formalisée de toutes (et qu'on retrouve
au n°66 dans le manuscrit non daté n°793) c'est précisément la détermina
tion de l'Interprétant par le Signe.
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 23
qu'elle est, c'est-à-dire possède des caractères qui en font un signe parce
que le pied qui l'a produite les lui a communiqués sans en être affecté lui-
même et à ce titre il est un correlat purement actif. L'empreinte elle-même
est un correlat purement passif pour des raisons inverses. Cependant si
maintenant on la photographie elle va produire une image sur la pellicule
qui doit tous ses caractères à l'empreinte elle-même. Par rapport à cette
image photographique l'empreinte sera donc un correlat actif et il est clair
que, pour Peirce, l'interprétant est un correlat purement passif déterminé
par l'empreinte, cet interprétant, de nature triadique étant tel qu'il incorpo
re, comme relation dyadique induite, la relation dyadique établie entre le
pied de Vendredi et son empreinte. Cependant l'exemple que nous citons
est particulier, c'est un exemple d'école. Néanmoins c'est, pensons nous, en
généralisant le cas des signes de ce type (des indices) que Peirce a obtenu la
définition n°30. Dans d'autres textes il a utilisé des termes qui permettent
d'éclairer un peu mieux cette conception:
- dans les textes n°37 et 40a, le signe est dit "modelé à une sorte de confor
mité avec son objet".
- dans 40c l'Objet est, en un certain sens, la cause du signe qui représen
te l'influence de cet objet, laquelle influence est "indirecte et n'est pas de la
nature d'une force"(40 d).
- dans 46 et 48 le signe est dit spécialisé (que Peirce renforce en faisant ap
pel à l'allemand "bestimmt" ) et dans 47 et 48 il écrit que la détermination
du Signe par l'Objet est telle qu'en conséquence il détermine l'Interprétant,
ce qui signifie que si le Signe est passif vis à vis de l'Objet et actif vis à vis
de l'Interprétant, il doit cette dernière possibilité à l'action de l'Objet, com
me une boule de billard devient capable d'en mouvoir une autre après avoir
elle même été heurtée par une autre boule.
D'ailleurs dans le texte n°65, Peirce précise que lorsque la Forme ve
nue de l'Objet est incorporée dans le Signe celui-ci devient "doté de la puis
sance de la communiquer à un Interprétant".
- mais c'est certainement dans le texte n°40 f, que Peirce présente sans dé
tour comme une tentative pour définir le signe, que sa conception des dé
terminations dans les phénomènes sémiotiques est la mieux exprimée tout
en étant probablement le plus difficile à formaliser: le signe, écrit-il, est à la
fois "déterminé par l'objet relativement à l'interprétant et il détermine l'in
terprétant en référence à l'objet, de telle façon que l'interprétant est déter
miné par l'objet comme cause à travers la médiation de ce signe". On voit
que les déterminations des éléments deux à deux (du Signe par l'Objet, de
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 25
tion. Notre idéal méthodologique est trés proche de celui qui est implicite
ment exprimé par Peirce lorsqu'il évalue sa phanéroscopie:
Elle scrute simplement les apparences directes et essaie de combiner la
précision du détail avec la généralisation la plus large possible. (CP 1.287,
V.1904).
Dans la section 2 nous avons défini (dans le sens qu'étant donné un
phénomène quelconque nous sommes en mesure de dire s'il est un phéno
mène sémiotique ou non) les phénomènes étudiés à l'aide de la caractéristi
que essentielle rappelée ci-dessus et nous avons commencé à donner un
début de description en termes de choix perceptifs. Dans la section 3 nous
avons, en suivant Peirce, fait apparaître la nécessité de considérer un troi
sième élément, la détermination d'un esprit, et examiné les différentes dé
marches que Peirce nous propose pour aborder la description de la liaison
nécessaire des trois éléments dégagés par l'observation abstractive. Nous
allons maintenant tenter de progresser dans la réduction de l'arbitraire de
notre description en essayant de préciser les notions que nous avons utili
sées: choix perceptifs et configurations, déterminations, relation triadique.
Auparavant nous voudrions montrer combien notre démarche est sem
blable à celle d'un physicien qui commencerait à étudier le magnétisme, par
exemple. Disposant d'un aimant il constate qu'à une certaine distance de
l'aimant, la limaille de fer, une aiguille aimantée changent de position de
façon à se disposer à chaque fois selon la même orientation nouvelle. Sus
pendant un petit aimant à un fil et l'abandonnant à lui-même il constate
qu'il s'oriente toujours selon la même direction. Il distinguera cet ensemble
de phénomènes des autres phénomènes en décrivant un certain protocole
(prendre tels corps, les placer de telle façon, etc..) et sa première descrip
tion, sa première découverte sera de constater la présence nécessaire de
deux corrélats: un aimant d'une part et du fer en limaille ou un autre petit
aimant mobile ou la terre (second corrélat qui est loin d'être évident d'au
tant plus qu'il est présent dans chaque expérience mais d'un effet négligea
ble en général vis-à-vis des autres). Il lui reste ensuite à avancer dans la des
cription et il aura fait un pas supplémentaire lorsqu'il aura rapproché l'ac
tion de l'aimant sur l'aiguille aimantée, par exemple, de celle d'un courant
électrique. Il aura ainsi obtenu un autre premier corrélat impliqué dans les
phénomènes magnétiques et les progrés de la théorie atomique aidant il
pourra obtenir un état de description nettement plus avancé en caractéri
sant les phénomènes magnétiques par l'intéraction des charges électriques
en mouvement.2 On mesure la distance parcourue depuis la co-présence de
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 27
tion, et dans cette démarche nous essaierons d'aller aussi loin que possible.
Dans un premier temps nous allons intégrer la notion de configuration
perceptive que nous avons associée de manière biunivoque à chaque "perci-
puum", produit de la juxtaposition d'un percept et de jugements percep-
tuels. Cela nous conduit à proposer une deuxième description des phéno
mènes sémiotiques:
Un phénomène est un phénomène sémiotique si et seulement si:
- un objet d'expérience directe S, cause d'un percept donnant lieu à des ju
gements perceptuels produisant une configuration perceptive caractéristi
que, est présent, de ce fait, à l'esprit d'un interprète. Si l'objet est externe
la configuration consiste en une organisation de stimuli mémorisés par l'in
terprète.
- un second objet est présent à l'esprit de l'interprète du fait qu'une au
tre organisation des stimuli produit une configuration perceptive caractéris
tique de cet objet O, la condition nécessaire étant que cette configuration
perceptive ait déjà été produite dans cet esprit dans une expérience anté
rieure.
- une détermination I de cet esprit consistant dans l'établissement d'une
identité entre une sous-configuration de la configuration associée à S et une
sous-configuration caractéristique de la configuration associée à O, de sorte
que S et sont dyadiquement liés (ou couplés) est produite par l'action de
S.
Une conséquence immédiate est que S, et I sont triadiquement liés
du fait que la sous-configuration caractéristique de est présente dans O,
dans S et dans I, bien que dans ce dernier cas la façon dont elle y est présen
te ne soit guère explicite. Cependant nous aurons l'occasion de le préciser
par la suite en progressant dans la perspective que nous nous sommes fixée.
Convenons sans peine que notre description est encore trop vague. En gros
la conception avancée est que les configurations spécifiques de S et de
sont pour ainsi dire "recollées" par l'esprit suivant une sous-configuration
nécessairement présente dans cet esprit de façon que les objets causes des
expériences, qu'elles aient lieu dans le présent ou qu'elles aient eu lieu dans
le passé, sont objectivement liés (le terme "objectivement" étant à prendre
avec précautions, du moins jusqu'à ce que nous ayons mieux étudié la natu
re de cette liaison). L'esprit, qui fournit l'ingrédient nécessaire à ce recolle
ment de S et de Ο, intervient à part entière dans le phénomène sémiotique.
Il convient maintenant de gagner en précision en nous efforçant de dé
finir de manière rigoureuse les notions de configuration et de sous-configu-
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 29
Figure 3.
Figure 4.
- si maintenant nous prenons un cube tel que sur l'une des faces visibles on
ait représenté un drapeau français, nous obtenons les configurations per
ceptives de la Figure 5 où r désigne une relation d'inclusion d'un rectangle
χ x y dans un carré de côté y de façon qu'un côté de longueur y coïncide
avec un côté du carré ou un côté du rectangle déjà inclus.
Notre définition montre sans équivoque la distance que nous prenons
avec la Gestaltthéorie qu'il était impossible de ne pas évoquer ici. Nous ne
considérons pas la Forme comme une donnée première déposée dans l'Ob-
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 31
Figure 5.
jet mais nous ne rejetons pas la possibilité qu'il en soit ainsi. C'est une
question d'ordre métaphysique qui ne se pose pas dans notre démarche. La
conception constructiviste pour laquelle la genèse des formes est le résultat
de l'expérience emporte notre adhésion pour de multiples raisons qui appa
raîtront par la suite. Néanmoins rien n'interdit de penser que la stabilisa
tion et la permanence de certaines classes isomorphes de configurations
perceptives sont déterminées par une réalité extérieure, de sorte que, pour
nous, cette réalité consiste exactement dans cette stabilité et cette perma
nence. Par contre la parenté de notre définition avec la distinction kantien
ne entre matière et forme est évidente et notre conception de la forme est
tout à fait celle que Peirce exprime en 7.426. Dans ce texte (v.1893), Peirce
après avoir, en suivant Kant, distingué matière et forme de connaissance
décrit cette dernière comme "le squelette d'un ensemble". Il exemplifie
d'abord son propos au moyen de la connexion entre
l'image visuelle d'un oiseau et l'appel qu'il lance, qui contient l'idée-sque-
lette d'une connexion entre deux choses, dont l'idée visuelle est constituée
par deux points connectés par une ligne ou un noeud sur une corde.
Cette idée, dit-il, est faible et dans des circonstances ordinaires on peut
ne pas remarquer l'idée de connexion mais elle est potentiellement présente
et peut être appelée à l'existence si besoin est.
Il termine par un autre exemple que voici:
32 L'ALGEBRE DES SIGNES
Devant moi sur la table se trouve une boîte à peu près cubique, conte
nant un photomètre. Comme je la vois, je vois trois faces. Non seulement
je les vois, ensemble, ce qui les associe par contiguïté; mais je les regarde
comme se joignant pour former un coin carré, et ainsi je les associe au
moyen de l'idée-squelette Δ d'un triplet.
Dans le cas d'un objet interne, en l'absence de stimuli plus ou moins
prégnants, plus ou moins compulsifs, c'est la configuration qui est choisie
en premier et les "blancs" qui sont ensuite remplis par des sensations mé
morisées. On peut ainsi, pour reprendre l'exemple de Peirce, percevoir,
dans un rêve par exemple, un merle blanc, c'est à dire remplir les blancs
d'une idée-squelette à deux blancs par l'image visuelle d'un merle et la cou
leur blanche. On peut aussi connecter les trois couleurs rouge, bleu et jaune
(en pensant,contre toute expérience, que le rouge et le jaune mélangés pro
duisent du bleu) en remplissant de la même manière les blancs d'une idée-
squelette à trois blancs, ce qui permet au poète d'écrire que la terre est
bleue comme une orange! En définitive, pour ce qui nous occupe, il est in
différent que la configuration perceptive considérée soit associée à un objet
externe ou interne.
La notion de sous-configuration ne présente guère de difficultés. Une
sous-configuration d'une configuration perceptive est définie par la donnée
d'un sous-ensemble des stimulis appartenant à cette configuration reliés de
la même façon qu'ils sont reliés dans la configuration. On remarquera im
médiatement qu'il est possible que certains stimuli ne soient reliés à aucun
autre stimulu de la sous-configuration si celui ou ceux auxquels il est relié
dans la configuration n'appartiennent pas au sous-ensemble de stimuli
considéré. Nous exigerons donc qu'une sous-configuration soit une configu
ration, c'est-à-dire que tout stimulus lui appartenant soit relié par une rela
tion au moins dyadique à l'un au moins des autres stimuli du sous-ensem
ble. En d'autres termes nous conservons la propriété de connexité de la
configuration.
Par contre, en vue de définir précisément la notion de sous-configura
tion caractéristique d'un objet nous devons introduire la notion de stabilité
relationnelle.
Considérons un objet externe, par exemple la boîte cubique évoquée
par Peirce. Quelle que soit notre position nous ne verrons jamais que trois
faces en même temps, ces trois faces étant chaque fois associées par "l'idée-
squelette d'un triplet". Autrement dit dans toute configuration perceptive
visuelle associée à cette boîte et en toutes circonstances on trouvera la
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 33
Figure 6.
point de vue. Ceci montre que, même dans le cas d'un objet géométrique
aussi simple qu'un cube, une sous-configuration caractéristique permettant
d'identifier une chose singulière est d'une grande complexité, c'est-à-dire
intéresse un grand nombre de stimuli et un grand nombre de relations. Ce
pendant ce ne sont pas tous les stimuli et toutes les relations qui sont impli
quées comme on le voit par exemple et de façon évidente dans la caricatu
re.
Au demeurant cette idée de la permanence d'une forme dans la per
ception est un pont aux ânes de la phénoménologie. On la trouve notam
ment chez Husserl, par exemple, dans le texte ci-dessous tiré de Idées direc
trices pour une phénoménologie (trad. par Ricoeur, Husserl 1985:131-132).
Je vois continuellement cette table; j'en fais le tour et change comme tou
jours ma position dans l'espace; j'ai sans cesse conscience de l'existence
corporelle d'une seule et même table, de la même table qui en soi demeure
inchangée. Or la perception de la table ne cesse de varier; c'est une série
continue de perceptions changeantes. Je ferme les yeux. Par mes autres
sens je n'ai pas de rapport à la table. Je n'ai plus d'elle aucune perception.
J'ouvre les yeux et la perception reparaît de nouveau. La perception?
Soyons plus exacts. En reparaissant elle n'est à aucun égard individuelle
ment identique. Seule la table est la même: je prends conscience de son
identité dans la conscience synthétique qui rattache la nouvelle perception
au souvenir (...). Non seulement la chose perçue en général, mais toute
partie, toute phase, tout moment survenant à la chose, sont, pour des rai
sons chaque fois identiques, nécessairement transcendantes à la percep
tion, qu'il s'agisse de qualité première ou seconde. La couleur de la chose
vue ne peut par principe être un moment réel de la conscience de couleur;
elle apparaît; mais tandis qu'elle apparaît il est possible et nécessaire qu'au
long de l'expérience qui la légitime l'apparence ne cesse de changer. La
même couleur apparaît "dans" un divers ininterrompu d'esquisses de cou
leur. La même analyse vaut pour chaque qualité sensible et chaque forme
spatiale. Une seule et même forme (donnée corporellement comme identi
que) m'apparaît sans cesse à nouveau "d'une autre manière" , dans des es
quisses de formes toujours autres. Cette situation porte la marque de la
nécessité; de plus elle a manifestement une portée plus générale. Car c'est
uniquement pour des raisons de simplicité que nous avons pris pour exem
ple le cas d'une chose qui apparaît sans changement dans la perception. Il
est aisé d'étendre la description à toute espèce de changements.
Nous n'avons rien à ajouter à ce texte sinon que cette "seule et même
forme" est pour nous une forme de relations présente dans toute configura
tion perceptive produite par la chose et elle est présente à l'état latent dans
l'esprit pourvu qu'un nombre suffisant d'expériences lui aient permis de la
construire. Il nous reste maintenant à décrire les processus qui conduisent à
ANALYSE DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 35
Nous pouvons donc admettre, si besoin est, que les "généraux" sont de
simples mots, sans aucunement dire, comme le supposait Occam, qu'ils
sont réellement individuels.
On retrouve ici l'arbitraire bien connu du signe, linguistique notam
ment, ainsi que la question des langues qui révèle un grand nombre de re
présentations arbitraires. Nous sommes alors conduits à préciser dans notre
caractérisation des phénomènes sémiotiques la notion d'interprétant de fa
çon à décrire avec plus de précision comment l'interprète peut devenir por
teur de ces sous-configurations arbitrairement choisies par des instances qui
lui sont étrangères, puisqu'elles préexistent à son entrée dans la vie sociale.
Peirce s'est peu préoccupé de ces questions, se contentant le plus souvent
d'enregistrer le fait. Ainsi en 3.360 met-il l'accent sur la soumission de l'or
ganisme à des "règles générales". Traitant des "tokens" (symboles) liés à
leur objet en conséquence d'une association mentale qui dépend d'une ha
bitude, il écrit:
Ces signes sont toujours abstraits et généraux parce que les habitudes sont
des règles générales auxquelles l'organisme s'est soumis. Ils sont pour la
plupart conventionnels ou arbitraires. Ils comprennent tous les mots géné
raux, le discours en général et tout moyen de communiquer un jugement.
D'autre part, dans un brouillon de lettre à Lady Welby dont une partie
est reproduite dans le texte n°33 qui définit le signe comme "un médium
pour la communication ou l'extension d'une forme", Peirce définit deux
nouveaux interprétants en plus de l'Interprétant Efficace qui correspond à
l'Interprétant tel que nous l'avons considéré jusqu'ici:
Il y a l'Interprétant Intentionnel, qui est une détermination de l'esprit de
l'émetteur, l'Interprétant Efficace, qui est une détermination de l'esprit de
l'interprète; et l'Interprétant Communicationnel (Communicational), ou
disons le Cominterprétant, qui est une détermination de cet esprit dans le
quel les esprits de l'émetteur et de l'interprète doivent être fusionnés pour
que la communication puisse avoir lieu. Cet esprit peut être appelé le
"commens". Il consiste dans tout ce qui est, et doit être bien compris entre
l'émetteur et l'interprète dès le début, pour que le signe en question rem
plisse sa fonction.
Comme on peut le constater la perspective de Peirce est réduite à la
communication interindividuelle et conduit, si on la prend telle quelle, à
une position théorique difficile à tenir puisqu'il faut supposer un "com
mens" pour chaque couple d'individus communiquant par signes. Par con
tre si on donne à ce concept un caractère universel, c'est-à-dire si on adopte
le principe d'un "commens" unique à l'intérieur d'une "communauté de
38 L'ALGEBRE DES SIGNES
Pour bien aborder ce débat, un premier concept qui paraît s'imposer est
celui de "doctrine informe". En Juin 1970 s'est tenu à Paris un colloque pré
sidé par Georges Canguilhem consacré à la "mathématisation des doctrines
informes". Les intervenants ont immédiatement noté la contradiction appa
rente entre "doctrine" et "informe" , opinion résumée ainsi par Georges Can
guilhem: "une doctrine informe est, puisque c'est une doctrine, c'est-à-dire
une opinion donnée pour savoir communicable, un système plus ou moins
bien cohérent de concepts, relatifs à un secteur ou à un champ local de l'ex
périence humaine". A l'évidence une part considérable des productions ac
tuelles rangées sous les vocables "sémiotique" ou "sémiologie", paraît relever
de l'informe. Notre jugement sur ces productions n'a rien de péjoratif. Il vise
simplement à justifier quelque peu notre prétention à jeter les bases d'une
sémiotique scientifique, ce qui nous contraint à préciser notre conception de
la scientificité vis à vis des phénomènes étudiés et d'abord, nous plaçant sur le
plan de la sociologie de la recherche, à rejeter par avance les accusations
d'impérialisme portées envers la mathématique.
En tant qu'opinion une doctrine informe est marquée par la singularité
de l'expérience ou des expériences du ou de ses auteurs; elle se réfère à un
champ limité de l'expérience humaine, par exemple un texte, un tableau,
parfois même un signe. Mais d'un autre côté le savoir produit sur ce champ
restreint est très dense, très fouillé; le discours y épouse de très près les
arêtes du réel. Par contre des difficultés apparaissent au niveau de la com-
municabilité de ce savoir. Car la doctrine informe, exprimée le plus souvent
en langue courante ou à l'aide de signes ad hoc ne peut être communiquée
qu'à ceux qui possèdent une expérience collatérale de ce champ restreint.
La communication qui lui est associée est quasiment interindividuelle. C'est
la communication "horizontale" inter-spécialistes limitée à ce champ. Plus
importante est la communication "verticale" avec la communauté, ce mot
étant pris dans le sens le plus large possible qui, dans notre perspective, en
globe tous les chercheurs qui centrent leurs travaux sur les phénomènes sé-
miotiques ou dont les travaux sont fortement tributaires de leur étude. Car
le champ de la doctrine n'est pas isolé; il participe à un recouvrement de
l'expérience humaine dont il ne retient que des aspects fragmentaires. Son
découpage est arbitraire, il participe des surdéterminations d'autres champs
et est lui-même surdéterminé par d'autres. De ce point de vue la cohérence
de la doctrine que Canguilhem évoque dans sa définition est davantage un
impératif à respecter pour assurer la communicabilité de la doctrine que
pour répondre à l'on ne sait quelles exigences de rigueur transcendentale.
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 47
Les définitions des termes employés qui ne figurent pas dans le texte sont
regroupées dans l'annexe à laquelle le texte renvoie.
Une structure relationnelle de type fini η (où η est un nombre entier)
est un couple (Χ, α) où X est un ensemble et a une relation n-adique, c'est-
à-dire un sous-ensemble de la nième puissance cartésienne Xn de X:
α = {(Xi)i<n: XiΕX pour tout i<n}
α est donc un ensemble de suites finies ordonnées d'éléments de X, un
sous-ensemble de Xn qui est l'ensemble de toutes ces suites finies encore
appelées n-uples.
Etant donnée une autre structure relationnelle (Y, ß) de même type n,
une application f de X dans Y est dite préserver la structure ou compatible
si
(x 0, x 1, , x n-i) ε α implique (f( x 0 ),f( x 1 ),.....,f(x n - 1 ))εß
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 51
base, retenue dans la section précédente, est qu'elle est "contenue" dans
chacune des configurations perceptives dont l'objet est la cause, c'est-à-
dire, pour employer un langage plus phénoménologique, dans chacune de
ses apparences. Cependant les seules données dont nous disposons sont
précisément ces apparences, ces configurations perceptives, maintenant
structures relationnelles connexes de type fini. Alors, si nous voulons rame
ner un certain ensemble de ces apparences à être des apparences d'un
même objet, il est clair qu'elles doivent nous apparaître liées d'une certaine
façon sinon cette réduction, qu'on peut qualifier d'éidétique, ne serait pas
possible.
La notion de source dans un constructum (B 10) est de toute évidence
la structure formelle adéquate à mettre en rapport avec les observations
précédentes.
En effet, aux (Y., β.) correspondront les différentes configurations per
ceptives et la structure initiale (Χ, α) (B 11) correspondra à une "forme de
relations" associée à l'objet singulier "derrière les apparences" suivant le
schéma de la Figure 7.
Figure 7.
Cette démarche est, de plus, facilitée par le fait qu'un constructum re
lationnel de type fini est initialement complet (B 12), c'est-à-dire que toute
source dans un tel constructum a une structure initiale unique. La tentation
est grande alors de prendre ces notions telles quelles en espérant déduire de
la nature relationnelle des configurations perceptives la nécessité d'objets
générateurs de ces configurations au moyen de notions telles que le produit
cartésien (D 5) ou la limite d'un diagramme (D 7). Une telle démarche
n'est pas sans poser de sérieux problèmes qui ne sont pas seulement techni
ques, car la définition d'un constructum relationnel suffisamment vaste
pour contenir les structures relationnelles associées à tous les objets (qui
54 L'ALGEBRE DES SIGNES
ne sont pas de même type lorsqu'elles sont associées à un même objet) sup
pose de nombreux choix (notamment des hypothèses sur la cardinalité des
ensembles considérés) qui ne sont soutenus ni par l'observation abstractive
ni par des considérations relevant de la science expérimentale. C'est pour
quoi, sans nous interdire d'aborder ultérieurement cette perspective, certes
séduisante, mais qui peut cacher cet instant de la "bifurcation" ou le
fonctionnement harmonieux du modèle distrait et éloigne du phénomène
étudié, nous nous bornerons à intégrer dans notre modèle ce que l'observa
tion abstractive nous permet d'assumer.
Nous considérons donc que, pour un interprète donné, dans l'ensem
ble des configurations perceptives formées dans le cours de son expérience
(ensemble que l'on peut considérer comme fini ce qui revient à accorder
une durée à chaque perception consciente) peut être distingué un ensemble
de sous-ensembles, chacun de ces sous-ensembles étant déterminé et carac
térisé par la donnée d'une configuration unique présente en tant que sous-
configuration dans chacune des configurations perceptives du sous-ensem
ble considéré.
Passant aux structures relationnelles nous aurons donc:
- des sous-ensembles (Y., {βj,i.}iεIj .) de structures relationnelles de type fini.
- pour chacun de ces sous-ensembles une structure relationnelle non trivia
le abstraite (dans le sens que les éléments de l'ensemble sous-jacent X ne
sont déterminés sous aucun rapport, en d'autres termes que ce sont des va
riables libres) notée (X, {αi}iεI), en abrégé (Χ, α), et une famille . d'appli
cations injectives de X dans Y. telles que pour toute relation α sur Χ, Φ.(αi.)
est inclus dans β. ce qui présuppose que le type de la structure relationnelle
de X est "incorporable" dans chacun des types de structure des Y.. En d'au
tres termes l'ensemble des {ni}iεI qui définissent le type de (Χ, α) est inclus
dans l'ensemble des {nj.i}iεI qui définit le type de chacune des configura
tions relationnelles (Y., {ßj,i}iεrj) et ceci quel que soit j . Par extension nous
dirons que les Φ. sont compatibles.
Conformément à nos conclusions de la section 4 du chapitre 1 la struc
ture relationnelle connexe (Χ, α) sera appelée forme d'un objet réel pour
l'interprète considéré, cet objet étant la cause attribuée par l'interprète à la
constitution du sous-ensemble des (Y., {βj,i}iεIj·) et aux ensembles sous-ja-
cents d'éléments prégnants. Dire que cet objet est réel c'est accorder à cet
objet l'indépendance vis à vis de l'interprète et donc admettre que si la cau
se des configurations perceptives est la même pour tout interprète les en
sembles de configurations perceptives peuvent être différents d'un inter-
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 55
prète à l'autre et donc que les formes des objets (au sens ci-dessus) soient
différentes d'un individu à l'autre, ce qui traduit le fait que nous n'avons
pas la même expérience des mêmes objets.
Cependant, la cause étant supposée unique, on peut admettre que ces
formes qui sont autant de structures relationnelles attribuées à cet objet
réel unique par un individu déterminé peuvent à leur tour être agrégées par
une forme unique caractéristique de l'objet. Mais le processus d'aggréga-
tion est social et caractéristique d'une communauté sémiotique. En ce qui
concerne le monde physique la communauté est évidemment l'ensemble
des êtres pensants, c'est-à-dire dotés d'une intelligence scientifique (autre
ment dit capables d'apprendre par expérience). En ce qui concerne les ob
jets internes (comme les concepts) le caractère social et institutionnel des
formes est dominant et explicatif, pour une part, des différences culturelles
par une diversification de fait des expériences individuelles en rapport avec
des aires déterminées. Finalement en procédant de manière analogue mais
cette fois en considérant l'ensemble des formes d'objet réel construites par
des individus d'une communauté déterminée, nous admettons l'existence
d'une forme unique (U, σ), au sens où il existe une injection de (U, σ) com
patible avec les structures relationnelles dans chacune des formes d'objet
que chaque interprète est supposé associer à chaque ensemble de structures
relationnelles mises en correspondances avec les ensembles de configura
tions perceptives produites par un même objet réel.
Autrement dit cette forme d'objet (U, σ) est une sorte de structure
initiale ayant pour source les formes d'objet réel attribuées par chaque
interprète à certains sous-ensembles de configurations perceptives. L'en
semble de notre propos est résumé dans le schéma de la Figure 8.
Toutes les flèches de ce schéma représentent des applications injectives
qui conservent les structures relationnelles dans le sens précisé plus haut.
Donc la forme (U, σ) qui est incorporée par fα, fβ, fγ,...dans les formes (X,
α), (Υ, β), (Ζ, γ), ... est aussi incorporée, par compositon des applications
injectives dans les structures relationnelles correspondant aux différentes
configurations perceptives. L'ensemble du schéma est relatif à un seul objet
réel et la structure relationnelle (U, σ) est la forme universelle ou structure
éidétique de cet objet. Les ensembles sous-jacents U, X, Y, Z,...sont des
ensembles abstraits tandis que les Y.,..., Yk,---, Zj.,..., Z k ,..., Tj.,..., T k ,...
sont des éléments de constructum correspondant à des ensembles de stimuli
prégnants directement liés à l'objet réel.
56 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 8.
n'est pas autre chose que le résultat de la section I.2. Pour ce qui est de
l'objet nous avons à faire intervenir sa forme particulière pour prendre
en charge sa présence à l'esprit de l'interprète dans le phénomène sémioti-
que. Cependant ceci ne peut se faire que dans le cadre des données spéci
fiées en section I.4, à savoir des champs d'interprétant et une sous-configu
ration perceptive de contenue dans la configuration perceptive qui est
modélisée par (Ys, {αis})iεI
Il nous reste donc à traduire en termes formels la relation qui est déjà
là au moment de l'établissement du phénomène sémiotique entre les objets
réels S et O. Cette relation ne peut être approchée et formalisée que com
me relation entre les formes universelles associées respectivement à S et à
et il nous faudra montrer comment cette relation peut s'actualiser dans
une relation entre la structure relationnelle (Ys, {αis}) et la forme particu
lière (Xo, αo). Pour cela nous introduisons une nouvelle notion destinée à
formaliser la relation entre S et O: la notion de correspondance fonction
nelle compatible entre deux structures relationnelles. Dans la définition
générale ci-dessous les notations adoptées sont indépendantes de celles qui
précèdent, cependant α et β représenteront ici aussi des familles de rela
tions n-adiques définies sur les ensembles avec lesquels elles sont couplées.
Etant données deux structures relationnelles (Χ, α) et (Χ, β) une cor
respondance fonctionnelle compatible entre (Χ,α) et (Y,ß) est définie
par la donnée d'un sous-ensemble Γ du produit cartésien X x Y tel que
pour tout χ appartenant à l'ensemble de départ de Γ l'ensemble des (,)ε
contient un seul élément, et vérifiant de plus la condition suivante:
(c) pour tout n-uple (x1,x2,...,xn )εα tel qu'il existe des éléments
1,2.....,n ΕY TELS que (x 1, y 1 )εΓ ' (x2,y2)εΓ.....(xn,yn)εΓ alors le n-uple
(1,2,.....n)εβ·
Nous illustrons cette définition par le schéma (dans le cas η = 3) de la
Figure 9 dans lequel les accolades indiquent que les éléments considérés
sont dans la relation mentionnée.
Remarquons que si α ne contient que la relation vide on retrouve la
notion ordinaire de correspondance entre deux ensembles.
Donc dans la formalisation des phénomènes sémiotiques nous intègre
rons cette notion en retenant le présupposé d'une correspondance compati
ble entre (U°, σ°) et (Us, σs), préalablement à la production du phénomène;
mais nous verrons aussi que dans certains phénomènes sémiotiques une cor
respondance peut être établie par un interprète. Elle n'a pas le même carac
tère d'objectivité que la précédente mais permet néanmoins de rendre
MODÉLISATION DES PHÉNOMÉNES SÉMIOTIQUES 61
Figure 9.
Figure 10.
Alors si on pose
Ω = {(f(uk),hg(vk)),k de l à n}
Ω est un sous-ensemble de Xo x Ys qui définit une correspondance
compatible entre (Xo, a°) et (Ys, {αis})iεI puisque étant donné (f(u1),
f(u2),..., f(un))εα° on a (hg(v1),...,hg(vn))ε{αis}iεI ce qui établit la proposi
tion 2.
Soit maintenant une correspondance compatible Ω entre (Xo, a0) et
(Ys, {αis})iεI telle que (u1,u2,..,un)εσ°_vérifie u1=f(v1),u2=f(v2),... un=f(vn)
avec (ν1ν2,...,νη)εσ°. Si (t 1 .,.t 2 .,t n )εα i s vérifie t1=hg(w1), t2=hg(w2),
...,tn=hg(wn) avec (w1,w2,...,wn)εσs et est tel que (u 1 hg(w 1 ))εΩ, (u2,hg
(w2))εΩ,...,(un,hg(wn))εΩ, on peut alors définir une correspondance Γ
entre (U°, σ°) et (US,σs) par:
Γ = {(v1,W1), (v2,w2),....,(vn, wn)}
et cette correspondance est compatible par construction.
La proposition 1 nous assure donc que si un interprète a formé dans son
esprit une structure relationnelle (Xo, α°), que ce soit par expérience d'un
objet ou par une combinatoire de structures relationnelles associées à
d'autres objets, alors il peut établir une correspondance Ω entre la percep
tion de S et cette structure relationnelle déjà là dans son esprit pourvu
qu'une correspondance Γ soit antérieurement établie entre les objets S et
au moyen d'une correspondance compatible entre leurs structures éidéti-
ques. Cependant l'établissement de cette correspondance ne lui permettra
d'identifier l'objet que s'il lui est possible de "remonter", grâce à des in
férences réalisées dans le contexte de la perception de S, de la correspon
dance Ω à la correspondance Γ. Autrement dit il est nécessaire que les élé
ments de (Xo, a°) impliqués dans la correspondance Ω constituent une
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 63
4. Correspondances conceptuelles
Figure 11.
Figure 12.
objectives) et des relations entre les objets et l'esprit, les unes étant la par
ticularité des autres. Si les secondes sont dyadiques c'est parce qu'elles au-
tonomisent un moment de cette dialectique en laissant en dehors du champ
théorique qu'elles délimitent a priori "le monde réel avec ses relations réel
les". Ces différences apparaîtront peut être mieux si nous les exprimons
dans notre modèle de la section précédente; auparavant nous allons rappe
ler la place des signes linguistiques dans ce modèle.
Dans la configuration perceptive correspondant à un signe linguistique
isolé, comme un substantif, quelle soit causée par un graphisme ou un en
semble de sons, l'objet du signe linguistique est incorporé comme forme
imposée par la culture au moyen de la violence symbolique (voir la section
I.4). Si nous l'exprimons dans le modèle triadique de la section II.2 cela re
vient à dire que l'objet se confond avec sa structure éidétique (U°, σ°) et
donc que toute expression d'un tel signe linguistique n'est pas autre chose
que l'incorporation de cette structure éidétique ou forme dans un matériau
graphique ou phonique (à la production du signe) ou à une identification de
cette structure avec une structure déjà là dans l'esprit de l'interprète (grâce
à son inculcation par la "société institutrice" selon l'expression de R. Lou-
rau) à l'interprétation du signe. Certains éléments, à savoir ceux qui sont
nécessaires à la construction ou à l'interprétation de cette structure, sont es
sentiels: ce sont ceux qui sont retenus, par exemple, dans la reconnaissance
des formes et notamment dans la lecture automatique ou la commande vo
cale par ordinateur. D'autres sont inessentiels: type d'écriture, couleur de
l'encre, taille des lettres, ton de la voix, accent, etc.. Le signe S est bien un
objet physique comme dans le schéma mais l'objet est une configuration
abstraite, une structure relationnelle selon notre formalisation. L'emprein
te psychique ou signifiant de Saussure correspond alors aux éléments de Y
appartenant à la configuration perceptive du signe S mobilisés par la corres
pondance Ω et le signifié à ceux de (U°, σ°) injectés dans (Xo, a°) qui lui est
pratiquement isomorphe lorsque l'interprète "connaît bien sa langue".
Quant à la fonction sémiotique de Hjelmslev on peut sans problème l'iden
tifier à une correspondance analogue à Ω en ce sens qu'elle a lieu entre une
forme incarnée dans S (c'est-à-dire la sous-configuration perceptive carac
téristique qui unit des éléments concrets sources de stimuli sélectionnés) et
la structure relationnelle abstraite de l'objet du signe. Le matériau phoni
que ou graphique apparaît alors comme substance sémiotiquement formée
de l'expression et la structure relationnelle se trouve dotée d'une substance
hypothétique — la pensée — qu'elle informe de la même façon. Les deux
MODÉLISATION DES PHÉNOMÉNES SÉMIOTIQUES 73
Les éléments essentiels du signe peircien sont, nous l'avons vu, le Signe,
l'Objet et l'Interprétant. Cela suffit à montrer combien la conception peir
cienne du signe est tournée vers l'interprétation. Le problème de la prise en
charge théorique de la production des signes dans la perspective peircienne
est donc à tout moment posé comme en écho à celui de l'interprétation.
Une certaine mise au point théorique est donc absolument nécessaire si l'on
souhaite situer les phénomènes sémiotiques dans la perspective de la com
munication, qu'il s'agisse de communication inter-individuelle ou de com
munication de masse.
La première question à laquelle il est indispensable de répondre est la
suivante: si la plupart des auteurs se sont intéressés presqu'exclusivement
au problème de l'interprétation des signes n'est ce pas parce qu'ils considè
rent que leur production serait du même coup décrite par simple réversibili
té? Interprétation et production étant considérés comme des processus to-
74 L'ALGEBRE DES SIGNES
nations dont parle Peirce seraient alors les états de cet automate qui se
raient de deux types correspondant, l'un à l'émission, l'autre à l'interpréta
tion. Cependant, et pour être en accord avec la note de 4.552, ces états
s'exclueraient l'un l'autre. C'est ainsi qu'un signe émis par une personne
peut être interprété par cette même personne et conduire à un objet diffé
rent de celui qu'il était censé représenter, ce que nous faisons par exemple
quand nous interprétons nos propres énoncés. Dans cette hypothèse le Co-
minterprétant serait alors l'ensemble des règles de fonctionnement commu
nes à tous les automates, étant entendu que ces règles sont suffisamment
floues pour expliquer les dysfonctionnements de la communication que
nous observons quotidiennement. En effet si nous concevions un automate
qui établirait des règles de correspondance biunivoques entre les signes et
leurs objets nous ne pourrions rendre compte que de communications réus
sies et la sémiotique se réduirait alors à un décryptage de langages formels
explicites. Il y a, à l'évidence, des possibilités multiples d'association d'un
signe à des objets et d'un objet à des signes dont tout modèle doit tenir
compte.
Nous reviendrons sur cet aspect de la théorie quand nous traiterons des
champs d'interprétants mais nous noterons au passage que cette approche
peut nous permettre d'aborder dans une démarche originale certains des
problèmes de l'intelligence artificielle, la conception triadique du signe
pouvant s'y révéler d'un grand intérêt heuristique.
Examinons maintenant la question de la production des signes du
même point de vue qui a été le notre dans la section I.4, c'est-à-dire en ter
mes de configurations perceptives. Dans l'interprétation il s'agit en quelque
sorte de retrouver dans une forme perçue une relation avec une forme déjà
dans l'esprit (au moyen de la correspondance). La relation à retrouver (ap
pelée Γ) est un institué (par la nature ou la culture) ou quelquefois un insti
tuant. Dans la production le mécanisme est inverse: il s'agit de choisir un
objet d'expérience directe cause de configurations perceptives qui doivent
contenir une forme de relations à transmettre. Cette forme est dans l'esprit
de l'émetteur du signe et doit être transmise de façon à être reconnue par
un éventuel interprète. Ce choix peut, suivant les besoins et les buts de
l'émetteur, se faire dans l'institué ou l'instituant tels que nous les avons dé
crits; l'ambiguïté même peut être recherchée (mais ces cas peuvent être
écartés au début de l'étude et sont sans conséquences sur l'élaboration
théorique). Il y a donc dans la production des signes, autrement dit dans la
genèse des phénomènes sémiotiques, une sorte d'anticipation de l'inter-
MODÉLISATION DES PHÉNOMÉNES SÉMIOTIQUES 77
Eco, disons que si la fumée n'a pas été produite intentionnellement comme
signal par une personne, elle donne naissance certes à un phénomène sé-
miotique et elle est un signe du feu mais puisqu'elle n'a pas de producteur
ce signe ne rentre pas dans le champ des phénonènes de production que
nous étudions actuellement.
Nous dirons donc que, dans une communauté sémiotique définie, à un
moment historiquement daté, par la donnée de champs d'interprétants
spécifiques il y a production d'un signe si et seulement si il y a une détermi
nation de l'esprit d'un producteur consistant dans l'établissement d'une
identité entre, d'une part:
- une sous-configuration associée à un objet présent à l'esprit du produc
teur et préalablement modelée dans son esprit par des expériences anté
rieures de perception de l'objet et, d'autre part
- une sous-configuration d'une configuration perceptive d'un second objet
choisi ou créé par lui.
On dit alors que S est produit comme signe de par le producteur
considéré.
Cependant la description ci-dessus appelle des précisions analogues à
celles que nous avons faites au sujet de la description des phénomènes sé-
miotiques. En effet si cette description semble convenir aux objets singu
liers nous devons aussi montrer qu'elle s'applique aux "objets généraux".
La réponse est identique: la configuration caractéristique associée à chaque
objet général est conventionnellement celle de leurs représentations; leur
être est d'être représenté. C'est le cas par exemple des mots d'une langue
qui ont deux configurations perceptives associées (écrite ou orale) présen
tes dans chacune de leurs occurrences (graphique ou phonique).
De la description nous passons à la formalisation mathématique com
me nous l'avons fait en section I.3, ce qui nous conduit à la définition sui
vante:
la production d'un signe est constituée par la donnée d'un objet appelé
objet du signe, d'un objet S appelé signe et d'une correspondance compati
ble entre la forme individuelle de pour le producteur et la structure
relationnelle associée à ses perceptions de S, cette correspondance étant la
restriction aux images des structures éidétiques de et de S respectivement
dans la forme individuelle de et dans la structure relationnelle associée à
S, d'une correspondance compatible établie antérieurement entre les
structures éidétiques de et de S.
Le schéma illustrant cette formalisation est représenté Figure 13 dans
laquelle on a conservé les mêmes notations qu'en section I.3.
80 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 13.
Figure 14.
Toute notre étude n'a jusqu'ici concerné que des phénomènes sémiotiques
ne mettant en jeu qu'un seul objet, un seul signe, une seule série d'inter
prétants (qui d'ailleurs reste encore à étudier, notamment du point de vue
82 L'ALGEBRE DES SIGNES
dynamique). Même si les objets dont il s'agit sont des objets complexes
quant aux structures relationnelles qui leur sont associées et même s'il s'agit
d'objets généraux ou d'objets multiples (c'est-à-dire des collections d'ob
jets) nous les avons toujours considérés comme des totalités. Par exemple
notre modélisation s'applique à un énoncé du type "Pierre bat Paul" dont
l'objet est le couple (Pierre, Paul) constitué d'une certaine façon par l'objet
général associé au verbe "battre" au présent et qui, en tant que couple ainsi
constitué, a sa propre structure relationnelle. Cependant Pierre et Paul ont
chacun aussi leur propre structure relationnelle tout comme le verbe battre
au présent et il est clair que la structure relationnelle du couple (Pierre,
Paul) n'est pas sans rapport avec celle de ses constituants. L'énoncé "Pierre
bat Paul" peut donc être regardé comme agrégeant d'une certaine manière
des phénomènes sémiotiques impliquant un certain individu, Pierre, un au
tre individu, Paul, et l'idée de "battre", un troisième objet général. L'énon
cé en question peut donc être regardé comme combinant trois autres phé
nomènes sémiotiques de moindre complexité. Ce sont des distinctions de ce
type qui n'ont pas été faites jusqu'ici et on conviendra aisément qu'une étu
de des phénomènes sémiotiques ne serait pas complète s'il n'était pas tenu
compte de ces considérations qui mettent en lumière la nécessité de déve
lopper une théorie combinatoire des phénomènes sémiotiques, ce qui est au
demeurant classique dans une démarche scientifique qui cherche à décrire
le complexe à partir du moins complexe. La complexité qui est ici en cause
est la plus ou moins grande richesse des structures relationnelles mises en
jeu, car on peut tenir pour acquis qu'une totalité est plus complexe que cha
cune des parties qu'on peut y distinguer.
Si notre démarche a pu jusqu'ici ignorer ces distinctions c'est précisé
ment parce que nous avons considéré objet, signe, interprétant chacun ex
clusivement comme une totalité collective présente à l'esprit comme telle.
C'est ce que Peirce appelle un phanéron. Progresser dans l'intelligibilité des
phénomènes sémiotiques implique donc de se préoccuper de l'analyse de
ces phanérons et aussi de leur combinatoire. Ce fut une des grandes préoc
cupations de Peirce. Il appelait phanéroscopie ou quelquefois idéoscopie
l'étude des phanérons et ses catégories phanéroscopiques constituent cer
tainement un de ces aboutissements de la pensée philosophique que l'on
n'accorde qu'aux "maîtres-penseurs". Ce sera l'objet des chapitres suivants
d'essayer de coordonner dans la perspective que nous avons engagée, une
analyse des phanérons avec la description et la formalisation des phénomè
nes sémiotiques de façon à rentrer plus profondément dans l'essence des
MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES SÉMIOTIQUES 83
Modes d'être
Dans le Chapitre I nous avons fait l'hypothèse qu'un objet quelconque était
présent à un esprit dès lors que sa structure eidétique était formée dans cet
esprit. Nous avons souligné, de plus, que cette structure pouvait être for
mée soit par organisation de stimuli sous forme de configuration perceptive
(ce qui nous a donné la possibilité qu'un même ensemble de stimuli puisse
être à l'origine de la présence à l'esprit de plus d'un objet, d'où notre défi
nition du signe), soit par l'activité propre de l'esprit qui lui donne une
"substance" grâce à la mémorisation des sentiments.
En fait, la notion de présence à l'esprit est extrêmement vague. Cette
caractéristique est pleinement revendiquée par Peirce dans ses définitions
du Phanéron au point qu'il répond par avance aux objections qui peuvent
lui être faites à ce sujet. On peut le constater, par exemple, en MS 336 et en
MS 908, deux des textes que nous avons reproduits en annexe C. Cette an
nexe regroupe quelques textes parmi les plus significatifs, tous relatifs au
Phanéron, à ses éléments indécomposables et aux catégories phanéroscopi-
ques. Une étude à prétention exhaustive comparable à celle que nous avons
faite pour la notion peircienne de signe ne s'est pas révélée nécessaire, Peir-
86 L'ALGEBRE DES SIGNES
ce n'ayant jamais varié sur ce point, pour autant que notre examen de ses
écrits à notre disposition permette de l'affirmer. Par contre, pour ce qui est
des justifications relatives à la décomposition en éléments indécomposables
en liaison avec la définition des catégories phanéroscopiques nous constate
rons, non pas une évolution de ses conceptions, mais plutôt une évolution
et un accroissement des justifications qu'il avance. C'est ce que nous nous
sommes efforcés de mettre en évidence dans le choix de nos textes.
Dans la première section nous voudrions montrer que notre thèse per
met de préciser, en lui donnant une expression mathématisée, cette vague
notion de présence à l'esprit sans en diminuer l'extension. C'est une voie
qui est recommandée par Peirce, bien que d'une manière très vague enco
re, lorsqu'il écrit:
Une phénoménologie qui ne compte pas avec les mathématiques pures,
une science à peine venue à l'âge de raison quand Hegel écrivit, sera la
même pitoyable affaire boiteuse qu'Hegel à produite. (5.40)
Notre thèse corrélant présence à l'esprit d'un objet et création par l'es
prit d'une structure consistant en une "forme de relations" débouche inévi
tablement sur une algébrisation de la phénoménologie.
Peirce définit le Phanéron comme "tout ce qui est présent à l'esprit ou peut
se présenter à l'esprit en quelque sens que ce soit". Il n'a jamais varié sur
cette définition et les exemples qu'il en donne ne laissent aucun doute sur sa
volonté de préserver l'extrême généralité de cette notion. Deledalle (1978)
note que ce terme est équivalent, pour Peirce, à "phénomène" et qu'il les
utilise indistinctement. Peirce forge néanmoins ce mot nouveau pour se
prémunir des "associations par contiguïté" et surtout de l'écueil du psycho-
logisme qu'il décèle même chez Husserl qui pourtant s'en défend (4.7).
C'est aussi pour lui "le contenu total d'une conscience quelconque", ce qui
montre que le Phaneron n'est ni un fait extérieur existant en soi, ni un fait
intérieur (ou fait de conscience) n'existant que dans la conscience mais un
fait qui implique à la fois la conscience et quelque chose d'autre qui sera re
connu ultérieurement, par inférences, comme étant conditionné par une
réalité extérieure.
Notre hypothèse suivant laquelle la présence à l'esprit d'un objet est
corrélative de la formation par cet esprit de la structure éidétique caracté-
MODES D'ETRE 87
ristique de cet objet peut être étendue au Phanéron tout entier. En effet le
Phanéron, en tant que totalité collective, en tant que contenu total de la
conscience d'un sujet peut être aussi regardé comme une totalité distributi
ve c'est-à-dire comme un ensemble d'objets présents à l'esprit, ce qui per
met de le mettre en correspondance avec la formation par l'esprit d'autant
de structures éidétiques qu'il y a d'objets dans cette totalité. Or toutes ces
structures éidétiques sont nécessairement incluses dans une structure rela
tionnelle associée à une configuration perceptive qui peut résulter soit
d'une perception actuelle soit de la mémorisation de perceptions antérieu
res. Cette configuration perceptive résulte, nous l'avons vu, de l'organisa
tion formelle d'une masse de stimuli en provenance de l'extérieur, en der
nière analyse. Elle participe donc du monde extérieur puisqu'elle y puise sa
"substance" (les stimulis actuels ou passés) et du monde intérieur qui lui
donne Sa forme, à savoir une forme de relations. Notre hypothèse implique
donc, puisqu'aucune structure eidétique ne peut exister sans "substance",
que le Phanéron coexiste nécessairement avec une configuration perceptive
dans laquelle la structure éidétique de chacun des objets que contient le
phaneron peut être incorporée. Cela revient donc à considérer l'esprit com
me un producteur de jugements perceptuels formalisables en structures re
lationnelles et ce qui est présent ou possiblement présent à un instant donné
à un esprit, c'est donc tout objet dont la structure éidétique est formelle
ment incorporable dans la structure relationnelle. Par exemple si nous
étions à cet instant seuls au monde devant un cube dont toutes les faces se
raient blanches sauf une, visible, comportant un drapeau français nous au
rions dans notre esprit la forme de relations précisée dans le chapitre I en
tant que forme organisatrice des divers stimuli provenant du cube, et cube
et drapeau français seraient deux objets parmi d'autres possibles. Nous ob
tiendrions le même résultat et même plus sûrement en pensant à un tel
cube.
Afin d'achever l'établissement de la correspondance entre Phanéron et
structures éidétiques dont nous venons de voir qu'elle nécessite la prise en
considération d'une configuration perceptive, examinons de plus près la
conception peircienne du Phanéron telle qu'elle est détaillée dans le MS
908, assurément l'un des textes les plus importants que Peirce ait écrits sur
ce sujet. Le Phaneron, écrit-il "est entièrement constitué de qualités de sen
timents aussi vrai que l'espace est entièrement fait de points" et, plus loin,
poursuivant cette comparaison avec l'espace, il avance l'idée que ces quali
tés de sentiments sont organisées par des relations qui résultent toutes de la
88 L'ALGEBRE DES SIGNES
objets extérieurs présents à l'esprit. Il est clair que les qualités de senti
ments causées par les stimuli n'épuisent pas le contenu du phanéron; il doit
y avoir dans le phaneron des éléments qui correspondent d'une certaine
manière aux jugements perceptuels, des éléments qui sont la "substance"
de la famille des relations. Tout jugement perceptuel concerne un certain
nombre de stimuli. Il est l'équivalent d'un prédicat à autant de places qu'il
y a de stimuli impliqués. Il y a donc dans le phanéron des éléments qui cor
respondent biunivoquement aux différents jugements perceptuels; ces élé
ments sont des idées ou sentiments de relation; il y en a autant que de sous-
ensembles de l'ensemble des stimuli qui sont reliés par un jugement percep
tuel. C'est ce que l'on peut lire jusqu'à un certain point dans ce texte de
Peirce:
Mais nous semblons être capables de distinguer grossièrement entre une
matière de cognition, comme Kant l'appelait, exercée sur nous par le mys
térieux pouvoir extérieur et intérieur, et le squelette d'un ensemble, dans
la production duquel nous ressentons comme si nous avions eu une liberté
comparative, lequel squelette est à peu près ce que Kant appelait la forme
de la cognition. (7.426)
et d'une autre façon dans celui-ci:
Un concept est l'influence vivante sur nous d'un diagramme, ou icône,
avec diverses parties duquel sont connectés dans la pensée un nombre égal
de sentiments ou d'idées. La loi de l'esprit est que le sentiment et les idées
s'unissent dans la pensée de façon à former un système. (7.467)
Ou encore dans cette "Introduction à un traité de logique" écrite direc
tement en français le 4 Octobre 1898:
Chaque qualité à chaque présentation a son degré d'intensité. Aussi ces
qualités se présentent en assemblages, en faisceaux qui se distinguent par
leurs différents lieux à chaque instant. Un tel faisceau est ce que nous ap
pelons un objet aperçu ou un percept.
Enfin il est peut être permis de penser, mais cela ne peut être qu'une
conjecture très probablement invérifiable dans l'état actuel des connaissan
ces, que ces idées de relation sont réalisées dans le cerveau humain en tant
que constellations neuroniques mises en état d'excitation par des sensations
véhiculées par le système nerveux, les noeuds correspondant aux qualités
de sentiment et les connexions des noeuds entre eux à leurs relations, une
relation n-adique reliant conjointement η noeuds excités. L'expérience du
sujet aurait pour effet de stabiliser les constellations correspondant aux
structures éidétiques (habitus perceptif) associées aux objets à la façon des
90 L'ALGEBRE DES SIGNES
C'est une gageure que de suivre dans la masse des écrits de Peirce les che
minements de sa pensée vers la mise en évidence d'éléments indécomposa
bles du phanéron et les catégories phanéroscopiques. Car sans se déjuger il
les a mis en évidence par des considérations relevant aussi bien de la méta
physique que de la logique formelle ou encore en les tirant par induction de
l'observation du Phanéron. Ce n'est pas notre projet, que de nombreux au
teurs ont d'ailleurs a peu près réalisé avec des fortunes diverses, mais en
tous cas mieux que nous ne saurions le faire. Cependant il n'est pas inutile
de distinguer les démarches apparemment différentes mais convergentes
qui l'ont conduit à cette "triadomanie" dont le taxaient, écrira-t-il, des gens
qui appartenaient "à cette famille d'esprits auxquels les mathématiques,
même les plus simples, semblent un livre fermé" (1.568, 1910). Le 12 Oc
tobre 1904 il écrivait à Lady Welby: " Aussi déplaisant qu'il soit d'attribuer
des significations à des nombres et à une triade surtout, c'est aussi vrai que
déplaisant". (8.328)
Il est certain qu'à l'origine il y a une réflexion extrêmement approfon
die sur les catégories de Kant, ces concepts purs de l'entendement qui s'ap
pliquent aux objets de l'intuition en général: "J'ai cru, écrit-il, plus implici
tement dans les deux tables des fonctions du Jugement et les Catégories que
si elles avaient été descendues du Sinaï" (4.2). Ce n'est que peu à peu qu'il
s'est éloigné de cette croyance quasi-religieuse après avoir reconnu qu'il y
avait quelque chose d'erroné dans la logique formelle de Kant, et notam
ment dans sa liste des catégories déduite des formes logiques du jugement
(voir 4.2). Cependant c'est grâce à ses travaux sur la logique des "relatifs"
qu'il lui fut possible d'avancer d'autres justifications basées sur la possibilité
formelle de réduire les prédicats polyadiques à des combinaisons de prédi
cats au plus triadiques (nous aborderons cette étude dans la section suivan
te). Mais comme on peut le voir dans le MS 908 de l'annexe C, il est possi
ble de procéder par analogie à la décomposition du phaneron en éléments
indécomposables de trois espèces en utilisant comme support le modèle des
valences des éléments chimiques.
Résumons en mettant en évidence les différentes étapes du raisonne
ment de Peirce l'argumentation du MS 908:
MODES D'ÊTRE 91
alors la tétrade implique aussi une nouvelle dyade dont l'un des membres
est cette paire et l'autre l'un des deux autres objets impliquant ainsi une
triade et cette dernière paire est unie au dernier élément formant ainsi une
nouvelle triade. La tétrade est ainsi logiquement analysée en une "série" de
triades et la même méthode est applicable sans difficulté à des polyades
d'ordre supérieur qui seraient des constituants du Phanéron. Nous étudie
rons de manière plus approfondie dans la section 3 cette question de la ré
duction triadique des polyades d'ordre supérieur à 3; cependant nous obser
verons dans l'immédiat que Peirce considère dans ce manuscrit que ce sont
certains objets du phanéron qui assument l'établissement des relations n-
adiques dans le phanéron. En d'autres termes, par exemple, dans une rela
tion triadique effective entre trois objets la relation formelle n'est pas exté
rieure au triplet formé par ces trois objets mais est apportée par l'un d'entre
eux mettant en relation les deux autres. Pour ce qui est de la tétrade , Peir
ce n'a donc qu'à itérer son raisonnement après avoir donné à la paire le sta
tut d'élément pour obtenir le résultat annoncé.
7. Peirce s'interroge alors sur la force de conviction de tels arguments. Il
a l'habitude d'être incompris. Il a souvent couvert de sarcasmes les "soi-di
sant penseurs". Le lecteur lira avec amusement le début de sa lettre à Wil
liam James datée du 3 Octobre 1904 (8.286 et 8.287), dans laquelle Peirce
se déclare vexé que James (qu'il ne rangeait pas dans cette catégorie) "ne
comprenne pas un mot" de ce qu'il lui écrit et se déclare victime d'une sorte
d'a priori d'incompréhension de la part de son ami. Alors comme il l'a sou
vent fait, étant assuré de la vérité de ses conclusions (puisqu'elles sont "a
priori" ) il ne doute pas que les lecteurs qui, pour des raisons diverses, ne
peuvent être convaincus par ce qui précède, le seront simplement par l'ob
servation directe des phanérons. Souvent, d'ailleurs,il s'est limité à faire ap
pel à l'observation, renonçant à la preuve a priori (par exemple en 1.23,
1.284, 1.286, 1.290, 1.417,..) En 5.469, il écrit:
Puisque la démonstration de cette proposition [les trois degrés de valence
des concepts indécomposables] est trop dure pour la logique infantile de
notre temps (laquelle, cependant, éveille rapidement l'esprit) j'ai préféré
l'asserter de manière problématique, comme une conjecture devant être
vérifiée par observation.
8. Après avoir donné une réponse évidemment négative à la question se
lon laquelle une triade pourrait être construite à l'aide de dyades, il passe à
l'examen effectif des contenus du phaneron et montre qu'il y a dans le pha-
MODES D'ÊTRES 93
néron des éléments logiquement indécomposables qui sont comme ils sont
tels qu'ils sont, sans considérer quoi que ce soit d'autre et il cite en exemple
la couleur de la cire à cacheter posée devant lui, sur son bureau, qui est
donc un Priman. Il conclut par ailleurs que le contenu entier de la conscien
ce immédiate est fait de tels éléments par cette formule: "être conscient
n'est rien d'autre que ressentir".
9. Le phanéron étant ainsi constitué est comparable à l'espace qui est
constitué de points, d'un certain point de vue. Mais tout comme cette
conception de l'espace est impuissante à rendre compte des propriétés
connues de l'espace, la conception du phanéron correspondante ne peut
rendre compte des contenus observés dans le phanéron, car il y a dans le
phanéron des Secondans authentiques; par exemple, la connexion de senti
ments d'effort et de résistance qui sont sommés dans la conscience.
10. après quelques considérations d'ordre psychologique relatives à la fa
çon dont s'exerce l'effet compulsif du monde extérieur sur le monde inté
rieur, le manuscrit s'achève avant que ne soient exhibés des exemples de
Tertians, mais ces exemples sont tellement abondants par ailleurs qu'il est
inutile de les citer.
Ainsi, Peirce distingue dans le Phanéron trois types d'éléments indé
composables et seulement trois. Ces distinctions concernent la forme exter
ne du phanéron et ne sont pas des éléments existants. Ce sont:
- les Tertians qui connectent trois éléments (existants) de façon que deux
d'entre eux soient unis dans le troisième.
- les Secondans qui connectent deux éléments (existants) et qui sont logi
quement nécessaires dès lors que des Tertians ont été distingués.
- les Primans qui sont attachés à chaque élément existant sans se confondre
avec aucun d'entre eux, sauf abus de langage consistant à identifier une
chose avec la qualité de sentiment qu'elle produit en tant que totalité col
lective.
Cependant, puisque les structures relationnelles sont les universaux
mathématiques associés aux configurations perceptives et puisque ces der
nières ont avec le phanéron les rapports étroits que nous venons d'étudier,
il doit être possible de retrouver de manière purement formelle des élé
ments indécomposables dans les structures relationnelles. Nous allons donc
examiner et interpréter les conditions formelles pour qu'une structure rela
tionnelle soit réductible en éléments formels correspondant aux éléments
indécomposables du phanéron.
94 L'ALGEBRE DES SIGNES
Dans cette section nous suivrons de très près l'excellent travail de Hans G.
Herzberger "Peirce's Remarkable Theorem" (1981) en l'adaptant à notre
choix des structures relationnelles comme universaux mathématiques spéci
fiques.
Nous conduirons l'étude en considérant une structure relationnelle de
type fini η telle que nous l'avons définie au début de la section 2 du chapitre
II, à savoir un couple (Χ,α) ou X est un ensemble et α une relation n-adi-
que, c'est-à-dire un sous-ensemble de la nième puissance cartésienne de X.
Les résultats s'étendront sans difficulté à des structures relationnelles de
type {ni}iεI.
Nous introduisons la notion de produit relatif de structures relationnel
les.
Soient (Χ, α) une structure relationnelle de type η sur X et (Χ, β) une
structure relationnelle de type m sur le même ensemble X. On appelle pro
duit relatif de (Χ, α) par (Χ, β) et on note (Χ, α * β) la structure relation
nelle de type η + m — 2 définie par la relation définie en extension par le
sous-ensemble de la (n + m - 2)ième puissance cartésienne de X formé par
les séquences finies:
(x1,x2,..,xn-l,y2,y3,...,ym) ε α* β si et seulement si il existe uεX tel que
(x1,.x2,...,.xn-1.u)ε aαet (u,y2,y3,..,ym) ε β
On dira qu'une structure relationnelle (Χ,τ) est relaivement décompo
sable sur un ensemble = {(X, ti)}iεIde structures relationnelles si et seu
lement si (Χ, τ) est le produit relatif d'un ensemble de structures relation
nelles de K.
On dira qu'une structure relationnelle (Χ,τ) est relativement décompo
sable sur un ensemble = {(X, ti)}iεIde structures relationnelles si et seu-
composable sur un ensemble de structures relationnelles sur D de type
inférieur à n.
Le Tableau 1 indique le type de structure relationnelle obtenu par pro
duit relatif de structures relationnelles de type r e t s ( l ≤ r ≤ 3 , l ≤ s ≤ 3 ) ,
qui est une structure relationnelle de type (r—l)+(s—l)=r+s—2 et montre
qu'en faisant le produit relatif de structures relationnelles de type 1 ou 2 on
ne peut obtenir de structure relationnelle de type supérieur à 2 ce qu'on
peut exprimer ainsi:
Toute structure relationnelle de type inférieur ou égal à 3 est absolu
ment relativement irréductible.
MODES D'ÊTRE 95
Tableau 1.
s r + s-2
1 1 0
2 1 1
2 2 2
3 2 3
3 3 4
(y1,y2,z3,z4) = ( Zl ,z 2 ,y 3 ,y 4 ) = (y1,y2,y3,y4) ε α
Donc on a montré que α1 * α2 est inclus dans a.
Inversement si (x1,x2,x3,x4) ε α , alors (x1,x2,x*) ε α1 et (x*,x3,x4) ε α2
donc (x 1 x 2 ,x 3 ,x 4 ) ε α1* α2 et α est inclus dans α1 * a2
On a donc bien α1 * α2 = α et (Χ, α1 * α2) = (Χ, α) ce qui exprime que
α est relativement réductible sur X.
2. Si la cardinalité de α est supérieure à celle de X on peut adjoindre à X
suffisamment d'éléments ou, autrement dit, on peut plonger X dans un en
semble Xo de façon à avoir card α = card X o . On peut alors par une dé
monstration identique montrer que α est relativement réductible sur X. On
notera par la suite que si on adjoint à X juste assez d'éléments pour que
card α = card Xo alors les éléments de X sont aussi des images d'éléments
de α par Φ et cette propriété subsiste nécessairement pour certains d'entre
eux tant que le cardinal du complémentaire X dans X o (soit X o — X) n'ex
cède par le cardinal de a. Ce résultat s'étend sans difficulté à la réductibilité
des structures relationnelles de type η > 4 soit par itération de la construc
tion précédente en décomposant la relation de type η en produit relatif de
MODES D'ÊTRES 97
η.2 triades sur le même domaine, soit en procédant par récurrence sur n.
Cependant la condition est toujours la même: pour que cette preuve soit
valable il est nécessaire que le domaine X soit suffisamment "grand" pour
qu'il soit possible de définir une injection de α dans X ou que, dans le cas
contraire, il soit plongé dans un domaine plus grand offrant cette possibilité,
mais alors la réduction s'opère sur ce dernier ensemble.
Herzberger montre ensuite que le théorème de réduction subsiste lors
qu'on procède à une première généralisation qui consiste à s'affranchir de
l'arrangement linéaire des corrélats qui impose dans le produit relatif de
concaténer deux relations au moyen du dernier argument de l'une "indéfi
niment identifié" avec le premier de l'autre. En particulier il s'agit de pro
céder à la même identification mais entre le ième argument de l'une et le j l è "
me
, de l'autre, ce qui résulte d'une combinaison de certaines opérations (que
nous allons définir) et d'un produit relatif. Il définit donc une "algèbre de
chaînes" (bonding algebra) au moyen de cinq opérations sur les relations
ainsi définies.
Si x= (x 1 x 2 ...,x n ) ε α on lui associe les relations suivantes:
m(α) = {( 2 ,x 3 .,..x n ,x 1 ): (x 1 ,x 2 ,...,x n ) ε α}
n(α) = {(x 2 ,x 1 ,.....,x n ,): (x 1 ,x 2 ,...,x n ) ε α}
g(α) = {(x 1 ,x 2 ,...,x n-2 ): (x 1 ,x 2 ,...,x n ,x n ) ε α}
c(α) = {(y 1 ,y 2 ,...,y n ): (y 1 ,y 2 ,...,y n ) ε α}
et toujours, bien entendu, le produit relatif.
Alors par exemple la combinaison de deux relations au moyen du ième
argument de la première (α 1 ) avec le j è m e de la seconde (α 2 ) (combinaison
notée *ij.. ) s'écrit comme un produit relatif:
mi(α1) * mj-1(α2) = α1 *ij.. α2
Ces cinq opérations de base constituent un système qui suffit à engen
drer pratiquement toutes les remarques de Peirce sur la définition et la
composition des concepts. Elles donnent lieu à une nouvelle notion de dé
composition: une relation α de type η est algébriquement décomposable en
chaînes (bonding-algebrically definable) sur un ensemble de relations si
et seulement si α peut être engendrée par application répétée des cinq opé
rations de base (*,m,n,g,c) de l'algèbre des chaînes.
Et aussi à une nouvelle notion de réductibilité: une relation α de type
η est algébriquement réductible en chaînes dans un domaine X si et seule
ment si elle est algébriquement décomposable en chaînes sur un ensemble
de relations, chacune étant de type inférieur à n.
98 L'ALGEBRE DES SIGNES
Il est clair que puisque le produit relatif est l'une des opérations et
qu'aucune des autres n'augmente le type de la relation à laquelle on l'appli
que, le théorème de réduction est encore valable avec les mêmes conditions
que dans le cas précédent.
Une autre généralisation consiste, sur le modèle de la chimie, à combi
ner les polyades simultanément par plusieurs de leurs arguments. On ob
tient alors la "règle de valence" suivante: la combinaison d'une n-ade avec
une m-ade donne une [n+m—2μ]-ade, où μ est le nombre d'arguments
communs.
Il est clair que le produit relatif satisfait à la règle de valence. Cette
généralisation conduit au résultat suivant: le théorème de réduction est va
lable pour tout processus définitionnel qui respecte la règle de valence et
est assez riche pour permettre la formation de produits relatifs.
Herzberger examine ensuite le problème de la triple jonction qui com
bine les relations de la façon suivante: si α, β, γ sont trois relations respecti
vement de types n, m, ρ on pose:
t(α, β, γ) = {(x1,x2,...,xn+m+p_3) tels qu'il existe u vérifiant
(X1'X2,............,xn-1,u) ε α ; (xn,xn+1=,, X
n+m-2,u) εß et
γ v γ
(xn+m, ,X t i1?...,X , 0 ,U) ε u)ε n+nr n+m+1' 'x n + m + p - 3 ',u)ε et
Il s'agit d'une opération qui n'est pas dérivable de celles définies dans
l'algèbre des chaînes et qui n'est pas conforme à la règle de valence. Appli
quée à trois dyades elle donne le diagramme de la Figure 15
Figure 15.
jets, c'est-à-dire comme un tout collectif et non comme une suite d'élé
ments qui est un tout distributif. Peirce était d'ailleurs conscient de l'écart
qui s'établissait entre sa logique et celle des autres logiciens de son temps
lorsqu'il prit connaissance des travaux de Kempe (mémoire intitulé "Theo
ry of Mathematical Forms") et y découvrit "une formidable objection à ses
vues" (3.423) qui le conduisit à "modifier quelque peu sa position, mais pas
à l'abandonner". Et il analyse que la différence entre les conceptions de
Kempe et les siennes provient du fait que les diagrammes de Kempe ne ren
voient qu'à eux-mêmes (self contained relations), l'idée qu'ils représentent
quelque chose étant écartée, tandis que ses propres diagrammes dépendent
de leur connexion avec la nature. Il s'ensuit que l'idée de Tiercéité ou mé
diation n'est presque jamais discernable chez Kempe et Peirce montre bien
comment on peut la retrouver et comment on peut retrouver les idées de
Priméité, Secondéité et Tiercéité dans les diagrammes de Kempe. Il montre
(3.424) alors que la relation triadique "A donne à C" peut s'exprimer à
l'aide de l'adjonction d'un élément (l'abstraction "cette action") à l'univers
des choses concrètes. C'est exactement la définition de la triple-jonction et
le mécanisme de la décomposition proposée par Herzberger qui fait appel à
un élément (qu'il note r* et que nous avons noté u) image du triplet (r1,r2,r3)
par une injection dans le domaine de la relation supposé assez grand (mais
auquel des éléments ad-hoc peuvent être adjoints). L'élément considéré
par Peirce ("cette action") joue exactement le rôle de r*. Cependant la re
marque qui suit prend toute son importance pour apprécier l'écart des
conceptions de Peirce avec celles qui dominent dans la logique d'au
jourd'hui: " Mais je remarque que le diagramme ne peut fournir une re
présentation formelle de la manière dont cette idée abstraite est dérivée des
idées concrètes." C'est précisément la difficulté que les conceptions de Peir
ce peuvent résoudre. Il s'agit de rien de moins dit Peirce que de saisir au vol
certains éléments de pensée et pour faire cela il faut procéder à une trans
mutation de l'algèbre de la logique.
Si nous regardons de plus près comment Herzberger procède pour dé
montrer le théorème de réduction dans le cas du produit relatif (T3) nous
voyons qu'il suppose vérifiée une condition, à savoir que le domaine de la
relation est suffisamment grand, ce qui revient à adjoindre à tout n-uple un
élément qui est en fait la valeur d'une application définie sur les n-uples et
à valeurs dans un ensemble ad-hoc. Cette application peut finalement être
représentée dans le cas de la tétrade par le symbole (—,—,—,—) où les
traits sont les marque-place de la notation habituelle des n-uples; c'est une
102 L'ALGEBRE DES SIGNES
mulus sélectionné et, de plus, une idée ou sentiment de relation par juge
ment perceptuel portant sur ces stimulus.
Si l'on examine dans une structure relationnelle correspondant à une
configuration perceptive d'un objet la sous-structure (U, σ) qui y est incor
porée (en somme on ne considère que ce qul est essentiel), on voit qu'à
chaque (n-l)-uple de l'une des relations constitutive de σ sont associées (n-
1) qualités de sentiments correspondant chacune à un stimulus de ce (n-1)-
uple et une idée ou sentiment de relation supplémentaire unique pour cha
que (n-l)-uple. Autrement dit, en prenant en compte les résultats de la sec
tion précédente, la structure éidétique (U, σ) est plongée dans une structu
re de Peirce (U°, σ°) où U° est un ensemble de même cardinalité que la
somme des cardinaux de U et de σ et σ° la famille des relations formée à
partir de σ de la manière suivante:
de l'activité de notre esprit dans ses relations avec le monde extérieur sont
descriptibles en termes de produit relatif de structures relationnelles de
type 1,2 et 3.
Cependant la décomposition effective s'effectue dans (U°, σ°) grâce
aux éléments du type de Φ(x1,x2,...,xn-1 ) qui représentent des éléments
mentaux correspondant aux jugements perceptuels. Les structures éidéti-
ques qui sont ainsi algébriquement décomposées peuvent être considérées
d'un double point de vue:
- en tant que réalités autonomes (même si ce sont des réalités construites)
c'est-à-dire indépendantes de tout élément mental subjectif qui a servi de
support ("d'échafaudage") à leur construction et qui est utilisé dans la ré
duction triadique comme une sorte d'artefact ou d'auxiliaire pour obtenir la
décomposition formelle des structures éidétiques. Cette démarche est évi
demment justifiée par le fait que la décomposition en formes de relations
est totalement indépendante des éléments existentiels dans lesquels ces for
mes sont incorporées, que ce soient des stimuli, des mémorisations d'expé
riences ou des déterminations d'un esprit. Une fois que la décomposition
est effective ces éléments peuvent être effacés.
- en tant que réalités présentes à l'esprit ici et maintenant et incorporant
un élément mental qui est le support existentiel de la structure formelle. A
chaque "élément structurel" ou forme de relations de la structure éidétique
vient s'ajouter un élément mental qui l'incorpore dans une autre structure
formelle qui autorise la décomposition triadique. Si nous regardons com
ment sont ainsi incorporés les éléments de la décomposition (éléments in
décomposables) qui sont des structures relationnelles de type 1,2 ou 3 nous
voyons évidemment que les structures de type 1 monadiques sont incorpo
rées dans des structures de type 2 dyadiques, les éléments de type 2 dyadi-
ques sont incorporés dans des structures de type 3 triadiques et les éléments
de type 3 triadiques dans des structures de type 4 tétradiques.
Par exemple la structure éidétique du drapeau français du chapitre I
reproduite Figure 16
Figure 16.
108 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 17.
dent et il n'est pas besoin d'être enfant pour les évoquer; beaucoup d'adul
tes aujourd'hui qui se livrent à certaines pratiques ésotériques (dont la vo
gue est certainement redue au fossé qui ne cesse de se creuser entre la
science et le sens commun) recollent objets internes et objets externes dans
des cosmologies plus ou moins cohérentes qui restent sans danger tant
qu'elles limitent leurs ambitions à transformer les mondes internes des au
tres par le militantisme de la "bonne" parole.
Cependant notre propos n'est pas de nous interroger, et encore moins
de porter un jugement, sur la validité de ces constructions. L'étude du pha-
neron, dans le cas restreint qui nous occupe actuellement, à savoir la pré
sence à l'esprit d'un objet, n'est pas concernée par ces problèmes ni même
par les distinctions du type objet externe/objet interne ou objet "mixte"
même si la source de toute expérience et donc la genèse des structures éi-
détiques est rapportée à un monde extérieur donné dans des percepts. Des
objets sont présents à un esprit dès lors que cet esprit a formé leur structure
éidétique. Ces structures sont décomposables en produits relatifs de struc
tures relationnelles de type 1,2 ou 3; ce que nous devons maintenant étu
dier en détail ce sont la nature et les modes de décomposition/recomposi
tion des éléments indécomposables à la lumière des résultats de la section
précédente.
Pour cela nous allons examiner systématiquement les résultats de la
décomposition des polyades jusqu'à un type n-adique suffisant pour que
tous les types d'éléments indécomposables apparaissent. Nous présentons
les résultats dans le Tableau 2 qui fait apparaître dans la première colonne
les éléments possibles de la structure éidétique (U, σ) dans laquelle les qua
lités de sentiment sont représentées par des disques pleins, dans la deuxiè
me colonne les éléments correpondants de (U°, σ°) parmi lesquels le senti
ment de relation n-adique est représenté par un cercle indexé par le type de
la relation. Une relation n-adique sera représentée par un "peigne" com
portant autant de dents que le type de la relation. Dans la troisième colon
ne figurent les décompositions formelles sur U°, dans la quatrième les types
d'éléments obtenus dans la décomposition et dans la dernière leur recom
position, étant entendu que les cercles communs doivent être "oubliés", à
la manière des traits de construction d'une figure géométrique effectuée à
la règle et au compas.
MODES D'ÊTRE 111
Tableau 2.
Figure 18.
Figure 19.
Figure 20.
MODES D'ÊTRES 113
Figure 21.
Cet exemple illustre bien la dualité constante des points de vue qu'il
faut impérativement respecter et il montre du même coup la pertinence de
la formalisation adoptée pour en assurer la gestion théorique. En effet, P,
Q, R représentent à la fois des existants (des déterminations d'un esprit qui
unit deux qualités de sentiment) et, à ce titre ils sont des points d'aboutisse
ment des lignes et aussi en tant que noeuds d'où sortent des ramifications à
trois branches (des "trifurcations") ils représentent des idées ou sentiments
de relation entre des existants qui sont représentés aux extrémités de chacu
ne des branches.
Si nous examinons les types des éléments obtenus dans la décomposi
tion de (U°, σ°) dans la quatrième colonne, nous constatons qu'ils sont de
type 2 ou 3, qu'ils comportent tous une ou deux idées ou sentiments de rela
tion (considérés comme détermination d'un esprit) et une ou deux qualités
de sentiments produits par des stimulis originés dans l'objet. Les éléments
de la décomposition de (U°, σ°), la structure "vécue", sont donc de même
nature que la structure elle même à savoir que chacun d'eux contient un
élément mental. On retrouve ici cette idée déja énoncée en section 2 du
chapitre I selon laquelle les phénomènes sont conditionnés à la fois par une
réalité extérieure et par une activité intérieure et ceci jusque dans leur dé
composition en éléments indécomposables.
114 L'ALGEBRE DES SIGNES
régit implicitement notre tableau est que les qualités de sentiment qui ne
sont pas représentées par des disques ou des cercles doivent être négligées.
Cette difficulté, inhérente au projet phénoménologique est résolue ici par
l'incorporation de (U, σ) dans (U°, σ°) qui permet d'objectiver le champ
phénoménologique). Il y a donc possibilité formelle de séparer les deux
dyades et en les composant chacune avec elles mêmes comme à la ligne au-
dessus, apparaît la possibilité de distinguer ces deux qualités de sentiment
impliquées dans la dyade. C'est pourquoi la recomposition des éléments
formels donne dans la dernière colonne trois éléments possibles: deux qui
renvoient aux deux qualités de l'objet externe et une troisième à leur union
par une dyade qui est un élément secondan du phaneron, obtenu par le pro
duit relatif de deux éléments dyadiques (définis sur U) par "effacement" de
l'élément mental commun.
Le passage de la deuxième à la troisième ligne s'effectue d'une manière
analogue. La possibilité formelle d'une triade externe créée par le vécu de
la dyade interne permet de catégoriser les qualités de sentiment qui leur
sont possiblement relatives. Toute triade externe (à l'ego-actuel) est donc
ce qui est effectivement perçu dans une tétrade interne unissant trois quali
tés de sentiment et une qualité de sentiment de triade notée o3. Sa décom
position formelle conduit dans tous les cas possibles à seulement deux types
de relations: un type triadique (avec trois réalisations possibles) et un type
dyadique (avec aussi trois réalisations possibles); leur recomposition
conduit à une triade qui recompose la triade externe (élément tertian du
phaneron) par produit relatif d'une triade et d'une dyade "internes" réalisé
de façon à obtenir les trois qualités de sentiment originelles mais aussi à
trois dyades unissant deux de ces qualités et trois monades correspondant à
chacune de ces qualités.
La triade interne permet à son tour de catégoriser les qualités de senti
ment de tétrade externe notées o4 dans la quatrième ligne. Toute tétrade
externe est donc ce qui est effectivement perçu dans une pentade. Sa dé
composition formelle fournit en particulier six couples de relations triadi-
ques (comportant chacun o4) qui par produit relatif permettent de recom
poser la tétrade avec o4 comme connecteur. On peut remarquer que l'on
peut aussi obtenir par produit relatif et toujours avec o4 comme connecteur
toutes les triades unissant les quatre combinaisons de trois qualités de senti
ment prises dans les quatre, les six dyades obtenues en les prenant deux à
deux et les quatre monades correspondant à chacune d'elles.
116 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 22.
Figure 23.
Figure 24.
Nous avons vu par ailleurs que l'existence (au sens de présence dans
une structure vécue) d'un priman créait un secondan "abstrait" et que
l'existence de ce dernier créait un tertian de sorte que l'on peut affirmer
que s'il y a un tertian alors il y a au moins un secondan et s'il y a un secon
dan alors il y a au moins un priman. Il y a donc trois catégories d'éléments
du phaneron qu'avec Peirce nous appellerons la Primanité, la Secondanité
et la Tertianité qui entretiennent des rapports de présupposition suivant le
diagramme de la Figure 25 dans lequel 3 représente la catégorie de la Ter
tianité, 2 la catégorie de la Secondanité, 1 celle de la Primanité, et β et α
des relations de présupposition non réciproque.
Figure 25.
ques que nous avons faites à propos des cas n=2 et n=3 sont caractéristi
ques de formes dégénérées de ces catégories, à savoir Secondéité dégéné
rée, Tiercéité dégénérée au premier degré et au second degré. Peirce défi
nit ainsi ses catégories:
En donnant à "être" le sens le plus large possible pour y inclure des idées
aussi bien que des choses, des idées que nous imaginons avoir tout autant
que des idées que nous avons réellement, je définirai la Priméité, la Secon
déité et la Tiercéité comme suit:
La Priméité est le mode d'être de ce qui tel qu'il est, positivement et
sans référence à quoi que ce soit d'autre.
La Secondéité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il par rapport à
un second, mais sans considération d'un troisième quel qu'il soit.
La Tiercéité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est, en mettant en
relation réciproque un second et un troisième. J'appelle ces trois idées ca
tégories cénopythagoriciennes. (8.328)
Il soutient d'autre part que ces catégories peuvent être observées direc
tement dans les phanérons, comme nous l'avons déjà noté dans la section
précédente.
Mon opinion est qu'il y a trois modes d'être. Je soutiens nous pouvons les
observer directement dans les éléments de tout ce qui est à n'importe quel
moment présent à l'esprit d'une façon ou d'une autre. Ce sont l'être de la
possibilité qualitative positive, l'être du fait actuel, et l'être de la loi qui
gouvernera les faits dans le futur. (1.23)
Rappelons à ce propos que les éléments du phaneron proviennent de
distinctions suivant la forme et ne sont pas des éléments existants et donc
qu'il en sera évidemment de même pour toutes les relations qu'on peut éta
blir entre ces éléments.
Avant de procéder aux caractérisations annoncées il convient encore
de rappeler que Peirce a de l'être une conception fondamentalement rela
tionnelle:
Car aussi longtemps que les choses n'agissent pas les unes sur les autres,
cela ne signifie rien de dire qu'elles ont de l'être, à moins que cela signifie
qu'elles sont telles en elles mêmes qu'elles peuvent peut être entrer en re
lation avec d'autres choses. (1.25)
Donc puisque pour Peirce l'être réside dans la capacité relationnelle
des choses (incluant les déterminations des esprits humains) les modes
d'être résulteront d'une différenciation des capacités relationnelles des cho
ses et seront donc des modes relationnels des choses. C'est précisément ce
qui est pris en compte sur le plan phénoménologique par la notion de cor-
MODES D'ÊTRES 125
respondance compatible dès lors que l'on admet que les choses sont chacu-
nes présentes à l'esprit parce que l'esprit a formé leurs structures éidétiques
respectives. Aux différents modes d'être correspondent donc les différentes
classes de correspondances compatibles telles que nous venons de les distin
guer et que nous allons maintenant examiner une par une.
Considérons les correspondances compatibles de type 1. Formellement
elles mettent en correspondance des éléments monadiques des structures
relationnelles. Ce sont les formes de l'identification de qualités de senti
ment présents dans des configurations perceptives distinctes ou dans la
même configuration perceptive. Pour que cette correspondance ait une réa
lité, pour qu'il ait été possible d'en avoir la conception (dans le sens que des
esprits ont pu réellement identifier des qualités de sentiment) il est néces
saire de présupposer une forme a priori ou catégorie universelle dont la for
me des éléments monadiques de chaque phanéron est une particularité.
Cette forme a priori est en quelque sorte le fondement de la monade, le
fondement de la capacité d'identifier des qualités de sentiment ce qui re
vient à conférer à chacune d'elles, en tant qu'elles sont réellement présen
tes dans les phénomènes, une capacité relationnelle réflexive (actualisée ou
non) qui coïncide avec la Priméité de Peirce. C'est la possibilité qualitative
positive qui est à l'origine de la généralité de la notion de qualité de senti
ment en ce sens qu'elle la rend possible comme notion. C'est la facticité du
sentiment jointe à la facticité du sentiment d'identité qui fonde la Priméité
comme nécessité impliquée dans ces facticités. On retrouve ici l'analyse fai
te dans la section précédente: la Priméité est une catégorie du monde exté
rieur pour autant qu'elle est fondée sur la facticité des sentiments mais elle
est aussi une catégorie de l'esprit pour autant que celui-ci relie des facticités
en identifiant des qualités de sentiment au moyen de qualités de sentiment
de relation. C'est parce que l'activité de l'esprit est relationnelle qu'il peut
concevoir la Priméité comme catégorie universelle. Elle se présente à lui
comme capacité des objets:
Nous attribuons naturellement la Priméité à des objets extérieurs c'est-à-
dire que nous supposons qu'ils ont en eux mêmes des capacités qui peuvent
ou non être déjà actualisées, qui peuvent ou non être un jour actualisées,
bien que nous ne puissions rien dire de ces possibilités si elles ne sont pas
actualisées. (1.25)
Et il découvre cette capacité dans des phanérons dont l'élément mona-
dique est la qualité: "La qualité est ce qui se présente sous l'aspect monadi-
que" (1-424).
126 L'ALGEBRE DES SIGNES
patibles de type 3 qui mettent en relation des éléments triadiques des struc
tures relationnelles. Ce sont les formes de l'identification entre qualités de
sentiments de relation entre trois qualités de sentiment présents dans des
configurations perceptives distinctes ou dans la même configuration percep
tive. Là aussi il est nécessaire de présupposer une catégorie universelle dont
la forme des éléments triadiques de chaque phanéron est une particularité.
Elle est fondée dans la capacité de l'esprit à conférer l'altérité à des objets
extérieurs, capacité observable dans son activité médiatrice et que la pensée
seule peut réaliser de manière authentique. On voit que cette catégorie que
nous identifions sans réserve avec la Tiercéité authentique de Peirce pré
suppose la Secondéité authentique. La relation de présupposition non réci
proque que nous avions observée entre les catégories phanéroscopiques
s'étend donc à une relation de présupposition non réciproque entre les ca
tégories cénophythagoriciennes à travers la notion de correspondance com
patible et le diagramme de la figure 25 est encore valable lorsque 3, 2, 1 re
présentent respectivement la Tiercéité authentique, la Secondéité authenti
que et la Priméité.
Si nous comparons les catégories phanéroscopiques et les catégories
cénopythagoriciennes nous voyons que les premières sont les catégories des
éléments des phanérons telles qu'on peut les concevoir "si l'on pense à la
relation d'un des corrélats aux autres"(texte déjà cité en section 3) tandis
que les secondes sont les mêmes mais considérées de l'extérieur c'est-à-dire
objectivant la relation des corrélats entre eux ("l'intelligibilité ou la raison
objectivée est ce qui fait que la tiercéité est authentique" (1.366)). En ac
cord avec Peirce nous adopterons le second point de vue et en accord avec
les usages maintenant établis nous appellerons catégories phanéroscopiques
les trois catégories de Priméité, Secondéité et Tiercéité, ce qui est justifié,
puisqu'en dernière analyse elles sont connues à partir de la décomposition
du phaneron.
La Secondéité dégénérée est une Secondéité que l'on peut observer
lorsque l'esprit unit "de l'extérieur" deux qualités de sentiment en les incor
porant dans une relation dyadique. C'est ce que Peirce exprime dans MS
307:
La catégorie de Second a une forme dégénérée qui se produit quand la Se
condéité est une simple formalité, un simple aspect imposé sur un objet,
lequel, tel qu'il est dans sa propre totalité n'a pas de dualité, ou en tout cas
pas cette dualité là.
Cette forme de secondéité "n'existe pas en tant que telle" (1.365) dans
128 L'ALGEBRE DES SIGNES
bles. Dans la section 5 nous avons montré qu'on pouvait en déduire une
décomposition des modes d'être des objets dans leurs interrelations en pro
duit relatif de modes d'être fondamentaux, au nombre de trois. Nous pou
vons maintenant aborder l'ultime étape de l'algébrisation de la phénoméno
logie qui consiste à tirer les conséquences des résultats des deux sections
précédentes pour la description du phaneron. Cela revient à préciser l'orga
nisation formelle que l'activité de l'esprit produit sur une masse de stimuli
en provenance du monde extérieur (objets externes) ou qu'il peut reprodui
re de manière autonome (objets internes). D'une manière très générale
nous avons identifié cette organisation formelle à une structure relationnel
le et la présence à l'esprit des différents objets qui composent le phaneron
à des sous-structures connexes de cette structure. Ces structures éidétiques
incorporées entretiennent éventuellement des relations auxquelles nous
avons donné la forme de correspondances compatibles, en accord avec la
transcription algébrique des structures, c'est-à-dire avec les universaux
mathématiques choisis. Ces correspondances compatibles qui, une fois ré
duites, définissent les modes d'être spécifiques fondamentaux des objets
peuvent être établies aussi bien entre structures éidétiques d'objets diffé
rents d'un même phaneron qu'entre structures éidétiques d'objets apparte
nant à des phanerons différents (ce qui recouvre le phénomène couram
ment appelé "association d'idées"). Dans cette section nous allons nous
préoccuper essentiellement de l'unité du phaneron c'est-à-dire du phaneron
comme "totalité collective" (1.284) après avoir fait remarquer que nous
avons déjà largement traité des relations entre objets appartenant à des
phanerons différents dans l'analyse et dans la modélisation des phénomènes
sémiotiques. Dans le chapitre IV nous reprendrons cette étude en y inté
grant les résultats du présent chapitre.
Dans l'état actuel du développement de nos formalismes nous avons
donc pour chaque phaneron une structure relationnelle organisant l'ensem
ble des stimuli sélectionnés, incluant des sous-structures connexes corres
pondant chacune à un objet et, possiblement des correspondances compati
bles entre ces structures. Il est clair que la prise en charge formelle de l'uni
té du phaneron devra intégrer ces correspondances éventuelles entre objets
qui solidarisent des sous-ensembles d'objets présents dans le phaneron et
qu'en même temps les propositions avancées doivent subsister en l'absence
de toute correspondance (ce qui correspond à une conscience "unitaire"
d'ensembles "hétéroclites").
Il faudra donc faire appel à de nouvelles considérations formelles si
l'on veut prendre en charge l'unité du phanéron, sa totalité collective. En
MODES D'ÊTRE 131
fait nous sommes confrontés avec la vieille question philosophique des rap
ports d'un tout avec ses parties. Cependant elle se pose à nous d'une façon
particulière et certainement nouvelle dans la mesure ou aussi bien le tout
que les parties sont algébrisés sous forme de structures relationnelles. Le
problème perd alors son caractère excessivement vague et général pour de
venir un pur problème de combinatoire de structures algébriques ce qui
permettra de lui apporter une solution appropriée à notre projet.
La plupart des auteurs qui se sont intéressés à la question du tout et
des parties ont fait appel à la notion de "somme" dont ils font un usage mé
taphorique en transposant sa signification arithmétique plus ou moins éla
borée suivant qu'on la rapporte à une opération (loi de composition inter
ne) sur des êtres mathématiques abstraits ou à l'idée d'adjonction si présen
te dans la vie de tous les jours. La notion de somme est alors chargée de re
couvrir conceptuellement cette mystérieuse transmutation des parties en
tout. C'est ainsi que chez Kant c'est à travers l'acte de synthèse, fonction
"aveugle mais indispensable", qu'elle s'exerce:
j'entends donc par synthèse dans le sens le plus général de ce mot l'acte qui
consiste à ajouter (souligné par nous) diverses représentations les unes aux
autres et à en réunir la diversité dans une connaissance. (1976: 135)
Un essayiste contemporain comme Edgar Morin écrit à quelques pages
d'intervalle: "le tout est plus que la somme des parties" et "le tout est moins
que la somme des parties" sans que l'on sache trop comment s'effectue
cette "somme" ni en quoi il peut y avoir un "plus" ou un "moins". Sans
nous attarder pour l'instant sur l'apparente contradiction entre ces deux as
sertions nous retiendrons simplement l'emploi du mot "somme" par Edgar
Morin tout comme nous avons souligné l'emploi du mot "ajouter" dans la
définition de Kant. Cependant Edgar Morin tente de se démarquer des
métaphores usuelles en proposant un schéma qu'il qualifie de "circuit" re
présenté Figure 26
Figure 26.
qu'aucun des deux termes n'y est réductible à l'autre, les parties doivent
être conçues en fonction du tout et elles doivent être conçues aussi en iso
lation. (Morin 1977:125)
Il enrichit ce schéma en introduisant les notions d'interrelation et d'or
ganisation suivant un nouveau "circuit" (Figure 27)
Figure 27.
que la question du tout et des parties se pose déjà pour un objet du phane-
ron. En effet on constate empiriquement que la plupart des objets présents
à l'esprit ont des parties. Puisque ces parties ont une présence à l'esprit en
tous points identique quant à sa nature à celle de l'objet lui même, il est na
turel de leur associer une structure éidétique. Néanmoins cette structure est
incluse dans celle de l'objet, c'est pourquoi nous l'appellerons sous-structu
re éidétique. Ces sous-structures sont à la fois autonomes et dépendantes;
autonomes parce qu'elles peuvent être isolées comme une tête de cerf peut
être séparée du corps de l'animal et devenir un trophée de chasse (donc ac
quérir un autre statut sémiotique que celui qu'elle a comme sous-structure
de celle du cerf); dépendantes puisqu'elles sont le plus souvent présentes à
l'esprit simultanément ce qui donne à l'inclusion de l'une dans l'autre une
valeur d'institution constamment confirmée par les expériences des acteurs
sociaux. Il convient aussi de noter que toute sous-structure de la structure
éidétique n'est pas nécessairement la structure éidétique d'une partie de
l'objet ce qui est cohérent avec la qualification d'"éidétique" que.nous
avons accolée aux sous-structures des parties. Par exemple les pointillés que
l'on voit chez le boucher et qui indiquent les différentes parties d'un boeuf
telles qu'on peut les déterminer dans le champ de l'alimentation soulignent
des parties du boeuf qui ont une identité pour toute personne participant
d'une certaine culture "alimentaire" occidentale, mais il est clair que tout
découpage aléatoire réalisé sur le dessin ou même réalisé physiquement sur
l'animal n'a aucune existence sémiotique. Et il est clair aussi que le décou
page institué varie non seulement avec les grandes divisions culturelles mais
aussi avec les pays: il y a différentes façons "de couper la viande" qui cor
respondent à l'institution de partitions différentes de la structure éidétique
de l'animal en sous-structures éidétiques.
Pour prendre formellement en charge ces observations nous allons fai
re appel à une nouvelle notion adaptée à la fois au type des structures en
présence et au type de problème à résoudre qui est une sorte de "recolle
ment" de ces parties pour faire un tout. C'est la notion de somme de dia
gramme dans une catégorie et en l'occurrence dans la catégorie (ou le cons-
tructum) des structures relationnelles qui est particulièrement désignée
pour conduire à une solution satisfaisante de ce problème. Avant d'en ex
poser les raisons il convient d'analyser un peu mieux la notion courante de
somme ou d'adjonction afin de voir le progrès réalisé et donc de mieux per
suader le lecteur de la nécessité d'adopter la notion pour faire des progrès
décisifs dans l'intelligibilité des phénomènes.
134 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 28.
MODES D'ÊTRE 135
Figure 29.
même chose vaut pour chacun des éléments de chacun des n-uples que la
correspondance T.. met en relation (donc pour les qualités de sentiment de
relation) que μ. et μ. mettent respectivement en correspondance avec le
même n-uple de la structure relationnelle A. Tout ceci a lieu pour tous les
couples (i,j) Ε α de sorte que tous les objets A. se trouvent d'une certaine
manière plongés dans l'objet A qui les intègre tous avec leurs relations T..
dans le sens ou tous les n-uples qui sont reliés par ces relations s'y trouvent
en quelque sorte identifiés en un seul n-uple. On peut littéralement dire
que dans l'objet A les objets A sont "recollés" suivant des indications don
né par les relations qu'ils entretiennent. D'ailleurs avant que n'apparaisse la
notion formalisée de somme d'un diagramme les mathématiciens utilisaient
le mot "recollement" pour désigner un procédé de construction de nou
veaux objets mathématiques du même type. Si α est vide, c'est-à-dire s'il
n'y a pas de Γ.. (ce qui est le cas de la somme directe) on retrouve la notion
classique d'adjonction, l'absence de relations conduisant à construire un
objet "somme" en mettant "à côté les uns des autres" les différents objets
A.
1
Il est clair que si un élément du diagramme est isolé c'est-à dire s'il n'a
aucune relation avec aucun autre élément il aura dans l'objet-somme un
"statut" analogue à celui d'un objet figurant dans une somme directe tandis
que tous les objets d'un sous-diagramme connexe seront "résumés" en un
seul objet-somme. Dans les exemples cités plus haut on voit que l'automi
trailleuse ou le bâteau-pompe sont des sommes directes de structures éidé-
tiques tandis que la porte-fenêtre somme la porte et la fenêtre en recollant
leurs caractères commun (rectangularité, rotation autour d'un côté).
La deuxième condition recouvre ce que l'on appelle une propriété uni
verselle relative à l'objet A et à la famille des morphismes {μi}ieI· Elle signi
fie que tout autre objet Β et toute autre famille {μ'i|}iεI qui auraient les mê
mes propriétés vis a vis du diagramme que l'objet A et la famille {μ i } ieI
(c'est-à-dire toute autre famille cocompatible) seraient en quelque sorte
138 L'ALGEBRE DES SIGNES
neron que nous venons d'évoquer nous permet de soutenir notre hypothèse
par des considérations nettement plus précises que celles qui proviennent
d'un modèle puisqu'elles proviennent de l'expérience et ont trait à la phy
siologie du cerveau. Avant de les exposer il convient de préciser l'usage que
nous entendons en faire: il ne s'agit que de soutenir une hypothèse en mon
trant qu'il est possible (et seulement possible) que la description formelle
donnée s'incarne dans le fonctionnement réel du cerveau humain, ni plus ni
moins. Ces considérations ne prouveront ni n'infirmeront rien. Elles res-
sortissent uniquement de l'acte qui consiste à accepter plus ou moins facile
ment une hypothèse, un acte qui est nécessairement au début de toute dé
marche scientifique.
Décrivant la physiologie du neurone le Docteur Paul Chauchard
(1980:37) écrit:
Un neurone est normalement soumis à de multiples influences, soit celles
des qualités chimiques ou physiques du milieu, soit celles de son chimisme
propre, soit celles des multiples influx qui lui parviennent par les nombreu
ses synapses qui parsèment son corps et ses dendrites; il en fait la somme
algébrique pour en tirer le niveau de sa polarisation, (souligné par nous).
L'image du neurone sommant les diverses influences qui s'exercent sur
lui est exactement l'image d'une somme de diagramme, les dendrites cor
respondant aux flèches du diagramme (c'est-à-dire aux μ.) et l'objet A ad
mettant le corps du neurone comme ensemble sous-jacent, sa structuration
étant produite à tout moment comme résultat de la sommation de ces diver
ses influences. De ce point de vue le neurone apparaît donc comme un ins
trument réel de sommation des influx à condition d'associer biunivoque-
ment ces derniers aux qualités de sentiment produites par des stimuli.
Traitant ensuite des schémas spatio-temporels innés ou acquis, le Doc
teur Chauchard (1980:48) écrit encore:
Ceux-ci [les neurones de l'écorce cérébrale], de façon innée, en raison des
structurations automatiques des zones sensorielles de l'écorce enregistrent
sous forme de schémas spatio-temporels fluctuants l'image cérébrale de ce
qui a impressionné l'organe des sens: il existe un équivalent physiologique
de la sensation dans cette structuration produite par les messages.
et plus loin (1980:53)
... tel objet n'est plus seulement extérieur, il est en nous sous forme du
schéma cérébral qui le représente et le fonctionnement cérébral va travail
ler sur ce schéma qui est une pensée dont la présence pourra être évoquée
par imagination, rappel mnémonique, en dehors de toute présence exté
rieure.
140 L'ALGEBRE DES SIGNES
Nous avions entamé ce chapitre avec le désir de nous dégager du vague des
notions relatives au phanéron et, de manière plus générale à la phénoméno
logie, en leur donnant une expression mathématique. Ce n'est pas à nous
142 L'ALGEBRE DES SIGNES
de dire si nous avons réussi à réduire vraiment le vague de ces notions, mais
on nous accordera qu'elles ont pris une expression mathématique à un
point tel que, pour nous, un phanéron est équivalent à un diagramme avec
sa somme et son produit dans la catégorie éidétique. La question est posée
de savoir si ce formalisme est cohérent avec les conceptions de Peirce, ce
qui dans la négative n'aurait rien de dramatique et pourrait même figurer
au titre des recommandations que l'on peut tirer de certains de ses propos
que nous avons déjà évoqués. Cependant, et principalement, tout en
conservant cette optique de cohérence avec Peirce, nous allons mettre ce
formalisme à l'épreuve en reprenant notre projet initial de réduction de
l'arbitraire de la description des phénomènes sémiotiques armés de cette
phénoménologie algébrisée qui est maintenant à notre disposition. Les taxi
nomies des différents modes d'être que nous avons obtenues vont se réper
cuter en taxinomies de phénomènes sémiotiques. Ce sera l'objet du chapi
tre suivant de combiner la modélisation des phénomènes sémiotiques du
chapitre II avec les caractérisations des différents modes d'être du chapitre
III pour déboucher sur une classification des phénomènes sémiotiques
conforme à leur essence et par là même opératoire.
CHAPITRE QUATRIÈME
Phanéroscopie et classifications
1. Phanéroscopie analytique
Figure 30.
ment des éléments de B . l , B.2 et B.3. Ensuite (8.349) Peirce procède à une
trichotomie des modes de présentation par un signe de l'objet d'un signe et
obtient ainsi les signes descriptifs (qui déterminent leurs objets en ayant des
caractères identiques) les signes désignatifs (qui imposent brutalement l'at
tention sur l'objet) et les copulants (qui expriment les relations logiques de
l'objet à quelque chose connu par ailleurs), ce que nous interprétons en
considérant respectivement qu'il y a dans le signe un priman ou un secon-
dan ou un tertian qui sont aussi dans l'objet. Si A est l'objet du signe cette
trichotomie revient à considérer des éléments de A . l , A.2 et A.3 qui sont
liés dans le phénomène sémiotique aux éléments correspondants de B.l,
B.2, B.3. C'est alors (8.353) qu'avant de procéder à la trichotomie suivante
Peirce se pose la question de la compatibilité de ces divisions entre elles, ce
qui recoupe exactement la question que nous avons posée puisqu'il se de
mande "si les trois membres de la première trichotomie" (qu'il note 11, 12,
13) "sont ou ne sont pas indépendants des trois membres de la seconde"
(qu'il note 21, 22, 23). Pour cela il forme les neuf couples que l'on peut for
mer, en donnant au point qui en sépare les éléments la signification de "qui
est":
11.21 11.22 11.23
12.21 12.22 12.23
13.21 13.22 13.23
Il précise bien en 8.354 que les deux trichotomies dépendent des trois
modes de présence à l'esprit et que la différence entre elles est que l'une
"réfère à la présence à l'esprit du signe et l'autre à celle de l'Objet Immé
diat" (nous pouvons ignorer pour notre propos actuel l'introduction de l'ob
jet immédiat).
Ensuite, de 8-355 à 8-361, il examine les couples qui sont "possibles"
au sens où ils peuvent figurer dans un signe et il trouve, en faisant appel à
des considérations portant sur les caractéristiques attribuées à chacune des
trichotomies, qu'il y a six couples possibles, les couples à éliminer étant
12.21, 13.21 et 13.22. Si nous les transcrivons dans nos notations les couples
qu'il retient sont:
(B.l, A.l) (B.2, A.l) (B.3, A . l )
(B.2, A.2) (B.3, A.2)
(B.3, A.3)
qui correspondent (avec des différences de peu d'importance) aux six types
d'éléments que nous venons de mettre en évidence.
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 149
Figure 31.
150 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 32.
2. Phanéroscopie systématique
Nous avons déjà signalé que l'ensemble des trois catégories phanéroscopi-
ques munies de leurs relations de présupposition non réciproque pouvait
être considéré, suivant les besoins, comme le graphe d'une relation, un
treillis ou une catégorie algébrique (cf. Annexe D). Dans cette section nous
le considérons comme une catégorie algébrique que nous désignerons par la
lettre S et qui est constituée par:
- trois objets notés 3, 2 et 1,
- pour chaque paire d'objets les ensembles disjoints requis par la définition
qui sont les suivants:
hom(3,3) = {id3}, hom(2,2) ={id2}, hom(l,l) ={id1}, les identités de
chaque catégorie avec elle même,
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 153
Figure 34.
Figure 35.
154 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 36.
156 L'ALGEBRE DES SIGNES
(S)
Figure 39.
Tableau 3.
A
3 3 id3
r'3 3 2 α
" 3 1 βα
2 2 id2
r1 2 1 ß
r'2
1
1 1 id
l
Ces foncteurs sont au nombre de 6 et nous les avons notés Γ3, Γ'3, " ,
Γ2, Γ'2, Τ1 pour des raisons qui vont apparaître au niveau de l'interpréta
tion. Le foncteur représenté dans l'exemple précédent est le foncteur ' .
Auparavant achevons l'étude formelle en déterminant toutes les trans
formations naturelles de ces foncteurs. Il est facile de voir qu'elles peuvent
être décrites comme des composées de seulement six d'entre elles qui sont
les suivantes:
158 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 40.
Figure 4L
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 159
Figure 42.
Figure 43.
160 L'ALGEBRE DES SIGNES
qu'un objet A peut manifester dans sa relation avec un objet B, les deux
objets étant présents à un esprit qui forme leur structure éidétique. Ils cons
tituent les six éléments formels possibles de la phanéroscopie systématique
de deux objets en relation.
L'interprétation des transformations naturelles nous conduit naturelle
ment à mettre sur ces catégories universelles et leurs dégénérées la relation
d'ordre de la catégorie-treillis (Ph). Examinons par exemple l'interpréta
tion qu'il convient de donner à Φ2 compte tenu de celles qui viennent d'être
données pour Γ'3 et Γ'2 On sait qu'on a le diagramme commutatif de la Fi
gure 44.
Figure 44.
Son étude montre que les tertians de A.3 qui sont identifiés au moyen
de la Tiercéité dégénérée avec des secondans de B.2 sont précisément ceux
qui sont obtenus par identification au moyen de la Secondéité authentique
des secondans de A.2 obtenus par l'application α définie précédemment
avec les secondans de A.2 qui leur correspondent par Γ. Il y a donc une re
lation de présupposition non réciproque (celle qui existe entre la tiercéité et
la secondéité authentiques et qui est "transportée" par le couple (a, id2) en
tre Γ'3 et 2. Autrement dit la tiercéité dégénérée au premier degré présup
pose la secondéité authentique.
On peut donner la même interprétation de tous les morphismes de la
catégorie-treillis (Ph). Les catégories phanéroscopiques et leurs dégénérées
sont donc maintenant munies de la relation d'ordre qui les constitue en
treillis. C'est pourquoi nous appellerons dorénavant (Ph) le treillis des ca
tégories phanéroscopiques. Sa signification est claire : si l'un des modes
d'être est présent dans la relation entre deux objets A et alors tous les
modes d'être qui se trouvent "en dessous" sont aussi présents et s'appli
quent aux éléments concernés par le mode d'être considéré au départ. Ain-
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 161
Figure 45.
162 L'ALGEBRE DES SIGNES
Tableau 4.
0 S 0' s· Ω f hog
F 3 3 3 2 id3 α id3 α
2
F' 3 3 2 2 id ld α α
2 3 2
F' 3 3 2 1 id3 β α βα
3
F" 3 3 1 1 id βα βα
3 3 id
i
F 3 2 3 2 α α id id.
4 3
F
4 3 2 2 2 α id2 α id.
F
5 3 2 3 1 α βα id3 ß
F
5 3 2 2 1 α β α β
F
5 3 2 1 1 α id βα β
l
F
6 3 1 3 1 βα βα id3 id
l
F
6 3 1 2 1 βα β α id
l
F
ï 3 1 1 1 βα id
l βα id
i
F
8 2 2 2 1 id2 β id. β
F6 2 2 1 1 id2 id
l β β
F
9 2 1 2 1 ß β id. id
i
F
9 2 1 l 1 ß id β id
i l
F
10 1 1 1 1 id id id id
l l l i
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 163
et
Figure 46.
Figure 47.
164 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 48.
Figure 49.
élémentaires. C'est une catégorie qui peut donc aussi être regardée comme
un treillis que nous appellerons le treillis (Sem) des phénomènes sémioti-
ques (Figure 50).
Figure 50.
et on établit une correspondance terme à terme entre ces couples et les élé
ments du treillis (Sem) en considérant comme une sous-correspondance
compatible de Γ après avoir identifié et S à leurs images par f et hog. La
relation d'ordre définie plus haut est alors équivalente à l'existence d'une
transformation naturelle entre les foncteurs de (Sem) associés à chaque
couple (X,Y).
Sous cet éclairage un phénomène sémiotique apparaît comme un cou
ple (Γ, Ω) de correspondances compatibles entre deux mêmes structures éi-
détiques tel que le premier occupe dans la hiérarchie des catégories phané-
roscopiques universelles et dégénérées une position qui soit inférieure ou
égale. Ceci formalise le fait que la particularité de l'interprétation peut au
plus retrouver l'universalité de la relation qui lie un signe et son objet et
que la marche vers l'universalité est catégorielle dans le sens qu'elle exige
une connaissance des présuppositions possibles relatives aux éléments in
décomposables trouvés dans l'interprétation.
Autrement dit puisque est de toute manière un donné (au moment
de l'interprétation, nous avons vu que l'interprétation elle même peut le
modifier) ne peut être que l'un des éléments présupposés par la décomposi
tion de en produit relatif de correspondances compatibles, pouvant être
l'un de ces éléments. Ceci est vrai à tout moment de la sémiosis (identifiée
à un prolongement de Ω à ) qui concerne aussi bien l'extension des domai
nes de définition respectifs de ces deux correspondances que la "remontée"
catégorielle vers les relations qui définissent la structure éidétique caracté
ristique de O. On voit aussi que les obstacles peuvent être multiples depuis
l'exclusion, dans la perception,d'éléments nécessaires jusqu'à une impossi
bilité catégorielle qui proviendrait du fait que la conception (O') de l'inter
prète renferme des éléments dégénérés qui interdisent, sauf saut catégoriel
indispensable à toute démarche cognitive, de retrouver l'objet O. Nous dé
velopperons un peu plus ces réflexions dans le chapitre consacré aux appli
cations en examinant les conséquences de ces résultats dans le champ de
l'épistémologie. Pour l'instant nous retiendrons que le treillis des phéno
mènes sémiotiques nous indique que pour un couple (Γ, Ω) donné on peut
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 167
dresser la liste des couples qu'il présuppose à savoir tous ceux qui dans le
treillis sont au-dessous puisqu'une transformation naturelle est un faisceau
de présuppositions catégorielles. On voit que le caractère systématique an
noncé de cette phanéroscopie ainsi formalisée s'étend à des structures plus
complexes en conservant toujours cette idée que la décomposition des ob
jets en éléments indécomposables produit des décompositions corrélatives
de la structure ainsi analysée dont la recomposition permet de reconstruire
la structure originelle.
dier les signes c'était en fait ne considérer des objets que pour autant qu'ils
participaient d'un phénomène sémiotique et donc qu'il fallait éviter de dire
que telle ou telle chose était ou n'était pas un signe, car "être un signe"
n'est pas une propriété attachée à une chose mais fait intervenir tous les
contextes dans lesquels cette chose est impliquée. Puisqu'un signe ne peut
exister sans correlats alors le véritable objet de la sémiotique doit être cette
corrélation qui le fonde et que sa facticité implique comme une nécessité.
C'est le point de vue finalement adopté par Peirce dans sa classification de
1903 (2.254 à 2.264) que nous étudierons en détail plus loin. Dans cette
classification il énonce que les trois trichotomies des signes (qui sont en fait
la trichotomie du signe proprement dit, la trichotomie de la relation du si
gne à son objet et celle de la relation à son interprétant) " aboutissent à di
viser les signes en dix classes et en de nombreuses subdivisions". Si la com-
binatoire des trichotomies était libre on devrait avoir 3 3 = 27 classes de si
gnes; elles se réduisent à dix dès lors qu'on respecte la "hiérarchie des caté
gories" comme on dit habituellement. En fait nous avons montré que cette
réduction à dix n'en est pas vraiment une, car la détermination de classes de
signes procède aussi d'une phanéroscopie systématique (Marty, 1979) et les
dix classes peuvent donc s'obtenir directement. Cependant dans la nouvelle
perspective offerte par le recours aux structures relationnelles comme uni-
versaux mathématiques spécifiques, nous pouvons déduire les caractérisa-
tions des dix classes de signes des résultats précédents. De ce fait nos tra
vaux précédents se trouvent justifiés par un ancrage formel dans une théo
rie de la perception et une phénoménologie en accord avec cette dernière.
Pour classer les signes Peirce procède constamment de la manière sui
vante: il considère d'abord ce que peut être le signe en lui même, puis ce
que peut être le signe dans sa relation à son objet et enfin ce qu'il peut être
pour son interprétant (ou comment son interprétant le représente). On
trouvera notamment cette démarche clairement exposée en 2.243 et sqq.
En y regardant de près et conformément aux définitions que nous avons
précédemment retenues on voit qu'il procède ainsi:
- déterminer quel est l'élément indécomposable du phaneron causé par la
perception du signe qui est efficient dans le phénomène sémiotique: c'est le
sens de la première trichotomie pour laquelle ces éléments peuvent être pri-
mans, secondans ou tertians.
- puis l'un des éléments étant choisi, déterminer quel peut être le mode
d'être d'un objet qui peut être mis en correspondance avec cet élément,
- et enfin déterminer les possibilités pour que le mode d'être de l'objet
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 169
dans cette relation avec le signe soit reconnu comme tel ou éventuellement
sous une de ses formes dégénérées, puisque l'objet n'étant pas présent seu
le la structure relationnelle que lui associe l'interprète (structure qui dé
pend étroitement de ses expériences antérieures) peut permettre d'établir
une relation (une correspondance compatible).
Montrons qu'en procédant de la sorte nous générons les dix classes de
signes. Soit S un signe, s.l, r.l, t.l,... des éléments primans de S.l; s.2,
s.3... des éléments secondans et tertians de S.2 et de S.3.
Si un élément priman de S.l, soit s.l, est efficient alors nécessairement
la correspondance compatible avec (le mode d'être de révélé par sa re
lation instituée par S) ne peut être que de la priméité, soit Γ1, qui n'a pas de
forme dégénérée. Le phénomène sémiotique correspondant est donc le
phénomène sémiotique élémentaire repéré dans la section 1 (Figure 31)
sous le numéro (I). Dans la terminologie peircienne l'objet réel qui est in
corporé de la sorte dans un phénomène sémiotique s'appelle un qualisigne
(iconique rhématique).
Si deux éléments primans de S.l, soient s.l et r.l sont efficients alors
le mode d'être de ne peut être que Γ1 (deux phénomènes sémiotiques du
type précédent) ou la secondéité dégénérée '2 Les phénomènes sémioti
ques correspondants sont repérés par les numéros (II) et (III) (figure 32) et
dans la terminologie peircienne l'objet réel incorporé de la sorte dans un
phénomène sémiotique (c'est-à-dire comme dans II ou III) s'appelle un sin-
signe iconique (rhématique).
Si trois éléments primans de S.l sont efficients alors le mode d'être de
ne peut être queΓou '2 et Γ1 ou la tiercéité dégénérée au deuxième de-
gré Γ" 3.
Les phénomènes sémiotiques correspondants sont repérés par les nom
bres VII, VIII, IX, et sont regroupés dans la terminologie de Peirce sous le
nom de légisigne iconique (rhématique).
Si c'est un élément secondan de S.2 qui est efficient le mode d'être de
peut être 2 auquel correspondent les phénomènes sémiotiques repérés
par IV, V, VI et '3 auxquels correspondent ceux qui sont repérés par X,
XI, XII et par XIII et XIV. Les trois premières correspondent au sinsigne
indiciaire rhématique, les trois suivants au légisigne indiciaire rhématique
et les deux derniers au légisigne indiciaire dicent.
Enfin si c'est un élément tertian de S.3 qui est efficient le mode d'être
de ne peut être que 3 auquel correspondent les phénomènes sémioti
ques repérés par XV, XVI, XVII, par XVIII et XIX et enfin par XX qui
170 L'ALGEBRE DES SIGNES
ou par
Figure 51.
Figure 52.
même objet S peut être impliqué dans des classes de signes distinctes bien
qu'il arrive fréquemment que des objets soient spécialisés de telle sorte
qu'ils sont impliqués dans une seule classe. Il indique aussi quelles classes
sont nécessairement impliquées dans une classe donnée par le jeu des pré
suppositions. C'est ce qu'indiquent les morphismes du treillis qui représen
tent les changements des modes d'être lorsqu'on passe d'une classe de si
gnes à une autre, les tirets indiquant l'absence de changement au rang
considéré. Par exemple le morphisme
172 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 53.
Figure 54.
174 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 55.
Quatrième classe (Figure 56): Un sinsigne dicent [par exemple, une gi
rouette] est tout objet d'expérience directe, dans la mesure où il est un si
gne et communique en tant que tel des informations concernant son objet.
Ce qu'il ne peut faire qu'en étant réellement affecté par son objet; de sorte
qu'il est réellement un indice. La seule information qu'il peut fournir
concerne un fait réel. Un tel signe doit impliquer un sinsigne iconique pour
matérialiser l'information et un sinsigne indiciaire rhématique pour indi
quer l'objet auquel l'information renvoie. Mais le mode de combinaison,
ou syntaxe, de l'un et de l'autre doit également être significatif. (2.257).
Figure 56.
Figure 57.
Figure 58.
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 177
Figure 59.
178 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 60.
sur l'ensemble des sinsignes indiciaires Thématiques qui contient les répli
ques des légisignes indiciaires Thématiques (par le morphisme (-, Φ2, Φ5) le
quel contient nécessairement les répliques des symboles Thématiques (in
clus par le morphisme produit (α, Φ2 ο Φ2 Φ5)). Que l'interprétant du sym
bole Thématique puisse le représenter comme un légisigne indiciaire Théma
tique ou comme un légisigne iconique résulte évidemment du fait que l'un
et l'autre sont successivement contenus (au sens de "présupposés") dans le
légisigne indiciaire Thématique.
Neuvième classe (Figure 61): Un symbole dicent (ou proposition ordinaire)
est un signe lié à son objet par une association d'idées générales et agissant
comme un symbole Thématique, sauf que son interprétant visé représente
le symbole dicent comme étant, par rappport à ce qu'il signifie, réellement
affecté par son objet de sorte que l'existence ou la loi qu'il suscite dans
l'esprit doit être réellement liée à l'objet indiqué. Ainsi l'interprétant visé
considère le symbole dicent comme un légisigne indiciaire dicent; et si cela
est vrai il a vraiment cette nature, bien que cela ne représente pas toute sa
nature. Comme le symbole Thématique il est nécessairement un légisigne.
Comme le sinsigne dicent, il est composite, attendu qu'il requiert nécessai
rement un symbole Thématique (il est donc pour son interprétant un légisi
gne iconique) pour exprimer son information, et un légisigne indiciaire
Thématique pour exprimer le sujet de cete information. Mais sa syntaxe est
significative. La réplique d'un symbole dicent est un sinsigne d'un genre
particulier. On voit facilement que cela est vrai quand l'information que le
symbole dicent communique porte sur un fait réel. Quand cette informa
tion porte sur une loi réelle, ce n'est pas aussi complétement vrai. Car un
sinsigne dicent ne peut communiquer d'information sur une loi. Cela n'est
donc vrai de la répliquqe d'un symbole dicent que dans la mesure où la loi
se matérialise dans des instances ou cas particulier.
Figure 61.
Figure 62.
Dans le cas de l'argument, un tertian, qui est dans le signe, est institu-
tionnellement lié à un tertian, qui est dans l'objet (dont la structure se ré
duit le plus souvent à ce seul tertian) et est aussi dans l'esprit, comme tel.
Autrement dit, dans ce signe, le particulier se trouve pleinement investi par
182 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 63.
ses semblables à deux points de vue. Les carrés non adjacents se rappor
tent à des classes semblables à un seul point de vue, sauf que chacun des
trois carrés des angles du triangle se rapporte à une classe différent à trois
points de vue des classes auxquelles sont attribués les carrés le long des
côtés opposés du triangle.
Cette description assez laborieuse des "affinités" s'éclaire si on inter
prète ces affinités comme des morphismes et les différences de "points de
vue" comme étant déterminées par le type de la forme communiquée (pri
man, secondan ou tertian) depuis la structure de l'objet à l'origine, puis
dans le signe et enfin dans l'esprit. E. Walther (1979) a montré qu'on obte
nait facilement le treillis (CS) en faisant subir au tableau de Peirce quelques
transformations géométriques très simples.
On voit donc que, même s'il ne possédait pas les instruments formels
adéquats pour traduire la hiérarchie des éléments formels des phénomènes
sémiotiques qui est induite par la phanéroscopie des structures des objets,
Peirce en avait une intuition suffisante pour les énoncer de manière trés
exacte. D'avoir mis évidence le rôle que jouaient implicitement dans sa
pensée les notions de foncteur et de transformation naturelle nous invite à
les utiliser systématiquement dans tous les domaines dans lesquels il a opé
ré des "trichotomies" et notamment dans les subdivisions des signes triadi-
ques et dans les autres classifications des signes qu'il a proposées ou ébau
chées afin d'y faire valoir la productivité que l'on peut a priori en attendre.
De cette section on retiendra notamment que la classification des si
gnes de Peirce ne classe pas véritablement des objets mais des phénomènes
sémiotiques qui impliquent un élément de leur décomposition en éléments
indécomposables. Pratiquement les objets "signifiants" seront le plus sou
vent impliqués à divers niveaux, c'est-à-dire au moyen d'éléments distincts
de leur décomposition. Cette distinction — rarement faite — a conduit plu
sieurs auteurs à créer des classes de signes hybrides sans justication théori
que, comme les icônes symboliques et autres combinaisons plus ou moins
heureuses et rarement viables. D'autre part, certains objets construits com
binent plusieurs classes de signes mais sont classés suivant un caractère ar
bitrairement qualifié de dominant. C'est le cas, par exemple, du diagramme
de la Figure 64 figurant une route entre des villes représentées par des
Figure 64.
184 L'ALGEBRE DES SIGNES
4. Trichotomies et subdivisions
Nous avons pu montrer dans les sections qui précèdent que la seule mise en
pratique de ce que nous avons appelé la phanéroscopie systématique nous
permettait d'obtenir plus ou moins directement les principales distinctions
opérées par Peirce quant à l'architecture logique des signes. La distinction
entre catégories authentiques et dégénérées notamment nous apparaît
maintenant comme résultant de la phanéroscopie de deux objets en relation
et les classes de signes comme des éléments formels élémentaires constitu
tifs de tout phénomène sémiotique considéré dans son universalité. Nous
avons obtenu de surcroit des relations de présupposition entre catégories
authentiques et dégénérées et entre classes de signes susceptibles, nous le
verrons plus loin, d'ouvrir de nouvelles perspectives pour mener à bien no
tre projet de réduction de l'arbitraire dans la description des phénomènes
sémiotiques. Cependant, on trouve dans les écrits de Peirce un nombre
considérable de divisions et de subdivisions dans presque tous les domaines
qu'il a abordés, et on sait combien ils sont nombreux. Peirce procède la plu
part du temps par trichotomies, quelquefois par dichotomies et la question
est presque toujours posée du principe directeur de la division ou de la sub
division en cause: s'agit-il d'une phanéroscopie qui sépare les éléments for
mels suivant leurs modes d'être fondamentaux ou bien de subdivisions qui
proviennent de la distinction entre les catégories authentiques et leurs for
mes dégénérées ou d'autres encore? Et quelle place faut-il accorder, dans
cette même perspective à la notion de catégorie relativement dégénérée qui
recoupe et prolonge celle de catégorie dégénérée, que l'on rencontre no
tamment dans les conférences Lowell de 1903? Nous allons tenter dans
cette section d'apporter des réponses les plus claires possibles à ces ques
tions en poursuivant un double but: tirer profit des avancées que ne peu
vent manquer de produire les réflexions provoquées par ces problématiques
et, en dissipant les confusions commises par beaucoup d'auteurs qui se sont
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 185
réclamés de Peirce (et l'auteur de ces lignes n'hésite pas à plaider coupable
pour certains de ses écrits) contribuer à mieux faire admettre l'ensemble de
la théorie par la communauté scientifique ou tout au moins empêcher que
les errements de certains ne constituent un obstacle à la prise en considéra
tion qu'elle mérite.
Nous nous interrogerons au premier chef sur la fameuse division des si
gnes en icônes, indices et symboles. On peut trouver dans les écrits de Peir
ce autant de textes qui désignent plus ou moins explicitement l'application
des catégories phanéroscopiques non dégénérées comme étant à l'origine
de cette division ou bien qui illustrent avec cette même division les formes
authentiques et dégénérées de la Tiercéité. Nous avons relevé quelques uns
des textes les plus caractéristiques de chaque cas:
On peut remarquer une progression régulière de un, deux, trois dans les
trois ordres de signes, icône, indice, symbole. L'icône n'a pas de lien dyna
mique avec l'objet qu'elle représente; il se trouve simplement que ses qua
lités ressemblent à celles de cet objet, et provoquent des sensations analo
gues dans l'esprit pour lequel elle est une ressemblance. Mais elle n'a réel
lement aucun lien avec elles. L'indice est lié physiquement à son objet; ils
forment une paire organique, mais l'esprit qui interprète n'a rien à faire
avec ce lien, sauf à le remarquer après qu'il est établi. Le symbole est lié à
son objet en vertu de l'idée de l'esprit qui utilise des symboles, idée sans
laquelle un lien de ce genre n'existerait pas. (2.299).
Dans une lettre à P.E.B.Jourdain du 5 Décembre 1908, après avoir
présenté les valences des termes logiques comme "d'importantes catégo
ries", Peirce écrit:
Je divise les signes par dix trichotomies gouvernées par les trois catégo
ries de valence...
et la quatrième de ces trichotomies, qui concerné la relation du signe à son
Objet Dynamique est précisément celle qui nous intéresse.
Dans le MS 339 un texte daté du 7 Juillet 1905 indique: Dans sa rela
tion à son Objet Dynamique:
- il [le Signe] est une icône s'il réfère à cet Objet en vertu de sa propre Pri-
manité
- il est un indice s'il réfère à cet Objet en vertu de sa propre Secondanité à
l'Objet.
- il est un symbole s'il réfère à cet Objet en vertu de sa propre Tertianité à
l'Interprétant.
Dans le même manuscrit un texte du 8 Octobre 1905 présente cette di
vision comme celle d'un "mode of representing Objet" et un autre du 12
186 L'ALGEBRE DES SIGNES
Octobre 1905 comme provenant de "la manière par laquelle le signe est dé
terminé à représenter l'objet dynamique".
Enfin dans MS 284, après avoir évoqué l'Objet Dynamique "auquel le
signe est supposé se conformer", Peirce présente cette division comme une
classification "des différents moyens par lesquels cette conformité est sup
posée être efficiente".
Pour ce qui est de la référence aux catégories dégénérées les textes les
plus explicites sont manifestement ceux de la troisième "Conférence Lo
well". En 5.72 la Tiercéité est divisée par trichotomie en tiercéité relative
ment authentique, tiercéité relativement réactionnelle ou du moindre degré
de dégénérescence, tiercéité relativement qualitative ou tiercéité au plus
bas degré de dégénérescence. Cette division est aussitôt exemplifiée en 5-73
par la division du representamen par trichotomie:
De ces trois genres de representamens, l'icône est le genre qualitativement
dégénéré, l'Indice le genre réactionnellement dégénéré tandis que le sym
bole est le genre relativement authentique.
En 2.92 on peut lire:
Un Signe dégénéré au premier degré, est un signe Obsistant (3) ou indice
qui est un signe dont la signification vis à vis de son objet est due au fait
qu'il a une Relation authentique à cet objet, indépendante de l'interpré
tant. [ ...] Un signe dégénéré au deuxième degré est un signe Originalien
(4), ou icône qui est un Signe dont la vertu signifiante est due simplement
à ses Qualités. [...] Un Signe Authentique est un signe Transuasionnel (5)
(ou Symbole) qui est un signe qui doit sa vertu signifiante à un caractère
qui peut seulement être réalisé à l'aide de son Interprétant.
On trouve déjà dans ce dernier texte les éléments pour comprendre
que les deux présentations ne sont pas contradictoires et relèvent probable
ment de points de vue différents. On le ressent encore mieux dans les textes
suivants:
Un signe est dans une relation conjointe avec la chose dénotée et avec l'es
prit. Si cette triple relation n'est pas d'une espèce dégénérée, le signe n'est
lié à son objet qu'en conséquence d'une association mentale et dépend
d'une habitude. [...] Pour être bref je les appellerai emblêmes (6). (3.360)
Mais si la triple relation entre le signe, son objet et l'esprit est dégénérée,
alors des trois paires
signe objet
signe esprit
objet esprit
deux au moins sont dans des relations duelles qui constituent la triple rela-
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 187
tion. Une des paires en connexion doit comprendre le signe et son objet,
car si le signe n'était en relation avec son objet que par l'esprit qui les pen
serait séparément, il n'accomplirait pas du tout sa fonction de signe. Sup
posant donc que la relation du signe avec son objet ne réside pas dans une
relation mentale, il doit y avoir une relation duelle directe du signe avec
son objet indépendamment de l'esprit qui utilise le signe. Dans le second
des trois cas dont on vient de parler, cette relation duelle n'est pas dégé
nérée, et le signe signifie son objet seulement en vertu du fait qu'il est réel
lement en connexion avec lui. [...] J'appelle ce signe un indice... (3.361)
Le troisième cas est quand la relation duelle entre le signe et son objet est
dégénérée et consiste en une simple ressemblance. J'appelle un signe qui
est mis pour quelque chose simplement parce qu'il lui ressemble, une icô
ne. (3.362)
Considérons maintenant le treillis (CS) des classes de signes. Les signes
symboliques sont caractérisés de manière évidente par le fait qu'ils présen
tent les éléments s.3, Γ3 aux deux premières places du triplet, les signes in-
diciaires par le fait qu'ils présentent (s.2,s.l), Γ3 ou s.2,Γ2à ces mêmes pla
ces et les signes iconiques (s.l,r.l,t.l), Γ"2 ou (s.l,r.2), Γ'2 ou s.l, Γ1 Ceci
montre que la division des signes en icônes, indices et symboles s'effectue
uniquement à partir de la catégorie d'appartenance des éléments signifiants
du signe S, c'est-à-dire ceux qui sont impliqués dans la correspondance
compatible avec O. Les modes d'être dans lequel ils sont impliqués sont va
riés et indiqués par le deuxième élément du triplet. Ils recouvrent le mode
de présentation de l'objet par le signe: un tertian peut présenter un autre
tertian (cas du symbole), un secondan peut présenter un autre secondan ou
un tertian sous une forme dégénérée au 1er degré (puisque le treillis (Ph)
des catégories phanéroscopiques montre que la tiercéité dégénérée au 1er
degré présuppose la secondéité authentique: c'est la raison pour laquelle il
y a connexion réelle dans tous les cas) et un, deux ou trois primans peuvent
présenter un priman, un secondan sous une forme dégénérée ou un tertian
sous une forme dégénérée au deuxième degré. Si l'on se place du point de
vue du signe S ce sont les divisions par les catégories phanéroscopiques qui
apparaissent opératoires; si l'on se place d'un point de vue qui englobe le si
gne et son objet ce sont les modes d'être de l'objet et les modes d'être qu'ils
présupposent logiquement qui créent les distinctions comme dans 5.73 cité
ci-dessus.
Nous n'insisterons pas davantage sur ces questions de dégénérescence
des catégories sinon pour remarquer que notre formalisation permet de
comprendre comment la Tiercéité dégénérée au premier degré ou Tiercéité
relativement réactionnelle peut se subdiviser à la manière de la Secondéité
188 L'ALGEBRE DES SIGNES
pour former une chaîne comme Peirce le précise en 5.72. Il suffit en effet
de substituer à la Secondéité authentique qu'elle présuppose (conférer le
treillis (Ph)) une secondéité dégénérée, autrement dit remplacer le secon-
dan impliqué s.2 par un couple (s.l, r.l). Ajoutons que la trichotomie du
symbole exposée en 5.76:
"le Symbole, ou forme de Representamen relativement authentique, se divi
se par trichotomie en Terme, Proposition et Argument"
s'explique très bien en considérant, dans le treillis (CS) des classes de si
gnes, que l'ensemble des symboles caractérisés par s.3,Γ3aux deux premiè
res places du triplet peut être subdivisé suivant le troisième élément qui est
Γ3,Γ'3 ou "3. Il s'agit donc bien là d'une subdivision suivant les catégories
dégénérées de la tiercéité. Cela veut dire que, puisque 3, le deuxième élé
ment, caractérise la relation entre l'objet et le signe indépendante de l'in
terprète, cette relation peut être logiquement perçue, suivant le sujet, soit
telle qu'elle est, soit comme une secondéité accolée à une qualité de senti
ment soit comme trois qualités de sentiments (fondues par une relation tria-
dique dans l'objet).
Il y a d'autres subdivisions qui présentent au moins autant d'intérêt
que celles que nous venons de voir, lesquelles concernaient pour l'essentiel
la classification des signes, et qui, nous semble-t-il, sont correctement prises
en charge par tout l'appareillage théorique qui sous-tend le treillis des clas
ses de signes. Parmi celles-ci nous en relèverons deux: la première pour son
intérêt théorique, la seconde pour son intérêt pratique et les possibilités de
généralisation qu'elle offre.
Dans la IIIème conférence Lowell, Peirce aborde un chapitre intitulé:
Priméité de la Priméité, de la Secondéité et de la Tiercéité (1.530 à 1.537)
et les questions que nous pouvons immédiatement poser au vu de ce titre
auront inévitablement trait à la comparaison de ces notions avec les catégo
ries dégénérées afin de voir quels sont leurs rapports avec ce qu'on peut ob
tenir en procédant à la phanéroscopie des catégories phanéroscopiques el
les-mêmes.
Du fait que la Secondéité est une partie essentielle de la Tiercéité et la
Priméité est un élément essentiel de la Secondéité et de la Tiercéité, Peirce
déduit qu'il existe "des choses comme la Priméité de la Secondéité, la Pri
méité de la Tiercéité, la Secondéité de la Tiercéité", et il exclut comme logi
quement impossibles, la Secondéité de la Priméité et la Tiercéité de la Pri
méité et de la Secondéité (1.530). Nous pouvons immédiatement observer
que si nous procédons à la phanéroscopie de chacune des catégories pha-
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 189
Figure 65.
PHANÉROSCOPIE ET CLASSIFICATIONS 191
Figure 66.
tian à l'aide d'un secondan et le seul moyen pour le faire est que le tertian
soit précisément celui qui lui correspond dans la structure de Peirce asso
ciée, comme nous l'avons vu au chapitre III. Ce diagramme particulier doit
donc comporter des éléments pour représenter des qualités de sentiment en
relation, que ce soit des primans ou des secondans, c'est-à-dire des simples
qualités de sentiment ou des qualités de sentiment de relation. Il devra
donc représenter la représentation par une image et la représentation par
un diagramme. Pour la représentation par une image, c'est déjà fait dans le
diagramme (il suffit de regarder le schéma associé à la définition de l'image
dans la Figure 66 comme un diagramme). Pour la représentation par un dia
gramme le problème est donc posé de représenter en quelque sorte le sché
ma du diagramme de la Figure 66 par un autre diagramme: c'est selon nous
le sens qu'il faut accorder à la dernière partie de 2.277 qui définit la méta
phore selon Peirce. Les solutions sont multiples, mais imparfaites a priori,
ce qui explique qu'on présente souvent la métaphore comme une comparai
son sous-entendue ou abrégée.
En effet le diagramme ou sinsigne iconique "d'une sorte particulière"
devra contenir des éléments de l'un et de l'autre diagramme en correspon
dance suivant un diagramme du type représenté Figure 67, dans lequel la
Figure 67.
Figure 68.
Figure 69.
faiblesse des forces de cohésion entre les molécules (un individu étant alors
considéré comme une "molécule de foule") et la correspondance entre la
rue et le conduit est effectuée au moyen de caractères géométriques (cylin
dres à section en U ou semi-circulaire; que l'on songe à une autre métapho
re d'un autre type qui consiste à substituer l'artère à la rue).
Examinons maintenant un exemple non linguistique. Une publicité
d'un fabricant de disques selon un procédé, nouveau en son temps, appelé
PCM représente six verres à pied disposés à l'intérieur d'un cercle. Un dia
mètre vertical divise le cercle en deux demi-cercles. Le demi-cercle de gau
che est entièrement et uniformément grisé, celui de droite est blanc.
Il s'agit d'une métaphore visuelle qui est conçue suivant le schéma de
la Figure 70.
Figure 70.
Figure 71.
que des dénominations utilisées par Peirce, renommer ces classes et les dé
crire avec le même appareillage formel. Nous aurons donc:
- l'emblème (ou terme ou rhème) qui est un priman qui représente un ter
tian c'est-à-dire un objet général, une classe d'objets ou de faits, un
concept. Tous les noms communs, toutes les qualités de sentiment conven-
tionnellement choisies (la rougéité pour le socialisme ou la passion, le noir
pour le deuil ou l'anarchie, etc..)
- l'allégorie (ou proposition ou dicent) qui est un secondan qui représente
un tertian, c'est-à-dire que le secondan est conventionnellement impliqué
dans un tertian par Γ'3: par exemple, sur le drapeau soviétique, l'entrelace
ment de la faucille et du marteau représente l'union des paysans et des ou
vriers.
- l'ecthèse (ou argument), qui représente la représentation d'un tertian par
un autre. C'est le cas de la conclusion d'un syllogisme qui représente la qua
lité de "mortel" attribuée à tout homme dans la relation d'inclusion de So-
crate dans la classe des hommes parla proposition: "Socrate est mortel", la
quelle, à l'instar de la métaphore reprend un terme de la majeure et un ter
me de la mineure en les liant par la même copule, les autres termes étant là
aussi sous-entendus.
En définitive, bien que les trois trichotomies opèrent à différents ni
veaux des phénomènes sémiotiques, elles relèvent cependant de la même
structure formelle. C'est par ce biais que nous les avions abordées dans un
article (Marty: 1979), intitulé "Trichotomies de l'icône, de l'indice et du
symbole", dont la majeure partie de la substance est reprise et explicitée ici
dans une perspective d'abord phénoménologique et ensuite formelle, alors
que dans l'article cité nous n'avions que la perspective formelle à notre dis
position. Ces trichotomies peuvent, à notre sens, se révéler d'un grand in
térêt: on en trouvera quelques applications à l'étude du pidgin réalisée par
J. Réthoré (1979) et à l'iconisme linguistique par A. Jappy (1986) tandis que
nou même avons tenté de montrer leur pertinence pour l'étude du théâtre
dans un article intitulé: "Des trois icônes aux trois symboles" (Marty: 1982).
Comme nous l'avons déjà noté, ces trichotomies sont loin d'épuiser les
trichotomies produites par Peirce. Cependant il sera toujours intéressant, à
propos de chaque trichotomie rencontrée, de se poser le problème des prin
cipes opérant dans chaque trichotomie ou du moins des rapports qu'ils en
tretiennent avec les catégories phanéroscopiques qui sont de toute manière,
mais plus ou moins directement à l'origine de toute distinction.
Ce sera le cas notamment de la trichotomie des modes d'inférence en
abduction, déduction et induction.
200 L'ALGEBRE DES SIGNES
Les catégories authentiques, qu'on s'en tienne à elles seules ou qu'on y ad
joigne leurs formes dégénérées nous ont fourni matière à distinction et à
classification dans les phénomènes sémiotiques donc aussi dans les signes.
Ces distinctions et classifications sont nécessairement opératoires car
elles s'effectuent à partir de l'essence des phénomènes, c'est à dire qu'elles
opèrent des divisions sur leur forme et non sur leur substance. Beaucoup
d'auteurs ont malencontreusement mêlé les deux types de distinction. C'est
un peu comme si des chimistes faisaient intervenir dans leurs classifications
relatives à l'activité chimique des corps leur couleur ou leur consistance.
Opérer par trichotomie, c'est découper en quelque sorte les phanerons sui
vant des lignes qui ont nécessairement présidé à leur construction comme
tel, comme un costume que l'on démonterait pour le mettre à plat en sui
vant les coutures.
Avec le treillis des classes de phénomènes sémiotiques et le treillis des
classes de signes qui en découle nous avons mené aussi loin que nous avons
pu la recherche des éléments formels opératoires dans l'analyse des phéno
mènes sémiotiques ou des signes élémentaires, ainsi que leurs relations né
cessaires qui doivent permettre de reconstruire, donc de mieux compren
dre, le fonctionnement dans la vie sociale de tout phénomène sémiotique et
de tout signe, pourvu que nous puissions maîtriser la combinatoire de ces
éléments formels. Cependant avant d'en venir là, il convient d'examiner et
d'intégrer éventuellement d'autres distinctions faites par Peirce qui concer
nent toujours l'essence même des signes dans lesquels nous n'avons distin
gué jusqu'ici que trois éléments fondamentaux: le signe, l'objet et l'inter
prétant. Peirce a en effet dégagé d'autres éléments pertinents (il en annon
cé jusqu'à dix) qui selon lui ont une importance fondamentale. Qu'en est-il
de ces éléments, quel est le gain d'intelligibilité qu'ils procurent, peut on
leur appliquer les principes de phanéroscopie systématique que nous avons
dégagés? Ce sont les questions que nous allons traiter avant d'en venir à la
recomposition des phénomènes et des signes. Elles semblent pertinentes,
puisque, somme toute, les procédés qui sont valides pour les phénomènes
triadiques ont de fortes chances d'être encore valides si de nouvelles dis
tinctions sont faites à l'aide des mêmes principes.
CHAPITRE CINQUIÈME
1. De la triade a l'hexade
Dans plusieurs des textes de l'annexe A (29, 33, 40f, 59, 69b, 69c, 69d)
Peirce distingue deux objets et trois interprétants pour un même signe. Il
les distingue par des adjectifs qui varient souvent d'un texte à l'autre (sur
tout pour les interprétants) et un débat est ouvert sur la dépendance ou l'in
dépendance des distinctions portant des dénominations différentes. Nous
n'entrerons pas, pour l'instant, dans ce débat, nous réservant de le faire
aprés avoir tiré nos propres conclusions dans le droit fil de notre démarche.
Cependant, pour compliquer notre modèle dans le sens évoqué ci-dessus,
nous allons indiquer, parmi les distinctions qui reviennent le plus souvent
sous la plume de Peirce, notamment dans sa correspondance avec James
par exemple (8.314, 8.315) et Lady Welby (8.333 à 8.339, 8.343) et aussi
dans un grand nombre de manuscrits (MS 284, 318, 339, 914; liste non ex
haustive), celle qui nous paraît en général la mieux acceptée:
Mais il reste à faire remarquer qu'il y a d'ordinaire deux objets et plus de
deux interprétants. Nous avons à distinguer l'Objet Immédiat, qui est
l'Objet comme le signe lui même le représente, et dont l'être par suite dé
pend de sa représentation dans le signe, de l'Objet Dynamique qui est la
réalité qui par un moyen ou un autre parvient à déterminer le signe à sa re
présentation. Eu égard à l'Interprétant, nous avons également à distin
guer, en premier lieu, l'Interprétant Immédiat qui est l'Interprétant tel
qu'il est révélé dans la compréhension correcte du signe lui-même, et est
ordinairement appelé la signification du signe, alors qu'en second lieu nous
avons à noter l'Interprétant Dynamique qui est l'effet réel que le signe, en
tant que signe, détermine réellement. Enfin il y a ce que j'appelle provisoi
rement l'Interprétant Final qui renvoie à la manière dont le signe tend à se
représenter lui-même comme étant en relation avec son objet. J'avoue que
ma propre conception de ce troisième interprétant est encore quelque peu
nébuleuse. (4.536).
Avant toute chose nous donnons l'idée générale qui va nous permettre
de faire intervenir ces distinctions dans notre analyse du chapitre I suivant
laquelle un phénomène sémiotique consiste en l'actualisation, dans l'esprit
d'un interprète, d'une "forme" (une sous-configuratoin perceptive caracté
ristique d'un objet) incorporée de manière "institutionnelle" dans toutes les
configuratons perceptives d'un signe donné. Ensuite nous aurons à traduire
ces distinctions dans les universaux mathématiques déjà choisis au chapitre
II et traiter le résultat obtenu avec les méthodes systématiques mises au
point au chapitre IV.
Nous l'avons déjà signalé, ce qui nous paraît sans aucune restriction
correspondre à l'Objet Immédiat, c'est la sous-configuration perceptive de
l'Objet qui est la partie de la structure éidétique de l'Objet Dynamique
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 203
Figure 72.
de vue qui se trouve, de plus, être cohérent avec la formalisation des chapi
tres précédents.
Cependant Peirce nous propose deux façons de classer les signes hexa-
diques. Jappy (1983) a qualifié celle de 1904 de "relationnelle" (hexade A)
et celle de 1908 de "correlate" (hexade B) en faisant observer que la pre
mière différencie les signes suivant les modes d'êtres du signe et de l'objet
immédiat et des quatre relations qu'entretient le signe avec l'objet dynami
que et les trois interprétants tandis que la seconde les différencie suivant les
modes d'être des six éléments (ou correlats) du signe hexadique. Il y a ce
pendant quelques questions qui doivent être évoquées: l'ordre des éléments
de l'hexade A doit-il être considéré comme un ordre logique au même titre
que celui de l'hexade B? Si l'on admet l'ordre de l'hexade est-il cohérent
avec l'ordre qu'il induit sur les éléments de l'hexade A? Les deux classifica
tions, qui toutes deux donnent 28 classes de signes, sont elles différentes ou
correspondent-elles à deux façons de décrire ces 28 classes?
Pour faciliter la réponse à ces questions, tout en nous replaçant dans
notre perspective de "cheminement" d'une forme, nous allons modifier lé
gérement l'hexade A en une hexade A' équivalente dans le sens où il y a
correspondance terme à terme entre les signes hexadiques décrits par
l'hexade A et ceux décrits par l'hexade A'. En effet, nous choisissons les
éléments suivants pour définir l'hexade A':
- le signe S
- sa relation avec l'objet dynamique (notée )
- l'objet immédiat Oi.
- la relation de l'Objet Dynamique avec l'interprétant final établie à tra
vers le signe (c'est-à-dire la relation Od > If qui est la composée des rela
tions Od > S déjà fixée ci-dessus et S > If) notée Ω.
- la relation de l'Objet Dynamique avec l'interprétant Dynamique notée
Ω'.
- la relation de l'Objet Dynamique avec l'interprétant Immédiat notée Ω".
On voit que, par rapport à l'hexade A, les trois premiers éléments sont
inchangés tandis que les trois autres ont été simplement composés avec la
relation de l'Objet Dynamique au signe, déjà fixée. Les deux hexades sont
bien équivalentes. Nous allons maintenant montrer qu'il y a une correspon
dance terme à terme entre les classes de phénomènes sémiotiques élémen
taires décrits respectivement par l'hexade A' et par l'hexade A, étant en
tendu qu'un objet est un signe dès lors que l'un des éléments de sa décom
position phanéroscopique est impliqué dans un phénomène sémiotique
élémentaire. Autrement dit, il nous suffira de déterminer les cheminements
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 213
vement de Γ3 (ce qui implique que l'interprétant final est un tertian), de '3
(ce qui implique que l'interprétant dynamique est un secondan), et de "3,
ce qui implique que l'interprétant immédiat est un priman.
On établira le tableau des correspondances après avoir remarqué, ce
qui établit la biunivocité de la correspondance, que dans le diagramme de la
Figure 73 (où Φ est l'inclusion de Oi. dans Od) les modes d'êtres de tous les
éléments mentionnés sont déterminés dès lors que l'on connaît soit ceux de
(Od, Oi., S, If, Id, I.), soient ceux de (S, Γ, Ο., Ω, Ω', Ω").
Figure 73.
Tableau 5.
HEXADE HEXADE
°d °i S
*f Jdl h\ s °i ΩJ Ω* Ω" J
1 3 3 3 3 3 3
■ 3
3
"M
2 3 3 3 3 3 2 3 3
}
3 3 3 3 3 3 1 3 3
4 3
3 3 3 2 2 3
3
1
5 3 3 3 3 2 3
3
3
6 3 3 3 3 3
1
3
!
7 3 3 3 2 2 2 1 3
3
8 3 3 3 2 2 1 1 3 3
9 3 3 3 2 1 3
3
1»·
·
10 3 3 3 1 1 3
3
11 3 3 2 2 2
2
3
'
3
12 3 3 2 2 2 2
3
3
1
»
;
13 3 3 2 2 1 2
3
14 3 3 2 1 1 2 3 "
3 3
15 3 3 1 1 1 1 3
3
16 3 2 2 2 2 2 2
3
17 3 2 2 2 2 2 2 '
3
'
18
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3
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2
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2 2 2
24 2 2 2
25 2 2 2'
2 1 2
2 2
2 4 '
2
1 1 2
2 2 ' '
2 2 2
r
26 2 2 1 1 1 1 2
î
27
I 28
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
2
^
1
1
|
2
1
|2
2
!
2
1
Tableau 6.
216
Elément od °i s If Id Ii
Singulier Occurence
signifiante
L'ALGEBRE DES SIGNES
Idée signi
fiante
[
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 217
Elément
ou S . Ω Ω' Ω"
*
Mode d'être
sées"
J
Symbolisation Argumentation Compréhension Intellection
ι 1 "imposé" "interprétable
Secondan Sinsigné Indice Existant Dicisigne
Phème Compulsion dans des expé
Proposition riences"
L'ALGEBRE DES SIGNES
Suralsigné timent"
(H)
Figure 74.
C'est une catégorie à six objets dont tous les morphismes, hormis les
identités, peuvent être obtenus par composition des cinq morphismes notés
σ1 σ2,σ3,σ4',σ5 La catégorie (H) devient alors l'un des universaux mathé
matiques de notre formalisation.
Considérons maintenant la catégorie (S) de la Figure 75 telle qu'elle
(s)
Figure 75.
(H)
Figure 76.
Tableau 8.
Objets de (H)
od oi S
If Id Ii
Objets de ( S ) 3 2 2 2 1 1
Tableau 9.
Morphismes de (H) σ1 σ2 σ3 σ4 σ6
id
forphismes de (S) α id2 id2 β
1
En adoptant les mêmes conventions d'écriture qu'au chapitre IV nous
désignerons ce foncteur par le sextuplet (O d .3, oi..2, S.2, If.2, I d .l, I..1), en
abrégé (3, 2, 2, 2, 1,1). On voit qu'il correspond à la ligne n° 18 du tableau
5 de la section précédente qui est donc l'élément correspondant du cons-
tructum des signes hexadiques dont la catégorie des foncteurs de (H) dans
(S) est la catégorie algébrique "abstraite".
Le deuxième exemple est représenté par le diagramme de la Figure 77,
en notation abrégée (3, 3, 3, 2, 2, 1), correspondant à la ligne n° 8 du Ta
bleau 5.
(H)
Figure 77.
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 223
Pour déterminer s'il existe une transformation naturelle entre ces deux
foncteurs que nous noterons Fa et F b , il convient de transformer successive
ment chacun des objets par les deux foncteurs, puis de vérifier s'il existe
pour chaque couple d'objets de S ainsi obtenus un morphisme de S qui les
met en correspondance.
Fb(Od) = 3 et Fa(Od) = 3 sont reliés par id3.
Fb(oi.) = 3 et Fa(oi.) = 2 sont reliés par a.
Fb(S) = 3 et Fa(S) = 2 sont reliés par a.
Fb(If) = 2 et Fa(If) = 2 sont reliés par id r
Fb(Id) = 2 et Faa(Id) = 1 sont reliés par β.
Fb(I.) = 1 et Fa(I.) = 1 sont reliés par id r
Donc le sextuplet (id3, a, a, id2, ß, idx), en abrégé (-, a, a, -, β, -) r
les identités peuvent être toutes représentées par le même trait puisqu'il n'y
a pas d'ambiguïté possible, définit une transformation naturelle τ de F b
dans Fa: t(Fb) = F . On voit facilement qu'une règle permettant de détermi
ner s'il existe une transformation naturelle entre deux foncteurs est que
chaque chiffre de l'un des sextuplets caractérisant l'un des foncteurs soit su
périeur ou égal à chaque chiffre de l'autre sextuplet situé à la même place,
et l'on peut du même coup écrire le sextuplet de morphismes qui définit la
transformation naturelle. Par exemple entre (3, 3, 2, 2,1,1) et (3,3, 3,1,1,
1) il n'y a pas de transformation naturelle et entre (3, 3, 3, 3, 2, 1) et (3, 3,
2,1,1,1) il y a une transformation naturelle définie par (-, -,, α, βα, β, -).
On peut montrer facilement que toutes les transformations naturelles
possibles entre les 28 foncteurs de (H) dans (S) sont des composés des
transformations naturelles élémentaires, ces dernières étant des transfor
mations naturelles qui comportent un seul morphisme (a ou β) différent
d'une identité. Nous les désignerons par la lettre α ou β indexée par un chif
fre (entre 1 et 6) indiquant la place du morphisme qui est différent de l'iden
tité dans le sextuplet. Ainsi on a: α2 = (-,α,-,-,-,-); α3 = (-,-,α,-,-,-); β5 = (-
,-,-,-,β,-); et on peut vérifier que la transformation naturelle τ entre F b et Fa
est égale à l'un quelconque des trois produits α2α3β5, α2β5α3, β5α2α3· Comp
te tenu de ces conventions d'écriture il est facile de vérifier que l'ensemble
des 28 foncteurs de (H) dans (S) muni des transformations naturelles élé
mentaires possède une structure de treillis représenté Figure 78 et nommé:
treillis (SH) des classes de signes hexadiques. Sur ce treillis,les foncteurs Fa
et F b ont été marqués d'un astérisque.
En remplaçant chacune des classes décrites selon l'hexade par la
classe correspondante décrite selon l'hexade A', on obtient une autre ver-
224 L'ALGEBRE DES SIGNES
(SH)
Figure 78.
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 225
sion du treillis, dite version relationnelle (Figure 79), dans lequel les mor-
phismes élémentaires sont des sextuplets de morphismes du treillis (Ph) des
catégories phanéroscopiques ou des morphismes α et β. Lorsqu'un seul
morphisme est différent de l'identité sa place est indiquée par le chiffre qui
suit ce dernier. Dans les autres cas le sextuplet est développé.
Selon le type d'analyse menée, c'est-à-dire selon les caractères d'un
phénomène sémiotique auquel on porte plus particulièrement attention, on
utilisera l'un ou l'autre treillis.
Le signe hexadique n'est finalement qu'une complication du signe tria-
dique dans le sens qu'une classe de signes triadiques donnée se trouve sub
divisée en autant de signes hexadiques qu'il y a de façons d'arriver à l'inter
prétant final en trois "pas" effectués dans le treillis (Ph) des catégories pha
néroscopiques. Il suffit, afin de déterminer ces subdivisions pour chacun
des signes triadiques, de relever dans les colonnes S, Γ et Ω du tableau des
correspondances les triplets identiques à ceux qui caractérisent les signes
triadiques. On obtient le Tableau 10 dans lequel les trois dernières colonnes
proviennent du Tableau 5, hexade B, colonnes Od, S et If tandis que la troi
sième contient les classes de signes hexadiques qui peuvent être considérées
comme autant de subdivisions du signe triadique correspondant. Ceci met
en outre en évidence que le treillis (CS) peut être obtenu d'une manière
analogue au treillis (SH) dans sa version correspondant à l'hexade B, c'est-
à-dire par la phanéroscopie des corrélats. En effet, en considérant la caté
gorie algébrique Od >S >If, et en procédant à sa phanéroscopie sys
tématique, nous obtenons exactement dix foncteurs caractérisés par les tri
plets d e chiffres des trois dernières colonnes d u Tableau 10.
Ces trois chiffres décrivent, en quelque sorte, le cheminement de la
forme élémentaire en "oubliant" trois des étapes q u e le signe hexadique
prend en compte.
D e plus, le treillis (CS) peut être déduit du treillis (SH) en procédant
au regroupement des classes de signes hexadiques suivant les indications du
Tableau 10, comme l'indique la Figure 80.
Ceci montre, p a r exemple, qu'on peut distinguer, suivant la manière
dont on est arrivé à la conclusion d'une interprétation, six types d'argu
ments, trois types de symboles dicents, e t c . , ce qui recoupe de nombreu
ses distinctions faites ici où là par Peirce.
226 L'ALGEBRE DES SIGNES
Tableau 10.
Symbole
s.3, Γ ] . Γ^ 7,8,9 3 3 2
Dicent
Symbole
s.3, Γ 3 , Γ£ Rhématique 10 3 3 1
Légisigne
(s.2,s.l),r^,r^ Indiciaire 11,12,13,16,17,18 3 2 2
Dicent
Légisigne
(s.2,s.l), Γ^,Γ^ Indiciaire 14,19 3 2 1
Rhématique
Légisigne
(s.l.r.l.t.l) Γ5 £ 15,20,21 3 1 1
Iconique
Sinsigné
s.2, ^ > ^ Indiciaire 22,23,24 2 2 2
Dicent
Sinsigné
S.2, 2 . · Indiciaire 25 2 2 1
Rhématique
| . . ι . Γ ι . Quaiisigné 28 1 1 1
228 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 80.
4. La redondance de la decade
Cat s s-od I. s S, 0, I
°i °d h -h *f S-I
1
Pragmatis-
3 Famisigne Copulant Collectif Symbole Relatif Usuel Indicatif Argument Formel
tique
2 Actisigne Désignâtif Concretif Indice Catégorique Percussif Impératif Pratique Dicisigne Expérencielj
Hypothéti Sympathi
1 Potisigné Descriptif Abstractif Icône Suggestif Graphique Rhème Instinctif
que que
1
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE
229
230 L'ALGEBRE DES SIGNES
Tableau 12.
S °i °d s-°d h
1 h Μ
<1 X
f S-If S,0,1
Triade 1 2 3
Hexade A 1904 1 3 2 6 5 4
Hexade 1908 3 2 1 6 5 4
Peirce 23/12/08 3 2 1 7 6 5 8 4 10 9
Peirce 8-344 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Lieb 3 2 1 4 5 6 7 8 9 10
Kawama 3 2 1 7 4 5 8 6 9 10
Par ailleurs Jappy propose un ordre non linéaire afin de lever les con
tradictions qu'il relève en étudiant des exemples. Il s'appuie sur le fait que,
selon Peirce, la relation S du signe triadique détermine la relation
S If, ce qui l'autorise à supposer qu'il en est de même pour la relation
S Id. Cependant nous allons voir que notre formalisation nous conduit
à rejeter la notion de décade car nous montrerons que les trichotomies sup
plémentaires par rapport à l'hexade n'introduisent aucune distinction
nouvelle et sont de ce fait redondantes. En indiquant que les dix trichoto
mies conduisent à 66 classes de signes Peirce supposait, bien qu'il ne l'ait ja
mais indiqué, que ces dix trichotomies pouvaient être munies d'un ordre li
néaire (c'est-à-dire qu'il existait une application croissante de l'ensemble
ordonné des dix premiers entiers dans l'ensemble des dix trichotomies). En
effet une telle supposition conduit comme l'ont vérifié Burks et Weiss, Lieb
et Kawama à 66 classes valides, compte tenu de la hiérarchie des catégories.
Il est équivalent de constater, dans notre perspective de phanéroscopie sys
tématique que les foncteurs d'une catégorie isomorphe à l'ensemble ordon
né des dix premiers entiers dans la catégorie (S) sont exactement au nom
bre de 66. Les difficultés que Peirce a lui-même soulignées, le caractère dis
parate des ordres révélé par le tableau précédent donnent à penser a priori
232 L'ALGEBRE DES SIGNES
qu'il n'y a pas une erreur dans le choix de l'ordre des trichotomies, mais
que le caractère redondant des nouvelles trichotomies, masqué par l'im
précision du vocabulaire et l'absence de définition formelles rigoureuses,
n'est pas apparu en pleine lumière. Ce qui était déjà déterminé dans l'hexa-
de (l'une ou l'autre puisque nous avons déjà noté qu'elles étaient équiva
lentes, ce qui préfigurait déjà l'argumentation que nous soutenons actuelle
ment) n'est pas apparu comme tel, ce qui a motivé l'introduction de nouvel
les trichotomies. Cependant, et pour cause, il n'a pas été possible de déci
der par quoi elles étaient déterminées ce qui expliquerait l'absence de toute
référence sur ce point.
Notre formalisation nous permet en effet d'affirmer, en partant de
l'hexade B, que si une "forme" Oi. (c'est-à-dire un produit relatif de pri-
mans, secondans et tertians) est transmise depuis Od jusqu'à S, alors la rela
tion S Od est déterminée en ce sens qu'elle est un produit relatif de cor
respondances 1 ,2, 3 et/ou de leurs formes dégénérées. Autrement dit, la
donnée de Oi. et de S détermine S Od (il serait plus correct d'écrire Od—
—S mais nous conservons pour cette discussion les notations de cette sec
tion). Oi. elle même est déterminée comme "sous-forme" de la structure ei-
détique de O d , ce qui explique que Peirce désigne quelquefois l'Objet Im
médiat comme un Objet "dégénéré". Ensuite, cette forme étant incorporée
dans les configurations perceptives de S elle détermine tout le processus lo
gique dont l'esprit est le siège, à savoir qu'elle est un horizon indépassable
dans le temps de l'interprétation, ce qui détermine S If, S Id et S—
—Ii. puisque If, Id et I. sont eux mêmes déterminés. Ceci montre d'ailleurs
l'intérêt qu'il y a à faire l'analyse du signe hexadique comme nous l'avons
menée, avec l'hexade A', car cela nous permet de juger du "cheminement"'
de la forme par comparaison, grâce aux différentes correspondances, avec
la forme initiale. C'est finalement ce que Peirce ébauchait dans sa dixième
trichotomie qui fait, en quelque sorte, le bilan de ce cheminement en met
tant en correspondance la forme "du départ" avec celle "de l'arrivée". Mais
là aussi, nous l'avons vu, cette correspondance est déterminée par sa source
et son but et la trichotomie n'aboutit à subdiviser aucune des classes hexadi-
ques.
Par contre ce qui peut certainement être fait c'est d'utiliser ces tricho
tomies redondantes pour élaborer d'autres caractérisations des signes hexa-
diques, toujours équivalentes à l'hexade B, comme nous l'avons fait pour
l'hexade A'. Ceci peut être utile suivant le type de problème analysé en sui
vant le but poursuivi par l'analyse sémiotique afin de mieux saisir les carac-
PERFECTIONNEMENT DU MODÈLE TRIADIQUE 233
5. Au dela de l'hexade?
ment vers des débats auxquels les marxistes nous ont habitués et dont il
vaut mieux se préserver car ils sont véritablement sans avenir.
Quoiqu'il en soit la distinction entre des interprétants ultimes et non
ultimes ne saurait relever d'un phénomène sémiotique stricto sensu tel que
nous l'avons défini. Nous verrons que cette distinction peut éventuellement
s'établir dans le cadre d'une analyse du processus d'institution des significa
tions et qu'il se rapporte donc à un niveau d'analyse qui intègre les phéno
mènes sémiotiques dans des phénomènes sociaux d'une plus grande am
pleur.
Pour l'heure il nous semble qu'aucune distinction nouvelle relevant de
la nécessité formelle ne s'impose, d'autant plus que l'économie de la dé
marche scientifique nous incite, plutôt que de songer à perfectionner le mo
dèle hexadique, à en chercher les limites dans son application à la descrip
tion des phénomènes, afin de voir s'il en facilite réellement l'intelligibilité.
C'est seulement ainsi que peuvent apparaître de nouvelles nécessités sus
ceptibles d'orienter la recherche vers une complication du modèle qui soit
toujours en accord avec les faits.
Il n'y a donc pas pour l'instant de nécessité formelle autre que celle d'avoir
à rendre compte de la combinatoire grâce à laquelle les phénomènes sémio
tiques élémentaires s'aggrégent pour produire la présence à l'esprit d'objets
d'une grande complexité et d'une grande hétérogénéité puisque, faut-il le
rappeler, un livre entier aussi bien qu'un paysage urbain, l'expression d'un
visage, l'exécution d'une symphonie, l'oeuvre entière d'un peintre ou le
comportement d'un individu sont des signes, dans la mesure évidemment
ou leur perception produit la présence à l'esprit d'objets autres qu'eux mê
mes. Nous en resterons donc au signe hexadique avec le sentiment que nous
sommes encore loin d'en trouver les limites. Si l'on en croit Peirce, qui
pourtant commentait le signe triadique:
C'est un problème qui exige beaucoup de minutie que de dire à quelle
classe un signe donné appartient, puisque toutes les circonstances du cas
doivent être prises en considération. (2.260).
Mais fort heureusement Peirce continue ainsi:
Mais il est rarement requis d'être très précis, car si l'on ne localise pas le si-
236 L'ALGEBRE DES SIGNES
gne avec précision, il sera facile d'arriver suffisamment prés de son carac
tère pour les besoins ordinaires de la logique.
On conçoit d'ores et déjà que les difficultés proviendront de l'élément
que nous avons écarté dans la modélisation hexadique, c'est-à-dire de la
forme individuelle pour l'interprète du ou des objets d'un signe, dont nous
avons supposé qu'elle contenait la structure eidétique de l'objet, la référen
ce universelle pour une communauté. Toute analyse d'un phénomene sé-
miotique réel sera donc par nature, polémique. Mais la méthode d'analyse,
dans la mesure où elle mérite le qualificatif de "scientifique" est au delà de
ces polèmiques que seule la particularité qui accompagne son application
introduit. L'erreur consisterait à vouloir retrouver la paix et le consensus
par la normalisation qui consiste à ériger en structure universelle une struc
ture dominante et/ou majoritairement reconnue. C'est la tentation positi
viste, toujours présente et cultivée, symétrique de la tentation négativiste
qui prend prétexte du terrorisme de la norme pour nier toute vérité univer
selle, ou de l'attitude relativiste qui lui est équivalente et qui ne cesse d'af
firmer que chacun détient une parcelle de la vérité et donc que tous les sa
voirs ont la même valeur scientifique.
CHAPITRE SIXIÈME
Dans la section 6 du chapitre III nous avons montré qu'on pouvait prendre
en charge formellement l'unité du phaneron par le biais des structures rela
tionnelles et des correspondances compatibles entre ces structures. C'est la
notion de somme (ou colimite) d'un diagramme telle qu'elle est définie en
annexe D qui nous a permis cette formalisation. La notion duale de produit
(ou limite d'un diagramme) permet de rendre compte de la qualité sui g
néris (ou talité, "suchness") de chaque phaneron.
La question que nous allons maintenant aborder est un peu plus com
plexe mais n'est pas sans relation avec ce qui vient d'être évoqué. Il s'agit
en effet maintenant de rendre compte de l'unité des phénomènes sémioti-
ques qui, selon nous relèvent d'une phénoménologie "de seconde inten
tion". La formalisation à effectuer sera donc aux phénomènes sémiotiques
238 L'ALGEBRE DES SIGNES
2. Diagrammes sémiotiques
Nous l'avons fait remarquer à plusieurs reprises, un treillis peut être consi
déré comme une catégorie algébrique. Il suffit pour cela d'interpréter une
relation entre deux éléments comme un morphisme d'une catégorie dont les
objets sont les éléments de l'ensemble sous-jacent du treillis. Nous pouvons
donc considérer les treillis (Sem) de la section 2 du chapitre IV, (CS) de la
section 3 du chapitre IV et (SH) de la section 3 du chapitre V comme autant
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 241
de catégories algébriques. Dans cette section nous allons établir que ces ca
tégories sont toutes trois à la fois complètes et cocomplètes, autrement dit
que tout diagramme dans l'une des trois catégories a une somme et un pro
duit. On peut aussi utiliser le langage des graphes pour chacun des trois
treillis, car, dans certaines circonstances et pour certains énoncés, il peut se
révéler plus commode. En effet un graphe peut être défini par la donnée
d'un ensemble X non vide de sommets et d'une relation binaire R sur X
(c'est donc une structure relationnelle de type 2 sur X) à laquelle on associe
l'ensemble des couples (x,y) e X x Y tels que χ R y (qui sont les arcs du gra
phe). Un graphe peut être représenté par sa matrice boléenne qui est la ma
trice carrée dont les lignes et les colonnes sont chacunes associées aux élé
ments de l'ensemble X et dont les éléments, associés aux couples (x,y), va
lent 1 si χ R y et 0 dans le cas contraire. Par exemple, la matrice boléenne
associée au treillis (CS) considéré comme un graphe est représentée Figure
81, avec les notations suivantes:
ø = S.3, Γ 3 , Γ 3 ; a = s.3, 3, '3; b = (s.2,s.l), '3, '3
= s.3, 3, "3; d = S.2, 2, 2; e = (s.2,s.l), '3, "3
f = s.2, 2, 2 ; g = (s.l,r.l,t.l), "3, "3;
h = s.2, 2 ',' 2 ;q = s.l, 1 , 1 .
ø a b d e f g h q
0 1 1 1 1 1 1 1
0 1 1 1 1 1 1
b 0 0 1 0 1 1 1
0 0 0 1 0 1 1
d 0 0 0 0 1 0 0
e 0 0 0 0 0 1 1
f 0 0 0 0 0 0 0
g 0 0 0 0 0 0 0 1
h 0 0 0 0 0 0 0 0
q 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Figure 81.
242 L'ALGEBRE DES SIGNES
d g h
1 0 1 1
d 0 1 0 1
8 0 0 1 1
h 0 0 0 1
Figure 82.
(pour la relation d'ordre du treillis) des éléments d'un diagramme est dans
chacune des trois catégories la somme de ce diagramme et la borne infé
rieure est son produit, puisqu'il est équivalent de dire qu'un objet vérifie
la condition (ii) de la définition de la somme d'un diagramme ou qu'il est un
majorant des éléments du diagramme. L'existence requise du morphisme
unique résulte alors de la définition de la borne supérieure, à savoir: le plus
petit des majorants. On peut faire une vérification duale pour le produit.
Les trois treillis peuvent donc être regardés comme des catégories complè
tes et cocomplètes puisque les éléments universels des treillis (le plus "pe
tit" et le plus "grand") nous assurent que tout diagramme possède au moins
un majorant. On peut remarquer par ailleurs que la somme ou le produit
d'un diagramme peuvent être des éléments de ce diagramme. Dans les
exemples représentés Figures 83, 84 et 85, pris dans les trois catégories,la
somme et le produit de chaque diagramme sont signalés par les lettres S et
Ρ associés à la classe correspondante, les morphismes du diagramme étant
représentés en traits pleins et ceux qui sont relatifs à la construction de la
somme ou du produit en traits pointillés.
Figure 83.
244 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 84.
Figure 85.
Figure 86.
(CoS)
Figure 87.
Par contre il est un point de vue qui mérite d'être développé, en vue
d'étudier, notamment, la communication, et qui consiste à prendre en char
ge, par un artifice de présentation, la différence que nous avons notée.
Nous limitant aux signes afin de ne pas alourdir l'exposé, nous appellerons
co-signe tout signe émis. Un co-signe est donc un signe, mais tout signe
n'est pas un co-signe comme le montre le cas des signes dits "naturels".
Pour décrire un co-signe élémentaire nous préciserons d'abord la catégorie
250 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 88.
Γ'3) ou un symbole dicent (s.3, 3, '3). Donc un co-symbole dicent peut
être interprété comme un légisigne indiciaire dicent si l'expérience collaté
rale de l'interprète (incluant la violence symbolique dont il a pu être l'ob
jet) n'a pas produit l'intériorisation de la norme en vigueur dans sa commu
nauté et comme un symbole dicent dans le cas contraire. Il y a encore d'au
tres possibilités au niveau de l'interprétation que nous inventorierons dans
la section suivante consacrée à l'algèbre de la communication.
De la même façon que nous avons perfectionné le signe triadique nous
pouvons perfectionner le co-signe triadique en prenant en compte des ca
ractéristiques supplémentaires duales de celles qui ont été choisies dans le
chapitre précédent. Nous obtenons alors une définition du co-signe hexadi-
que qui réalise une partition des classes de co-signes triadiques suivant les
étapes (catégorielles) qui ont conduit à l'incorporation réelle d'une sous-
structure de l'objet dynamique dans la structure relationnelle du signe.
Cette définition est la suivante:
Un co-signe hexadique est constitué par la donnée d'un objet Od appe
lé objet dynamique du co-signe, d'une sous-structure caractéristique de sa
structure eidétique appelée Objet immédiat Oi. et d'un objet S choisi dans
une famille d'objets (S.)jεj tels qu'il existe une application compatible . de
Oi. dans au moins une structure relationnelle associée à une configuration
perceptive de S. et de trois applications compatibles Ω"*, Ω'*, Ω* vérifiant
Ω* ≥ Ω'* ≥ Ω"* ≥ , où le signe ≥ signifie "est une restriction de", et dé
finies comme suit:
- Ω"* est la particularité de la correspondance instituée pour le produc
teur du signe; l'image de Oi. par Ω"* s'appellera le co-interprétant immédiat
et sera noté I.co.
1
Figure 89.
Figure 90.
est isomorphe au treillis (SH) mais au sujet duquel nous pouvons faire les
mêmes remarques que celles que nous avons faites sur les rapports entre les
treillis (CS) et (CoS). D'ailleurs, dans le cas présent, il n'est pas nécessaire
de recourir à un artifice de présentation puisque les trichotomies des inter
prétants et des co-interprétants font apparaître avec suffisamment de clarté
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 253
la dualité entre signes et co-signes. Pour travailler avec le treillis des cosi
gnes hexadiques il suffira de reprendre le treillis (SH) et de l'interpréter en
termes de co-signes.
Il est alors clair qu'on peut définir dans les treillis de consignes consi
dérés comme catégories algébriques, de nouveaux diagrammes sémiotiques
qui correspondront biunivoquement à ceux que nous avons définis dans la
section précédente et qui seront en fait les mêmes, mais formalisés dans une
optique de production. Nous obtenons donc un diagramme sémiotique as
socié à la production d'un objet comme co-signe. Mais, bien que les dia
grammes puissent être mis en correspondance bijective, comme nous ve
nons de le voir, il n'est nullement nécessaire, a priori, que le diagramme du
co-signe dans lequel est impliqué un objet soit le diagramme qui lui corres
pond dans cette correspondance quand on considère cet objet du point de
vue de son implication dans un signe. Ceci nous conduit naturellement à
examiner les phénomènes de production et d'interprétation dans le champ
de la communication dont ils sont les éléments constitutifs.
4. L'algèbre de la communication
Il nous faut, avant toute chose, donner un contenu plus précis à la no
tion de concaténation d'un co-signe et d'un signe. Pour celà reprenons le
schéma simplifié (c'est-à-dire ne tenant pas compte des formes individuelles
de l'objet et du signe S pour le producteur et pour l'interprète) de la fin
du chapitre II reproduit Figure 91.
Figure 91.
gébrique induite naturellement par les structures algébriques des deux treil
lis sur l'ensemble des couples retenus. D'où la définition:
une communication élémentaire est une communication dans laquelle la
sous-structure caractéristique associée à un objet est un tertian, un se-
condan ou un priman.
Il s'ensuit en effet qu'une telle communication est constitutive d'un co
signe élémentaire et d'un signe élémentaire vérifiant la condition (c) puis
que l'image d'un tertian par une correspondance compatible est de l'un des
types S.3 ou (s.2,s.l) ou (s.l,r.l,t.l), l'image d'un secondan est de l'un des
types s.2 ou (s.l,r.l) et l'image d'un priman s.l.
On établit alors le résultat suivant:
il existe une partition de l'ensemble des communications élémentaires en
classes déterminées par un couple formé d'une classe de co-signes et d'une
classe de signes image par l'isomorphisme θ d'une classe de co-signes que
cette classe présuppose; en d'autres termes si Σ est une classe de co-signes
et si Σ' ≥:Σ (c'est-à-dire que Σ' est au dessous de Σ dans CoS) toute com
munication élémentaire appartient à une classe déterminée par un couple
(Σ,θ(Σ')).
En effet tout élément indécomposable est transformé par Ω * en un en
semble d'éléments indécomposables de l'un des six types rappelés ci-dessus
et tout signe correspondant à une interprétation de ce co-signe élémentaire
est nécessairement déterminé par une correspondance dont le mode d'être
est supérieur (c'est-à-dire situé en dessous dans le treillis (Ph)) au mode
d'être de Ω * et une correspondance Γ (qui est présumée être la cor
respondance existant entre l'objet du co-signe et le signe S) dont le mode
d'être est aussi nécessairement supérieur à celui de la correspondance insti
tuée entre objet et signe qui est constitutive du co-signe. C'est à dire que le
couple des correspondances figurant dans le co-signe est toujours tel que
leurs modes d'êtres respectifs sont toujours inférieurs aux modes d'être res
pectifs des correspondances figurant dans le signe ce qui, nous l'avons vu,
définit précisément la relation d'ordre de l'un ou l'autre des treillis (CoS) et
(CS). En somme, puisqu'un co-signe présuppose tous les co-signes qui lui
sont supérieurs dans (CoS) toute interprétation possible de ce co-signe re
vient à saisir l'un de ces co-signes (et donc aussi tous ceux qu'il présuppose)
et à le regarder comme un signe, (ainsi que tous les co-signes qu'il présup
pose).
On en déduit que l'ensemble des classes de communications élémentai
res est un ensemble de 10 + 9 + 7 + 6 + 5 + 4 + 3 + 3 + 2 + 1 = 50 élé
ments, ce dénombrement résultant de l'addition du nombre de classes su-
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 257
Figure 92.
Tableau 13.
(Com)
Figure 93.
260 L'ALGEBRE DES SIGNES
mière étape, une liste de signes avec chacun leur objet, et leur interprétant
si on utilise le modèle triadique, leurs deux objets et leurs trois interpré
tants si on utilise le modèle hexadique. Ces signes seront rangés ensuite
dans l'une des dix ou des vingt-huit classes suivant le cas.
2. Construction du diagramme sémiotique de l'hypersigne: (conférer section
2) pour construire ce diagramme il suffira de noter, dans le treillis (CS) ou
dans les treillis (SH) ou (Sem), les classes de signes trouvées dans l'analyse
précédente et de relever les morphismes du treillis qui les mettent en rela
tion.
3. Détermination de la somme et du produit du diagramme: ces opérations
nous donnent ce que nous avons appelé l'architotalité et l'architalité de
l'hypersigne. Nous avons vu qu'elles consistent à prendre respectivement
les bornes inférieure et supérieure du diagramme dans les treillis correspon
dants.
4. Détermination de la totalité et de la talité de l'hypersigne: il s'agit mainte
nant de trouver un objet (ou deux), un interprétant (ou trois) de l'hypersi
gne de façon à constituer un signe qui implique tous les signes relevés au lo
(pour la totalité) et un objet (ou deux), un interprétant (ou trois) de l'hy
persigne de façon à constituer un signe qui soit impliqué par tous les signes
relevés au lo (pour la talité).
Ce travail sera simplifié, notamment dans le cas d'hypersignes très
complexes formés d'une multitude de signes élémentaires, par la possibilité
technique dont nous disposons de remplacer des sous-diagrammes (dia
grammes de sous-objets, diagrammes formés avec des sommes et des pro
duits de sous-diagrammes) par leur somme et leur produit. Cela renvoie à
une sorte d'associativité des significations qu'il est possible de regrouper —
à bon escient — dans des diagrammes d'ordre supérieur, sans limitation. La
technique offre donc la possibilité de procéder pas à pas vers la signification
globale. Par exemple dans l'analyse du portrait de la Joconde il sera possi
ble de sommer les éléments du paysage dans un signe "campagne" éven
tuellement accompagné d'un ou de plusieurs adjectifs qui "sommera" tous
les éléments constitutifs du paysage (arbre, chemin, ciel, brume, e t c . ) et
on pourra aussi intégrer dans la talité de ce sous-diagramme le célèbre "sfu-
mato". De même un drapeau français contenu dans un hypersigne pourra
être sommé dans un signe ayant pour objet la "francité", sans détailler le
diagramme des couleurs, des formes et leurs positions respectives.
Le résultat final sera donc un diagramme qui montrera comment les
différentes parties effectivement signifiantes de l'hypersigne sont organisées
262 L'ALGEBRE DES SIGNES
par des relations d'ordre sémiotique issues de l'un des treillis pour produire
à la fois un signe global, celui qui est coextensif de l'unité de la conscience
de l'interprète et une qualité de sentiment particulière inhérente à ce même
hypersigne. Ce diagramme traduit, en quelque sorte, l'algèbre (au sens de
structure "solide", immanente) de cet hypersigne. Cette algèbre est cons
truite au niveau auquel l'un ou l'autre modèle peuvent le saisir. Des modè
les plus raffinés fourniraient évidemment une algèbre plus fine de chaque
hypersigne et l'on voit, à cette occasion, se profiler le processus ad infini
tum dont l'horizon et l'objectif est l'hypersigne lui même pris dans toutes
ses déterminations particulières.
Avant de passer à l'étude de quelques exemples, il convient d'insister
sur le fait que nous analysons des phénomènes sémiotiques. Cette précision
peut paraître superflue, au point où nous en sommes, mais nous devons im
pérativement nous démarquer de la conception suivant laquelle des objets
sont des signes indépendamment de toute interprétation réelle, c'est-à-dire
de toute détermination concrète. C'est, en gros, la conception dyadique qui
étudie seulement la relation des signes institués à leurs objets en considé
rant ces relations comme des universaux abstraits. C'est une conception qui
conduit souvent à prescrire les significations plutôt qu'à les décrire, à édic-
ter des normes et des règles présentées comme "naturelles", à donner à des
soi-disant "systèmes de signes" une existence sociale sans historicité. Par
rapport à cette conception normative des signes notre démarche peut se
définir comme l'étude scientifique des signes interprétés (ou produits) et
des communications réelles. Par exemple, quand nous traitons de signes lin
guistiques, nous situons notre propos au niveau de la parole et nous tentons
de saisir d'un même mouvement de pensée (la pensée "triadique") le rap
port langue-parole conçu comme rapport social d'une institution abstraite
aux individus concrets impliqués dans la formation sociale dont elle émane.
position, tel qu'il est, en quelque sorte, résumé dans le treillis (CS) des clas
ses de signes, ce qui revient à accorder à Barthes, mais qui ne le lui accorde
rait, une connaissance critique parfaite des normes institués de la significa
tion en vigueur à cette époque, ce qui est le propre du "mythologue". Il est
clair que, pour conduire cette analyse, nous devons écarter nos propres in
terprétations de la situation décrite et nous en tenir rigoureusement à l'ob
jectivité du texte.
Les données de l'analyse sont donc, outre le texte, l'ensemble des nor
mes de la signification instituées au sein de la communauté sémiotique
d'appartenance de Barthes (c'est-à-dire, grosso modo, la "culture françai
se" des années 50) et la particularité de ces normes telle qu'elle peut se ma
nifester au moment de leur intériorisation critique par un Barthes.
L'hypersigne interprété par Barthes est donc la couverture de l'hebdo
madaire Paris-Match telle qu'elle lui est apparue un jour qu'il patientait
chez son coiffeur. Nous n'avons pas à essayer de savoir, par exemple en
consultant les archives de cet hebdomadaire, si la description qu'il en fait
est juste ou pas, s'il a omis des détails; par exemple: sur quel fond était pri
se la photographie, quelle était sa mise en page, l'expression du soldat,
etc.. Nous n'avons qu'à constater les éléments signifiants pour lui, c'est-à-
dire renvoyant à autre chose qu'à eux mêmes, et que, pour cette raison il a
retenus, autrement dit ceux qui ont été impliqués dans le phénomène sé
miotique, sélectionnés et interprétés par Barthes, ce jour là, en ce lieu.
Barthes sélectionne deux sous objets: le nègre, considéré dans sa pos
ture et son habillement, et le drapeau français. Dans le premier il sélection
ne les éléments suivants que nous classons, en primans, secondans et ter
tians éventuellement dégénérés:
1. Priman:
- La couleur de la peau du nègre.
2. Secondans:
- La posture du nègre qui est un fait ou secondan authentique car
la personne et le salut sont constitutifs du fait. En d'autres termes ce secon
dan unit dans un seule qualité de sentiment une qualité de sentiment de
"personne" et une qualité de sentiment de "salut militaire". Supprimons la
personne, il n'y a plus de salut, et réciproquement
- l'habillement du nègre qui est un secondan dégénéré constitué par l'asso
ciation du nègre et de l'uniforme, association nommée par le verbe "vêtir".
Ce secondan est dégénéré car on peut supprimer l'une des qualités du senti
ment que chacun produit sans supprimer l'autre.
264 L'ALGEBRE DES SIGNES
3. Tertians:
- L'uniforme français, qui est un existant pris comme tel et consi
déré comme une instance de la loi qui prescrit ses caractéristiques. C'est
donc un tertian dégénéré au premier degré qui associe un existant avec une
qualité de sentiment de loi gouvernant cet existant. Notons que cet unifor
me est pris comme totalité c'est-à-dire que tous les signes élémentaires qui
le constituent sont considérés comme sommés.
- Le salut militaire français qui est un fait considéré lui aussi com
me une instance de la loi qui le prescrit.
Le second sous-objet est drapeau français considéré comme totalité,
tel que nous l'avons analysé et totalisé dans nos études précédentes avec ses
qualités de sentiment de couleur ("tricolore") de rectangle, d'inhérence et
d'intercalation. Barthes le considère comme un tertian authentique.
Enfin ces deux sous-objets sont liés par un tertian dégénéré au premier
degré qui associe le regard du nègre au drapeau tricolore considéré dans sa
talité; ce tertian incorpore le secondan du premier sous-objet qui n'a pas
été retenu en tant que tel mais dans la relation au drapeau qu'il établit,
puisque le regard est interprété comme un "zèle à servir". Cette liaison en
tre les deux sous-objets assure l'unité de la forme relevée par Barthes dans
cette couverture d'hebdomadaire.
Chacun de ces éléments est impliqué dans un signe triadique, d'où la
liste de signes obtenue à l'issue du premier temps de l'analyse que nous
consignons dans le Tableau 14.
Nous passons maintenant à la construction du diagramme de l'hypersi-
gne analysé par Barthes représenté Figure 94.
La totalité et la talité de ce diagramme s'obtiennent immédiatement.
La totalité est un signe classé (s.3, 3, '3), c'est-à-dire un légisigne symbo
lique dicent. C'est la signification globale que Barthes accorde dans ce texte
à la couverture de Paris-Match; il l'exprime un peu plus loin dans son texte
en l'appelant "impérialité française". C'est cet ensemble de déterminations
socio-politiques qui déterminent un jeune noir à revêtir l'uniforme français
et à faire allégeance à la nation française en saluant son drapeau. Ces déter
minations sont représentées dans le diagramme et résultent de ce qu'on
peut appeler les "degrés de sémioticité" de chaque classe de signes. On voit
que militarité et francité sont littéralement projetés sur tous les existants
(les secondans) de la couverture de l'hebdomadaire. Le diagramme est en
quelque sorte la "formule chimique" suivant laquelle les ingrédients relevés
par Barthes ("négrité", francité, militarité) se combinent pour produire
l'impérialité française.
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 265
Tableau 14.
couleur de la "négrité"
s.l r r β.1,Γ χ ,Γ
peau
i i
0.1 qualisigne
militarité (s.2,s.ljf
Uniforme
(s.2,s.l) française Γ
ι '
Γ
3 r
3 3 , Γ'
ι3
Français
0.3 . légisigne
II It «1 indiciaire
Salut militaire
rhématique
8
Drapeau francité ·3·Γ3·Γ3
S.3 r
3
n; symbole
Français 0.3
rhématique
(s,2,s.l)
Regard de la allégeance
r Γ * Γ"
i 3» j
3
personne (s.2,s.l) 0.3
à r
3 légisigne
indiciaire
rhématique
Figure 94.
de secondans (les mots "dits") dont chaque élément est impliqué dans un
tertian, c'est-à-dire est un sinsigne réplique d'un légisigne. L'objet immé
diat de l'ensemble formé par ces deux vers (l'hypersigne) nous est donné
sans ambiguïté aucune par la norme linguistique, partie institutionnalisée
de la langue: il s'agit de la représentation de la représentation d'un fait du
monde interne du poète (tristesse) dans un fait du monde externe (pluie)
comportant l'indication d'une localisation dans chaque monde (coeur, vil
le). Le premier vers présente le couple pleur/coeur, le second le couple
pluie/ville et l'ensemble des deux vers représente un parallélisme du pre
mier couple dans le second.
Ce parallélisme est renforcé par l'emploi de la tournure impersonnelle
pour le verbe pleurer. Le schéma formel de la représentation est celui de la
métaphore telle que nous l'avons formalisée dans le chapitre IV. Ce qui fait
l'intérêt de cet exemple, et qui souligne de plus une caractéristique de l'ex
pression poétique, c'est que ce parallélisme est redoublé par un parallé
lisme entre les secondans constitutifs de chaque vers, lorsqu'ils sont dits.
En effet on peut associer à chacun des deux vers notés s1 et s2 les dia
grammes de la Figure 95.
Figure 95.
par les mots de la langue est redoublée par une homologie "phonétique"
entre les sons qui les expriment. On retrouve ici cette caractéristique de la
poésie romantique qui prenant acte de correspondances entre les états
d'âme et les états des choses s'efforce de représenter cette correspondance
avec une volonté impressionniste très marquée.
Quant aux classes de signes mises en jeu ce sont des symboles Thémati
ques ou dicents configurés de façon à produire un légisigne iconique. En ef
fet chacun des objets est représenté par le substantif qui le désigne dans la
langue (symbole rhématique); ces symboles sont enchassés dans deux pro
positions (symboles dicents) dont le parallélisme conduit au légisigne iconi
que, à savoir la représentation de la représentation de l'état d'âme du poète
dans un état des choses. Cet exemple nous montre par ailleurs que, lorsqu'il
s'agit de signes linguistiques, la méthodologie décrite ne suffit pas à donner
une description satisfaisante de l'architectonique d'un texte, sauf à prendre
en compte des catégories spécifiquement linguistiques. Nous les aborderons
au chapitre VIII. Auparavant nous allons étudier un autre texte poétique
pour lequel la méthodologie conduit à des résultats plus originaux.
nique des significations car elle lui permet de convoyer avec succès des for
mes de relations originales depuis son esprit jusque dans celui de tout inter
prète. En d'autres termes, le poète est passé maître dans l'alchimie des
mots, en prenant alchimie dans le sens peircien, à peine métaphorique, de
combinatoire par produit relatif; il invente, en quelque sorte, de nouvelles
molécules de langage et le diagramme que nous allons maintenant dégager
en sera, d'une certaine manière, la formule développée.
Pour éviter des longueurs inutiles nous procèderons à des sommations
partielles, pour la plupart des sommes directes, qui simplifieront le dia
gramme sans perte d'information. Nous retiendrons donc comme signes
constitutifs dans l'ordre de leur apparition au cours de la lecture du poème:
S1: formé par les deux premiers vers, est un légisigne iconique (s.l,r.l,t.l),
"3, "3 dont l'objet est le tertian "une salle de classe archétype" représen
tée par l'énumération de quelques uns de ses éléments fondamentaux et in
terprétés comme tels par le champ d'interprétants formé au cours de l'ex
périence scolaire de chaque interprète. C'est la structure éidétique d'une
salle de classe abstraite de toutes les salles de classes que tout interprète po
tentiel a pu fréquenter qui est communiquée à travers la juxtaposition de
quelques qualités de sentiments (quarante enfants, salle, tableau noir,
triangle).
S2: formé par les troisième et quatrième vers est un légisigne indiciaire di-
cent (s.2, s.l), '3, '3 dont l'objet est un cercle doué de vie (dans l'esprit du
poète) au point qu'on peut lui attribuer des qualités proprement humaines
car il porte la marque de la difficulté éprouvée par la main qui l'a tracé. Son
mouvement est comparable à celui de la peau d'un tambour. Il est repré
senté par un secondan qui le dénote (l'instance du mot cercle) accolé à des
symboles Thématiques qui représentent des primans (hésitant, sourd). C'est
la juxtaposition réelle des mots qui représentent le cercle et les qualités que
le poète lui prète qui contraint les interprètes à construire un tertian dont
l'image par une correspondance '3 est précisément cette représentation
que l'auteur a construite.
S3: formé par les deux lignes de la deuxième strophe est un légisigne indi
ciaire Thématique (s.2, s.l), '3, "3 dont l'objet est un ensemble indétermi
né de lettres (probablement ces lettres au moyen desquelles on désigne les
points dans les figures géométriques) dont la situation contextuelle est dé
crite comme une condition humaine. Ce signe se distingue du précédent par
le fait qu'aucune qualité intrinsèque n'est attribuée à l'objet sauf peut être
celles qui leur seraient nécessaire pour pouvoir ressentir douloureusement
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 271
une attente (l'attente d'être nommées, peut-être) car l'attente pourrait être
celle des quarante enfants et donc appartenir au contexte.
S4: formé par le premier vers de la troisième strophe est un légisigne indi-
ciaire dicent (s.2, s.l), '3, '3 dont l'objet est un tertian, un trapèze maté
rialisé en parapet dont il possèderait la dureté. Ce signe est construit com
me S2 sauf que les qualités attribuées au trapèze sont celles d'une chose ma
térielle inerte.
S5: formé par le deuxième vers de la troisième strophe est un légisigne indi-
ciaire dicent dont l'objet est un tertian, une voix indéterminée (probable
ment celle du professeur) sur laquelle le poète donne quelques informa
tions.
S6: formé par les deux derniers vers de la strophe est aussi un légisigne indi-
ciaire dicent. Son objet est un tertian, le concept de problème représenté
dans l'attitude et avec une qualité qui sont celles d'un animal.
S7: formé par les deux vers de la quatrième strophe est un légisigne indiciai-
re rhématique (s.2, s.l), '3, "3 dont l'objet est un tertian, un angle indé
terminé représenté au moyen de la mâchoire d'un animal avec une préci
sion telle qu'il est valide de se poser la question de savoir si cette mâchoire
appartient à deux animaux aussi physiquement proches qu'une chienne et
une louve. Remarquons que ce signe implique parmi d'autres un légisigne
iconique particulier constitué par la métaphore: "la mâchoire d'un angle"
(conférer chapitre IV, section 4).
S8: formé par les trois premiers vers de la dernière strophe est un légisigne
iconique, une métaphore, qui représente la représentation d'un ensemble
de chiffres indéterminé dans un ensemble de fourmis.
S9: formé par le dernier vers est un légisigne indiciaire dicent dont l'objet
est un ensemble de garçons dont il est précisé qu'ils ont les yeux fixes, ce
qui les réintègre dans le même champ de l'animalité que le cercle, le pro
blème, l'angle et les chiffres (la fixité de l'oeil est une caractéristique bien
connue de certains animaux marins comme le poulpe).
En disposant ces classes de signes suivant les relations qu'elles entre
tiennent dans le treillis (CS) nous obtenons le diagramme de la Figure 96
constitué par les classes de signes encadrées par un trait continu.
La somme et le produit de ce diagramme s'obtiennent immédiatement.
Ce sont les classes de signes encadrées par un trait discontinu, respective
ment un symbole dicent s.3, 3, '3 et un légisigne iconique (s.l,r.l,s.l),
3, '3
272 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 96.
Etude n°4: "La nouvelle Citroën" de R.Barthes (texte n°2, annexe F).
Cette étude sera conduite avec les mêmes principes que l'étude n°l. Elle vi
sera donc à mettre en évidence l'architectonique de l'analyse que Barthes
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 273
Tableau 15.
2 n
Sigle D.S" (s.2,s.l) mot "déesse"
0.3
4 (i.2,s.l),TJ,r5
S.3 s.3.r3,r^
mot "déesse" divinité
symbole rhématique 1
0.3
4 (s.2,s.l),r^r^
matière de s.3 goût de la
la D.S. 19 légèreté symbole rhématique
0.3
4 (s.2,s.l), I* ,rj 1
surfaces (s.2,s.l) spiritualité
vitrées 0.3
4 mouvement
insigne (s.2,s.l)
(s.2,s.l), Γ^, Γ ^
ailé 0.3
Tableau 16.
Figure 97.
gie avec le svastika, idée soutenue par la juxtaposition d'un signe féminin
(la faucille) et d'un signe masculin (le marteau). C'est donc l'union de la
"paysannerie fécondante" et du "prolétariat productif', si présente dans
l'exaltation du tracteur agricole dans la filmologie soviétique, qui est repré
sentée par cette disposition croisée. En soi, c'est un signe d'union.
Enfin la position de l'étoile au dessus (pour le sens de lecture habituel
des drapeaux) de la faucille et du marteau croisés est un signe qui en met
tant cette "union des forces de progrès" sous la dépendance (rapport du
haut et du bas) d'une humanité impliquée dans un conflit d'importance vi
tale, renvoie à la classique division marxiste entre infrastructure et super
structure. L'objet de ce signe sera donc la maîtrise de l'esprit humain sur
l'évolution matérielle.
Nous affectons maintenant chaque signe à une classe de signes hexadi-
ques. Tous les objets dynamiques sont des tertians. Nous indiquons les clas
ses hexadiques sous leur deux formes (conférer chapitre V). Nous propo
sons dans l'ordre:
- couleur rouge: (3,3,3,3„2,1) ou (3,Γ3,3,Γ3,Γ'3,Γ"3)
- faucille: (3,3,3,3,2,2) ou (3,3,3,3,'3,'3)
- marteau: (3,3,3,3,2,2) ou (3,3,3,3,'3,'3)
- étoile: (3,3,3,3,3,1) ou (3,3,3,3,'3,"3)
- disposition croisée: (3,3,3,3,3,2) ou (3,3,3,3,3,'3)
- configuration: (3,3,3,3,3,2) ou (3,3,3,3,3,'3)
Rappelons que si l'on veut suivre dans chaque cas la forme transmise il
convient de considérer les trois derniers éléments de chaque sextuplet dans
l'ordre inverse. Ainsi la couleur rouge qui est, dans ce cas, un signe tertian
(dégénéré au second degré: le tertian "action libératrice" est incorporé par
triplement du priman qu'est la qualité "rougéité" du fond du drapeau) pro
duit un interprétant immédiat priman (sentiment de rouge), lequel produit
un interprétant dynamique secondan (vivacité du rouge) et l'interprétant fi
nal est le tertian "action libératrice" qui incorpore la vivacité dans le
concept d'action.
En se reportant au treillis (SH) (chap. V) on peut dresser le diagramme
du drapeau soviétique de la Figure 98.
L'architotalité de ce diagramme est évidemment un signe hexadique de
la classe (3,3,3,3,3,2). Il intègre le tourbillon créationnel engendré par la
disposition croisée de la faucille et du marteau dans une sorte de marche
triomphale de l'humanité (représentée par l'étoile à cinq branches) sur un
fond (rouge) d'action libératrice qui supporte la talité de ce progrès ininter-
280 L ' A L G E B R E D E S SIGNES
Figure 98.
Etude n°6: "Quelle sorte de journée est-ce? C'est une journée orageuse"
Dans une lettre à W.James datée du 14 Mars 1909, Peirce analyse, en tant
que signes hexadiques, les termes d'un dialogue réel ou imaginaire, entre
lui-même et sa femme (texte n°3, annexe F). Nous allons procéder à la
même analyse dans le modèle hexadique que nous proposons en essayant
de donner les précisions que notre méthodologie peut apporter et en éva
luant les éventuels écarts avec l'analyse de Peirce. Il s'agit moins d'une
comparaison ou d'une recherche de ratification de notre modèle par le fan
tôme du savant que d'un prétexte destiné à montrer que le modèle est utili
sable en toutes circonstances. De plus cet exemple constitue aussi une com
munication que nous étudierons comme telle à l'aide du treillis (Com).
Pour faciliter notre analyse nous ferons quelques considérations a prio
ri qui sont de manière évidente des présupposés du texte de Peirce à savoir:
- que l'ensemble des conditions météorologiques assignables à une journée
ARCHITECTONIQUE DES SIGNIFICATIONS 281
C'est dans "A survey of pragmaticism" (1906) que Peirce expose sa concep
tion de la sémiosis en liaison avec la notion d'interprétant logique et les
principes fondamentaux du pragmaticisme. Nous avons effleuré la question
de la sémiosis dans le chapitre V au cours de la discussion sur les rapports
que peuvent entretenir les trichotomies de l'interprétant en immédiat, dy
namique et final d'une part, affectif, énergétique et logique d'autre part. La
conception de Peirce peut se résumer ainsi:
- il y a sémiosis ou action d'un signe quand il y a création d'une relation
triadique entre trois choses dont l'une est une détermination d'un esprit.
Cette action est à distinguer d'une relation triadique qui peut s'établir en
dehors de tout esprit (mais pas sans rapport) comme dans le cas d'une régu
lation automatique ou d'un système cybernétique. A cette relation on asso
ciera le nom de "quasi-signe" qui est donc un concept plus vaste, puisque
tout signe est un quasi-signe alors que l'inverse n'est pas vrai (conférer
5.473).
- la sémiosis peut être décomposée chronologiquement en trois étapes suc
cessives: la première est la création, par l'action du signe, de l'interprétant
288 L'ALGEBRE DES SIGNES
affectif qui est "un sentiment que le signe produit", lequel peut produire
dans le monde intérieur une réaction ou effort mental qui est l'interprétant
énergétique qui constitue la seconde étape: "Si un signe produit un autre ef
fet signifié propre, il le produira par le moyen de l'interprétant affectif, et
ce nouvel effet impliquera toujours un effort" (5.475). Il peut y avoir enfin
un autre genre d'effet appelé l'interprétant logique.
- tous les signes n'ont pas d'interprétant logique: "on peut ajouter a ceci la
considération que ce n'est pas tous les signes qui ont des interprétants logi
ques, mais seulement les concepts et autres choses du même genre"
(5.482).
- lorsqu'un signe a un interprétant logique on peut en fait le décomposer,
toujours diachroniquement, en une suite d'interprétants logiques "conjec
turaux" (5.480) qui sont soumis à des modifications à la suite "d'actions vo
lontaires diverses dans notre monde intérieur" (5.481), mais il s'agit tou
jours de signes "qui ont eux mêmes un interprétant logique" et donc aucun
ne peut être "l'interprétant logique ultime du concept" (5.476).
- cet interprétant logique ultime qui n'est pas un signe fut longtemps une
énigme pour Peirce (5.483) car il devait être, dans tous les cas, un futur
conditionnel. La solution de l'énigme apparut à Peirce dans le changement
d'habitude, c'est-à-dire:
une modification des tendances à l'action d'une personne, résultant d'ex
périences antérieures ou d'efforts antérieurs de sa volonté ou de ses ac
tions, ou d'un complexe des deux genres de cause (5.476).
Ce changement d'habitude peut d'ailleurs consister en un accroisse
ment ou une réduction de la force de l'habitude (5. 477).
- on peut distinguer trois classes d'événements qui sont des causes de chan
gements d'habitude: des expériences dans lesquelles l'esprit est contraint
(5.478), les efforts de l'imagination qui accompagnent certaines actions
musculaires répétées (5.479), les réitérations d'idées du monde interne
(5.487).
- donc c'est
l'habitude formée délibérément par analyse d'elle même — parce que for
mée à l'aide des exercices qui la nourrissent — qui est la définition vivante,
l'interprétant logique véritable et final. Par suite, pour exprimer le plus
parfaitement possible un concept que les mots peuvent communiquer, il
suffira de décrire l'habitude que ce concept est calculé à produire. Mais
comment une habitude pourrait-elle être décrite sinon en décrivant le gen
re d'action auquel elle donnera naissance, en précisant bien les conditions
et le mobile? (5.491)
DYNAMIQUE DES SIGNIFICATIONS: LA SEMIOSIS 289
Tableau 17.
1 3 3 3 n° 1 logique 1
Il I
2 3 3 2 n° 2
•1 I
3 3 3 1 n° 3
Il I
4 3 2 2 n° 4
Il I
5 3 2 1 n° 5
6 3 1 n° 6 Il I
7 2 2 2 n ° s 7,11,16,22 énergétique
os
8 2 2 l n 8,12,17,23
9 2 1 1 n o s 9,13,18,24
10 1 1 1 n ° s 10,14,15,19,20,21, affectif
25,26,27,28.
- Ceci nous permet de comprendre pourquoi "ce n'est pas tous les signes
qui ont des interprétants logiques" (5.482). La condition pour qu'un signe
ait un interprétant logique est que son interprétant final soit un tertian, ce
qui présuppose que son objet soit un tertian, ce qui pose en termes sémioti-
ques le problème de Peirce, à savoir la recherche de la signification d'un
concept.
- On peut aussi expliquer de manière satisfaisante le passage suivant, im
portant pour bien saisir le lien entre pragmatisme et sémiotique:
Car le succès obtenu en traitant sur ce modèle un grand nombre de
concepts intellectuels, dont quelques uns seulement sont mathématiques,
fut si éclatant que je fus pleinement convaincu que prédiquer n'importe le
quel de ces concepts à un objet réel ou imaginaire équivaut à déclarer
qu'une certaine opération correspondant à ce concept, appliqué à cet objet
aurait (certainement ou probablement ou possiblement, selon le mode de
prédication) un résultat déterminé descriptible en termes généraux.
(5.483)
En effet, les trois modes de prédication dont il est question peuvent
être associés pour le premier (mode certain) à l'interprétant final logique
qui correspond au tertian interprété comme tel, pour le deuxième (mode
probable) à l'interprétant énergétique considéré comme un tertian dégéné
ré au premier degré (un secondan impliqué dans un tertian "probable") et
pour le troisième à l'interprétant affectif considéré comme un tertian dégé
néré au deuxième degré (un priman impliqué dans un tertian "possible").
Il nous reste maintenant à examiner quel statut il convient de donner
dans notre modèle à l'habitude comme interprétant logique ultime. On voit
immédiatement la difficulté: notre modèle est relatif à des phénomènes sé-
miotiques considérés dans le moment de leur production, ici et maintenant.
Il ne saurait donc incorporer, tel quel, l'habitude, telle que la conçoit Peir
ce, qui est un futur conditionnel. Cependant nous avons accordé à la rela
tion d'un signe à son objet le statut d'institution sociale que nous avons lié
à la notion d'interprétant en concevant l'institution dans la dialectique de
ses moments constitutifs. Nous sommes donc conduit à élucider les rapports
entre les concepts d'institution et d'habitude pour parachever notre modé
lisation afin qu'elle prenne aussi en charge la dynamique des significations.
2. Institution et habitude
ques. En somme nous devons saisir d'un même mouvement de pensée l'ins
titution des phénomènes sémiotiques dans l'ordre social et leur constitution
dans l'ordre psychologique.
Nous nous sommes assez longuement exprimé sur ce sujet dans la des
cription des phénomènes sémiotiques (section 4 du chapitre I) en exposant
l'analyse dialectique du concept d'institution mise en avant par le courant
sociologique de l'analyse institutionnelle. Nous pouvons maintenant, dispo
sant de modèles formels élaborés des phénomènes sémiotiques, aller plus
au fond dans l'analyse.
Reprenons l'analyse des trois moments du concept d'institution en y in
tégrant les éléments formels dégagés par notre étude, dans le cadre de la
micro-institution que constitue la relation d'un signe à son objet et en rela
tion avec un esprit par l'action du signe.
Le moment de l'universalité, moment de l'unité positive du concept,
est l'institué de la relation signe-objet. C'est cette relation considérée com
me un en-dehors de l'esprit, un déjà là indépendant de l'esprit, une réalité
sociale objectivée. On peut à ce niveau faire une remarque qui montre bien
comment il possible que toutes les significations puissent, si on isole ce mo
ment, apparaître comme "naturelles". En 3.360, Peirce définit l'emblème
(symbole) comme un signe qui n'est lié à son objet qu'en conséquence
d'une association mentale et dépendant d'une habitude. En 3. 361, il définit
l'indice au moyen d'une relation binaire directe du signe avec son objet "in
dépendante de l'esprit qui utilise le signe". En 3.362, il écrit qu'au cours de
nos raisonnements sur un diagramme, ce dernier "est pour nous la chose
même" et que "en contemplant un tableau, il y a un moment où nous per
dons conscience qu'il n'est pas la chose, la distinction entre le réel et la co
pie disparaissant"... On voit que la première et la troisième citations peu
vent être ramenées à la seconde dès lors qu'on peut valablement soutenir
que la relation établie entre signe et objet est indépendante de l'esprit qui
utilise le signe. C'est exactement ce qui se produit dans le moment de l'uni
versalité, car cette relation, coupée de ses déterminations est ainsi rendue
indépendante de tout esprit (dans les limites de la communauté considérée)
dans lequel elle s'actualise et devient à ce titre, quelque chose de positif,
d'une positivité qui égale celle de la connexion physique qui caractérise la
définition de l'indice. Isoler ce moment comme le font la sémiotique et la
linguistique idéalistes, notamment à travers le dogme de l'arbitrarité du si
gne, c'est en rester à une conception positive et transcendante de l'inscrip
tion des rapports sociaux dans les phénomènes sémiotiques. Le moment de
294 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 99.
Figure 100.
dre sont donnés dans le fait la dyade et la triade peuvent être combinées
(produit relatif) pour produire dans l'esprit de l'observateur un tertian cor
respondant terme à terme au tertian qui était dans l'esprit de l'officier au
moment de l'émission de l'ordre. La combinaison ainsi réalisée peut être
assimilée à une inférence immédiate qui associe dans l'esprit de l'observa
teur les trois qualités de sentiment éprouvées dans la perception de l'ordre
(dont deux sont liées par une dyade) comme sont associées les trois qualités
de sentiment dans l'esprit de l'officier. C'est ainsi qu'une forme de relations
élémentaire (un tertian) est passé de l'esprit de l'officier dans l'esprit de
l'observateur en transitant par le monde physique. La correspondance en
tre les qualités de sentiment de chaque forme est réglée par une micro-insti
tution de la langue que nous analyserons en détail dans le chapitre VIII.
Quant au secondan sol/fusil il est incorporé dans un tertian dans l'esprit de
l'observateur. Alors si l'observateur a une expérience, fut-elle rudimentai
re, de l'institution militaire en général, cette expérience cumulée a un mode
d'être qui consiste précisément dans le fait qu'il met en relation (par une
correspondance compatible Γ) les deux tertians formés dans son esprit; ce
n'est que de cette façon que le choc des fusils sur le sol peut lui apparaître
comme un effet de la volonté de l'officier, puisque les deux sont simultané
ment présents à son esprit.
306 L'ALGEBRE DES SIGNES
Maintenant cette étude illustre bien ce que nous voulons dire quand
nous disons que l'interprétant logique pose un problème bien particulier.
Car si nous considérons que le choc des fusils sur le sol est un signe de la vo
lonté de l'officier de voir les soldats mettre l'arme au pied (dans une situa
tion ou l'ordre ne serait pas perçu, par exemple) nous voyons de quelle fa
çon une chose existante ou un fait non linguistique peut participer à un
phénomène sémiotique et donc ce qu'est un signe dont l'objet est un ter
tian. Ce n'est pas la chose ou le fait qui peuvent supporter l'incorporation
puisqu'il y a une impossibilité logique à cela: on ne peut pas incorporer une
triade dans une dyade. C'est la chose présente à un esprit, c'est-à-dire la
chose jointe à une détermination d'un esprit et incorporée de ce fait dans
un tertian qui peut seul être mis en correspondance avec le tertian objet du
signe. En outre cet exemple met explicitement en évidence, grâce à l'im
possibilité logique que nous venons de souligner, combien notre choix de
prendre en charge dans la construction du modèle le caractère social des
phénomènes sémiotiques exclut irrémédiablement le dogme de l'immanen
ce du sens. On voit aussi en quoi peut consister la particularité d'une micro
institution, à savoir dans ce cas précis l'une des micro-institutions qui rè
glent la discipline militaire dans le sens où elle prescrit l'un des rapports en
tre un officier et les soldats. Son universalité peut être dégagée du code ins
titutionnalisé et équivaut à la prescription: lorsqu'un officier prononce "Re
posez arme!" les soldats doivent immédiatement reposer leur fusil sur le sol
suivant une procédure dont le détail leur est préalablement inculqué. Sa
particularité apparaît chaque fois qu'en situation de maniement d'armes la
liaison notée Γ3 sur le schéma de la figure 100 est effectivement réalisée
dans l'esprit de l'observateur. Quant à sa singularité elle consiste dans la
correspondance qui s'établit de fait entre le tertian formé par l'esprit de
l'officier et le tertian formé par celui de l'observateur lorsqu'il perçoit le
choc des fusils sur le sol; c'est cette correspondance singulière qui rend
présente à son esprit la volonté de l'officier unie triadiquement aux deux
qualités de sentiments comme singularité de la micro-institution militaire
destinée à déterminer ce choc. L'impossibilité logique que nous avons no
tée est donc levée grâce à l'incorporation du secondan dans un tertian unis
sant aux deux qualités de sentiment d'action et de réaction (une conscience
à deux faces) la détermination de l'esprit de l'observateur par ce choc. Ce
pendant on dit que le choc est un signe de la volonté de l'officier: ceci impli
que une forme dégénérée de cette correspondance singulière qui détache ce
secondan, le rendant en quelque sorte au monde extérieur, en le séparant
DYNAMIQUE DES SIGNIFICATIONS: LA SEMIOSIS 307
Dans cette section nous nous proposons d'étudier l'ensemble des micro-ins
titutions en vigueur dans une communauté sémiotique à un instant donné,
compte-tenu des caractères que notre modélisation permet d'attribuer à
chacune d'elles. Précisons tout d'abord le cadre formel dans lequel va se
dérouler notre étude.
Soit R la classe des objets réels, c'est-à-dire des objets dont les carac
tères ne dépendent pas de l'idée que tel ou tel membre de la communauté
sémiotique considérée peut en avoir (voir 5.405 et la lettre à Lady Welby dy
31 Janvier 1909). Les micro-institutions en vigueur dans cette communauté,
considérées dans leur universalité, sont des correspondances compatibles
entre la classe des structures eidétiques de chacun des objets de R. Comme
chaque objet a sa structure eidétique, chaque correspondance compatible
définit un couple d'objets de R à savoir le couple formé par les deux objets
DYNAMIQUE DES SIGNIFICATIONS: LA SEMIOSIS 311
qu'elle met en relation. Il en résulte que la classe R est munie d'une rela
tion binaire ce qui nous permet de définir la notion de "champ sémio-cultu-
rel" de la manière suivante:
Un champ sémio-culturel est une sous-classe du produit cartésien RxR,
autrement dit une classe de couples ordonnés d'objets réels.
Le champ sémio-culturel renvoie donc à l'ensemble du "déjà-là", à la
totalité de l'institué d'une culture appréhendé sous la forme d'une "encyclo
pédie sémiotique" commune à tous les êtres humains socialisés dans une
même aire culturelle. Chacun d'eux, suivant l'étendue de son expérience
personnelle, est détenteur à un certain degré de cette encyclopédie, ce qui
est manifesté par les habitus qui règlent sa pratique et qu'il vit comme au
tant d'habitudes d'agir ou de penser. A tout objet réel S, but d'au moins
une correspondance compatible (c'est-à-dire à toute entrée du "dictionnai
re encyclopédique") on pourra donc associer une classe C s de tous les ob
jets source d'une correspondance compatible dans laquelle il est impliqué
comme but, c'est-à-dire la classe de tous les objets dont il peut être le signe
pourvu que l'une des correspondances soit actualisée dans un esprit.
C s = {(S,O j )} iεj
où les Oj. représentent des objets réels distincts et J un ensemble non vide
d'indices. C s peut être appelée la fibre sémiotique de l'objet S.
La notion de champ sémio-culturel regroupe donc toutes les associa
tions d'objets instituées dans une communauté sémiotique à un moment
historiquement daté qui ont valeur universelle pour chaque membre de
cette communauté. Formellement c'est une structure relationnelle de type
2. L'ensemble R est immense, l'ensemble des couples du champ sémio-
culturel aussi. Il est impossible d'en ébaucher la moindre liste, c'est-à-dire
de la décrire en extension. Habituellement on cherche à le connaître, au
moins localement, par l'utilisation de techniques statistiques mises au point
précisément pour résoudre les problèmes de la connaissance relatifs à de
tels ensembles. Cependant notre modélisation nous permettra, grâce à l'uti
lisation de la réduction triadique étendue aux correspondances compati
bles, de diminuer l'arbitraire dans la description de ce champ en le décom
posant en champs élémentaires, ce qui facilitera le recours éventuel aux
techniques statistiques en les cantonnant à des champs moins vastes et bien
délimités. Quant à la notion de fibre sémiotique elle paraît devoir permet
tre de rendre compte des phénomènes que la sémiotique a repéré sous le
nom de "signifiance", ce "miroitement du sens" cher à Roland Barthes. Ces
312 L'ALGEBRE DES SIGNES
notions mettent en effet l'accent sur les variations des significations produi
tes par le passage d'un élément de la fibre à un autre et se prolongent dans
la notion d'isotopie qui consiste à construire des chaînes de fibre à fibre au
moyen de correspondances compatibles entre objets des fibres. On peut
aussi considérer que la notion de champ sémio-culturel recouvre l'associa-
tionnisme sous sa forme instituée, les associations successives d'objets cons
tituant en fait une chaîne ayant pour point de départ le signe perçu et pou
vant aboutir à un grand nombre d'objets souvent totalement étrangers au
contexte.
En effet les associations peuvent se produire en mettant à contribution
des correspondances successives telles que la source de l'une et le but de
l'autre n'aient aucun point et aucune relation en commun, ce qui peut évi
demment conduire très loin du contexte de l'interprétation.
Maintenant nous pouvons décomposer chacune des structures éidéti-
ques de chacun des objets du champ sémio-culturel en produit relatif de
structures relationnelles de type 1, 2 et 3 et du même coup décomposer les
correspondances compatibles Γ en produit relatif de correspondances de ty
pes Γ1 Γ2 et Γ3 (et éventuellement de leurs formes dégénérées). On peut
alors associer à la fibre sémiotique d'un objet quelconque exactement 3 fi
bres sémiotiques élémentaires qui correspondent à chacun des trois types
Γ1, Γ2, Γ3 (et à leurs types dégénérés). On peut noter Γ1(CS) l'ensemble des
couple formés de primans de S et de chacun des primans des différents ob
jets auxquels il est lié par une correspondance de type Γ1 après décomposi
tion en produit relatif de correspondances élémentaires de la correspondan
ce qui lie S à chacun des objets dans la fibre Cs. 2(s) désignera alors l'en
semble analogue pour les correspondances de type 2 et 3(§) pour celles
de type 3. On peut considérer, pour cette étude, que les correspondances
dégénérées sont ramenées au type authentique correspondant. Cependant
on pourrait en cas de besoin distinguer, par exemple, Γ'2(CS) qui est l'en
semble des couples formés par un couple de primans de S d'une part et de
chacun des secondans des différents objets auxquels ce couple de primans
est lié par une correspondance de type '2. D'aprés nos conclusions, Γ'2(CS)
est inclus dans 2(s) et on aurait de même les inclusions successives de
"3(Cs) dans'3(CS)et de'3(CS)dans 3(CS).
Il est clair que ces fibres sémiotiques élémentaires ne sont pas nécessai
rement des sous-classes de C s . Il faudrait pour cela que tous les éléments de
la décomposition des objets Oi. en produits relatifs de primans, secondans et
tertians soient eux-mêmes des objets dont la correspondance à S par Γ , Γ2
DYNAMIQUE DES SIGNIFICATIONS: LA SEMIOSIS 313
ou Γ3 ait aussi valeur d'institution sociale, ce qui est rarement le cas, bien
que l'on puisse soutenir que ces correspondances aient implicitement cette
valeur, ce qui reviendrait à considérer que toute correspondance élémentai
re provenant de la décomposition d'une correspondance instituée est elle-
même une correspondance instituée. Il nous paraît préférable, pour plus de
clarté, d'écarter ce point de vue, au moins provisoirement. Cependant,
dans tous les cas, chacune des correspondances compatibles liant S à un ob
jet Oi. pouvant se décrire comme produit relatif de correspondances appar
tenant à l'une des trois fibres élémentaires, on peut dire que ces dernières
constituent une sorte de base de C s , base étant pris dans le sens de système
générateur assorti d'une condition portant sur l'unicité de la décomposi
tion. On peut considérer que1(CS),2(s), 3(s) correspondent respecti
vement à ce que certains auteurs, et parfois Peirce, appellent la priméité de
S, la secondéité de S et la tiercéité de S. Ces notions traduisent la capacité
instituée d'un objet S d'être mis en correspondance, suivant les contextes,
avec d'autres objets au moyens d'éléments résultant de leurs décomposi
tions. Au vu des confusions auxquelles l'emploi inconsidéré des dénomina
tions diverses et multiples a donné lieu, nous n'utiliserons pas ces appella
tions, la notion de fibre élémentaire nous semblant plus imagée et surtout
prêtant moins à confusion.
En ce qui concerne les associations successives d'objets,il est clair
qu'elles constituent un réseau transverse vis-à-vis des fibres sémiotiques
élémentaires que nous venons de définir. Par exemple une qualité peut ren
voyer à un objet par une correspondance du type 1 cet objet à un existant
ou un fait par une correspondance du type 2 et ce fait à un concept par une
correspondance du type 3. Nous pouvons illustrer ainsi cet exemple: une
trace de couleur bleue sur une voiture blanche produit la présence à l'esprit
d'une autre voiture qui stationnait à son côté, ce qui produit la présence à
l'esprit d'un contact entre les deux véhicules au moment où cette dernière
quittait son stationnement, ce qui produit enfin la présence à l'esprit du
concept de maladresse. La trace de couleur bleue est ainsi devenue le signe
de la maladresse d'un conducteur à l'aide d'une correspondance du type 3
établie par ces associations successives. Il y a eu en fait trois interprétants
successifs faisant intervenir deux inférences de nature très différente: la
première qui de la perception de la couleur bleue infère le contact avec l'au
tre véhicule met en jeu des lois de la physique; la seconde qui du contact in
fère la maladresse d'un conducteur incorpore le fait dans une classe de faits
que le concept de maladresse réunit. On voit qu'on est passé des lois de la
314 L'ALGEBRE DES SIGNES
...chaque code est l'une des forces qui peuvent s'emparer du texte (dont le
texte est le réseau), l'une des voix dont est tissé le texte. Latéralement à
chaque énoncé, on dirait en effet que des voix off se font entendre: ce sont
les codes...
Ainsi pour Barthes le texte-signe est une sorte de discours des codes
adressé à tout lecteur qui, à partir de là, produit son travail signifiant (la si-
gnifiance comme procès). Dans notre conception le champ d'interprétant
est porté par le lecteur (et non présent dans le texte qui est une chose morte
externe) et il peut être dans l'esprit du lecteur à des degrés divers suivant sa
trajectoire sémio-culturelle. Le texte peut solliciter simultanément un
grand nombre de champs, ce qui a pour effet de démarrer la sémiosis. La
différence essentielle réside dans le fait que chez Barthes le code n'est pas
affecté par l'acte de lecture; il parle au lecteur d'un en-dehors du procès du
sens dont il apparaît comme un matériau déjà là, institué, figé, tandis que
la notion de champ d'interprétants, sorte de fédération de micro-institu
tions solidarisées par le réel, étant conçue dialectiquement intègre dans le
modèle la dynamique sociale des significations. C'est en ce sens qu'on peut
dire que cette notion intègre la notion de code culturel qui n'en est finale
ment que le moment de l'institué, l'universalité abstraite coupée de ses dé
terminations de champ d'interprétants.
Il ne faut cependant pas concevoir de manière trop tranchée la division
du réel en régions et donc le "feuilletage" du champ sémio-culturel en
champ d'interprétants qu'il détermine en champs parfaitement autonomes.
Il y a certainement des connexions, plus ou moins fortes, entre champs et
les déterminations s'opèrent à partir de seuils empiriquement définis, les
rectifications de frontières étant très fréquentes, ce que chacun peut consta
ter en étudiant les réorganisations multiples des champs couverts par les
différentes disciplines et au moment de l'émergence de nouvelles discipli
nes. Autrement dit un signe quelconque est connecté d'une certaine ma
nière à tous les objets réels de l'univers. C'est ce qu'exprime Peirce en MS
517:
Un signe est connecté avec le "Vrai", c'est-à-dire l'Univers de l'Etre en en
tier, ou, comme on dit, l'Absolu, de trois façons distinctes.
ou encore en MS 849 (texte n°56, annexe A, daté 1911):
Un signe a nécessairement pour Objet quelque fragment d'histoire, c'est-
à-dire de l'histoire des idées.
316 L'ALGEBRE DES SIGNES
Sémiotique et savoirs
1. Sémiotique et théâtrologie
Il y a certainement des théâtrologues dès lors que sont émises des paroles
sur le théâtre. Mais y a-t-il une théâtrologie? Personne ne contestera que,
même armé de la plus grande patience et des meilleures intentions, il est
aujourd'hui impossible d'extraire de la littérature produite sur le théâtre un
corps de définitions rigoureuses et compatibles entre elles, un ensemble de
règles explicites, c'est-à-dire une combinatoire de concepts susceptible de
constituer ne serait-ce qu'un noyau dont les développements ultérieurs
pourraient permettre de prendre en charge le phénomène théâtral dans sa
totalité. Tout au plus peut-on repérer, surnageant par intervalles dans le
torrent de la littérature, quelques universaux empiriques spécifiques du
théâtre qui sont pour la plupart patinés par la didactique (comme le souli
gne Helbo: 1983): représentation, communication, relation, gestualité. La
théâtrologie serait donc dans les limbes de la scientificité et peut être même
serait-il risqué de la qualifier de pré-scientifique.
Ce n'est pourtant pas faute de convoquer tout ce qui dans les sciences
humaines semble accéder, même à titre éminemment précaire, à un statut
scientifique. Au premier plan on trouve inévitablement la linguistique, dis
cipline pilote. Mais celle-ci ne permet que la prise en charge du texte. C'est
pourquoi elle a été reconvertie, par extension du champ de ses concepts, en
sémiolinguistique, dans le but de saisir tous les éléments non verbaux du
phénomène théâtral. Alors, et pour les besoins de la cause, tout est devenu
texte et on a vu fleurir les "textes spectaculaires". C'est l'exemple poussé à
l'extrême d'un transfert forcé d'un système de concepts qui a connu un cer
tain succés dans la description d'un champ dans des champs quelquefois
très différents.
Cette démarche, à situer dans la pragmatique de la recherche, si elle
s'est souvent révélée fructueuse, peut aussi manifester une sorte d'impuis
sance à produire des concepts spécifiques adéquats dans ces nouveaux
champs et à ce titre contribuer à "bloquer le chemin de la recherche". La
sémiolinguistique, ou, plus précisément, l'attitude méthodologique qui
consiste à soumettre systématiquement au moyen de parallélismes concep
tuels (c'est-à-dire par mise en correspondance des concepts et des relations
entre ces concepts) pas ou mal définis le non-linguistique au linguistique, a
semble-t-il fait son temps. La sémiologie a progressivement assuré la relè
ve, ce qui est d'ailleurs dans l'ordre des choses: l'extension du champ d'ap
plication de la linguistique ayant rapidement atteint ses limites, il était natu-
SÉMIOTIQUE ET SAVOIRS 319
se en 7.551). Mais ces deux phanerons sont liés, du fait du spectateur préci
sément, par des relations réelles ou des relations de raison. Il y a donc un
troisième phaneron, distinct des deux autres, qui est la présence à l'esprit
de leurs relations et des processus qui les établissent. L'esprit étant présent
à lui-même il a conscience d'être conscience à deux. faces (ce mode de cons
cience Peirce l'appelle Médisense). Le théorème de réduction triadique
évoqué plus haut a pour conséquence que ces trois modes de conscience —
Primisense, Altersense, Médisense — suffisent à décrire les états possibles
de la conscience du spectateur. Néanmoins, si cette conscience participe
nécessairement du phénomène théâtral elle ne saurait constituer l'objet de
la théâtrologie car la phénoménologie peircienne se rapporte à "ce" qui est
présent à l'esprit et non à ce qu'est l'esprit dans sa relation à cette chose qui
est l'objet de la phénoménologie.
Le phénomène théâtral est donc constitué par la tricoexistence de trois
phanerons: l'ici et maintenant de la scène, ce à quoi il renvoie, les moyens
et processus de ce renvoi. Il nécessite donc, pour pouvoir faire l'objet d'un
traitement scientifique, l'élaboration d'une phénoménologie "de seconde
intention", c'est-à-dire capable de dégager a priori des éléments formels
dans ces "phénomènes de phénomènes" que sont toutes les représenta
tions.
En appliquant à cette démarche analytique les mêmes principes qui
fondent la sémiotique de Peirce on peut construire une telle phénoménolo
gie. On peut en effet associer à la tricoexistence des trois phanerons A, B,
une relation triadique qui les lie formellement par un prédicat équivalent
à: "le phaneron-scène A vaut pour un autre phaneron au moyen des rela
tions et processus C". On peut ajouter — mais cette remarque est sans inci
dence sur notre propos actuel — que, d'une certaine manière, A détermine
C. La relation triadique ainsi définie réalise donc la prise en charge de la
tricoexistence des trois phanerons. Cette démarche formelle donne, en
quelque sorte, une existence théorique à cette tricoexistence qui est alors
l'un des universaux empiriques de la théorie. Nous construirons notre phé
noménologie en appliquant séparément à chacun des trois phanerons les ca
tégories de l'aperception que sont les catégories phanéroscopiques de Peir
ce, puis en déterminant comment les trois types d'éléments ainsi obtenus
dans chacun des trois phanerons (que nous appellerons "éléments de pre
mière espèce") peuvent se combiner entre eux pour produire des "éléments
formels de seconde espèce".
Auparavant rappelons les définitions des catégories phanéroscopiques:
322 L'ALGEBRE DES SIGNES
- la Priméité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est, positivement et
sans référence à quoi que ce soit d'autre.
- la Secondéité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est par rapport à
un second, mais sans considération d'un troisième quel qu'il soit.
- la Tiercéité est le mode d'être de ce qui est tel qu'il est en mettant en re
lation réciproque un second et un troisième. (8.328)
De plus ces catégories sont hiérarchisées par des relations de présuppo
sition: la Tiercéité présuppose la Secondéité, laquelle présuppose la Priméi
té.
Le phaneron A se décompose donc en trois types d'éléments de pre
mière espèce, notés A.l, A.2, A.3 où A.l représente les éléments de A
dont le mode d'être est la Priméité, A.2 ceux dont le mode d'être est la Se
condéité, etc.. Le phaneron se décompose en B.l, B.2, B.3 et le phane
ron en C l , C.2, C.3. Les combinaisons valides (au sens de la hiérarchie
des catégories combiné avec l'ordre imposé A-B-C des phanérons) seront
alors les éléments formels possibles de tout phénomène de représentation
ou éléments de seconde espèce. Il est facile de montrer qu'il y en a exacte
ment dix dont voici la liste:
.,.,. ., B.l, Cl
A.3, B.3, C 2 A.2, B.2, C2
A.3, B.3, C l A.2, B.2, Cl
A.3, B.2, C.2 A.2, B.l, Cl
A.3, B.2, C l A.l, B.l, Cl
Cette construction formelle est calquée sur celle qui permet de mathé-
matiser les classes de signes en sémiotique peircienne mais ici l'approche est
différente; elle reste globale et purement phénoménologique au sens de
cette phénoménologie de seconde intention dont nous avons évoqué la né
cessité théorique. De plus, il est encore possible dans cette même perspecti
ve de donner un sens à ce que Peirce appelle les affinités entre classes. Leur
mathématisation montre que les classes d'éléments formels sont elles mê
mes hiérarchisées en une structure algébrique de treillis. En effet les rela
tions hiérarchiques entre catégories phanéroscopiques se répercutent en re
lations hiérarchiques entre les dix éléments formels que nous venons
d'énoncer de telle sorte que chacun d'eux présuppose ceux qui lui sont hié
rarchiquement inférieurs dans la structure de treillis. En somme ces dix
éléments formels a priori jouent le rôle de dix catégories de l'aperception
des phénomènes de représentation, en quelque sorte des catégories de se
conde espèce.
SEMIOTIQUE ET SAVOIRS 323
2. Sémiotique et épistémologie
Figure 101.
332 L'ALGEBRE DES SIGNES
"Une structure est modèle d'une théorie formelle si tous les axiomes de
cette théorie sont valides pour cette structure."
On établit ainsi la famille de correspondances suivantes:
Logique Mathématique
Théorie des modèles Théorie des ensembles
Système formel Structure
Syntaxe Sémantique
les". Le sujet est ici considéré comme un sujet collectif porteur de l'inter
prétant cognitif; plus précisément le sujet agit sur le réel à partir de la re
présentation qu'il s'en fait au moyen des structures. A ce niveau apparaît
donc la dimension pratique du signe épistémologique. Si notre conception
des effets "pratiques" que peut avoir l'objet de notre conception est le tout
de notre conception de l'objet, suivant la maxime du pragmatisme, c'est
précisément au niveau de l'expérience et de l'expérimentation que notre
conception de l'objet est soumise à l'épreuve de la réalité. Dans l'expérien
ce ou l'expérimentation la structure est confrontée à l'objet: c'est le mo
ment du négatif du signe qui est réalisé dans cet acte particulier. C'est ce
qu'exprime Bachelard (op.cité) lorsqu'il écrit:
Dans l'expérience la conceptualisation cherche des occasions pour compli
quer le concept, pour l'appliquer en dépit de la résistance du concept, pour
réaliser les conditions d'application que la réalité ne réunissait pas.
On rendra compte de cette situation en faisant appel au concept d'ana
lyseur, emprunté à l'analyse institutionnelle. Sont analyseurs les éléments
de l'objet qui sont impensés dans la structure et qui révèlent, souvent bruta
lement, leur existence dans la particularité de l'expérience ou de l'expéri
mentation. Il ne manque pas d'exemples de théories scientifiques remises
en cause au cours d'expérimentations dont le but était précisément d'en
vérifier la validité, sans parler des expériences personnelles que nous vivons
quotidiennement et au cours desquelles nous sommes amenés, comme on le
dit habituellement, "à réviser nos conceptions". Ceci nous conduit mainte
nant à examiner les relations de l'existant et de l'interprétant cognitif.
Figure 102.
336 L'ALGEBRE DES SIGNES
moment où l'on prend son bain et que l'on fait la relation entre cette pous
sée et l'eau du bain, le diagramme du système nerveux de cet animal que je
relève etc.. La structure est toujours une structure triviale, des qualités de
sentiment constituées en paire. Il s'agit d'une connaissance dans laquelle il
y a un certain rapport existentiel avec l'objet: la secondéité dégénérée y est
perçue comme telle.
2.2.3 Le sinsigne indiciaire Thématique s.2, 2, '2 C'est un "objet d'ex
périence directe qui renvoie à un objet". Cela peut être, par exemple, la re
présentation d'une classe par un individu particulier: ce cheval comme mo
dèle des équidés, un dispositif expérimental "pour voir", etc.. La structu
re-type correspondante est la représentation d'un tout par une partie, d'une
population par un individu donné (et non par un individu-type).
2.2.5 Le légisigne iconique (s.l, r.l, t.l), "3, "3. C'est "toute loi géné
rale qui dans chacune de ses applications matérialise une qualité détermi
née renvoie à l'objet du signe. Cette loi gouverne des répliques singulières
qui sont des sinsignes iconiques" (2.258). Par exemple toute théorie pure
ment descriptive, toute taxinomie est un légisigne iconique de son objet,
toute classification des animaux par exemple est une icône du règne animal.
La structure-type est la série d'éléments, le diagramme général, le dessin
stylisé...
2.2.7 Légisigne indiciaire dicent (s.2, s.l), '3, '3. Identique au 2.6 mais
donne de plus des informations sur l'objet. Ici apparaît déjà la notion d'ex
plication; il s'agit plutôt d'une clarification: élucidation (et éventuellement
mesure) des divers paramètres constitutifs de l'objet et de leurs relations.
Par exemple l'énoncé complet de la poussée d'Archimède.
La structure type est une formule littérale, dans laquelle la signification
des lettres est explicitée.
Cette réplique est signe d'un objet: l'objet "pression dans un pneu sin
gulier" qui est une instance du concept de pression.
La structure type est une série d'éléments symboliques sans lien entre
eux.
Par exemple le treillis des classes de signes qui a pour objet la classe de tous
les signes.
2.2.10 Argument s.3, 3, 3. "Signe dont l'interprétant représente son ob
jet comme étant un signe ultérieur par le moyen d'une loi". (2.263).
Une structure type est un formalisme abstrait quelconque dans lequel
les éléments sont indéterminés mais les règles ou lois de composition claire
ment énoncées.
On peut faire plusieurs remarques qui permettront de grouper, selon
certains points de vue, des classes de signes.
Ainsi les signes iconiques (s.1,Γ1,Γ1,)(s.1,r.1), '2, '2), ((s.l,r.l,t.l),
"3, "3) correspondent à la connaissance "mixte", le qualisigne à l'éviden
ce ou connaissance immédiate.
Les sinsignes correspondent à la connaissance "vulgaire" de même que
les légisignes iconiques ou indiciaires mais à un autre degré puisqu'il y a
déjà une formalisation assez avancée au niveau de la désignation (par un
légisigne). En fait il y a déjà abstraction.
La connaissance symbolique se situe en s.3, 3, "3 et s.3, 3, '3.
Quant à l'argument, il est connaissance des moyens de connaissance ou
connaissance formelle. On obtient donc 5 niveaux:
- Connaissance formelle
- Connaissance symbolique 2e degré (concepts construits)
- Connaissance symbolique 1er degré (analogie, concepts élémentaires)
- Connaissance "vulgaire"
- Connaissance immédiate
Le passage d'un niveau à un autre est explicitable par des ensembles de
morphismes du treillis des classes de signes. On peut analyser leur statut
épistémologique (Marty: 1978).
Les morphismes de ce treillis trouvent leur signification dans l'ordre de
Pépistémologie grâce à la conception diachronique du signe épistémologi
que. Nous les interpréterons comme des passages d'une classe de signes
épistémologiques à une autre, comme repérant un saut qualitatif dans l'or
dre de la connaissance.
On vérifie donc dans cette approche que la vieille opposition analysée
par H. Buczynska-Garewicz entre évidence ou expérience immédiate d'une
part, connaissance symbolique ou médiatisée par des signes d'autre part est
un peu artificielle.
340 L'ALGEBRE DES SIGNES
2.3 Applications
vent se référer à une classe de signes. Ici aussi on a cinq chemins possibles
sur cinq niveaux.
- Construction et différentiation des objets (et tout d'abord du moi).
- niveaux sensori-moteurs (sinsignes)
- Niveaux de la pensée pré-opératoire (légisignes)
- Niveaux du stade des opérations concrètes: sinsignes qui sont répliques
de légisignes)
- Structures opératoires formelles (symboles).
L'épistémologie génétique montre par ailleurs que le processus cognitif
n'est pas d'emblée triadique. D'abord monadique, il se constitue en dyade
par la construction du moi, puis en triade. C'est l'activité du sujet qui per
met ces étapes successives.
Toutes ces interprétations sont évidemment largement programmati
ques et méritent certainement des développements plus approfondis.
3. Sémiotique et idéologie
tion. Les universaux mathématiques que nous avons choisis nous ont per
mis d'en construire deux modèles architectoniques successifs. Nous pou
vons donc, dans le cadre conceptuel ainsi fixé aborder le problème de
l'idéologie avec l'acquis et les facilités que procurent la mise à disposition
d'un modèle très général qui nous donne accés aux fondements et au fonc
tionnement de l'idéologie, principalement parce que nous avons pris soin
d'y intégrer la dimension sociale des phénomènes sémiotiques au moyen du
concept dialectisé d'institution. Disposant de ce large cadre conceptuel no
tre méthodologie va donc consister à:
1. Enoncer une définition sémiotique de l'idéologie
2. Examiner si cette définition permet de rendre compte des phénomènes
habituellement désignés par ce mot.
Pour avancer des caractérisations sémiotiques de l'idéologie nous al
lons exploiter la notion peircienne de réplique: "Tout légisigne signifie par
son application dans un cas particulier qu'on peut appeler sa réplique"
(2.246), puis "un symbole agit par l'intermédiaire d'une réplique" (2. 249)
et enfin (définition du légisigne iconique): "étant un légisigne son mode
d'être consiste à gouverner des répliques singulières dont chacune sera un
sinsigne iconique d'une sorte particulière" (2.253). De plus, dans 2.265
Peirce écrit: "en plus des variétés normales des sinsignes, indices et dicisi-
gnes, il y en a d'autres qui sont respectivement des répliques des légisignes,
symboles et arguments".
Toute réplique est donc réplique d'un légisigne. Rappelons qu'un légi
signe est une loi qui est un signe:
Cette loi est d'ordinaire établie par les hommes. Tout signe conventionnel
est un légisigne (mais non l'inverse). Il n'est pas un objet singulier, mais un
type général qui, on en a convenu, doit être signifiant. (2.246)
On voit donc que la réplique est obtenue par une sorte de retour de la
tiercéité sur la secondéité: il s'agit d'un légisigne qui gouverne (et l'emploi
de ce mot est très significatif) un sinsigne. En d'autres termes un tertian est
créé de telle sorte qu'il implique un secondan.
Toutes les possibilités formelles de réplication, dans le modèle triadi-
que, se lisent dans le treillis CS. Tout sinsigne peut être gouverné par un
légisigne, tout légisigne indiciaire (donc à l'exclusion du légisigne iconique)
par un symbole, et tout symbole dicent par un argument. Il faut bien pren
dre garde qu'il s'agit seulement d'une pure possibilité, indiquée par le sens
des flèches du treillis. Il existe des sinsignes, des légisignes indiciaires et des
symboles dicents qui ne sont gouvernés par aucun autre signe (cette remar-
344 L'ALGEBRE DES SIGNES
Figure 103.
Niveau II Niveau I
Figure 104.
Figure 105.
348 L'ALGEBRE DES SIGNES
est fondamentale. Car le pouvoir peut se manifester aux trois niveaux pré
cédemment décrits:
1. Le pouvoir en organisant la société organise directement ou indirecte
ment l'expérience des individus à la fois en construisant l'espace réel dans
lequel ils évoluent (par exemple, un certain urbanisme, en empilant des in
dividus dans de grands ensembles produit des expériences négatives de la
vie collective) et aussi en interdisant certains types d'expérience.
2. Dans les phases de symbolisation et d'argumentation le pouvoir a la pos
sibilité d'exercer ce que Bourdieu et Passeron (1970) appellent la violence
symbolique qui consiste essentiellement dans l'imposition de significations.
C'est l'action pédagogique, au sens large, qui est le moyen de cette imposi
tion. On retrouve aussi à ce niveau le concept de "Société institutrice"
avancé par R. Lourau (1970).
Mais l'évolution rapide du monde moderne produit un retard chroni
que. Constamment le pouvoir dominant doit contrôler, assimiler des mas
ses énormes de sinsignes nouveaux dénués de signification dans l'espace so
cial tel qu'il l'a investi. Les difficultés croissantes qu'il rencontre dans ce
contrôle et cette assimilation permettent à des catégories sociales d'élabo
rer leurs propres systèmes de légisignes. On retrouve au niveau de chaque
individu "la lutte d'interprétants dont le maintien ou le remplacement est
subordonné au triomphe de l'expérimentation des uns comme hypothèses
explicatives sur d'autres comme expression d'habitudes mentales" (Dele-
dalle, 1979).
La finalité de l'imposition des significations est bien sûr d'obtenir des
comportements individuels et sociaux concourant au maintien et au renfor
cement du pouvoir établi. Car si, selon la maxime du pragmatisme, la
conception de tous les effets pratiques que nous pensons pouvoir être pro
duits par l'objet de notre conception est la conception complète de l'objet,
rien ne nous assure qu'un seul système de légisignes puisse intégrer un nou
veau concept, et comme c'est de ce système que nous tirons nos règles d'ac
tion, on mesure l'importance de l'enjeu. Le problème des rapports de la
sémiotique et de l'idéologie conduit donc nécessairement à poser la ques
tion du pouvoir. La lutte des interprétants est une conséquence de l'hétéro
généité de la formation sociale. Dans un modèle social à deux classes anta
gonistes elle apparaîtra comme la dimension sémiotique de la lutte de ces
deux classes.
SÉMIOTIQUE ET SAVOIRS 351
4. Sémiotique et ethnométhodologie
et des faits sociaux qui ne peuvent être neutralisés; les activités des mem
bres dans leur rapport à l'objet d'étude sont des éléments de cet objet qu'ils
contribuent à transformer et qui les transforment. Chaque fois que la
conception est incorporée, que ce soit dans la recherche ou dans l'applica
tion, les faits et les existants doivent être reconnus comme éléments de l'en
semble des faits et des existants reliés à l'objet au moyen de procédures éta
blissant un isomorphisme (ou peut être même seulement un homomor-
phisme) entre faits actuels et faits anciens, et la conception actuelle est évi
demment un élément déterminant de ces procédures, ce qui explique la ten
dance des paradigmes à s'autoreproduire par exclusion des faits réputés non
signifiants. Le raisonnement sociologique pratique trouve sa spécificité
dans la nécessité de prendre en charge ces conditions particulières du "faire
scientifique".
L'ethnométhodologie en se donnant pour objet les "activités prati
ques, les circonstances pratiques et le raisonnement sociologique pratique"
(Garfinkel 1967) s'inscrit dans la particularité de la méthodologie, cette
dernière traitant des universaux abstraits, c'est à dire coupés de leurs déter
minations, tandis que l'ethnométhodologie traite des universaux concrets,
c'est à dire incorporés dans des existants et des faits. Elle relève nécessaire
ment de la critique de la méthodologie même si là n'est pas son projet. Aux
données à priori de la méthodologie évoquées plus haut il convient donc
d'ajouter, pour bien délimiter le champ de cette discipline, un troisième en
semble que j'appellerai le "compte-rendu"' et qui est une sorte de relevé de
conclusions des existants et des faits qui ont été pratiquement identifiés,
sélectionnés, mis en relation ainsi que les raisons de leur identification, leur
sélection et leurs mises en rapport en vertu de l'incorporation pratique de la
conception dans les existants et les faits. Il est à noter que des existants et
des faits non identifiés, non sélectionnés ou non reliés ont été aussi de ce
fait et par exclusion, constitués en ensembles.
En termes plus formels, la méthodologie étudie la relation dyadique
établie par une méthode entre une conception a priori et une région du réel
tandis que l'ethnomethodologie étudie la relation triadique (dans le sens ou
le troisième terme est l'union des deux autres, ce qui sera précisé plus loin)
entre conception a priori d'un objet, existants et faits concernant cet objet
et l'appréhension par un esprit ou une famille d'esprits de l'incorporation
de la première dans les secondes. Comme de plus ces appréhensions par des
esprits ne sont connaissables que par les descriptions que les membres
concernés produisent, sous forme verbale, écrite ou diagrammatique, le
354 L'ALGEBRE DES SIGNES
avoir. Il y a donc une autre triade, plus fondamentale: (objet d'étude, exis
tants et faits, compte-rendu) qui est un phénomène sémiotique dans lequel
les existants et faits sélectionnés sont considérés globalement comme signes
de l'objet qui est une réalité supposée les déterminer, cette détermination
s'opérant au moyen d'une conception a priori de l'objet (qui est pour ainsi
dire "domiciliée" dans l'objet par le processus cognitif) et cette conception
est, comme nous l'avons vu, incorporée au moyen de la méthode dans les
existants et les faits. Le compte-rendu est alors l'interprétant du signe. Il est
déterminé par lui dans le sens où c'est la perception des existants et des faits
qui le produit; mais à travers le signe il est déterminé par l'objet réel en tant
que ce dernier est la cause de toutes ses conceptions. L'interprétant "comp
te-rendu" représente donc aussi comment la conception de l'objet est re
présentée dans les existants et les faits au moyen de la méthode. Il y a donc
une double détermination de l'interprétant, l'une directe et l'autre indirecte
dont la distinction est de la plus grande importance pour appréhender le
processus cognitif car elle permet la discrimination entre l'être de l'objet et
son être représenté, entre sa factualité et sa représentation.
D'autre part, dès qu'il est produit, le compte-rendu est un existant lié
à l'objet et causé par lui qui prend aussitôt place parmi les existants et les
faits considérés comme signes de l'objet. Unis à ces derniers il forme donc
un nouveau signe de l'objet qui peut avoir son propre interprétant et ainsi
de suite, ad infinitum. C'est exactement ce qu'écrit Peirce en 2.230:
Or le signe et l'explication forment un autre signe et puisque l'explication
sera un signe elle requerra probablement une autre explication qui, ajou
tée au signe déjà plus étendu, formera un signe encore plus vaste; et en
continuant ainsi nous parviendrions ou devrions parvenir en fin de compte
à un signe qui est signe de lui même, contenant sa propre explication et les
explications de toutes ses parties significatives: et suivant cette explication
chacune de ces parties a quelque autre partie pour objet. En conséquence,
tout signe a, en acte ou virtuellement, ce que nous pouvons appeler un
précepte d'explication suivant lequel il faut le comprendre comme étant,
pour ainsi dire, une sorte d'émanation de son objet.
On voit immédiatement comment la perspective ouverte par la trans
cription sémiotique de la problématique de l'ethnométhodologie va per
mettre de prendre en charge cette régression à l'infini que je signalais dans
mon entrée en matière. Cependant il convient auparavant de préciser la na
ture des rapports qu'entretiennent les trois instances de la triade évoquée
plus haut. Le "compte-rendu" est produit par la perception (incluant la sé
lection) des existants et des faits, reliés par l'objet de façon à y incorporer
356 L'ALGEBRE DES SIGNES
5. Quelques perspectives
Il n'est pas a priori de région du réel qui ne puisse être investie par la sémio
tique triadique puisque la représentation est constitutive de tout acte de
connaissance: elle crée à la fois la réalité intelligible et la connaissance de
cette réalité. En plus des quatre "régions" ou thèmes qui ont été évoqués
dans les sections précédentes on peut pointer un grand nombre d'autres
secteurs de la connaissance dans lesquels on peut raisonnablement penser
que la sémiotique peircienne formalisée peut rendre d'intéressants services.
L'importance des problématiques abordées est telle que nous nous borne
rons à donner quelques indications, le plus souvent en forme de conjectu
res; chacune d'elles nécessiterait, en effet, un ouvrage complet de la taille
de celui-ci.
2. Peirce a aussi laissé des travaux considérables sur les "graphes existen
tiels" (4.394 à 4.528) qui constituent une tentative trés originale de descrip
tion du fonctionnement de la pensée à l'aide de conventions graphiques.
Les systèmes α et β qui sont les deux premières parties du système des gra
phes existentiels sont destinés respectivement, à la représentation du calcul
des propositions et du calcul des prédicats du premier ordre. La partie γ
comporte tout un ensemble de recherches orientées vers l'extension du cal
cul des prédicats du premier ordre, le traitement des modalités et une tenta
tive de formalisation par des moyens graphiques de la métamathématique
(sur les graphes existentiels, voir P. Thibaud: 1975, 1978). La théorie des
graphes existentiels et la sémiotique de Peirce entretiennent des rapports
très étroits. La convention numéro un, par exemple, suppose la compré
hension mutuelle entre deux personnes: le Graphiste qui exprime les pro
positions et l'Interprète qui les accepte sans discussion (4.395). On peut rai-
SÉMIOTIQUE ET SAVOIRS 363
1. Les citations des Collected Papers sont référencées de la manière suivante :1e premier
chiffre indique le numéro du volume; le nombre suivant le tiret indique le paragraphe
dans le volume.
2. Les physiciens ont montré que le champ magnétique des aimants provient du mouvement
des particules constitutives des atomes, surtout des électrons qui tournent autour des
noyaux atomiques.
Pour ce qui est de la terre son champ magnétique n'est pas expliqué de façon défini
tive mais on ne doute pas qu'il se ramène à des mouvements de charges électriques: mou
vements de convection dans le magma, aimantation locale de la matière....
3. Les adjectifs entre parenthèses sont indiqués pour mémoire car ils sont superflus au vu de
la hiérarchie des catégories.
4. L'Obsistance est ce qui à l'intérieur de la secondéité différe de la priméité (2.89). C'est la
secondéité authentique.
5. Originalité est synonyme de priméité.
6. La Transuation est la Médiation ou modification de la Priméité et de la Secondéité par la
Tiercéité, séparée de la Secondéité et de la Priméité (2.89).
7. Dans ce passage emblême est équivalent à symbole.
8. "J'appelle Molition ce qui est Volition moins tout désir et but, la simple conscience
d'exertion de quelque sorte" (8.303).
9. Ces deux mots sont placés l'un au-dessus de l'autre dans le manuscrit. On peut donc
considérer que Actif va avec Final et Passif avec Immédiat dans les deux phrases qu'on
peut former.
Annexes
Annexe A
Dans cette annexe nous présentons 76 textes fondamentaux, pour la plupart des définitions du
signe, explicites ou implicites, que nous avons pu relever en exploitant les index thématiques et
au cours de nos propres recherches dans les documents suivants:
- Collected Papers, notés CP, référencés comme à l'ordinaire à l'aide du numéro du volume sui
vi d'un point puis du numéro du paragraphe dans le volume,
- Nouveaux Éléments de Mathématiques, notés NEM suivi du numéro du volume en chiffres ro
mains (le volume III étant divisé en deux tomes ils sont notés III/l et III/2) puis du numéro de
la page dans le volume,
- Semiotics and Significs noté SS suivi du numéro de la page.
- Manuscripts of C.S. Peirce (microfilmés), notés MS suivi du numéro du manuscrit dans la
classification de Robin (voir en bibliographie générale). Les dispositions générales adoptées
pour la datation et le titrage des textes sont celles de Robin. C'est ainsi qu'en ce qui concerne les
définitions datées (n°l à n°60) sont indiquées l'année, quelquefois le mois et le jour, de leur pro
duction; lorsque la lettre "v" (vers) précède la date cela signifie qu'il s'agit d'une estimation de
Robin. Chaque fois que cela a été possible nous avons mentionné le titre du texte d'où la cita
tion a été tirée. Les parties illisibles ou non refenues ont été remplacées par des points.
Il est certain que notre liste n'est pas exhaustive, surtout si l'on considère les définitions im
plicites. Cependant on peut admettre à bon droit qu'elles constituent un échantillon largement
représentatif des conceptions successives du signe dans la pensée de Peirce, puisque ces textes
couvrent une période s'étendant de 1865 à 1911 soit 47 ans. De plus notre propos est moins
d'étudier l'évolution de sa pensée (bien que cette étude présente un grand intérêt comme on a
pu le constater au chapitre I) que d'utiliser ces matériaux, dont la richesse n'est pas à prouver,
pour obtenir en fin de compte une définition opératoire du signe.
Representation is anything which is or is represented to stand for another and by which that
other may be stood for by something which may stand for the representation.
Thing is that for which a representation stand prescinded from all that can serve to establish
a relation with any possible relation.
Form is that respect in which a representation stands for a thing prescinded from all that can
serve as the basis of a representation, therefore from its connection with the thing.
... every comparison requires, besides the related thing, the ground, and the correlate, also a
mediating representation which represents the relate to be a representation of the same corre-
368 L ' A L G E B R E D E S SIGNES
late which this mediating representation itself represents. Such a mediating representation may
be termed an interpretant, who says that a foreigner says the same thing which he himself says.
... Now a sign has, as such, three references: first, it is a sign to some thought which interprets
it; second, it is a sign for some object to which in that thought it is equivalent, third, it is a sign,
in some respect or quality, which brings it into connection with its object. Let us ask what the
three correlates are to which a thought-sign refers.
A sign is something which stands for another thing to a mind. To it existence as such three things
are requisite. On the first place, it must have characters which shall enable us to distinguish it
from other objects. In the second place, it must be affected in some way by the object which it
signified or at least something about it must vary as a consequence of a real causation with some
variation of its object.
Let us examine some of the characters of signs in general. A sign must in the first place have
some qualities in itself which serve to distinguish it, a word must have a peculiar sound different
from the sound of another word; but it makes no difference what the sound is, so long as it is
something distinguishable. In the next place, a sign must have a real physical connection with
the thing it signifies so as to be affected by that thing. A weather-cock, which is a sign of the
direction of the wind, must really turn with the wind. This word in this connection is an indirect
one; but unless there be some way or other which shall connect words with the things they sig
nifie, and shall ensure their correspondance with them, they have no value as signs of those
things. Whatever has these two characters is fit to become a sign. It is at least a symptom, but it
is not actually a sign unless it is used as such; that is unless it is interpreted to thought and
addresses itself to some mind. As thought is itself a sign we may express this by saying that the
sign must be interpreted as another sign. ...
A representation is an object which stands for another so that an experience of the former
affords us a knowledge of the latter. There are three essential conditions to which every rep
resentation must conform. It must in the first place like any other object have qualities indepen
dent of its meaning. It is only through a knowledge of these that we acquire any information
concerning the object it represents. ... In the second place, representation must have a real
causal connection to its object. ... In the third place, every representation addresses itself to a
mind. It is only in as far as it does it that it is a representation. The idea of the representation
itself excites in the mind another idea and in order that it may do this it is necessary that some
principle of association between the two ideas should already be established in that mind. ...
A sign is in a conjoint relation tothe thing denoted and to the mind. If this triple relation is not
of a degenerate species, the sign is related to its object only in consequence of a mental associa-
ANNEXES 369
tion, and depend upon a habit. Such signs are always abstract and general, because habits are
general rules to which the organism has become subjected. They are, for the most part, conven
tional or arbitrary. They include all general words, the main body of speech, and any mode of
conveying a judgement. For the sake of brevity I will call them tokens.
... Indeed, representation necessary involves a genuine triad. For it involves a sign, or represen
tamen, of some kind, inward or outward, mediating between an object and an interpreting
thought. ...
A sign, or representamen, is something which stands to somebody for something in some respect
or capacity. It addresses somebody, that is, creates in the mind of that person an equivalent sign
or perhaps a more developed sign. That sign which it creates I call the interpretant of the first
sign. The sign stands for something, its object. It stands for that object, not in all respects, but
in reference to a sort of idea, which I have sometimes called the ground of the representamen.
... A very broad and important class of triadics characters [consist of] representations. A rep
resentation is that character of a thing by virtue of which, for the production of a certain mental
effect, it may stand in place of another thing. The thing having this character I term a represen
tamen, the mental effect, or thought, its interpretant, the thing for which it stands, its object.
... A sign is only a sign in actu by virtue of its receiving an interpretation, that is, by virtue of its
determining another sign of the same object. This is as true of mental judgments as it is of exter
nal signs. ...
Anything which determines something else (its interpretant) to refer to an object to which itself
refers (its object) in the same way, the interpretant becoming in turn a sign, and so on an
infinitum.
No doubt, intelligent consciousness must enter into the series. If the series of successive
interpretants comes to an end, the sign is thereby rendered imperfect, at least. If, an interpret
ant idea having been determined in an individual consciousness it determines no outward sign,
but that consciousness becomes annihilated, or otherwise loses all memory or other significant
effect of the sign, it becomes absolutely undiscoverable that there ever was such an idea in that
consciousness; and in that case it is difficult to see how it could have any meaning to say that that
consciousness ever had the idea, since the saying so would be an interpretant of that idea.
... Genuine mediation is the character of a Sign. A sign is anything which is related to a Second
thing, its Object, in respect to a Quality, in such a way as to bring a Third thing, its Interpretant,
370 L'ALGEBRE DES SIGNES
into relation to the same Object, and that in such a way as to bring a Fourth into relation to that
Object in the same form, ad infinitum. If the series is broken off, the Sign, in so far, falls short
of the perfect significant character. It is not necessary that the Interpretant should actually exist.
A being in futuro will suffice.
A sign, or Representamen, is a First which stands in such a genuine triadic relation to a Second,
called its Object, as to be capable of determining a Third, called its Interpretant, to assume the
same triadic relation to its Object in which it stand itself to the same Object. The triadic relation
is genuine, that is its three members are bound together by it in a way that does not consist in
any complexus of dyadic relations. That is the reason the Interpretant, or Third, cannot stand in
a mere dyadic relation to the Object, but must stand in such a relation to it as the Representa
men itself does. Nor can the triadic relation in which the third stands be merely similar to that
in which the First stands, for this would make the relation of the Third to the First a degenerate
Secondness merely. The Third must indeed stand in such a relation, and thus be capable of
determining a Third of its own; but besides that, it must have a second triadic relation in which
the Representamen, or rather the relation there of to its Object, shall be its own (the Third's)
Object, and must be capable of determining a Third to this relation. All this must be equally be
true of the Third's Third and so on endlessly; and this, and more, is involved in the familiar idea
of a Sign; and the term Representamen is here used, nothing more is implied. A Sign is a Rep
resentamen with a mental Interpretant.
Possibly there may be Representamens that are not Signs. Thus, if a sunflower, in turning
towards the sun, becomes by that very act fully capable, without further condition, of reproduc
ing a sunflower which turns in precisely way toward the sun, and of doing so with the same
reproductive power, the sunflower would become a Representamen of the sun. But thought is
the chief, if not the only, mode of representation.
A Sign does not function as a sign unless it be understood as a sign. It is impossible, in the pre
sent state of knowledge, to say, at once fully precisely and with a satisfactory approach to cer
titude, what is to understand of a sign. ..., it does not seem that conciousness can be considered
as essential to the understanding of a sign. But what is indispensable is that there should, actu
ally or virtually, bring about a determination of a sign of the same object of which it is itself a
sign. This interpreting sign, like every sign, only functions of a sign so for as it again is inter
preted, that is, actually or virtually, determines a sign of the same object of which it is itself a
sign. Thus there is a virtual endless series of signs when a sign is understood; and a sign neveer
understood can hardly be said to be a sign.
ANNEXES 371
Every sign stands for an object independent of itself; but it can only be a sign of that object in
so far as that object is itself of the nature of a sign or thought. For the sign does not affect the
object but is affected by it; so that the object must be able to convey thought, that is, must be
of the nature of thought or a sign. ...
... Now a sign is something, A, which denotes some fact or object, B, to some interprétant
thought,
... In the first place, as to my terminology I confine the word representation to the operation of
a sign or its relation to the object for the interpreter of the representation. The concrete subject
that represents I call a sign or representamen. I use these two words, sign and representamen,
differently. By a sign I mean anything which conveys any definite notion of an object in any way,
as such conveyers of thought are familiarly known to us. Now I start with this familiar idea and
make the best analysis I can of what is essential to a sign, and I define a representamen as being
whatever that analysis applies to. [...]
The mode of being of a representamen is such that it is capable of repetition. ... This repetitory
character of the representamen involves as a consequence that it is essential to a representamen
that it should contribute to the determination of another representamen distinct from itself. ...
I call a representamen which is determined by another representamen, an interprétant of the lat
ter. Every representamen is related or is capable of being related to a reacting thing, its object,
and every representamen embodies, in some sense, some quality, which may be called its signifi
cation, what in the case of a common name J.S. Mill call its connotation, a particularly objec
tionable expression.
22. v. 1903 - CP 2.242. Nomenclature and Divisions of Triadic Relations, as far as they are deter
mined
A Representamen is the First Correlate of a triadic relation, the Second Correlate being termed
its Object, and the possible Third Correlate being termed its Interpretant, by which triadic rela
tion the possible Interpretant is determined to be the First Correlate of the same triadic relation
to the same Object, and for some possible Interpretant. A Sign is a representamen of which
some interpetant is a cognition of a mind. Signs are the only representamens that have been
much studied.
372 L'ALGEBRE DES SIGNES
... As we know a sign, it is something which represents the real Truth, in some aspect of it, to
somebody; that is, determines a knowledge of that Truth. This knowledge is itself of the nature
of a sign. In its more perfect forms, it involves consciousness, or a representation in the con
scious sign of itself to itself, somewhat as a map covering a country may represent itself. But
knowledge is nothing, quite nothing but a counterfeit unless it would under some circumstances,
determine conduct. It must have real effects. In fact any outward sign must, not merely as a
thing, but as a sign produce physical effects in order to be communicated. ...
... A sign is intended to correspond to a real thing, or fact, or to something relatively real; and
this object of the sign may be the very sign itself, as when a map is precisely superposed upon
that which it maps. ... A sign is also intended to determine, in a mind or elsewhere, a sign of the
same object; and this interpretant of the sign may be the very sign itself; but as a general rule it
will be different. ...
A sign is supposed to have an object or meaning, and also to determine an interpretant sign of
the same object. It is convenient to speak as if the sign originated with an utterer and deter
mined its interpretant in the mind of an interpreter.
... Conversely, every thought proper involves the idea of a triadic relation. For every thought
proper involves the idea of a sign. Now a sign is a thing related to an object and determining in
the interpreter an interpreting sign of the same object. It involves the relation between sign,
interpreting sign, and object. There is a threefold distinction between signs, which is not in the
least psychological in its nature, but is purely logical, and is of the atmost importance in logic.
I call that which represents, a representamen. A Representation is that relation of the represen
tamen to its object which consists in it determining a third (the interpretant representamen) to
be in the same relation to that object.
... In its genuine form, thirdness is the triadic relation existing between a sign, its object, and the
interpreting thought, itself a sign, considered as constituting the mode of being of a sign. A sign
mediates between the interpretant sign and its object. Taking sign in its broadest sense, its inter
pretant is not necessarily a sign. ...
A sign therefore is an object which is in relation to its object on the one hand and to an
interpretant on the other, in such a way as to bring the interpretant into a relation to the object,
corresponding to its own relation to the object. I might say similar to its own for a correspon
dence consist in a similarity; but perhaps correspondence is narrower.
ANNEXES 373
... It is difficult to define a sign in general. It is something which is in such a relation to an object
that it determines, or might determine, another sign of the same object. This is true but consid
ered as a definition it would involve a vicious circle, since it does not say what is meant by the
interpretant being a "sign" of the same object. However, this much is clear; that a sign has
essentially two correlates, its object and its possible Interpretant sign. Of these three, Sign,
Object, Interpretant, the sign as being the very thing under consideration is Monadic, the object
is Dyadic, and the Interpretant is Triadic. We therefore look to see, whether there be not two
Objects, the object as it is in itself (the Monadic Object), and the object as the sign represents
it to be (the Dyadic Object). There are also three Interpretants; namely, 1o, the Interpretant
considered as an independent sign of the Object, 2°, the Interpretant as it is as a fact determined
by the Sign to be, and 3° the Interpretant as it is intended by, or is represented in, the Sign to
be. ...
30. 1905 - SS p 192-3. Letter to Lady Welby (Draft) presumably July 1905
So then anything (generally in a mathematical sense) is a priman (not a priman element gener
ally) and we might define a sign as follows:
A "sign" is anything, A, which,
(1) in addition to other characters of its own,
(2) stands in a dyadic relation τ, to a purely active correlate, B,
(3) and is also in a triadic relation to for a purely passive correlate, C, this triadic relation
being such as to determine to be in a dyadic relation, μ, to B, the relation μ corresponding in
a recognized way to the relation τ.
In the which statement the sense in which the words active and passive are used is that in a
given relationship considering the various characters of all or some of the correlates with the
exclusion of those only which involve all the correlates and are immediately implied in the state
ment of the relationship, none of those which involve only non-passive correlates will by
immediately essential necessity vary with any variation of those involving only passive corre
lates; while no variation of characters involving only non-active elements will by immediately
essential necessity involve a variation of any character involving only active elements. And it
may be added that by active-passive is meant active and passive if the entire collection of corre
lates excluding the correlates under consideration be divided into two parts and one part and the
other be alternately excluded from consideration; while purely active or passive means active or
passive without being active-passive.
31. 1905 - SSp.193. Letter to Lady Welby (Draft) presumably July 1905
This definition avoids the niceties for the sake of emphasizing the principal factors of a sign.
Nevertheless, some explanations may be desirable. But first for the terminology. I use "sign" in
the widest sense of the definition. It is a wonderful case of an almost popular use of a very broad
word in almost the exact sense of the scientific definition. ...
I formerly preferred the word representamen. But there was no need of this horrid long
word. ...
My notion in preferring "representamen" was that it would seem more natural to apply it to
representatives in legislatures, to deputies of various kinds, etc... I admit still that it aids the
comprehension of the definition to compare it carefully with such cases. But they certainly
depart from the definition, in that this requires that the action of the sign as such shall not affect
374 L'ALGEBRE DES SIGNES
the object represented. A legislative representative is, on the contrary, expected in his functions
to improve the condition of this constituents; and any kind of attorney, even if he has no discre
tion, is expected to affect the condition of his principal. The truth is I went wrong from not hav
ing a formal definition all drawn up. This sort of thing is inevitable in the early stages of a strong
logical study; for if a formal definition is attempted too soon, it will only shackle thought. ...
I thought of a representamen as taking the place of the thing; but a sign is not a substitute.
Ernst Mach has also fallen into that snare.
33. 1906 - SS p.196. Letter to Lady Welby (Draft) dated "1906 March 9"
I use the word "Sign" in the widest sense for any medium for the communication or extension
of a Form (or feature). Being medium, it is determined by something, called its Object, and
determines something, called its Interpretant or Interpretand. But some distinctions have to be
borne in mind in order rightly to understand what is meant by the Object and by the Interpret
ant. In order that a Form may be extended or communicated, it is necessary that it should have
been really embodied in a Subject independently of the communication; and it is necessary that
there should be another subject in which the same form is embodied only in consequence of the
communication. The Form, (and the Form is the Object of the Sign), as it really determines the
former Subject, is quite independent of the sign; yet we may and indeed must say that the object
of a sign can be nothing but what that sign represents it to be. Therefore, in order to reconcile
these apparently conflicting Truths, it is indispensible to distinguish the immediate object from
the dynamical object.
The same form of distinction extends to the interpretant; but as applied to the interpretant,
it is complicated by the circumstance that the sign not only determines the interpretant to repre
sent (or to take the form of) the object, but also determines the interpretant to represent the
sign. Indeed in what we may, from one point of view, regard as the principal kind of signs, there
is one distinct part appropriated to representing the object, and another to representing how this
very sign itself represents that object. The class of signs I refer to are the dicisigns. In "John is
in love with Helen" the object signified is the pair, John and Helen. But the "is in love with" sig
nifies the form this sign represents itself to represent John and Helen's Form to be. That this is
so, is shown by the precise equivalence between any verb in the indicative and the same made
the object of "I tell you". "Jesus wept" = "Ί tell you that Jesus wept".
ANNEXES 375
First, an analysis of the essence of a sign, (stretching that word to its widest limits, as anything
witch, being determined by an object, determines an interpretation to determination, through it,
by the same object), leads to a proof that every sign is determined by its object, either first, by
partaking in the characters of the object, when I call the sign an Icon; secondly, by being really
and in its individual existence connected with the individual object, when I call the sign an
Index; thirdly, by more or less approximate certainty that it will be interpreted as denoting the
object, in consequence of a habit (which term I use as including a natural disposition), when I
call the sign a Symbol.
... That thing which causes a sign as such is called the object (according to the usage of speech,
the "real", but more accurately, the existent object) represented by the sign: the sign is deter
mined to some species of correspondence with that object.
For the proper signifícate outcome of a sign, I propose the name, the interprétant of the
sign. ...
Whether the interpretant be necessarily a triadic result is a question of words, that is, of
how we limit the extension of the term "sign"; but it seems to me convenient to make the triadic
production of the interpretant essential to a "sign", calling the wider concept like a Jacquard
loom, for example, a "quasi-sign". ...
A sign may be defined as something (not necessarily existent) which is so determined by a sec
ond something called its Object that it will tend in its turn to determine a third something called
its Interpretant in such a way that in respect to the accomplishment of some end consisting in an
effect made upon the interpretant the action of sign is (more or less) equivalent to what that of
the object might have been had the circumstances been different.
... How any sign, of whatsoever kind, mediates between an Object to some sort of conformity
with which it is moulded, and by which it is thus determined, and an effect which the sign is
intended to bring about and which it represents to be the outcome of the object influence upon
it. It is of the first importance in such studies as these that the two correlates of the sign should
be clearly distinguished: the Object by which the sign is determined and the Meaning, or as I
usually call it, the Interpretant, which is determined by the sign, and through it by the object.
The meaning may itself be a sign, a concept, for exemple, as may also the object. But everyboby
who looks out of his eyes well knows that thoughts bring about tremendous physical effects, that
are not, as such, signs. Feelings, too, may be excited by signs without thereby and theorein
being themselves signs. We observe that the very same object may be several entirely different
signs; or in some way in other sign. ... There are meanings that are feelings, meanings that are
existent things or facts, and meanings that are concepts. ...
... By a Sign, I mean anything that is, on the one hand, in some way determined by an object
and, on the other hand, which determines some awareness, and this in such manner that the
376 L'ALGEBRE DES SIGNES
Of the distinction between the Objects, or better the "Originals" and the Interpretant of a Sign.
By "Sign" is meant any Ens which is determined by a single object or set of Objects called
its Originals, all other than the Sign itself, and in its turn is capable of determining in a Mind
something called its Interpretant, and that in such a way that the Mind is thereby mediately
determined to some mode of conformity to the original or Set of originals. This is particularly
intended to define (very imperfectly as yet) a complete Sign. But a complete sign has or may
have Parts which partake of the nature of their whole; but often in a truncated fashion.
A Sign is in regard to its Interpretant in one or other of three grades of completeness, which
may be called the Barely Overt, the Overter, and the Overtest. The Barely Overt of which a
Name is an example does not expressly distinguish its original from its interpretant; nor its refer
ence to either from the sign itself. The Overter sign of which an assertion is an exemple,...
[phrase inachevée]
Thus the Sign has a double function:
1. to affect a mina which understands its "Grammar" or method of signification, which signifi
cation is its substance signifícate or Interprétant.
2. to indicate how to identify the conditions under which .... signifícate has the mode of being
it is represented having.
a. ... Now any sign, of whatsoever kind, professes to mediate between an object, on the one
hand, that to which it applies, and which is thus in a sense the cause of the sign, and, on the
other hand, a Meaning, or to use a preferable technical term, an Interpretant, that which the
sign expresses, the result which it produces in its capacity as sign. ...
b. ... Now any sign, of whatever kind, mediates between an object to some sort of conformity
with which it is moulded, and which thus determines it, and an effect which it is intended to pro
duce, and which it represents to be the outcome of the object. These two correlates of the sign
have to be carefully distinguished. The former is called the object of the sign; the latter is the
"meaning", or, as I usually term it, the "interpretant" of the sign. ...
... Now the essential nature of a sign is that it mediates between its object which is supposed
to determine it and to be, in some sense, the cause of it, and its meaning, or, as I prefer to say,
in order to avoid certains ambiguities, its Interpretant which is determined by the sign, and is,
in a sense, the effect of it; and which the sign represents to flow as an influences, from the
object. ...
d to which it is, therefore, conceived to be moulded, and by which to be determined, and
an effect; on the other hand, which the sign is intended to bring about, representing it to be the
outcome of the object influence upon it. I need not say that this influence is usually indirect and
not of the nature of a force. ...
e. ... A sign is whatever there may be whose intent is to mediate between an utterer of it and
an interpreter of it, both being repositories of thought, or quasi-minds, by conveying a meaning
from the former to the latter. We may say that the sign is moulded to the meaning in the quasi-
mind that utters it, where it was, virtually at least (i.e. if not in fact, yet the moulding of the sign
took place as if it had been there) already an ingredient of thought.
But thought being itself a sign the meaning must have been conveyed to that quasi-mind,
from some anterior utterer of the thought, of which the utterer of the moulded sign had been the
ANNEXES 377
interpreter. The meaning of the moulded sign being conveyed to its interpreter, became the
meaning of a thought in that quasi-mind; and as these conveyed in a thought-sign required an
interpreter, the interpreter of the moulded sign becoming the utterer of this new "thought-sign",
f. I am now prepared to risk an attempt at defining a sign, -since in scientific inquiry, as in other
enterprises, the maxim holds: nothing hazard, nothing gain. I will say that a sign is anything, of
whatsoever mode of being, which mediates between an object and an interpretant; since it is
both determined by the object relatively to the interpretant, and determining the interpretant in
reference to the object, in such wise as to cause the interpretant to be determined by the object
through the mediation of this "sign".
The object and the interpretant are thus merely the two correlates of the sign; the one being
antecedent, the other consequent of the sign. Moreover, the sign being defined in terms of these
correlative correlates, it is confidently to be expected that object and interpretant should pre
cisely correspond, each to the other. In point of fact, we do find that the immediate object and
emotional interpretant correspond, both being apprehensions, or are "subjective"; both, too,
pertain to all signs without exception. The real object and energetic interpretant also corre
spond, both being real facts or things. But to our surprise, we find that the logical interpretant
does not correspond with any kind of object. This defect of correspondance between object and
interpretant must be rooted in the essential difference there is between the nature of an object
and that of an interpretant; which difference is that former antecedes while the latter succeeds.
The logical interpretant must, therefore, be in a relatively future tense.
46. 1908 - NEM III/2 p.886. Letter to P.E.B. Jourdain dated "1908 Dec 5"
... My idea of a sign has been so generalized that I have at length despaired of making anybody
comprehend it, so that for the sake of being understood, I now limit it, so as to define a sign as
anything which is on the one hand so determined (or specialized) by an object and on the other
hand so determines the mind of an interpreter of it that the latter is thereby determined
mediately, or indirectly, by that real object that determines the sign. Even this may well be
thought an excessively generalized definition. The determination of the Interpreter's mind I
term the Interpretant of the sign. ...
47. 1908 - SS p.80. Letter to Lady Welby dated "1908 Dec. 23"
It is clearly indispensable to start with an accurate and broad analysis of the nature of a Sign. I
define a sign as an thing which is so determined by something else, called its Object, and so
determines an effect upon a person, which effect I call its interpretant, that the latter is thereby
mediately determined by the former. My insertion of "upon a person" is a sop to Cerberus,
because I despair of making my own broader conception understood. ...
48. 1909 - CP 8.177 et NEM ΙΠ/2 p.839 - Letter to William James dated "1909 Feb. 26"
A sign is a Cognizable that, on the one hand, is so determined (i.e. Specialized, bestimmt), by
something other than itself, called its object (or, in some cases, as if the Sign be the sentence
"Cain killed Abel", in which Cain and Abel are equally Partial Objects, it may be more conve
nient to say that that which determines the Sign is the Complexus, or Totality, of Partial
Object's. And in every case the object is accurately the Universe of which the special object is
member, or part), while, on the other hand, it so determines some actual or potential Mind, the
determination whereof I term the Interpretant created by the sign, that that interpreting mind is
therein determined mediately by the Object.
378 L'ALGEBRE DES SIGNES
49. 1909 - NEM 111/2.p. 840-1. Letter to William James dated "1909 Feb. 26"
The sign creates something in the Mind of the Interpreter, which something in that it has been
so created by the sign has been, in a mediate and relative way, also created by the Object of the
sign, although the object is essentially other than the Sign. And this creature of the sign is called
the Interpretant. It is created by the Sign; but not by the sign quâ member of whichever of the
Universes it belongs to; but it has been created by the sign in its capacity of bearing the determi
nation by the object. It is created in a Mind (how far this mind must be real we shall see). All
that part of the understanding of the sign which the interpreting mind has needed collateral
observation for is outside the interpretant. I do not mean by "collateral observation" acquain
tance with the system of signs. What is so gathered is not collateral. It is on the contrary the pre
requisite for getting any idea signified by the sign. But by collateral observation, I mean previ
ous acquaintance with what the sign denotes.
1909 Oct. 28
Another endeavour to analyze a Sign.
A Sign is anything which represents something else (so far as it is complete) and if it repre
sents itself it is as a part of another sign which represents something other than itself, and it rep
resents itself in other circumstances, in other connections. A man may talk and he is a sign of
that he relates, he may tell about himself as he was at another time. He cannot tell exactly what
he is doing at that very moment. Yes, he may confess he is lying, but he must be a false sign,
then. A sign, then, would seem to profess to represent something else.
Either a sign is to be defined as something which truly represents something or else as
something which professes to represent something.
51. 1909 - NEM 111/2,p. 867. Letter to William James dated "1909 Dec 25"
... I start by defining what I mean by a sign. It is something determined by something else its
object and itself influencing some person in such a way that that person becomes thereby
mediately influenced or determined in some respect by that Object. ...
... Suffice it to say that a sign endeavours to represent, in part at least, an Object, which is there
fore in a sense the cause, or determinant, of the sign even if the sign represents its object falsely.
But to say that it represents its object implies that it affects a mind, and so affects it as, in some
respect, to determine in that mind something that is mediately due to the Object.
That determination of which the immediate cause, or determinant, is the sign, and of which
the mediate cause is the Object may be termed the Interpretant ...
Signs, the only thing swith which a human being can, without derogation, consent to have any
transaction, being a sign himself, are triadic; since a sign denotes a subject, and signifies a form
of fact, which latter it brings into connexion with the former. ...
ANNEXES 379
By a sign I mean anything whatever, real or fictive, which is capable of a sensible form, is applic
able to something other than itself, that is already known, and that is capable of being so inter
preted in another sign which I call its interpretant as to communicate something that may not
have been previously known about its object there is thus a triadic relation between an sign, an
Object, and an Interpretant.
The word sign will be used to denote an Object perceptible, or only imaginable, or even unim
aginable in one sense — for the word "fast", which is a sign, is not imaginable, since it is not this
word itself that can be set down on paper or pronounced, but only an instance of it, and since it
is the very same word when it is written as it is when it is pronounced, but is one word when it
means "rapidly" and quite another when it means "immovable", and a third when it refers to
abstinence. But in order that anything should be a Sign, it must "represent", as we say, some
thing else, called its Object, although the condition that a sign must be other than its Object is
perhaps arbitrary, since, if we insist upon it we must at least make an exception in the case of a
sign that is a part of a sign. ... A sign may have more than one Object.
Thus, the sentence "Cain killed Abel", which is a sign, refers at least as much to Abel as to
Cain, even if it be not regarded as it should, as having "a killing" as a third object. But the set
of objects may be regarded as making up one complex Object. In what follows and often
elsewhere signs will be treated as having but one object each for the sake of dividing difficulties
of the study. If a Sign is other than its object, there must exist, either in thought or in expres
sion, some explanation or argument or other context, showing how — upon what system or for
what reason the sign represents the Object or set of Objects that it does. Now the sign and the
Explanation together make up another sign, and since the explanation will be a Sign, it will
probably require an additional explanation, which taken together with the already enlarged Sign
will make up a still larger sign; and proceeding in the same way, we shall, or should, ultimately
reach a sign of itself, containing its own explanation and those of all its significant parts; and
according to this explanation each such part has some other part as its Object. According to this
every sign has, actually or virtually, what we may call a Precept of explanation according to
which it is to be understood as a sort of emanation, so to speak, of its Object.
The word sign, as it will here be used, denotes any object of thought which excites any kind of
mental action, whether voluntary or not, concerning something otherwise recognized. ... Every
sign denotes something, and the anything it denotes is termed an object of it. ... I term the idea
or mental action that a sign exites and which it causes the interpreter to attribute to the Object
or Objects of it, its interpretant. ... For a Sign cannot denote an object not otherwise known to
its interpreter, for the obvious reason that if he does not already know the Object at all, he can
not possess these ideas by means of which alone his attention can be narrowed to the very object
denoted. Every object of experience excites an idea of some sort; but if that idea is not
associated sufficiently and in the right way so with some previous experience so as to narrow the
attention, it will not be a sign.
A Sign necessarily has for its Object some fragment of history, that is, of history of ideas.
It must excite some idea. That idea may go wholly to narrowing the attention, as in such sign as
"man", "virtue", "manner".
380 L'ALGEBRE DES SIGNES
... In the first place, a "Representamen", like a word, -indeed, most words are representamens-,
is not a single thing, but is of the nature of a mental habit, it consists in the fact that, something
would be. The twenty odd "the" on ordinary page are all one and the same word, - that is, they
are so many instances of a single word. Here are two instances of Representamens: "--killed--",
"a man". The first of several characters which are each of them either essential to a sign being
truly an instance of a Representamen or else necessary properties of such an object, is that it
should have power to draw the attention of any mind that is fit to "interpret" it to two or more
"Objects" of it. [The first of the above examples of instances of representamens has four
objects; the second has two.] The second such character is that at least two of the objects must
be other than the representamen. A closer examination than I have made would I am sure lead
to a fuller description of the character. The third is the property that the interpreter of the rep
resentamen must have some collateral experiential acquaintance, direct or indirect, with each
object of the Representamen before he can perform his function ...
... If by a "sign" we mean anything of whatsoever nature that is apt to produce a special mental
effect upon a mind in which certain associations have been produced — and I invariably use the
word "association" as the original associationists did, for a mental habit, and never for the act or
effect of associational suggestion when we must admit that a musical air and a command given
to a soldier by his officer are signs, although it would seem that a logician is hardly otherwise
concerned with such emotional and imperative signs, than that, as long as nobody else concerns
himself with the analysis of the action of such signs, the logician is obliged to assume that office
in order by the did of its contrast with the action of cognitional signs to perfect the definition of
this latter. ...
59. 1911 - MS 854. Notes on logical critique of the essential Articles of religious Faith
(20.11.1911)
Nature of a Sign. Its object is all that the sign recognize; since the sign cannot be understood
until the Object is already identically known, though it may be indefinite. It so, it need only be
known in its indefiniteness. The interpretant is the mental action on the Object that the sign
excites.
For instance the word dog — meaning some dog, implies the knowledge that there is some
dog, but it remains indefinite. The Interpretant is the somewhat indefinite idea of the characters
that the "some dog" referred to has. And we have to distinguish between the Real Object and
the Object as implied in the sign. The latter is some one of the dogs known already by direct
experience or some one of the dogs which we more or less believe to exist.
The word dog does not excite any other notion than of the characters that... to possess.
The "Object" dog causes us to think of is such a dog as the person addressed has any notion
of. But the real Object includes alternatively other dogs which are not known to the party
addressed as yet but which he may come to know.
As to the characters we know it has four legs, is a carnivorous animal, etc.. and here we
must distinguish then
- first the essential characters which the word implies — the essential interpretant.
- second the idea it actually does excite in the particular interpreter.
- third the characters it was intended specially to excite — perhaps only a part of the essential
ANNEXES 381
characters perhaps others not essential and which the word now excites though no such thing has
hitherto been known.
In order to understand a Sign better we must consider that what it excites some sort of men
tal action about is in its Real Being either a history or a Part of a history and one part of it may
be a Sign of another part.
Some Dog is a ....
Excites the idea of a Dog ... is sign of a Dog and its Interpretant is forced by the interpreter own
belief in the truth of the sign to regard its being a dog to admit that it is possible a ratter.
The sign may appeal to the Interpreter himself to assert that the Matter of Fact denoted
does call for the ... of certain character... or the Sign may exert a Force to cause the Interpreter
to attach some Idea to the Object of the Sign.
The easiest of those which are of philosophical interest is the idea of a sign, or representation.
A sign stands for something to the idea which it produces, or modifies. Or, it is a vehicle convey
ing into the mind something from without. That for which it stands is called its object; that which
it conveys, its meaning; and the idea to which it gives rise, its interpretant. The object of rep
resentation can be nothing but a representation of which the first representation is the interpret
ant. But an endless series of representations, each representing the one behind it, may be con
ceived to have an absolute object at its limit. The meaning of a representation can be nothing
but a representation. In fact, it is nothing but the representation itself conceived as stripped of
irrelevant clothing. But this clothing never can be completely stripped off; it is only changed for
something more diaphanous. So there is an infinite regression here. Finally, the interpretant is
nothing but another representation to which the torch of truth is handed along; and as represen
tation, it has its interpretant again. Lo, another infinite series.
A sign is a thing which is the representative, or deputy, of another thing for the purpose of
affecting a mind .
Any sign, B, which a sign, A, is fitted so to determine, without violation of its A's, purpose, that
is, in accordance with the "Truth", even though it, B, denotes but a part of the objects of the
sign, A, and signifies but a part of its, A's characters, I call an interpretant of A.
382 L'ALGEBRE DES SIGNES
A sign is an object which stands for another to some mind. I propose to describe the characters
of a sign. In the first place like any other thing it must have qualities which belong to it whether
it be regarded as a sign or not thus a printed word is black, has a certain number of letters and
those letters have certain shapes. Such characters of a sign I call its material quality. In the next
place a sign must have some real connection with the thing it signifies so that when the object is
present or is so as the sign signifies it to be the sign shall so signify it and otherwise not. ... In
the first place it is necessary for a sign to be a sign that it should be regarded as a sign for it is
only a sign to that mind which so considers and if it is not a sign to any mind it is not a sign at
all. It must be known to the mind first in its material qualities but also in its pure demonstrative
application. That mind must conceive it to be connected with its object so that it is possible to
reason from the sign to the thing. ...
But at this point certain distinctions are called for. That which is communicated from the object
through the Sign to the interpretant is a Form; that is to say, it is nothing like an existent, but is
a power, is the fact that something would happen under certain conditions. This form is really
embodied in the object, meaning that the conditional relation which constitutes the form is true
of the form or it is in the Object. In the Sign it is embodied only in a representative sense, mean
ing that whether by virtue of some real modification of the Sign, or otherwise, the Sign becomes
endowed with the power of communicating it to an interpretant. It may be in the interpretant
directly, as it is in the Object, or it may be in the Interpretant dynamically, as behaviour of the
Interpretant (this happens when a military officer uses the sign "Halt!" or "Forward march!"
and his men simply obey him, perhaps automatically) or it may be in the Interpretant likewise
only representatively. In existential graphs the Interpretant is affected in the last way; but for
the present, it is best to consider only the common characters of all signs.
... which is communicated from the Object through the Sign to the Interpretant is a Form. It is
not a singular thing; for if a Singular thing were first in the Object and afterward in the Inter
pretant outside the Object, it must thereby cease to be in the Object. The form that is communi
cated does not necessarily cease to be in one thing when it comes to be in a different thing,
because its being is the being of a predicate. The Being of a Form consist in the truth of a condi
tional proposition. Under given circumstances something would be true. The Form is in the
Object, one may say, entitatively, meaning that that conditional relation, or following of con
sequent upon reason, which constitutes the Form is literally true of the Object. In the Sign the
Form may ... be embodied entitatively, but it must be embodied representatively, that is, in
respect to the Form communicated, the Sign produce upon the interpretant an effect similar to
that which the Object would under favorable circumstances.
For the purpose of this inquiry a Sign may be defined as a Medium for the communication of a
Form. It is not logically necessary that any thing possessing consciousness, that is, feeling or the
peculiar commun quality of all our feeling should be concerned. But it is necessary that there
should be two, if not three, quasi-minds, meaning things capable of varied determinations as to
forms of the kind communicated.
As a medium the Sign is essentially in a triadic relation, to its Object which determines it
and to its Interpretant which it determines. In its relation to the Object, the sign is passive, that
is to say, its correspondence to the Object is brought about by on effect upon the sign, the
Object remaining unaffected. On the other hand, in its relation to the Interpretant the sign is
active determining the interpretant without bein itself thereby affected.
69. n.d. MS 793. [On Signs, quatre versions d'une certaine page 11]
a. A Sign would be a Priman Secundan to something termed its Object and if anything were to
be in a certain relation to the sign called being Interpretant to it, the Sign actively determines the
Interpretant to be itself in a relation to the same Object, corresponding to its own.
b. A "Sign" is a genuinely genuine Tertian. It would generally be Priman in some characters,
called its "Material Characters". But in addition, it is essentially (if only formally) Second to
something termed its "Real Object", which is purely active in the Secundanity, being
immediately unmodified by this secundanity; and these characters of the Real Object which are
essential to the identity of the Sign constitute an ens rationis called the "Immediate Object".
Moreover, the Sign is conceivably adapted to being Third to its Immediate Object for an ens
rationis constituted thereby in the same (generic) relation to that Object in which the Sign itself
stands to the same; and this Third is termed the "Intended Interpretant", but the ... [fin du man
uscrit].
c. A Sign would be in some respects Priman, and its determination as Priman are called its
Material characters. But in addition it is Second to what is termed its Real Object, which is
altogether active, and immediately unmodified by this Secundanity, and in so far as the Sign is
second to it, it is termed the immediate Object. The Sign is conceivably adapted to being third
to its Immediate Object for something in so far termed its Intended Interpretant; and the Sign
only functions as such so far as the Intended Interpretant is Second to it for an Actual Interpret
ant which thus becomes adapted become a sign of the Immediate [ce mot est surmonté d'un
point d'interrogation] Object for a further intended Interpretant, and in so far as the Interpret
ant is such Third it is termed Reflex Interpretant.
384 L ' A L G E B R E D E S SIGNES
d. A "Sign" would be in some respects Priman, and its determinations as such are called its
"Material characters". But in addition, it is Second to something termed its "Real Object",
which is purely active being immediately unmodified by this Secundanity; and in so for as the
sign is Second to it, it is termed the "Immediate Object" thereof. The Sign is conceivably
adapted bo being Third to its Immediate Object for something which should thereby be brought
into the generically same dyadic relation to that Object in which the Sign itself stands to that
Object, and this Third is called the "Intended Interpretant"; but the Sign functions as such only
in so far as the Intended Interpretant is Second to it and is Third to it for an existent termed the
"Actual Interpretant", the modes of ... [fin du manuscrit]
73. n.d. MS 801. Logic: Regarded as a Study of the general nature of Signs (Logic)
By a sign I mean any thing which is in any way, direct or indirect, so influenced by any thing
(which I term its object) and which in turn influence a mind that this mind is thereby influenced
by the Object; and I term that which is called forth in the mind the Interpretant of the sign. This
explanation will suffice for the present; but distinctions will have to be drawn are long.
A mental representation is something which puts the mind into relation to an object. A rep
resentation generally (I am here defining my use of the term) is something which brings one
thing into relation with another. The conception of third is here involved, and therefore, also,
the conceptions of second or other and of first or an. A representation is in fact nothing but a
something which has a third through an other. We may therefore consider an object:
1. as a something, with inward determinations;
2. as related to an other;
3. as bringing a second into relation to a third.
75. n.d. MS 914. [Firstness, Secondness, Thirness, and the Reductibility of Fourthness]
The most characteristic form of thirdness is that of a sign; and it is shown that every cognition is
of the nature of a sign. Every sign has an object, which may be regarded either as it is
immediately represented in the sign to be, and as it is in its own firstness. It is equally essential
to the function of a sign that it should determine an Interpretant, or a second correlate related
to the object of the sign as the sign is itself related to that object; and this interpretant may be
regarded as the sign represents it to be, as it is in its pure secondness to the object, and as it is
in its own firstness.
A Representamen can be considered from three formal points of view, namely, first, as the sub
stance of the representation, or the vehicle of the Meaning which is common to the three rep
resentamen of the triad, second, as the quasi-agent in the representation, conformity to which
makes its Truth, that is, as the Natural Object, and third, as the quasi-patient in the representa
tion, or that which modification in the representation make its Intelligence, and this may be cal
led the Interpretant. Thus, in looking at a map, the map itself is the vehicle, the country rep
resented is the Natural Object, and the idea excited in the mind is the Interpretant.
Furthermore, every representamen may be considered as a reagent, its intellectual charac
ter being neglected; and both representamen and reagent may be considered as quales, their
relative character being neglected. This we do, for example, when we say that the word man has
three letters.
Annexe
Notions sur la théorie des structures mathématiques
Dans cette annexe nous avons regroupé les notions et propositions juste nécessaires pour mener
à bien notre projet de formalisation mathématique. Nous avons adopté la présentation de Jiri
Adàmek (1983) en faisant précéder les fondements de la théorie des catégories par une théorie
moins abstraite de construction d'objets qui est celle des catégories concrètes d'ensembles avec
structure ou "constructums", terme par lequel nous avons traduit le terme "construct". Le lec
teur qui voudrait compléter son information dans ces domaines pourra se reporter avec profit à
son ouvrage, accessible à toute personne intéressée à un abord très général des structures
mathématiques plutôt qu'à l'étude d'une branche particulière. Les connaissances en mathémati
ques que présupposent les considérations qui suivent appartiennent au folklore de cette discipli
ne.
2. Un isomorphisme est un morphisme f: (Χ, α) (Y, β) tel que f soit une bijection et que
l'application inverse f"1 soit un morphisme:
f : (Y, β) (Χ, α)
4. Un constructum est appelé transportable si pour chaque objet (Χ, α) et chaque bijection
f: X Y il existe une structure unique ßε$[Y] telle que f: (Χ, α) (Y, ß) est un isomor
phisme.
- chaque morphisme de £ est un morphisme de $, c'est-à-dire que hom£(A,B) est inclus dans
hom$ (A,B),pour des objets arbitraires A et de £.
7. Deux constructums $ et £ sont dits concrètement isomorphes s'il existe des bijections
Ι χ : $[X] £[X]; (X ensemble) satisfaisant la condition suivante :
- étant donnés deux objets arbitraires (Χ, α) et (Y, β) de $ et une application f : X Y alors
f: (X, a) (Y, β) est un morphisme de $ si et seulement si f: (Χ, Ι χ (α)) (Y, Ι χ (β)) est
un morphisme de £.
8. Une source (dans un constructum $) sur un ensemble X est une famille (Y., β., f.).6¡, où (Y.,
β.) sont des objets de $ et les f.: X Y. sont des applications. On la note habituellement:
{X—fi—Yi,.βi.}iεI
9. Une structure initiale d'une source {X fi (Yi.,βi)} est une structure α sur X telle que
a. f.: (Χ,α) (Yi, βi.) sont des morphismes pour tout iel
b. Pour chaque objet (T,ô) et chaque application h: Τ X telle que les
f.oh: (Τ,δ) (Y, β.) soient des morphismes (iel) alors h: (Τ,δ) (Χ,α) est aussi un
morphisme (cf. Figure 106).
Figure 106.
10. Un constructum est appelé initialement complet si chaque source à une structure initiale
unique.
11. Un puisard (dans un constructum $) sur un ensemble X est une famille (Y, β., g.), iel où les
(Y, β.) sont des objets de $ et les g.: Yi. : —X sont des applications. On le note habituellement
Figure 107.
13. Un constructum est appelé finalement complet si chaque puisard a une structure finale uni
que.
Annexe
Sélection de textes sur le phaneron et ses éléments indécomposables:
CP 1.284 (from Adirondack Lectures, 1905)
Phaneroscopy is the description of the phaneron; and by phaneron I mean the collective total of
all is in any way or any sense present to the mind, quite regardless of whether it corresponds to
any real thing or not. If you ask present when, and to whose mind, I reply that I leave these
question unanswered, never having entertained a doubt that those features of the phaneron that
I have found in my mind are present at all times and to all minds. So far as I have developped
this science of phaneroscopy, it is occupied with the formal elements of the phaneron. I know
that there is another series of elements imperfectly represented by Hegel's Categories. But I
have been unable to give any satisfactory account of them.
There is nothing quite so directly open to observation as phaneron; and since I shall have no
need of referring to any but those which (or the like of which) are perfecty familiar to every
body, every reader can control the accuracy of what I am going to say about them. Indeed, he
must actually repeat my observations and experiments for himself, or else I shall more utterly
fail to convey my meaning then if I were to discours of effects of chromatic decoration to a man
congenitally blind. What I term phaneroscopy is that study which, supported by the direct obser
vation of phanerons and generalizing its observations, signalizes several very broad clases of
phanerons; describes the features of each; shows that although they are so inextricably mixed
together that no one can be isolated, yet it is manifest that their characters are quite disparate;
then proves, beyond question, that a certain very short list comprise all of these broadest
categories of phanerons there are; and finally proceeds to the laborious and difficult task of
enumerating the principal subdivisions of those categories.
In the interest of that exactitude of technical terminology without wich no study can become sci
entific, I propose the word phaneron to denote anything that can come before the mind in any
sense whatsoever. At this, some reader will remostrate, "My dear sir, since you talk of exac
titude, could you not replace that phrase 'in any sense whatsoever' by something more distinct.
Suppose I were to ask you whether you supposing a sentence in a language unknown to you
were to be, printed on a page and placed before your eyes, you would include that sense of being
'before the mind', or suppose all vestiges of a thing had utterly disappeared previously to their
being any mind in the universe, of course you would not include that sense in which you propose
to use the term?". To this I reply "I mean to include whatever sense as any in which the phrase
is ordinarily used. I admit, that I should not have thought of such cases as you mention as com
ing within the scope of my phrase. But your suggestion that the phrase might be so understood
operates to extend it to these cases. As for the sentence in a language I do not know, since you
390 L'ALGEBRE DES SIGNES
say the page is placed before my eyes, I presumably see there is a sentence there, and although
I do not at the time know what it means, yet I certainly do not intend to confine the term phane-
ron to what is before the mind at any one time. I may never know what it means, but if it is a
sentence, some mind has understood it; and I do not restrict the word phaneron to what comes
before any single mind. The term phaneron is to apply to whatever is thinkable or which, not
being what I mean by "before the mind", is amply efficient to constitute it to be before the mind,
in my sense. As for what desappeared utterly before any mind was in being, if you mean any
thing at all by this, your mind is referring to that object; and even if you phrase has no meaning,
your pretending that it has, still places the object before your mind and before mine. The fact
that something mentioned is devoid of all meaning or self-contradictory does not prevent it from
being a phaneron; and whatever never was or will be before any mind in any sense whatever
becomes a phaneron now that I have gone through the motions of writing about it.
... I propose to use the word phaneron as a proper name to denote the total content of any con
sciousness (for anyone is substantially any other) the sum of all we have in mind in any way
whatever, regardless of its cognitive value. This is pretty vague: I intentionnaly leave it so: I will
only point out that I do not limit the reference to an instantaneous state of consciousness; for the
clause "in any way whatever" takes in memory and all habitual cognition. The reader will prob-
ably wonder why I did not content myself with some expression already in use. The reason is
that the absence of any contiguous associations with the new word will render it sharper and
clearer than any well-worn coin could be.
I invite the reader to join me in a little survey of the Phaneron (which will be sufficiently
identical for him and for me) in order to discover what different forms of indecomposable ele
ments it contains. ... This ... will be a work of observation. But in order that a work of observa
tion should bring in any considerable harvest, there must always be a preparation of thought, a
consideration as definite as may be, of what it is possible that observation should disclose. That
is a principe familiar to every observer. Even if one is destined to be quite surprised, the prep
aration will be of mighty aid.
As such preparation for our survey, then, let us consider what forms of indecomposable ele
ments it is possible that we should find. The expression "indecomposable elements" sound
pleonastic; but it is not so, since I mean by something which not only is elementary, since it
seems so, and seeming is the only being a constituent of the phaneron has, as such, but it is
moreover incapable of being separated by logical analysis into parts, whether they be substan
tial, essential, relative; or any other kind of parts. Thus, a cow inattentively regarded may
perhaps be an element of the phaneron; but whether it can be so or not, it is certain that it can
be analysed logically into many parts of different kinds that are not in it as a constituent of the
phaneron, since they were not in mind in the same way as the cow was, or in any way in which
the cow as an appearance in the phaneron could be said to be formed of these parts. We are to
consider what forms are possible rather than kinds are possible, because it is universally admit
ted, in all sorts of inquiries, that the most important divisions are divisions according to form,
and not according to the qualities of matter, in case division according to form is possible at all.
Indeed, this necessarily results from the very idea of the distinction between form and matter. If
we content ourselves with the usual statement of this idea, the consequence is quite obvious. A
doubt may, however, arise whether this distinction of form is possible among indecomposable
elements. But since a possibility is proved as soon as single actual instance is found, it will suffice
to remark that although the chemical atoms were until quite recently conceived to be, each of
them, quite indecomposable and homogenous, yet they have for half of a century been known
ANNEXES 391
to differ from one another, not indeed in internal form, but in external form. Carbon, for exam
ple, is a tetrad, combining only in the form CH4 (march gas) that is, with four bonds with
monads (such as is H) ot their equivalent; boron is a triad forming by the action of magnesium
on boracic anhydride, BH 3 , and never combining with an other valency; glucinum is a dyad,
forming GC12, as the vapor-density of this salt corroborated by many other testes, conclusively
shows and it too always has the same valency; lithium forms LH and LI and L3N, and is invari
ably a monad; and finally helion, neon, argon, crypton, and xenon are medads not entering into
atomic combination at all. We conclude then, that there is a fair antecedent reason to suspect
that the Phaneron's indecomposable elements may likewise have analogous differences of exter
nal form. Should we find this possibility to be actualized, it will, beyond all dispute, furnish us
with by far the most important of all divisions of such elements.
I trust no reader will understand me to be capable of reasoning by analogy from the con
stitution of chemical substances to the logical constitution of thought. I know very well that
much of the substance of the present article has a distinct resemblance to a certain species of
demilunatic stuff of which there is so much in the world that it is likely to cumber the shelves of
any elderly logician who does not take measures to get rid of it. I know furthermore that the
world is full of minds of such a caliber that because a good deal of precious nonsense is of a cer
tain type they wish to know no more of anything that is of that type. I do not much regret it
because it is unlikely that a person who passes judgment in such fashion should possess that rare
faculty of looking out of his eyes and seeing what stares him in the face — a faculty, however I
desiderate my, reader, and fell confident of having in every attentive reader. But though I do
not offer such a crude argument, it is certainly true that all physical science involves (I do not
say, depends upon) the postulate of a resemblance between nature's law and what it is natural
for man to think, and moreover, the success of science, affords overwhelming proof that that
postulate is true; and consequently, sound logic does distinctly recommend that the hypothesis
of the indecomposable elements of the Phaneron being in their general constitution like the
chemical atoms be taken up as a hypothesis with a view to its being subjected to the test of an
inductive inquiry.
They are further considerations, however, which warrant our expecting more confidently to
finds in elements of the Phaneron certain forms than to find in elements of the Phaneron cer
tains forms than to find certain others. Thus, unless the Phaneron were to consist entirely of ele
ments altogether uncombined mentally, in which case we should have no idea of a Phaneron
(since this, if we have the idea, is an idea combining all the rest) which is as much as to say that
there would be no Phaneron, its esse being percipi if any is so; or unless the Phaneron were itself
our sole idea, and were utterly indecomposable, when there would be no such thing as an inter
rogation and no such thing as a judgment (as will appear below) it follows that if there is Phane
ron (which could be an assertion) or even if we can ask whether there be or no, there must be
an idea of combination (i.e. having combination for its objects thought of). Now the general
idea of a combination must be an indecomposable idea. For otherwise it would be compunded,
and the idea of combination would enter into it as an analytic part of this. It is, however, quite
absurd to suppose an idea to be a part of itself, and not the whole. Therefore, if there is a phane
ron, the idea of combination is an indecomposable element of it. This idea is a triad; for il
involves the ideas of a whole and of two parts (a point to be further considered below). Accord
ingly, there will necessarily be a triad in the Phaneron. Moreover, if the metaphysicians are right
in saying (those of them who do say so) that there is but one absolutely necessary idea, which is
that of the Triune God, then this idea of the Triune God must in some way be identical with the
simple idea of combination.
But out of triads exclusively it is possible to build all external forms, Medads, monads,
dyads, triads, tetrads, pentads, hexads, and the rest. The Figure 108 suggests one way.
392 L'ALGEBRE DES SIGNES
Composed of A T r i a d s
Figure 108.
That is precisely its form. As the triad involves dyads, so likewise does the tetrad. Let A, B
be the objects of such of dyad. The tetrad is more than a mere dyad for those objects. I mean
that it not only makes one of them determine the other in some regard, after the manner of
dyads, or, to use the word which we are in the habit of using only in reference to the more
characteristic kinds of dyads, but which I will extend for the nonce to all dyads, in order to call
up my idea in the reader's mind, — the tetrad not only makes A "act" upon B, (or upon A)
but, like a triad, indeed as involving Tertianity (just as we have seen that a triad involves secun-
danity) it puts together A and B, so that they make up a third object, — to continue my method
of expression by stretching the extension of terms, I might say, so that they "create" a third,
namely the pair, understood as involving all that the tetrad implies concerning these two presci
nded from and D. Moreover the tetrad involves a dyad one of those objects is this pair of A
and B, and makes them create a new object, their pair. And finally it unites this last pair to D.
Thus, the entire function of the tetrad is performed by a series of Triads; and consequently,
there can be no unanalyzable tetrad, nothing to be called an quartan element of the Phaneron.
Plainly, the same process will exclude quintanity, sextanity, septanity and all higher forms of
indecomposable elements from the Phaneron.
To many a reader this reasoning will appear obscure and inconclusive. This effect is due to
the argument's turning upon such a complex of precissive abstractions; for an abstract concept
is essentially indefinite. Now the reader would not have been a reader of this paper unless he
had the intellectual virtue of striving to give definite interpretations to concepts. But it often
happens that this virtue being coupled with a particular natural turn of mind, breeds an intellec
tual vice, the bad habit of dropping all lines of study which largely introduce indefinite concepts,
so that those who contracts this habit never gain a proper training in handling such concepts.
This is by no means the only difficulty of mathematics, which incessantly employs them, but it is
perhaps the chief reason why we find among particularly able professional men, and even among
thinkers, so many who are completely shut off from mathematics. But those whom this demonst
ration fails to reach may find themselves convinced by the facts of observation when we come to
consider them.
Some will ask whether if every tetrad can be built up out of triads, it must not be equally
true that every triad can be built up out of dyads. The reason has already been stated, namely,
that nothing can be built up out of other things, and combination is itself manifestly a triad. But
those who do not see the force of this reason had better try to build up a chemical triad, while
observing the law of valency.
Much might be profitably added to this preliminary a priori study; but even with the
greatest compression I shall cover too many of the valuable pages of the Monist. We must has
ten, then, to try how well or ill our a priori conclusions are supported by the actual examination
of the contents of the Phaneron. Let us begin once.
Can we find a Phaneron any element logically indecomposable, which is such as it is,
altogether otherwise than relatively, but positively, and regardless of aught else?
I answer, there are many such elements. I instance the color of a stick of counting - house
sealing-wax which I had to use a few moments ago, and which still lies on my table in plain sight.
This is an element, for I do not see it as composite. It is also logically indecomposable. It is true
that I can take down my color-wheel, analyse this color, and define it in an equation. But such
an equation, far from expressing any logical analysis, does not even define the color sensation.
For an observer thoroughly trained to recognize his immediate feelings as they are felt, free
from all the allowances which we naturally make for the circumstances of the experience, will
perceive that when the stick of sealing-wax be highly illuminated, the sensation is more scarlet,
ant that under a dim light it verges toward a dull vermillion hue; and yet the analysis by the
color-wheel will wholly fail to detect this. For a mere admixture of black with the color of the
394 L'ALGEBRE DES SIGNES
highly illuminated wax will make it a precise match for the feebly illuminated wax. Considerably
more like a logical analysis is the ordinary description of a color in terms of its luminosity
chroma (or degree of departure from gray) and hue; as one might say that the color of this sea
ling-wax is moderately luminous but extremely chromatic color, pretty nearly pure red in hue,
yet decidedly leaning toward scarlet. But however much this may resemble a logical analysis, it's
not what I mean by that term when I say that a Priman, a Secundan, a Tertian is essentially inde
composable. For if a man possessed no other color-sensation but that excited by this scaling-wax
under good forenoon illumination from white clouds, indoors close to a window, he might
devote his life to thinking about it, but he never would discover that there were those three
respects, luminousness, chroma, and hue. They are not seen in the color taken by itself, but only
in the color as it appears in comparison with others. That is shown by the fact that in order to
describe the color with tolerable accuracy, it is necessary to experiment by placing it in succes
sive juxtaposition with others which are very much like it, one in luminosity, other in chroma,
and a third in hue. This shows that though the description does not refer to the phenomena of
mixture-experiments it does refer to phenomena of experiments. If I am asked whether the same
thing is not true of logical analyses, I admit that some analyses which are sometimes called logi
cal are of that kind, but not the logical analyses meant when we speak of the Priman, Secundan,
Tertian being logically indecomposable. Consider, for example, the word 'red'. I mean the word
'red' in that sense which it is one and the same word, however often it be pronounced, and
whether quite correctly or not. It has its being exclusively in governing this articulation (I leave
writing out of account for simplicity) and the apprehension of Anglo-Saxons. The pronunciation
varies enormously, the r from the grassouillée sound that most Frenchmen give to it, or did in
my day, to the sound which is obtained by so much labor in the Comedie Française, to semi-
articulate r of must of us, and the 'wred' of some people, the e also ranging over considerable
variety, and finally the d being either of two sounds which are carefully distinguished in some
languages, the dental d of latin races, and our alveolar d, and even an Arabic Dhâd or dhâ, if
pronounced explosively, would be tolerated. All these variations are of the being of the word,
for other, much smaller departures from the average pronunciation would render the vocable
quite unintelligible.
Therefore, whether it be apprehended as consisting of three sounds, or be not so
apprehended, mere attention to the word itself will bring out that composition, without any
comparison with other words; and such an analysis is what I rather inaptly style 'logical' decom
position, because it is effected in the same way in which one would find a definition of a familiar
word whose meaning one had never before analyzed. That the quality red is positive and wholly
resident in itself regardless of aught else is obvious. Yet even this may be doubted. The legend
of the music of the spheres at least seems to be based on the notion that sense-qualities are rela
tive to each other. But even if every thing in the world and in the Phaneron were precisely of this
sealing-wax red, though we should not be distinctly aware of it, I suppose that it would tinge our
disposition, and so be, in some sense, in the mind. If it would not, this would be merely a
psychogical fact it would have nothing to do with the quality red in itself. Nor can it be said that
red is relative to a surface. For though we cannot prescind redness from superficial extension,
we can easily distinguish it from superficial extension owing (for one thing) to our being able to
prescind the latter from the former. Sealing-wax red, then is a Priman.
So is any other quality of feeling. Now the whole content of conciousness is made up of
qualities of feeling, as truly as the whole of space is made up of points or the whole of time of
instants. Contemplate anything by itself, — anything whatever that can be so contemplate it.
Attend to the whole and drop the parts out of attention altogether. One can approximate nearly
enough to the accomplishment of that to see that the result of its perfect accomplishment would
be that one would have in his conciousness at the moment nothing but a quality of feeling. This
ANNEXES 395
quality of feeling would in itself, as so contemplated, have no parts. It would be unlike any other
such quality of feeling. In itself, it would not even resemble any other; for resemblance has its
being only in comparison. It would be a pure Priman. Since this is true of whatever we con
template, however complex may be the object, it follows that there is nothing else in immediate
consciousness. To be conscious is nothing else than to feel.
What room, then, is there for Secundans and Tertians? Was there some mistakes in our
demonstration that they must also have their places in the Phaneron? No, there was no mistake.
I said that the Phaneron is made up entirely of qualities of feeling as truly as Space is entirely
made up of points. There is a certain protoidal aspect, — I coin the word for the need — under
which Space is truly made up of nothing but points. Yet is a certain that no collection of points
— using the word collection to mean merely a plural, without the idea of the objects being
brought together, — no collection of points no matter how abnumerable its multitude, can in
itself constitute Space. For Space has chorisy one, that is, is all one piece, its cyclosy and its
periphraxy are each either zero or one, [Footnote: In the Space of quaternions both are zero; in
the space of projective geometry both are one] that is if it has room for a filament which could
by no continuous deformation shrink indefinitely toward becoming a particle, a single simple
superficial barrier would suffice to leave in the rest of Space no room for any such filament, and
if it has room for any film, or deformable surface, which by no continuous deformation could
shrink indefinitely toward becoming a filament a single filamental barrier would suffice to leave
in the rest of Space no such room; and finally Space has an apeiry one, that is, it has room for a
single solid which by continuous deformation could shrink indefinitely toward becoming a film,
but the barrier of a single particle would leave no room in the rest of space for such unshrinkable
solid. Now none of these properties necessarily belongs to any mere plural of points, except that
a single point has chorisy one. It is not the points, but the relations between the different points
which produce the chorisy, cyclosy, periphraxy and apeiry of space, as well as its being topically
non-singular, that is, its containing no place of any dimensionality which a deformable object
occupying it could quit in fewer or in more ways than it could quit innumerable other such places
all about it. What is the nature of all these relations as well as these of time? They all result from
complications of only two elements. One of these is the relation of a distributively general
object, "any" something, to the single individual collection which embraces "any" such, and
nothing else. The other is the relation of geometrical betweenness, upon which Kempe first did
some considerable logical work, though I, and doubtless every other exact logician who had
examined the subject already well knew that the key of geometry lay in that. If we consider any
portion of a line, this portion having two extremities, A and B, then any point X, of that portion
lies "between" A and B, and any second point Y of that portion is either "between" X and A
while X is "between" it and B, or else is "between" X and B, while X is "between" it and A. Of
these two relations, that between the distributive and collective all is dyadic, that of betweenness
is triadic. But these are not at all characteristics examples of the dyad and the triad. Either has
a decided protoidal tinge. The characteristic color of the dyad, — if I may be allowed the
metaphor —, is that of opposition. But the distributive and collective are the same thing differ
ently expressed. To say that X is between A and is to say that the place of X in so far as it is
not the place of is the place of A. It is a sort of divided agreement.
But the phaneron does contain genuine Secundans. Standing on the outside of a door that
is slightly ajar, you put your hand upon the knob to open and enter it. You experience an
unseen, silent resistance. You put your shoulder against the door and gathering your forces put
forth a tremendous effort. Effort supposes resistance; where there is no effort there is no resis
tance; where there is no resistance there is no effort either in this world or in any of the worlds
of possibility. It follows that an effort is not a feeling nor anything priman or protoidal. There
are feelings connected with it: they are the sum of consciousness during the effort. But it is con-
396 L'ALGEBRE DES SIGNES
ceivable that a man should have it in his power directly to summoning up all those feelings or
any feelings. He could not, in any world, be endowed with the power of summoning up an effort
to which there did not happen to be a resistance all ready to exist. For it is an absurdity to sup
pose that a man could directly will to oppose that very will. A very little thinking will show that
this is what it comes to. According to such psychological analysis as I can make effort is a phe
nomenon which only arises when one feeling abuts upon another in time, and which then always
arises. But my psychological pretensions are little if they exist at all, and I only mention ny
theory in order that contrast should impress the reader with the irrelevances of psychology to
our present problem, which is to say of what sort that is which is in our minds when we make an
effort and which constitutes it an effort. We live in two worlds, a world of fact and a world of
fancy. Each of us is accustomed to think that he is the creator of his world of fancy; that he has
but to pronounce his fíat, and the thing exits, with no resistance and no effort; and although this
is so far from the truth that I doubt not that much the greater part of the reader's labor is
expended on the world of fancy, yet it is near enough the truth for a first approximation. For this
reason we call the worls of fancy the internal world, the world of fact the external world. In this
latter, we are masters, each of us, of his own voluntary muscles, and of nothing more. But man
is sly, and contrives to make this little more than he needs...Beyond that, he defends himself
from the angles of hard fact by clothing himself with a garment of contentment and of habitua
tion. Were it not for his garment, he would every now and then find his internal world rudely
disturbed and his fiats set at naught by brutal inroads of ideas from without. I call such forcible
modification of our ways of thinking the influence of the world of fact experience. But he
patches up this garment by guessing what those inroads are likely to be and carefully excluding
from his internal world every idea which is likely to be so disturbed. Instead of writing for
experiences to come at untoward times, he provokes it when it can do no harm and changes the
government of his internal world accordingly.
Annexe D
Somme et produit de diagrammes dans une catégorie algébrique
La notion de catégorie est une abstraction de la notion de constructum. Les éléments ou objets
de la catégorie sont abstraits, les opérations sur ces éléments sont abstraites c'est-à-dire séparées
de toute détermination.
2. Exemples: tout ensemble ordonné X est une catégorie dont les objets sont les éléments de X,
C° = X et étant donné χ et y e X, hom(x,y) a au plus un élément noté χ y:
si x≤ y, hom(x,y) = {x y}
sinon, hom(x,y) = {0}.
On montrerait de même que tout ensemble préordonné est aussi une catégorie.
3. Tout constructum $ définit une catégorie, appelée aussi $. $° est la classe de tous les objets de
$ et pour un couple d'objets A = (Χ,α), = (X, β), hom(A,B) est l'ensemble de tous les mor
phismes de A dans B.
4. Catégorie duale: la catégorie duale C op d'une catégorie a les mêmes objets que et pour
tout couple A, ε C°:
hοm c o Α,Β) = hom c (B,A)
Il est clair que (C op ) op = ce qui permet de faire correspondre à toute propriété concernant les
morphismes d'une catégorie une propriété duale "en changeant le sens des flèches". A tout
concept concernant une catégorie correspondra un concept dual et à tout théorème validé sur
une catégorie un théorème dual. C'est le principe de dualité.
Figure 109.
Une catégorie a des sommes directes si toute famille de ses objets a une somme directe. La som
me directe est unique à un isomorphisme près.
Figure 110.
Figure 111.
ii. pour tout couple (Β,δ.) formé d'un objet et d'une famille de morphismes δi.: Ai. tel
que (i,j)εa implique δ..Φj = δi. c'est-à-dire la commutativité du diagramme de la Figure 112, il
Figure 112.
existe un morphisme unique f: A tel que l'on ait pour tout i, δi. = f.Φi..
Une catégorie est cocomplète si tout diagramme a une somme.
La somme directe est un cas particulier de la somme d'un diagramme: il suffit de prendre pour
α un ensemble vide de relations.
Figure 113.
400 L'ALGEBRE DES SIGNES
ii. pour tout couple (Β, τ.) formé d'un objet et d'une famille de morphismes τi.: Β Ai. tel
que (i,j) ε α implique δij...τj. = τi. c'est-à-dire la commutativité du diagramme de la Figure 114. Il
Figure 114.
existe un morphisme unique g: A tel que l'on ait pour tout i, τi. = πi..g.
Une catégorie est complète si tout diagramme a un produit.
Le produit direct est un cas particulier du produit d'un diagramme. Il suffit de prendre pour α
un ensemble vide de relations.
La notion de produit d'un diagramme est la notion duale de la somme d'un diagramme.
Annexe E
Notions sur les foncteurs et transformations naturelles de foncteurs
Les foncteurs sont aux catégories ce que les morphismes d'une catégorie sont aux objets de cette
catégorie. Les foncteurs jouent donc le rôle de "morphismes de catégories", lesquelles devien
nent alors des "objets". Les foncteurs deviennent de ce fait les instruments spécifiques pour
l'étude des interrelations entre catégories.
θA:F1(A)—F2(A)de D
de manière que la condition suivante soit remplie: pour chaque morphisme h: A A' dans
nous avons
θA:F1(h)—F2(h)dans D
Figure 115.
( 1 F)A = 1F(A): F ( A ) F
(A) P ° U r t O U t ·
Remarque: Si est une petite catégorie (c'est-à-dire une catégorie dont les objets forment un
ensemble) on peut définir la catégorie des foncteurs de dans D dont les objets sont les fonc
teurs et les morphismes les transformations naturelles.
6. Définition: Une transformation naturelle Q:Fl F 2 est un isomorphisme naturel s'il existe
une transformation naturelle inverse notée Θ"1:
F2. F1, avec θ-1.θ = 1F1 et θ.θ-1 = 1F2 .
Annexe F
Textes analysés
Texte n°l: (extrait de "Mythologies" de Roland Barthes, pp. 201-202)
Et voici maintenant un autre exemple: je suis chez le coiffeur, on me tend un numéro de Paris-
Match. Sur la couverture, un jeune nègre vêtu d'un uniforme français fait le salut militaire, les
yeux levés, fixés sans doute sur un pli du drapeau tricolore. Cela, c'est le sens de l'image. Mais,
naïf ou pas, je vois bien ce qu'elle me signifie: que la France est un grand Empire, que tous ses
fils, sans distinction de couleur, servent fidèlement sous son drapeau, et qu'il n'est de meilleure
réponse aux détracteurs d'un colonialisme prétendu, que le zèle de ce noir à servir ses prétendus
oppresseurs. Je me trouve donc, ici encore, devant un système sémiologique majoré: il y a un si
gnifiant, formé lui-même, déjà, d'un système préalable (un soldat noir fait le salut militaire fran
çais); il y a un signifié (c'est ici un mélange intentionnel de francité et de militanté); il y a enfin
une présence du signifié à travers le signifiant.
Texte n°2: "La nouvelle Citroën" de Roland Barthes (Mythologies: pp. 150-152).
1. Je crois que l'automobile est aujourd'hui l'équivalent assez exact des grandes cathédrales
gothiques: je veux dire une grande création d'époque, conçue passionnément par des artistes in
connus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s'approprie
en elle un objet parfaitement magique.
2. La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d'abord
comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que l'objet est le meilleur messager de la sur
nature: il y a facilement dans l'objet, à la fois une perfection et une absence d'origine, une clô
ture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique
que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l'ordre du merveilleux. La "Déesse" a
tous les caractères (du moins le public commence-t-il par les lui prêter unanimement) d'un de
ces objets descendus d'un autre univers, qui ont alimenté la néomanie du XVIIIème siècle et celle
de notre science-fiction: la Déesse est d'abord un nouveau Nautilus.
3. C'est pourquoi on s'intéresse moins en elle à la substance qu'à ses joints. On sait que le lisse
est toujours un attribut de la perfection parce que son contraire trahit une opération technique
et tout humaine d'ajustement: la tunique du Christ était sans couture, comme les aéronefs de la
science-fiction sont d'un métal sans relais. La D.S. 19 ne prétend pas au pur nappé, quoique sa
forme générale soit très enveloppée; pourtant ce sont les emboîtements de ses plans qui intéres
sent le plus le public: on tâte furieusement la jonction des vitres, on passe la main dans les larges
rigoles de caoutchouc qui relient la fenêtre arrière à ses entours de nickel. Il y a dans la D.S.
l'amorce d'une nouvelle phénoménologie de l'ajustement, comme si l'on passait d'un monde
d'éléments soudés à un monde d'éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur
forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d'introduire à l'idée d'une nature plus faci
le.
4. Quant à la matière elle-même, il est sûr qu'elle soutient un goût de la légèreté, au sens magi
que. Il y a retour à un certain aérodynamisme, nouveau pourtant dans la mesure où il est moins
404 L'ALGEBRE DES SIGNES
massif, moins tranchant, plus étale que celui des premiers temps de cette mode. La vitesse s'ex
prime ici dans des signes moins agressifs, moins sportifs, comme si elle passait d'une forme hé
roïque à une forme classique. Cette spiritualisation se lit dans l'importance, le soin et la matière
des surfaces vitrées. La Déesse est visiblement exaltation de la vitre, et la tôle n'y est qu'une
base. Ici, les vitres ne sont pas fenêtres, ouvertures percées dans la coque obscure, elles sont
grands pans d'air et de vide, ayant le bombage étalé et la brillance des bulles de savon, la min
ceur dure d'une substance plus entomologique que minérale (l'insigne Citroën, l'insigne fléché,
est devenu d'ailleurs insigne ailé, comme si l'on passait maintenant d'un ordre de la propulsion
à un ordre du mouvement, d'un ordre du moteur à un ordre de l'organisme).
5. Il s'agit donc d'un art humanisé, et il se peut que la Déesse marque un changement dans la
mythologie automobile. Jusqu'à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la
puissance; elle devient ici à la fois plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complai
sances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus ménagère, mieux accordée à cette su
blimation de l'ustensilité que l'on retrouve dans nos arts ménagers contemporains: le tableau de
bord ressemble davantage à l'établi d'une cuisine moderne qu'à la centrale d'une usine: les min
ces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la
discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouve
ment, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement
d'une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite.
6. Il semble que le public ait admirablement deviné la nouveauté des thèmes qu'on lui propose:
d'abord sensible au néologisme (toute une campagne de presse le tenait en alerte depuis des an
nées), il s'efforce très vite de réintégrer une conduite d'adaptation et d'ustensilité ("Faut s'y ha
bituer"). Dans les halls d'exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense,
amoureuse: c'est la grand phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va
subir l'assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens,
au contraire de la vue, qui est le plus magique): les tôles, les joints sont touchés, les rembourra
ges palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés; devant le volant, on
mime la conduite avec tout le corps. L'objet est ici totalement prostitué, approprié: partie du
ciel de Metropolis, la Déesse est en un quart d'heure médiatisée, accomplissant dans cet exor
cisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise.
Texte n°3: Le texte ci-dessous est extrait d'une lettre de C S . Peirce à W. James datée du 14
Mars 1909. (8-314).
Par exemple, supposons que je me réveille le matin avant ma femme, et qu'ensuite elle se réveil
le et demande: "Quelle sorte de journée est-ce?". Ceci est un signe, dont l'Objet, comme expri
mé, est le temps à ce moment, mais dont l'Objet Dynamique est l'impression que j'ai probable
ment éprouvée en jetant un coup d'oeil entre les rideaux de la fenêtre. Dont l'Interprétant, com
me exprimé est la qualité du temps, mais dont l'Interprétant Dynamique est ma réponse à sa
question. Mais au delà de cela, il y a un troisième Interprétant. L'Interprétant Immédiat est ce
que la question exprime, tout ce qu'elle exprime immédiatement, que j'ai imparfaitement rendu
ci-dessus. L'Interprétant Dynamique est l'effet réel qu'elle a sur moi, son interprète. Mais sa si
gnification, l'Interprétant Ultime ou Final est son but en posant la question, quel effet ses répon
ses auront sur ses plans pour la suite de la journée. Je réplique, supposons: "C'est une journée
orageuse". Là, un autre signe. Son objet immédiat est la notion du temps présent pour autant
que ceci est commun à son esprit et au mien — non pas le caractère du temps mais son identité.
L'Objet Dynamique est l'identité des conditions météorologiques actuelles ou réelles du mo
ment.
ANNEXES 405
L'Interprétant Immédiat est le schéma dans son imagination, c'est-à-dire l'image vague de
ce qu'ont en commun les différentes images d'un jour orageux. L'interprétant Dynamique est le
désappointement ou l'effet actuel quel qu'il soit qu'il a eu de suite sur elle. L'interprétant Final
est la somme des leçons de la réponse, Morale, Scientifique, etc..
Références bibliographiques