Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
CHIMIE GÉNÉRALE
Chapitre 2
Les molécules sont formées par l’assemblage d’atomes. Nous allons proposer, dans ce chapitre, un
schéma très simple d’analyse des liaisons entre atomes, fondé sur le modèle de Lewis. Cette méthode
approchée sera complétée par un outil de prévision qualitative de la géométrie moléculaire, la méthode
de Gillespie dite VSEPR.
Hydrogène Hélium
Z=1 Z=2
1s1 1s2
Pour les trois premières lignes du tableau périodique, la règle est simple : les électrons de la dernière
couche sont des électrons de valence, ceux des couches inférieures sont des électrons de cœur. Pour les
lignes suivantes du tableau, dès qu’interviennent les électrons « d », et plus encore quand apparaissent les
électrons « f », les « règles » définissant les électrons de valence souffrent de nombreuses exceptions :
nous n’en parlerons pas.
On appelle schéma de Lewis d’un atome la notation signifiant la préexistence des électrons de valence de
cet atome en représentant par un point les électrons célibataires et par un trait chaque paire d’électrons
appariés. Ce schéma de Lewis équivaut à signifier la configuration électronique de l’atome en n’indiquant
que les électrons concernés par d’éventuelles liaisons chimiques. Le tableau de la page précédente
représente les schémas de Lewis des éléments des trois premières lignes.
Les gaz nobles font preuve d’une stabilité chimique remarquable et l’on constate expérimentalement que
les métaux alcalins (Li, Na, K, Rb, Cs) ont des énergies de première ionisation assez faibles tandis que les
halogènes (F, Cl, Br, I) ont, au contraire, des affinités électroniques particulièrement élevées.
Les cations issus des métaux alcalins ( Li + , Na + , K + , Rb + , Cs + ) et les anions halogénures, issus des
élément halogènes, ( F− , Cl− , Br − , I − ) sont donc particulièrement stables chimiquement. De façon plus
générale, dans les édifices chimiques que sont les molécules et les ions polyatomiques, les atomes
tendront à acquérir une configuration électronique de gaz noble en ns2 np6.
Si un atome peut engager plusieurs électrons dans une liaison multiple, se pose le problème de la
répartition des électrons entre les atomes : ces électrons vont-ils tous s’apparier ou certains resteront-ils
liés à l’atome ? En vue de résoudre le problème et de rationaliser les résultats expérimentaux, Lewis a
proposé la règle de l’octet, par analogie avec la structure des gaz nobles qui, sauf le xénon, n’entrent pas
dans les combinaisons chimiques.
Règle de l’octet
Pour un atome de la seconde ou de la troisième période du tableau périodique, la stabilité
maximale sera obtenue lorsqu’il sera entouré de quatre doublets d’électrons (un octet). En ce
qui concerne l’hydrogène, il s’entourera d’un doublet (deux électrons).
Mise en œuvre
Molécules neutres
Raisonnons sur l’exemple du méthane CH 4 . On décompte le nombre d’électrons de valence des atomes
constituant l’entité. Le nombre maximal de liaisons qui peuvent être établies par un atome est alors égal à
la différence entre huit et ce nombre d’électrons, dans l’hypothèse où l’atome ne cède pas d’électrons à
ses partenaires. Ici, l’atome de carbone possède quatre électrons de valence et pourra donc être engagé
dans quatre liaisons — il est qualifié de tétravalent. L’atome d’hydrogène sera engagé dans une seule
liaison, il est dit monovalent.
On établit alors la formule de Lewis de la molécule en indiquant par des tirets les doublets d’électrons
partagés entre les atomes, sur un squelette atomique arbitrairement plan — on ne se préoccupe pas ici de
la géométrie de l’entité. Dans le cas du méthane, nous obtenons la formule de Lewis ci-dessous :
H
H C H
H
Prenons maintenant l’exemple de l’ammoniac NH 3 . L’atome d’azote peut être engagé dans trois liaisons
(il dispose de cinq électrons de valence), il est dit trivalent. Les trois atomes d’hydrogène monovalents
seront donc reliés à l’atome d’azote chacun par une liaison. Nous constatons que les cinq électrons de
valence de l’atome d’azote ne sont pas tous engagés dans les liaisons. Il lui reste un doublet d’électrons,
qualifié de doublet non liant ou doublet libre, lui appartenant en propre. La formule de Lewis s’écrit
alors :
H
N H
H
Attention ! La formule de Lewis doit comprendre l’ensemble des doublets liants et des
doublets non liants de tous les atomes de la molécule.
Visiblement, l’atome de bore ne satisfait pas à la règle de l’octet. Il possède donc une lacune électronique,
que l’on représente, en général, par un petit carré. Le trifluorure de bore est alors un composé qui ne
devrait pas, selon Lewis, être stable. L’atome de bore cherchera, par conséquent, à compléter sa
configuration électronique pour acquérir un octet d’électrons. Il possède alors une réactivité qualifiée
d’électrophile et il est considéré comme un acide de Lewis, accepteur de doublet d’électrons.
Corrélativement, une espèce possédant un doublet non liant sera qualifiée de nucléophile ou base de
Lewis. Ainsi, BF3 peut capturer un ion fluorure F− pour former l’ion tétrafluoroborate BF4− ou réagir
avec l’ammoniac NH 3 (base de Lewis par le doublet non liant de l’atome d’azote) pour former un
« complexe acide-base au sens de Lewis » que nous noterons provisoirement H 3 N – BF3 .
Si nous effectuons maintenant le décompte du nombre d’électrons (attention, pas du nombre de doublets)
autour de chaque atome, nous obtenons :
— autour de l’atome d’azote, quatre « demi-doublets », soit quatre électrons. Il manque à N un
électron par rapport à la configuration électronique de l’atome isolé.
— autour de l’atome de bore, quatre « demi-doublets », soit aussi quatre électrons. B a « gagné » un
électron par rapport à sa configuration électronique atomique.
Nous dirons alors que l’atome d’azote possède une charge formelle positive et que l’atome de bore
possède une charge formelle négative. Ces charges sont indiquées sur la formule de Lewis finale :
H F
H N B F
H F
Attention ! Il ne faut pas confondre une charge formelle avec une lacune électronique.
De nombreuses structures font apparaître des charges formelles résultant du transfert d’électrons entre les
atomes.
Aussi, pour écrire la formule de Lewis de l’acide nitrique HNO3 , il est nécessaire de faire apparaître des
charges formelles sur l’atome d’azote et sur l’un des atomes d’oxygène, afin de rendre compte du
caractère divalent des deux autres atomes d’oxygène.
O
H O N O
Entités ioniques
Par rapport aux molécules neutres, les ions ont acquis ou perdu un ou plusieurs électrons. Il faut donc soit
les enlever, soit les ajouter à la structure complète. On obtient alors une formule de Lewis pour laquelle la
charge n’est pas localisée sur un atome, mais appartient à l’ensemble de l’entité. Pour construire la
formule de Lewis, on enlève ou on ajoute le ou les électrons, arbitrairement à l’un des atomes.
Remarque : en général, on ajoute les électrons excédentaires aux éléments les plus électronégatifs.
Corrélativement, on les enlève des éléments les moins électronégatifs, mais il n’est pas toujours opportun
de procéder ainsi.
Prenons l’exemple de l’ion nitrite NO −2 . L’enchaînement des atomes O–N–O doit être donné, pour qu’il
n’y ait pas d’ambiguïté sur le squelette de l’entité chimique. L’atome d’azote est a priori trivalent,
l’atome d’oxygène divalent. L’oxygène étant plus électronégatif que l’azote, c’est à l’un des atomes
d’oxygène que nous ajouterons l’électron excédentaire. Nous sommes donc conduits à la formule de
Lewis suivante, où l’un des atomes d’oxygène est relié à l’atome d’azote par une liaison double — il
satisfait ainsi à son caractère divalent — et où l’autre atome d’oxygène est lié à l’atome d’azote par une
liaison simple — l’atome d’azote voit son caractère trivalent satisfait. Ce dernier atome d’oxygène reçoit
l’électron excédentaire, afin que sa configuration électronique soit celle du néon. Il porte alors la charge
négative.
O N O
Dans le cas de l’ion ammonium NH +4 , nous obtenons une formule de Lewis dans laquelle c’est l’atome
d’azote qui porte la charge positive, car nous pouvons observer qu’il dispose de quatre « demi-doublets »,
soit quatre électrons, un de moins que l’atome libre.
H
H N H
H
Cette règle empirique ne s’applique pas de façon absolue aux éléments des périodes suivantes. En effet,
des entités comme PF5 ou SF6 , tout à fait stables, font nécessairement apparaître plus de quatre doublets
de liaison autour de l’atome central. Nous sommes en présence d’exceptions à la règle de l’octet.
2
O S O
L’usage historique est de minimiser le nombre de charges formelles dans une molécule si cela est
possible. On préférera donc écrire une formule de Lewis où ce nombre est le plus faible, ici deux, voire
zéro. Nous pourrons alors écrire au moins deux autres formules de Lewis, faisant apparaître un caractère
divalent à l’un ou aux deux atomes d’oxygène, et trivalent ou tétravalent à l’atome de soufre :
O S O O S O
Pour la première de ces formules, qui ne rend pas compte de la symétrie de la molécule SO 2 , le soufre
satisfait à la règle de l’octet. La seconde formule est symétrique, mais le soufre ne satisfait pas à la règle
de l’octet. Nous constatons, sur cet exemple, qu’il est possible, pour certaines molécules, de proposer
plusieurs formules de Lewis.
— Elle ne fait aucune différence entre les doublets constituant une liaison multiple. Or, l’expérience
montre que l’énergie de liaison d’une liaison double n’est pas le double de l’énergie de liaison d’une
liaison simple.
— La méthode de Lewis ne peut expliquer l’existence de molécules ou d’ions pour lesquels le nombre
total d’électrons est impair. En effet, la description de Lewis implique la formation de paires
d’électrons. En particulier, le monoxyde d’azote NO ne devrait pas être stable. De même, les radicaux
(entités qui possèdent un ou plusieurs électrons célibataires, non appariés) ne devraient pas exister.
— L’application de la méthode de Lewis à une molécule apparemment aussi simple que le dioxygène O 2
conduit à une formule incompatible avec les résultats expérimentaux concernant les propriétés
magnétiques de cette espèce. En effet, la formule de Lewis serait
O O
Or, les résultats expérimentaux indiquent que le dioxygène doit présenter deux électrons célibataires.
— Il est impossible de rendre compte, par une formule de Lewis, des nombreuses propriétés du
monoxyde de carbone CO.
Nous avons déjà, sur l’exemple du dioxyde de soufre, été confrontés à l’écriture de plusieurs formules de
Lewis. La méthode de Lewis ne propose pas de critère de choix. Disons simplement que certains
électrons participent à la cohésion de l’ensemble de l’édifice chimique sans être spécifiquement associés à
une paire d’atomes. La théorie quantique permet de rendre compte de cela en introduisant le concept
d’orbitale moléculaire : nous n’aborderons pas ce sujet dans le cadre de ce cours.
La théorie quantique des orbitales moléculaires permet une bien meilleure interprétation des liaisons
multiples en introduisant les concepts de liaison axiale (dite liaison σ ) et de liaison latérale (dite
liaison π ). Il faut reconnaître toutefois que la notation de Lewis est une première approche relativement
satisfaisante.
Citons enfin le cas de la molécule cyclique de benzène, de formule brute C6 H 6 , dont la formule de Lewis,
dite formule de Kekulé, n’est pas satisfaisante car elle ne permet en aucun cas de rendre compte des
symétries de la molécule, de sa stabilité toute particulière et de sa réactivité chimique. Il faut admettre que
six électrons sont délocalisés sur l’ensemble de la molécule et constitue un cycle aromatique,
indescriptible dans le cadre de la théorie de Lewis. Le cycle aromatique est symbolisé par un cercle.
H H
H C H H C H
C C C C
C C C C
H C H H C H
H H
Formule de Kékulé Cycle aromatique
Principe
En 1957, Ronald James Gillespie a proposé une méthode élémentaire de prévision de la géométrie des
molécules simples, fondée sur l’utilisation des formules de Lewis. Cette méthode porte le nom de VSEPR
— Valence shell electron pair repulsion ou répulsion des paires électroniques de valence.
L’idée de base est extrêmement simple : les doublets de liaison (simple ou multiple) vont s’organiser
autour de l’atome central de façon à minimiser les interactions répulsives. Ils vont donc se distribuer en
s’éloignant le plus possible les uns des autres, compte tenu de leur nombre.
On recense autour de l’atome central (noté A) le nombre q de doublets libres (notés E) et le nombre p de
directions de liaisons (notées X), sachant qu’une liaison multiple entre deux atomes compte pour une
direction unique. On symbolise alors l’entité sous la forme AX p E q .
Le tableau suivant représente les structures moléculaires les plus fréquentes, issues de l’application des
règles proposées par Gillespie, pour les environnements ayant les plus grandes symétries. Si les groupes
liés à l’atome central sont de natures différentes, ou en cas de présence de doublets libres, les
environnements électroniques sont déformés par rapport aux structures symétriques.
Les structures géométriques les plus répandues sont rassemblées dans le tableau.
2 digonal X A X X A
3 Trigonal, plan X X
A X A X A
angle entre directions : 120°
X X
4 Tétragonal X
A A A
X X X
L’angle entre les directions a pour X X
1 X X X
valeur acos − ≈ 109,5°
3 tétraèdre
pyramide molécule
à base triangle plane
6 octaédrique X
X X X
X A X X A X X A X
angle entre directions : 90° X X X
X X
Le cas de l’environnement bipyramidal a été volontairement omis, car les directions ne sont pas toutes
équivalentes. Il n’y a évidemment aucune difficulté quand il s’agit d’un système AX5 , puisque les cinq
substituants sont équivalents, comme dans PF5 . Le problème est plus compliqué, et nous ne l’étudierons
pas ici, dès que les cinq substituants de l’atome central sont différents, comme dans PF3Cl2 ou dans SF4
qui est un système du type AX 4 E .
Nous pouvons aussi constater que, dans des systèmes de type AX 3 E pour lesquels la géométrie
sont diminués par rapport à la
moléculaire est de type pyramidal à base triangulaire, les angles XAX
valeur de 109,5°. En effet, le doublet non liant occupe plus de place autour de l’atome central qu’un
dans la molécule d’eau H O , molécule de type AX E , est
doublet de liaison AX. Ainsi, l’angle HOH 2 2 2
de l’ordre de 104°.
Attention ! Ce n’est pas le nombre d’atomes liés (soit p) qui détermine la géométrie du
système, mais le nombre p + q , somme du nombre p d’atomes et du nombre q de doublets non
liants entourant l’atome central.