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A 14519
ISSN 0246-2346

Mondes en mouvement dans

numéro 153 La nouvelle Asie


Jean-Luc Domenach, Diana Hochraich, Christophe Jaffrelot, Clive Lindley, Philippe Pons,
Pierre-François Souyri, Léon Vandermeersch

numéro 163 Afrique : au-delà du pessimisme


Hervé Deguine, Achille Mbembe, Olivier Ray, Jean-Christophe Rufin,
Jean-Michel Severino, Stephen Smith, Hubert Védrine, Lionel Zinsou

numéro 164 Sunil Khilnani : L’Inde dans le Grand Jeu des puissances
Henry Laurens : Métropoles et empires coloniaux

numéro 166 Printemps arabe : un entretien avec Moulay Hicham. Propos recueillis par Stephen Smith

numéro 167 Bryan Gould : Le défi chinois


Autour de L’ Identité malheureuse d ’Alain Finkielkraut
Perry Anderson : Le Brésil de Lula Alain Finkielkraut, Pierre Nora, Pierre Souchet, Paul Thibaud
Dina Khapaeva : La Russie poutinienne : morphologie d'un cauchemar
Zaki Laïdi : Les brics : un cartel d’ambitions souverainistes

mars-avril 2014
Autour de Assimilation. La fin du modèle français
numéro 168

Spécificités allemandes, perplexités françaises : Hakim El Karoui,
Étienne François, Jacqueline Hénard, Jean-Michel Quatrepoint, Gilbert Merlio
de Michèle Tribalat
Où en sont les révolutions arabes ? : Nora Benkorich, Mathieu Guidère,
Philippe d’Iribarne, Malika Sorel-Sutter, Michèle Tribalat, Thierry Tuot
Gilles Kepel, Ali Mezghani, Thomas Pierret

numéro 169 Où en sont les révolutions arabes ? (suite) : Nora Benkorich, Hakim El Karoui,
Autour de Le Déclin de David Engels
Henry Laurens, Gilles Kepel Élie Barnavi, David Engels, Luuk van Middelaar, Krzysztof Pomian, Aldo Schiavone

numéro 179
numéro 171 Gilles Kepel : Journal de Libye
François Jullien : « Rester zen », ou d’une France qui n’affronte plus
numéro 173 Surgit Mansingh : L’Inde décolle


Ramachandra Guha : Les trois piliers de la démocratie indienne
Thi Minh-Hoang Ngo : De la liberté en Chine
Mondes en mouvement :
Guilhem Fabre, Stéphane Grumbach : Chine : le « vrai Grand Bond en avant » Allemagne, Chine, Amérique, Mali
Ran Halévi : La démocratie israélienne et la guerre Jean-Pierre Cabestan, Didier Combeau, Tony Corn, Peter Crisell,
Mathieu Bock-Côté : Québec : l’étrange défaite des souverainistes
Valérie Bros, Ziad Khoury : L’Europe, vues de l’intérieur
Olivier Lafourcade, Serge Michailof, Thi Minh-Hoang Ngo, Mahnaz Shirali

numéro 178 Sur le grand marché transatlantique : Xavier Bertrand, Jean-Pierre Chevènement, numéro 179 mars-avril 2014
Jean-Luc Gréau, Jean-Michel Quatrepoint, Hubert Védrine

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mars-avril 2014 numéro 179
Directeur: Pierre Nora

AUTOUR DE L’IDENTITÉ MALHEUREUSE D’ALAIN FINKIELKRAUT

   4 Pierre Nora: Malheureuse, oui, mais pourquoi?


   7 Pierre Souchet: Un survivant désabusé des Lumières, pour le meilleur et pour
le pire.
  14 Paul Thibaud: Un observateur mélancolique.
  22 Alain Finkielkraut: Comme un enfant déchire une rose.

AUTOUR DE ASSIMILATION. LA FIN DU MODÈLE FRANÇAIS DE MICHÈLE


TRIBALAT

  27 Philippe d’Iribarne: L’intégration, entre corps politique et corps social.


  32 Malika Sorel-Sutter: Penser l’assimilation dans sa globalité.
  39 Thierry Tuot: Occasion perdue, espérance maintenue.
  46 Michèle Tribalat: Chercheur en terrain miné.

AUTOUR DE LE DÉCLIN DE DAVID ENGELS

  53 Élie Barnavi: De Herman Auguste à César Van Rompuy.


  57 Luuk van Middelaar: Quelle Europe?
  68 Krzysztof Pomian: Empire ou démocratie?
  74 Aldo Schiavone: Les limites de l’analogie historique.
  81 David Engels: Pro domo sua. Ou quand la vache sacrée s’émeuhh.

  92 François Jullien: «Rester zen», ou d’une France qui n’affronte plus.

MONDES EN MOUVEMENT (SUITE)

102 Tony Corn: Pax germanica. La République de Berlin entre Kant et le Kaiser.
116 Jean-Pierre Cabestan: Jusqu’où ira la Chine dans son affirmation de puis­sance?
129 Thi Minh-Hoang Ngo: Tocqueville en Chine. La Chine d’aujourd’hui et
la France révolutionnaire.
139 Peter Crisell: L’éveil de l’Amérique du Sud. Et le rejet du néo-libéralisme
américain.
157 Mahnaz Shirali: Le mystère du khomeynisme.
173 Didier Combeau: 27 mots, 27 morts. Des Pères fondateurs aux parents éplorés
de Newtown.
180 Olivier Lafourcade, Serge Michailof: Stabiliser le Mali. Une aide bien gérée est
indispensable.

LE DÉBAT DU DÉBAT

190 Pierre Méheust: Enseigner l’histoire en prison.

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et par auteurs. Les articles peuvent faire l’objet d’une
recherche plein texte. Ils peuvent être achetés à l’unité. Les
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Rédaction: Marcel Gauchet

Conseiller: Krzysztof Pomian

Réalisation, Secrétariat: Marie-Christine Régnier


P.A.O.: Rosa Beaumont Composition, Awans (Belgique)

Éditions Gallimard: 5, rue Gaston-Gallimard, 75328 Paris Cedex 07. Téléphone: 01 49 54 42 00

La revue n’est pas responsable des manuscrits qui lui sont adressés.
Les manuscrits non publiés ne sont pas rendus.

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Le malaise français, l’inquiétude devant

l’immigration, l’enlisement européen: trois

questions parmi les plus vives de ce prin-

Autour de temps électoral. Trois questions qui sont au

centre de trois livres récents auxquels on


L’Identité ne  peut refuser de mettre le doigt sur des

malheureuse points sensibles de la conscience publique

et qu’il nous a paru pour cette raison inté-


d’Alain ressant de mettre en discussion ensemble.

Les problèmes de la France d’aujourd’hui


Finkielkraut sont nombreux, leur liste est bien connue,

mais le plus crucial, au final, même s’il est

diffus, est celui de l’identité, celui de l’idée

que les Français se font de la France, ou ne

parviennent plus à s’en faire. Tel est, au fond,

le diagnostic formulé par Alain Finkielkraut

dans L’Identité malheureuse (Stock, 2013).

Mais quel est, au juste, le contenu de

cette  identité aujourd’hui ressentie comme

brouillée par une majorité de Français? Quels

sont les facteurs qui ont contribué à l’ébran-

ler? De quoi le sentiment du malheur fran-

çais est-il fait? Pierre Nora, Pierre Souchet

et Paul Thibaud discutent les réponses

­apportées à ces interrogations par Alain

­Finkielkraut, qui précise son point de vue en

guise de conclusion.

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Pierre Nora

Malheureuse, oui, mais pourquoi?

Devant L’Identité malheureuse, on se sent est, en pédagogue de vocation, particulièrement


partagé entre un accord global sur le constat – la sensible au délitement de l’école, à l’indifférence
désintégration de l’ensemble national, histo- des jeunes à la pratique de la lecture et à l’héri-
rique et social, et, pour aller encore plus loin, tage vivifiant des œuvres de l’esprit. Comment
sur le naufrage d’une culture et d’une civilisa- l’écrivain, en lui, ne serait-il pas atteint par
tion dans lesquelles l’auteur et moi avons grandi l’anémie de la langue? Nul n’est plus blessé que
– et un désaccord de fond sur les causes de cet homme de haute culture, nourri de ceux qui
cette décomposition générale. Alain Finkielkraut l’ont précédé, pétri du sentiment de la dette et
tend, en effet, à en faire porter la responsabilité de la nécessité de la transmission, par la montée
principale sur l’immigration et à réduire le phé- des incivilités et l’irrespect du respect. Finkiel­
nomène à la confrontation avec l’Islam. À mon kraut met à cette charge contre les dégâts de
sens, le mal essentiel n’est pas là, il vient de plus la  démocratie contemporaine une verve, une
loin. langue, un style qui rendraient son pessimisme
Finkielkraut peint ce malheur avec son habi- convaincant, et presque réjouissant. On songe à
tuel bonheur d’expression. Tout y passe, à com- la phrase de Valéry sur Pascal, que je cite de
mencer par la mise en question de la laïcité, mémoire: «Une détresse qui s’écrit si bien n’est
entrée dans sa vie personnelle avec l’affaire des pas si achevée qu’elle n’ait sauvé du naufrage
foulards dans un collège de Creil, en 1989. quelque raison d’espérer.»
C’est là que lui qui, vingt ans plus tôt, voulait Son livre a un mérite supplémentaire, celui
comme toute sa génération changer le monde de s’aventurer avec grâce sur des terrains minés:
prend conscience que le monde a changé sans l’identité française menacée, les effets ravageurs
lui et pas dans le bon sens. Depuis toujours, il de la diversité, les naïvetés d’un multicultura-

Pierre Nora est directeur du Débat. Il vient de publier


Recherches de la France (Gallimard, 2013).

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Pierre Nora
Malheureuse, oui,
mais pourquoi?

lisme apparemment innocent, les dégâts de déjà cinquante ans, qu’il faut une certaine homo­
­l’immigration, tous thèmes privilégiés du Front généité à une population pour vivre. Mais toute
national dont la gauche, par sa politique de déni l’histoire de la France peut s’écrire comme un
et sa volonté d’aveuglement, contribue à faire le effort permanent pour faire de l’Un avec du
jeu. C’est audacieux, c’est salutaire. Mais n’y multiple, du divers, du contradictoire et même
a-t‑il pas du systématisme réducteur et même de l’incompatible.
dangereux à opposer aussi uniment les Français La crise de l’identité française est contempo-
de souche, blancs et autochtones, porteurs de raine de l’arrivée massive des Arabes d’Afrique
valeurs traditionnelles, à une population récente du Nord d’abord, des Noirs de l’Afrique sub-
qui voudrait imposer ses manières de voir, de saharienne dans un second temps, mais elle
vivre et de penser? C’est le piège à précisément n’est pas réductible à cette arrivée. Ses causes
éviter, sous peine de tordre une réalité infiniment sont multiples. Je les ai souvent analysées, plu­
plus complexe et nuancée et de s’exposer à une tôt, d’ailleurs, en termes de mutation. Cette crise
récupération politique dont l’auteur se défend est le point d’aboutissement de toutes les défaites
bec et ongles; l’objet même du livre consiste à depuis 1815, 1870, 1940, en passant par les
s’en démarquer. fausses victoires de 1918 et de 1945. Elle est le
On est tenté de s’interroger, du reste, sur ces fruit d’une mutation du modèle national lui-même
«valeurs traditionnelles», constamment invo- qui se cristallise dans les années 1970-1990, le
quées. En quoi consistent-elles, en définitive? passage d’une nation souveraine, chré­tienne,
La francité est sans doute évidente, mais elle est étatiste, centralisatrice et universaliste à un type
aussi introuvable. J’en sais quelque chose pour de nation tout différent, lancée «par le haut»
l’avoir cherchée toute ma vie. «Le génie qui nous dans une insertion incertaine de son cadre euro-
est propre» n’est pas facile à saisir en dehors péen et tiraillée «par le bas» par la  poussée
d’une approche historique; l’inventaire de notre décentralisatrice. Transformée de l’intérieur par
«héritage» n’est pas fermé; la définition de «ce la disparition de son assise paysanne ou ouvrière.
qui nous fonde» n’est pas claire, ni l’existence Défiée dans sa familiarité avec la haute culture
de «cet être qui voudrait persévérer dans son par l’invasion d’une culture de masse. Réduite au
être»; ni «ce monde commun» qui éclaterait rang de puissance moyenne et comme expulsée
sous le sceau de l’ethnicité, pour reprendre des de la grande histoire. Une nation que tout tend
formules qui parsèment l’ouvrage et lui servent à particulièrement bousculer, de la mondialisa-
de référentiel. L’opposition de cette «identité tra­­ tion à l’avènement de l’individu, parce qu’elle
ditionnelle» et d’une menace unitaire de l’autre, était le plus vieux des États-nations et que l’indi-
de «l’Autre», qui pèserait sur elle pour la dis- vidu ne s’y exprimait que dans un ensemble,
soudre, est illusoire, comme tout raisonnement dans sa permanence et sa continuité.
qui implique une équivalence entre les valeurs Dans le tableau, l’immigration a joué un rôle
culturelles et l’origine ethnique. Il n’y a pas de révélateur, d’accélérateur, d’amplificateur et
­d’invariance originaire, d’ordre biologique, spi- de bouc émissaire. Que l’immigration soit l’un
rituel ou historique à ce qui s’appelle et qu’on des plus graves problèmes et que la France ait
appelle aujourd’hui la France. C’est une évi- des difficultés spécifiques à l’aborder de front et
dence, comme le soutenait Lévi-Strauss il y a à le résoudre, c’est certain; encore que les résul-

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Pierre Nora
Malheureuse, oui,
mais pourquoi?

tats globaux prouveraient qu’elle ne s’y prend pas sur les valeurs de la culture et de la spiritualité,
aussi mal qu’on le dit. Mais la mixité n’est pas la tout cela qui constitue les vrais maux de notre
cause de tous nos maux. La perte du surmoi lit- réalité n’a pas grand-chose à voir avec les change-
téraire d’une nation essentiellement littéraire, le ments démographiques, le mélange et la promis-
naufrage des humanités, la dissolution de la cuité des populations. L’étranger n’est pas le
langue, l’hégémonie de l’écran sur l’écrit, l’ap- débarqué de fraîche date, il est en nous. C’est
pauvrissement du sentiment collectif, l’efface- nous par rapport à nous. L’identité française
ment de la continuité historique et l’avènement serait aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul
d’une conscience purement générationnelle, la immigré. Elle le serait même peut-être davantage
dictature du présent, tous ces phénomènes, comme parce qu’elle ne serait en face que d’elle-même.
l’extension des incivilités ou la domination des
valeurs purement économiques et individualistes Pierre Nora.

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