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Georges Vajda
In: Revue de l'histoire des religions, tome 147 n° 1, 1955. pp. 62-92.
V. — Le Sabbataïsme.
XI. — Le Hassîdisme.
Signalons seulement pour mémoire la traduction française qui n'est pas des
plus réussies, de l'ouvrage fondamental de M. G. Scholem4, ainsi que celle du
1Voir RHR, 134, 1947/8, pp. 120-167 (cet exposé est supposé connu ici) et REJ, 105, pp. 134-
137 ; 107, pp. 163-208 et ultérieurement, 108, pp. 98-100, 128-129; 110, pp. 129-131.
2 Si nous employons dans le présent article le terme assez vague et imprécis d'ésotérisme,
c'est parce qu'il nous permettra d'inclure l'occultisme, la démonologie et le mysticisme antérieur
à la Kabbale classique, en même temps que d'écarter les autres formes de mysticisme plus ou
moins philosophique (Bahya, etc.).
3 Dans quelques cas nous signalerons des publications qui ne nous étaient pas connues lors de
la rédaction de notre précédent article. — Pour simplifier, nous donnerons les titres hébraïques
en traduction seulement (entre guillemets), les références permettant aux lecteurs familiers
avec l'hébreu moderne de se reporter aux originaux.
4Les grands courants de la mystique juive, trad. M.-M. Davy, Paris, Payot, 1950. Cette version
possède cependant un avantage sur l'original en ce qu'elle donne la traduction des citations
hébraïques et araméennes qui figurent dans les notes.
livre aujourd'hui dépassé d'E. Muller5. Il faut cependant relever les pages
pénétrantes que l'œuvre de Scholem a fourni l'occasion d'écrire à M. Louis
Gardet6.
Les analyses doctrinales développées dans cet ouvrage ont été reprises par la
suite dans l'une des brillantes conférences données par M. Scholem aux
réunions d'Eranos. Ces conférences8, prononcées et publiées en allemand,
s'adressent par-delà leur auditoire immédiat d'historiens des religions, de
philosophes et de psychologues non spécialistes d'études juives, au lecteur
occidental cultivé auquel font habituellement défaut, en même temps que la
connaissance de l'hébreu, cette familiarité avec la littérature juive et l'idéologie
rabbinique que supposent chez leurs lecteurs les travaux plus tech-[64]niques
et plus ardus de l'auteur composés en hébreu moderne.
Certes, au sein même de la Kabbale nous assistons au *conflit des deux modes
d'expression*constamment opposés de l'expérience religieuse, *imagerie
symbolique et transposition conceptuelle*, le second conduisant toujours à un
échec (nous reviendrons sur ce point). Ou si l'on veut, nous nous retrouvons
sans cesse devant la tension perpétuellement renouvelée entre le platonisme et
la gnose. A celle-ci, la Kabbale est sûrement reliée historiquement, ne serait-ce
que par des fils ténus, dérivation qui n'exclut pas du reste le développement
parallèle ou la convergence d'ordre psychologique et structural. Loin de se
poser comme une alternative, filiation historique et développement interne se
conjoignent. Bien mieux, dans le cas d'idéologies aussi profondément
gnostiques que les spéculations respectives du Zôhar et ďIsaac Louria, il n'est
ni théoriquement nécessaire ni historiquement vraisemblable de faire entrer en
ligne de compte des facteurs externes. Ainsi se fait-il que la symbolique de la
gnose extirpée du judaïsme par les rabbins du IIe siècle chrétien peut
apparaître maintenant à des mystiques parfaitement orthodoxes comme le
moyen d'expression le plus adéquat du mystère central de leur foi.
9 Peut-être eût-il été possible de souligner que, sur ce point, la Kabbale est très proche de
l'ancienne pensée rabbinique.
dans *la dixième, purement réceptive, étrangement ambivalente puisque
accueillant le mal comme le bien*.
Nous savons déjà combien fécondes auront été pour la Kabbale ces
méditations sur la Sekïna inférieure (nous y reviendrons longuement dans ce
qui suit) et ses rapports avec les entités supérieures réglés dans une large
mesure par les réactions que provoque dans le monde divin la conduite de
l'homme, et singulièrement du Juif, dans sa condition historique d'exilé. Le
thème de l'exil à la fois préfiguré et répercuté dans la vie divine commande,
nous l'avons également vu, toute la Kabbale de Louria avec ses
prolongements.
10Cela n'empêche pas le judaïsme talmudique d'avoir sa magie, pratiques et formules. Mais la
contamination de la liturgie est soigneusement évitée.
2° II provoque la *hiérogamie*11 séfirotique;
4° *II constitue une protection et une arme contre les forces du mal (de «l'autre
côté»).*
En outre, le rite sacralise les actes les plus profanes, comme l'alimentation et la
vie sexuelle.
Nous avons déjà eu l'occasion de dire quelques mots de la Sekïna selon les
Kabbalistes (article précédent, p. 132 sq., 149). Le récent exposé de M.
Scholem déploie le vaste ensemble de problèmes soulevés par ce concept de
la «*Présence*», si important, à travers ses métamorphoses, dans la pensée
religieuse du judaïsme.
*La Sagesse biblique est créature ; elle n'est pas un aspect de la divinité,
encore moins son épouse.*Il faut attendre Philon pour rencontrer la Sagesse,
épouse ou fille de Dieu, tout en ayant des caractères masculins.
11 Le dieu d’Israël est un dieu mâle puisqu’il est pensé comme père, il n’a pas de déesse ni
d’attributs sexuels. Les « mariages » des fidèles avec leur dieu se fait soit par abstinence-
chasteté, soit par accouplement mystique aussi appelé noces de l’âme.
12 Quelques-unes de ces liturgies, dans lesquelles interviennent fréquemment des croyances
populaires, ont été étudiées par M. J. D. Kurt Wilhelm dans un article publié dans Alei Ayin,
recueil hébraïque dédié au mécène et éditeur S. Schocken pour son 70e anniversaire,
Jérusalem, 1948-1952, pp. 125-146.
De même, Sion est personnifiée par les prophètes en tant que mère d'Israël,
sans être pour autant une force en Dieu. Pour les rabbins du Talmud, *les
rapports de la « Communauté d'Israël » avec Dieu s'expriment par les
symboles* de père, de mère et de conjoints. Cependant, aucun texte
talmudique ne la considère comme une entité intra-divine. Au mieux n'y a-t-il là
qu'un fonds de symboles, ou plutôt d'images, qui se prêteront facilement à
servir de matière aux spéculations des théosophes.
Dès les premiers documents de la Kabbale, une distinction nette s'établit entre
les deux aspects de la Déité : aspect non-manifesté, immuable, au sens des
philosophes, et aspect manifesté, mouvant, dynamique.