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30
ISBN 978-90-5201-847-8
Directeur de collection
Marc Maufort, Université Libre de Bruxelles
Comité scientifique
Christopher Balme, University of Munich
Franca Bellarsi, Université Libre de Bruxelles
Judith E. Barlow, State University of New York-Albany
Johan Callens, Vrije Universiteit Brussel
Jean Chothia, Cambridge University
Harry J. Elam, Stanford University
Albert-Reiner Glaap, University of Düsseldorf
André Helbo, Université Libre de Bruxelles
Ric Knowles, University of Guelph
Alain Piette, École d’inter prètes internationaux-Mons
John Stokes, King’s College, University of London
Joanne Tompkins, University of Queensland-Brisbane
Assistante éditoriale
Caroline D E W AGTER, Université Libre de Bruxelles
Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK (dir.)
Dramaturgies
n° 30
À X. P.
ISSN 1376-3199
ISBN 978-90-5201-847-8 (paperback)
ISBN 9783035262179 (eBook)
D/2012/5678/64
Imprimé en Allemagne
Remerciements.....................................................................................11
Introduction. Orient et Occident :
des théâtralités (vraiment) différentes ? ............................................13
Ève Feuillebois-Pierunek
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais.
La scène actuelle dans son exceptionnelle diversité ..........................49
Jean-Jacques Tschudin
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui.
Quelques points de repère...................................................................71
Cathy Rapin
Le fantôme d’une belle. Le théâtre chanté
chinois (xiqu 戲曲) au tournant du millénaire ...................................91
Vincent Durand-Dastès
Le théâtre vietnamien. Une rencontre avec
l’Occident dans la première moitié du XXe siècle ............................121
Corinne Contini-Flicker et Nguyen Phuong Ngoc
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal.
Une introduction au théâtre néwar ..................................................141
Gérard Toffin
L’Inde et l’impératif théâtral ...........................................................165
Lyne Bansat-Boudon
Le Kathakaḷi. Entre tradition et modernité ....................................193
Eva Szily
Le métathéâtre dans l’Inde classique.
L’exemple de Rāma l’inestimable de Murāri (Xe siècle) ................215
Judit Törzsök
Le théâtre hindi aujourd’hui.
Scénographie des cultures et du langage .........................................233
Annie Montaut
Théâtres de Perse et d’Iran.
Formes originelles et importation occidentale ................................259
Ève Feuillebois-Pierunek
Le théâtre iranien contemporain.
L’émergence d’un espace entre discours et performance ..............281
Liliane Anjo
La renaissance du théâtre afghan ....................................................307
Guilda Chahverdi
Le théâtre ouïgour, hier et aujourd’hui...........................................321
Mukaddas Mijit et Salime Kamal
Théâtre d’Asie centrale.
Traditions et dissidences ...................................................................327
Simon Tordjman
Les écritures théâtrales du Caucase.................................................341
Virginie Symaniec
Panorama du théâtre turc.................................................................361
Ève Feuillebois-Pierunek
Karagöz. Le théâtre d’ombres traditionnel turc.............................381
Gaye Petek
Le théâtre dans le monde arabe .......................................................393
Ève Feuillebois-Pierunek
Chronique d’un jeu annoncé. Le dédoublement
des paramètres énonciatifs dans la pièce Le roi est le roi
du dramaturge syrien Sa‘dallâh Wannûs........................................431
Batoul Jalabi-Wellnitz
Tayeb Saddiki.
Une figure emblématique du théâtre marocain ..............................441
Jean-François Clément
Le théâtre israélien ............................................................................455
Lily Perlemuter
Talmud et théâtre. Genèse d’une réflexion
métaphysique et sociologique sur le théâtre juif .............................469
Sonia Sarah Lipsyc
Goldfaden et Gordin. Les débuts du théâtre yiddish .....................487
Alexandre Messer
Index des noms propres ....................................................................503
Index des œuvres et des spectacles ...................................................531
Index-lexique des notions et termes techniques ..............................557
Notices biographiques .......................................................................579
Remerciements
Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK
cette optique, le théâtre est une perte de temps, une occupation futile, à
moins qu’il ne soit un moyen de retrouver la Révélation : la première
pièce juive, l’Exagoge d’Ezéchiel d’Alexandrie, est composée au IIe siècle
avant J.-C. pour initier des juifs hellénisés à l’histoire de Moïse et de la
Sortie d’Égypte. Les Pourimspiel, le théâtre hébraïque de la Renaissance
et le théâtre familial et communautaire des Ashkenazes en yiddish
constituent un courant de critique des excès du monde religieux. Enfin
certains auteurs plus modernes ont vu dans le théâtre une façon de se
substituer aux promesses de l’Alliance et d’actualiser l’attente mes-
sianique (Lipsyc).
Le christianisme ne s’est guère montré ouvert au théâtre antique à ses
débuts, pour les mêmes raisons que le judaïsme : origine païenne et
idolâtre du théâtre, immoralité du spectacle présenté, futilité de cette
occupation. Les pères de l’Église qui condamnent le théâtre reprennent
dans les grandes lignes l’argumentaire de Platon. C’est à la fois en
métaphysicien et en moraliste que Platon s’était élevé contre le théâtre :
cet art est pernicieux, car il maintient l’homme dans l’univers sensible et
ne lui propose que des modèles d’immoralité. Nocif, il réveille des
passions et des sentiments désordonnés contre lesquels, dans la vraie
vie, l’homme essaie de se défendre. Pour Tertullien (155-225), le théâtre
est une invention du diable qui favorise l’idolâtrie. Dédié à Vénus et à
Bacchus, il incite au libertinage et à l’ivrognerie. Il réactive dans le
spectateur les mauvais penchants habituellement réfrénés. Saint
Augustin y voit, au Livre III des Confessions, un plaisir malsain, teinté
de masochisme, une complaisance secrète de l’âme à se maintenir dans
le vice (Hubert, 1998 : 18-23). L’Église combat donc logiquement le
théâtre, qui disparaît au IVe siècle.
Condamné par le clergé avant de naître dans le sanctuaire, puis
condamné de nouveau par les catholiques et les protestants, le théâtre
entretient tout au long du Moyen Âge des rapports ambigus et conflic-
tuels avec l’Église. Il réapparaît à partir du IXe siècle comme outil
didactique et instrument d’édification du peuple, à travers les drames
liturgiques, les miracles et les mystères. Mais peu à peu, le spectacle
prend le pas sur l’histoire sainte : on introduit des intermèdes comiques
et on enrichit le canevas d’anecdotes amusantes. Le problème de la
représentation du sacré ne se pose pas dans les mêmes termes que pour
le judaïsme puisque l’Incarnation légitime en quelque sorte la représen-
tation de Dieu. Cependant, en choisissant de privilégier la dimension
visuelle et esthétique du théâtre religieux, en prenant leurs aises à
l’égard du dogme et en délaissant le latin, les dramaturges médiévaux
s’aliènent le clergé et apparaissent comme des corrupteurs d’âmes
(Bertrand, 1996 : 77-83). À la Renaissance, le théâtre réagit à la redé-
couverte de l’Antiquité en même temps qu’il se désacralise. L’Église
32 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
le Bread and Puppet, qui ont tous (re)visité l’Orient et suscité l’intérêt
des dramaturges orientaux.
On remarque par ailleurs que les professionnels et les publics orien-
taux apprécient tout particulièrement les relectures de leurs propres
traditions théâtrales par l’Occident, à l’exemple des créations du théâtre
du Soleil ou de Peter Brook, et qu’ils s’en servent pour s’approprier à
leur tour le théâtre occidental.
Au Japon, dans les années 1960 et 1970, la recherche esthétique
émane d’un mouvement contestataire, celui des shôgekijô (« théâtres de
poche »), dit aussi angura (« underground ») : Kara Jûrô, Satô Makoto
et Terayama Shûji montent leurs propres textes, déjantés, sulfureux, aux
intrigues éclatées, dans des mises en scène misant sur le grotesque,
l’absurde, et reposant sur l’histrionisme de leurs comédiens. Puis de
nouvelles générations de « théâtres de poche » se succèdent, explorant
parfois des voies sobres, voire minimalistes, radicalement opposées à
celles des débuts, mais néanmoins toujours à l’écart du shingeki établi,
avec des personnalités comme Ôta Shôgô et, plus récemment, Hirata
Oriza (Tschudin).
En Corée, les années 1990 s’ouvrent sur la recherche d’un théâtre
total, voire multiculturel : après les expériences tournées vers le non
verbal des arts anciens du spectacle et les découvertes d’un théâtre
occidental effectuant le même parcours, les deux tendances se conju-
guent pour conduire à des créations collectives et des adaptations ou
montages divers. Le jeu corporel est accentué tandis que naissent les
« performances non verbales » (Rapin).
Cependant, dans le territoire qui nous intéresse, la recherche esthé-
tique intervient fréquemment lorsque la censure compromet la liberté
d’expression. Les auteurs se réfugient alors dans le théâtre d’expé-
rimentation. Sous les Pahlavis, les auteurs iraniens se réfugient dans le
symbolisme énigmatique ou le théâtre de l’absurde. Après la Révolution
islamique, les metteurs en scène explorent les possibilités de commu-
nication non verbale et les modes de représentation non descriptive, et
constituent peu à peu un langage scénique inédit, fait de couleurs, de
mouvements et d’accessoires, qui est propre à leur théâtre et s’inspire
souvent de la ta‘ziye (Anjo). En Turquie, lorsque le coup d’État militaire
de 1980 bride étroitement la vie intellectuelle et artistique, le théâtre turc
se renouvelle grâce aux recherches d’« avant-garde » ou de « labo-
ratoire ».
Une caractéristique importante de la recherche esthétique en Orient
est l’attention portée au patrimoine et le métissage entre formes tradi-
tionnelles et modernes. En Iran, ‘Ali Nasiriyân construit son travail
autour des légendes et contes folkloriques en modernisant la farce
traditionnelle, tandis que Bizhan Mofid retravaille des contes en épopées
Introduction 45
Bibliographie
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Pérennité et renouvellement
du théâtre japonais
La scène actuelle dans
son exceptionnelle diversité1
Jean-Jacques TSCHUDIN
Introduction
L’amateur de théâtre séjournant au Japon, avant tout à Tôkyô, ne
peut manquer d’être frappé par la diversité des programmes proposés.
Des genres classiques remontant au Moyen Âge, voire au VIIe siècle si
l’on y inclut le gagaku2, côtoient le théâtre moderne décliné sous toutes
ses formes, de l’orthodoxie stanislavskienne à la dramaturgie brech-
tienne, de l’avant-garde la plus provocante et débridée au minimalisme
le plus austère, de la revue musicale au théâtre expérimental, sans
compter d’étranges combinaisons intégrant éléments traditionnels et mo-
dernité contemporaine.
Situation remarquable, probablement unique, car cette diversité ne
concerne pas simplement le répertoire mis en scène, mais bel et bien les
genres mêmes dont ces livrets relèvent à l’origine. On peut certes au
cours d’une saison parisienne ou londonienne feuilleter toute l’histoire
du théâtre occidental, des tragiques grecs aux auteurs contemporains,
mais, mises à part quelques rares tentatives de reconstitution, ce vaste
répertoire est monté selon les choix de metteurs en scène qui le consi-
dèrent comme un immense réservoir indifférencié qu’ils peuvent remo-
deler à leur aise. Il n’en va pas de même au Japon où, d’une manière
1
Pour une histoire générale du théâtre japonais, voir Ortolani (1990) et Tschudin
(2011).
2
Terme générique désignant la musique instrumentale (kangengaku) et les danses de
cour (bugaku) importées de Chine au VIIe-VIIIe siècle.
50 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
interprétant ces spectacles avec des codes qui n’étaient pas ceux des
destinataires originaux, en modifie inévitablement le sens. Un kagura4
donné pour les caméras de la télévision devant une foule de touristes
venus de la capitale ne peut être ce qu’il était dans le cadre de festivités
célébrées jadis dans un village reculé, et les matinées au théâtre national
ou au Kabuki-za n’offrent pas le même spectacle que les salles du vieil
Edo, même si les acteurs reprennent pieusement les kata5 de leurs
ancêtres.
Il n’en demeure pas moins que le Japon a fait preuve d’une belle ca-
pacité à préserver les formes anciennes tout en assimilant avec enthou-
siasme les nouvelles et qu’il a su ainsi s’enrichir continuellement sans
que les nouveaux acquis ne poussent sur les ruines des anciens. La
pérennité des formes tient essentiellement à cette faculté d’être simulta-
nément ouvert à tous les apports étrangers tout en demeurant fermement
attaché aux traditions, mais si les théâtres traditionnels ont si remarqua-
blement résisté à l’épreuve du temps et de l’évolution des modes de vie,
c’est aussi parce qu’ils ont été transmis dans le cadre d’un apprentissage
de maître à disciples, essentiellement oral, se faisant « sur le tas » par
observation et imitation du maître, et prenant place dans des milieux
fermés sur eux-mêmes et extrêmement jaloux de leurs traditions. Par
ailleurs, il faut rappeler que le théâtre japonais classique repose sur les
performances de l’acteur-danseur-récitant et non sur le texte. Malgré son
indéniable importance, le livret y a toujours été considéré comme un
élément du spectacle, sans jamais accéder au statut de production litté-
raire autonome. Tant dans la formation des acteurs que dans la mémoire
collective des spectateurs, l’inscription du répertoire passe par la repré-
sentation et non par la lecture. Les textes de nô et de jôruri6 ne sont pas
lus pour leur contenu ou leurs évidentes qualités poétiques, mais mémo-
risés par les amateurs pour être chantés et récités, et les pièces de kabuki
ne sont lues que par les spécialistes. Cette dimension concrète, scénique,
a évidemment pesé sur la survie du théâtre classique dans la mesure où
sa transmission ne pouvait se borner, comme souvent en Occident, à
celle du texte, mais demeurait inextricablement liée à celle de ses
formes. D’autres paramètres, surtout d’ordre socio-économique, tels que
la condition sociale des gens de théâtre, le système de gestion des salles
ou encore les liens avec les quartiers de plaisirs et les arts d’agrément,
4
Danses, chants, pantomimes et saynètes originellement destinés au divertissement
des divinités du shintoïsme.
5
Figure gestuelle figée du jeu ou de la danse des acteurs.
6
Au départ, nom de l’héroïne d’une romance souvent jouée par les poupées ; plus tard
recouvre l’ensemble des livrets écrits pour ce théâtre, lui-même appelé ningyô-jôruri
(jôruri des poupées).
52 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
ont probablement joué dans le même sens, mais tenter de les interroger
ici nous entraînerait trop loin de notre propos. Quoi qu’il en soit, le
résultat est là : la vie théâtrale japonaise offre, même en ce début du
e
XXI siècle, la possibilité d’assister à des représentations de théâtre
traditionnel qui gardent une vie, une fraîcheur et un parfum d’authen-
ticité que ne sauraient offrir des reconstitutions savantes succédant à
des siècles d’absence ou de rejet, des représentations qui coexistent et
rivalisent souvent en popularité avec le théâtre moderne sous toutes ses
facettes, du grand répertoire occidental aux expériences d’avant-garde,
du show de Broadway à l’ankoku butô7.
I. Un peu d’histoire
Avant de voir comment les formes traditionnelles ont réussi à garder
une place sur les scènes contemporaines, il faut brièvement rappeler
quelques étapes majeures de la longue histoire du théâtre japonais. Bien
que la période protohistorique ait probablement connu des spectacles
sous une forme ou une autre – en tout cas la présence de danseuses et
d’instrumentalistes est confirmée par les figurines de terre cuite haniwa8
et quelques autres artefacts – la documentation est rare, difficile à
interpréter, et ce n’est qu’à partir des VIe et VIIe siècles, avec la pénétra-
tion massive de la culture chinoise, que l’on peut suivre avec quelque
certitude l’histoire du théâtre. En effet, dans les bagages de cette culture
importée figuraient trois formes de spectacle qui allaient rapidement
s’implanter au Japon. Patronnées par la cour et par les grands centres
religieux, ces formes, peu à peu modifiées, raffinées, croisées aussi avec
des rites et pratiques festives autochtones, vont préparer le terreau sur
lequel éclora plus tard le nô, puis, à l’aube du XVIIe siècle, le théâtre de
poupées et le kabuki. Deux d’entre elles – les processions masquées,
animées de danses et de pantomimes du gigaku9 et les jeux variés du
sangaku10 – ont disparu en tant que telles au cours de la période médié-
vale. La première a néanmoins laissé sa marque sur bien des manifesta-
tions aujourd’hui intégrées dans les spectacles folkloriques (minzoku
7
La « danse (butô) des ténèbres (ankoku) », courant d’avant-garde fondé par Hijikata
Tatsumi et Ôno Kazuo dans les années 1960.
8
Cylindres en argile de l’époque des Grandes Tombes (IIIe s.-fin Ve s.), représentant
divers personnages (guerriers, paysans, musiciens, danseuses, etc.) et un riche
bestiaire.
9
Première forme de spectacle importé de Chine, tout au début du VIIe siècle, donné
essentiellement dans le cadre des cérémonies bouddhiques, il disparaît à l’aube du
Moyen Âge.
10
Jeux divers, de type forains, originaires de Chine et d’Asie centrale, introduits au
Japon au cours du VIIIe siècle.
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais 53
commerciale. Ils sont rejoints par des jeunes gens venus de divers
horizons et bientôt un nouveau genre se met en place : le shinpa. Ses
premiers succès reposent sur la dramatisation des faits divers criminels
qui font alors le bonheur de la presse naissante, puis le genre met à
profit la guerre sino-japonaise (1894-1895) pour s’imposer et triompher
momentanément du kabuki avec de grands spectacles cocardiers célé-
brant les armées impériales (Tschudin, 1999 ; 2005). Le shinpa séduit le
public et se taille une place honorable dans le monde du théâtre
commercial par la bâtardise même que lui reprochent les historiens.
Incontestablement plus moderne que le kabuki, plus accessible à de
nouvelles audiences populaires progressivement coupées de la culture
du vieil Edo, il leur demeure néanmoins familier, sans occidentalisation
forcenée ; techniquement, il offre une sorte de kabuki simplifié, amputé
de ses dimensions musicales, de ses chorégraphies, et ayant renoncé aux
maquillages et aux costumes flamboyants. Le jeu se veut plus réaliste,
mais ses acteurs restent marqués par les codes histrioniques du kabuki,
seule référence possible à cette époque, et les grands rôles féminins
continuent, par nécessité d’abord puis par choix, à être tenus par des
hommes (onnagata). Le nouveau genre connaît un bref âge d’or dans les
années 1900-1910, mais il cesse d’autant plus vite d’innover qu’il passe
également aux mains de la Shôchiku, le géant du show-business japo-
nais, qui le commercialise selon les mêmes recettes que le kabuki avec
un star-system construit autour d’une brochette de stars, dont le célèbre
onnagata Hanayagi Shôtarô, qui attirent un large public. Le répertoire
du shinpa se partage pour l’essentiel entre les adaptations des grands
succès de la littérature populaire et les mélos se déroulant dans les
milieux marginaux, mais bien conventionnels, du monde flottant ou de
la pègre des joueurs professionnels, avec leur problématique du giri-
ninjô menant, dans un refoulement de larmes, au triomphe du devoir sur
les sentiments [figure 9].
Nous sommes encore loin du théâtre occidental qui tâtonnera plu-
sieurs décennies avant de commencer à trouver son public. Les pre-
mières tentatives sont dues à l’initiative de Tsubouchi Shôyô (1859-
1935)15, un universitaire qui, après avoir animé une série de séminaires
et de cercles d’études sur la question, met en place une petite formation
d’amateurs et, entre 1906 et 1913, monte plusieurs Shakespeare ainsi
que des dramaturges contemporains tels qu’Ibsen, G.B. Shaw et
Sudermann. Un peu plus tard, c’est un autre intellectuel amateur de
théâtre, Osanai Kaoru (1881-1928), qui fonde le Jiyû gekijô (« Le
15
Considéré comme un des pionniers de la littérature moderne japonaise, cet homme de
lettres est resté célèbre pour ses essais et sa traduction de l’œuvre complète de
Shakespeare.
58 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
se calment assez vite, car les Américains, bientôt obsédés par le péril
rouge, renoncent à traquer le féodalisme et laissent le kabuki remplir à
nouveau ses salles avec le Trésor des vassaux fidèles18. Endommagé par
les bombardements, le Kabuki-za de Tôkyô est reconstruit, et sa réou-
verture, en janvier 1951, symbolise en quelque sorte le renouveau du
kabuki qui retrouve un assez large public, malgré la percée du shingeki
progressiste appuyé par les syndicats et leurs réseaux culturels (Leiter,
2009).
Les autres genres, anciens ou modernes, surmontent peu à peu leurs
difficultés économiques et émergent à leur tour, dessinant progressive-
ment le panorama actuel. Ainsi, contrairement à certaines prévisions, les
genres traditionnels ont réussi à survivre à l’occupation, à la haute
croissance ainsi qu’à l’américanisation de la société et, désormais offi-
ciellement considérés comme des trésors nationaux, se sont solidement
intégrés dans la société contemporaine. Pourtant ni leurs bases éco-
nomiques ni leur capacité à remplir les salles ne sont comparables : le
kabuki, essentiellement aux mains de la Shôchiku, est une entreprise
purement commerciale, alors que le bunraku, abandonné par cette même
Shôchiku, est soutenu par une fondation semi-publique qui en garantit
l’existence. Le nô est dans une situation encore différente dans la me-
sure où, tout en étant un théâtre professionnel, il est, aux côtés de
l’arrangement floral ikebana, de la cérémonie du thé ou de la calligra-
phie, un de ces empires commerciaux qui contrôlent les arts d’agrément
et prospèrent en vendant fort cher leurs enseignements et leurs nom-
breux produits dérivés (brochures, manuels, textes de livrets, vidéos, cd,
dvd, etc. et diplômes !). Néanmoins, tous ont bénéficié de l’ouverture
des théâtres nationaux avec le Kokuritsu gekijô, consacré au kabuki,
mais abritant à l’occasion du bunraku et des spectacles de danses clas-
siques ou folkloriques japonaises, et le Kokuritsu nô gekijô, tous deux à
Tôkyô, ainsi que le Kokuritsu bunraku gekijô à Ôsaka, le vieux cœur du
théâtre de poupées.
Leur réinsertion dans la vie contemporaine réussie, leurs arrières
économiques relativement protégés, les genres classiques ne couraient
plus qu’un danger, celui de la désertion du public, de la muséification ;
celui de ne plus se produire que devant des parterres à moitié vides
occupés par de vieux habitués, des bourgeoises désœuvrées, des retraités
nostalgiques et des galeries de collégiens subissant leur pensum culturel.
18
La pièce la plus célèbre du répertoire historique : raconte les longs préparatifs et la
réalisation de la vendetta de guerriers d’un seigneur injustement condamné à mort.
La version la plus connue est celle de Takeda Izumo II, créée en 1748 par les poupées
du Takemoto-za, à Ôsaka. Traduit par R. Sieffert (1981 : 109-228), « Le Trésor des
vassaux fidèles ».
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais 61
Pour éviter, ou tout au moins minimiser ce péril, divers moyens ont été
mis en œuvre, parmi lesquels les tournées internationales se sont révé-
lées fort utiles. Un triomphe parisien ou new-yorkais, abondamment
répercuté par la presse japonaise, fait beaucoup pour relancer l’intérêt,
surtout auprès des jeunes Japonais américanisés intrigués par
l’engouement des étrangers pour ces spectacles qu’ils croyaient rin-
gards. Aussi, soutenus par les agences gouvernementales et le mécénat
privé, nô, kabuki, bunraku et kyôgen se livrent-ils volontiers à cet
exercice, multipliant après des débuts hésitants les tournées, souvent
complétées par des manifestations annexes, tables rondes, conférences
ou expositions de costumes et de masques (Thornbury, 2001).
Le kabuki a compris que son meilleur atout n’était pas tant dans le
renouveau de son répertoire, par ailleurs enrichi de quelques nouveaux
livrets, comme cette série tirée du Genji monogatari19 qui remporte un
grand succès en 1951, que dans la mise en valeur de ses ressources
scéniques, dans cette flamboyance qui permet à ses stars de déployer
toutes les facettes de leur art. Réhabilitées par les travaux d’historiens
influents comme Kawatake Toshio, les dimensions baroques mises en
veilleuse depuis Meiji réapparaissent et enchantent à nouveau le public
dans les productions d’Ichikawa Ennosuke III qui remet à la mode les
trucages et cascades d’antan et recourt à des mises en scène specta-
culaires dans son super-kabuki. Ces efforts pour redynamiser le genre
sont complétés par le travail de ceux qui rêvent de retrouver l’ambiance
populaire, ludique et détendue des salles d’Edo que les réformateurs de
Meiji s’étaient employés à étouffer. Cette tentative de retour aux sources
trouve une forme concrète avec les représentations données chaque
printemps par les stars du kabuki dans la plus vieille salle du Japon,
celle du Kanamaru-za à Kotohira, une petite ville au centre de l’île de
Shikoku. Ce festival, lancé en 1985, remporte un immense succès,
succès que vient confirmer celui des productions montées chaque année
par Nakamura Kanzaburô dans le vieux cœur de la vie populaire d’Edo,
à Asakusa, sur les bords de la Sumida. Mais avant tout, le kabuki a eu la
chance de trouver des acteurs qui ont su reconquérir les jeunes au-
diences par leur talent et leur charisme. Les générations d’après-guerre,
d’abord celle des Tamasaburô, Takao et Kanzaburô qui s’imposent dans
les années 1960-1970, puis celle, toute récente, des Ebizô et
Kikunosuke, sont menées par des comédiens soucieux de revivifier leur
art pour mieux le perpétuer, des comédiens par ailleurs ouverts à
d’autres expériences théâtrales et qui se produisent volontiers dans le
19
L’œuvre la plus célèbre de la littérature japonaise classique, écrite au début du
e
XI siècle par Murasaki Shikibu, une dame de l’entourage de l’impératrice. Traduit
par R. Sieffert (1988).
62 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
20
Le shite est l’acteur-danseur qui interprète le personnage central du nô.
21
Livret de nô attribué à Zeami. Traduit par A. Godel (1994 : 161-179).
64 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
sur le monde les portes d’un milieu traditionnellement fermé sur lui-
même. Toujours dans ce sens, il faut signaler que les grandes écoles de
nô ont fini, de mauvaise grâce d’ailleurs, par accepter que des femmes
et, pis encore, des étrangers puissent se produire professionnellement,
mais bien que le principe soit désormais acquis, leur présence demeure
pour l’instant exceptionnelle. Cela dit, si ces initiatives témoignent du
dynamisme de quelques acteurs, de leur volonté de sortir du musée et de
participer aux aventures de la scène contemporaine, elles n’en restent
pas moins marginales, car la majorité des professionnels ronronnent
tranquillement en se reposant sur la reproduction fidèle et convention-
nelle du répertoire familial. On notera pourtant le retour des takigi nô,
ces représentations données le soir à la lueur des torches, le plus souvent
dans l’enceinte d’un temple ou d’un sanctuaire, qui sont désormais des
manifestations touristiques de premier ordre attirant un peu partout dans
le pays de très larges audiences.
Le kyôgen [figures 11 et 12] fait pour sa part preuve de beaucoup
d’initiatives, probablement parce qu’il y trouve un enjeu supplémentaire
qu’ignorent les autres genres traditionnels. En effet, sa simple survie
économique étant assurée automatiquement par celle du nô, il nourrit
l’ambition de gagner son autonomie artistique. Sans renier son rôle
d’intermède comique dans les programmes de nô, le kyôgen a ainsi
montré au cours des dernières années une volonté explicite de
s’émanciper de la tutelle de son glorieux maître pour revendiquer son
indépendance. Pour ce faire, les leaders de ses grandes écoles ont clai-
rement choisi de jouer la carte de l’internationalisation en multipliant,
aussi bien au Japon qu’en Occident, les tournées, les cours de formation,
les master classes, les ateliers et les stages destinés aux étrangers. Ils
cherchent aussi à établir des contacts avec d’autres formes asiatiques
pour renouer en quelque sorte avec un lointain passé – celui du san.yue
chinois transmis jadis au Japon sous le nom de sangaku – et retrouver
des ancêtres communs. Divers projets vont dans ce sens, en particulier
celui de Nomura Mannojô qui associe dans son Shin-Gigaku Project les
spectacles traditionnels des contrées situées sur la route de la Soie et
dans l’Asie du Sud-Est, avec une insistance particulière sur les danses
masquées.
Pour démontrer que leur art peut sortir des limites de la simple farce
destinée à détendre quelques instants les amateurs de nô, les troupes
présentent des programmes composés exclusivement de kyôgen, les
grands classiques du genre côtoyant des créations de livrets contempo-
rains tels que les satires politiques d’Umehara Takeshi. Elles adaptent
également des textes occidentaux, des saynètes médiévales avec cette
Farce du Cuvier devenue, sous le titre de Susugi-gawa (« Lavoir à la
rivière »), un standard du genre, mais aussi des grandes comédies du
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais 65
22
Pantomimes traditionnelles présentées chaque année, au printemps, par les des-
servants du temple de Mibu, à Kyôto.
23
Danses médiévales survivant dans quelques fêtes locales dans le nord du Japon.
24
Genre développé au XVIe siècle dans le milieu des guerriers ; consiste en un récitatif
narrant des récits épiques, accompagné de quelques sobres pas de danse.
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais 67
Conclusion
Depuis l’ouverture sur le monde de la fin du XIXe siècle, le théâtre
japonais a ainsi été marqué par l’apparition de nouveaux genres qui se
sont successivement imposés aux côtés, et non à la place, de leurs aînés.
Le phénomène n’est pas récent : au XVIIe siècle déjà, le nô avait survécu
malgré la popularité du bunraku et du kabuki et plus tard, dans les
25
Art du conteur, développé dans les centres urbains au cours de la période d’Edo
(1603-1868). Le conteur assure seul tous les personnages de son récit, généralement
comique. A conservé aujourd’hui encore une bonne part de sa popularité. Voir
A. Sakai (1992).
Pérennité et renouvellement du théâtre japonais 69
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70 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Cathy RAPIN
5
Le Quotidien, ou Maeil sinbo, publie en 1912 la première comédie coréenne intitulée
Pyôngja samin (« Les trois malades ») de Cho Chung-hwan (Cho Il-jae, 1863-1944).
6
« À la base, la colonisation japonaise de la Corée commença dès 1876 » (Delissen,
1999 : 163).
7
Wôngaksa (l’ancien Hyômnyulsa) conserve sa forme ronde au toit conique ouvrant
sur 500 à 600 places autour d’une scène circulaire.
8
Nous notons Shinpa pour le théâtre japonais, et sinp’a pour le coréen.
9
Datant du XVIIIe siècle, long poème narratif chanté avec des passages parlés, par un
seul chanteur accompagné d’un percussionniste. Le chanteur en costume traditionnel
(le hanbok) évolue dans l’espace restreint d’une natte et se sert de tout son corps,
d’un éventail et des différentes tonalités de sa voix pour jouer différents rôles.
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui 73
12
Directeur et metteur en scène de la compagnie Min-jung depuis 1980, directeur de
l’Association du théâtre coréen (1995-1997) et membre exécutif de l’International
Theatre Institute pour la Corée.
13
Publication en 1912 dans le Quotidien de la première pièce de théâtre et comédie
coréenne intitulée Pyôngja samin (« Les trois malades ») de Cho Chung-hwan (Cho
Il-jae, 1863-1944).
14
Rédigée par le poète Ch’oe Nam-sôn : « Nous déclarons ici que la Corée est un pays
indépendant et que les Coréens sont un peuple autonome […] » (Maurus, 1999 :
137).
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui 75
15
Les chiffres officiels, d’après une source japonaise, font état de 46 948 arrestations
(52 770 selon les Coréens), 7 509 tués et 15 961 blessés (Li Ogg, 1988 : 366).
16
« L’éducation publique fut encouragée, plus massive certes, mais on y vit interdire
l’usage du coréen en 1938, et les cours d’‟instruction civique impériale” remplacer
l’histoire de la Corée […] » (Delissen, 1999 : 183).
76 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
17
Conte remontant à la dynastie Joseon (1392-1897). Il relate l’histoire de la jeune
Kongjwi, sorte de Cendrillon maltraitée par sa belle-mère et sa demi-sœur Patjwi, qui
se marie après de nombreuses épreuves avec un prince rencontré dans une fête où elle
perd son soulier.
78 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
18
Le théâtre madanggûk a eu comme précurseur Kim Chi-ha (poète opposé à la
dictature) qui a créé, sur le campus de l’université nationale de Séoul, un spectacle
satirique dirigé contre la dictature à la fin des années 1960.
80 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
19
Par exemple, aux États-Unis, Peter Schumann fonde la troupe « Bread and Puppet »
(années 1960) ; au Mexique, Luis Valdez (1965) ouvre « El Teatro campesino » qui
effectue une tournée en Europe en 1969 et participe au Festival de Nancy.
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui 81
20
Actuellement, en 2010, il y a plus d’une centaine de théâtres dans le seul quartier des
théâtres de Daehangno.
21
En juin 1986, l’auteur Park Cho-yôl lance un débat contre les abus de la censure et
publie un article sur la liberté d’expression dans la revue Théâtre coréen à la suite de
deux pièces interdites de Yi Kang-baek (La Sentinelle) et Choi In-sôk (Votre Petite
Cloche).
82 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
26
Adapté du texte dramatique d’O Yong-jin.
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui 85
27
Adaptation de la pièce de Yu Ch’i-jin par Yi Kang-baek.
28
Écrit par le romancier Yi Mun-yôl et mis en scène par Yun Ho-jin, adapté par le
dramaturge et metteur en scène Kim Kwang-lim.
29
Ligne 1 du métro, transposition du musical allemand de Volker Ludwig.
30
Spectacle représentant des cuisiniers jonglant et faisant des percutions avec des
ustensiles de cuisine et des produits alimentaires, avec un scénario dramaturgique très
simple.
86 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
elle pousse ses acteurs à un jeu très maîtrisé, tendu. Mun Sam-hwa est
également très présente sur les scènes des petits théâtres de Séoul,
mettant en scène aussi bien de jeunes écrivains coréens qui débutent,
que des pièces occidentales encore peu connues du public coréen, tandis
que Baek Eun-a s’intéresse beaucoup au théâtre européen ; elle a, par
exemple, monté la pièce de Yasmina Reza La Pièce espagnole dans un
décor minimaliste où les acteurs suivent des lignes abstraites fragmen-
tant l’espace.
Les metteurs en scène semblent désormais bien loin des traductions-
adaptations des années 1970 et 1980, mais aussi à distance critique des
déconstructions multiculturelles des années 1990. Ils prennent désor-
mais le texte dramatique dans son intégralité avec une stratégie
d’interprétation qui invite toujours le corps et la matérialité scénique à
exprimer l’entre-deux des mots ou l’invisible des situations. On a
l’impression que le théâtre d’aujourd’hui revisite le répertoire coréen et
mondial en croisant des pratiques variées expérimentées au cours de
plusieurs décades et en mettant à l’épreuve le développement de tous les
arts et technologies de la scène. Ainsi certains découvrent ces dernières
années le théâtre contemporain japonais (retrait total des quotas
d’importation des produits culturels japonais en 2004) et montent des
pièces d’auteurs encore inconnus hier, comme Betsuyaku Minoru33,
Masataka Matsuda34 ou Noda Hiteki. Le metteur en scène Song Sôn-ho
a ainsi mis en scène Mer et Ombrelle (1966) de Masataka Matsuda ou
l’Histoire des deux chevaliers qui parcourent le monde (1988) de
Betsuyaku Minoru. D’autres s’aventurent plus loin dans les recherches
du théâtre visuel ou de la performance (Jeong Geum-hyung,
L’Aspirateur en 2006) [figure 27] ou du spectacle physique (Won
Young-oh, Mon Corps Bouddha, 2008).
33
Betsuyaku Minoru (1938-), auteur proche de Beckett et Ionesco. Il a également écrit
des histoires pour enfants et adapté des textes étrangers dans ses pièces, comme La
Petite Vendeuse d’allumettes de Hans Christian Anderson qui a reçu le prix Kishida
Kunio en 1966.
34
Masataka Matsuda (né en 1962) a reçu le prix Kishida en 1996 pour Umi to higasa
(« Mer et Ombrelle », 1966).
Théâtre coréen d’hier à aujourd’hui 89
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Le fantôme d’une belle
Le théâtre chanté chinois (xiqu 戲曲)
au tournant du millénaire1
Vincent DURAND-DASTÈS
1
Je tiens à remercier de leurs remarques et corrections Sylvie Beaud, Roger Darrobers,
Vincent Goossaert et Bénédicte Vaerman.
92 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
I. Constantes et variations
Le théâtre traditionnel chinois peut se caractériser autant par la di-
versité des formes qu’il a revêtues au cours des siècles que par la per-
sistance de quelques traits unificateurs fondamentaux. Ceux-ci peuvent
être succinctement caractérisés comme suit : le théâtre en Chine a été
constamment un art à la fois dramatique et musical : parties chantées,
psalmodiées, scandées et parlées alternent dans une même pièce. De
plus, même dans les parties parlées les plus prosaïques, l’orchestre,
toujours présent, ne se laisse jamais oublier : coups de tambours, gongs
ou cymbales, rythment et ponctuent constamment l’élocution du comé-
dien, et le percussionniste-chef d’orchestre participe autant que l’acteur
à l’expression dramatique. Bref, le théâtre traditionnel chinois est à
chaque instant musical3. D’où son nom moderne de xiqu 戲曲, qui
signifie littéralement « jeu dramatique » (xi 戲) et « airs » (qu 曲), ou
encore « arias dramatiques » si l’on lie grammaticalement les deux
morphèmes. Il serait donc plus juste de parler de « théâtre chanté »
chinois, même si on ne peut guère éviter le terme d’« opéra chinois »
tant il est passé dans l’usage. Le terme d’opéra n’a pourtant de sens que
s’il existe comme en Occident un « théâtre parlé » qui s’en distingue.
Or, un tel genre n’apparut en Chine qu’au début du XXe siècle, et par
imitation de modèles occidentaux.
Le second trait persistant concerne la stylisation du jeu des comé-
diens : très tôt ont existé des types de rôles (juese 角色) et des catégo-
ries d’emplois prédéfinis, appelés hangdang 行當. Leur liste et leurs
appellations ont varié avec le temps, mais on a, en général, distingué la
catégorie des protagonistes masculins (mo 末, sheng 生 [figure 28])4,
2
Le lecteur français dispose de deux remarquables synthèses sur le théâtre chinois
traditionnel, malheureusement toutes deux épuisées : Pimpaneau, 1983 et Darrobers,
1995 ; un bon ouvrage chinois tenant compte des recherches récentes est le livre de
Liao Ben, 2004. Liao Ben a également publié un livre à la très riche iconographie,
Liao Ben, 2000.
3
Pour une étude portant sur la dimension vocale et musicale d’un genre important du
xiqu, voir Wichmann, 1991.
4
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans cet ouvrage.
Le fantôme d’une belle 93
Dans l’un d’entre eux, pour marquer l’horreur de la mise à mort des
fils de Yue Fei, le comédien incarnant le personnage qui venait de leur
trancher la tête rentrait en scène en brandissant deux têtes de papier d’où
sortaient les cous sanguinolents de deux canards fraîchement décapités
(van der Loon, 1977 : 160-161). Dans une autre, que l’on jouait devant
un temple de Yue Fei dans la province du Henan, on montrait le juge
des enfers faisant éviscérer Qin Hui et sa femme pour extraire leurs
entrailles et les brûler de son « feu divin » (shenhuo 神火), tandis que le
public mettait le feu à des mannequins de paille à l’effigie du mauvais
ministre, amenés pour l’occasion5. Bref, la retenue et le bon goût atten-
dus de la part de comédiens d’un genre profane en vogue à la capitale ne
valaient pas nécessairement pour un genre religieux rural aux tout autres
fonctions.
On pourrait faire une constatation similaire pour les scènes éro-
tiques : si le théâtre contemporain est d’une sobriété confinant au purita-
nisme lorsqu’il met en scène les jeux amoureux, cela n’a pas été le cas
en tout temps et en tout lieu. À la fin du XVIIIe siècle, l’acteur Wei
Changsheng 魏長生 (1744-1802), spécialiste des rôles de jeunes
femmes dan, fut ainsi interdit de séjour à Pékin par les autorités pour
avoir fait scandale par une pièce au titre évocateur de Pavillon des
cabrioles (gunlou 滾樓). Un de ses rivaux n’hésitait pas à porter à la
scène les passages les plus crus du grand roman de mœurs Fleurs en
Fiole d’Or6. De même, certaines didascalies de pièces du XIXe siècle
évoquent une nudité que l’on ne rencontre plus, je crois, nulle part dans
le théâtre chanté d’aujourd’hui ! Bref, on risque, à ne se baser que sur
l’observation contemporaine, de confondre la stylisation intrinsèque-
ment liée à l’art scénique chinois et une sobriété inséparable d’une
modernité soucieuse de renvoyer « superstition » et « obscénité » aux
oubliettes de la tradition.
B. Saynètes et pièces-fleuves
Bien d’autres éléments attestent de la diversité des formes théâtrales
de la Chine impériale, ainsi dans le domaine de la dimension des œuvres
et du temps de la représentation. Les saynètes et les courtes farces à
deux comédiens semblent avoir compté parmi les formes proto-
5
Il s’agit d’une pièce du genre local Yuju 豫剧 intitulée Rôtir Qin Hui (Huoshao Qin
Hui 火燒秦桧). Voir Durand-Dastès in Détrie et Dominguez Leiva, 2005 : 200-202.
Pour la description d’une scène similaire d’éviscération grand-guignolesque, avec
emploi de fumigènes et d’entrailles de volailles, voir l’exécution du démon jaune
dans Johnson, 2009 : 117.
6
Voir Darrobers, 1998 : 26-35. Ce livre très détaillé constitue une excellente
introduction au théâtre chanté dans son ensemble.
Le fantôme d’une belle 95
théâtrales, dès avant l’an mil. Elles ne disparurent jamais, et, de nos
jours, le dialogue comique ou xiangsheng 相聲 perpétue l’écho de
formes médiévales telles que le Jeu du sous-officier (canjun xi 參軍戯).
Bien plus tard, les « petits genres théâtraux » (xiaoxi 小戲), formes
vernaculaires à deux ou trois personnages, nourriront de leurs arias ou
de leur répertoire un genre dramatique local déjà existant, et grandiront
parfois jusqu’à devenir des genres provinciaux à part entière.
Sous les dynasties des Song (960-1279) et des Jin (1115-1234), les
« spectacles variés » (zaju 雜劇) que l’on jouait dans les quartiers de
plaisirs des grandes villes semblent encore avoir consisté en enchaîne-
ments de courtes saynètes (West, 1977). La première forme théâtrale
structurée, également appelée zaju, sous la dynastie des Yuan (1277-
1367), est au fond toujours une forme courte, avec des pièces jouables
d’un seul tenant : composée de quatre ou cinq « actes » (qui sont plutôt
de longues scènes), elle campe de façon vive et sobre une intrigue
resserrée7, comme, dans le domaine de la littérature écrite, la nouvelle
en langue vulgaire (huaben 話本), dont l’apparition est à peu près
contemporaine : une hypothèse veut que ces deux formes artistiques et
littéraires soient sorties du même creuset, ou tout au moins se soient
influencées l’une l’autre (Idema, 1974 : 17-22).
Pourtant, dès le début de la dynastie Ming (1368-1644), les drama-
turges se sentiront à l’étroit dans les formes brèves et se lanceront dans
une véritable course à la longueur : enchaînement de zaju mis bout à
bout, puis, dans la nouvelle forme appelée chuanqi 傳奇, liberté totale
d’enchaîner plusieurs dizaines de scènes. La conséquence directe sera la
création de pièces-fleuves, injouables en une seule séance. Leur mode de
diffusion en sera sensiblement modifié : elles feront l’objet de représen-
tations étalées sur plusieurs journées, souvent dans le cadre de spec-
tacles donnés par les troupes privées au service d’un grand personnage.
Mais elles tendront aussi à circuler de plus en plus sous forme imprimée,
avec la publication de livrets comportant illustrations parfois d’un grand
luxe, notes et commentaires. Certaines pièces finiront par basculer sans
retour dans le domaine de la littérature écrite, et ne seront plus guère
représentées. Concurremment, le spectacle vivant fera valoir ses droits :
dès le XVIIe siècle, les morceaux de bravoure des pièces longues furent
extraits de leur pièce d’origine pour composer des représentations de
morceaux choisis variés ou zhezixi 折子戲 : cette tradition, derrière
laquelle on devine la familiarité avec le répertoire d’un public
d’aficionados avertis, perdure jusqu’à aujourd’hui.
7
Sur le théâtre chinois des Yuan au début des Ming, outre les ouvrages d’introduction
de Darrobers et Pimpaneau déjà cités, on pourra se reporter à Crump, 1980, et Idema
et West, 1982.
96 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
8
Jacques Pimpaneau a pu filmer une représentation donnée dans l’ouest du Hunan.
Pimpaneau, 1994.
Le fantôme d’une belle 97
13
Pour une évocation récente des shuhui comme lieu de rencontre entre lettrés et
littérature romanesque ou théâtrale, voir Ge Liangyan, 2001 : 164-167.
100 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
14
Le Pavillon aux pivoines ainsi qu’une autre pièce de Tang Xianzu, L’Oreiller
magique, sont accessibles au lecteur français dans la traduction d’André Lévy
(Musica Falsa, 1998 et 2007).
15
D’autres systèmes musicaux, tels le méridional gaoqiang 高腔, aux harmonies plus
douces, étaient toutefois également fort en vogue à la même époque.
Le fantôme d’une belle 101
reprenait guère que les plus célèbres scènes, dans les représentations
composites des zhezixi. Pendant la majeure partie du XXe siècle, le
Kunqu continua de vivre comme un théâtre d’élite, porté par un nombre
limité de troupes, et apprécié surtout des intellectuels (Fégly, 1986). En
comparaison, opéra de Pékin et difang xi connaissaient seuls la faveur
réelle du très grand public. Mais aujourd’hui que l’on voit le public se
détourner du xiqu dans son ensemble, c’est le théâtre traditionnel tout
entier qui est menacé de ne plus continuer à exister que suivant cette
modalité quelque peu élitiste et muséale… au fond, un peu comme le
théâtre dans l’Occident contemporain.
D. Comédiens experts et amateurs inspirés
J’ai évoqué en commençant la grande technicité du jeu des acteurs
du théâtre chanté chinois. De fait, qu’il ait eu lieu dans le cadre des
formations traditionnelles (enrôlement comme apprenti au service d’un
maître lui-même comédien, apprentissage dans les troupes), ou des
écoles mêlant enseignement général et artistique apparues pendant la
première moitié du XXe siècle, l’enseignement a depuis fort longtemps
eu pour caractéristique d’être long, exigeant, voire cruel. Cheng Yanqiu
程硯秋 (1904-1958), célèbre comédien spécialiste des rôles de jeunes
femmes dan, a ainsi raconté les terrifiants sévices didactiques que lui
faisait subir son maître Rong Diexian 榮蝶仙 dans son enfance : il
devait ainsi, l’hiver, balayer la cour couverte de glace de sa maison avec
aux pieds les chausses de bois étroites sensées simuler la démarche
d’une femme aux pieds bandés, tout en portant des baguettes aiguisées
attachées au mollet destinées à le piquer à la saignée du genou si par
malheur il venait à plier les jambes. Mais l’acteur précisait qu’il
n’éprouvait nulle rancœur envers le sadisme du maître, se déclarant au
contraire reconnaissant de la rigueur de l’excellente formation qu’il
avait ainsi reçue (Hu Jinzhao, 1987 : 4-7).
L’apprentissage, qui ne doit, dans l’idéal, pas commencer plus tard
que l’âge de sept ou huit ans, consiste à acquérir tout d’abord la maîtrise
des « techniques de base » ou jibengong 基本功 : les assouplissements
« de la taille et des jambes » (yaotuigong 腰腿功), pour donner au corps
une parfaite souplesse, les « exercices au tapis » (tanzigong 毯子功,
sauts, acrobaties, et enchaînement d’arts martiaux), les « exercices aux
accessoires » (bazigong 把子功, maniement des armes et jonglerie). Ce
n’est qu’une fois ces disciplines gymniques acquises qu’intervient le
choix de l’emploi selon des critères à la fois physiques et vocaux. Ainsi,
même un comédien spécialisé dans un emploi ne nécessitant normale-
ment pas de prouesses martiales reste capable, si besoin est, de se lancer
dans une séquence acrobatique : au soir de la bataille de la Ville de
l’Empereur blanc (Baidi cheng 白帝城), dans la pièce éponyme, le
102 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
vieux roi Liu Bei 劉備, vaincu, épuisé, le cœur brisé d’avoir perdu tout
espoir de venger ses compagnons d’armes, erre sur le champ de ba-
taille : perdant pied, il bascule jusqu’au pied d’une colline, cherche à
rattraper son cheval d’une main tremblante, s’abat d’un seul coup de
tout son long. Le comédien spécialiste des emplois d’homme âgé
(laosheng 老生) qui tient le rôle use alors de toute sa technique d’athlète
pour enchaîner galipettes, chutes et culbutes sans se départir de sa
gestuelle hésitante de vieillard.
Ce haut niveau technique et artistique des acteurs du théâtre chanté
chinois explique, en grande partie, la fascination qu’ils ont exercée sur
les gens de théâtre en Occident, de Meyerhold à Mnouchkine. Cette
reconnaissance étrangère moderne ne doit pas faire oublier l’infamie
traditionnellement liée à la profession de comédien dans la Chine impé-
riale. La technicité en arts martiaux, commune aux comédiens, soldats…
et brigands, n’était guère susceptible de racheter l’opprobre associé au
métier de chanteur professionnel, spécialité des acteurs mais aussi des
courtisanes. Dès avant l’apparition du théâtre, être membre des « foyers
de musiciens héréditaires » (yuehu 樂户) impliquait un statut servile. De
même, les familles de comédiens firent partie des classes interdites de
participation aux examens mandarinaux, un des signes de l’infamie en
Chine, et subirent certaines restrictions en matière de résidence et de
mariage (Hansson, 1996 : 58, 72-73).
Cette assimilation du métier de comédien à l’activité de prostitution
n’appartient pas qu’à la Chine. Mais une touche de soufre supplémen-
taire réside, en Chine, dans la fréquente inversion des genres dans les
emplois : comme je l’ai écrit en commençant, il fut toujours loisible de
jouer des personnages distincts de son sexe biologique. Aux débuts du
théâtre chinois, il semble que des courtisanes de renom aient été à la tête
de petites troupes, de structure familiale : sur une peinture murale très
célèbre, car elle met en scène une troupe de théâtre à l’époque des Yuan,
l’inscription note qu’il s’agit de la troupe de « la Belle de Zhongdu
忠都秀 », type de pseudonyme connu pour être porté par des
courtisanes ; le personnage principal, masculin, semble en effet être
incarné par une femme, probablement la courtisane en personne16.
Aux côtés des troupes indépendantes existaient nombre de troupes
privées : des musiciens et danseurs faisaient partie de la domesticité du
palais impérial depuis les temps les plus anciens. À compter du
e
XVI siècle, pendant l’âge d’or du théâtre lettré, il devint de bon ton pour
un riche lettré de posséder une troupe privée dont les membres, jeunes
serviteurs des deux sexes, servaient à le distraire et à le charmer lui et
16
On trouvera une reproduction de cette peinture dans Pimpaneau, Promenade, p. 31.
Le fantôme d’une belle 103
17
Sur les troupes privées de lettrés-fonctionnaires sous les Ming, voir notamment Shen
Grant Guangren, 2005. Il existe une synthèse en chinois sur l’histoire des troupes
privées : Zhang Faying, 2002.
18
Sur les damoiseaux et leur vogue, voir Darrobers, 1998 : 315-374.
104 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
19
Pour un stimulant voyage dans le monde du théâtre traditionnel amateur ou
indépendant au tournant du XXIe siècle, voir le livre de l’anthropologue Catherine
Capdeville, Le Théâtre dans l’espace du peuple : une enquête de terrain. Si la
parution de la version française devrait intervenir dans un proche avenir, seule la
traduction chinoise est à présent disponible : Zhuang Xuechan (C. Capdeville) et
Zeng Nian, 2009.
Le fantôme d’une belle 105
24
Pour le nord, on peut par exemple citer le saixi de Handan (Hebei) ; au Yunnan, le
« théâtre de Guan Suo 關索戲 », actuellement étudié par l’anthropologue Sylvie
Beaud (Paris X). Ce ne sont que deux exemples parmi bien d’autres.
Le fantôme d’une belle 107
25
Nous avons la chance de disposer de la traduction française de plusieurs d’entre eux :
Coyaud, 1975.
26
On les rencontre ainsi dans des lieux aussi distants les uns des autres que Taiwan
(Sutton, 2003 : 155-156), le Shanxi (Jonhson, 2009 : 84-87), ou encore le Guangdong
avec les yinggewu.
27
Shi Nai-an et Luo Guan-zhong, 1978 ; une version abrégée a été publiée dans la
collection Folio.
108 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
nels, dont l’art a été très anciennement formalisé en Chine. Depuis leur
origine commune aux XIIe et XIIIe siècles, théâtre et roman en langue
vulgaire ont, dans une très large mesure, continué de reprendre les
mêmes intrigues.
La tragique histoire de la jeune Yan Poxi 閻婆惜 occupe une posi-
tion charnière au début de l’histoire d’Au bord de l’eau : elle est en effet
celle par qui le malheur arrive à Song Jiang 松江, le futur chef de la
bande des brigands. Le meurtre qu’il a commis contraindra le vertueux
mais prudent employé d’administration locale qu’il était jusqu’alors à
entrer dans la clandestinité, lui permettant de prendre par la suite la tête
des rebelles. En voici en résumé l’argument, tel qu’il figure aux cha-
pitres XX et XXI du roman (Shi Nai-an et Luo Guan-zhong, 1978 : I,
434-465) : orpheline de père, Yan Poxi devient la concubine de Song
Jiang, lequel, à moitié par plaisir et à moitié par altruisme, entretient la
jeune femme et sa mère dans une maison où il leur rend épisodiquement
visite. Las, Yan Poxi s’amourache du subordonné de Song Jiang, Zhang
Sanlang 张三郎, avec lequel elle a une liaison. Song Jiang, ayant eu
vent de l’affaire, évite désormais la jeune femme. Craignant de perdre le
protecteur qui est leur seule source de subsistance, la mère de Yan Poxi
tente de le réconcilier avec sa fille en insistant pour que Song Jiang
passe une nuit entière en sa compagnie. Song Jiang et Yan Poxi,
contraints et forcés par la vieille, demeurent de longues heures silen-
cieux dans la chambre de cette dernière sans se rapprocher le moins du
monde. Au matin, Song Jiang s’en va, perdant sans s’en apercevoir un
sac contenant deux objets dangereusement compromettants : une lettre
et une somme d’argent qui lui ont été remises par Chao Gai 晁盖,
premier chef des Bords de l’eau. Yan Poxi lit la lettre, et, comme Song
Jiang paniqué revient la supplier de la lui remettre, elle s’en sert pour lui
extorquer une lettre de répudiation qui lui permettra d’épouser Zhang
Sanlang. Song Jiang s’exécute, mais Yan Poxi, voulant pousser son
avantage, essaie à nouveau de le faire chanter. Fou de rage, Song Jiang
la tue à coups de couteau et s’enfuit.
La pièce d’opéra de Pékin correspondant à cet épisode, intitulée « [la
nuit passée] assis à l’étage et le meurtre de Poxi » (Zuo lou sha Xi
坐楼杀惜), conte sensiblement la même histoire, mais, dans le roman, le
personnage-clef du drame est la cupide mère Yan, dont le redoutable
verbe de commère28, coulant de façon quasi ininterrompue, oblige Song
Jiang à la suivre, fait taire les contradicteurs et mate les résistances de sa
fille, engageant malgré elle les protagonistes dans leur tête-à-tête fatal.
28
Sur les personnages de commères dans la Chine impériale des derniers siècles, on
peut se reporter au livre de Cass, 1999 : 47-64.
Le fantôme d’une belle 109
La pièce de jingju, que je vais ici décrire dans la version jouée par la
dan Tong Zhiling 童芷苓 (1922-1995, Yan Poxi) et le laosheng Li
Mingsheng 李鸣盛 (1926-2002, Song Jiang)29, change radicalement le
mode narratif : la vieille se fait plus que discrète, n’intervenant qu’au
début et à la fin, et le récit repose désormais entièrement sur le face à
face des amants brouillés. Pour la mise en scène de cet épisode sans
grand échange de discours, le chant aura moins d’importance que le
dialogue et surtout le mime, car les éléments spatiaux, notamment
l’escalier menant à l’étage et la chambre de la fille, qui y est située,
deviennent des éléments essentiels de l’action. Or, sans autre décor que
la table et les deux chaises traditionnelles, ils n’existent que par le
truchement du mime des acteurs. L’escalier sera ainsi gravi et descendu
pas moins de sept fois, depuis le moment où Poxi se précipite en bas,
tout à sa joie, car elle croit rejoindre Zhang Sanlang, jusqu’au moment
où le meurtrier, poursuivi par la vieille, tente de prendre la fuite.
Le climax de toute la scène est le cinquième passage de l’escalier
lorsque Song Jiang, son crime accompli, descend les degrés en titubant
comme un homme ivre, sa barbe postiche voltigeant autour de son
visage hagard, avant de s’effondrer sur le sol du rez-de-chaussée : c’est
un des moments où le public applaudit la prouesse du comédien.
Un autre élément important recréé par le mime est l’ouverture et la
fermeture de la porte de la chambre de la jeune fille. Dans un détail
absent du roman, la vieille a en effet enfermé le couple brouillé dans la
chambre ; c’est en en forçant le verrou, le matin venu, que Song Jiang
perd le sac contenant la lettre compromettante [figure 32]. Lorsqu’il
revient, fou d’inquiétude, la perte constatée, il répétera chacun de ses
gestes de la veille, dans un désarroi et une colère croissants, jusqu’à ce
qu’il comprenne que Poxi qui feint de dormir n’a pu que trouver et
cacher la lettre.
La scène est tout entière bâtie autour de la montée de la colère de
Song Jiang, attisée par les minauderies méprisantes de Poxi. Lors de la
nuit qu’ils ont été contraints de passer ensemble, les amants brouillés
n’ont pas eu de contact direct. S’éveillant et s’endormant tour à tour, ils
ont tous deux chanté un couplet de la « chanson des cinq veilles de la
nuit » à l’adresse de l’autre endormi, exprimant successivement la
nostalgie de la tendresse passée, puis la colère meurtrière et le dégoût
qu’ils éprouvent désormais. Au moment où ils se font finalement face, et
29
La représentation, non datée, doit d’après l’âge apparent des acteurs avoir été
enregistrée entre 1985 et 1990 environ. Zhongguo xiqu jingdian : jingju « sha Xi »
中國戲曲經典,京劇:殺惜 (Classiques du théâtre chanté chinois : opéra de Pékin, « le
meurtre de Yan Poxi »), VCD, Shanghai shengxiang chubanshe, 1998.
110 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
que Poxi exerce son chantage, le rythme s’accélère pour mener cres-
cendo à l’instant du crime.
Dans le roman, Song Jiang acceptait sans hésiter les conditions de la
fille, qui demandait à conserver ses possessions tout en recevant la
permission d’épouser son amant : le meurtre n’intervenait que parce que
Song Jiang se trouvait face à une exigence à laquelle il ne pouvait plus
répondre30. Dans la pièce au contraire, Song Jiang refuse tout d’abord
avec rage chacune des conditions chaque fois plus humiliantes posées
par la jeune femme. Celle-ci, à chaque fois, lui répète alors :
– Tu ne veux pas ?
– Je ne veux pas !
– Alors je dois prendre congé !
– Où vas-tu ?
– Dormir en bas !
– Attends !
Ce dialogue en forme de refrain scande la montée de l’humiliation et
de la haine de Song Jiang, qui doit à chaque fois se plier à de nouvelles
demandes de la concubine. Finalement, Poxi, dont le mépris et la colère
n’ont fait parallèlement que croître, soufflette Song Jiang. Depuis
l’orchestre, le percussionniste ponctue la gifle d’un coup de cymbale,
lançant la séquence rythmique rapide dite pudeng’e 撲燈蛾 qui soutien-
dra l’action jusqu’au seuil du meurtre. Arrivé à ce moment, le rythme se
ralentit de nouveau. À ce moment, comme le petit Chaperon rouge face
au loup, Poxi demande à Song Jiang qui l’a empoignée :
– Vas-tu me frapper ?
– Je… je ne vais pas te frapper.
– Vas-tu m’insulter ?
– Je… je… je ne vais pas t’insulter.
– Si tu ne vas ni me frapper ni m’insulter, alors tu vas me tuer !
– Je… je… je… je vais te tuer !,
dit alors Song Jiang, dans la main duquel jaillit le couteau. Les deux
acteurs ont alors le talent de jouer le meurtre lui-même de façon parfai-
tement réaliste pour en mieux marquer la violence, Song Jiang fouillant
le corps inanimé, déchirant la lettre et essuyant même la lame sur les
habits de sa victime. Le comédien ne reprend qu’alors les tremblements
stylisés de barbe et de manches par lesquels il traduit le désarroi de son
personnage.
Cette orchestration implacable de la montée vers le meurtre fait de
cette scène une véritable petite sonate de haine et de folie. Elle laisse
30
Poxi lui demande une somme d’argent qu’elle croit qu’il détient, alors qu’il s’en est
déjà défait.
Le fantôme d’une belle 111
32
Voir le sévère jugement de Fu Xihua, 1985 : 6-10. On trouvera le texte chinois
intégral du Shuihu ji de Xu p. 231-297 du même ouvrage (p. 293-295 pour la scène
de Huozhuo).
33
Sur Wu Xingguo, voir Quillet 2011.
Le fantôme d’une belle 115
tueux décor, dont la toile de fond traduisait la violence de l’action via les
caractères emportés de la calligraphie de cursive dite « folle » d’époque
Song. Un des traits les plus remarquables de cette mise en scène était
que, face à Yan Poxi, le même Wu Xingguo tenait les rôles du sombre et
vertueux Song Jiang et du futile et débauché Zhang Sanlang, portant par
son jeu les deux faces, peu reluisantes, de la virilité chinoise telle que les
met en scène le répertoire traditionnel. Cette pièce succédait de quelques
années à la série télévisée adaptant le Shuihuzhuan, qui, bien que dé-
pourvue de l’épisode fantomatique, s’attachait également à décrire avec
compassion le malheureux sort de la concubine du chef des Bords de
l’eau. Bref, en ces premières années du XXIe siècle, la réhabilitation de
Yan Poxi et de son fantôme est en passe d’être achevée.
Conclusion
Peut-on comparer le théâtre chanté contemporain au fantôme de la
belle Poxi, condamné à de belles mais fugaces apparitions ? Que de-
meure-t-il en fait de l’art subtil du xiqu en ce début des années 2010 ?
Quelles sont ses perspectives ?
Si l’on fait l’inventaire des lieux où l’on peut en voir dans la Chine
d’aujourd’hui, on reste quelque peu songeur : dans les grandes villes, les
théâtres spécialisés où on le jouait, il y a encore deux décennies, ont
pour la plupart disparu. Certes, de grands théâtres de villes importantes
consacrent encore aujourd’hui des soirées au xiqu, mais le temps où
elles étaient quotidiennes est révolu. La vieille forme de représentation
du zhezixi a connu un sort particulier en étant adaptée au tourisme :
stupidement convaincus qu’un Occidental ne saurait supporter plus
d’une demi-seconde la voix de fausset de certains des emplois tradition-
nels, leurs promoteurs servent aux touristes, dans des théâtres situés
parfois dans de grands hôtels comme à Pékin, des représentations exclu-
sivement composées de scènes acrobatiques. Au Sichuan, l’art du chan-
gement ultra-rapide de masques faciaux souples (une des formes des
bianlian, les changements de maquillage effectués en scène) a pareille-
ment été extrait des intrigues où il figurait pour faire partie de numéros
de music-hall. Si un certain nombre de comédiens peuvent exercer
pleinement leur art, d’autres se sont ainsi donc vus transformer en
simples artistes de cirque.
En revanche, des formes dramatiques qui avaient été réprimées pen-
dant une bonne partie du XXe siècle ont réapparu : c’est le cas des pièces
religieuses qui avaient été pourchassées comme « superstitieuses » par
le régime communiste, et qu’on ne voyait plus parfois pour certaines
d’entre elles depuis l’époque républicaine (1912-1949). Elles ont pu être
étudiées par les chercheurs, et l’on doit notamment citer le magnifique
travail d’inventaire et de recherche ethnographique conduit par le pro-
116 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
34
Wang Qiugui 王秋桂 (dir.). Minsu quyi congshu 民俗曲藝叢書 (« Collection des
arts dramatiques folkloriques »). Taibei : Shi Hezheng jijinhui. Comme son titre ne
l’indique pas, cette collection, qui compte aujourd’hui plus de 80 volumes parus,
mêle éditions de livrets de théâtre rituel de toutes les provinces de Chine et
monographies les étudiant. Une source essentielle pour appréhender le rôle religieux
du théâtre chinois. On trouvera une analyse critique de la collection dans son
ensemble ainsi que de plusieurs de ses volumes en anglais dans l’ouvrage dirigé par
Overmyer et Chao, 2002.
35
Voir notamment Feng Junjie, 2002, ou Che Wenming, 2001. Ces nouvelles données
archéologiques poussent des chercheurs comme David Johnson à faire l’hypothèse
que le théâtre rural a pu exister sous des formes déjà développées dès le XIe siècle.
Johnson, 2009 : 149-155. Ce ne serait en effet pas la première fois que des données
archéologiques révèleraient l’existence de genres populaires ignorés par les écrits des
lettrés : c’est ainsi la découverte de la grotte aux manuscrits de Dunhuang qui a
révélé l’existence des chantefables médiévales appelées bianwen 變文.
36
Zhongguo nuo wenhua wang 中國儺文化網站 (web de la culture nuo en Chine),
URL : http://www.nuoxi.com/ (site en chinois).
37
Voir le site http://www.ihchina.cn/inc/guojiaminglu.jsp (consulté le 16/08/2012, en
chinois).
Le fantôme d’une belle 117
Bibliographie
Beaud, Sylvie, Le Répertoire du Guan Suo xi, théâtre rituel des Hans de
Yangzong (Yunnan), essai de traduction annotée et commentée, mémoire de
maîtrise, INALCO, 2005.
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Columbia University Press, 1995.
Capdeville-Zeng, Catherine, « Espace et temporalité d’un rituel théâtral en
Chine : le Nuo du village de Shiyou (Jiangxi) », communication au
e
III Congrès du Réseau Asie, 26-27-28 septembre 2007, Paris, URL :
http://www.reseau-asie.com/.
Capdeville-Zeng, Catherine, compte-rendu de l’ouvrage de Zeng Zhigong,
Jiangxisheng Nanfeng Nuo wenhua (La culture Nuo de Nanfeng, province du
Jiangxi), 2005, in Annales : Histoire, Sciences sociales, 61, 6, 2006, p. 1505-
1508.
Cass, Victoria, Dangerous Women : Warriors, Grannies and Geisha of the
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Che Wenming 車文明, 20 shiji xiqu wenwu de faxian yu quxue yanjiu
(20世紀戲曲文物的發現與曲学學研究, Les découvertes de vestiges archéo-
logiques théâtraux au XXe siècle et les études sur l’art dramatique), Pékin,
Wenhua yishu, 2001.
Chu Kun-Liang, Les Aspects rituels du théâtre chinois, Paris, Institut des hautes
études chinoises, 1991.
118 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Corinne CONTINI-FLICKER et
NGUYEN Phuong Ngoc
Université Aix-Marseille
3
Les derniers concours mandarinaux eurent lieu en 1915 au Tonkin, et en 1919 en
Annam. Pour l’ensemble de l’Indochine française, le RGIP, Règlement Général de
l’Instruction Publique, fut adopté en 1917.
Le théâtre vietnamien 123
4
Sont représentées diverses scènes de l’Ancien Testament, de la Passion, de la
Résurrection du Sauveur, etc., qui se distinguaient par leur unité d’action. La
rhétorique était enseignée aux prêtres pour leur apprendre à faire les prêches. En
1880, Fautrat, un missionnaire français, publia à Ke So un précis de règles
fondamentales pour composer dans tous les genres littéraires (Sách tóm lại các mẹo
cho được làm các thứ văn bài).
5
On sait que certaines tuồng đạo, pièces sur des sujets religieux écrites en écriture
romanisée, étaient publiées à la fin du XIXe siècle et au début XXe siècle, mais
n’étaient pas connues en dehors de la communauté chrétienne.
6
Les arrivées massives d’Indochinois correspondent à des moments particuliers : les
tirailleurs pendant la Grande Guerre, et les « travailleurs indochinois » pendant la
Seconde Guerre mondiale.
124 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
7
Archives de la Résidence Supérieure au Tonkin : dossier RST, R 62, 44 835, 1930-
1931 : « Organisation de la saison théâtrale au Tonkin 1930-1931 », [184 p. + 24 p. +
20 p.], Archives nationales du Vietnam, Centre n° 1, Hanoi.
8
Procès verbal de la Commission théâtrale de la Ville de Hanoi, 5 avril 1930.
9
Lettre du 2 mai 1930, de Monsieur Tholance, Maire de la Ville de Hanoi, à Monsieur
le Résident Supérieur au Tonkin.
10
Avec, pour la saison 1930-1931, quatre pièces des maîtres du Boulevard parisien,
deux de Pierre Véber et deux de Louis Verneuil.
Le théâtre vietnamien 125
11
Inventaire de la Mairie de Hanoi, vol. D-F, série D 615 notamment, Archives
Nationales du Vietnam, Centre n° 1, Hanoi.
12
Nous avons pu assister, en 2000, à une soirée théâtrale organisée par d’anciennes
élèves d’une école de filles hanoïenne qui ont rejoué, avec beaucoup d’émotion, une
pièce qu’elles avaient elles-mêmes écrite et mise en scène.
126 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
C. Presse et édition
Le succès du théâtre parlé est lié étroitement au développement de la
presse et de l’édition au Vietnam. La revue Đông Dương tạp chí
(« Revue indochinoise », 1913-1919) publia les traductions réalisées par
Nguyễn Văn Vĩnh : Le Malade imaginaire, Le Bourgeois gentilhomme,
L’Avare, Tartuffe, ainsi que Turcaret de Lesage. Leur popularité fut
immense :
Ces traductions se répandent partout même dans les milieux populaires.
Nous avons trouvé nous-même que beaucoup de jeunes paysannes se pas-
sionnent pour les comédies de Molière bien qu’elles en soient souvent ré-
duites à épeler mot à mot le texte vietnamien qu’elles ne sont pas encore en
mesure de lire couramment (Dinh Xuan Nguyen 1961 : 98).
Phạm Quỳnh, directeur de l’influente revue Nam Phong (« Vent du
Sud », 1917-1934), accordait également une grande attention au théâtre,
mais dans une perspective différente. Il traduisit Pierre Corneille (Le Cid
en 1920, Horace en 1923) et écrivit en 1921 un article intitulé Khảo về
diễn kịch (« Essai sur l’art dramatique français »), bien connu des pre-
miers dramaturges vietnamiens.
D’autres auteurs s’attelèrent à la traduction d’œuvres théâtrales occi-
dentales. Vi Huyền Đắc traduisit Martine de Jean-Jacques Bernard en
1936, et Nguyễn Giang, journaliste et écrivain, Hernani de Victor Hugo
en 1939, ainsi que quelques pièces de Shakespeare à partir des traduc-
tions françaises (Le Songe d’une nuit d’été en 1937, Macbeth et Hamlet
en 1938). Le romancier Vũ Trọng Phụng traduisit Lucrèce Borgia de
Victor Hugo sous le titre de Tuer la mère (Giết mẹ).
La traduction intervient ici comme un apprentissage des techniques
d’écriture théâtrale, accompagné par la lecture d’auteurs français et
occidentaux. La Tasse de poison (Chén thuốc độc) de Vũ Đình Long est
ainsi une tragicomédie dans le genre des comédies de Nivelle de La
Chaussée décrivant les « mœurs du temps » en France au XVIIIe siècle
(Vũ Ngọc Phan, 1945 : 225). L’Estomac vide (Lòng rỗng không, 1933)
de Đoàn Phú Tứ est une adaptation de la pièce Le Professeur d’Henri
Duvernois, tandis que Jalousie (Ghen, 1937), du même auteur, est une
réécriture de la pièce du même titre de Sacha Guitry. Après 1945, Vũ
Đình Long a « vietnamisé » (Việt hóa) quelques œuvres françaises13.
13
Le Culte de la Patrie (Thờ nước, adaptation de la pièce Servir d’Henri Lavedan,
1947), La Princesse Ngoc Dung (Công tôn nữ Ngọc Dung, adaptation de
L’Aventurière d’Émile Augier, 1947), La Patrie par dessus tout (Tổ quốc trên hết,
adaptation d’Horace de Corneille, 1949), L’Héritage (Gia tài, adaptation du
Légataire universel de Régnard, 1958).
Le théâtre vietnamien 127
14
Le tuồng des lettrés, đồ signifiant « lettré ».
128 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
15
Cette pièce a été présentée les 5 et 6 mai 1928 à Hué au théâtre Xuân Kinh Đài, en
présence du Résident Supérieur de l’Annam et au profit de l’œuvre antituberculeuse,
par l’Amicale des fonctionnaires indigènes des résidences de l’Annam (Nguyễn Hữu
Vinh et Nguyễn Văn Sâm). Elle sera corrigée en 1935 et publiée en 1936. Trần Đình
Hượu et Lê Chí Dũng signalent qu’on voit apparaître, vers 1924, « quelques
adaptations de classiques français sur la scène de tuồng », mais sans donner de
détails.
Le théâtre vietnamien 129
16
Le théâtre parlé est désigné par le terme de « diễn kịch » chez Phạm Quỳnh, et par
celui de « thoại kịch » chez Phạm Thế Ngũ.
17
Notamment par un travail dans les archives (Archives nationales d’Outre-Mer,
Archives nationales du Vietnam) et dans les bibliothèques publiques ou privées.
130 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
A. Un temps de préparation
Avant la date du 22 octobre 1921, le temps était déjà au changement,
mais nous connaissons très peu de choses sur cette période. Il faut peut-
être rappeler l’existence de quelques pièces qui sont encore un assem-
blage de vers et de prose, mais qui mettent en scène l’histoire récente18.
On voit ainsi apparaître, pour la première fois, des Occidentaux et des
personnages historiques vietnamiens. Des dialogues publiés par Nguyễn
Duy Tốn dans la revue Đông Dương Tạp Chí peuvent être également
considérés comme l’ébauche d’une pièce de théâtre (Phạm Thế Ngũ,
1965 : 601). Avant 1920, des petites pièces ont été sans doute écrites ou
adaptées à partir d’œuvres françaises pour être mises en scène en milieu
urbain.
Un événement majeur a lieu en 1920 : Le Malade imaginaire de
Molière est joué pour la première fois en vietnamien le 25 avril au
théâtre municipal de Hanoi, à l’occasion de l’anniversaire de
l’importante association culturelle AFIMA (Khai trí tiến đức). Son
succès immédiat encourage les premiers auteurs vietnamiens à se lancer
dans une nouvelle aventure. La même année voit paraître deux pièces
mettant en scène la société contemporaine ainsi que la première troupe
théâtrale Uẩn Hoa.
B. La période d’apprentissage (1921-1930)
Ces « répétitions générales » ont permis la représentation de la pièce
La Tasse de poison au théâtre municipal de Hanoi, haut lieu de la
culture française, le 22 octobre 1921. Elle met en scène une famille dont
les membres souffrent des vices de la vie moderne ; la fin tragique est
évitée de justesse par l’arrivée miraculeuse d’un mandat postal qui
permet de régler les dettes accumulées. Vũ Đình Long (1896-1960) s’est
immédiatement imposé comme le pionnier du théâtre vietnamien. Il écrit
en 1923 une autre pièce importante, Le Tribunal de la conscience (Tòa
án lương tâm), qui raconte l’histoire d’un crime parfait : torturé par sa
conscience, l’assassin (un Chinois) tue finalement sa maîtresse (une
institutrice) avant de se suicider. Pour la première fois, le crime,
l’adultère, l’assassinat et le suicide sont représentés sur scène. Après ces
deux œuvres pionnières, Vũ Đình Long reste silencieux pendant une
vingtaine d’années (à l’exception d’une pièce mineure), avant d’écrire
18
Autour de 1913, le mandarin Hoàng Cao Khải (1850-1933) publie deux tragédies
dont L’Amitié franco-annamite (Tây Nam Đắc Bằng) racontant les relations entre les
deux pays au début du XIXe siècle et l’amitié de Mgr Pigneau de Béhaine et du roi
Gia Long (1802-1820). Nguyễn Hữu Tiến (1875-1941) écrit, vers 1916, une tragédie
racontant les amours de deux personnages historiques vivant au XVIIIe siècle.
Le théâtre vietnamien 131
20
À l’exception de Phạm Thế Ngũ qui juge que dans Kim Tiền le changement de
comportement de l’écrivain qui a décidé de devenir riche n’est pas bien amené et que
la révolte ouvrière n’est pas crédible (Phạm Thế Ngũ, 1965 : 603-605).
Le théâtre vietnamien 133
vẽ). Vũ Trọng Can, l’un des piliers de la revue Tiểu thuyết thứ năm
(« Le Roman du jeudi »), écrit plusieurs pièces, dont Le Souci de
l’argent (Cái vạ đồng tiền), mises en scène par la troupe Bắc Kỳ Kịch
Đoàn. On adapte également des romans importants, comme Printemps
inachevé (Nửa chừng xuân) de Khái Hưng et Rupture (Đoạn tuyệt) de
Nhất Linh.
Il semble qu’au cours des années 1930, le milieu littéraire commence
à se préoccuper du développement du théâtre. En 1936, au moment où la
Nouvelle Poésie (Thơ Mới) et le roman sont déjà au sommet de la
nouvelle littérature, le grand poète Thế Lữ lance cet appel :
La littérature, la poésie, la peinture, la musique et le théâtre sont des arts
aussi nobles les uns que les autres. Pourquoi donc le théâtre souffre-t-il de
ce dédain, alors que la poésie et la littérature officient sur la marche la plus
haute ? Il nous faut de nouvelles œuvres écrites par de nouveaux auteurs qui
sont de véritables artistes (cité par Phan Trọng Thưởng, 1996 : 80).
L’apparition des pièces de théâtre en vers (kịch thơ) dans les années
1940 peut être considérée comme une réponse à cet appel. Le poète Huy
Thông s’est essayé le premier à cette expérience. Ses premières œuvres
sont sans doute trop difficiles pour être jouées ; « cependant, il semble
qu’elles ont eu une certaine influence et indiqué le chemin à suivre à
d’autres dramaturges » (Lê Thanh, 1944 : 4). Entre 1940 et 1945, un
grand nombre de pièces en vers sont publiées, dont certaines sont mises
en scène. La revue Tri Tân (« Étudier le passé pour connaître l’avenir »,
1941-1945)21 édite des pièces qui paraissent dans plusieurs numéros,
ainsi que des comptes rendus et des critiques sur le théâtre. Le dépouil-
lement de Tri Tân donne un corpus de huit pièces en vers22, dont la
moitié de la plume de Phan Khắc Khoan. Lưu Quang Thuận publie par
ailleurs plusieurs autres pièces en vers. Le poète Lưu Trọng Lư est
également présent avec une pièce écrite en 1942. Un autre poète, Vũ
Hòang Chương, écrit Vân Muội présentée en 1942 au théâtre municipal
de Hanoi, Trương Chi et Hồng Điệp en 1944, trois œuvres ayant pour
titre le nom des personnages éponymes. Le succès du théâtre en vers
semble indiquer une orientation que le théâtre vietnamien aurait pu
21
La collection complète a été rééditée sous la forme de CD-Rom par les soins de
l’École française d’Extrême-Orient à Hanoi en 2009.
22
Les pièces de Phan Khắc Khoan sont : Lý Chiêu Hòang, Trần Can et Phạm Thái, qui
tirent leur titre de leur personnage principal ; Phạm Thái, inspiré du roman Le
Chevalier du Mont Tiêu (Tiêu Sơn tráng sĩ) de Khái Hưng ; Le Roi Lê Chiêu Thống
(Vua Lê Chiêu Thống), pièce courte qui développe une partie de Phạm Thái.
Ajoutons : Ngũ Tử Tư de Xuyên Hồ, Nguyễn Hòang de Tân Phương, La Bataille où
périt Liễu Thăng (Trận giết Liễu Thăng) de Đỗ Hòang Lạc, et Femme Renarde (Yêu
Ly) de Lưu Quang Thuận.
134 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
23
L’idée que le théâtre peut être une arme est mise en pratique dans d’autres
circonstances, y compris dans les prisons coloniales (Phan Trọng Thưởng, 1996). Ce
sujet qui ne contribue pas au développement du théâtre professionnel sort du cadre de
cette étude.
24
La première œuvre écrite par un Vietnamien en français semble être une comédie en
vers composée par Kỳ Đồng (1875-1929) en 1898 sous le titre Les Amours d’un
vieux peintre aux Marquises qui raconte l’histoire de Gauguin, ami de l’auteur (Phan
Kế Hoành et Huỳnh Lý, 1978 : 27). Un autre auteur francophone est le futur Ho Chi
Minh qui écrivit en 1922 une pièce satirique intitulée Le Dragon de bambou, dont le
texte ne nous est pas parvenu. Plus tard, Phạm Văn Ký (1916-1992) composa des
pièces de théâtre sans doute après 1945. Ses manuscrits et ses textes dramatiques,
écrits pour la radio et la télévision, sont conservés à la BnF, département des arts du
spectacle, à Paris.
25
Il a reçu le Grand Diplôme d’honneur de l’académie des Jeux floraux de Nice pour
cette pièce.
Le théâtre vietnamien 135
On voit ainsi que le théâtre, par les thèmes qu’il traite, peut servir
d’indicateur pour saisir les transformations sociales. Les comédies26, par
exemple, ont une fonction critique. Dans la pièce très connue Le Fran-
çais annamite (Ông Tây Annam) de Nam Xương, un intellectuel oublie
complètement la langue vietnamienne après quelques années d’études en
France et parle à son père par l’intermédiaire d’un interprète. Dans les
années 1930, le fossé qui sépare la jeune génération de l’ancienne ne
cesse de se creuser. Comme on l’a vu plus haut, les interrogations sur la
famille, la femme et l’amour sont autant de prétextes à une remise en
cause de l’ancienne structure sociale devenue anachronique. De même,
certains auteurs s’intéressent plus particulièrement à un sujet précis.
Đòan Ân et Phạm Ngọc Khôi attaquent ainsi les fonctionnaires, et Lê
Công Đắc conseille aux femmes « modernes » de s’occuper de leurs
foyers (Trần Đình Hượu et Lê Chí Dũng, 1988 : 342-343).
D. Le théâtre comme métier
La richesse de la période 1930-1945 permet au théâtre parlé
d’envisager son organisation d’une façon plus professionnelle. Il faut en
premier lieu souligner que le nouveau théâtre parlé et le théâtre tradi-
tionnel n’abordent pas le texte de la même façon. En effet, une pièce de
théâtre parlé, généralement publiée sur un support imprimé avant d’être
mise en scène, introduit la notion d’œuvre littéraire qui doit être respec-
tée « à la lettre » par le metteur en scène et les acteurs : « Les paroles et
les gestes ne sont plus laissés à leurs caprices, mais bien déterminés par
les techniques de la mise en scène » (Dinh Xuan Nguyen, 1961 : 144).
On voit ainsi apparaître la figure de l’auteur dramatique dans la société
vietnamienne.
Si le théâtre traditionnel était une activité semi-professionnelle (le
chèo était le plus souvent joué par des paysans pendant les périodes
creuses des travaux des champs, alors que le tuồng exigeait une forma-
tion minimale), le théâtre parlé semblait n’avoir aucun besoin de forma-
tion, les personnages étant vêtus en habits quotidiens et parlant comme
dans la vie de tous les jours. Les premiers acteurs étaient le plus souvent
issus du milieu littéraire et intellectuel. Dans le Malade imaginaire, le
traducteur Nguyễn Văn Vĩnh joue lui-même le rôle du médecin
Diafoirus (Lang Ế en vietnamien). Le poète Thế Lữ s’est rendu célèbre
en incarnant le rôle principal du secrétaire malicieux dans Le Secrétaire
Cóp. Dans Vân Muội, du nom de l’héroïne, l’auteur Vũ Hòang Chương
26
Le théâtre de divertissement fleurissait à cette époque : « Beaucoup de drames et de
romans ne sont que des adaptations ou des transpositions de scènes de cinéma.
L’influence cinématographique fait apparaître, sur la scène, des canons, des chars
d’assaut même » (Dinh Xuan Nguyen, 1961 : 143).
136 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
(Nguyen Van Ky, 1995 : 173). Au début du roman Partir (Thoát ly),
Khái Hưng met en scène une jeune fille qui revient à Hanoi cinq ans
après avoir quitté l’école et découvre le théâtre : « Ce qui l’étonne le
plus, c’est que les rôles sont trop osés. Les comédiens se parlent et se
câlinent comme s’ils étaient tous seuls » (Khái Hưng, 1967 : 19).
Les débuts du théâtre parlé supposent donc une formation des comé-
diens et une éducation du public. Son succès grandissant montre qu’il
répond aux besoins du public avide de nouvelles pièces traitant des
sujets de la vie moderne. Le théâtre a en effet une grande capacité à
saisir les réalités de la société coloniale dont les mutations sont rapides,
tout en répondant aux besoins de divertissement d’un public citadin
imprégné de culture occidentale. On peut cependant noter un certain
point commun entre l’aspect moralisant du théâtre classique occidental
et les valeurs traditionnelles véhiculées par le tuồng et le chèo, ce qui
contribue sans doute à la réussite du théâtre de type occidental dans la
société vietnamienne :
Ainsi le théâtre parlé occidental, en s’intégrant dans la littérature vietna-
mienne, s’est transformé au contact de la tradition théâtrale vietnamienne,
de la culture et des expériences artistiques des auteurs, ainsi que des habi-
tudes et des pratiques de loisir culturel de la population (Trần Đình Hượu et
Lê Chí Dũng, 1988 : 348).
En résumé, on peut dire qu’en moins de trente ans, le théâtre vietna-
mien parcourt le chemin de l’évolution que le théâtre français a mis plus
de trois siècles à réaliser.
En guise de conclusion
Dans la première moitié du XXe siècle, le contact avec le théâtre oc-
cidental a provoqué des changements profonds dans le paysage théâtral
du Vietnam. Les formes traditionnelles du tuồng et du chèo ont tenté des
expériences pour s’adapter à l’évolution de la société et du public, mais
ont dû revenir au répertoire classique. La création du cải lương sur la
base des chants et des danses du Sud est, en revanche, une réussite ; le
cải lương est devenu un genre indépendant dès les années 1920 et a
conquis un large public. Le théâtre parlé (kịch nói) s’impose progressi-
vement et gagne sa place parmi les genres littéraires dans les années
1930-1940. Son introduction réussie se situe dans une relation de
complémentarité avec les formes théâtrales traditionnelles, à la diffé-
rence de la Nouvelle Poésie qui avait besoin de faire table rase du passé.
Dans le Vietnam contemporain, le théâtre parlé vit actuellement une
période de tous les possibles. Après une renaissance dans les années
1980 avec l’œuvre de Lưu Quang Vũ (1948-1988) disparu prématuré-
ment, on peut espérer aujourd’hui voir paraître de nouvelles œuvres et
138 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
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Jeu théâtral et acte rituel
chez les Néwar du Népal
Une introduction au théâtre néwar
Gérard TOFFIN
1
En népali, nâtak désigne plus spécifiquement le théâtre (dialogué). Cependant, le mot
népali nâc (« danse »), s’applique également à de nombreuses performances dans
lesquelles l’élément théâtral domine. Voir la note 5 pour d’autres précisions
terminologiques.
142 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
Les Néwar (Nevâh) constituent une minorité ethnique d’environ 1,6 million de
personnes au Népal (5, 2 % de la population du pays), principalement concentrées
dans la vallée de Katmandou. C’est l’une des ethnies les plus brillantes du Népal en
matière littéraire et artistique. Les Néwar pratiquent l’hindouisme ainsi que le
bouddhisme Mahâyana et Theravâda. Ils se considèrent aujourd’hui comme la
population autochtone, âdivâsî, de la vallée de Katmandou. Leur langue, le néwari
(ci-après néw.) ou Nepâ Bhâshâ, appartient au groupe tibéto-birman, mais est
fortement influencé par le sanskrit et les langues indiennes plus récentes. Dans le
texte, l’abréviation (nép.) désigne le népali. Je tiens à remercier Shova et Raju
Shakya (Lalitpur) pour l’aide qu’ils m’ont apportée durant l’enquête de terrain.
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 143
3
Dans certains cas, ce théâtre avait un fonds religieux. On m’a cité des cas de jyâpu
pyâkhã basés sur des Jâtaka, histoires bouddhistes relatant les vies antérieures du
Bouddha.
4
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans cet ouvrage.
144 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
I. L’espace géographique,
social et religieux de la performance
Le théâtre est une expression majeure de la culture néwar dans la
vallée de Katmandou. Aujourd’hui, toutes les villes historiques, à
commencer par Lalitpur (Yela en néwari), Bhaktapur (Khwapa) et
Katmandou (Yem), mais aussi Kirtipur (Kipû), Banepâ (Bhvãta),
Panautî (Panti), Pharping (Phãpi), Sânkhu (Sakva), ont leurs troupes de
danseurs et un répertoire spécifique. Peu de villages néwar en sont
dépourvus. Parmi les ensembles théâtraux villageois les plus importants
et les plus connus, citons Harasiddhi (Jala en néwari), Theco (Thecva),
Khokanâ (Khvaknâ), Bode (Bvade), Halcok, autrefois Pyângâon
(Svãgu). Les localités néwar des confins et des environs de la vallée de
Katmandou sont aussi connues pour leur théâtre, principalement reli-
gieux : Citlâng (Cilã), Dolakhâ (Dvâlkhâ), Makwânpur et même
Pokharâ. Une centaine de troupes est encore en activité aujourd’hui dans
un périmètre restreint (la vallée de Katmandou ne couvre que 550 km2).
Musique et théâtre dansé jouent de toute évidence un rôle central dans la
vieille civilisation de la vallée de Katmandou (Toffin, 1998, 2010). La
présence de très nombreuses estrades (dabû), spécifiquement réservées à
ces expressions théâtrales, dans les agglomérations néwar rurales et
urbaines, en témoigne.
Dans la plupart de ces localités, la troupe est attachée à un temple
spécifique dédié au culte d’un dieu ou d’une déesse. Les masques, les
costumes et les instruments de musique sont alors généralement conser-
vés dans le temple même de la divinité et les représentations étroitement
associées au cycle annuel des cérémonies célébrées en son honneur. La
troupe d’Harasiddhi (ou Harisiddhi) est ainsi liée au culte de la déesse
Harasiddhi Bhavanî (Jaladyah) dont le temple se dresse au milieu du
village, celle de Theco à celle des Nava Durgâ, celle des Putuvâr
d’Halcok à celle d’Halcok Bhairava (Savâhdyah), celle des Balâmi de
Pharping à la déesse Mahâlakshmî, etc. Les moments choisis pour la
représentation correspondent généralement aux fêtes de localité, cen-
trées sur la divinité protectrice de la localité. Dans certains cas cepen-
dant, la compagnie ne possède pas de lien exclusif avec un temple : ainsi
le kâttî pyâkhã de Lalitpur, le kum pyâkhã de Pyângâon, ainsi que la
plupart des troupes de la ville de Bhaktapur, à l’exclusion de celle des
Nava Durgâ. Ce second ensemble de théâtre se donne lui aussi au mo-
ment des fêtes ou lors de certaines dates importantes du calendrier
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 145
pièce dont elles se sont fait la spécialité. L’origine revient toujours à une
décision royale. Il s’agit soit d’enrayer une épidémie, soit de mettre fin à
une disette, à une sécheresse, ou de faire face à quelque situation dange-
reuse. La devî pyâkhã de Panauti aurait ainsi été établie pour apaiser une
démone cannibale, et la pièce kâttî pyâkhã de Lalitpur aurait été fondée
comme substitut à un sacrifice humain que le souverain se répugnait à
effectuer pour apaiser une divinité (Toffin, 2008). Les troupes de Nava
Durgâ ont, pour leur part, un lien direct avec les bonnes récoltes. Au-
trement dit, les raisons religieuses priment. À l’instar des fêtes et des
célébrations religieuses, les performances théâtrales visent principale-
ment à pacifier les dieux et assurer la prospérité du royaume. Certains
commentaires locaux évoquent aussi le souci d’instruire les gens du
peuple dans les choses de la religion, en exposant à tous la vie des
dieux.
La plupart de ces troupes avaient un lien direct ou indirect avec le
palais royal. L’importance de la royauté continue de se faire sentir de
nos jours, même si la monarchie népalaise a été abolie en 2008 et rem-
placée par une république démocratique et fédérale. Lors de la fête de
l’Indra Jâtrâ, dont j’ai montré ailleurs (Toffin, 2010) les liens avec le
vieux mythe d’origine du théâtre du traité Nâtyashâstra du théâtre et de
la danse de l’Inde ancienne, les principales troupes de théâtre doivent se
produire devant l’ancien palais royal, au centre de la vieille ville, avant
de présenter des spectacles ailleurs. Comme les autres grandes compa-
gnies de théâtre traditionnel, elles reçoivent, ou recevaient, jusqu’il y a
peu, des subsides officiels pour leur représentation. Le roi, responsable
de la prospérité de ses sujets, ne pouvait laisser aucune troupe sans
moyen d’exercer les fonctions religieuses qui lui étaient attribuées. En
revanche, de nombreuses petites troupes des confins de la vallée de
Katmandou ne semblent pas avoir bénéficié de tels avantages, ou en des
temps si anciens que la mémoire s’en est estompée.
IV. La performance
Généralement, ces pièces de théâtre n’ont rien de profane. Ce sont
des cérémonies religieuses mettant en jeu des dieux vivants. Les
spectateurs font des offrandes aux interprètes. Ils s’inclinent devant eux,
portant ensuite leur main à leur front. Ils tirent des mérites de ces gestes
et peuvent même en espérer une descendance masculine en cas de
stérilité ou la guérison d’une maladie. Les performances (néw. pyâkhã
hulegu) combinent danse, musique, parfois chant, et théâtre proprement
dit, c’est-à-dire une action dramatique guidée par la narration d’une
histoire. Comme dans la plupart des théâtres d’Asie, il est parfois
148 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
5
En népali toutefois, le mot nritya s’applique plus particulièrement à la danse et nâtak
au théâtre dramatique. Ces deux mots, dérivés du sanskrit, sont aussi employés en
néwari. Dans cette dernière langue, le syntagme pyâkhã luigu (danser) s’oppose à
pyâkhã mhitegu, jouer un drame ou la comédie.
6
La toile peinte faisant office de rideau est aussi appelée en néwari gãchi (Harasiddhi),
ou gâchigâ (Pharping).
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 149
7
Ces femmes sont appelées vratali (nép.), « les personnes ayant fait un vœu ». Pour
accomplir ce vœu, elles viennent faire des offrandes aux acteurs et à la divinité
principale de la troupe. Dans certaines localités, chaque maison doit faire des
offrandes à cette occasion.
150 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
V. Chorégraphie et musique
La chorégraphie s’inscrit dans l’espace de forme carrée (moins de
80 m2) que constitue l’estrade. Les danseurs/acteurs se déplacent selon
six directions principales : carrée (carkune), triangulaire (tinkune),
rectiligne (rekha), diagonale (carke), circulaire (golo) et enfin verticale
(upharne) lorsque l’interprète saute le plus haut qu’il peut. La scène est
organisée plus particulièrement sur la base d’un triangle virtuel dont la
pointe serait dirigée vers l’orchestre, généralement placé au sud. Les
acteurs empruntent le côté situé à droite de l’orchestre (lom), ils évo-
luent ensuite le long du chemin (mârga) placé au nord, du coin droit
(prakonâ) au coin gauche (duikonâ), puis ils reviennent sur leurs pas par
l’autre côté du triangle (pralom), situé à gauche des musiciens. Ils se
déplacent selon ces lignes invisibles et les coins de l’espace scénique.
Les gestes et les mouvements de danse sont répétés de chaque côté de la
scène de manière à ce que tous les spectateurs puissent les apprécier. Le
rideau est placé sur le côté opposé à celui où se tient l’orchestre. Pour
les maîtres de danse, pyâkhã guru, la scène symbolise l’univers et
incarne les forces cosmiques. Certains y voient deux triangles emboîtés
l’un dans l’autre, une figure symbolique majeure du tantrisme hindou
(Malla, 1982). La chorégraphie repose sur un certain nombre de pas,
palâh en néwari, dont il existe un répertoire limité. Le pas de
l’hirondelle, cakhumcâ palâh, qui imite le battement des ailes de
l’oiseau, est un des plus remarquables, de même que le lyâsi câka, un
mouvement circulaire autour d’un point central. On oppose le style
tândava, violent, attribué aux divinités et aux héros masculins, à celui
appelé lâsya incarnant la grâce féminine, réservé, lui, aux déesses. Les
interprètes dansent seuls, en duo, deux par deux, ou en groupe (jusqu’à
13 ou 14 personnes).
Tout en dansant, les acteurs font des gestes avec leurs mains, mudrâ,
accordés à la divinité incarnée et à l’action représentée. Ces positions
des mains et des doigts se retrouvent dans la statutaire et la peinture
religieuse hindoue et bouddhiste. Leur sens reste indéchiffrable aux
spectateurs locaux. Dès qu’un combat oppose dieux et démons, la
gestuelle s’accompagne de mouvements guerriers. Pour dramatiser
l’action, les danseurs utilisent alors des accessoires martiaux : coutelas,
épées, boucliers de petite taille. Cette chorégraphie laisse peu de place à
l’improvisation. Le maître de danse et de théâtre, pyâkhã guru, placé à
la tête de chaque troupe, a pour fonction principale de former les ac-
teurs, de distribuer les rôles et de se conformer en toutes choses à la
tradition. Il imprime le rythme avec des petites cymbales appelées tâh en
néwari. C’est l’héritier du nâtacârya de l’Inde classique.
Les interprètes sont vêtus de jupe, jâmâ, blanche ou d’une couleur
associée à la divinité représentée. Leurs blouses sont le plus souvent en
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 151
dans les diverses formes de théâtre indien. Elles sont d’un emploi cou-
rant, quoique restreint, dans les danses et le théâtre religieux néwar, et
elles constituent la règle dans le théâtre balâmi de la périphérie
(Pharping, Citlang, Thankot). Les daitya et autres démons sont presque
toujours figurés le visage découvert, avec une tiare comme unique
accessoire, bien que des exceptions existent [figure 44]. Nous sommes
ici près du tableau-vivant de personnages divins, jhânki (voir. infra), tel
qu’il existe en Inde du Nord lors les célébrations du Râm Lîlâ (« jeu de
la divinité Râm »).
X. Apprentissage
Les acteurs/danseurs sont formés soit dans la maison du maître de
danse/théâtre, soit dans une pièce ou un bâtiment spécial appelé généra-
lement âkhâh (chem) en néwari, dont on se sert aussi pour les enseigne-
ments musicaux. Le maître de danse, les chanteurs et les musiciens se
tiennent assis. Les acteurs, sans costume, exécutent leurs pas et leurs
mudra debout devant eux. L’apprentissage de la danse et du théâtre
(pyâkhã senigu) s’étend sur une période d’un à quatre mois. Il est entre-
coupé de nombreux rituels et sacrifices d’animaux que l’élève doit offrir
au dieu de la musique et de la danse Nâsahdyah. Le succès de la forma-
tion dépend autant de ce dieu que de l’instructeur. Les femmes ne
peuvent entrer dans cette pièce ou cette maison. On reconnaît l’aptitude
particulière, les dons, de telle ou telle nouvelle recrue. Ces acteurs/
danseurs sont distingués. Certains rôles importants, en rapport avec leur
physique, leur reviendront plus particulièrement. Les interprètes
apprennent leurs rôles et se produisent lors des performances théâtrales,
en plus des activités quotidiennes dont ils dépendent pour vivre. La
répartition, ou plus exactement la transmission, des rôles (néw. pâtah
pau ou pausâ tayegu) à l’intérieur du groupe se fait soit annuellement,
soit tous les douze ans.
Apprentissage et répétition se distinguent mal. Certaines troupes, ce-
pendant, organisent de véritables répétitions dans les jours et semaines
qui précédent la sortie (pikaygu) de la troupe et la performance théâtrale.
Le drame vishnouïte kâttî pyâkhã de Lalitpur utilise à cet effet la cour
dédiée à Nâsahdyah qui se trouve dans l’ancien palais royal Malla au
centre de la ville.
9
Les Gathu-Mâlâkâr ont quatre troupes de théâtre rituel dans la vallée de Katmandou :
deux liées à Nava Durgâ (Theco et Bhaktapur), une à Bhadrakâlî/Pacalî Bhairava
(Katmandou) et la dernière à Bâgh Bhairava (Kirtipur) (bhâgbhairav pyâkhã).
10
Pièce de tissu nouée autour de la taille et qui descend sur les jambes.
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 159
11
Des bâhthah pyâkha existent ou existaient aussi dans les villes de Dolakha, de
Katmandou, ainsi que dans la vallée de Citlang.
12
En népali, le mot jhânki désigne toute sorte d’effigie ou d’image, religieuse ou
profane.
13
On cite parfois le nom du roi Mahendra Malla (1560-1574) comme fondateur de ce
spectacle.
Jeu théâtral et acte rituel chez les Néwar du Népal 161
performances caryâ sont ainsi devenues très populaires dans les familles
de hautes castes bouddhistes, y compris parmi les jeunes filles [fi-
gure 47].
Bibliographie
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in Asian Performance is Nonduality in “Quintessence of Void” », TDR, 47, 3,
2003, p. 159-182.
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1963 (Bibliothèque de l’École pratique des hautes études, IVe section).
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Press (Jyestha Nâgarik-Nepal, Mãgalbajâr, Yela), 2009 (en néwari).
164 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Lyne BANSAT-BOUDON
1
L’affirmation d’Aristote est, plus exactement, que « la tragédie est issue des préludes
du dithyrambe », eux-mêmes de caractère narratif.
L’Inde et l’impératif théâtral 167
4
Nāṭyaśāstra XXXVII 9-10 (Nagaz, 1981-1984), traduit dans Bansat-Boudon,
2004 : 80-81. Voir également Bansat-Boudon, 1995 : 126.
5
Nāṭyaśāstra I 17 : jagrāha pāṭhyam r̥gvedāt sāmabhyo gītam eva ca/ yajurvedād
abhinayān rasān ātharvaṇād api//. Sur les rasa, « saveurs » ou « sentiments
esthétiques », voir infra.
L’Inde et l’impératif théâtral 171
6
La glose d’Abhinavagupta ad Nāṭyaśāstra I 17 fait explicitement un acteur de
l’officiant des rites magiques décrits dans l’Atharvaveda. De même, l’adhvaryu,
spécialiste du Yajurveda, et qui est l’officiant affecté à la partie gestuelle du rite
(manipulation de substances et d’objets, déplacements incessants qui le font
« cheminer » – d’où son nom, dérivé d’adhvan, le « chemin » – sur le terrain
sacrificiel) est-il implicitement comparé à l’acteur en représentation, celui qui déploie
les abhinaya ; voir Bansat-Boudon, 1996 : 170-171.
7
Voir infra.
172 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
8
Sur ces deux rites, et pour une interprétation qui s’écarte de celle de Kuiper (1979),
voir Bansat-Boudon, 1992 : 67-80 et 1995 : 123-126.
L’Inde et l’impératif théâtral 173
Bhāsa (si tant est qu’il soit légitime de le dater du IIe siècle de notre ère
et de lui attribuer les treize pièces de Trivandrum découvertes, en 1910,
par T. Gaṇapati Śāstri), plus brève, plus rapide et d’un style plus sobre
que les drames ultérieurs ou supposés tels.
Quoi qu’il en soit de ces lacunes, on peut avancer, sur la foi de
quelques données éparses dans les chroniques et les textes littéraires 11,
ou par hypothèse, à partir d’éléments de chronologie relative, que le
théâtre de l’Inde ancienne est à son apogée entre le IIe et le XIe siècle.
C’est dans cet espace de temps que sont composées les œuvres les plus
célèbres : les drames de Bhāsa, les trois pièces de Kālidāsa, Le Petit
Chariot de terre cuite, Le Rākṣasa au sceau (Mudrārākṣasa), les œuvres
de Harṣa et de Bhavabhūti, Les Tresses renouées (Veṇisaṃhāra), Le
Précieux Rāghava (Anargharāghava), Le Lever de lune de l’éveil [de la
connaissance] (Prabodhacandrodaya)12.
Le trait le plus saillant de ce théâtre, quelle que soit la date avérée ou
présumée de ses œuvres, est une grande homogénéité formelle et thé-
matique, qui n’est pas sans rappeler celle du théâtre occidental, à ceci
près que cette dernière est généralement contenue dans les limites
d’un siècle – le XVIIe siècle français, le théâtre élisabéthain – ou d’une
école – le drame romantique. La particularité indienne, en revanche,
tient à ce que la même unité caractérise le long âge d’or d’un théâtre qui
se déploie sur près de dix siècles.
Néanmoins, chaque œuvre est singulière, jusqu’à celles qui repren-
nent un canevas précédent13, par le point de vue adopté pour circonscrire
un sujet dans la masse des sources disponibles, par le style, la facture, le
rythme et l’économie de l’intrigue, le traitement psychologique d’un
personnage, l’usage d’un ressort dramatique original, ou l’invention
d’un motif, voire d’un épisode, absent, par exemple, de l’épopée dont la
pièce s’inspire. Ainsi l’acte III des Statues (Pratimānāṭaka), œuvre de
Bhāsa, met-il en scène une halte du prince Bharata, le plus jeune frère de
Rāma, dans un sanctuaire abritant les statues funéraires de ses ancêtres.
Scène qui, non seulement est sans équivalent dans le Rāmāyaṇa, mais
n’a pas de correspondant dans la réalité du culte des morts que nous font
connaître les textes, normatifs ou littéraires, de l’Inde ancienne
(Malamoud in Bansat-Boudon, 2006 : 1193-1197).
11
C’est ainsi que l’on peut dater Bhavabhūti du premier quart du VIIIe siècle ; voir
Bansat-Boudon, 2006 : 1404-1406.
12
Pour un panorama et une tentative d’« histoire » du théâtre de l’Inde ancienne, voir
Bansat-Boudon, 2006 : XX-XXVII. On trouvera la traduction de plusieurs des pièces
citées ici dans Bansat-Boudon, 2006.
13
Ainsi la Priyadarśikā de Harṣa reprend-elle le schéma de Mālavikāgnimitra, œuvre
de Kālidāsa.
L’Inde et l’impératif théâtral 175
14
Respectivement la « comédie de harem » et la « comédie de mœurs », si l’on essaie
de rapporter la typologie indienne à la nôtre. Sur les dix genres (daśarūpaka), voir
notamment Lévi, 1963 [1890] : 140-145 et Bansat-Boudon, 1994.
15
Ainsi Vikramorvasī transpose-t-elle au théâtre le mythe du vieil hymne dialogué de
R̥gveda X 95.
16
Traduction d’A. Pédraglio (1979). Voir également l’édition et la traduction récentes
du texte (Kapstein : 2009).
176 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
17
Nous avons pu parler de « topoi de jeu », tels que la cueillette des fleurs, la parure, la
descente du char, l’arrosage des arbres, etc. ; voir Bansat-Boudon, 1994a : 299-300.
18
Le « monologue » ou l’un des dix grands genres.
19
Voir infra.
L’Inde et l’impératif théâtral 177
20
L’adjonction de la nāṭikā à la liste, en principe close, des « dix genres » est un indice
de l’inflation générique qu’enregistreront les traités ultérieurs. Symétriquement, on
remarque la totale improductivité, à l’époque classique, de la moitié de ces « dix
genres » : l’aṅka, la vīthī, le ḍima, l’īhāmr̥ga et le samavakāra (Bansat-Boudon,
1992 : 36). Sur la liste indéfiniment ouverte des genres ultérieurs et « mineurs » que
sont les uparūpaka, voir Bansat-Boudon, 1994.
21
Voir le sommaire du Nāṭyaśāstra dans Bansat-Boudon, 1992 : 91-93, et le tableau
synoptique des éléments constitutifs du théâtre en 3e de couverture, sous forme de
dépliant.
22
Voir, notamment, Nāṭyaśāstra XIV 2a (où vāc désigne le texte dramatique) : vāci
yatnas tu kartavyo nāṭyasyeyaṃ tanuḥ smr̥tā/, « Mais il faut faire effort dans le
domaine du texte : celui-ci est considéré comme l’essence de la pièce », dans Bansat-
Boudon, 1992 : 128.
178 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
24
Abhinavagupta se fait l’écho d’exégètes qui proposent d’attribuer à un disciple de
Bharata les questions dont le texte est émaillé et certaines des réponses qui leur sont
faites ; voir Bansat-Boudon, 1992 : 86-87.
25
Abhinavabhāratī ad Nāṭyaśāstra I 1-5 (vol. I, p. 8) : […] mahāvākyātmanā
ṣaṭsahasrīrūpeṇa […] śāstreṇa tattvaṃ nirṇīyate, « L’essence [de l’art dramatique]
est exposée par ce traité qui consiste en une Grande phrase constituée de six mille
śloka. »
26
Abhinavabhāratī ad Nāṭyaśāstra VI 10 sqq. Pour le détail de son argumentation, voir
Bansat-Boudon, 1992 : 87-90.
180 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
des pièces écrites pour lui, à partir du IXe siècle, à plusieurs œuvres du
théâtre classique, avec une prédilection pour les drames de Bhāsa
(Bansat-Boudon, 2006 : XXV-XXVII). Ainsi, autre trait unique dans
l’histoire universelle du théâtre, le Kūṭiyāṭṭam donne-t-il à voir et à
entendre le théâtre le plus ancien, faisant sonner le sanskrit et les
prākrits du dialogue, et déployant les fastes d’un dispositif spectaculaire
décrit, pour l’essentiel, dans le Nāṭyaśāstra.
Respectueuse à bien des égards des codes anciens, l’esthétique de ces
formes tardives n’en est pas moins singulière, et l’on observe que, loin
d’être l’ultime chaînon de la tradition, le Kūṭiyāṭṭam, né au IXe siècle,
devient le modèle du Kathākaḷi. Apparu au XVIe siècle, le Kathākaḷi
s’efforcera à son tour de gagner son indépendance esthétique, en se
dotant d’un répertoire d’œuvres entièrement nouvelles, composées à son
usage.
Il y a donc bien une histoire du théâtre indien, mais celle du théâtre
classique, à son apogée entre le IIe et le XIe siècle, est comme suspendue.
C’est de ce théâtre-là et de ses caractéristiques formelles que nous
parlerons brièvement.
II. Poétique
L’« énigme de l’impératif théâtral », pour reprendre la formule de
Pierre Legendre, implique une double question : « Pourquoi et comment
le théâtre ? » L’Inde répond doublement au « Pourquoi ? » avec le
mythe d’origine qu’elle donne à l’art dramatique et la théorie esthétique
qu’elle construit à partir de l’expérience du spectateur.
Aux origines du théâtre, le désordre ; celui qu’ont progressivement
installé la désagrégation du savoir, l’oubli des règles, la dissolution des
mœurs, la corruption des sacrifices. Alarmés, les dieux tentent d’y
remédier en créant un nouvel objet, capable d’instruire par le biais du
plaisir. Ils demandent à Brahmā de créer un « objet de jeu à voir et à
entendre », qui, se substituant à l’austère enseignement des Veda et des
traités, sera destiné à l’édification d’une humanité dégradée et dissolue27.
Ainsi naît le théâtre, que les dieux, séduits, font d’abord mine de se
réserver.
27
Nāṭyaśāstra I, 11-12 : mahendrapramukhair devair uktaḥ kila pitāmahaḥ/
krīḍānīyakam icchāmo dr̥śyaṃ śravyaṃ ca yad bhavet// na vedavyavahāro ’yaṃ
saṃśrāvyaḥ śūdrajātiṣu/ tasmāt sr̥jāparaṃ vedaṃ pañcamaṃ sārvavarṇikam//,
« Conduits par le grand Indra, les dieux, comme on sait, s’adressèrent à Pitāmaha :
“Nous voulons quelque chose qui soit objet de jeu (krīḍanīyaka), quelque chose qui
soit à voir et à entendre. Pour ces générations de śūdra, la pratique des Veda ne peut
faire l’objet d’une transmission orale. Émets donc un nouveau et cinquième Veda
destiné à toutes les classes”. »
L’Inde et l’impératif théâtral 181
28
Notons toutefois, mais c’est encore une convention, que la reine parle le sanskrit
quand elle doit traiter de ces sujets élevés que sont la guerre et la paix, l’astronomie,
la science des auspices et l’art poétique ; voir Bansat-Boudon, 1992 : 166-168, et
Bansat-Boudon, 2006 : XXXIII.
L’Inde et l’impératif théâtral 183
29
Voir les règles du sāmānyābhinaya dans Bansat-Boudon, 1992 : 341-387.
30
Nāṭyaśāstra I 117b : saptadvīpānukaraṇaṃ nāṭyam etad bhaviṣyati//, « L’imitation
des Sept Îles, ce sera le théâtre ».
31
Nāṭyaśāstra I 107b : trailokasyāsya sarvasya nāṭyaṃ bhāvānukīrtanam//.
184 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
C’est ce que dit Claudel dans L’Échange, par la voix de son personnage,
l’actrice Lechy Elbernon :
L’homme s’ennuie et l’ignorance lui est attachée depuis sa naissance.
Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c’est pour cela qu’il
va au théâtre.
Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux… (L’Échange,
Première version, acte I)
Placé dans la posture de celui qui regarde, c’est-à-dire, du témoin, à
bonne distance de la scène où tout se joue réellement – même si la
réalité est fiction –, le spectateur bénéficie de l’impunité : il est hors
champ, hors jeu. Tout arrive au personnage, rien ne lui arrive à lui.
L’émotion qu’il éprouve est donc épurée, sublimée. Il peut en jouir
impunément, même s’il s’agit d’affects tels que le chagrin, la peur, le
dégoût. C’est cela, c’est cette expérience, que recouvre la notion in-
dienne si connue, et pourtant souvent si mal comprise, de rasa – éty-
mologiquement, la « saveur », le « suc » – qui vaut, métaphoriquement,
pour l’émotion esthétique. Ainsi comprise, la notion n’est pas sans
parenté avec celle de catharsis, que Claudel décrit admirablement :
[…] l’écrivain parle à la place du peuple, de par cette délégation tacite que
consent toute la salle, qui se tait dès que l’acteur ouvre la bouche. Sur la
scène ou autrement, il soulage, il « purge » la multitude du souffle infor-
mulé qu’elle portait dans son sein confus (Mes idées sur le théâtre, 1966 :
24).
Le propre de l’expérience esthétique, en effet, est de transformer ces
affects ou passions ordinaires en « sentiments » : le rire devient le
Comique, le chagrin le Pathétique, la fougue l’Héroïque, l’étonnement
le Merveilleux. De même parlons-nous, nous aussi, du sentiment tra-
gique, comique, pathétique, et ainsi de suite33.
De fait, comme la pensée esthétique indienne l’a parfaitement dé-
mêlé, le dédoublement qui s’opère au théâtre – l’homme-spectateur
regardant une fiction de lui-même – est lui-même redoublé. Car l’être
qui évolue sur la scène, c’est l’acteur, qui vit de la coexistence entre ce
qu’il est et l’absent qu’il rend présent et qui n’est pas lui-même. Une
étrange combinaison de fiction et de réalité, presque une chimère :
l’acteur, être de chair et de sang ; le personnage, abstraction à laquelle
l’acteur prête son corps, sa voix, son esprit, sa sensibilité, donc le sou-
venir de ses expériences passées, non seulement dans cette vie-ci, mais
aussi – et c’est l’apport de la sensibilité indienne à la pensée esthétique –
dans toutes ses vies antérieures, grâce au subconscient que constitue la
33
Sur les huit rasa, et la question du neuvième, voir Bansat-Boudon, 2004 : 97.
L’Inde et l’impératif théâtral 187
masse accumulée des saṃskāra, les traces laissées en soi par chaque
expérience.
La doctrine esthétique indienne a forgé un concept pour rendre compte
du paradoxe où se fonde le théâtre, celui de pratyakṣakalpapratīti :
l’expérience du spectateur au théâtre est une « expérience presque
immédiate », « presque directe », où le « presque » est la clé du
ravissement esthétique. D’une part, en effet, s’il est vrai que les héros
des anciennes épopées s’incarnent aux yeux mêmes des spectateurs, ils
n’en appartiennent pas moins au passé ; l’immédiateté de la repré-
sentation est tempérée par l’antiquité avérée des protagonistes. D’autre
part, ce qui contribue à introduire une distance au sein de la proximité,
le spectateur se souvient, confusément, mais continûment, de la présence
de l’acteur sous le personnage. Et c’est cela aussi qui garantit la distance
face à l’émotion, l’équivalent de la notion brechtienne de distanciation.
À sa façon, Botho Strauss rejoint les analyses indiennes lorsqu’il ob-
serve, parlant du point de vue du spectateur :
Quand [le théâtre] réussit, quand il utilise les comédiens pour ramener le
plus lointain à une inconcevable proximité, il acquiert une beauté déconcer-
tante, et le présent gagne des instants qui le complètent d’une manière in-
soupçonnée (Discours prononcé lors de la réception du prix Georg-Büchner
en 1989).
Si nous avons adopté une perspective théorique, ce n’est pas par
simple disposition personnelle. Toute la pensée esthétique indienne y
invite. Ses premiers linéaments, on l’a vu, ont été posés dans le
Nātỵaśāstra, avant d’être développés par les commentateurs du traité,
pour la plupart des hommes du Cachemire, et des penseurs de ce courant
philosophique et mystique qu’est le śivaïsme non dualiste cachemirien,
illustré par Abhinavagupta34. Car des passerelles se mettent en place
entre théâtre et mystique.
Le rasa, en effet, a pour condition et conséquence d’affranchir le
spectateur de son ego. Autrement dit, l’expérience esthétique, celle que
font advenir le théâtre ou d’autres formes artistiques35, est l’occasion de
se dégager des conditionnements qui enferment chacun de nous quand il
reste un individu livré aux événements et aux affects du monde. Encore
faut-il un acteur et un spectateur accomplis. Le Nāṭyaśāstra s’emploie à
instruire cet acteur ; la poétique indienne dans son ensemble à définir
34
Voir notre article « Aesthetica in nuce dans le mythe d’origine du théâtre indien », in
D’Intino et Guenzi, 2012 (sous presse). Sur l’analogie des expériences esthétique et
mystique, voir Bansat-Boudon, 2004 : 273-284.
35
Voir, par exemple, les développements du Tantrāloka III 208b-210, in Padoux et
Silburn, 1998 : 189-190.
188 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
36
C’est la doctrine de la pratyabhijñā, qui a donné son nom à l’une des écoles du
śivaïsme non dualiste cachemirien.
37
Īśvarapratyabhijñākārikā (Vers sur la Reconnaissance du Seigneur) IV 12 : sarvo
mamāyaṃ vibhāva ity, cité à deux reprises dans le commentaire de Yogarāja au
Paramārthasāra (L’Essence de la Réalité suprême), vers 33 et 51 ; voir Bansat-
Boudon et Tripathi, 2010 : 174, 215.
38
Sur la notion centrale qu’est le Je (aham), dans la doctrine, voir Bansat-Boudon et
Tripathi, 2010 : 25-26.
39
Tel est le sens de Īśvarapratyabhijñākārikā IV 12, que développe la Vimarśinī
d’Abhinavagupta. Sur la place de la jīvanmukti dans le śivaïsme non dualiste
cachemirien, voir notamment notre introduction dans Bansat-Boudon et Tripathi,
2010 : 32-48.
L’Inde et l’impératif théâtral 189
40
Abhinavabhāratī ad Nāṭyaśāstra I 107, cité et traduit dans Bansat-Boudon et
Tripathi, 2010 : 56 (note 218).
41
Nāṭyaśāstra I 114 : « À ceux que le malheur, la fatigue ou le chagrin tourmentent, à
ceux qui s’adonnent à l’ascèse, ce théâtre apportera le repos (viśrānti) en ce monde
(loke) » ; et Abhinavabhāratī ad loc. : « Un théâtre de cette sorte apportera le repos
aux ascètes, il empêchera que le chagrin n’envahisse leurs cœurs tourmentés de
l’extrême faiblesse que provoque la pratique ininterrompue de vœux tels que le
kr̥cchracāndrāyaṇa , etc. » (voir Bansat-Boudon, 2004 : 122).
42
Sur l’usage śaiva de la notion de yogabhraṣṭa, voir Paramārthasāra 98-101 dans
Bansat-Boudon et Tripathi, 2010 : 304-309 ; également, op. cit. : 18, 31.
190 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
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Introduction to Tantric Philosophy. The Paramārthasāra of Abhinavagupta
43
Par essence, en effet, la conscience est libre (svatantra), et, dans sa liberté, jouit
d’une félicité cosmique (jagadānanda) qui n’est autre que le jeu (krīḍā) de Śiva le
Naṭaraja, Prince des acteurs.
L’Inde et l’impératif théâtral 191
Eva SZILY
1
Transcription des mots en sanskrit et en malayāḷam : les voyelles longues sont
marquées par un trait horizontal suscrit, les consonnes cérébrales ont un point sous la
lettre, « ṅ » désigne une nasale gutturale, « ñ » une nasale palatale, « ṇ » une nasale
cérébrale, « ś » transcrit une sifflante palatale et « ṣ » une sifflante cérébrale, « r »
transcrit un phonème alvéolaire, d’origine dravidienne, « l » désigne un phonème
cérébral, d’origine dravidienne. Prononciation : la voyelle « u » se prononce « ou »,
la voyelle « ṛ » se prononce « ri », les diphtongues « ai » et « au » se prononcent
« aï » et « aou », le « c » se prononce « tch », le « j » se prononce « dj », les
cérébrales se prononcent avec la langue retournée, touchant le palais, les consonnes
aspirées (th, dh, etc.) doivent être prononcées avec une aspiration, les « r » et « r » se
prononcent roulés, le second plus fort, le phonème dravidien « l » se prononce entre
un « r » et un « l ».
194 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
Le Tēyyam (forme corrompue de daivam, « dieu ») est un rituel théâtralisé du nord
du Kérala (Malabar) ; ses origines se perdent dans la nuit des temps. Les participants
appartiennent à des communautés de bas statut.
3
Le Muṭiyyēṯṯu, littéralement « mise en place de la coiffe », est un théâtre rituel,
célébrant la déesse Bhadrakālī qui, au cours d’un combat déchaîné, met à mort le
démon Dārika.
4
Ce terme, d’origine tamoule, signifie « danse » mais aussi « le fait de conter ».
Depuis toujours, dans les temples du Kérala, le cākyār lisait et commentait les textes
des épopées et les purāṇa. Ce sont probablement ces lectures qui ont évolué en une
première forme théâtrale, le Cākyārkūttu’.
Le Kathakaḷi 195
5
Depuis la fin des années 1990, le répertoire du Naṅṅyārkūttu’ s’est enrichi : à
commencer par le Śrīrāmacaritam, « Histoire de Śrīrāma » de Mārgi Sati, rédigée en
malayāḷam sur le modèle du Śrīkṛṣṇacaritam (voir compte-rendu du livre de Mārgi
Sati par Eva Szily : Śrīkṛṣṇacaritamnaṅṅyārammakkūttu’, Collection « Bulletin
d’Études Indiennes », n° 17-18, 1999/2000, c.r. n° 47). D’autres histoires ont suivi,
mais de moindre envergure.
6
La tradition indienne donne à l’art dramatique une origine divine : le théâtre aurait
été créé par Brahma lui-même, révélant sa doctrine au sage Bharatamuni qui
composa le Nāṭyaśāstra (autour du Ier siècle de notre ère). Ce traité concerne non
seulement l’art de composer les textes, mais aussi celui de la représentation : la
scène, les rites précédant le spectacle, le choix des acteurs et actrices, la diversité des
expressions, gestes et mouvements, le plaisir esthétique, les costumes et ornements,
la danse, la musique… Toutes les formes théâtrales s’y réfèrent dans une certaine
mesure.
7
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
8
Kṛṣṇa (Krishna) est un avatar, autrement dit une incarnation de Viṣṇu (Vishnou),
dieu de la trinité hindoue avec Brahma et Śiva.
196 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
9
Selon le Nāṭyaśāstra, il existe huit bhāva ou sentiments qui sont à la base du jeu de
l’acteur : le sentiment amoureux, triste, héroïque, etc., auxquels correspondent autant
de rasa ou émotions considérées comme le résultat produit par les bhāva sur les
spectateurs.
10
Cette unique troupe de Kṛṣṇanāṭṭam est déjà venue en France en 1978, invitée pour le
Festival des arts traditionnels à Rennes ; puis elle a été réinvitée par la Maison des
cultures du monde au mois de mars 2010, à l’occasion du Festival Imaginaire.
11
Selon la légende, le prince de Koṭṭārakkara, lieu qui se trouve au sud, aurait invité la
troupe de Kṛṣṇanāṭṭam de Mānavēda, qui résidait au palais royal à Calicut, au nord
du Kérala, mais l’invitation aurait été déclinée, sous prétexte que les gens du sud
n’étaient pas assez subtils pour apprécier leur spectacle.
12
Mélange harmonieux du sanskrit et du malayāḷam ; maṇi, « perle » (ou « rubis »
selon les commentaires) pour le malayāḷam et pravālam, « corail » pour le sanskrit.
Un ouvrage du XIVe siècle, le Līlātilakam en a défini les règles de grammaire et de
poétique.
Le Kathakaḷi 197
intonation, c’est-à-dire une façon de réciter le texte utilisant une modulation souvent
ascendante de la voix. Une oreille occidentale peu habituée pourrait l’assimiler à un
chant, d’autant plus qu’il semblerait que les termes rāga, « mode musical », et svara,
« récitation » soient interchangeables. Cependant, les Cākyār sont formels : les svara
ne se chantent pas, mais se récitent !
15
Le terme sōpāna définit un style de chant dévotionnel (sōpānasaṃgītam) aux accents
particuliers, employé dans les temples du Kérala. Ces chants sont accompagnés d’un
tambour au son délicat appelé iṭakka et d’une paire de cymbales. Chanteur et
percussionniste se tiennent sur les marches (sōpāna) devant le Saint des saints.
Imprégné du sentiment de bhakti, le style sōpāna est repris dans le Kṛṣṇanāṭṭam.
16
En Kṛṣṇanāṭṭam, la plupart des personnages sont maquillés, seulement certains
portent des masques (les dieux Brahma et Yama, quelques démons et la démone
Le Kathakaḷi 199
Dans les trois formes théâtrales, pour la plupart des rôles masculins,
le maquillage est délimité par une bordure faciale blanche, appelé cutti.
Cette bordure renvoie la lumière et permet de mieux percevoir les yeux
et expressions du visage17. À l’origine, cette bordure était entièrement
faite en pâte de riz, modelée en couches successives. Actuellement, seul
le Kṛṣṇanāṭṭam maintient cette tradition18. En Kūṭiyāṭṭam et en
Kathakaḷi, depuis environ une soixantaine d’années, le cutti est préparé
lors de chaque représentation en trois couches de papier successives,
fixées au visage le long du maquillage à l’aide de pâte de riz [figure 52].
Si le Kathakaḷi est considéré comme la forme la plus aboutie parmi
les arts scéniques du Kérala, c’est surtout par ce qu’il a emprunté au
Kūṭiyāṭṭam et qu’il a su développer et magnifier : la technique
d’abhinaya et le langage gestuel, les mudrā.
Ce terme abhinaya, souvent traduit par « expression »19, se compose
en fait du préfixe abhi-, « vers » et de la racine verbale nī-, « conduire,
amener (à un état) ». En effet, grâce au jeu élaboré de l’acteur, le spec-
tateur averti est porté vers un état de disponibilité qui lui permet de
savourer le spectacle.
Il y a quatre sortes d’abhinaya. Les mudrā ou hasta (gestes de
mains) font partie de l’āṅgikābhinaya où le jeu s’exprime par le mou-
vement des différentes parties du corps (aṅga, « partie », « membre »).
Le jeu des gestes de mains, autrement dit hastābhinaya, est considéré,
avec le mukhābhinaya (le jeu exprimé par le visage, principalement par
les yeux), comme la partie la plus importante de l’āṅgikābhinaya. Les
trois autres abhinaya sont : āhāryābhinaya (maquillage, costumes et
ornements), vācikābhinaya (récitation, chant et musique) et enfin
sāttvikābhinaya considéré comme le plus important. Ce dernier corres-
pond, en effet, aux sentiments intérieurs que l’acteur est capable
d’exprimer, grâce à son pouvoir d’imagination et à son énergie créatrice
que l’on appelle manōdharma.
20
Le Mōhiniyāṭṭam, ou « Danse de l’Enchanteresse », est une danse de femme, qui met
l’accent sur le charme et la séduction.
21
L’Ōṭṭantuḷḷal fait partie de la catégorie des prestations des conteurs-chanteurs, qui
s’accompagnent de déplacements simples et chorégraphiés.
Le Kathakaḷi 201
(miśramudrā). Cette répartition n’a été retenue par aucun des autres
traités sur l’art dramatique, et pourtant ce sont ces deux genres qui font
la richesse de ce manuel. Un geste identique peut exprimer à lui seul
deux ou trois mots, voire plus. Il ne s’agit pas de synonymes, mais de
termes que l’on peut associer par leur proximité de sens ou d’idées ;
pour le spectateur avisé, le sens précis est compris d’après le contexte.
Les gestes mixtes sont des gestes à deux mains, où la position des doigts
(mudrā de base) est différente pour chacune des mains. En Kathakaḷi,
pour mettre en œuvre un répertoire de plus en plus élargi, le nombre de
gestes de ces deux catégories a considérablement augmenté au fil du
temps.
Dans une représentation de Kūṭiyāṭṭam, l’acteur suit exactement le
texte (sanskrit ou prākrit) exécutant la mudrā correspondante à chaque
mot, chaque terminaison, suffixe de cas ou de mode, mot de liaison.
D’autre part, un même geste peut signifier une forme verbale, un subs-
tantif ou un adjectif : c’est le contexte qui révèle le statut grammatical
du geste-mot. Les nuances temporelles et les modes sont également
notés en gestes, tout comme les genres grammaticaux. En revanche, en
Kathakaḷi, si chaque mot du texte est traduit en geste, seuls certains
éléments grammaticaux le sont.
B. De l’apprentissage à la scène
Nous venons d’évoquer quelques éléments de jeu du Kathakaḷi, tout
en faisant des parallèles avec le Kūṭiyāṭṭam et le Kṛṣṇanāṭṭam. À pré-
sent, faisons un tour d’horizon du Kathakaḷi seul, depuis le début de
l’apprentissage jusqu’à la scène.
Traditionnellement, on commence l’apprentissage très jeune. Les
garçons doivent suivre un entraînement physique intense dans le but de
maîtriser leur corps, pour lui donner stabilité et équilibre. Rappelons que
le travail corporel est en partie composé d’exercices martiaux. Un
massage complet, à base d’huile ayurvédique, est destiné à rendre le
corps souple. Le travail des yeux et des expressions du visage est une
discipline à part entière. Les parties dansées tiennent aussi une place
importante, ainsi que les gestes de mains ou mudrā, avec plus d’un
millier de combinaisons à partir des vingt-quatre gestes de base.
Les rôles sont appris progressivement par degré de difficulté. À par-
tir de la deuxième année, les élèves montent sur scène et, au bout de huit
ans, le jeune artiste a en principe assimilé le répertoire le plus courant.
Plus tard, certains se spécialisent dans un type de personnage particulier.
Voici un quatrain sur l’apprentissage que tout maître cite à ses élèves :
« L’élève [obtient] un quart par son intelligence, il reçoit un quart de son
maître, un quart de ses condisciples, et un quart [vient] avec le temps. »
202 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
22
Pour les rôles féminins, le ceṇṭa, dont le son est extrêmement puissant, est remplacé
par un autre instrument à percussion : l’iṭakka.
23
En Kūṭiyāṭṭam comme en Kathakaḷi, un neuvième rasa sera inclus : śānta « paix » ou
« sérénité ».
Le Kathakaḷi 203
24
En 1979, un article de Philip Zarrilli est paru à ce sujet dans la revue Sangeet Natak,
n° 43, p. 48-59, New Delhi, sous le titre « Demystifying Kathakali ».
25
Dans l’Inde ancienne, les gens sont répartis en quatre classes ou varṇa (couleur),
selon leur naissance : les brahman (ils détiennent la connaissance traditionnelle et ont
le devoir de transmettre les textes sacrés), les kṣatriya (rois et guerriers : ils
surveillent le bon ordre du monde), les vaiśya (les marchands : ils produisent et
échangent les biens) – ces trois classes lisent ou écoutent les Veda. La quatrième
classe, regroupant les śūdra voués au service des trois autres, est exclue de la
connaissance des Veda.
204 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
27
Spectacle de sourd-muet. C’est Vaḷḷattōḷ Nārāyaṇa Mēnōn, entre autres, qui le
mentionne dans sa préface du Kathakaḷiprakāśika de Māttūr Kuññupiḷḷappaṇikkar,
paru en 1922.
28
Le Bharatanāṭyam est une des huit danses classiques, de l’état de Tamilnadu, dans le
sud de l’Inde. Ses origines remontent à la tradition des danseuses de temple. Dansé
en solo, très rythmé, le Bharatanāṭyam est énergique et gracieux à la fois.
29
Le Kuchipudi est également une danse classique ancienne, originaire de l’État de
l’Andhra Pradesh. Tout en étant indépendant, il partage de nombreux éléments avec
le Bharatanāṭyam. Une de ses spécificités est la danse sur un plateau de cuivre.
30
C’est Paiṅkulam Rāma Cākyār qui a sorti du temple le Kūttu’ (en 1949) et le
Kūṭiyāṭṭam (en 1956). C’est lui aussi qui, à partir de 1965, a accepté de transmettre le
Kūṭiyāṭṭam en l’intégrant parmi les disciplines enseignées au Kalāmaṇḍalam. En
plus, des personnes issues d’autres castes avaient la possibilité de s’y initier.
206 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
En Inde, comme dans toutes les disciplines, et plus encore dans les
domaines artistiques, le savoir était transmis de maître à élève. Selon les
découpes géographiques et politiques du pays, plusieurs styles se sont
développés dans le Kathakaḷi. Le style du sud s’est avéré le plus in-
fluencé par le Kūṭiyāṭṭam. À l’école du Kalāmaṇḍalam se rattache le
style dit Kalluvaḻi, élaboré à partir d’une synthèse de différents apports.
De nos jours, on en parle comme du style « Kalāmaṇḍalam ». Dans le
but d’équilibrer l’enseignement, le style du sud y est également enseigné
depuis 1966.
Au fil du temps, d’autres institutions ont été créées grâce à des sub-
ventions, comme le PSV Nāṭyasaṃgam à Kōṭṭakal, fondé par le méde-
cin ayurvédique et philanthrope P.S. Vāriyar. Cette école est maintenue
grâce aux bénéfices d’Āryavaidyaśāla, un très grand hôpital ayurvé-
dique. Il leur arrive d’organiser, pendant la période des festivals, trois
nuits ou plus de Kathakaḷi de suite.
Une autre école d’une grande importance est le Mārgi, à Trivandrum.
Au-delà des cours et des programmations régulières de Kūṭiyāṭṭam et de
Kathakaḷi, elle publie des ouvrages sur les arts classiques et traditionnels
du Kérala. Grâce à Mārgi et quelques autres écoles moins médiatisées,
le style du sud est maintenu ailleurs qu’au Kalāmaṇḍalam. Dans l’école
Mārgi, depuis les années 1990, grâce à une subvention importante, les
artistes, aidés de connaisseurs-érudits, font d’importants travaux de
recherche, aussi bien en Kūṭiyāṭṭam qu’en Kathakaḷi, et font revivre des
histoires ou des scènes qui n’ont pas été jouées depuis longtemps.
Dernièrement, deux événements importants sont survenus à l’école
du Kalāmaṇḍalam. D’abord en 1990, parallèlement à l’enseignement
artistique, sur l’initiative du secrétaire de l’école Iyamkode Śreedharan,
l’enseignement général, primaire et secondaire, a été introduit. Par
conséquent, le temps consacré aux études artistiques s’en est trouvé
considérablement réduit. Puis, en 2007, le gouvernement a décrété le
changement de statut du Kalāmaṇḍalam qui est devenu une université,
plus exactement une « Deemed University for Art and Culture ».
Padmanābhan Nāyar, maître de Kathakaḷi, associé au Kalāmaṇḍalam
pendant cinquante ans, soutenait que l’idée de l’université était de
Vaḷḷattōḷ. Mais il ajoute : « les subventions doivent servir l’appren-
tissage des artistes, et non les études universitaires. Il faut introduire
l’ancien système d’apprentissage (gurukula, où les élèves sont plus
proches du maître), avec un plan pour l’éducation générale, langue et
littérature, puis on peut réfléchir au reste… »
Līla Naṃpūṭirippāṭu’, écrivaine renommée, connaisseuse et ancienne
collaboratrice du Kalāmaṇḍalam, maintient que Vaḷḷattōḷ n’a jamais
exprimé le désir que cette école devienne une université. Il aurait seule-
ment souhaité un lieu fermé (śāla), où l’on enseigne tous (sarva) les arts
Le Kathakaḷi 207
31
Ces commentaires sont extraits de l’article intitulé « For Art’s Sake » de
K.K. Gopalakrishnan dans le quotidien The Hindu du 15 juillet 2007.
208 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
Bansat-Boudon, Lyne, Poétique du théâtre indien. Lectures du Nāṭyaśāstra,
Paris, École française d’Extrême-Orient, 1972.
Bansat-Boudon, Lyne (dir.), Théâtres indiens, Paris, EHESS, 1998 (Puruṣārtha,
20).
Bansat-Boudon, Lyne, Pourquoi le théâtre ? La réponse indienne, Paris,
Librairie Fayard, 2004 (Les quarante Piliers).
Chemana, Martine et Gaṇeśa, Ayar S., Kathakaḷi, théâtre traditionnel vivant du
Kérala, Paris, Gallimard, 1994 (Connaissance de l’Orient).
Coomaraswamy, Ananda, La Danse de Śiva, Rennes, AWAC, 1979.
Le Kathakaḷi 213
Judit TÖRZSÖK
1
Nous tenons à remercier H.N. Bhat de l’Institut français d’Indologie à Pondichéry
d’avoir relu quelques passages difficiles de la pièce avec nous en clarifiant les
manières dont Viṣṇubhaṭṭa les interprète, et d’avoir mis à notre disposition son
édition de travail du commentaire Iṣṭārthakalpavallī. Toutes les citations de ce
commentaire se fondent sur cette édition de travail inédite. Nous remercions
également Lyne Bansat-Boudon pour ses remarques et suggestions, et Somadeva
Vasudeva pour sa correction de la version anglaise de cet article et ses remarques
concernant la rasaśabdavācyatā.
2
Nous remercions S.A.S. Sharma de l’École française d’Extrême-Orient pour ce
renseignement et pour avoir mis à notre disposition le travail préparatoire qu’il avait
effectué avec ses collègues sur la localisation des manuscrits de cette pièce, en vue
d’une édition critique. Malheureusement, ce projet d’édition n’a pu être poursuivi.
216 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
érudit, ce qui constitue précisément l’une des raisons pour lesquelles les
pandits (« savants ») indiens l’ont tant admiré. Cette critique ne mérite
pas que l’on s’y attarde, car elle repose sur une esthétique romantique3
qui loue tout ce qu’elle perçoit comme naturel et rejette ce qu’elle
considère comme artificiel4.
Il existe une autre raison pour laquelle on a longtemps négligé
l’Anargharāghava : sa nature soi-disant peu dramatique ou statique5. Si
cette pièce ne déborde pas d’action, beaucoup de chefs-d’œuvre du
théâtre occidental ne se concentrent pas sur l’action non plus. Encore
une fois, cette critique implique que l’on accepte certains principes
d’esthétique que peu jugeraient pertinents aujourd’hui.
Rejetant peu à peu de tels préjugés, la critique occidentale a
commencé à consacrer plus d’attention à Murāri. Deux travaux impor-
tants signalent ce changement d’attitude : la première traduction de la
pièce en langue occidentale, à savoir la traduction allemande de
K. Steiner (1997), et l’édition critique du commentaire de Viṣṇubhaṭṭa
établie par H.N. Bhat (1998), parue aux Presses de l’Institut français de
Pondichéry et de l’École française d’Extrême-Orient. Plus récemment,
nous avons également publié une nouvelle édition et une traduction
anglaise dans la série bilingue de la Clay Sanskrit Library (Törzsök,
2006).
Dans son introduction, Steiner (1997 : 73-74) analyse brièvement la
relation entre le Mahāvīracarita ou la Geste du grand héros de Bhavabhūti
et l’Anargharāghava de Murāri, en indiquant les différences les plus
saillantes entre les deux traitements du même sujet : l’histoire de Rāma.
Malgré les différences, l’influence de Bhavabhūti sur Murāri reste
indéniable. Ces deux auteurs partagent bien plus que les grandes lignes de
l’action ou quelques détails de caractérisation. L’une des particularités des
pièces de Bhavabhūti, en particulier son Uttararāmacarita ou les Dernières
Aventures de Rāma, est la présence de réflexions sur la représentation
théâtrale elle-même, c’est-à-dire la présence d’éléments métathéâtraux.
3
Ce type d’esthétique romantique a déjà été critiqué maintes fois. Voir en particulier
Shulman, 1997 : 69, au sujet d’autres auteurs indiens : « [… such] views are heavily
colored by an anachronistic romanticism, which made expressionistic lyricism the
touchstone of quality in the mainstream of English and German poetry from the late
18th century on, and which regularly filtered down into scholarly judgement of non-
European literatures as well. »
4
Pour quelques exemples de ce type de critique, voir Wilson, 1827 : 382 sqq. ; Keith,
1924 : 225 sqq. ; Warder, 1983 : 23 sqq.
5
Il s’agit d’un reproche souvent répété au sujet des pièces de théâtre sanskrites. Pour
l’Anargharāghava, voir par exemple Renou et Filliozat, 1953 : §1890 ; Mahalinga
Sastri, 1950 : 196.
Le métathéâtre dans l’Inde classique 217
6
Notons qu’en plus de la mise en scène d’une représentation théâtrale, Bhavabhūti
utilise également des termes techniques de l’art et de la théorie dramatiques. Voir,
par exemple, les termes dhīroddhata (courageux et fier), saṃvidhānaka (un mode
d’action), et les composés se terminant par -rasa (sentiment dominant) dans
l’Uttararāmacarita, cités par Stchoupak, 1968 : XXXIII. Pour une analyse d’autres
références à la théorie poétique dans l’Uttararāmacarita, en particulier au sentiment
de la compassion (karuṇarasa), voir Bansat-Boudon, 2000.
7
Dans le cadre de cette étude, nous ne pouvons pas discuter de la définition exacte et
des problèmes de traduction de ce terme-clef, ni de son importance dans la théorie
esthétique indienne. Notons, néanmoins, que Murāri ne désignait certainement pas un
seul rasa comme dominant. Sur l’association courante des sentiments héroïque et
merveilleux, voir par exemple Nāṭyaśāstra 6.41 et Daśarūpaka 4.41-42 avec le
commentaire de Dhanika.
8
La numérotation des strophes suit celle de l’édition de Pondichéry établie par
H.N. Bhat. Les termes techniques du théâtre sont marqués en italiques. Seules les
variantes les plus significatives se trouvant dans des éditions et commentaires
disponibles sont indiquées dans les notes.
218 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
9
Notons que, selon certains ouvrages de la littérature théorique sur le sujet, les rasa ne
sont pas censés être nommés dans une pièce, et leur mention constitue un défaut
esthétique (voir Stchoupak, 1969 : XXXIV citant Regnaud, 1984 : 204 sqq., qui fait
référence à Kāvyaprakāśa 7). Dans ce chapitre, le Kāvyaprakāśa énumère quelques
défauts ou doṣa concernant le rasa (7.60ab). Il est considéré comme fautif de
mentionner un sentiment secondaire ou permanent, ainsi qu’un rasa [vyabhicāri-rasa-
sthāyibhāvānāṃ śabdavācyatā]. Pour nommer un sentiment secondaire, les exemples
de vrīḍā (timidité), karuṇa (compassion), trāsa (peur), vismaya (émerveillement), rasa
(goût), īrṣyā (envie, jalousie), dīnatva (être misérable) sont donnés ; pour le défaut de
nommer un rasa, on évoque śṛṅgāra (l’amour) ; et pour nommer un sentiment
permanent, utsāha (le courage) est cité. Cette interdiction de nommer un rasa semble
néanmoins dépendre du rasa évoqué et de la manière dont on l’évoque. Outre Murāri,
Bhavabhūti utilise également le terme rasa dans l’Uttararāmacarita. En même temps,
la mention des termes du théâtre est généralement considérée comme une qualité
dans la poésie classique, dans le kāvya. Voir par exemple le Kavikaṇṭhābharaṇa de
Kṣemendra 5.1, dans lequel l’auteur présente une liste des qualités du bon poète, en y
incluant la connaissance des traités érudits (śāstra) tels l’art de la dramaturgie
(bharataparicaya). Lévi 1890 : 182 fait référence à ce passage et utilise le mot
bharatasamuccaya, terme qui ne se trouve pas chez Kṣemendra et que nous
n’avons pas rencontré ailleurs. (« L’accumulation dans une stance de termes em-
pruntés à la technique du théâtre est une beauté de style, et elle a reçu en rhé-
torique un nom particulier, c’est le bharatasamuccaya. ») Les exemples qu’en
donne Lévi comprennent trois pièces de théâtre (les autres provenant des longs
poèmes ou mahākāvya) : le Mālatīmādhava de Bhavabhūti, l’Anargharāghava et
le Mudrārākṣasa. Concernant ce dernier, Lévi remarque la mise en relation des
intrigues politiques et théâtrales, qui caractérise également la pièce de Murāri
(« Rākṣasa compare ses combinaisons politiques à celles du poète dramatique et
donne un véritable plan de drame »).
Le métathéâtre dans l’Inde classique 219
10
Nous avons adopté ici la leçon des éditions de Calcutta et de Bombay. L’édition de
Pondichéry a so pour ko et vīropakaraṇaṃ pour vīropakaraṇo, leçons qui, par
ailleurs, ne changent pas radicalement le sens.
11
Dans cette interprétation, le contraste entre le côté brahmanique et le côté guerrier est
plus marqué. Nous pourrions également traduire le composé par : « Ils possèdent une
splendeur sacrée. »
220 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
12
Ceci peut être vu comme un cas particulier du conflit entre devoir social et abandon
de la société pour se consacrer à la délivrance, entre pravṛtti et nivṛtti.
13
Sur ce point, voir aussi Viṣṇubhaṭṭa ad loc. et Steiner, 1997 : 182. À nouveau, le
merveilleux (adbhuta) s’associe à l’héroïque (vīra).
14
Nous avons trouvé un parallèle particulièrement proche dans le Mahāvīracarita de
Bhavabhūti (2.26). La construction de la strophe ressemble à celle de
l’Anargharāghava et les attributs de Paraśurāma reçoivent des adjectifs « terrifiant »
(ugra) et « paisible » (śānta), que le commentateur, Vīrarāghava, explique comme
inspirant à la fois les sentiments (rasa) héroïque (vīra) et apaisé (śānta). jyoti-jvālā-
pracaya-jaṭilo bhāti kaṇṭhe kuṭhāras, tūṇīro ‘ ṃśe, vapuṇi ca jaṭā-cāpa-cīrājināni /
pāṇau bāṇaḥ sphurati valayībhūta-lolākṣasūtraṃ, veṣaḥ śobhāṃ vyatikaravatīṃ ugra-
Le métathéâtre dans l’Inde classique 221
śāntas tanoti // « Il tient sa hache entourée de flammes brillantes dans le cou, son
carquois sur l’épaule, et porte des tresses d’ascète, un arc, des vêtements d’écorce et
une peau d’antilope sur le corps ; une flèche resplendit dans sa main qui est encerclée
par un bracelet de rosaire. Son apparence rayonne doublement, étant à la fois
terrifiant et paisible ». Voir également la traduction de Pickford, 1871 : 41-42.
15
Pour d’autres noms et occurrences de rasa dans l’Anargharāghava, voir le passage
en prose avant 6.44, dans lequel un vidyādhara décrit la bataille comme terrifiante et
extraordinaire (bhayānaka et adbhuta) ; 3.7 faisant référence au plaisir esthétique
(rasa) que l’on ressent en voyant des jeunes femmes ; l’expérience de la séparation
des amoureux (vipralambha-rasa) dans 7.37, ce que Śiva et son épouse ne
connaissent pas, car ils sont unifiés éternellement dans leur forme moitié femme,
moitié homme (ardhanārīśvara) ; et le sentiment de courage (sāhasa-rasa) dans
7.89, remplaçant probablement le terme de vīrarasa ou utsāha.
16
Outre l’exemple analysé ici, voir également les occurrences suivantes : rasaṃ
dāsyāmi (après 5.4, où, selon Viṣṇubhaṭṭa, le mot rasa signifie à la fois « le jus de la
passion » ainsi que « poison ») ; nidrārasa (6.81) ; pratyāvṛttarasasya (6.11, de la
lune) ; et nṛttārambharasa (7.104) décrivant la danse de Śiva.
17
Voir par exemple Daśarūpaka 2.23 cité par Viṣṇubhaṭṭa ad loc.
222 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
18
Un type de héros, le courageux et fier (dhīroddhata), est mentionné deux fois : une
fois pour décrire les descendants de Raghu (2.65), et une fois en s’appliquant à Rāma
(5.1). Pour ce type de héros, voir par exemple Sāhityadarpaṇa 3.38. Ces occurrences
dans la pièce ne sont néanmoins pas certaines, car elles ne se trouvent chaque fois
que dans les éditions du Sud, tandis que l’édition de Bombay donne vīra pour dhīra,
dhīra étant noté comme variante. Un autre personnage typique figure dans la strophe
7.62 : pīṭhamarda, l’ami du héros dans les pièces de théâtre, qui le seconde dans des
intrigues diverses. Voir par exemple Daśarūpaka 2.7.
19
Les deux commentaires anciens édités, celui de Rucipati ainsi que celui de
Viṣṇubhaṭṭa, confirment ici l’usage du mot vaihāsika dans ce sens.
20
Nous interprétons le mot mṛdu comme adverbe, suivant Viṣṇubhaṭṭa. D’autres
commentateurs le comprennent comme faisant partie du composé mṛṇālinī-vana en
tant qu’adjectif.
Le métathéâtre dans l’Inde classique 223
Sītā : « ainsi que la noble fille qui n’est pas née d’un ventre ». Après être
taquiné de cette manière, Rāma rétorque :
katham, anyad eva kim api prahasanaṃ sūtrayati bhavān.
Alors, tu me joues encore une farce ?
Ou plus précisément, « tu mets en scène encore une farce ? »21 Cette
expression, prahasanaṃ sūtrayati, est bien plus qu’une référence au
théâtre : elle joue un rôle structurel dans la pièce. Comme le remarque
Jamison (2000 : 176), le badinage des adolescents Rāma et Lakṣmaṇa
forme un complément à la conversation des deux disciples brahma-
niques (brahmacārin) au début du même acte. Le deuxième acte est
donc encadré par ces deux conversations entre jeunes hommes, conver-
sations remplies d’éléments comiques.
Le terme cité plus haut, prahasana, relie non seulement le début et la
fin du deuxième acte, mais renforce la continuité entre le deuxième et le
troisième acte, car la première strophe de ce dernier mentionne égale-
ment le genre de la farce (prahasana), même si c’est dans un contexte
très différent. Ici, le vieux chambellan (kañcukin) se présente en offrant
les réflexions suivantes sur son rôle et son âge.
gātrair girā ca vikalaś caṭum īśvarāṇāṃ
kurvann ayaṃ prahasanasya naṭaḥ kṛto ’smi /
tan māṃ punaḥ palita-varṇaka-bhājam enaṃ
nāṭyena kena naṭayiṣyati dīrgham āyuḥ //22
Louant mes maîtres sans avoir la voix ou le corps pour le faire, j’ai été trans-
formé en acteur comique. Avec mes cheveux gris à la place du fard, dans
quelle pièce est-ce que ma longue vie va me faire jouer ?
Le prahasana23 n’est plus la plaisanterie légère de la scène précé-
dente, mais participe à une métaphore auto-ironique assez amère. Le
parallèle théâtral est construit sur plusieurs éléments : le chambellan se
désigne comme acteur dans une farce, dirigé par sa vieillesse et jouant
devant ses maîtres comme public24, ses cheveux gris formant son fard.
21
Pour une autre occurrence du même terme pour farce, voir 5.27.
22
Notons les variantes importantes suivantes, qui influent sur le style et le sens exact,
mais pas sur notre propos : tan mām PTI, tat tvām BB*J, na tvām CBvl, kṛtvā Bvl (P
= éd. de Pondichéry, T = éd. de Tanjore, I = Iṣṭārthakalpavallī imprimée en télougou.
Nous avons utilisé l’édition de travail de H.N. Bhat. C = éd. de Calcutta sans
commentaire, B = éd. de Bombay. * signale une leçon de commentaire. J = leçon de
l’édition contenant le commentaire de Jīvānanda Vidyāsāgara, v.l. = varia lectio).
23
Pour une autre occurrence du mot, voir 7.36 (au sens de plaisanterie).
24
Sur ce point, voir la glose de Rucipati : « īśvarāṇāṃ prekṣakāṇām ».
224 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
26
Pour ce sens du mot cittavṛtti, en particulier dans l’Abhinavabhāratī, voir Bansat-
Boudon, 1992 : 108 et 339.
27
Notons ici l’usage d’un autre terme, saṃgītaka, dans la phrase. Outre son acception
première de « concert » ou « spectacle musical », il signifie également « théâtre ».
Sur ce terme et d’autres synonymes de la production théâtrale, voir Bansat-Boudon,
1994 : 195-197 sqq.
28
Pour une autre image de la danseuse, nartakī, voir la phrase après 7.43, dans laquelle
la déesse de la fortune est blâmée, car elle danse au rythme du tambour des dieux et
des démons qui se battent.
29
Notons quelques variantes importantes ici : viddhoccarat BB*CJII*, vidhollasat PT,
bandhoccarat Bvl.
226 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
30
Voir également les notes de Steiner, 1997 : 94.
31
Nous rencontrons ce terme dans l’Uttararāmacarita également, voir Stchoupak,
1969 : XXXIII.
Le métathéâtre dans l’Inde classique 227
32
Pour une autre occurrence du même mot, non pas au sens technique mais désignant la
source d’une histoire, voir 7.4, où bīja signifie la source de l’histoire héroïque de
Rāvaṇa (vikramakathābīja).
33
Sur ce sujet, voir par exemple Daśarūpaka 1.17-18 sqq. Pour une analyse de la
relation entre les kāryāvasthā, les arthaprakṛti et les sandhi, voir Bansat-Boudon,
1992 : 135 sqq.
34
Viṣṇubhaṭṭa, qui prend seulement le second sens du mot, remarque que c’est parce
que les dieux consomment le nectar de l’expérience esthétique (rasa) qu’ils sont
appelés ici les consommateurs de l’ambroisie (amṛtabhuj).
228 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
35
Le mot naya doit être compris au sens de l’abhinaya, comme l’expliquent les
commentateurs.
36
Un dernier exemple mérite d’être mentionné ici : le vers 2.44 présente le chant du
moineau au coucher du soleil comme le vers de bénédiction d’une pièce de théâtre
(nāndī).
37
Voir par exemple les occurrences étonnantes des termes grammaticaux ākṛtigaṇa
(4.44) et sthānivadbhāva (avant 4.12).
38
En ce qui concerne l’Uttararāmacarita, voir Stchoupak, 1969 : XXXIII.
Le métathéâtre dans l’Inde classique 229
de la cour et suggèrent que l’histoire de Rāma est avant tout une histoire
d’intrigues politiques où divers plans rivalisent entre eux. Les références
au théâtre servent également à montrer que les événements de ce monde
ainsi que de cette pièce sont, en fin de compte, mis en scène par les
dieux, dont plusieurs s’associent directement à certains aspects du
théâtre. Finalement, à travers le monologue du chambellan, on nous
rappelle le caractère théâtral de la vie et de la vieillesse ; et grâce aux
figurations récurrentes de rasa, le plaisir esthétique de notre expérience
(du monde ainsi que du spectacle) est découvert et révélé à nouveau
dans plusieurs vers.
L’analyse de la terminologie présentée ici soulève une question fon-
damentale de méthodologie, à savoir comment nous devrions traiter les
pièces de théâtre de l’Inde classique. Comme le fait remarquer Tieken
(2000 : 115 sqq.), un grand nombre d’études de littérature sanskrite
propose de définir le rasa ou les rasa dominant(s) d’une pièce et en
donne une interprétation à la lumière de cette définition. Ce que Tieken
semble suggérer à la place de cette démarche, en citant les exemples de
l’Uttararāmacarita et de l’Anargharāghava, est d’examiner le rôle du
rituel et du sacrifice. Toutefois, même si personne ne peut nier l’aspect
rituel des pièces de théâtre sanskrites, l’approche de Tieken demeure
aussi unilatérale que certaines études sur le rasa. Il est vrai que les
enquêtes sur les rasa n’offrent souvent pas de résultats spectaculaires,
mais l’accent mis sur le rituel, comme le propose Tieken, non plus. De
même que les études des rasa mettent quelquefois ce concept trop en
avant, Tieken, lui aussi, semble réduire le théâtre à ses aspects rituels39.
Il est probablement inévitable que l’on réduise une pièce de théâtre à
l’un de ses aspects, car une étude doit présenter sa propre proposition ou
thèse. On pourrait néanmoins tenter d’éviter des généralisations et de
donner des recettes d’analyse littéraire, du type « la clé d’une pièce est
son rasa » ou « ce qui importe est l’examen des aspects rituels ».
Concernant notre analyse des allusions au théâtre et à la théorie
esthétique du théâtre, notre but n’a certainement pas été de montrer que
Murāri est le seul ou le premier auteur à exploiter cet aspect, puisque
Viśākhadatta, Bhavabhūti ou Rājaśekhara, par exemple, partagent cette
approche. L’analyse de ces termes ne peut pas servir comme modèle
général ou approche exemplaire des pièces de théâtre de l’Inde classique
non plus, puisque seuls certains auteurs ont recours à l’emploi de ces
termes. Nous ne pourrions pas assujettir les pièces attribuées à Bhāsa,
39
Notons également que l’identification des rites dans des pièces de théâtre est souvent
douteuse. Steiner, 2010 : 167, par exemple, critique, à juste titre, l’identification
proposée par Tieken d’un rājasūya chez « Bhāsa ».
230 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
Traductions et études
Bansat-Boudon, Lyne, Poétique du théâtre indien : lectures du Nāṭyaśāstra,
Paris, École française d’Extrême-Orient, 1992.
Bansat-Boudon, Lyne, « Le théâtre en tous ses états », in Balbir, Nalini (dir.),
Genres littéraires en Inde, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 1994,
p. 195-218.
Bansat-Boudon, Lyne, « L’épopée mise en scène : l’Uttararāmacarita »,
Journal asiatique, 288, 1, 2000, p. 83-111.
Ingalls, Daniel H.H., An Anthology of Sanskrit Court Poetry : Vidyākara’s
« Subhāṣitaratnakoṣa », Cambridge MA, Harvard University Press, 1965.
Jamison, Stephanie, « Anargharāghava : Das Schauspiel vom kostbaren
Raghuspross. Einführung und Übersetzung. Drama und Theater in Südasien 1.
Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1997, 314 p. », Indo-Iranian Journal, 43,
2000, p. 173-177.
Jaspart-Pansu, Carole, « La mise en abyme dans l’Uttararāmacarita de
Bhavabhūti », in Bansat-Boudon, Lyne (dir.), Théâtres indiens, Paris, Éditions
de l’École des hautes études en sciences sociales, 1998, p. 123-136.
Keith, Arthur B., The Sanskrit Drama, Delhi, Motilal Banarsidass, 1991 (1re éd.
1924).
Lévi, Sylvain, Le Théâtre indien, Paris, Émile Bouillon, 1890.
232 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Annie MONTAUT
1
Le système de transcription utilisé pour les mots hindi utilise l’accent circonflexe
pour noter la longueur des voyelles, le soulignement pour noter la rétroflexion des
consonnes, et le n après voyelle note la nasalisation ou une consonne nasale – une
voyelle nasalisée avant consonne étant généralement prononcée suivie d’un segment
consonantique nasal. La lettre c correspond à l’affriquée tch [ʧ].
Le théâtre hindi aujourd’hui 235
2
Les autres pièces de Mohan Rakesh, par ailleurs romancier et nouvelliste, tournent
autour de ces grands thèmes du manque à être et de l’incomplétude, mais parfois
dans un style beaucoup plus littéraire, sur le poète sanskrit Kalidas par exemple dans
Jour de mousson (Asarh kâ ek din, 1958), pièce sur le drame de l’inspiration poétique
stérilisée par les compromis politiques du poète.
3
Sur le théâtre populaire moderne en Inde, voir Srampickal (1994), Dutt (1982), Sirkar
(1978). Sur Safdar Hashmi, assassiné par les extrémistes hindous en 1989, et son
théâtre le Janam, voir Deshpande (2007). La célèbre pièce de Azghar Wajahat, Qui
n’a pas vu Lahore n’est pas né (Jis lahore nain dekhya o janmya nai) a été montée
par Habib Tanvir avec un succès international (Inde, Pakistan, New York, Dubai).
236 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
histoire d’un vieillard épris d’une jeunette, laquelle finit par s’enfuir
avec son jeune amoureux. Ou encore Ponga Pandit8, farce contre
l’intouchabilité, jouée dès les années 1960 par la troupe de Habib Tanvir
sur la base de sa création par les tribaux du Chattisgarh dans les années
1930, dont le succès ne s’est jamais démenti, mais qui a brusquement
été perçue comme une provocation par les fondamentalistes hindous, à
l’automne 1993, et boycottée systématiquement par le RSS9, jusqu’à
l’incendie de son théâtre de Bhopal.
Dans ce théâtre total, non seulement inspiré mais cocréé par la troupe
de tribaux qui l’a accompagné cinquante ans durant, Habib Tanvir voit
la fidélité authentique à Brecht : « To be more Brechtian is to be more
Indian » disait-il souvent. Il soulignait dans cet aphorisme, avec l’inanité
des imitations, la nécessité d’impliquer la culture populaire locale pour
construire la critique générale de la machine à opprimer universelle.
Cette culture locale, fondamentalement rurale, est portée chez Habib
Tanvir par des acteurs qui sont donc généralement illettrés, ce qui ne
veut pas dire incultes. Comme il l’indique dans la préface de sa plus
célèbre pièce Le Voleur Charandas (Carandâs cor, 1975), son acteur
fétiche Thakur Ram, tout illettré qu’il était, avait non seulement une
culture, mais était à sa façon un intellectuel10, le type d’intellectuel que
Gramsci désignait comme « l’intellectuel rural », ou « l’intellectuel
organique ». La pensée critique de cet intellectuel rural (également
valorisée par Ashis Nandy, qui l’attribue par exemple à Gandhi)11 ne
procède pas des schèmes cognitifs formatés par le capitalisme bour-
geois, et son efficacité est donc d’autant plus forte qu’il parle à ses
véritables interlocuteurs en les constituant comme des sujets conscients
8
Traduction française en préparation, par J.P. Khoury.
9
Aile extrémiste de l’hindutva. Le boycott systématique par des gangs dans les villes
et les villages où tournait la troupe amena diverses municipalités à interdire la pièce
pour éviter les perturbations de l’ordre public dans l’année qui suivit les émeutes
communautaires d’Ayodhya entre hindous et musulmans (1992). Lors d’une de ces
interdictions, le programme fut donc modifié, et une autre pièce jouée et très
applaudie. Quand le public enthousiaste demanda à Habib Tanvir de présenter sa
troupe, il expliqua que la meilleure présentation des artistes est leur performance
même et demanda à la salle si elle souhaitait les entendre chanter un nach de leur
village. Le nach exécuté n’était autre que Ponga Pandit, terminé avant que le RSS ait
pu se rendre compte de la supercherie. Ce qui n’empêcha pas la destruction du
théâtre de Bhopal peu après.
10
Svargîya thâkur Râm anparh hote hue bhî parhe likhe the, samajhdâr bhî the aur ek
mâyne men ‘intellectual’ bhî, « Feu Thakur Ram, bien qu’illettré, était cultivé, il était
aussi intelligent et dans une certaine mesure c’était un intellectuel ».
11
Dans L’Ennemi intime (2007), traduction française de The Intimate Enemy.
238 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
acteurs de leur histoire, et non comme des victimes marginalisées par les
projets de développement moderne puis néolibéral de l’Inde12.
Le Voleur Charandas n’a pas dû son succès, jamais démenti entre sa
création en 1975 et ses dernières représentations en 2010, à ses simples
aspects « folkloriques » et farcesques, mais à l’énergie exigeante de
l’analyse, soutenue par les moyens de ce théâtre total (dont un orchestre
de soixante-douze personnes). Farce ou conte dont l’argument est
emprunté au folklore du Rajasthan, jouée par l’acteur Thakur Ram, la
pièce met en scène la religion de la vérité, qui se trouve être le dharma
dominant au Chattisgarh (satyanâm, litt. « nom de la vérité »), vu du
point de vue du voleur. Ce voleur, sorte de Robin des Bois, Charandas,
se trouve, à la suite du vol d’un plateau d’or, amené à demander protec-
tion à un maître sadhou qui exige de lui un engagement de bonne
conduite. Charandas refuse de renoncer à son métier mais fait quatre
promesses, outre celle de toujours dire la vérité : ne jamais manger dans
un plat d’or, ne pas parader en procession dans la ville sur un éléphant,
ne pas épouser une reine même si elle le lui demande, ne pas accepter
d’être roi. Les circonstances font qu’il est contraint de refuser successi-
vement ces quatre chances et paie son refus de sa vie. Le dernier hold-up
qu’il tente en effet, et réussit, en se faisant passer pour le ministre des
finances attendu pour une inauguration dans le village, est celui du
trésor royal. Rattrapé par la police, il parvient à montrer qu’il n’a pris
que cinq pièces d’or alors qu’il en manque beaucoup plus et à démas-
quer ainsi les véritables escrocs, le ministre lui-même et sa clique. C’est
alors que la reine, convaincue de l’exceptionnelle honnêteté du voleur,
seul homme intègre du royaume, lui offre le poste de ministre, le repas
sur un plateau en or, la parade dans la ville à dos d’éléphant, puis le
mariage avec elle, et le gouvernement du pays. À ses divers refus, elle le
fait d’abord emprisonner, puis finalement tuer. Car Charandas, fidèle à
sa parole, préfère mourir plutôt que trahir ses promesses [figure 55].
Certes, l’argument est simple, et la conclusion moins pessimiste que
celle de l’histoire dans sa tradition, car le voleur meurt dans la convic-
tion qu’il laissera le souvenir de la vertu et que l’histoire des hommes y
trouvera un aliment positif. Les méchants sont ridiculisés, le public se
12
Les populations tribales sont sur ce plan plus représentatives encore que les
populations rurales, n’étant prises en compte dans la très rebattue culture composite
du pays que pour figurer dans les musées de l’art tribal et autres réserves consacrées
comme « heritage », mais déplacées pour permettre les grands aménagements
industriels, ce qui les condamne à perdre leur culture avec leur « habitat » et à
s’assimiler. C’est l’argument de la pièce La Route (Sarak), critique des stratégies de
« développement » par la construction de grandes routes qui entraînent le dépla-
cement des populations autochtones. Arundhati Roy défend des points de vue ana-
logues sur la gestion nationale de ces « marginaux ».
Le théâtre hindi aujourd’hui 239
moque d’eux, rit beaucoup, car les improvisations sont toujours pleines
d’ironie, voire d’auto-ironie, en prise sur l’actualité et les problèmes
fondamentaux, tant nationaux que locaux. Mais la rigueur de la mise en
scène – les répétitions sont réglées à la moindre réplique, au moindre
geste, à la moindre intonation près, condition de la justesse des improvi-
sations durant le spectacle – et la subtilité de l’interaction entre le
chœur, qui commente l’action, la danse et le chant qui la ponctuent, la
mimique et la pantomime qui la dédoublent, le texte qui en fait une
comédie burlesque, antiréaliste et hyperréaliste à la fois, déclenchent des
prises de distance et des prises de conscience à divers niveaux. Si Peter
Brook a pu juger à l’emporte-pièce que le théâtre de Habib Tanvir
simplifie parce qu’en Inde on peut simplifier (sic), c’est qu’il n’est sans
doute pas entré dans la position de l’intellectuel organique qui est celle
du metteur en scène13.
B. Agra Bazar et l’humanisme radical
Une pièce comme Agra Bazar (1954), produite à Delhi, avant la
création de la troupe du Chattisgarh, avec des étudiants, des employés et
des petits boutiquiers du village d’Okhla14, montre bien qu’il ne s’agit
pas, avec Habib Tanvir, d’un théâtre « folkloriste » et simplificateur. La
pièce porte sur une culture mineure (au sens deleuzien du terme), qu’elle
saisit au moment précis où elle est en voie de perdre son statut de
culture dominante en 1810, et à travers un de ses poètes, qui n’est
présent sur scène que par sa parole poétique. L’intrigue est assez
compliquée, jouant sur deux niveaux : un vendeur de concombre se
dispute avec d’autres marchands parce qu’il n’arrive pas à écouler sa
marchandise, s’ensuit une rixe, et il échappe de justesse au policier venu
enquêter sur l’atteinte à l’ordre public. Parallèlement, le policier courtise
une belle qui l’éconduit d’un bout à l’autre de la pièce, malgré ses
puissants appuis. Comme quelqu’un a suggéré au marchand de
concombres de se faire écrire un bon poème à la gloire du concombre
pour résoudre son déficit, le marchand de concombre cherche son poète,
d’un bout à l’autre de la pièce, et finit par le trouver en la personne de
Nazir, dont le poème fait vendre tout l’étal.
La pièce avait été commandée à Habib Tanvir par l’université
Jamiya Milya qui souhaitait commémorer le poète Nazir Akbarabadi
13
Ce jugement est cité par Dalmia-Lüderitz (1990), qui en dénonce à juste titre
l’arbitraire.
14
Dont le marchand de glace et le marchand de bétel, qui vendaient vraiment de la
glace et des chiques de bétel respectivement à Okhla, aujourd’hui « village urbain »
dans l’est de Delhi. Un âne d’Okhla était aussi sur scène, avec les cinquante-deux
personnages que comptait la distribution.
240 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
15
Forme poétique libre, beaucoup plus souple que les autres formes codées de la poésie
classique ourdou (qasida, marsiya, masnavi, ghazal), en vers rimés, sur un thème
suivi et dont le choix peut être très varié, à la différence par exemple du très prisé
ghazal dont le thème change à chaque distique et qui aborde systématiquement
l’amour malheureux.
16
Préface d’Agra Bazar (Tanvir, 1954 [1984] : 28). Son utilisation du vocabulaire
concret l’émerveille particulièrement (les singes, les ours, les perroquets sont des
réalités indiennes exprimées par des mots indiens dans la poésie de Nazir), comme sa
connaissance de la culture matérielle locale (les vingt noms des cerfs-volants par
exemple, présents dans un poème dit par le marchand de cerfs-volants).
Le théâtre hindi aujourd’hui 241
nostalgie d’un monde dont la fin s’annonce avec les débuts de la coloni-
sation se cristallise dans l’acharnement des défenseurs des anciens
canons poétiques à se réfugier dans le culte des formes savantes les plus
ésotériques17, comme le font les personnages du Libraire, dont la bou-
tique est le quartier général des conservateurs, du Poète, ou du Chroni-
queur, occupé à rédiger une somme des grands poètes ourdous, person-
nages qui tous haïssent Nazir pour sa vulgarité et ses plaisanteries
grossières. Si la pièce est très largement centrée sur les nazm de Nazir,
précisément parce qu’ils traitent crûment de ces réalités matérielles
évacuées par les formes toujours dominantes de la culture savante18, elle
comprend cependant un (unique) ghazal de lui, et il est déclamé par
Hamid, compagnon du Poète, qui tente de convaincre les conservateurs
que, malgré tout, Nazir a aussi fait de la bonne poésie :
Messager, va et lui dis, sans mentionner mon nom
Celui qui vous adore est au plus mal et il se meurt.
Pourquoi dans le moment qu’elle me quitta furieuse
La foudre ne m’a-t-elle point frappé et mis fin à ma vie ?
Ce ne peut être qu’elle qui sort toute parée à pareille heure,
Seul son radieux visage peut irradier la lumière qui m’aveugle.
Nul ne pleura sur mon sort tandis que j’errais au désert,
Sauf à mon pied l’ampoule qui pleura d’abondance tandis qu’elle éclatait.
Si le ghazal est apprécié sans conviction19, surtout pour la compa-
raison avec l’ampoule, cette dernière déclenche immédiatement un
concours poétique, tous les présents citant à qui mieux mieux de meil-
17
Au milieu de l’acte 1, on se plaint chez le libraire qu’un vulgaire marchand de
concombres ose demander au poète un poème sur le concombre, comme si le ghazal
pouvait s’abaisser à traiter d’aussi triviales réalités, et des misères du monde en
général. À quoi Hamid remarque que le ghazal n’a peut-être pas en soi la portée
nécessaire pour traiter des misères du monde, les autres genres nobles ne pouvant
guère traiter que des misères des rois et des reines (Tanvir, 1954 : 61-2). Pour la
coïncidence entre la passion du ghazal et la perte du pouvoir économique et politique
par les Moghols, sur le plan historique et culturel, voir les interprétations faisant de
cette exacerbation de l’élitisme formel une forme de dénégation de la réalité et de
fuite dans une nostalgie complaisante. Voir aussi Les Joueurs d’échec de Satyajit
Ray.
18
La pauvreté, l’argent, la faim font l’objet de plusieurs chants de la pièce :
« Bijoutiers, commerçants, usuriers mêmes, /jadis prospères, sont désormais
mendiants,/ dans les échoppes règne à présent la poussière/ la misère a détruit la cité
jadis florissante », « Des savants renommés et plein d’autorité/ perdent la voix
tombant dans la misère/ la faim leur fait prendre l’alif pour le be [la lettre A pour
B] » (Tanvir, 1954 : 47-8).
19
« Évidemment, si on passe sa vie à essayer, un jour ou l’autre à force on va
commettre un ou deux vers acceptables. Les poètes de troisième ordre assez
présomptueux pour marcher sur les brisées des grands maîtres inimitables, ce n’est
pas ce qui manque… »
242 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
20
Sic. L’expression pâe-nazar (pied-œil) fait en outre état d’un vocabulaire et d’une
syntaxe persane, avec l’ézafé.
Le théâtre hindi aujourd’hui 243
21
Ou Sikandra/Sikandar, quartier périphérique d’Agra, nommé en référence à
Alexandre.
22
Bhartendu, premier grand dramaturge en hindi, premier doctrinaire aussi, qui voulut
faire de l’écriture un mode d’intervention politique, est sur ce plan un illustre prédé-
cesseur, tant par le rôle des sadhous que par la place donnée aux crieurs du marché et
à leur harangue.
244 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
23
Avec, là encore, l’illustre précédent de Bhartendu et les commentaires du vendeur de
poudre digestive et du vendeur de castes (sic).
Le théâtre hindi aujourd’hui 245
ment est suspendu, met sur le même plan les meilleurs et les pires (le
dévot qui laisse ses chaussures à la porte du temple est un homme, le
voleur qui les récupère est un homme, les héros et les félons sont des
hommes, etc.), cette image de l’humanité multiple et contradictoire,
joyeusement affichée dans ses contradictions irréductibles, laisse à
l’homme (le spectateur) la liberté de choisir son action, sur fond de foi
en l’humanité, soutenue par l’enjouement même de la présentation.
Si de tels éléments sont certes présents chez Nazir, la distribution de
la voix énonciatrice sur les divers acteurs chacun dans une position
sociale précise, en lien avec le contenu du poème, déplacé au besoin (par
exemple les chants de Krishna énoncés par les eunuques lors d’une
naissance dans le quartier), en fait une polyphonie concrète et réellement
dialogique, où peut jouer l’analyse critique, dans la distanciation impo-
sée par le comique, la parodie et la stylisation du jeu théâtral.
24
Pour plus de détails sur l’œuvre de fiction de Vaid, voir Montaut (2004).
25
La nouvelle Histoire de renaissances (traduction française par A. Montaut dans le
recueil du même titre chez Langues & Mondes/L’Asiathèque, bilingue hindi/français,
2002c) est entièrement présentée sous forme dramatique, cinq personnages se
partageant la parole. Le court roman Lila (traduction française par A. Montaut aux
Éditions Caractères, 2004) comporte une séquence dialoguée, sans autre incise que
les didascalies, qui occupent à peu près le tiers de l’œuvre.
246 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
26
La pièce sur la faim diffère un peu sous cet angle, comportant six personnages très
différenciés et une « intrigue » avec plusieurs « péripéties » (parents cupides
typiquement « nouveaux riches », pleins de mépris pour la culture hindi, fille
découvrant les problèmes sociaux à cause du devoir sur la faim à rédiger pour la prof
de hindi, le travail de terrain auprès des mendiants du fort Rouge, la petite pauvresse
et ses parents affamés invités chez les bourgeois pour illustrer la faim, que personne
n’était parvenu à définir, montée de l’émeute de la faim qui s’ensuit à la maison).
Le théâtre hindi aujourd’hui 247
27
Avec la consonne nasale, le mot signifie mental (de man « esprit »), avec la voyelle
nasalisée, il signifie charnel (de mâNs « chair, viande »). Des paronomases de ce type
abondent dans le texte de la nouvelle autant que dans la pièce, jamais gratuites,
comme ici, où le débat corps/âme, matériel/spirituel s’inscrit dans la guerre des
positions idéologiques.
248 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
28
Expression structurée comme une locution persane, avec préposition et non
postposition comme en hindi (zindâ dar gor).
250 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
29
Une nouvelle de Vaid porte du reste ce titre d’« Alâp », en référence à la mise en
condition esthétique que doit produire cette séquence, avant la partie narrative de la
pièce musicale où interviennent les percussions.
30
Une version antérieure de cette pièce fut jouée à Delhi à la fin des années 1970 sous
le titre Hây hây kyon (« Pourquoi gémir ? »). L’Arène familiale en est relativement
différente.
31
Diagnostiqué en particulier par les Autres comme « ce vide dont le souffle est sans
arrêt perceptible dans votre maison », souffle que le Mari veut confondre avec celui
de la paix et du calme, shânti (p. 42).
Le théâtre hindi aujourd’hui 251
est arrivé à eux-mêmes, ce qui arrive à tous, ce qui arrivera aux enfants
des autres, à tous les enfants du monde. « Arrête », dit-elle, et lui de
rétorquer : « Si tu n’as pas la force d’entendre, pourquoi tu me poses la
question ? » C’est avec cet échange que commence la scène de ménage,
faite largement de répétitions où seul change le genre des verbes32 (« je
savais que tu allais dire ça », « pourquoi tu m’imites sans arrêt », p. 14-
15), et de variations développées sur les structures répétées (« je ne
savais pas que tu allais dire ça », « je ne savais pas que tu admettrais que
tu ne savais pas que j’allais dire ça », p. 16), répétitions commentées par
les enfants : « Vous n’êtes que l’écho l’un de l’autre » (p. 16). Les
personnages sont davantage différenciés les uns des autres que dans
Notre vieille dame, mais leur parole, de contradiction en déni et en
répétitions diversement infléchies, finit par produire les mêmes effets de
dé-différentiation, par cyclicité de la prise de parole, jusqu’au finale où
les Enfants (E) et les Autres (A) se rejouent les interrogations des pa-
rents, ponctuées par le souffle du Vide. Voici la fin de ce finale (p. 77-
79), une fois passées en revue diverses possibilités d’action toutes
rejetées parce qu’elles « n’avanceront à rien », « ça ne servira à rien ».
A – Alors qu’est-ce qui peut nous avancer à quelque chose ?
E – On n’en sait rien.
A – Alors qui le sait ?
E – On n’en sait rien.
A – Nous non plus.
E – À quoi ça avancera de savoir ?
A – On n’en sait rien.
E – Alors qui le sait ?
A – On n’en sait rien.
E – Nous non plus.
A – Bravo !
(Pause, souffle du Vide)
E – On est confrontés à des questions terribles.
A – À quoi bon se poser des questions terribles33 ?
E – À quoi bon se poser des questions terribles ?
A – Que va-t-il advenir de nous ?
E – Que va-t-il advenir de nous ?
A – Que va-t-il advenir ?
E – Que va-t-il advenir ?
32
Le verbe hindi est le plus souvent accordé en genre, dans la mesure où il est
comporte toujours un participe à l’indicatif (et souvent aux autres modes).
33
Littéralement « que sera-t-il à partir des (ablatif) questions terribles », réplique sur
laquelle enchaîne la suivante, avec le même verbe construit différemment « que sera-
t-il de (génitif) nous ».
252 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
34
Toujours avec le même verbe « être » au futur, mais construit sans complément.
35
Dans l’original identique la première réplique « c’est la mort » (mâre gae) garde pour
Les Autres un peu de son sens littéral (« ils ont été tués, ils sont morts », d’où
l’enchaînement ; dans la seconde, le sens de la locution figée « on est cuits, c’est la
mort » l’emporte sur le sens propre.
36
A – Vous avez besoin l’un de l’autre. M – moi oui, elle pas. F – moi oui, lui pas
(p. 21).
Le théâtre hindi aujourd’hui 253
MF (à l’unisson) – De quoi ?
A – De tout ce que vous dîtes.
M – Elle peut-être, moi non.
F – Moi non, lui peut-être.
MF (à l’unisson) – Mais qui êtes-vous pour nous poser des questions pa-
reilles ?
A – Nous sommes vos Autres, ceux qui ne vous sont rien37.
MF (à l’unisson) – Dans notre pays il n’y a pas d’autre, dûsrâ na koî.
A – Comment ça peut se faire ? Dans notre pays, le premier venu est
l’Autre38. La belle-mère, le beau-père, le beau-frère, la belle-sœur, le frère,
la sœur, toute la parentèle au complet, tous les gens de notre caste, les voi-
sins, tous, ils sont les autres. Nous, on est leur représentant, leur symbole,
appelez ça comme vous voulez.
M – Et nous qui croyions qu’ils étaient tous des nôtres.
F – Toi peut-être, moi pas.
(Les enfants se mettent à pleurer)
Cette mise en question de l’altérité par les parents est formulée dans
des termes (dûsrâ na koî) doublement chargés culturellement, puisqu’il
s’agit d’un vers tronqué de la poétesse Mira Bai, très célèbre dans la
mystique dévotionnelle du XVIe siècle, le vers complet ayant une portée
non pas négative mais superlative (nul autre que Krishna), et que,
d’autre part, ce vers sert de titre à l’une des œuvres les plus complexes
et les plus drôles de l’auteur, œuvre qui a souvent été comparée aux
fictions de Beckett comme What ou L’Innommable. Le narrateur, seul,
attendant la mort ou l’illumination, ne dialogue qu’avec son autre,
l’Empereur des questions fondamentales, ce mortel ennemi qui est son
double, et avec lequel, pour finir, il s’envole, ne faisant plus qu’un avec
lui, dans le grand vide (mahashûnya)39.
Une seconde recaractérisation intervient vers le milieu de la pièce,
Mari et Femme avouant à tour de rôle la véritable nature des Autres
dans leur vie conjugale, après une longue altercation quant à la nature et
au rôle du Vide dans la maison, qu’on finit par envoyer au diable faute
37
Ham tumhâre dûsre hain (nous vos/tes autres sommes).
38
Litt. « N’importe quel tiers (tîsrâ « troisième ») est un étranger » (dûsrâ « deuxième/
étranger/autre »).
39
« Mon ennemi mortel » (Merâ dushman) est une des plus célèbres nouvelles de
l’auteur, longtemps considérée comme exemplaire de la Naî kahânî. Sur le rapport
entre la fusion mystique, le chant qui ponctue la nouvelle Dûsrâ na koî et lui imprime
son rythme long, par la jubilation qu’il génère et qui ne s’accomplit que dans l’envol
final, la tentation du vide, la réflexion sur la fluidité des identités, et la syntaxe
négative (modalisations, négations, hypothèses, comparaisons déréalisantes jusqu’à
l’évacuation du signifié sous les strates de signifiants incompatibles), voir Montaut,
2004.
254 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
40
La Femme ironisant sur l’incapacité de son débile de mari à avoir un quelconque
avis, lui qui oublie tout d’un jour à l’autre.
Le théâtre hindi aujourd’hui 255
41
Voir « La poétique du vide chez Vaid » (Montaut, 2004).
256 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
Dalmia-Lüderitz, Vasudha, « To be more Brechtian is to be more Indian : on the
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(traduction française par Annie Montaut de Guzrâ huâ zamânâ, Delhi,
Rajkamal, 1981).
Théâtres de Perse et d’Iran
Formes originelles et importation occidentale
Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK
1
Avant lui, de nombreux chercheurs ont professé un tel avis, notamment M.T. Bahâr
(« Le théâtre et le jeu d’acteur n’existent pas en Iran », Bahâr, 1972 : 185),
P.N. Khânlari (« Nous savons que le théâtre au sens propre n’est pas un art iranien »,
Khânlari, 1973 : 141), P. Chelkowski (« There is evidence that Tazi’e Khani is,
indeed, the only indigenous drama ever developed on the Iranian plateau in twenty-
five centuries in written literature », Chelkowski, 1971 : 121). Cela tient à leur
définition très restrictive du théâtre.
260 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
comme un cœur pur, une victime sacrificielle immolée dans une atmosphère de
mystère et amenant le renouveau. Son sang s’écoulant sur la terre donne naissance à
une plante mise en parallèle avec la naissance de son fils, Key Khosrow, qui le
vengera.
4
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
262 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
5
Deux couples d’amoureux célèbres dans la littérature persane classique.
264 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
la tête d’un petit orchestre composé d’une flûte, d’un tambour et d’un
luth (Floor, 2005 : 65-69) [figure 59].
Le théâtre de marionnettes à fils (lo’bat, peykar) s’appelle shab bâzi
(parce qu’on le joue le soir quand les fils sont moins visibles) ou parde-
bâzi (allusion au voile qui sert de toile de fond et dissimule les manipu-
lateurs). ‘Omar Khayyâm y fait allusion dans les quatrains et ‘Attâr
(mort entre 1190 et 1220) le mentionne comme un divertissement
d’origine turque (d’Asie centrale). Les poupées mesurent entre vingt-
cinq et trente centimètres, ont un corps en bois et chiffons et une tête en
porcelaine ou en bois peint. Elles sont très nombreuses, réalistes, avec
des costumes bien différenciés. Les spécialistes ont répertorié une
trentaine de personnages différents : Mobârak, le valet noir, malicieux et
sage ; Salim Khân le roi ottoman, parfois remplacé par Ahmad Shâh
Qajar pour faire couleur locale, souverain cruel, injuste et futile ; le
prince Farrokh-Khân, son fils indigne ; le héros Pahlavân Kachal qui
embrasse la cause des opprimés et fait de nombreuses conquêtes fémi-
nines ; son cheval Kori, confident et complice de ses aventures ;
Akhund, sorte de Tartuffe à l’iranienne ; ‘Arus, amoureuse naïve,
femme fatale ou fée ; Ververeh Jâdu, la vilaine sorcière, etc.
L’artiste qui les anime et leur donne la parole (ostâd) se dissimule
derrière un rideau. Un assistant (morshed) assis dans l’assemblée
s’occupe de la musique et donne la réplique aux marionnettes. Le spec-
tacle comprend des danses et acrobaties, qui sont une démonstration de
la virtuosité du montreur, ainsi que des scènes de la vie quotidienne :
bagarres, processions de deuil, mariage, naissance, zurkhâne (gymnas-
tique athlétique traditionnelle iranienne), thèmes d’actualité. Le langage
est vert et souvent vulgaire. Les représentations sont publiques ou
privées, sur invitation dans les maisons des particuliers. De nombreuses
quêtes entre les scènes, assez lâchement reliées entre elles, assurent aux
artistes leur rémunération. Le théâtre de marionnettes a connu une
éclipse sous les Pahlavis, mais il est actuellement soutenu par la Répu-
blique islamique qui sponsorise deux festivals de marionnettistes par an
(Beyzâ’i, 1995 : 82-111 ; Floor, 2005 : 70-80) [figure 60].
D. Le drame narratif
Il est attesté à partir des Parthes : des ménestrels ou goshân décla-
ment ou chantent des récits épiques comme le Mémorial de Zarer ou la
Mort de Siyâvosh, qui, tous deux, mettent en scène un guerrier dévoué,
inspiré par sa foi, qui fait face à une armée et à un adversaire perfide, et
dont la mort remplit une prophétie. Le conteur parthe exerce à la cour où
il est aussi tour à tour panégyriste, satiriste, musicien et chroniqueur de
son époque. La tradition se perpétue à l’époque sassanide.
Théâtres de Perse et d’Iran 265
6
Héros mythique de la Perse antique, né des amours de Zâl et Rubâbe, immortalisé par
Ferdowsi dans le Livre des Rois (Xe siècle), il accomplit de nombreux exploits et finit
tragiquement après avoir tué par méprise son propre fils Sohrâb.
7
Célèbre héros du Livre des Rois qui s’opposa au roi sassanide Khosrow Parviz.
8
Grand guerrier, champion de la cause abbasside. Son assassinat par traîtrise engendra
un cycle de vengeances relatées dans divers romans populaires.
9
Héros de la littérature des conteurs passée à l’écrit, cette sorte de Robin des bois aide
avec ses compagnons le prince Khorshid-Shâh, fils d’un roi d’Alep. Voyages,
bagarres, amours contrariées émaillent ce récit-fleuve.
266 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
10
Les arguments qu’il avance portent sur sa nature (il s’agit non d’un drame mais d’un
spectacle modifiable à chaque fois ; cependant c’est aussi le cas du drame religieux
médiéval occidental), sur la fonction du texte (qui n’est qu’un fil conducteur, réécrit
et modifié ; mais c’est le cas de certaines formes théâtrales occidentales) et surtout
sur la fonction de la performance (le renforcement de l’ordre religieux, idéologique et
cosmique du monde chiite, soutenu par l’interaction avec le public).
11
Ceux-ci impliquaient une reconnaissance publique de sa mort et de sa résurrection et
exigeaient, comme la ta‘ziye, la participation active et la foi inébranlable des spec-
tateurs.
Théâtres de Perse et d’Iran 267
(mort qui se relève pour prononcer ses dernières paroles, personne tuée
plusieurs fois). Décors et accessoires sont réduits et symboliques : une
bassine d’eau pour l’Euphrate, une branche d’arbre pour une palmeraie.
Chevaux, armures, armes et étendards sont cependant indispensables.
Les bons sont vêtus de vert, couleur sacrée de l’islam, les méchants de
rouge, symbole de cruauté, mais aussi du sang innocent des martyrs, qui
crie vengeance. Les acteurs sont choisis en fonction de leur voix et de
leur physique. Les rôles féminins sont tenus par des jeunes garçons ou
des hommes voilés (Malekpour, 2004 : 98-147 ; Floor, 2005 : 155-185 ;
Calmard in Corvin, 2008 : 722-723) [figure 63].
Les « acteurs », simples porteurs ou chantres de rôles (noskhe-khân),
imitations, substituts ou doubles (shabih) de leurs personnages,
s’adressent aux « spectateurs » qui complètent l’action dramatique par
leurs pleurs et par diverses mortifications. Les « bons », qui chantent sur
des modes musicaux, s’opposent aux « méchants » déclamant sur un ton
rude et irrité. Les représentations dramatiques servent à accroître
l’épanchement de pleurs nécessaire à l’intercession du saint martyr. Par
la valorisation des pleurs, bienfaits, aumônes à la mémoire des martyrs
de Kerbelâ, ces séances sont de véritables rites communautaires fournis-
sant un exutoire aux tensions psychosociales. Riches et pauvres,
hommes et femmes communient dans une atmosphère d’apparente
liberté et fraternité. Les groupes religieux citadins (quartiers, métiers) et
villageois rivalisent pour édifier ou décorer les tekiyye. Les séances sont
données dans un espace circulaire au centre duquel est édifiée une plate-
forme (saku) symbolisant le camp des assiégés. Les spectateurs prennent
place autour d’elle, les riches dans des loges, les pauvres par terre ou sur
des gradins, les hommes et les femmes séparés mais se voyant. Des
boissons et des mets sont distribués (Calmard in Corvin, 2008 : 722-
723).
Des ta’ziye féminins étaient joués dans les patios ou salles de fête
des notables devant le public des harems par des récitatrices-déplora-
trices surnommées mollâ ; elles reprenaient évidemment les épisodes
dont les personnages principaux sont des femmes, comme celui de
Shahr Bânu ou du mariage de la fille de Qoreysh (Beyzâ’i, 1995 : 160).
Il existait également des épisodes parodiques centrés autour du person-
nage de l’esclave noir de l’imam Husayn, tournant en ridicule les adver-
saires, faisant usage de masques risibles et de vêtements bariolés, et
permettant de relâcher la pression (Beyzâ’i, 1995 : 161-165).
272 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
A. Les précurseurs
La rencontre avec le théâtre occidental se fit de façon extrêmement
lente, d’abord par le truchement des témoignages de voyageurs de retour
d’Angleterre, de Russie et de France. Ce n’est qu’au XIXe siècle que
l’intelligentsia iranienne fit véritablement connaissance avec le théâtre
occidental. Les étudiants envoyés en Europe pour y apprendre les tech-
nologies occidentales revinrent avec un vif intérêt pour les différents
aspects de la culture occidentale, incluant le théâtre. À la demande de
Nâser al-din Shâh (1848-1896), un premier théâtre fut construit à
l’École polytechnique de Téhéran (Dâr al-fonun) en 1886. À cause des
mises en garde du clergé, il fut réservé à la famille royale et aux courti-
sans. On traduisit en persan de nombreuses pièces du répertoire euro-
péen. Molière jouit d’un franc succès : dès 1869, Le Misanthrope fut
traduit – ou plutôt adapté assez librement – par Mirzâ Habib Esfahâni.
Six ans plus tard, la salle ferma (Floor, 2005 : 213-219).
Le réformateur Mirzâ Fath ‘Alî Khân Âkhundzâde (1812-1878), qui
composa des pièces publiées dans une revue du Caucase, est considéré
comme l’ancêtre du théâtre iranien bien qu’il écrivit en turc azeri. Il
devint populaire auprès des Iraniens qui appréciaient sa condamnation
des superstitions (L’Alchimiste), de la corruption (Le Vizir de
Lankarân), de l’avidité (Histoire de l’Avare) ou de l’escroquerie (Les
Avocats). Il incita ainsi de nombreux auteurs iraniens à écrire, à la
manière de Molière, des comédies critiquant le pouvoir qajar. Celles-ci
jouirent d’un grand succès public, mais furent souvent interdites ou
censurées, et leurs auteurs restèrent fréquemment anonymes.
Le premier dramaturge iranien, Mirzâ Âqâ Tabrizi, ne fut connu
comme tel que près de quatre-vingts ans après sa mort. Dans les années
1870, il écrivit quatre pièces où il fustigeait les maux de la société. Dans
le Destin d’Ashraf Khân, le héros est contraint de verser des pots-de-vin
à tous ses interlocuteurs, du roi au plus humble serviteur, afin de garder
sa charge de gouverneur du Khuzistan : il espère doubler sa mise en
pressurant à son tour ses sujets. Dans L’Histoire du pèlerinage à
Kerbela de Shâhqoli Mirzâ, il se moque des relations intrafamiliales des
Qajars, caractérisées par l’avidité et l’hypocrisie. Dans L’Histoire d’Âqâ
Hashem lorsqu’il tomba amoureux, il décrit l’importance excessive
concédée à la richesse matérielle, et l’emprise des superstitions. Il ne fut
imprimé que trente-sept ans plus tard, sous le nom de Malkhom Khân,
un politicien libéral défunt, et traduit en français sous le même nom en
1933. La vérité ne fut rétablie qu’en 1956.
Théâtres de Perse et d’Iran 273
13
Usine de construction automobile.
278 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
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280 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Figure 2. Exemple de gagaku. Femmes exécutant la danse des papillons. Photo extraite de
Sketches of Japanese Manners and Customs, J. M. W. Silver, Londres, 1867. Source:
http://www.gutenberg.net, Project Gutenberg. Illustration tombée dans le domaine public.
Figure 3. Représentation de nô au sanctuaire de Kasuga à Sasayama, Japon, 2006, cliché
de Matsuoka Ming Fang, licence Creative Commons Paternity, posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%B4. Au premier plan, le shite, acteur principal ; de
dos et adossé au pilier, le waki, l’acolyte ; au fond, l’orchestre.
Figure 4. Un théâtre de nô à Chûson-ji (Hiraizumi), Japon, 2005, cliché de Frank
Gualtieri placé dans le domaine public par son auteur, posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:ChusonjiNogakudo.jpg.
Figure 5. Masque de nô représentant un vieil homme, époque d’Edo (1603-1868), bois
laqué et peint, crin de cheval, Musée Guimet, Paris, 2007, cliché de Vassil, placé dans le
domaine public par son auteur, posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Masque_de_No_Guimet_271176.jpg.
Figure 6. Spectacle de bunraku joué par la troupe Bunraku Bay, Columbia, Missouri,
2009, cliché anonyme, posté sur un site d’information et de diffusion, URL :
http://www.bunraku.org/bbpagemar2009repertoire.html, © bunraku.org. On distingue, à
l’arrière-plan, les silhouettes vêtues de noir et cagoulées des manipulateurs.
Figure 7. Détail d’une marionnette de Bunraku, Troupe Tonda, 2006, cliché de Shinobo,
placé dans le domaine public par son auteur, posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bunraku. On remarquera la mâchoire et les yeux mobiles.
Figure 8. Performance de kabuki, 2010, cliché XunZau, licence Creative Communs
Paternity, URL :
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Za_Kabuki_2010_Topknot_Bunshichi_Act_1
_Scene_2.jpg?uselang=fr.
Figure 9 : Hanayagi Shôtarô dans la pièce de shinpa Yume no Onna, 1960, illustration
tirée de l’ouvrage Hagii Kôzô, Shinpa no gei, Tôkyô, Tôkyô shoseki, 1984, reproduite à
l’adresse URL :
http://kinolab.lettere.uniroma2.it/zangiku_monogatari/commenti/img/hanayagi_03.jpg,
© Université de Rome.
Figure 10. Revue de filles Takarazuka, 1936, cliché anonyme tombé dans le domaine
public, posté sur http://en.wikipedia.org/wiki/File:Akino,_Katayama_and_Miyajim.jpg.
Figure 11. Spectacle de kyôgen, 2009, cliché de « Corpse Reviver », licence Creative
Commons Paternity,
posté sur http://en.wikipedia.org/wiki/File:Himeji-jo_Takigi_Nou_39_37.jpg.
Figure 14. Version musicale de la Dame aux camélias, de Tadashi Suzuki, Taipei 2010,
cliché anonyme, annonce publicitaire pour le Taiwan International Festival of Arts sur le
site : http://travelkaohsiung.com/kaohsiung-spring-arts-festival-bigger-better/, © Taiwan
International Festival of Arts.
Figure 15. Spectacle de rakugo, lieu inconnu, 2008, cliché de « Vera46 » sur Flickr et
Wikipedia, licence Creative Commons Paternity, posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rakugo-sanmafestival.jpg.
Figure 16. Spectacle de p’ansori, Centre culturel de Busan en Corée du Sud, 2006, cliché
de « Steve46840 », licence Creative Commons Paternity posté sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Korea-Busan_3404-06_Pansori.JPG.
Figure 17. Danse coréenne masquée T’alchum, 1910, cliché anonyme initialement publié
dans un livre en japonais, La Dynastie Yi par les images, tombé dans le domaine public et
reproduit dans Wikimedia Commons, posté sur
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Korean_mask_play.JPG.
Figure 18. Pourquoi Simchong s’est jetée deux fois dans les eaux de la mer Indang ? de
O T’ae-sôk, 2005, © Yidohee Mokhwa Repertory Company.
Figure 19. Ogu forme de la mort, de Yi Yun-t’aek, 2001, © Yi-Yun-t’aek, Guerilla
Theatre.
Figure 20. Les Ongles de pied de O Chang-gun de Pak Cho-yôl, mise en scène de Sohn
Jin-chaek, 1988, © Michoo Theatre Company.
Figure 21. Lady Macbeth, mise en scène Han Tae-suk, 2010, © Moollee Theatre
Company.
Figure 22. Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, mise en scène par Yang Chông-
ung, 2006, © Yohangza Theatre Company.
Figure 23. Ne sois pas trop étonné de Pak Kûn-hyông, 2010, © Gohmokil Theatre
Company.
Figure 26. Les Bonnes de Genet, mise en scène de Pak Chong-hûi, 2009, © Pungkyung
Theatre Company.
Figure 27. L’Aspirateur, performance de Jeong Geum-hyung, 2006, © Jeong Geum-
hyung.
Figure 30. Illustration pour l’opéra de Pékin Le Rêve du papillon. Extrait de l’album
illustré Xingli qingyi, œuvres d’artistes de la cour des Qing, XIXe siècle, photo de Ma
Xiaoxuan extraite de Liao Ben, Zhongguoxiju tushi (Histoire illustrée du théâtre chinois),
Zhengzhou, Daxiang chubanshe, 2000, planche 3-173, courtoisie de l’auteur.
Figure 31. Danseurs de la chorégraphie martiale Yinggewu de la province du Guangdong
lors d’une procession à Macao (2008). Les performeurs, portant un maquillage similaire à
celui des « visages peints » du théâtre, incarnent les brigands des Bords de l’eau lors de
leur attaque de la citadelle de Daming pour délivrer leur frère juré Lu Junyi. Cliché de
Vincent Durand-Dastès.
Figure 32. Les comédiens Zhou Xinfang (Song Jiang) et Zhao Xiaolan (Yan Poxi) jouant
« [la nuit passée] assise à l’étage et le meurtre de Poxi » à Shanghai en 1961. Source :
http://gov.eastday.com/renda/node9672/wzzt/node12579/node12609/node12610/
node12625/u1a1617220.html. © Shanghai shi wen guang ju.
Figure 33. Les apprentis comédiens de la troupe junior de Kunqu jouant « Sanlang saisi
vivant ». Troisième festival de théâtre Kunqu, juillet 2006, Suzhou, cliché de Shen Chen,
© Shen Chen.
Figure 34. Acteurs d’un chèo modernisé, cliché anonyme placé dans le domaine public,
source : http://www.ibiblio.org/pub/multimedia/pictures/asia/vietnam/.
Figure 35. Troupe de tuồng, cliché anonyme, tombé dans le domaine public, posté sur
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Troupe_theatrale_de_Nam-Dinh.jpg.
Figure 36. Un orchestre du théâtre traditionnel, fin XIXe siècle. « Orchestre annamite »,
© ANOM sous réserve des droits réservés aux auteurs et ayants droit.
Figure 37. Un acteur en costume, fin XIXe siècle. « Acteur annamite », © ANOM sous
réserve des droits réservés aux auteurs et ayants droit.
Figure 38. Mille ans d’amour de Nguyễn Quang Lập (Ngàn năm tình sử, Thuận Khanh et
Lý Thường Kiệt), mise en scène en 2009, cliché : Nguyễn Quang Lập.
Figure 39. Mascarades khyâlah dans les rues de Lalitpur (Patan), à l’occasion de la fête
du Matayâh, le lendemain du Sâ Pâru, la fête néwar de la vache. Cliché de Gérard Toffin,
août 2010.
Figure 40. Ensemble royal, comprenant râjâ, râjkumâr, râjkumârî, mantrî, du théâtre
balâmi donné à Pharping (novembre 2010), à l’occasion de la pleine lune du mois de
Kârtik (octobre-novembre) et des jours suivants. Cliché de Gérard Toffin.
Figure 41. Un membre de la troupe de Khokanâ enveloppé dans le rideau de scène.
Cliché de Gérard Toffin, novembre 2010.
Figure 42. Divinité principale, mu dyah, de la troupe présidant la représentation sur un
des côtés de la scène, généralement en face des musiciens. Ici la divinité principale
(Rudrâyanî ou Siddhikâlî Mâju) de la troupe du village de Khokanâ (novembre 2010,
pleine lune du mois de Kârtik, octobre-novembre). Cliché de Gérard Toffin.
Figure 47. Danse bouddhiste caryâ. La jeune fille incarne Manjushri (Shrî Bâhâh,
Lalitpur, novembre 2010). Cliché de Gérard Toffin.
Figure 48. « Akrūragamanam » solo de Naṅṅyārkūttu’(Kapila Venu), pendant le Festival
de Kūṭiyāṭṭam à Iriṅṅālakūṭa, 2011. Cliché d’Eva Szily.
Figure 51. Masque du démon Naraka dans « Bānayuddham », Kṛṣṇanāṭṭam 2001. Cliché
de Sarah Blanchon.
Figure 52. Préparation du « cutti » en pâte de riz pour un spectacle de Kṛṣṇanāṭṭam,
Maison des cultures du monde, Festival imaginaire, Paris 2010. Cliché d’Eva Szily.
Figure 55. Habib Tanvir dans le rôle de Charandas le Voleur, photo anonyme postée sur
le site personnel de l’auteur, URL : http://habibtanvir.org/habib/photo.htm,
© habibtanvir.org.
Figure 56. Krishna Baldev Vaid, photo Tribhuvan Tiwari, 2003, URL :
http://www.outlookindia.com/printarticle.aspx?220872, © Outlook Publishing (India)
Private Limited.
Figure 57. Musiciens et danseuse, détail d’un manuscrit de La Roseraie de Sa’di, Shiraz,
1569. F. Richard, Splendeurs persanes, Paris, BNF, 1997, © Bibliothèque Nationale de
France, 1997.
Figure 58. Acteurs du théâtre Pars, cliché de Mireille Ferreira posté en janvier 2008 sur la
Revue de Téhéran, URL : http://www.teheran.ir/spip.php?article65, archives, © Revue de
Téhéran.
Figure 59. Marionnettes de Pahlavan Kachal et Mobârak. Photo de presse fournie par la
troupe et postée sur Peyvand, URL : http://www.payvand.com/news/07/apr/1342.html,
© Payvand.
Figure 60. Le marionnettiste Behruz Gharibpour et quelques-unes de ses créations, photo
de presse fournie par l’auteur et postée sur : http://www.presstv.ir/detail/149211.html,
© Presstv.ir.
Figure 61. Séance de naqqâli, © 2005 Departement of Traditional Arts at the Research
Center of ICHHTO, posté sur le site de l’UNESCO, liste du patrimoine culturel
immatériel, URL :
http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&USL=00535,
© UNESCO.
Figure 62. Tekiye Dowlat, photo de Henry Binder, 1887, extraite de The World
Encyclopedy of Contemporary Theatre, éd. Don Rubin, tombée dans le domaine public et
publiée sur Wikipedia, URL: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Takiyeh-e_Dowlat.JPG.
Figure 63. Ta‘ziye, Shemr tue un enfant de la famille du Prophète, photo anonyme, Iran,
2009. Shemr est vêtu de rouge, l’enfant de vert.
Figure 64. Tartuffe de Molière joué au Théâtre Sa’di en 1952,
http://www.safinehnooh.com/theatre © 2008 www.safinehnooh.com.
Figure 65. Othello au pays des merveilles de Gh. Sâ’edi, montée à l’Université d’Ohio en
2005, http://www.iranian.com/Arts/2005/November/Saedi/8.html, © 1995-2010 by
Iranian LLC.
Figure 66. L’Âne de Parviz Sayyâd, Los Angeles Theater Centre, 8 octobre 2005 ; URL:
http://www.parstimes.com/gallery/the_ass/ ; © 2001-2011 Pars Times.
Figure 67. Théâtre de la Ville, Téhéran, 2005, cliché d’Arman Hajir Azad, placé dans le
domaine public par son auteur. Source : http://i41.tinypic.com/35jjkwj.jpg.
Figure 68. Amir Reza Koohestani, Au milieu des nuages, cliché d’Abbâs Kowsari,
comédienne Bârân Kowsari ; © Abbâs Kowsari.
Figure 71. Révélation au sujet d’une fête silencieuse d’Attila Pesyâni dans une mise en
scène de Reza Haddad, cliché Mehrdad Motejalli, © Mehrdad Motejalli.
Figure 72. Murmures non écrits d’Afruz Foruzand, photo de Harald Olkus;URL :
http://archiv.hkw.de/external/de/programm/iran/galeries/galerie_content_theater.html ;
© Harald Olkus.
Figure 75. Othello – une chorégraphie sans paroles, d’après William Shakespeare, mise
en scène d’Atefeh Tehrâni, cliché de Mehrdâd Motejalli, © Mehrdâd Motejalli.
Figure 76. Le Jardin de la mort d’Attila Pesyâni, mise en scène de Siyâmak Ehsâ’i, cliché
de M. Motajelli. L’éclairage est rouge dans les niches latérales et noir au centre,
© M. Motajelli.
Figure 77. Danse sur les verres d’Amir Rezâ Kuhestâni; URL :
http://www.mehrtheatregroup.com/?p=269 ; © 2011 Mehr Theatre Group.
Figure 78. Le Théâtre de Paghmân, cliché initialement publié dans Souvenir
d’Afghanistan / Yâdgâr-e Afghânistân, Paris, 1925.
Figure 79. La scène du Théâtre de Paghmân, cliché initialement publié dans Souvenir
d’Afghanistan / Yâdgâr-e Afghânistân, Paris, 1925.
Figure 80. Le public dans une salle de théâtre en Afghanistan, cliché de G. Chahverdi.
Figure 81. Je ne suis pas du deuxième sexe, une pièce de Nâjiah Hanefi, mise en scène
par Najib Attâ et Ostâd Besed, Kaboul, 2006, cliché de G. Chahverdi.
Figure 82. Compagnie de la ville d’Hérat : Afghans de cultures différentes se retrouvant
sous un même toit symbolisé ici par un parapluie aux couleurs du drapeau afghan, cliché
de G. Chahverdi.
Figure 83. La pièce Blanche blanche noire cigogne, présentée par le théâtre Ilkhom en
2008, photo de Pavel Solodkiy et Vitaly Evdokimov, publiée dans
http://thedartmouth.com/2008/04/18/todayd/3 ; © P. Solodkiy et V. Evdokimov.
Figure 84. Rostam et Sohrab, pièce dirigée et mise en scène par Sulton Usmanov en
2008, cliché anonyme publié sur
http://wwww.chekhovfest.ru/en/gallery/detail/index.php?SECTION_ID=162 ; © 2006-
2011 Tchekhov International Theatre Festival.
Figure 85. Un long chemin jusqu’à la Mekke, de Sultan Raev et Barzu Abdurazzokov,
présenté au Théâtre de la Jeunesse Ushur, Bishkek, Kirghizistan, 2011, cliché anonyme
sur http://www.chekhovfest.ru/en/program/spec/722/ ; © 2006-2011 Tchekhov
International Theatre Festival.
Figure 86. Love, théâtre Ilkhom, 2004, cliché de Vitaly Evdokimov, URL :
http://www.ilkhom.com/english/repertoire/love ; © V. Evdokimov.
Figure 87. Orta oyunu moderne, joué en salle; photo postée par Hakkinda Arwen sur un
blog, URL : http://www.delinetciler.net/forum/soru-cevap-forumu/121082-orta-oyunu-
nedir-ozellikleri-nelerdir.html.
Figure 88. Le Mariage d’un poète, pièce d’Ibrahim Şinasi, montée en 2008 par Adil
Tuğian au club de théâtre du lycée anatolien Rize Tevfik et postée sur le site
http://www.cnnturk.com/Haberim/Sair.Evlenmesi.SINASI/179.0.5/index.html#photo,
cliché d’Adil Tuğian.
Figure 89. Le Voisinage, pièce de Ahmet Kutsi Tecer, présentée au Ankara Devlet
Tiyatrosu, dirigée par Leyla Tecer, mise en scène par Füsün Ataman Berk.URL :
http://www.tiyatronline.com/yayino2007-323.htm ; © Ankara Devlet Tiyatrosu.
Figure 90. L’Invité de Bilgesu Erenus, cliché publicitaire du Devtyatro posté sur :
http://tr.wikipedia.org/wiki/Dosya:Misafir_sahne.jpg.
Figure 91. La scène et son décor, avec Karagöz et Hacivat, photo postée sur
http://www.karagozevi.com, © Karagozevi. Derrière la toile, on devine les baguettes qui
servent à manipuler les marionnettes.
Figure 92. Figures de Hidayet Gülen dans la pièce Le Faux Mariage, cliché de G. Petek.
Figure 93. Gürbet regarde la téléfusion dans son HLM (habitat à large mensuration),
marionnettes et décor de Rûsen Yildiz.URL :
http://karagoz.free.fr/index.php?option=com_datsogallery&Itemid=&func=
detail&catid=3&id=38 ; © 2011 Karagoz.free.fr
Figure 94 : Séance de zar au Centre Makan du Caire en 2008, photo anonyme postée sur
le blog « Piétonne cairote », URL : http://pietonnecairote.wordpress.com/tag/musique-
traditionnelle/, consulté le 13/05/2012.
Figure 95. Aissaoua : cérémonie de la confrérie à Sidi M'hamed Ben Aissa à Meknès,
cliché anonyme publié dans Le Matin, puis mis en ligne sur
http://www.meknassy.com/index.php?option=com_content&task=view&id=
33&Itemid=38 ; © Le Portail de Meknès.
Figure 96. Le célèbre conteur Abderrahim al-Makori, surnommé Al-Azaliyah sur la place
J’ma el-f’na, photo mise en scène par Thomas Ladenburger et Hannes Nehls dans le
cadre de l’exposition Al-Halqa Kinetics, site d’information URL :
http://alhalqa.com/AlHalqaKinetics/francais/geschichtenerzaehler.html, © Thomas
Ladenburger et Hannes Nehls.
Figure 97. Cérémonie de Soltân Tolba à Fès en 1967, cliché : courtoisie de l’Office
marocain du tourisme.
Figure 98. L’ensemble de Boughanim des Aït al-Bouguemmaz, cliché posté par
Rosadamascena sur le blog :
http://www.izlanzik.tv/modules/newbb/viewtopic.php?topic_id=156&forum=13.
Figure 99. Le Destin d’un cafard de Tawfiq al-Hakim, joué par le Sanctuary Theatre en
2007 dans le cadre du Fringe Festival, photo de presse anonyme,
http://sanctuarytheatredc.org/?page_id=55 ; © Sanctuary Theatre.
Figure 100. L’Éléphant, ô Seigneur du monde! de Sa’dallâh Wannûs, joué le 12 mai 2011
à l’Université du Caire, théâtre de la Faculté de droit, cliché inséré dans un article de
Nehad Selaiha dans Al-Ahrâm Weekly (26 mai-1er juin 2011), URL :
http://weekly.ahram.org.eg/2011/1049/cu2.htm ; © Al-Ahram Weekly.
Figure 101: L’Oppression de Jénine, pièce collective montée par le théâtre Ashtar, cliché
publié dans un article de Federica Battistelli le 22 juillet 2007 sur Info-Palestine. URL :
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=2287.
Figure 102. Le roi est le roi, mis en scène par Ashraf Zaki au théâtre al-Salâm en 2006,
photo de Sherif Sonbol, http://weekly.ahram.org.eg/2006/793/_cu1.htm ; © Al-Ahram
Weekly.
Figure 107. Joseph McKenna et Robert Prosky jouent dans la pièce Le Golem,
représentée à New York en 2002 par David Fishelson et le Manhattan Ensemble Theater.
Cliché d’Aaron Epstein. Source: http://www.met.com/nytimes/nytimes_golem.html ;
© The New York Times Company.
Figure 108. Une histoire de tailleur, 1947, troupe Ha-Ohel, source :
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Maase_behayat2,_Ohel_1947.jpg ; Licence
Creative Commons.
Figure 109. Couverture d’un ouvrage consacré à Nissim Aloni et représentant une scène
de sa pièce Le plus cruel de tous est le roi. Source :
http://research.haifa.ac.il/~theatre/hebib.html, © Université de Haïfa.
Figure 110. Esti Kosovitzky, Irit Kaplan, Alon Dahan et Rami Baruch dans Shitz, de
Hanoch Levin, Théâtre Cameri, direction Yagil Eliraz, 2011, cliché de Gadi Dagon ;
source : Blog Midnight East, consacré à la culture israélienne, URL :
http://www.midnighteast.com/mag/?p=9919 ; © Gadi Dagon.
Figure 111. L’Épicerie de Hillel Mittelpunkt, coproduction des théâtres Cameri and Beit
Lessin, cliché de Yossi Zwecker, source : Blog Midnight East, consacré à la culture
israélienne, URL : http://www.midnighteast.com/mag/?p=8314.
Figure 112. Spectacle Salto Mortale présenté par le Théâtre Clipa de Tel Aviv et le
Théâtre du Silence de Poznan dans le cadre du Festival du théâtre alternatif d’Acco en
2008, direction : Adam Ziajski, cliché : W. Barzewski, source : http://www.poland-
israel.org/event/?lang=en&wid=163 ; © W. Barzewski.
Figure 113. Mikvé, de Hadar Galron illustre le fossé entre religieux et laïques en Israël,
cliché anonyme inséré dans un article de Nathalie Hamou-Harel sur le blog Kef Israël,
URL : http://kefisrael.com/2010/01/03/10-coups-de-coeur-theatraux-israeliens-de-la-
decennie-par-nathalie-hamou-harel/ ; © Kef Israel.
Figure 114: Une scène de Ghetto, pièce de Joshua Sobol, mise en scène par Omri Nitzan
au théâtre Cameri en 2010, cliché de Gerard Allon dans un article de Nir Hasson dans
Haaretz, source : http://www.haaretz.com/print-edition/news/cameri-theater-to-receive-
large-share-of-unclaimed-holocaust-assets-1.331721, © Haaretz.
Figure 115. Avrom Golfaden, photo tombée dans le domaine public publié dans un article
du site : http://savethemusic.com/bin/archives.cgi?q=bio&id=Abraham+Goldfaden ;
© Save the Music.
Figure 116. Yankev Gordin, cliché inséré dans un article de Beth Kaplan publié dans le
web magazine Secular Culture & Ideas. Rethinking Jewish, URL :
http://www.secularjewishculture.org/jewish_shakespeare.html, © Secular Culture &
Ideas. Rethinking Jewish.
Figure 117 : Jacob Adler, portrait photographique de Nickolas Muray, 1920, publiée sur
le site http://www.geh.org/ar/strip17/htmlsrc/m197701890017_ful.html#topoftext,
© 2001 George Eastman House, Rochester, NY.
Figure 118. The Yiddish King Lear, pièce de Jacob Gordin, courtoisie du National Center
for Jewish Film, source : http://web.gc.cuny.edu/mestc/events/f09/yiddish-king-lear.html.
Figure 119. God, Man and Devil, pièce de Jacob Gordin, dirigée par Joseph Seiden,
Montreal Jewish Theater, source : http://www.facebook.com/pages/Montreal-
International-Yiddish-Theatre-Festival/181931978507275 (consulté le 27 août 2011).
Le théâtre iranien contemporain
L’émergence d’un espace
entre discours et performance
Liliane ANJO
I. Tentative de verrouillage de
l’espace public et émergence de contre-espaces
Depuis l’établissement de la République islamique, les autorités ira-
niennes n’ont cessé de brider l’éclosion d’un espace public où
s’exprimeraient l’hétérogénéité de la société iranienne et la pluralité des
courants qui la traversent. Sous la présidence du réformateur
Mohammad Khatami (1997-2005), mené à la victoire électorale par
l’importante mobilisation des femmes et des jeunes, une certaine ou-
verture culturelle et sociale fut perceptible (Tazmini, 2009). Mais ses
promesses de démocratisation se heurtèrent rapidement à l’appareil
d’État conservateur, et son deuxième mandat s’acheva sur la désillusion
de son électorat (Khosrokhavar, 2008b). Avec l’arrivée au pouvoir du
président ultraconservateur Mahmud Ahmadinejad, et davantage encore
depuis sa réélection vivement contestée en juin 2009, la répression de la
liberté d’expression se renforça. L’État islamique s’évertue aujourd’hui
plus que jamais à imposer son idéologie autoritaire à tous les aspects de
la sphère publique – qu’il s’agisse des médias, d’événements culturels
ou tout simplement des comportements affichés dans les lieux publics.
Toute forme d’expression ou de représentation publique, dont les pra-
tiques artistiques, se trouve ainsi sous haute surveillance.
Pourtant, les aspirations sociales et politiques continuent de
s’extérioriser par le biais de micro-actes de rébellion traduisant le refus
des Iraniens des rapports de pouvoir actuels. Les manifestations
d’insubordination au régime – y compris dans l’espace public – sont
innombrables : installation massive d’antennes paraboliques illégales sur
1
Citation traduite ici du texte original anglais.
Le théâtre iranien contemporain 283
les toits et façades des immeubles, vente de films ou disques interdits sur
la voie publique, élites dirigeantes couramment raillées le temps d’un
trajet en taxi collectif, maquillage, tuniques moulantes et silhouettes
colorées des jeunes femmes dans les rues, etc. (Khosrokhavar, 2004). S’il
ne faut sans doute pas surestimer leur portée politique, ces actes
apparemment anodins sont néanmoins investis d’une réelle dimension
critique envers le pouvoir en place. Il existe en effet une certaine
continuité entre les aspirations personnelles de chacun (le désir de
fréquenter les membres du sexe opposé, l’envie de se distraire, etc.) et une
mobilisation plus cohérente en faveur des libertés culturelles, sociales,
voire politiques. Même si la majorité des Iraniens ne se réclament pas
d’un mouvement collectif organisé, leur résistance individuelle à
l’autoritarisme du régime contient en germe la constitution d’une action
commune.
En Iran, l’espace public s’est à présent transformé en véritable
champ de bataille : les forces de l’ordre et les individus prompts à se
soustraire à l’idéologie du système ne cessent de s’y défier et de s’y
affronter (Shirali, 2004). La sévérité des sanctions condamnant les
gestes quotidiens d’insoumission et la répression brutale du soulèvement
qui a suivi la réélection d’Ahmadinejad révèlent un rapport de force
inégal, mais l’existence même d’une contestation persistante marque
aussi les limites du pouvoir étatique et l’échec de la tentative de ver-
rouillage de l’espace public. Ainsi, depuis plusieurs années, des espaces
repoussant les frontières de l’interdit, où s’expriment des aspirations à la
fois individuelles et sociales, ont vu le jour. Les domaines artistiques
représentent l’un de ces espaces. Les artistes ont en effet créé des ter-
rains d’expression se soustrayant à l’ordre établi, élaborant une sorte de
contre-espace public au sein duquel ils peuvent explorer de nouvelles
identités par des actes à la fois discursifs et performatifs.
La contestation par le biais des arts n’a rien d’original et n’est abso-
lument pas spécifique à l’Iran (Neveux, 2007). Mais dans un pays où la
représentation publique est enjeu de pouvoir et de contre-pouvoir, les
arts et le politique sont au corps à corps. Comme le précise l’écrivain et
metteur en scène franco-iranien Pedro Kadivar, l’importance de la
représentation est exacerbée dans la République islamique, en ce sens
qu’elle y est
[…] ouvertement, profondément politique, pas plus ni moins qu’en Europe,
mais d’une tout autre façon, plus aiguë, plus sensible. Là où la religion de-
vient affaire d’État, la représentation devient question politique à maints ni-
veaux : comment je me représente le monde, comment je représente ma re-
présentation du monde connaissant celle officielle imposée par l’État,
comment je me représente à moi-même et à autrui ; toutes ces questions se
posent violemment au risque de se faire arrêter si on n’y trouve pas de ré-
ponse adéquate […]. Et il faut dire qu’en Iran, vu la masse impressionnante
284 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
Les hezbollahi composent le Hezbollah iranien, littéralement « le parti de Dieu », qui
ne se confond pas avec ses homonymes libanais ou turc. Plutôt qu’un parti ou une
organisation formellement structurée, le Hezbollah désigne en Iran un mouvement de
plusieurs groupes unis autour d’un islamisme pur et dur. Fanatiques intolérants
regroupés en milices plus ou moins légales, les hezbollahi se présentent comme les
gardiens d’un ordre moral rigoureux et se donnent pour mission de débusquer les
valeurs anti-islamiques. Ils sont réputés pour agir sans restrictions significatives de la
part de la police, ni peur des poursuites.
Le théâtre iranien contemporain 287
III. Le répertoire
La renaissance de l’art théâtral iranien est notamment due à un re-
nouvellement du répertoire dramatique. Les dramaturges se consacrent à
la recherche de genres originaux, ils abordent des thématiques nou-
velles, interrogent des sujets d’actualité et créent des formes d’expres-
sion qui sont propres au théâtre iranien contemporain.
En ce qui concerne le langage théâtral, certains auteurs iraniens choi-
sissent de s’exprimer dans un symbolisme très pur, soit dans une écri-
ture recourant aux symboles et allégories de la tradition persane, soit
dans un style métaphorique nous invitant à lire entre les lignes. D’autres
préfèrent sonder les possibilités d’un naturalisme littéraire. D’autres
encore intègrent la dimension symbolique à des descriptions réalistes,
presque documentaires, tel le jeune auteur et metteur en scène Amir
Rezâ Kuhestâni, dont l’écriture ne cesse de mêler des contextes fami-
liers ou des événements quotidiens à l’intensité poétique. « J’entendrai
toujours la mer », confie d’une voix mélancolique Imur, le protagoniste
de son drame Au milieu des nuages. Le texte raconte le chemin de l’exil
d’Imur, un homme « né de la rivière » où son père s’est noyé avant sa
naissance. Alors qu’il entreprend de fuir l’Iran avec sa famille, il est le
seul rescapé du naufrage qui emporte les siens dans leur échappée vers
l’Europe. De ce déluge de désastres, il lui reste de l’eau dans les tym-
pans ; le bruissement des flots habite son corps, autant qu’il obsède ses
pensées. Possédé par cette mer qui figure à la fois l’engloutissement des
siens et l’espérance d’un ailleurs, il scrute la houle sans relâche. Non pas
pour contempler son chagrin ou bercer sa solitude, mais pour évaluer le
laps de temps s’écoulant entre chaque vague, ces précieuses secondes
dont il disposera pour lancer sa barque en direction de l’exil. Symbo-
lisme et réalisme s’enchevêtrent sous la plume d’artistes comme
Kuhestâni, dont l’écriture navigue entre imagination poétique et sobre
évocation de destins ordinaires [figure 68].
La réflexion des auteurs visant à régénérer le répertoire dramatique
iranien ne se réduit cependant pas à une recherche en matière
d’esthétique littéraire. L’élaboration de styles d’écriture est en effet
inséparable d’un renouvellement des sujets traités. Hormis les genres
Le théâtre iranien contemporain 289
4
Mohammad Charmshir est un dramaturge né en 1960. Ses pièces sont depuis
quelques années très présentes dans la programmation théâtrale iranienne. Elles sont
aussi bien montées par des metteurs en scène émergents que par des artistes
confirmés tels qu’Ali Rafi’i, Attila Pesyâni ou Hasan Ma‘juni. Il a écrit plus de
200 pièces de théâtre à ce jour.
Le théâtre iranien contemporain 293
tranchée, militaire qui tue et finit lui-même par être abattu. L’homme
refait surface, recrache une gorgée de fange et incarne de nouveaux
sévices : écolier à qui l’on fouette les mains, il lèche ensuite les bottes
crasseuses qu’il découvre au fond du bassin. Tandis qu’il expose ces
sinistres tableaux, derrière lui, sur une plate-forme légèrement surélevée,
se tient une jeune femme accompagnant l’obscur récit de la chair de sa
voix pénétrante. À la frontière du chant5, elle émet des sons sans pa-
roles ; roulements rauques, piaulements stridents, accélérations ryth-
miques, halètements, modulations cristallines. Au départ de sa pièce,
Hâmed Mohammad Tâheri s’est appuyé sur une scène de Malone meurt,
roman de Samuel Beckett, où un homme égare son crayon dans la boue
et s’acharne désespérément à le retrouver. Il a ensuite puisé dans ses
souvenirs et observations de la vie en Iran. Il s’est ainsi rappelé ces
femmes du nord du pays qui piétinent les déjections de chameau pour en
faire des matières combustibles. Il s’est inspiré des images de guerre
dont sont gavés les Iraniens, notamment à travers la diffusion par les
chaînes publiques d’innombrables reportages sur le conflit Iran-Irak. Et
il a pensé à l’absence de perspectives d’une majorité de jeunes. Taheri
en tire une représentation sombre et cruelle, une vision où se mêlent sa
mémoire et sa perception de l’Iran contemporain. Aussi sa pièce porte-t-
elle un regard acerbe sur l’homme et le monde qui l’entoure. Elle n’offre
pas la moindre lueur d’espoir. Elle étale seulement la douleur de la
condition humaine et exprime, dans une giclée de dégoût, toute la
noirceur et l’absurdité de l’existence. Aucun message ou idéal ne tra-
versent cette œuvre parcourue d’un bout à l’autre par la souffrance et le
désespoir [figure 74].
Toutes ces pièces dédaignent l’idéologie prônée par le pouvoir isla-
miste pour se préoccuper des tourments qui agitent actuellement la
société iranienne, comme la condition de la femme, la relation entre les
sexes, le rapport entre les générations, l’absence de perspectives
d’avenir ou encore la question de l’enfermement. L’apparition récente
de ces thématiques constitue un élément déterminant dans le renouveau
du répertoire. Le travail des dramaturges s’apparente ici à une activité
consciencieuse de dissection du système dans lequel ils vivent ; dénués
de militantisme, sans nulle dévotion à une cause sacrée, ils dénoncent
simplement les impasses et l’absurdité des normes établies par le régime
islamique.
5
Depuis l’instauration de la République islamique en Iran, il est interdit aux femmes
de chanter en solo devant un public mixte.
294 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
V. La censure
Bibliographie
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2001 and 2001-2002, Londres, Routledge, 2003, p. 179-184.
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Aladgem, Shulamith et Martin, Jacqueline (dir.), Festivalising ! Theatrical
Events, Politics and Culture, Amsterdam, Rodopi, 2007, p. 171-186.
Guilda CHAHVERDI
I. L’héritage théâtral
apparus sur les places et ont développé les registres du jeu comique. Ils
y ont également inséré la pantomime et les exploits acrobatiques.
B. Les débuts du théâtre en Afghanistan
C’est au XXe siècle que le théâtre dans sa forme moderne se déve-
loppa en Afghanistan. Le pays connaissait alors d’importantes réformes
politiques, sociales et religieuses instituées par le roi Amânollah. Très
impressionné par la place qu’occupait alors le théâtre en Europe et
persuadé de son intérêt dans la vie culturelle et éducative d’une société,
ce souverain prit une série de mesures en faveur du théâtre. Dans un
premier temps, il accueillit les artistes et comédiens des rues dans son
palais et leur octroya des moyens de création jusque-là inexistants.
Selon Qâder Farrokh, le directeur actuel du théâtre national Kâbol
Nandâri, le roi Amânollah prit personnellement part aux premières
mises en scène.
Le public convié au spectacle se multiplia très vite. Grâce à ce patro-
nage, le théâtre attira désormais l’attention des classes moyennes et des
intellectuels, et s’affranchit des thèmes traditionnels et mythiques pour
se consacrer à des sujets plus proches de la société. L’écriture fut da-
vantage travaillée, et le jeu tendit à la professionnalisation. Les comé-
diens et musiciens travaillaient alors sous la direction d’Ali Afandi, chef
d’orchestre d’origine turque invité à la cour du roi, et grand amoureux
de théâtre. Le roi Amânollah fit construire dans un second temps un
théâtre en dehors de son palais, le théâtre de Paghmân1, qui ouvrit ses
portes en 1926 à l’occasion du VIIe anniversaire de l’Indépendance de
l’Afghanistan [figures 78 et 79]2.
Les représentations avaient lieu principalement lors des célébrations
nationales et se déroulaient au palais, dans le théâtre de Paghmân, ou
encore dans certains établissements scolaires de la province de Kaboul.
Il fut très vite admis que le théâtre permettait non seulement à la langue
de s’épanouir, mais qu’il avait également le pouvoir d’instruire, et
d’éveiller la conscience sociale et politique de la société. Très vite
d’ailleurs, les pièces montées exprimèrent le mécontentement de la
population envers un monarque trop avide de modernité à son goût. La
pièce Le Jeune Homme qui s’en allait pour l’Europe en témoigne
directement : cette pièce comique dresse le portrait caricatural d’un
homme qui oublie sa culture à l’approche de l’autre continent. Le pays
connut bientôt un bouleversement politique ; le roi Amânollâh abdiqua,
et le théâtre demeura silencieux durant quelques années.
1
Paghmân est un district de la province de Kaboul où se trouvait alors le Palais royal.
2
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
310 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
A. Le théâtre didactique
La renaissance du théâtre a bénéficié des moyens débloqués et des
mesures prises en faveur de la reconstruction du pays. Parce que le
théâtre est une forme d’expression et de communication accessible au
plus grand nombre, il a été fait appel à lui pour l’organisation des élec-
tions présidentielles, puis législatives. Il s’agissait d’informer la popula-
tion sur les modalités du vote et sur le processus des élections. Des
troupes de théâtre itinérantes soutenues principalement par des ONG et
par les Nations unies ont été créées pour sillonner le pays avec des
pièces courtes et didactiques. Aussitôt, le théâtre itinérant a fait preuve
La renaissance du théâtre afghan 313
B. Le public
Sans la rencontre avec le public, le théâtre n’aurait pas connu l’essor
qui vient d’être décrit. Des discussions, des débats informels suivent les
spectacles. Les artistes trouvent de la reconnaissance dans les critiques,
souvent adressées par des pairs, et c’est l’occasion pour eux de témoi-
gner de leur histoire, de partager leurs espoirs et leur désir de contribuer
à changer l’avenir de leur pays. Le public du Festival se compose prin-
cipalement des compagnies venues des provinces, des compagnies de
Kaboul, des associations culturelles, des professionnels des médias, de
la famille des artistes, des étudiants de l’université de Kaboul, des
lycéens et collégiens, et de quelques expatriés. Les personnes qui habi-
tent à proximité des lieux de spectacles peuvent toutefois être tentées de
prendre place parmi le public, mais cela reste encore très rare [fi-
gure 80].
C. Qui sont les artistes ?
Parmi les artistes, on compte bien sûr les comédiens et metteurs en
scène des compagnies nationales afghanes. Les directeurs des compa-
gnies, qui sont aussi pour la plupart auteurs et metteurs en scène,
jouissent d’une véritable notoriété, comme Na’matullâh Nalân pour la
province de Kandahâr, Wâkel Nikbin pour Mazâr-i Charif, Rahmatullâh
Khosti pour Khost, ou encore Mohammad Anwar Râmesh pour la
province de Farah. À Kaboul, on peut citer Qâder Farrokh, qui dirige le
théâtre national Kâbol Nandâri. D’autres compagnies confirmées,
comme la compagnie Assad Theatre, dirigée par Asad Tâjzây, colla-
borent activement avec le théâtre national Kâbol Nandâri, mais tentent
de s’autofinancer notamment grâce au théâtre itinérant. Les artistes des
compagnies de théâtre itinérant travaillent pour la plupart avec des
ONG ; leur constitution évolue selon les projets, mais beaucoup d’entre
elles tentent de créer leur propre spectacle.
En marge de ces compagnies confirmées, dites « professionnelles »,
de jeunes compagnies ont surgi dans tout le pays, portées par le désir de
participer au Festival. Certaines d’entre elles ont le statut d’associations
culturelles, ou celui d’académies, et leurs activités portent non seule-
ment sur le théâtre, mais aussi sur le cinéma. À Kaboul, trois jeunes
compagnies se hissent au niveau des compagnies professionnelles, le
théâtre Âftâb, le théâtre Azdar, et la compagnie de théâtre de marion-
nettes Parwâz. La majorité des artistes participant au Festival de théâtre
national afghan est constituée de jeunes amateurs entre quatorze et trente
ans, pour qui le Festival représente une véritable tribune. Les étudiants
du département de théâtre et de cinéma de la faculté des beaux-arts
présentent à eux seuls chaque année près d’un tiers des productions.
La renaissance du théâtre afghan 317
Bibliographie
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Sâzmân-e motâle’e va tadvin-e ketâb-e ‘olum-e ensâni-ye dâneshgâhi, 2004.
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Sud, 2000 (Babel, 424).
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Montreuil, Aux Lieux d’être/IFEAC, 2007.
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http://www.arashabsalan.net
http://www.aftaab-theatre.com
Le théâtre ouïgour, hier et aujourd’hui
I. L’héritage de la tradition
Il sera ici question du théâtre des Ouïgours, un peuple turc d’Asie
centrale. Ils constituent actuellement une des minorités ethniques les
plus importantes de Chine, et vivent principalement dans la province
autonome ouïgoure du Xinjiang. De nombreux Ouïgours se sont éga-
lement dispersés dans les autres pays de l’Asie centrale, en particulier au
Kazakhstan.
D’après les sources écrites, le théâtre ouïgour a onze siècles derrière
lui. La première pièce dramatique date du milieu du IXe siècle, de
l’époque du Royaume ouïgour Qocho (Qocho uyghur khanliqi) et du roi
Bögö Tékin qui régnait sur l’actuel Turpan à l’est de la région autonome
ouïgoure. La pièce Maytry Simit (ou Maytrya Simiti) était une œuvre
bouddhiste narrant l’histoire des rencontres de fidèles avec le Maytry
(une figure religieuse importante de la région) et décrivant ses bonnes
actions (Baruch, 1946 : 67-92). Au début du XXe siècle, des archéo-
logues allemands retrouvèrent des manuscrits de Maytry Simit à Turpan,
rédigés en ancien ouïgour. Puis d’autres versions de ce texte furent
retrouvées à Qumul (à l’est de la région) et à Kucha (au sud). Il
comprend vingt-cinq chapitres clairement définis et précédés d’un
résumé de la scène concernée.
Les historiens chinois rapportent que cette œuvre connut le plus
grand succès dans les cours royales ouïgoures. Elle fut mise en scène et
présentée par le roi à ses invités de marque (Geng Ximin cité par
Yehyari, 2008 : 121). Elle était jouée par des acteurs qualifiés qui
portaient des masques et des vêtements ajustés. D’ailleurs, les peintures
des grottes bouddhiques de la région, les Ming oy (les mille maisons),
témoignent de la prospérité de cet ancien art dramatique. Établis le long
de l’ancienne route de la soie, les Ouïgours appréciaient beaucoup les
spectacles vivants. Après Maytry Simit, l’art dramatique s’orienta vers la
322 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
1
Les grandes suites musicales ouïgoures. Les plus connues sont les douze muqams.
Chaque suite dure deux heures ; les douze représentent donc 24 heures de musique
transmise oralement de maître à élève (chants et musique instrumentale).
324 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Les acteurs les plus connus de l’époque sont Ablimit Sadiq, chanteur
d’opéra, comédien et acteur, Tursun Yunus, écrivain et comédien,
Ayshem Kéram, comédienne, actrice et chanteuse de muqam, Tuyghun
Ehmedi, acteur et comédien, Mahire Zakir, actrice, comédienne et
chanteuse d’opéra, Yolvaskhan, comédien, April Semet, comédienne,
Guzelnur Qurban, comédienne et chanteuse d’opéra, et Saydulla Tokhti,
comédien, chanteur d’opéra et violoniste. La plupart d’entre eux firent
également carrière à la télévision.
On ne peut ignorer la diaspora ouïgoure d’Asie centrale dont les ac-
tivités théâtrales sont peu documentées. Le Kazakhstan contient la plus
large communauté ouïgoure après le Xinjiang. La culture, l’art, la
musique, la danse et le théâtre ont contribué à la conservation de
l’identité ouïgoure. Le théâtre Quddus Khojamyarof a accueilli plusieurs
dizaines de pièces de théâtre, d’opéras et de concerts de musique
ouïgours. La plupart de ces pièces n’ont jamais pu être montrées dans la
région autonome ouïgoure du Xinjiang, car elles magnifient l’identité
ouïgoure (comme Sadir Palvan, un héros mythique qui avait fait la
guerre seul contre des centaines d’ennemis, Nozugum, un autre guerrier
ouïgour, L. Mutallip, la vie de ce dramaturge que nous avons présenté
plus haut, Iparkhan, une princesse ouïgoure).
Finalement, que peut-on dire de l’art dramatique ouïgour
d’aujourd’hui ? Ces dix dernières années, cet art est en perdition.
L’Ensemble d’opéra et de théâtre de Xinjiang, créé dans les
années 1970, vit ses derniers jours. Ses comédiens ne jouent plus que
des œuvres qui magnifient les prouesses de l’armée rouge, comme
L’Invité qui vient du glacier. Beaucoup de théâtres ont été transformés
en salles de cinéma ou de danse.
Plusieurs causes expliquent le déclin du théâtre ouïgour. Il y a
d’abord un manque d’ambition : exit les longues pièces et les person-
nages complexes, on privilégie les épisodes très courts (dix à quinze
minutes), les intrigues simplistes et les personnages sans épaisseur.
Ensuite, le ministère de la Culture concentre ses efforts sur la musique et
la danse, et ne considère plus le théâtre comme représentatif de la
culture ouïgoure. Enfin, la télévision a fait des dégâts, comme partout.
Mais le théâtre souffre surtout du manque de financement et de la dif-
ficulté à pouvoir employer des formes d’expression plus variées.
Bibliographie
Arshidin, Tursun, L. Mutallip, Urumchi, Xijiang University Press, 2007.
Baruch, W., « Maïtreya d’après les sources de Sérinde », Revue de l’histoire des
religions, 132, 1, 1946, p. 67-92.
Hushur, Memtimin et Jarullayup, Abduvali, Ili uyghur tiyatirining talixi
(L’histoire du théâtre ouïgour d’Ili), Ili, Ili deryasi Jornili, 1981.
326 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Simon TORDJMAN
I. Panorama historique
du théâtre centrasiatique et ouzbek
B. De la colonisation russe à
la professionnalisation du théâtre à l’ère soviétique
La colonisation russe de l’Asie centrale est initiée à la fin du
e
XVIII siècle, mais le regroupement des territoires conquis au sein du
Gouvernement général du Turkestan, dont Tachkent devient la capitale,
n’est véritablement effectué qu’en 1867. En dépit de ce changement
administratif et politique, les colons russes ne semblent témoigner que
d’une relative indifférence envers les formes artistiques autochtones, et
le mouvement de professionnalisation du théâtre n’est initié qu’au début
du siècle suivant, parallèlement à l’urbanisation du Turkestan où se
développent alors réseaux ferroviaires, cinématographes, et maisons
d’édition.
Au début du XXe siècle, l’heure est donc à la transformation du
théâtre, notamment portée par les Djadids, réformistes religieux qui
voyaient dans le théâtre l’un des moyens les plus efficaces pour la
transmission de l’éducation. Certains estiment d’ailleurs que si les
Djadids ont soutenu la révolution d’Octobre et son expansion à l’Asie
centrale, c’est en partie parce qu’ils y ont vu une opportunité pour le
théâtre. Désireux de créer un théâtre professionnel de qualité, inspiré
notamment du modèle européen, Muhammadhodja Behbudi créa, le
15 janvier 1914 à Samarcande, une pièce intitulée Patricide, aujourd’hui
considérée comme marquant la naissance du nouveau théâtre
d’Ouzbékistan.
C’est cependant durant l’époque soviétique que le théâtre centrasia-
tique, et notamment ouzbek, se professionnalisa. À partir des années
1950, le théâtre ouzbek, mené par la troupe du théâtre Khamza de
Tachkent allait en effet connaître un développement significatif. Tout en
se démarquant des formes théâtrales précédentes pour porter auteurs
russes et centrasiatiques sur les scènes des théâtres de la région, la
professionnalisation du secteur bénéficiait alors d’infrastructures nou-
velles, de soutiens financiers, d’une audience fidèle et d’opportunités
accrues de création. Pour autant, ce développement fut loin d’être sans
paradoxe et n’échappa pas à la censure et aux pressions politiques visant
à faire du théâtre, ici comme ailleurs, un outil privilégié de la propa-
gande officielle.
C. Indépendances théâtrales et politiques
Le mouvement réformiste qui traversa l’Union soviétique durant les
années 1980 contribua largement à l’émancipation du paysage théâtral.
Des années 1980 à l’indépendance acquise en 1991, l’Asie centrale fut
travaillée par des interrogations profondes, liées à l’affirmation d’une
identité politique nationale et d’une histoire culturelle propre. En dépit
Théâtre d’Asie centrale 331
1
Entretien personnel, Douchanbé (Tadjikistan), août 2005.
332 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
3
Du nom d’une ville du Sud du Kirghizstan.
Théâtre d’Asie centrale 333
4
Dans son étude des techniques de surveillance et d’atomisation employées à l’égard
des prisonniers de la guerre de Corée, Denise Winn montre d’ailleurs que, dès lors
que les prisonniers étaient à même de se parler, les gardiens n’étaient plus en mesure
de faire respecter un strict régime d’obéissance au sein des camps.
Théâtre d’Asie centrale 335
5
Entretien avec Nabi Abdurakhmanov, directeur du théâtre de la jeunesse
d’Ouzbékistan et metteur en scène de la fête de Navruz à Tachkent (2007), Tachkent,
août 2008.
336 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
fois étrangère et supérieure, qui parcourt son corps sans qu’il puisse être
tenu pour responsable de son contenu.
Conclusion
Porté par une histoire heurtée, au cœur de tensions politiques, de dif-
ficultés sociales et de contraintes économiques sévères, le théâtre centra-
siatique témoigne aujourd’hui d’une vitalité certaine, mais fragile. Au-
delà de spectacles folkloriques, vantant, derrière les traits d’un Tamerlan
ou d’un Avicenne bienfaiteurs, la grandeur d’une nation et de ses diri-
geants, les républiques d’Asie centrale, riches de leurs traditions artis-
tiques et spirituelles, continuent d’abriter un théâtre éminemment poli-
tique. Sur des scènes parfois délabrées, dans des lieux souvent discrets,
le théâtre centrasiatique s’efforce, non sans de profondes et réelles
difficultés, comme ne cessait de le revendiquer Mark Weil, de « parler,
sur scène, le même langage que celui de la société ».
Mais si l’adéquation entre les scènes et leurs publics fait la richesse
des théâtres d’Asie centrale, elle en explique également les difficultés.
Tout comme les citoyens ouzbeks, kirghizes, tadjiks, turkmènes, et dans
une moindre mesure kazakhs, les théâtres de la région subissent au-
jourd’hui les contrecoups de la crise économique, et sont parmi les
premières victimes de la dérive autoritaire des régimes et de la fragmen-
tation des sociétés. La « fuite des cerveaux » s’accompagne bien souvent
de celle des artistes, et la répression de l’expression publique – qui
continue à enserrer la création artistique centrasiatique – doit nous inciter
à voir dans ce foisonnant théâtre une création en danger permanent.
Bibliographie
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Roy, Olivier, La Nouvelle Asie centrale ou la Fabrication des nations, Paris,
Seuil, 1997.
Théâtre d’Asie centrale 339
Virginie SYMANIEC
1
Traduite pour la première fois en français par J.-M. Silnitzky en 1913.
Les écritures théâtrales du Caucase 343
Comme tous les créateurs vivant en URSS à cette époque, les auteurs
dramatiques du Caucase n’échappèrent donc pas à la politique volontariste
d’uniformisation du champ culturel. Bientôt, seuls les auteurs formés à
Moscou ou par des Russes au sein de studios d’art dramatique que le
pouvoir central avait institués au début des années 1920, y compris au
Caucase, pour former de nouveaux cadres de la culture, furent admis à
rejoindre l’élite théâtrale des soviets. Les traditions orales, qui avaient
jusqu’alors eu une fonction sociale importante au sein des sociétés
musulmanes du Caucase et qui avaient été majoritairement fondées sur le
respect du droit coutumier, furent donc minimisées ou réformées pour
convenir non seulement à une esthétique politique singulière, mais aussi
pour pouvoir être territorialisées au sein de cadres « nationaux » que les
savants soviétiques établissaient en faisant en sorte que leurs généalogies
linguistiques soient cohérentes avec le fait politique.
C’est ainsi que l’historiographie soviétique faisait coïncider les dé-
buts de l’histoire du théâtre des « peuples » du Caucase du Nord avec
l’invention d’alphabets pour leurs langues. Le théâtre ingouche naissait
par exemple en 1923 – année de la normalisation de sa langue écrite ;
celle du théâtre tchétchène en 1925, même si la première œuvre drama-
tique écrite en tchétchène était officiellement reconnue comme étant
Alibek Khadji Zandaksi de Denilbek Chepirov, qui narrait une révolte de
montagnards durant la seconde moitié du XIXe siècle. L’histoire du
théâtre daghestanais débutait en 1928 pour des raisons similaires.
Le cas du Daghestan semble avoir été toutefois encore plus
complexe, puisque le pouvoir soviétique dut y gérer de nombreuses
« nationalités » dont il remaniait parallèlement les frontières et les
dénominations. S’il pouvait déjà s’appuyer sur une pièce comme Les
Étameurs de Garoun Saïdov, qui avait été portée à la scène en 1914, il
lui fallait parallèlement trouver de quoi former un répertoire de langue
tat, avare, lake, koumyk, lesguine ou darghine. La formation du théâtre
écrit de langue abkhaze put même se faire directement sous l’égide de
l’Académie de langue et de littérature du pays qui organisa, à dater
d’avril 1927, un studio d’art dramatique permettant de créer une troupe
pour supporter la création du théâtre académique abkhaze de Soukhomi.
La normalisation tardive de certaines langues, ainsi que la difficulté
qu’eut le pouvoir soviétique à financer des lieux institutionnels (le
théâtre dramatique et musical koumik n’apparaît qu’en 1930 ; les
théâtres dramatiques et musicaux avares, laks et lesguines qu’en 1935),
expliquent donc également pourquoi le premier répertoire légitime écrit
du Caucase du Nord fut longtemps diglosse, associant des textes russo-
phones à ceux des « peuples frères » pour donner l’exemple aux auteurs
locaux et tenter de les inscrire dans une culture soviétique dont le pou-
voir central s’efforçait encore d’harmoniser la définition à partir de
348 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
3
Notons qu’adhérer à cette conception n’empêcha pas des auteurs tels que Saïd
Badouev de disparaître au cours des purges staliniennes de 1937.
4
Comme le rapporte Françoise Genevray, la romantique George Sand (1804-1876),
attirée par l’orientalisme, avait également œuvré à faire connaître ce personnage
d’épopée en France dans les trois livraisons de la Revue indépendante (janvier,
février et avril 1843), sous le titre Les Aventures et les Improvisations de Kourroglou,
recueillies en Perse par M. Alexandre Chodzko (Dolmieu et Symaniec, 2009 : 45).
Les écritures théâtrales du Caucase 349
des contrats d’affaires. […] Bien sûr, vous seuls pouvez vous prévaloir
d’être des êtres humains, vous, les nobles enfants de l’Hellade… Nous, les
barbares, les Untermenschen, la race des sauvages, nous n’avons droit qu’à
votre indulgence et, peut-être, à votre pitié… (Kachia in Dolmieu et
Symaniec, 2009 : 185-187)
C’est pourtant dans les dramaturgies du Caucase du Nord que
l’évolution des thèmes historiques et de leur traitement stylistique
semble la plus marquante. Il aura par exemple fallu attendre 2002 pour
que les éditions l’Espace d’un instant publient, avec le soutien de
Mylène Sauloy de l’association Marcho Doryla et de François Tanguy
du théâtre du Radeau, Les Loups (Grozny, 1993) de Moussa Akhmadov
(né en 1956) dans la traduction d’Aboubakar Abaïev et de Camille
Sirota. Cette pièce était l’une des premières à témoigner des atrocités
commises par les Soviétiques à l’heure de la Seconde Guerre mondiale
contre les Tchétchènes. Elle nous propulse dans la Tchétchénie de 1944,
où, sur ordre de Staline, le régime soviétique organise la déportation des
Tchétchènes vers l’Asie centrale et la Sibérie, au prix de milliers de
victimes5 :
On les rassemble sur les places de village, on les hisse dans des wagons à
bestiaux, on les entasse, on bourre, on tasse encore, on ferme les portes, les
trains roulent dans la plaine infinie, glacée. Beaucoup meurent asphyxiés.
Dans les villages trop éloignés d’une gare, on les cloître chez eux, on les
embrase, ils se calcinent. Parfois on pique, on injecte. Personne ne sait trop
quoi au juste. Ils périssent vite (Sauloy in Les Loups, 2002 : 7).
En 2002, le texte des Loups, écrit par un auteur né lui-même en dé-
portation en Kirguizie, était l’un des rares, voire le seul document de
fiction qui eût jusqu’à présent témoigné, en France, de cette autre part
sombre de l’histoire de l’Union soviétique stalinienne. Sa parution
contribua notamment à porter – y compris au théâtre, jusque dans les
murs de la Cartoucherie de Vincennes ou du théâtre de la Colline en
2002 – le mouvement citoyen contre les nouvelles campagnes
d’extermination menées contre les Tchétchènes dans la Russie de Boris
Eltsine et de Vladimir Poutine.
Il aura donc fallu attendre la fin du soviétisme pour que le thème de
la déportation des peuples du Caucase du Nord par Staline, sous prétexte
de collaboration avec le nazisme (Krouchtchev les amnistia en 1957),
suscite des écritures dramatiques en tant que tentatives de mises à
distance de l’Histoire, tout en devenant tout aussi structurant dans le
présent des Tchétchènes, des Balkars ou des Karatchaïs que le génocide
5
Les Tchétchènes, les Ingouches, les Balkars, les Karatchaïs, les Tatares de Crimée et
les Allemands de la Volga furent déportés.
Les écritures théâtrales du Caucase 353
6
Une république autonome du Nord Caucase avait été fondée en 1936 au sein de la
Fédération de Russie. Elle fut proclamée État de Balkarie par référendum en 1991.
Les Balkars, également déportés en Asie centrale, avaient été réhabilités par le
pouvoir soviétique en 1958. Ils ne sont plus aujourd’hui que cent vingt mille à vivre
sur les contreforts de l’Elbourz.
7
Djanim et Tinim sont des formes d’interpellation en usage chez les peuples turciques
comme les Karatchaïs et les Balkars, que l’on peut également traduire par « ma
chérie », « mon chéri ».
354 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
8
Les extraits cités sont tirés de la version russe du texte, Derevjannye sani, traduit du
Karatchaï par V. Sibirtsev. Fonds de la bibliothèque Christiane Montécot, Paris,
Maison d’Europe et d’Orient.
Les écritures théâtrales du Caucase 355
V. Un processus d’anéantissement ?
En ce sens, il y a bien un processus d’anéantissement : la non-vie s’attaque
au vivant, comme si l’être était menacé par du non-être, et c’est peut-être
bien là que réside le non-dit, le refoulé d’une lignée malade : au lieu de fa-
voriser l’être, elle héberge du non-être qui n’a de cesse que d’affaiblir l’élan
vital, et la généalogie s’inverse globalement au point de devenir le lieu où
l’être est progressivement comme pompé, aspiré et où il risque de s’épuiser.
Le temps ne va plus vers l’enfance ni vers le nouveau, il va vers le rien qui
procède par répétitions malheureuses. […] Il ne s’agit là, non pas de mort
naturelle, mais de la mort-anéantissement, non pas du simple passage d’une
génération à l’autre, mais d’une tentative répétée de détruire la génération à
venir, de faire plier chaque fruit et chaque branche sous le poids dominateur
et autocratique du chancre de l’arbre (Lempert, 1994 : 33).
La question de savoir si la jeunesse parviendra à sauver la lignée
ainsi que les thèmes de la vieillesse, de la solitude et de la disparition
des anciens sont également au cœur de nombreuses pièces caucasiennes
en appelant, de façon parfois plus drolatique ou divertissante – comme
dans Et viendront les beaux jours (2002) du Karatchaï Iouri Chidov – au
rapprochement des générations et au respect de la terre des Anciens. Le
caractère fictionnel de ces pièces à l’écriture parfois encore désuète se
voit pourtant dépassé par la réalité des violences qui composent le
quotidien des auteurs. Dans Ascension (2003), l’Arménien Gagik
Ghazareh (né en 1973), proche du Centre arménien pour l’art expéri-
mental d’Erevan (NPAK), semble à peine vouloir organiser le chaos :
Des mots qui ne veulent rien dire. Des mots qui ne sont que des mots. Des
mots qui unifient et fabriquent le texte. Des textes qui peuvent être entendus
dans le vide. Les mots sont impuissants à exprimer la réalité lorsque les gens
deviennent subrepticement des bâtards. Une génération est sacrifiée et vous
en faites partie. La vie n’a pas de valeur dans ce pays et l’homme est un
criminel impuissant. […] L’homme est un bon à rien dépravé, insensé. Il est
un mot qui ne veut rien dire. […] Pendant le déroulement de la pièce, des
changements illogiques de lieux, des tranches de vie allégoriques de second
plan, inattendus, n’ont pas de rapport avec l’acte principal. Absence de hé-
ros du fait même de ses multiples transformations, ou alors du fait de son
aliénation. Présence d’une documentation à l’intérieur même du récit : un
hybride complexe dans la construction et dans la forme (Ghazareh in
Dolmieu et Symaniec, 2009 : 358).
Plus on avance vers le troisième millénaire et plus la déconstruction
des textes dramatiques se fait parfois l’écho de la destruction et de la
fragmentation du monde et des sentiments : un phénomène qui, au
356 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
9
Cette prise d’otages dans une école ossète s’était déroulée du 1 er au 3 septembre 2004
et avait été revendiquée par le djihadiste Chamil Salmanovitch Bassaïev (1965-
2006). Après trois jours de siège, les forces spéciales russes avaient donné l’assaut
pour déloger les combattants tchétchènes. Selon le bilan officiel, trois cent quarante-
quatre civils avaient trouvé la mort, dont cent quatre-vingt-six enfants.
Les écritures théâtrales du Caucase 357
Ou plus loin :
Aïzan – La vie entière est comme un spectacle… comme un rêve… Pour
celui qui a de la chance, c’est un beau rêve, mais pour ceux qui sont comme
nous, c’est un cauchemar. Mais des bons et des mauvais, il n’en restera rien,
sauf de la cendre.
Au fil d’un texte qui associe bourreaux et victimes dans la même
quête de sens et de Paradis perdu à reconquérir ensemble, la notion de
théâtre change toutefois progressivement de contenu. Elle ne concerne
plus qu’un lieu de divertissement ne pouvant être associé qu’à la seule
« société du spectacle » telle que pouvait la définir Guy Debord dans les
années 1960. Le personnage de Bella – une Tchétchène non terroriste
piégée par ses propres compatriotes et diplômée de l’Institut théâtral de
Moscou à l’époque soviétique – permet soudain de penser le théâtre en
tant que temple de la culture coloniale, voire de façon encore plus
radicale, comme une métonymie du « repaire de l’ennemi ». La frontière
entre fiction et réalité au théâtre semble définitivement outrepassée et à
l’heure où Moscou se voit de nouveau visée par des attentats que le
pouvoir russe semble attribuer à des Caucasiens du Nord, c’est sur le
sentiment qu’un drame reste inachevé que nous sommes conviés à
refermer La Montagne des langues.
Bibliographie
Ouvrages et articles
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Camille Sirota, préface de Mylène Sauloy, Paris, L’Espace d’un instant, 2002.
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tiques européens (1945-2000), Chasseneuil-Montreuil, CNDP-Éditions théâ-
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358 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Documents
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Klodiashvili, David, Le Malheur (1914), traduit du géorgien par Janri Kachia,
Paris, tapuscrit français s.d.
Les écritures théâtrales du Caucase 359
Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK
1
Je remercie chaleureusement Dominique Dolmieu et Zayneb Su Kasapoğlu pour
m’avoir permis d’utiliser et de citer les matériaux réunis dans leur livre Un œil sur le
bazar. Anthologie des écritures théâtrales turques.
362 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
Dede Korkut est une œuvre de la littérature populaire turque, fixée en Anatolie vers
1400 à partir d’une tradition orale ; écrite en vers syllabiques irréguliers, elle raconte
les incessants combats des Turcs nomades contre les chrétiens du Caucase et contre
des êtres fantastiques. Köroğlu est une œuvre issue des traditions orales des peuples
turcs ; elle a commencé à se développer au XIe siècle et a été fixée au XVIe siècle ; elle
décrit les exploits d’un bandit d’honneur, Köroğlu, « le fils de l’aveugle », qui défend
son clan contre les menaces extérieures tout en vengeant son père, aveuglé par
erreur ; elle est composée dans un style inspiré de celui des âshiks, poètes populaires
errants de la Turquie ottomane.
Panorama du théâtre turc 363
en scène de façon humoristique les travers des hommes, les mœurs et les
coutumes locales, et les abus des grands. Cet art s’exerçait dans les
cafés, sur une scène légèrement surélevée avec l’aide de deux acces-
soires, un bâton et un mouchoir3. Le récit était mimé à grand renfort de
gestes exagérés et de modulations vocales.
Les histoires de meddah sont continuellement remaniées par les
conteurs et évoluent au gré du temps, des événements et des personna-
lités des artistes. L’histoire commence généralement par un ensemble de
formules connues ou par un tekerleme, formule de poésie populaire qui
consiste à faire des jeux de mots et à créer un rythme par le débit. La
représentation peut être interrompue, soit pour attirer la curiosité du
public, soit pour encaisser de l’argent, ou encore pour servir le café.
Parfois, la représentation se prolonge sur plusieurs jours. Le meddah est
davantage un acteur qu’un conteur, car il incarne, par la voix et la
gestuelle, différents personnages ou types sociaux, interagit avec le
public et improvise au gré de son inspiration et de son public. Un même
mot désigne d’ailleurs le mime et l’histoire : hikâye (Pekman in
Dolmieu, 2010 : 23-25 ; Talman, 2008 : XIV).
À la période ottomane, ce type de spectacle était apprécié de tous, de
la cour à l’homme de la rue. Cette popularité est particulièrement bien
attestée aux XVIIe et XVIIIe siècles, et l’art s’est préservé jusqu’en 1940,
en dépit de la censure et de l’avènement du théâtre « moderne ». Des
tentatives ont été faites ces dernières années pour revivifier cette pra-
tique. La meilleure source pour l’étude du meddah reste l’ouvrage fiable
et bien documenté de Georg Jacob (Vortrage türkischer Meddahs).
Nous ne dirons rien ici du théâtre d’ombres (karagöz), présenté dans
ce volume par Gaye Petek. Les meilleures études sur le sujet ont été
publiées par Georg Jacob (Türkische Litteraturgeschichte in
Einzeldarstellungen : Das türkisches Schattentheater), Otto Spies
(Türkisches Puppentheatre) et Metin And (Karagöz : Turkish Shadow
Theatre). Cevdet Kudret et Helmut Ritter ont publié la plupart des textes
de karagöz disponibles.
Les acteurs, quant à eux, s’illustraient dans l’orta oyunu, une sorte de
théâtre comique dont le nom signifie littéralement « théâtre au milieu ».
Un nom plus ancien, meydan oyunu, « théâtre en rond », indique bien
3
Le conteur donne des coups au sol avec son bâton pour indiquer l’ouverture du
spectacle. Tout au long de la représentation, le bâton servira à faire les sons d’une
personne qui frappe à la porte, des fenêtres qui claquent ou des bruits de pas. Il s’en
sert aussi comme d’un saz (instrument de musique à cordes), d’un fusil et même d’un
cheval. Le foulard devient un voile, un turban et divers couvre-chefs. Il peut aussi
représenter une maison et parfois une tente. Ce type de théâtre n’utilise aucun autre
accessoire ni costume.
364 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
ter ses excuses au public, indiquer le titre de la pièce à venir, ainsi que la
date et le lieu de sa représentation.
L’orta oyunu met en lumière les problèmes de la vie sociale ottomane
à travers l’opposition des deux personnages principaux. En mettant face à
face Pişekar et Kavuklu, personnages aux caractères opposés, le spectacle
dévoile leurs qualités et leurs défauts, dénonçant les faiblesses des
groupes sociaux et des individus qu’ils incarnent. Le quotidien du
quartier, tel qu’il est décrit dans la pièce, est un microcosme qui
représente la vie de tout un pays. Par ailleurs, l’orta oyunu, tout en
continuant à évoluer sur ses propres lignes directrices, est influencé par le
théâtre occidental (Pekman in Dolmieu et Su Kasapoğlu, 2010 : 34-41).
Dans le premier quart du XXe siècle, une nouvelle période commence
dans le pays avec l’effondrement de l’Empire ottoman et l’instauration
de la nouvelle république. Le pays se modernise très rapidement et le
théâtre traditionnel est considéré comme un « divertissement vulgaire ».
Face à ces changements radicaux, il perd son authenticité et s’adapte
difficilement à cette nouvelle situation. Malgré les derniers maîtres tels
Naşit (1886-1943) et Dümbüllü (1897-1973), malgré les efforts de
modernisation de certains intellectuels turcs comme Ismayıl Hakkı
Baltacıoğlu, l’orta oyunu a inexorablement décliné (Pekman, 2010 : 35-
41). Cependant, il a inspiré des pièces modernes, comme La Ballade
d’Ali de Keşan de Haldun Taner. En Occident, il a été étudié par
Martinovitch (The Turkish Theatre) [figure 87]4.
Le théâtre de cour était une adaptation plus raffinée du théâtre popu-
laire urbain : danseurs, acteurs, conteurs, clowns, acrobates, mimes,
prestidigitateurs et montreurs de marionnettes se produisaient devant
l’aristocratie du palais à des fins de divertissement, ou à l’occasion de
festivités (couronnement, naissance, circoncision, mariage, etc.).
4
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
366 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
5
Pour ne pas alourdir le texte, nous avons omis les versions originales des titres, mais
le lecteur intéressé pourra les retrouver dans l’index des titres.
Panorama du théâtre turc 367
6
Güngör Dilmen écrit de nombreuses pièces à succès : Moi, l’Anatolie (Ben, Anadolu,
1984), Le Restaurant du singe vivant (Canlı Maymun Lokantası, 1964), Le Sacrifice
(Kurban, 1967), Dumrul le fou (Deli Dumrul, 1982), Notre amour est le plus grand
incendie d’Aksaray (Aşkımız Aksarayın en büyük yangını, 1988), La Soupe populaire
de la souveraineté nationale (Hakimiyet-i Milliye Aşevi), La Compagnie dramatique
ottomane (Osmanlı Dram Kumpanyası, 2002).
Panorama du théâtre turc 371
7
Lorsqu’aucune traduction n’est donnée, il s’agit d’un nom propre, ici le nom du
personnage principal.
372 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
(né en 1921, Les Sabots, Été torride) et Hidayet Sayın (né en 1929,
Pembe Kadın). La Gamelle de Yaşar Kemal raconte l’histoire de culti-
vateurs de riz dans l’Anatolie profonde qui finissent par se révolter
contre l’exploitation dont ils font l’objet et les conditions de travail
qu’on leur impose ; leur riz, produit en dépit des règles d’hygiène,
donne la fièvre à ceux qui le consomment, ce qui amène le sous-préfet,
jeune fonctionnaire idéaliste, à entrer en lutte contre les seigneurs féo-
daux responsables de la catastrophe ; il est exilé, mais les paysans qu’il
a soutenus envers et contre tous sont devenus les acteurs de leur destin
(Ecer in Dolmieu et Su Kasapoğlu, 2010 : 113-116).
Le romancier et dramaturge Orhan Kemal (1914-1970) évoque éga-
lement l’histoire contemporaine turque entre le début du siècle et les
années 1960 : exode rural, échanges de populations, évolution de
l’agriculture, exploitation des femmes, paysans-esclaves travaillant dans
des conditions féodales sur les terres des seigneurs, quartiers pauvres
d’ouvriers. Ses œuvres, Murtaza, Le Brocanteur et ses fils, Sur des
terres fertiles, Oiseaux de l’exil, Dortoir 72, La Ferme de la dame, Il se
passe quelque chose, Terres sanglantes sont des classiques (Gültekin in
Dolmieu et Su Kasapoğlu, 2010 : 126-128).
La vie dans les villes avec l’exode rural, les logements misérables, le
travail à la mine et à l’usine sont traités par Haldun Taner (1915-1986),
Oktay Rifat (1914-1988), Orhan Asena (1922-2001), Dinçer Sümer (né
en 1938), Ülker Kökasal (né en 1931). Dans ses pièces L’Épopée d’Ali
de Keşan, Je ferme les yeux et je fais mon boulot, Homme du jour et
La Femme rusée du mari voyou, Taner fait évoluer des antihéros dans
une société passive et sans valeurs. Cet auteur développe un théâtre
épique, inspiré par le théâtre turc traditionnel. L’Épopée d’Ali de Keşan
est une évocation très réussie de la vie dans le gecekondu (« bidon-
ville ») qui se développe autour des grandes villes turques dans les
années 1950, suite à l’exode rural. Ali, voyou au grand cœur, est amou-
reux de Zilha, mais on l’accuse injustement d’avoir assassiné l’oncle de
sa bien-aimée, Ýhsan : Ali ne réussit pas à prouver son innocence et,
comme le mort était unanimement détesté, il devient célèbre et adulé. À
sa sortie de prison, on lui confie des responsabilités dans le quartier. Un
rival surgit sous les traits de Bülent Bey, un homme riche qui s’éprend
de Zilha. Cafer, le véritable assassin de l’oncle, réapparaît alors pour
provoquer Ali, qui le tue et doit retourner en prison (Muhidine in
Dolmieu et Su Kasapoğlu, 2010 : 99-101).
Orhan Asena traite une grande variété de sujets allant de l’histoire
ottomane à l’assassinat de Salvador Allende au Chili, et de l’épopée de
Gilgamesh à l’histoire d’une jeune villageoise. Mehmet le Chauve
d’Atça (1970) raconte l’affrontement entre un seigneur féodal de la
période ottomane et un rebelle de l’Anatolie rurale, mais l’allusion aux
Panorama du théâtre turc 373
8
Quartier des acteurs et du cinéma turc, Hollywood turc.
374 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
père musulman et d’une mère juive originaire des Balkans, elle règle ses
comptes de manière kafkaïenne, tant avec l’histoire collective qu’avec
son histoire propre : elle nous révèle comment le pouvoir dominant,
grâce aux notions de religion, de langue, d’identité sexuelle ou de race, a
engendré une paranoïa, une peur des « minorités » ainsi créées.
La question de l’identité est le sujet principal de La Voix de son
Maître. Le héros Bilâl est issu de la famille d’un pacha ottoman destitué
par la république. La personnalité qu’il a voulu s’approprier en mettant
la main sur l’identité d’un mort, Muzaffer Seza, le soldat martyr, est
fausse ; quant à sa propre identité, il n’y a aucune place pour elle dans le
monde où il vit. Pour Bilâl, sont ennemis tous ceux qui ne sont pas
comme lui. Plus la fin approche, plus sa paranoïa envers ses voisins non
musulmans augmente, alors qu’il vit avec une juive (Özsysal in Dolmieu
et Su Kasapoğlu, 2010 : 202-209).
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Karagöz
Le théâtre d’ombres traditionnel turc
GAYE PETEK
I. La légende du karagöz
D’éminents spécialistes du monde entier se sont penchés sur
l’origine et la naissance du théâtre d’ombres en Turquie. Plusieurs
« thèses » s’affrontent, avançant des origines chinoises, indonésiennes,
mongoles, ou encore gitanes. Ces thèses basées sur des éléments légen-
daires, non étayées par des documents historiques probants, sont contre-
dites par des études menées au XXe siècle, qui semblent fondées sur des
données infiniment plus précises.
Le théâtre d’ombres aurait pénétré en Turquie par l’intermédiaire de
l’Égypte suite à la défaite du sultan mamelouk face au sultan Selim 1er et
à l’admiration de ce dernier pour un artiste égyptien qu’il avait invité à
venir donner un spectacle d’ombres à Constantinople devant son fils
Soliman le magnifique. 1517 est donc la date la plus précise de
l’apparition de cette forme théâtrale en Turquie, notamment selon les
travaux de Metin And, éminent spécialiste turc du sujet. Les figures
égyptiennes des XIe, XIIe et XIIIe siècles corroborent d’ailleurs cette thèse.
Les artistes turcs (principalement des marionnettistes à fils) créèrent
ensuite des figures originales, et il est intéressant de relever qu’avec
l’expansion ottomane, on ne trouvera plus, en Égypte au XIXe siècle, le
théâtre d’ombres initial, mais une copie conforme du karagöz turc, en
rupture totale avec le passé arabe originel. Ce théâtre sera exporté dans
382 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
V. Un art défunt
Jadis si populaire et tant applaudi, le karagöz, bien qu’il continue à
habiter la mémoire collective de tous les Turcs, n’est plus un art vivant.
La censure des derniers Ottomans gênés par son pouvoir satirique, la
progression du théâtre occidental au début du XXe siècle, puis le désinté-
rêt des pouvoirs publics après l’avènement de la République ont eu
raison du karagöz comme des autres anciennes traditions théâtrales. La
République, qui visait une modernité empruntée à l’Occident, a mini-
misé les arts traditionnels qu’elle jugeait désuets, et les gouvernements
qui se sont succédé n’ont pas eu de politique culturelle valorisant ces
arts. Aujourd’hui, le karagöz est un art en passe d’être momifié. Il a été
dénaturé, expurgé. Il est même de plus en plus rarement proposé aux
enfants lors des fêtes de circoncision chez les particuliers, comme ce fut
souvent le cas dans la première moitié du XXe siècle. D’ailleurs, il s’agi-
ssait déjà de spectacles d’artistes amateurs ou semi-professionnels, de
textes édulcorés ou improvisés pour des publics de jeunes. On ne le
rencontre plus dans les jardins et les cafés, même au moment du rama-
dan, alors qu’il était le principal défouloir du pratiquant fatigué par son
ascèse. Il n’a jamais bénéficié d’une salle de théâtre qui lui soit dédiée,
comme c’est le cas de karagiosis à Athènes, ou des marionnettes belges
que l’on peut encore voir au café Toone à Bruxelles.
Karagöz 389
3
Extrait du prologue de la pièce Le Jardin (Bahçe), traduit du turc par Gaye Petek et
Pierre Chuvin.
Karagöz 391
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Le théâtre dans le monde arabe
Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK
1
Ibn al-Nadim emploie le terme de talâ‘ub pour désigner les drames religieux indiens,
tandis que les traducteurs du syriaque et du copte traduisent theatron par mal‘ab.
2
Le premier sens du mot est « efféminé », « homosexuel » ou « prostitué mâle », mais
le terme est parfois employé pour signifier « acteur » ou « musicien », ou encore
comme synonyme de la‘‘âb.
398 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
voix à partir d’un texte écrit (Lane, 1836 : II, 117-162). Les derniers
conteurs urbains ont disparu entre les années 1950 et 1970, mais il
subsiste encore aujourd’hui dans plusieurs pays arabes, en milieu rural
ou bédouin, une tradition de récitation de la Geste hilalienne sous une
forme entièrement versifiée et sans aucun support écrit, le récitant étant
généralement illettré [figure 96].
De même, le khayâl est une sorte de théâtre vivant : le mot signifie
d’abord la figure, ou la forme imaginaire, et ce n’est qu’au XIe siècle
qu’il sera lié au mot zill (« ombre »), pour signifier le théâtre d’ombres.
Auparavant, il est joué par des acteurs ou imitateurs en chair et en os, et
s’apparente à la hikâya. À partir du XVIe ou du XVIIe siècle, un nouveau
terme apparaît, celui de muhabbazûn, qui désigne des amuseurs de
quartier qui jouent des sketches comiques ou de courtes farces en rap-
port avec les réalités sociales et l’actualité, ce spectacle présentant des
similarités avec l’orta oyunu turc et la commedia dell’arte (Moreh,
1992). La plupart des témoignages nous sont parvenus d’Égypte, sous la
forme de descriptions de voyageurs européens : ces farces assez simples
et largement improvisées, jouées par des troupes ambulantes avec un
minimum d’accessoires et de moyens, étaient volontiers satiriques ou
truculentes (Badawi, 1988 : 10-12).
Pour Badawi, il faut voir dans la maqâma une écriture dramatique
arabe originale : cette forme est au croisement du récit et du théâtre. Le
théâtre d’ombres arabe a hérité de certaines des caractéristiques de ce
genre lettré ; d’ailleurs, les pièces de Muhammad ibn Daniyâl al-
Mawsîlî (1249-1311) ont été qualifiées de maqâma par l’historien Ibn
Iyâs (mort aux environs de 1524) (Badawi, 1988 : 5-6). Malheu-
reusement peu de textes nous sont parvenus : nous disposons de trois
pièces écrites par Ibn Daniyâl pour son ami le montreur d’ombres ‘Alî
ibn Mawlâhum, et intitulées L’Esprit de l’ombre, L’Étrange Prédicateur
et l’Étranger, Le Fou d’amour. Elles nous révèlent un art comique,
satirique et souvent obscène, dont les personnages sont issus du bas de
l’échelle sociale et présentés de manière humoristique : marginaux,
escrocs à la petite semaine, entremetteuses, homosexuels. Le chant, la
musique et la danse font partie intégrante du spectacle ; le texte mêle
vers et prose rimée, langue savante et dialectale, dialogues et éléments
descriptifs. Quelques textes du XVIIIe siècle, attribués à Sa’ûd, Shaykh
‘Alî Nahla et Da ‘ûd al-Manawî al-‘Attâr, ont été sauvés de l’oubli par
Hasan al-Qashshâsh (mort en 1905) : écrits en dialectal égyptien, ils
portent la marque de l’oralité et du folklore, sont composés en poésie
strophique et destinés à être chantés. Si Ibn Daniyâl avait des
prétentions artistiques, le théâtre d’ombres au XIXe siècle est devenu un
art populaire, prisé des classes inférieures et joué dans les cafés
(Badawi, 1988 : 11 sqq. ; Khozai, 1984 : 19-24).
Le théâtre dans le monde arabe 399
3
L’universitaire tunisien Hamadi Ben Halima se flagelle en écrivant : « […] un bref
coup d’œil sur la production littéraire arabe jusqu’au XIXe siècle nous montre que le
poète ou le prosateur manque de souffle et d’imagination. Il serait donc vain de
chercher, dans une société où l’horizon intellectuel est borné, un esprit d’architecte
nécessaire à toute création théâtrale » (1969 : 18).
Le théâtre dans le monde arabe 401
A. Expérimentations et créativité
Le début du XXe siècle fut marqué par l’apparition d’une nouvelle
génération d’auteurs. Farah Antûn (mort en 1922) écrivit la première
pièce sociale en 1913, Nouvelle Égypte, Ancienne Égypte, puis une pièce
historique examinant les Croisades d’un point de vue arabe, Salâh al-din
et le Royaume de Jérusalem, en 1915. Cette pièce était un appel à la
lutte pour la libération sous couvert d’histoire, et les autorités britan-
niques ne s’y trompèrent d’ailleurs pas : elle fut interdite, puis profon-
dément modifiée. Entre les deux guerres, ‘Abbâs Allam (1889-1949)
composa une série de pièces consacrées à des problèmes sociaux et
familiaux, comme Secrets de palais (1915). Muhammad Taymûr (mort
en 1921) s’intéressait également à la famille, aux conflits de générations
et aux rapports maritaux dans L’Oiseau en cage (1918) ou ‘Abd al-
Sattâr Efendi (1918). L’Abîme (1921) est consacré à la description d’une
addiction, et La Bonne Dizaine (1918) dénonce la politique des gouver-
neurs turcs en Égypte. Ibrâhîm Ramzî (mort en 1949) cultivait à la fois
Le théâtre dans le monde arabe 405
désertion du monde par Dieu sont abordés avec un certain humour. Idrîs
continue à manier le symbolisme et l’absurde dans ses autres pièces,
notamment Les Rayés (1960), où il s’en prend violemment au parti unique
de l’ère Naser et Le Troisième Sexe (1971), qui fustige les dérives de la
modernité (Badawi in Jayyusi et Allen, 1995 : 6-10).
À côté de ces auteurs en quête de nouvelles formes poétiques, le réa-
lisme connaît une vogue sans précédent. L’œuvre de Nu‘mân ‘Ashûr
(mort en 1987) relève de la critique sociale : ses pièces retracent
l’histoire d’une famille égyptienne de 1940 à 1980 et montrent comment
évoluent les valeurs et rapports sociaux. Les Gens d’en bas, Les Gens
d’en haut, La Famille Dughri (1963) décrivent, de façon réaliste et en
dialectal, les interactions d’une poignée de familles partageant le même
immeuble, en particulier le clash entre le matérialisme de la vieille
génération et l’idéalisme de la jeunesse. L’auteur s’intéresse beaucoup à
la jeune génération en perte de repères (Les Pays d’outre-part, 1967 ;
La Tour, 1978 ; Le Jouet, 1983).
Râshid Rushdî écrit d’abord des pièces psychologiques (Le Papillon,
Voyage derrière le mur, La Douceur du passé, 1967, La Lumière des
ténèbres, 1971) avant de se politiser avec Regarde, bon sang (1966) qui
montre le despotisme mamelouke, et Ma chère Patrie (1968) qui ana-
lyse la passivité des populations face à l’invasion. Sa‘d al-dîn Wahbah
(né en 1925) s’intéresse tout particulièrement à la question du pouvoir et
des relations entre le gouvernant et ses administrés : Le Pont aux mous-
tiques (1964) montre que l’oppression avait rendu inévitable la révolu-
tion de 1952 ; La Route vers la sécurité (1965) aborde divers problèmes
sociaux comme l’opportunisme et la corruption qui gangrènent le nou-
veau régime socialiste ; Les Ongles (1969) revient sur la déroute de
1967 et ses conséquences ; Le Professeur (1969) se penche sur le totali-
tarisme (WECT, 1999, IV, 84-85).
Mikhâ’îl Rûman (1927-1973) analyse finement les contradictions de
l’intelligentsia égyptienne, insatisfaite mais incapable d’influer sur la
société, à travers les mésaventures de Hamdi, un homme frustré dont la
révolte reste stérile (La Fumée, 1962, Le Nouveau Venu, 1966). Em-
prunté et loué (1967) et le Rédacteur de réclamations (1968) se
penchent sur la bureaucratie, la corruption et les faux-semblants. La Nuit
où on a tué Che Guevara (1969) examine la confrontation entre le
néocolonialisme et les mouvements de libération. Mahmûd Diyâb (mort
en 1983) s’intéresse avant tout à la vie des villages. Ainsi La Tempête
(1967) décrit le trouble entraîné dans un village par le retour d’un
homme accusé à tort d’un crime, emprisonné pendant vingt ans et dont
on craint la vengeance.
‘Alî Salîm (né en 1936) excelle dans la satire, fustigeant les dys-
fonctionnements politiques (corruption, despotisme) et les lourdeurs de
410 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
nages basés sur les premiers siècles de l’histoire de l’islam (La Nuit des
esclaves, 1977). ‘Alî ‘Uqla ‘Ursân (né en 1940) décrit allégoriquement
l’immigration sioniste en Palestine dans Les Étrangers (1974), et les
persécutions politiques dans le monde arabe dans Prisonnier n° 95
(1974).
Dans un registre plus léger et plus satirique, Walîd Ikhlâsî (né en
1935) nous livre une galerie de beaux portraits, sans doute les person-
nages les mieux définis du théâtre arabe. Un opportuniste parvenu au
poste de directeur de cabinet ministériel raconte son ascension jalonnée
par l’hypocrisie, l’absence de conscience et d’amour-propre, l’ingé-
niosité, la flagornerie et les mauvais coups dans Comment grimper sans
tomber (1973). La Rivière folle (1976) présente une dame âgée à la forte
personnalité, appartenant à la classe supérieure, qui n’arrive pas à
accepter l’expropriation dont elle a fait l’objet suite à la réforme agraire,
et se réfugie dans un monde imaginaire. Dans Le Chemin (1976), un
petit employé de théâtre est amené à remplacer au pied levé un acteur
malade et connaît un immense succès comique, mais déchante en dé-
couvrant que sa popularité se limite à la scène et que sa fortune est bâtie
sur le mensonge et l’hypocrisie ; il chemine entre le bien et le mal avant
de se soumettre au pouvoir et à la police secrète. Il représente la crise de
l’écrivain arabe sous le joug d’un système totalitaire.
Muhammad al-Maghût (né en 1932) s’est fait connaître par sa pièce
surréaliste et violente Le Moineau bossu (1968), une fable sur
l’oppression politique, et surtout Le Bouffon, qui dévoile l’inanité des
rêves et mythes arabes ainsi que la tyrannie et l’absurdité des régimes, à
travers la circulation de personnages jadis célèbres et vénérés, entre un
passé glorieux et un présent qui les méconnaît ou les persécute.
Depuis 1976, un festival annuel a lieu à Bosra dans un amphithéâtre
romain. Le Festival de Damas, créé en 1969, accueillait les principales
créations arabes contemporaines avant d’être relayé à partir de 1988 par
le Festival Al-Mahabba de Lattaquieh. Des compagnies commerciales
ont vu le jour : Firqat Dabâbis créée en 1973 et dirigée par le dramaturge
Ahmad Qanu’ (1936-1998) a produit Missiles, destin et chance ; Firqat
Mahmûd Jabr a produit Le Pillage (1977), Un Bain sans eau courante
(1979) et Le Maître d’école (1979). Ces pièces en dialectal sont souvent
jouées pendant des années. Depuis la fin des années 1980, le théâtre
syrien a tendance à stagner et les acteurs se reconvertissent dans les
séries télévisées (Badawi in Jayyusi et Allen, 1995 : 13-16).
B. Liban : avant-gardisme et contestation
La production théâtrale libanaise devient remarquable dès les années
1940 avec, d’une part, des pièces romantiques comme Le Bien et le Mal
de ‘Abd Allâh Hushayma, ou L’Épouse rebelle de Yûsuf al-Qâdî,
414 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
d’autre part, des pièces religieuses chrétiennes produites par des clercs à
l’exemple de L’Assomption de Yûsuf Bahît ou Sainte Jeanne d’Arc de
Yûsuf al-Hâyik. Les problèmes de société font leur apparition avec de
nouveaux personnages : le jeune homme européanisé, la jeune fille
émancipée, l’ivrogne, le joueur, l’opportuniste, la mère vertueuse, le
citoyen défenseur des traditions, le paysan attaché à sa terre. La ville,
réservoir à problèmes sociaux et moraux, s’oppose à la campagne
perçue comme la gardienne des valeurs traditionnelles. Ces idées se
reflètent dans les pièces de Farîd Mudawwar (C’est étrange, La Re-
vanche), Edwâr al-Dahdâh (Une tempête dans un village, Les Injustices
de la vie), Jûzif al-Gharîb (L’Amant distrait). Dans Pères et fils (1916),
Mikhâ’îl Nu’aymah décrit les ravages de la corruption et des mariages
arrangés dans la communauté chrétienne libanaise, tout en faisant parler
certains de ses personnages en dialectal. Le poète Sa‘îd ‘Aql compose
un drame en vers inspiré du mythe grec du rapt d’Europe par Zeus,
Qadmus (1944).
Les années 1960 marquent une véritable révolution du théâtre liba-
nais grâce aux efforts d’Antoine Multaqâ et de Munîr Abû Dibs qui
s’inspirent largement des nouvelles tendances du théâtre occidental. Le
théâtre est désormais vu comme une performance et une expérience
vivante plutôt qu’un genre littéraire. Il s’adresse à un public éduqué,
bien au fait des méthodes avant-gardistes du théâtre occidental et à
même de comprendre les subtilités voilées des satires politiques.
Antoine Multaqâ crée une École de théâtre et une nouvelle troupe, Firqat
al-masrah al-hadîth, puis une autre compagnie, le Théâtre en rond
libanais, et enfin le théâtre du Conteur, qui rejette les limites de la scène,
les conventions scéniques, le décor, et recourt au modèle du hakawâtî,
au folklore et aux symboles, pour inciter les spectateurs à exercer leur
imagination. Le texte de la pièce devient un simple canevas sur lequel
les acteurs improvisent collectivement, avec la collaboration de l’auteur-
metteur en scène. Au nombre de ces nouveaux auteurs, il faut citer Abû
Dibs (L’Inondation, Jibrân, Jésus, Ombres), et Remon Jbâra (né en
1935, Laissons mourir Desdémone, Aux bons soins de Zakkur). Le poète
‘Isâm Mahfûz (né en 1939) a écrit un certain nombre de pièces « litté-
raires » : L’Arbre de Chine (1963), Le Meurtre (1968), Le Dictateur
(1970), Pourquoi ? (1971). La première de ces pièces tient à la fois de
Kafka et du théâtre de l’absurde : un homme y est jugé pour le meurtre
d’une femme et condamné à mort, alors que les charges ne sont jamais
établies. Il entend une mystérieuse voix qui s’appelle elle-même arbre.
Par la force de sa volonté, il se transforme en arbre.
Les auteurs étrangers les plus divers sont traduits par des personna-
lités telles que ‘Unsî al-Hâjj, Adonis, ‘Isâm Mahfûz. Le dialectal est
fréquemment utilisé et les scripts sont « libanisés », tandis que le théâtre
Le théâtre dans le monde arabe 415
V. Le théâtre au Maghreb
raire, Le Sultan entre les murs du palais Yildiz de M’hamed Jaïbi4 fut
monté en 1909. En 1911, l’élite politique forma les troupes de la Dignité
(al-Chahâma) et des Lettres (al-Adâb). L’art dramatique se propagea
rapidement dans la capitale et les grandes villes, puis en province.
Dans les années 1920 et 1930, le théâtre tunisien dénonçait surtout
les tares de la société traditionnelle : les superstitions, l’obscurantisme,
l’ignorance, le fatalisme, le rejet de la modernité. Jusqu’à l’Indépen-
dance, il resta un théâtre amateur aux moyens limités et peinant à se
renouveler. On peut discerner deux grandes tendances : le théâtre
« historique » glorifie le passé arabe en cherchant à se différencier de
l’Occident ; le théâtre « social », qui englobe à la fois des traductions
d’œuvres européennes et des pièces originales, dénonce les injustices et
l’occidentalisation de la société. Ces œuvres ne sont souvent que le
reflet des valeurs traditionnelles, ce qui se traduit par une absence de
vision critique de l’histoire et un certain conservatisme (Ben Cheikh et
Madani in Corvin, 2008 : 1377). Néanmoins, les compagnies tuni-
siennes se produisirent régulièrement jusqu’en 1956, date de l’Indépen-
dance, et participèrent efficacement à la prise de conscience des masses.
Après l’Indépendance, les choses évoluèrent avec l’intervention de
l’État : en 1953, la municipalité de Tunis fonda une troupe profession-
nelle ; en 1962, le régime bourguibien créa un ministère des Affaires
culturelles. Des étudiants furent envoyés à l’étranger, des troupes for-
mées en province, des théâtres construits, la création encouragée. Un
Festival du théâtre arabe fut créé en 1964 et catalysa les efforts de
définition de cet art dans les pays arabes. Malheureusement, l’État en
profita pour contrôler la production grâce à la Commission nationale
d’orientation théâtrale dont le rôle officiel était de veiller à la qualité des
œuvres et la fonction réelle de censurer toute critique de l’ordre établi.
Cette censure donna lieu, avec le Manifeste des Onze, à une contes-
tation du théâtre officiel incarné par la troupe de Ben Ayed. La forme et
le fond du théâtre dominant furent remis en question, et un nouveau
mouvement, le « théâtre du patrimoine » vit le jour, avec, pour chef de
file, ‘Izz al-din al-Madani (1938-) qui publia plusieurs pièces traitant de
la révolution populaire : La Révolte du propriétaire de l’âne (1971), Le
Voyage de Hallâj (1973), Les Poèmes Zanj (1974) et Notre seigneur,
Sultan Hasan al-Hafsi (1977), dans lesquelles il s’inspirait de person-
nages historiques ou issus de la littérature arabe classique. Cette
mouvance militait pour une réhabilitation de la culture arabo-musul-
4
Pour les noms propres des artistes maghrébins et les titres des œuvres en dialectal,
nous avons omis la translittération savante des mots arabes en français afin de
conserver l’orthographe usuelle sous laquelle ils ont acquis une notoriété.
Le théâtre dans le monde arabe 419
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Chronique d’un jeu annoncé
Le dédoublement des paramètres énonciatifs
dans la pièce Le roi est le roi du dramaturge
syrien Sa‘dallâh Wannûs
Batoul JALABI-WELLNITZ
I. Présentation de l’auteur
Sa‘dallâh Wannûs (1941-1997) est l’un des plus importants drama-
turges arabes. Il est né en Syrie et a accompli ses études universitaires au
Caire. En 1966, il a obtenu une bourse d’études pour Paris où il a étudié
le théâtre européen, et s’est trouvé en contact avec des grands hommes
de théâtre comme Jean Vilar et Jean Genet. Voici comment il nous
décrit sa vision du théâtre :
Il m’est arrivé une fois de dire que j’ai choisi le théâtre parce que je sentais
en moi un penchant vers la dialectique, mais j’ai pris conscience que mon
choix pour le théâtre découlait de ma tendance intellectuelle pour l’abs-
traction, et non pour la narration. Cependant, j’ai découvert ultérieurement
que ma motivation profonde pour le théâtre venait d’un désir de réaliser une
œuvre d’une portée actuelle. Je me sentais toujours porté à exercer une
influence ici et maintenant. Bien que cet élan recèle une part d’illusion, il a
joué un rôle déterminant et positif dans mon orientation vers le théâtre, ainsi
que dans l’évolution de mon écriture dramatique (Wannûs, 1997 : 98).
En écrivant la pièce Le roi est le roi (Al-malik huwa al-malik) en
1977, Wannûs approfondit son expérience du théâtre épique en puisant
dans les contes populaires chargés, selon lui, de notions politiques
contemporaines. Il traite avec beaucoup d’habileté la relation entre les
gouvernants (le pouvoir) et les gouvernés (le peuple). En se servant de la
distance historique entre les événements de cette pièce et le public
contemporain, Wannûs veut que son public analyse les faits présentés. À
l’instar de Brecht, il souhaite dévoiler la vérité par le divertissement tout
en se servant de techniques énonciatives inédites.
432 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
1
Ce thème de l’inversion du pouvoir après un rêve se trouve déjà chez Calderón dans
La vie est un songe.
2
On se reportera au cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
Chronique d’un jeu annoncé 433
A. Le discours didascalique
Dans cette pièce, le discours didascalique, ou le discours du didas-
cale3, terme que j’emprunte à Monique Martinez Thomas, se distingue
par le triple espace textuel qu’il occupe. D’une part, il s’exprime dans la
partie qui lui est habituellement réservée : les didascalies, couche tex-
tuelle visant l’organisation de la représentation. D’autre part, il s’ex-
prime à travers les pancartes, partie textuelle visible sur scène au
moment de la représentation. Enfin, certaines didascalies sont lues par
les meneurs du jeu.
La première didascalie est à première vue ambiguë, si l’on adopte la
perspective d’un spectateur. Les acteurs apparaissent vêtus des accou-
trements propres à leurs rôles (le roi, le vizir, le bourreau, etc.) et ils
effectuent en même temps des gestes acrobatiques qui sont en contra-
diction avec leur apparence. Ainsi les acteurs laissent les spectateurs
dans l’incertitude quant à la nature du spectacle (voir la première didas-
calie) :
Les comédiens entrent en scène comme s’ils étaient un groupe de saltim-
banques. Vitalité des gestes acrobatiques, [des acteurs] positionnés selon des
formations. Tous portent les vêtements de leurs personnages (Le roi, 2004 :
I, 482).
Cette didascalie a une double fonction. Premièrement, elle fournit
des consignes techniques concernant les gestes des acteurs, leurs mou-
vements et leurs déplacements dans l’espace scénique. Ces acteurs se
situent non dans les lieux de l’action fictive, mais dans la scène d’un
théâtre. Elle situe le lieu de l’interaction (la scène). À ce titre, elle rem-
plit la fonction de consignes de mise en scène strictes, venant de
l’extérieur de la fable. Deuxièmement, cette didascalie fait fonction de
liste de personnages, souvent inexistante chez Wannûs ; nous avons ici
une énumération des noms et des fonctions des principaux personnages :
Le roi, le vizir, le sabreur, le chef de la sécurité, Maymûn, Abû ‘Azza le
distrait, Um ‘Azza, ‘Arqûb, ‘Ubayd et Zâhid. Quant au maître de la guilde
des commerçants et au Cheikh Taha, ils se mettent dans un coin éloigné
(Le roi, 2004 : I, 482).
3
Le didascale est « cette entité textuelle chargée de donner des ordres pour la mise en
scène, dont la finalité est d’engendrer une action et qui présuppose en filigrane une
entité textuelle complémentaire, co-agent idéal posé par le texte didascalique, le
didascalé » (Martinez Thomas, 1999 : 110 ; 1994 : 140-143).
434 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
pelons qu’il s’agit d’un jeu. Et parions quant au résultat ! » (Le roi,
2004 : I, 529).
Le premier « nous » tend à confondre le didascale avec ceux qui réa-
lisent l’actualisation de son discours – il s’agit donc d’une double actua-
lisation du discours du didascale, puisque ce discours est d’abord trans-
porté par les inscriptions que les spectateurs aperçoivent (perception
visuelle), puis actualisé à nouveau par la lecture à voix haute (perception
auditive) de ces pancartes par les acteurs. Ceci a également pour consé-
quence une double orientation du message didascalique : orientation
externe « classique » vers un public réel, mais aussi orientation interne
de ce discours, à l’intention des acteurs jouant leurs rôles. Le message
didascalique est donc à la fois adressé au vrai public d’un soir et au
« public » constitué par les autres acteurs qui – comble du paradoxe –
s’avouent à voix haute qu’ils ne sont que des acteurs mus par des dis-
cours empruntés.
Le deuxième « nous » a pour effet d’occulter cette double orientation
de l’actualisation du discours didascalique, puisque la phrase « Parions
quant à son issue » semble s’adresser plus directement encore au vrai
public, lequel n’est plus simplement en situation de « discours surpris »,
mais se trouve bel et bien enrôlé dans un jeu, une partie, sur l’issue de
laquelle il est invité à lancer des paris. Il est clair que Wannûs cherche à
briser l’illusion du jeu théâtral, même distancié sur le mode brechtien, et
vise l’abolition des frontières séparant la salle de la scène en laissant
planer un doute même sur une source d’énonciation censée créer la
distance et donc la réflexion. En intégrant par ces glissements des
sources énonciatives la réflexion du spectateur sur ce qui est supposé le
distancier, Wannûs va peut-être encore plus loin que le théâtre de Brecht
qui se servait de la distanciation mais ne la soumettait pas à la discus-
sion critique de ses spectateurs.
La deuxième pancarte porte cette mention : « Donne-moi un manteau
et une couronne, je te donne un roi » (Le roi, 2004 : I, 554). Ici, le jeu
avec le pronom personnel se fait plus subtil encore, car si l’exhortation
du public semble évidente dans le « nous » de la première pancarte, ici
le statut du « tu » est des plus ambigus : en effet, si le « tu » immédiat
(l’acteur jouant un autre rôle) reste un adressé possible, tout porte à
penser que ce « tu » a un caractère générique. Oui, mais pour qui ?
S’agit-il d’une vérité énoncée dans le cadre du jeu – rappelons que ce roi
qui abandonnera ses attributs vestimentaires perdra sa place au profit de
celui qui portera ses vêtements royaux – ou cette affirmation est-elle
également adressée directement au public réel ? Dans ce dernier cas, ce
« tu » générique impliquerait un partage et un échange de l’expérience et
du senso communis du public et des acteurs dans leurs rôles. En admet-
436 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
4
Dans les pièces précédentes, la présence du spectateur est manifeste soit à travers un
rôle inclus dans la trame du travail dramatique comme dans Une soirée avec Abû
Khalîl al-Qabbânî, soit par l’adresse directe des comédiens comme dans L’Éléphant,
ô Seigneur du monde.
Chronique d’un jeu annoncé 437
(Les comédiens font circuler le mot « jeu » d’une manière anarchique et sur
des tons variés) (Le roi, 2004 : I, 482).
Pour déceler les références des déictiques personnels apparaissant
dans le discours des personnages, il faut prendre en considération les
données spatio-temporelles définies par le cadre énonciatif du départ ; il
s’agit d’acteurs qui se meuvent dans l’espace d’une scène de théâtre au
moment d’une représentation. Les référents des déictiques de personne
ne peuvent être identifiés que par rapport à cette situation de base :
‘Ubayd : Tout le monde est prêt !
Des voix : Oui
– Tout le monde est prêt
– Commençons (Le roi, 2004 : I, 482).
Le référent au « nous » dans le dernier énoncé peut être défini de la
manière suivante : Nous = Je (un acteur) + Vous (les autres acteurs) +
Vous (les spectateurs). Les données référentielles de la fiction ne sont
pas encore fixées, comme dans cet énoncé où l’acteur hésite encore
quant à sa fonction dans le jeu :
Le Sabreur : Laissez-moi demander avant de commencer. Suis-je le bour-
reau porteur d’épée ou de fouet ?
Zâhid : Et quelle est la différence ?
Le Sabreur : Je porte une hache et non pas un sabre.
‘Ubayd : Peu importe… Tu seras un sabreur qui porte une hache (Le roi,
2004 : I, 482).
La localisation du pronom personnel « je » fonctionne par rapport à
cette situation de base qui se trouve à l’extérieur de la fable. Le « je » se
rapporte à l’énonciateur qui joue le rôle d’un acteur. Cependant, cette
interrogation est feinte, puisqu’il s’agit d’un passage discursif dans un
jeu théâtral préconçu. L’acteur s’est dédoublé en énonciateur qui joue le
rôle d’un acteur qui jouera le rôle du sabreur. La situation des autres
acteurs est similaire : ce sont des acteurs, qui jouent le rôle d’acteurs,
qui jouent le rôle des personnages de la fable. Les comédiens ne livrent
pas des personnages achevés, mais des personnages (donc des référents)
en cours d’élaboration. La transformation des acteurs en personnages se
trouve dans la didascalie suivante : « La vitalité envahit tous les person-
nages et leur groupe se divise en deux » (Le roi, 2004 : I, 484).
5
Ici, le référent de l’espace fictif est linguistique. Il n’a pas encore une existence
matérielle intrascénique.
Chronique d’un jeu annoncé 439
public, il fait rentrer l’acteur dans son rôle devant le public. Voilà
‘Arqûb 1 (l’acteur) demandant à ‘Arqûb 2 (le personnage) de raconter
son rêve :
‘Arqûb : Et ‘Arqûb, à quoi rêve-t-il ?
‘Arqûb : (en indiquant Abû ‘Azza) Voici mon maître et je suis son servi-
teur […] (Le roi, 2004 : I, 487).
En prenant en considération les données essentielles de
l’organisation de cette scène, nous pouvons dire que Wannûs cherche à
créer un personnage doté de déterminations précises dont l’existence est
indépendante de la réalité de la représentation. Un personnage qui est
conscient de sa condition de personnage6, et qui s’adresse en tant que tel
aux spectateurs.
En conclusion, nous pouvons dire que, dans la pièce Al-malik huwa
al-malik, la construction de la fable se fait instantanément devant le
public. Le dédoublement énonciatif des acteurs en personnages
s’effectue pendant la scène d’exposition et engendre par là même un
dédoublement cognitif. C’est pourquoi quand apparaît dans le discours
du personnage un déictique de personne, il ne suffit pas de considérer la
didascalie pour savoir qui parle à qui, mais il faut prendre en compte en
premier lieu la disposition cognitive à adopter par rapport à la situation
des interlocuteurs (est-ce ‘Arqûb le serviteur ou s’agit-il de ‘Arqûb
l’acteur ?). Nous avons également constaté qu’à l’intérieur de cette
scène d’exposition, le public est considéré comme destinataire extra-
scénique mais intrafictionnel, dans la mesure où le discours des person-
nages lui est parfois explicitement adressé.
À travers l’étude de cette pièce de Wannûs sous l’angle de son jeu
énonciatif, nous avons essayé de démontrer que cet auteur dramatique
arabe a puisé à la fois dans les traditions arabes et européennes qu’il a
assimilées et transcendées pour constituer une œuvre littéraire d’une
grande originalité.
Bibliographie
Abirached, Robert, La Crise du personnage dans le théâtre moderne, Paris,
Seuil, 1978.
Barthes, Rolland, Écrits sur le théâtre, Paris, Seuil, 2002 (Points, Essais).
Brecht, Bertold, Écrits sur le théâtre, Paris, Gallimard, 2000 (Bibliothèque de la
Pléiade).
Craig, Edward Gordon, De l’art du théâtre, Paris, Circé, 1999.
6
La même démarche caractérise les Six personnages en quête d’auteur de Pirandello.
440 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Jean-François CLÉMENT
1
El-‘Alj, lui-même autodidacte, ne s’est jamais considéré comme créateur. Il disait
volontiers qu’il a toujours puisé son inspiration dans la tradition orale, et il se pensait
comme étant la voix singulière d’une tradition orale collective.
442 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
2
Tayeb Saddiki disait alors que cette place de Marrakech était à la fois le théâtre rêvé
et la scène idéale : « Ce n’est plus un spectacle que l’on subit, c’est un spectacle
libre. On peut choisir, ce n’est pas organisé, fixé de 9 à 12 heures. On fait ce que l’on
veut, on va ici ou là, et l’on participe. C’est ce que cherche l’avant-garde théâtrale, la
participation voulue, ou le Living Theater, la provocation délibérée, pour faire sortir
les gens de leurs sièges, de leurs gonds. » On trouvera des réflexions plus tardives de
Tayeb Saddiki sur la Place Jm’a el fna’ in Sijelmassi et Khatibi, 1996.
3
Ce terme signifie « le cercle », « le rond » avec ses sens dérivés, le cercle des
étudiants, le cercle des spectateurs, la bague du doigt, l’anneau, la ronde des
danseurs, le chaînon composant une chaîne, l’épisode d’un roman, la décennie dans
la suite des siècles, etc. L’idée centrale est donc celle d’une structure spatiale, qui est
aussi celle de la médina et des principales activités, pédagogiques ou distractives,
qu’on y trouve.
4
Les deux pratiques du conteur et de l’acteur ne se confondent pas, voir Haddad,
1982.
Tayeb Saddiki 443
sur des symboles, sur des personnages typifiés, dans des histoires
d’emblée formatées selon des modèles prévisibles, et ainsi imaginer des
situations autres, les anticiper ou se défouler. Le spectateur est à la fois
dans le récit et en dehors, car le conteur sait user d’une relative distan-
ciation tout en étant lui-même un personnage familier.
Il n’en est pas de même dans la représentation théâtrale. Le specta-
teur est mis en face de personnages différents de lui-même, même s’il a
besoin, pour entrer dans le récit dramatique, de percevoir des signes
créant le sentiment de familiarité. Il éprouve ainsi de nouvelles émo-
tions. Il vit, comme dans le roman, des vies potentielles, en voyant,
toujours à distance, se mouvoir sur une scène des personnages
complexes. La représentation théâtrale est ce qui permet donc de
contourner, sans trop de culpabilité, d’une part la censure extérieure, et
d’autre part les sentiments de pudeur ou de honte si importants jadis
dans la société marocaine, où les complexes œdipiens ne fonctionnent
pas. Dans une société perturbée par une présence étrangère importante
durant toute la première moitié du XXe siècle, il est nécessaire de créer
de nouveaux miroirs permettant de s’approprier ce qui vient de se
passer, ou de nouvelles fenêtres sur des évolutions possibles. La repré-
sentation théâtrale devient alors, au moins pour certains Marocains, une
nécessité.
Faute d’instances de médiation culturelle, les changements imposés
seront maintenus après l’Indépendance, et les évolutions qui pourraient
surgir, non maîtrisées, peuvent se révéler ambiguës, identification
parfois apparente à ce qui est proposé par les autres, et dérives incontrô-
lées vers des formes totalement nouvelles de volonté de puissance.
Saddiki ne pense nullement le théâtre comme on le faisait en Perse avec
la ta‘ziye. Cela ne peut être un moyen de construire une identité collec-
tive et de la mettre rituellement en scène dans un champ qui passe des
émotions au politique. Il s’agit ici d’abord de se penser soi-même de
façon critique. Mais avouer clairement, dans la mise en scène elle-même
ou dans des écrits théoriques, la fonction de cette innovation qu’est la
représentation théâtrale serait, dans la société marocaine du XXe siècle,
très difficile. On peut, certes, théoriser le théâtre marocain, mais sous
forme d’aphorismes seulement. Construire une pensée trop claire aurait
nécessairement des effets pervers.
Pour cette raison, les personnages des pièces écrites par Saddiki sont
aussi de tels « hommes communautaires » et non des individus. Ils sont
à mi-chemin des types présents dans les contes et des personnalités
complexes du théâtre occidental au moins depuis le romantisme. Ils
apparaissent sans aucune référence à des dichotomies toutes faites et
idéologisées. Mais sans être des individus trop particularisés qui seraient
nécessairement rejetés. C’est ainsi que les personnages sont tous por-
teurs d’une ambiguïté essentielle. Et c’est cela leur clarté particulière,
obscure clarté qui tomberait des cintres s’ils existaient. Car le théâtre de
Saddiki, surtout après 1980, cherchera à ne pas se confondre avec les
séries télévisées présentant des univers simplistes et manichéens, sup-
port d’émotions collectives que les pouvoirs cherchent à contrôler ou à
utiliser, afin de limiter les évolutions faisant passer l’homme groupal à
l’être individualisé. Le personnage, chez Saddiki, est déjà un individu
qui se pose des questions, en décalage partiel avec les spectateurs, ce qui
permet l’apparition de controverses entre le public et les acteurs, mais
aussi entre les spectateurs eux-mêmes. Et le metteur en scène se vit
comme catalyseur d’une parole toujours contrôlée, tout en étant momen-
tanément libérée dans cet espace interstitiel de liberté qu’est la salle de
théâtre.
Cette pesanteur du milieu culturel marocain, et la forme à la fois
d’adaptation et de résistance qui caractérise le travail de l’acteur, de
l’auteur et du metteur en scène, font que Saddiki est particulièrement
emblématique peut-être tout autant du théâtre que de la société maro-
caine. Par des expériences sans cesse renouvelées dans les régions les
plus diverses du pays, il comprend les difficultés que crée l’institution
théâtrale dans une société qui n’en avait pas besoin antérieurement, et il
construit, d’abord empiriquement, des réponses avant de les penser plus
théoriquement.
Et il le fait avec une conscience aiguë de la relativité des réponses
possibles. On doit souvent les inventer en fonction du lieu disponible,
ensuite en fonction des réactions, souvent inattendues, du public. Ce qui
est l’expérience courante pour le metteur en scène marocain, c’est qu’il
aura à faire jouer sa troupe, un soir, dans une petite salle avec très peu
de moyens techniques, et le lendemain dans une très grande salle bien
équipée. Il arrive même qu’il n’y ait pas de salle du tout. Cette expé-
rience introduit la relativité puisque les hommes de théâtre expérimen-
tent des espaces, des temps, ou des relations, sans cesse différents. Plus
que les spectateurs, qui ne peuvent pas facilement en prendre cons-
cience, le metteur en scène et les acteurs voient très vite que ce n’est
jamais la même pièce qu’ils jouent, car ils ne sont jamais dans la même
« pièce ». Sans cesse, les dispositifs, formés de lieux et de présupposés
446 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
sur ce que devrait être le théâtre, mais aussi les métadispositifs, sont
modifiés.
Il n’y a pas de cadres normatifs, s’incarnant dans des rites ou des ar-
chitectures, admis par tous a priori. Rien ne va de soi et, de la sorte, le
culturel ne peut pas passer pour naturel. Il n’y a donc pas à s’affranchir
de ces dispositifs comme en Occident, puisqu’on est à un moment où, en
tâtonnant, on ne peut que faire des propositions. En cela aussi, la mise
en scène de Saddiki est très emblématique d’une période où ce qui peut
paraître comme étant un emprunt, le théâtre, se développe au Maroc.
Mais cet homme est aussi emblématique de son temps en refusant de
rédiger lui-même un quelconque manifeste. À la différence d’autres
hommes de théâtre marocains, il refuse de produire, dans la phase
historique qui est la sienne, de la théorie pouvant limiter la liberté des
professionnels ou le développement du théâtre dans son pays. Selon lui,
à la différence de ce que propose le théoricien marocain du théâtre
Berrechid, la représentation théâtrale ne doit pas nécessairement
s’incarner en une cérémonie. Ceci peut, certes, être le cas s’il s’agit de
théâtres sacrés ou du théâtre occidental moderne où le silence s’impose
dans les salles avec un contrôle absolu des corps. Mais cela n’existe pas
au Maroc où de telles contraintes sont absentes.
Le public marocain ne se met pas dans une attitude religieuse de res-
pect de la parole de l’autre. Spontanément, le spectateur marocain refuse
donc ce rôle de spectateur passif. Il participe au spectacle et manifeste
ses émotions5. Il faut dire, à sa décharge, qu’il dispose très rarement des
métadispositifs qui permettent ce recueillement. Il n’y a pas de fauteuils
confortables ni une atmosphère qui contribue à l’assoupissement. Le
spectateur peut ainsi rester plusieurs heures debout ou sur des bancs fort
rudes, très souvent en plein air. Les bruits parasites, dans de tels envi-
ronnements, ne manquent pas. Il est donc impossible d’imposer la
sacralisation du lieu de la représentation.
5
M. Jean-Luc Jeener, metteur en scène de la Compagnie de l’Élan, interrogé par un
journaliste de Maroc-Soir le jeudi 24 novembre 1988 après une tournée de sept jours
au Maroc (du 6 au 14 novembre), percevait le public marocain comme enthousiaste,
n’hésitant pas « à bouger, à interpeller, à ponctuer les répliques qu’il savoure le plus
d’applaudissements. Cela a, au début, failli désarçonner quelques comédiens ».
Comparant les spectateurs marocains aux Hollandais, aux Allemands, aux Espagnols
et aux Portugais, il a ajouté qu’au Maroc, « on applaudit le comédien dès son entrée
en scène ». Cela signifie que le comédien est applaudi non parce qu’il est (bon)
comédien et qu’il peut jouer plus ou moins bien un rôle. Il est applaudi parce qu’il est
vu par tous, qu’il est en position de devenir célèbre et là se trouve, sans doute, le
fantasme le plus secret de ceux qui voient. Ceux-ci aimeraient être vus en renversant
la pulsion scopique. De fait, les théâtres à l’italienne, en maintenant autrefois le grand
lustre aux chandelles allumé au moins le temps d’un acte, réalisait ce désir renversé.
Tayeb Saddiki 447
devrait être, dans l’esprit des spectateurs, l’espace théâtral par opposi-
tion à l’espace réel. Il ne s’agit pas d’un espace ordinaire, celui qui
existe sur un plan horizontal et qui définit le cadre de la quotidienneté.
Le metteur en scène doit donner l’impression que l’espace théâtral
dépasse celui de la scène où se fait la représentation (ce qui est le sens
étymologique du terme masrah utilisé pour parler du théâtre en arabe).
On se trouve ici à nouveau comme dans le théâtre baroque européen, à
cette différence que l’ouverture vers les cintres signifiait, en Europe,
l’espoir d’une relation retrouvée avec une transcendance qui s’éloignait
ou se cachait. Dans le cas présent, la transcendance n’a pas disparu,
Saddiki est le fils d’un fqih, d’un responsable de mosquée d’Essaouira,
et l’homme de théâtre fait toujours des sermons, mais d’une autre ma-
nière, avec d’autres finalités.
On voit aussi que, s’enfonçant vers le sol, cet espace théâtral rêvé
s’ouvre vers la terre-mère. L’espace de la représentation, pour le spec-
tateur marocain, devrait être ainsi, dans l’imaginaire du metteur en
scène, un entre-deux vertical. Quel sens peut avoir le souhait de cette
double ouverture ? L’acteur n’a plus tout à fait le statut d’être humain
analogue aux spectateurs. Il est relié, au moins dans l’imaginaire du
metteur en scène, à l’ange ou au djinn, afin d’apporter une parole qui ne
vient pas du monde des humains. En d’autres termes, le texte théâtral,
ainsi compris, n’est pas un texte littéraire ordinaire. Il se présente
comme l’analogue de paroles révélées, mais, en même temps, il tolère,
voire suscite, le commentaire des « spec-acteurs », éventuellement leur
contestation. Il se dit ainsi, dans le texte théâtral, quelque chose sur
l’indicible qu’on ne peut exprimer dans l’espace religieux. On voit aussi
le champ culturel s’approprier une des fonctions perdues par les profes-
sionnels du champ religieux. L’homme de théâtre, comme d’ailleurs
l’islamiste avec sa théâtralisation et la mise en scène de sa vie, met en
scène des valeurs que le ‘âlim n’énonce plus.
Si l’espace de la représentation n’est plus conçu comme seulement
horizontal, il n’est pas conçu non plus comme opposant spatialement des
spectateurs et des acteurs dans une partition bifonctionnelle de l’espace.
Autrefois, dans l’espace du Palais Badi’ de Marrakech, Saddiki avait
proposé des actions dans tous les lieux du Palais, mais aussi le long du
chemin qui menait au Palais. Plus récemment, il fit monter, dans les Sept
Grains de beauté, des spectateurs sur scène, cinq hommes et trois
femmes, placés en face du conteur, et ces spectateurs devenaient à leur
tour, durant les intermèdes des récits, des acteurs, puisqu’ils étaient
incités à chanter. Toutefois, cette imbrication apparente des espaces ne
supprime pas, de fait, l’opposition de l’acteur et du spectateur.
Mais on observe aussi deux autres désirs essentiels chez le metteur
en scène, celui de métamorphoser les outils de la communication. Il se
450 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
Lily PERLEMUTER
1
Nous adressons tous nos remerciements à Madame Nurit Yaari, professeur au
département d’études théâtrales de l’université de Tel-Aviv. Son aide précieuse nous
a permis de mener à bien cette étude sur le théâtre israélien.
456 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
plus, selon toute vraisemblance, elles ne furent pas écrites pour être
représentées, mais uniquement pour être lues.
La seule tradition théâtrale juive est celle du Pourim-spiel (en yid-
dish, « jeux de Pourim »). Il s’agit de sketches satiriques en yiddish (et
non en hébreu), joués par les élèves de yeshiva (école talmudique)
pendant la fête de Pourim2. Ce jour, lors duquel enfants et adultes se
déguisent, est marqué par une atmosphère joyeuse de carnaval, et se
révèle propice à des jeux costumés [figure 105].
Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que s’établit un théâtre yiddish
en Europe de l’Est. Le théâtre hébraïque moderne, lui, naît au début du
e
XX siècle. Afin de mettre en relief le chemin parcouru depuis les débuts
du théâtre en hébreu et avant d’aborder son histoire, il nous paraît
intéressant de présenter la situation du théâtre en Israël aujourd’hui.
Neuf théâtres présentent des pièces d’auteurs dramatiques israéliens ou
étrangers : le théâtre national Habima, le théâtre Caméri de Tel-Aviv, le
théâtre Beit Liessin, les théâtres municipaux de Haïfa et de Beer-Sheva
et celui du Khan à Jérusalem, le théâtre pour les enfants et les jeunes, le
théâtre Gesher (en hébreu, « pont ») et le théâtre Yiddish-spiel (théâtre
en yiddish). Il existe également quatre théâtres expérimentaux et de
nombreux groupes de théâtre dont le plus important est l’Ensemble Itim.
Une étude comparative sur le nombre de spectateurs de théâtre dans les
pays occidentaux a montré qu’entre 1970 et 1990, le théâtre israélien
était le premier du monde pour la fréquentation de ses salles (par rapport
à l’ensemble de la population).
2
Fête mineure célébrée au mois d’Adar du calendrier hébraïque (mois de mars), pour
commémorer le salut des Juifs de l’Empire perse. Les événements relatifs à cette fête
sont relatés dans le livre biblique d’Esther.
3
Le Dibbouk est une pièce écrite en yiddish par Anski en 1914 et traduite en hébreu
par le poète H.N. Bialik (1873-1934).
Le théâtre israélien 457
soutient le théâtre juif bien qu’il parle une langue étrangère presque
oubliée. Le Dibbouk obtient un grand succès et sera bientôt suivi de la
mise en scène du Golem4 et du Juif éternel5. C’est avec ce théâtre
qu’apparaissent les personnes qui auront ensuite une grande influence
sur la vie théâtrale en Israël [figures 106 et 107]6.
Le théâtre Habima s’installe en Palestine de façon tout à fait fortuite
et sans aucune relation avec les aspirations sionistes de ses membres. À
la suite d’une tournée aux États-Unis, une discussion idéologique surgit
dans le groupe. La moitié des membres, parmi lesquels son fondateur
Nahum Tzemah, veulent rester aux États-Unis, tandis que l’autre aspire
à retourner en URSS. La scission a lieu, mais ceux qui veulent retourner
à Moscou ne peuvent le faire, sachant qu’ils vont au-devant de graves
problèmes si la moitié de la troupe ne rentre pas. Ils décident donc
d’aller en Palestine pour éviter qu’il y ait deux théâtres en hébreu à New
York. Le théâtre arrive en Palestine en 1928. En 1935, la première pierre
du théâtre Habima est posée. Il s’appelle encore à l’époque le théâtre
moscovite Habima. Il apporte avec lui les trois pièces de théâtre de son
répertoire, et le public en Palestine est ému et enthousiaste devant un
théâtre aussi accompli et à la langue d’une telle richesse. Il devient le
porte-drapeau de la renaissance de la langue et de la culture hébraïques
en Palestine.
Les membres de la troupe montent d’abord la pièce Le Trésor de
Sholem Aleikhem7, puis élargissent le répertoire avec La Flamme sacrée
(1928) de Somerset Maugham. Dans cette pièce, Robina joue le rôle
d’une prostituée, ce qui choque les spectateurs qui ne peuvent admettre
que celle qui a joué la fiancée dans Le Dibbouk et la mère du messie juif
dans Le Juif éternel puisse jouer le rôle d’une fille de joie. Par la suite,
Robina ne joue plus que des femmes héroïques et souvent des person-
nages bibliques. Ce fait illustre bien la mission culturelle qu’incarne le
théâtre Habima8.
Il faut néanmoins savoir que la Palestine n’est pas un désert théâtral
lorsque la troupe Habima y arrive. La vie théâtrale, qui date des pre-
miers pionniers, est assez animée. À partir de 1889, les pièces sont
jouées surtout par les élèves dans les écoles. Des troupes d’amateurs
4
La pièce de théâtre est de Layvik Halpern (1888-1963).
5
Pièce de l’auteur yiddish David Pinski.
6
On consultera le cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
7
Pseudonyme de l’auteur yiddish Shalom Rabinovitch (1859-1916).
8
La place primordiale qu’occupe cette actrice peut être illustrée par une anecdote.
Lorsque, dans les années 1960, on fête le cinquantenaire de Habima, la plaisanterie
suivante est rapportée sur Robina. Une momie ressuscite et demande : « Cléopatre
vit-elle encore ? Et Robina joue-t-elle toujours la jeune fiancée du Dibbouk ? »
458 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Aloni part à Paris pour dix ans après avoir monté cette pièce. Il re-
vient avec une nouvelle pièce, Les Habits du roi. La première représen-
tation dure cinq heures. La pièce est raccourcie pendant la nuit, et la
deuxième représentation ne dure que deux heures trente, mais les nom-
breuses coupures rendent la pièce incompréhensible. Aloni monte
ensuite deux pièces au théâtre Caméri, puis crée le théâtre Ha’onot et
monte La Princesse américaine en 1963. On pense que ce nouveau
théâtre aura un grand succès, mais les problèmes financiers l’obligent à
fermer ses portes.
Contrairement à beaucoup d’autres auteurs, Aloni, dès le début des
années 1960, représente la société israélienne comme un patchwork
d’identités, et pas comme un groupe homogène, fait d’un bloc. Bien que
né en Israël, il se sent plus proche de ses amis « nouveaux immigrants »,
comme dans La Mariée et le Chasseur de papillons (1967), Tante Lisa
(1969) ou La Princesse américaine par exemple, que des Israéliens de
souche. À l’époque où le discours hégémonique met sur un piédestal
l’idée du peuple qui revient des confins de la terre au pays de ses an-
cêtres, les personnages d’Aloni dévoilent, au contraire, les difficultés
qu’engendrent la transplantation et le déplacement d’un lieu à un autre.
Le passage d’un paysage à un autre, d’une culture à une autre
s’accompagne souvent de douleur et de souffrances.
L’œuvre d’Aloni exprime les sentiments des immigrants eux-mêmes
mais aussi ceux de leurs enfants, devenus errants, dépourvus de racines
mais attachés au monde de leurs parents qu’eux-mêmes n’ont pas connu.
Sur ce plan aussi, Aloni peut être considéré comme un précurseur. Il
raconte sa propre histoire de nomade. Ceux qui le suivront au théâtre
comme en littérature raconteront leurs histoires, celles des immigrants
venus des pays arabes, de Russie et d’ailleurs. Chez Aloni, le monde de
l’immigrant devient « mythologique » et lui permet de créer un monde
artistique original.
En 1962, Yossef Milo crée le théâtre municipal de Haïfa. Il s’agit
d’un événement important. En effet, il donne le coup d’envoi à la créa-
tion et à l’établissement de théâtres municipaux. Ces théâtres suscitent
de nouveaux publics – des publics d’abonnés – et éveillent l’amour du
théâtre chez de nouveaux spectateurs.
qui jouent des œuvres de grande valeur littéraire, qui encouragent les
nouveaux dramaturges et qui continuent la voie tracée par la meilleure
tradition théâtrale.
10
Le travail rend libre en Europe, pays de mort. L’inscription Arbeit macht frei figurait
à l’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz.
Le théâtre israélien 467
1
Une première mouture de ce texte est parue sous le titre « La Révélation et le théâtre,
de la page talmudique à la scène » dans Lipsyc, 2003 : 4-14.
2
Le Talmud est la transcription du IIe au VIe siècle de notre ère d’une littérature qui
s’est transmise de génération en génération depuis la haute Antiquité. Il existe deux
Talmuds, celui de Jérusalem et celui de Babylone auquel nous nous référerons le plus
souvent dans sa version classique en hébreu et araméen.
470 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
7
Alors que d’autres formes d’art y sont présentes. Pour la danse, voir, en particulier,
mon article « Chantez et dansez, filles de Jérusalem » dans les Nouveaux Cahiers,
1981 : 17-24.
8
Le midrash est une interprétation allégorique de la Bible qui appartient à la littérature
rabbinique. Nous mettrons un M majuscule lorsqu’il fait partie intégrante du titre
d’un ouvrage.
9
Le Midrash Genèse Rabba date du Ve et VIe siècle et interprète ici un verset
concernant Joseph au temps biblique.
10
Talmud de Babylone : désormais abrégé en T.B.
Talmud et théâtre 473
11
Pour une histoire du théâtre juif de l’antiquité à 1948, je me permets de renvoyer à
mon texte « Métaphysique du théâtre juif » (Lipsyc, 2002 : 175-232).
474 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
A. Théâtre et idolâtrie
Le Talmud enseigne, à travers l’opinion de Rabbi Méïr, qu’« on ne
doit pas aller aux théâtres et aux cirques, car des sacrifices y sont donnés
en l’honneur des idoles » (Avodah Zarah 18b du T.B.).
À l’occasion des fêtes de Dionysos, plusieurs fois par an, des
concours théâtraux étaient organisés. Avant que les festivités ne
commencent, il fallait que les Grecs s’assurent de la présence de leur
dieu. Ils ramenaient ainsi, à la lueur des torches, la statue de Dionysos
dans le temple, à l’intérieur de l’enceinte du théâtre :
La cérémonie commençait dès le matin par une grande procession accompa-
gnée de danses et de chants satyriques […] D’énormes phallus étaient portés
en procession pour symboliser les dons fertilisants du dieu, tandis qu’un tau-
reau et d’autres animaux étaient préparés pour le sacrifice qui avait lieu
lorsque la longue colonne atteignait l’enceinte du théâtre […] (Baldry,
1975).
Et avant que le concours dramatique ne débute, « un cochon de lait
était sacrifié pour purifier le théâtre et l’on versait des libations » (idem).
Même si par la suite, ce genre de cérémonie s’estompa, un feu brûlait en
permanence sur scène dans l’autel dédié à Dionysos, et certaines mani-
festations pouvaient rappeler l’emprise du dieu du vin et de la fertilité
sur l’art de la scène.
Il est évident que la persistante origine païenne du théâtre heurtait les
dépositaires monothéistes de l’Alliance du Sinaï et les mettait en contra-
diction avec nombre de commandements de la Thora. Maïmonide
(1135-1204), l’un des codificateurs de la loi juive, précise : « Celui qui
déclare accepter comme divinité tout ce qui n’est pas l’Éternel […] ou
qui la servirait par l’un des quatre actes de dévotion connus, qui sont le
sacrifice, l’encensement, la libation et la prosternation, est coupable
d’idolâtrie ; l’aspersion du sang est sous ce rapport identique à la liba-
tion de vin » (1990 : 240-241). En se rendant au théâtre, les membres du
peuple d’Israël risquaient indubitablement d’assister ou de participer, de
près ou de loin, à l’un de ces actes de dévotion.
B. Théâtre et mythologie
De surcroît, les pièces qui étaient représentées s’appuyaient sur des
mythes païens, loin de la conception spirituelle de la tradition d’Israël.
Se déployait sur scène toute une mythologie soutenue par un contexte
historique et culturel qui ne constituait pas la référence du peuple
d’Israël, doté d’une culture propre. Et même s’il était possible d’établir
quelques points communs entre la mythologie grecque et certains pas-
Talmud et théâtre 475
12
Comparer Iphigénie à Aulis d’Euripide et le livre des Juges 11, 30-40.
13
La Tossaphta est une compilation de la littérature des docteurs de la Loi datant du
début de l’époque talmudique (IIe siècle).
476 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
14
Voir en particulier Lévitique 19, 16, et la nombreuse littérature rabbinique à ce sujet.
15
Le terme de letsim (« moqueurs » ou « bouffons ») vient du mot « sentence »,
« anecdote » ou « rhétorique » (melitsa), car celui qui se moque d’autrui use des
subtilités de la parole afin de pénétrer dans le cœur de son interlocuteur. Précision de
Metsoudat Tsion (commentateur du XVIe siècle) sur Psaumes 1, 1 dans les éditions
courantes en hébreu des Mikrot Guedolot.
Talmud et théâtre 477
apparition dans le théâtre qu’à la fin du Moyen Âge, leurs rôles étaient
auparavant systématiquement tenus par des hommes ou des jeunes gens.
Le Talmud ne revient même pas sur ce verset, tant l’ambiguïté sexuelle
était d’emblée refusée.
16
Voir en particulier, les précisions de Moïse Margoulit dans ce même passage du traité
Sanhédrin dans le Talmud de Jérusalem.
Talmud et théâtre 479
17
« Car si tu persistes à garder le silence à l’heure où nous sommes, la délivrance et le
salut surgiront pour les Juifs d’un autre endroit » (Esther 4 ; 14). Ce terme d’endroit
(makom) serait, selon la tradition juive, la seule allusion à l’un des noms de Dieu.
482 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
Anski, Shalom, Le Dibbouk, légende dramatique en trois actes, adaptée d’après
la version hébraïque de Haïm Nahman Bialik et d’après l’original yiddish par
Nina Gourfinkel et Arié Mambush, Paris, L’Arche, 1957 (Répertoire pour un
théâtre populaire).
Aristote, La Poétique, Paris, Gallimard, 1990 (Tel).
Askénazi, Léon, « Y a-t-il une philosophie juive ? », Haboné, 1980.
Aslan, Odette, « Entre deux mondes ou le Dibbouk », in Voies de la création
théâtrale, tome VII, Paris, CNRS, 1981.
Avisar, Samuel, Theatro Ebraïco. Nuova Accademia, Milan, Nuova Accademia
Editrice, 1957.
Baldry, Harold C., Le Théâtre Tragique des Grecs, Paris, Maspéro, 1975
(La Découverte).
Banon, David, La Lecture infinie, Paris, Seuil, 1987.
Baumgarten, Jean, « Le Pourim-Spiel et la tradition carnavalesque juive », in
Introduction à la littérature yiddish ancienne, Paris, Cerf, 1993, p. 443-473.
Duvignaud, Jean, Sociologie du spectacle, Paris, Presses universitaires de
France, 1965.
Ertel, Rachel, « Le théâtre yiddish », in « Yiddish » (langue, littérature et
théâtre), Encyclopédie Universalis, tome XXIII, Paris, 1996, p. 927-930.
Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, traduction sous la direction de Theodor
Reinach, Paris, Librairie Ernest Leroux, 1932.
Gourfinkel, Nina, « Le théâtre du geste », Aspects du Génie d’Israël, Paris, Les
Cahiers du Sud, 1950.
Kafka, Franz, Journal, Paris, Grasset, 1954.
Kafka, Franz, Préparatifs de noce à la campagne, Paris, Gallimard, 1985
(L’Imaginaire).
Kohanski, Mendel, Hebrew Theatre in Israël. Its First Fifty Year, Jérusalem,
University Press, 1969.
La Bible hébraïque, traduite en français sous la direction du Grand Rabbin
Zadoc Kahn, nouvelle édition avec traduction revisitée, Tel-Aviv, Édition du
Sinaï, 1994.
« Le Théâtre juif dans le monde », numéro spécial de la Nouvelle Revue juive,
1931.
Lévinas, Emmanuel, L’Au-delà du verset. Lectures et discours talmudiques,
Paris, Minuit, 1982.
Lipsyc, Sonia Sarah, « L’Exagoge d’Ézéchiel d’Alexandrie ou le théâtre comme
lieu d’initiation et d’interprétation de l’Alliance », in Chouraqui, Jean-Marc,
Dorival, Gilles et Zytnicki, Colette (dir.), Enjeux d’histoire, jeux de mémoire.
Les usages du passé juif, Paris, Maisonneuve & Larose/Maison
Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 2006, p. 211-222.
486 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Alexandre MESSER
1
Puisque nous sommes dans le monde yiddish, j’utiliserai, chaque fois que cela
correspond à un usage, l’écriture phonétique yiddish des prénoms, tout en indiquant
entre parenthèses l’orthographe française du même prénom à la première occurrence.
2
À de rares exceptions près, la population juive, quelle que soit sa langue vernaculaire,
n’a jamais connu de vie théâtrale au sens propre du terme avant Goldfaden. Il y avait
des œuvres dramatiques écrites en hébreu ou en yiddish, (notamment dans la
littérature de la Haskala) mais ces œuvres n’étaient pas destinées à être jouées, car
d’une part il n’y avait pas de troupe pour les jouer, et d’autre part telle n’était pas
l’intention des auteurs : il s’agissait d’œuvres destinées à être lues (des Liesedramas).
L’explication des raisons de l’absence de vie théâtrale chez les Juifs dépasse le cadre
du présent article. C’est seulement après la création du théâtre yiddish que le théâtre
juif dans d’autres langues (surtout en hébreu) a vu le jour.
488 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
3
Mot hébreu désignant le mouvement juif des Lumières, dont l’initiateur fut Moïse
Mendelsohn, un intellectuel juif allemand, ayant vécu au cours du XVIIIe siècle.
4
Mot hébreu prononcé de façon ashkénaze. Au sens littéral, « marieurs » ; au sens
métaphorique, « intermédiaires ».
5
Chernovtsy ou Tchernovtsy, actuellement en Ukraine.
6
Yitskhok Libresco était tout d’abord un agent non rémunéré de la revue de Goldfaden
à Yass. Après la création du théâtre durant la période roumaine, il fut le secrétaire
personnel de Goldfaden pendant plusieurs années. Ses mémoires ont été recueillis en
1926 par Zalman Zylberzweig qui les a publiées dans Hintern Forhang.
Goldfaden et Gordin 489
A. Éléments de biographie
Avrom Goldfaden (de son vrai nom Goldenfodim ; il changea de
nom quand il commença à publier ses œuvres [figure 115])9 naquit en
1840, à Stary Konstantynow, en Volhynie, province de l’empire russe 10,
dans la famille d’un horloger. Il reçut une bonne éducation, à la fois
religieuse et profane : d’abord au héder11, tout en prenant des cours
particuliers d’allemand, de russe et en étudiant la Bible en traduction
7
Hébreu. Pluriel de maskil, « partisan de la Haskala ». Les maskilim préconisaient le
retour à l’hébreu comme langue vernaculaire, ou une assimilation dans la culture
environnante, chaque fois que cela était possible.
8
Le yiddish ne connaît pas de majuscules. Cependant, pour me conformer aux usages
du français, je mettrai des majuscules aux noms propres et aux premiers mots des
ouvrages cités.
9
On consultera le cahier d’illustrations central inséré dans ce volume.
10
Aujourd’hui en Ukraine.
11
École primaire traditionnelle, où les enfants, à partir de l’âge de trois ans, apprenaient
à lire la Bible en hébreu.
490 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
12
En 1840, l’administration russe crée les « écoles juives de la Couronne », premières
écoles publiques profanes pour les enfants juifs. Leurs élèves échappaient à la
conscription dans le cadre des « cantonistes », un système mis en place par le tzar
Nicolas 1er en 1843, qui perdura jusqu’en 1854, et qui consistait à incorporer de force
des adolescents juifs dans l’armée russe pour y effectuer un service de 25 ans et y
être baptisés.
13
En 1848, l’administration tzariste créa deux écoles rabbiniques, l’une à Vilna (en
Lituanie) et l’autre à Jitomir (en Ukraine), avec pour objectif de former des « rabbins
de la Couronne » et des enseignants pour les « Écoles de la Couronne ». Les élèves y
recevaient une éducation à la fois religieuse et profane, puis une ordination
rabbinique. Peu des diplômés de ces écoles devinrent réellement rabbins, ce qui
conduisit le pouvoir à les fermer en 1873. Elles furent considérées par les élèves
comme un marchepied vers une éducation supérieure et devinrent (surtout celle de
Jitomir) de véritables « nids de la Haskala profane ».
14
Brody, ville dans la province de Lwow (Lviv) de l’ancienne Galicie orientale (sous
l’Empire austro-hongrois), actuellement dans l’Ukraine occidentale. Les « chanteurs
de Brody » sont un phénomène qui s’est développé au XIXe siècle, dans les traces de
la Haskala. C’étaient des chanteurs, des bardes, des chansonniers, qui présentaient,
dans les auberges et les caves à vin, des numéros de chant et des sketches satiriques.
Certains d’entre eux furent les premiers acteurs du théâtre que fonda Goldfaden.
15
Salomon (Shlomo) Ettinger (1802-1856), médecin, écrivain et poète de la Haskala.
16
« L’Intermédiaire » (1860-1886), périodique en hébreu.
17
« Voix annonciatrice », périodique en langue yiddish créé en 1862 en supplément du
Hamelitz, puis devenu indépendant.
Goldfaden et Gordin 491
18
Littéralement, « le pays du yiddish ». Vers la fin du XIXe siècle, ce « territoire »
comprend la zone de résidence en Russie (y compris la Pologne), la Galicie sous
occupation austro-hongroise, la Roumanie devenue récemment indépendante, et une
partie de l’ancienne Pologne sous occupation allemande.
19
Nom allemand et yiddish de la principale ville de la Galicie orientale, Lwów en
polonais et Lviv en ukrainien. À l’époque, la région faisait partie de l’Empire austro-
hongrois.
20
Yitskhok Yoël Linetzki (ou Linetzky, 1839-1915), éminent membre de la Haskala
russe, un des précurseurs de la littérature yiddish. Célèbre par son roman Dos
poylishe yingl (« Un garçon polonais »), contenant une virulente critique du
hassidisme.
492 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
21
Nom autrichien de la principale ville de la Bucovine (Cernauti en roumain,
Tchernovtsy en russe, Chernivtsy en ukrainien), se trouve actuellement en Ukraine, la
Bucovine étant partagée entre l’Ukraine, la Roumanie et la Moldavie. Cette ville est
célèbre dans l’histoire juive par la conférence linguistique de 1908.
22
Sorte de débit de vin avec jardin, où il y avait une estrade sur laquelle se produisaient
les chanteurs populaires (broderzingers).
23
Hébreu, « le conseiller ».
Goldfaden et Gordin 493
m’a dit : « Savez-vous, Libresco, votre femme m’a donné une idée, nous
allons ramasser des “napoléons” à la pelle. » (Zylberzweig, 1928 : 30-31).
Goldfaden ne mentionne pas cette anecdote dans ses écrits. Quoi
qu’il en soit, en cet automne 1876, nous assistons à la naissance de la
première troupe théâtrale de Goldfaden, composée de deux comédiens :
le chanteur Israel Grodner et un garçon-apprenti Sokher Goldstein, qui
jouera les rôles féminins. Il y avait aussi un musicien klezmer. Voici
comment Goldfaden décrit la « fabrication24 » de sa première pièce pour
cette « troupe » :
J’ai fait asseoir Grodner et Goldstein près de moi. Je leur ai écrit quelques
chansons sérieuses et quelques-unes comiques, qu’ils ont apprises immé-
diatement. Je leur ai dit ce qu’ils devaient faire et ce qu’ils devaient dire.
S’ils ne se rappellent pas exactement, ils peuvent dire ce qui leur vient à
l’esprit (il n’était pas encore question d’écrire des « rôles »). Ils doivent
seulement savoir quand ils doivent s’embrasser, quand se quereller, et quand
danser (Goldfaden bukh, 1926 : 60).
La « pièce » sera jouée deux fois avec un grand succès dans le jardin
de Shimen Mark, entre le 5 et le 8 octobre 1876. Une deuxième
« pièce » semblable, imaginée par Goldfaden, ne pourra voir le jour : la
météo automnale ne permettra pas de donner d’autres représentations et,
n’ayant pas trouvé de salle à Yass, la « troupe » s’en ira chercher, dans
d’autres villes de la Roumanie, un lieu où se produire. Les deux spec-
tacles à Yass marquent la naissance du théâtre yiddish.
Pour que « la plante fragile » puisse survivre, Goldfaden doit faire
face à trois défis : trouver un public, former des acteurs, et créer un
répertoire. Le public potentiel existe : ce sont les clients des jardins et
des caves à vin, des auberges et des restaurants, qui viennent se divertir
en assistant aux spectacles des broderzingers ou autres amuseurs pu-
blics. Encore faut-il les attirer dans une salle de spectacle et leur faire
payer leurs places ! Pour les acteurs, il puisera dans le vivier des
choristes de synagogues, des broderzingers, des badkhonim25 et des
pourimshpielers26. Ce ne sont pas des acteurs à proprement parler, ils ne
sont pas formés pour ce métier, mais Goldfaden saura identifier parmi
eux de véritables talents et adapter ses pièces à leurs possibilités. Quant
au répertoire, il le créera au fur et à mesure que la troupe se formera.
24
Le terme « fabrication » est de Goldfaden.
25
Hébreu, pluriel de badkhn, « amuseur » lors des mariages juifs.
26
Littéralement, « les acteurs de Pourim ». Il était d’usage, lors de la fête de Pourim
célébrant les événements du Livre d’Esther, de donner des spectacles que l’on
nommait pourimshpiels.
494 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
27
Sans l’autorisation de l’auteur. La protection de la propriété intellectuelle n’existait
pas encore.
Goldfaden et Gordin 495
28
Il y a une proximité linguistique entre le yiddish et l’allemand. En plus, dans le
théâtre yiddish de l’époque, on utilisait beaucoup de « daytschmerismes »
(expressions allemandes), qui rendaient le langage « plus raffiné » selon le goût de
l’époque.
29
Les dates sont celles de la bibliographie de Goldfaden dans Goldfaden Bukh.
496 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
laisse derrière lui une œuvre importante, dont il n’est pas aisé de cerner
les dimensions exactes.
A. Un homme complexe
Yankev (Jacob) Gordin [figure 116] est né le 1er mai 1853 à
Mirograd, en Ukraine. Son père, marchand, était, comme le disent les
biographes30 de Gordin, « moitié maskil, moitié hassid », une combinai-
son pour le moins étrange31. Yankev, son fils unique, a reçu une éduca-
tion à domicile : il apprend la tradition juive, basée surtout sur la Bible,
et les matières profanes, notamment le russe, l’allemand et l’hébreu32.
Puisant dans la riche bibliothèque de son père, l’enfant s’initie très tôt à
la littérature russe, allemande et aux écrits de la Haskala. Autodidacte, il
exercera plus tard avec succès le métier d’enseignant et préparera des
élèves privés aux examens des lycées.
Nous ne possédons que peu d’informations sur l’enfance et la prime
jeunesse de Gordin. On sait qu’à dix-sept ans il publie ses premiers
travaux littéraires en russe dans un journal provincial. Son père
l’emmène souvent dans ses voyages d’affaires à Moscou et à Saint-
Pétersbourg, où se concentre l’essentiel de la vie culturelle russe. Il
fréquente les théâtres les plus prestigieux de ces deux grandes villes et
développe très rapidement un goût certain pour les arts de la scène. Plus
tard, il sera critique théâtral pour un journal de Saint-Pétersbourg.
Il se marie à dix-neuf ans, reçoit une dot importante, mais perd rapi-
dement toute sa fortune : il n’est pas très doué pour les affaires. Pour
gagner sa vie, il est amené à exercer différents métiers, y compris ma-
nuels. Il travaille comme ouvrier agricole, comme docker dans le port
d’Odessa, devient comédien dans une troupe ambulante russe, et en-
seigne dans une école juive de la Couronne. L’exercice de ces différents
métiers lui permet de découvrir la misère des bas-fonds de la Russie, de
connaître d’autres gens, d’autres cultures, et le confirme dans ses
30
Notamment Zylberzweig et Marmor (voir bibliographie).
31
Les maskilim (tenants de la Haskala) et les hassidim se détestaient mutuellement.
Une bonne partie de l’œuvre du maskil Avrom Goldfaden consiste en une critique
acerbe des hassidim.
32
L’hébreu de Gordin est sujet à discussion. D’après Kalmon Marmor (Marmor, 1953 :
19) c’est une langue que Gordin maîtrisait. Zalman Zylberzweig cite par contre un
écrivain, Michael Goldberg, un familier de Gordin, selon lequel ce dernier ne
connaissait pas cette langue (Zylberzweig, 1931 : 392).
Goldfaden et Gordin 497
33
Notamment Odeskiï Viestnik (« Le Messager d’Odessa »), Golos (« La Voix »),
Novorosiyskiï Tielegraf (« Le Télégraphe de Nouvelle Russie »), Pravda (« Vérité »).
34
Yelisavetgradskiï Viestnik (« Le Messager de Ielizavetgrad ») et Odieskiye Novosti
(« Les Nouvelles d’Odessa »).
35
Secte chrétienne non orthodoxe, proche du protestantisme. Ses membres ne
reconnaissent pas la plupart des rites de l’église officielle, prônent une vie simple, le
travail de la terre et une religion basée uniquement sur les Évangiles et l’Ancien
Testament. Le nom « stundiste » vient de l’allemand stunde (« l’heure »), terme
qu’employaient les protestants allemands de Russie pour désigner leurs offices. Les
membres de la secte n’utilisaient cependant pas ce terme ; entre eux, ils s’appelaient
« frères ».
36
En russe doukhovnoïe bibliïskoïe bratsvo. Selon Gordin lui-même, ce n’est pas lui
qui a créé cette structure, mais un certain médecin russe du nom de Mikhailovitch.
Gordin en a repris la direction en 1880.
498 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Les pogroms de 1881 sont une épreuve que la Confrérie ainsi que de
nombreux Juifs russifiés surmontent avec difficulté. Certains retournent
vers la pratique religieuse rigoureuse, d’autres quittent la Russie soit
pour la Terre sainte, soit pour l’Amérique. Gordin et une partie de ses
partisans restent en Russie et continuent à nourrir l’espoir qu’un retour
des Juifs à la terre mettra fin à l’antisémitisme. En 1889, il tente
d’acheter de la terre pour former une colonie agricole juive basée sur des
principes égalitaires, ceux-là mêmes qui seront appliqués dans les
kibboutzim israéliens. C’est l’événement qui précipite le départ de
Gordin pour l’Amérique : prévenu par des amis de son arrestation
imminente, il prend la fuite et quitte la Russie.
Il débarque à New York le 31 juillet 1891. Il commence par démar-
cher le Baron de Hirsh pour obtenir un prêt qui lui permettrait d’acquérir
de la terre et de fonder une colonie agricole, mais essuie un refus. Il se
tourne alors vers le seul métier qu’il connaît réellement, l’écriture,
d’abord en russe, puis en yiddish qu’il est obligé de réapprendre.
B. Sibiria : le charme du naturel
Dans un café du Lower East Side de New York, alors qu’il est en
compagnie de son ami Philippe Krantz, le comédien Jacob Adler lui
propose de traduire une pièce allemande en yiddish. Gordin refuse : « Si
c’est pour écrire une pièce, autant que je vous écrive une pièce juive,
plutôt qu’une allemande avec des noms juifs » (Zylberzweig, 1931 :
394). Il leur montre un article dans un journal russe, parlant d’un fait
divers : un Juif évadé de Sibérie a été dénoncé par un autre Juif. Sa
première pièce s’appellera Sibiria et sera vendue au théâtre d’Adler pour
un montant de cent dollars.
Gordin, qui jusque-là n’avait jamais visité de théâtre yiddish, s’y
rend pour préparer sa pièce, et sa réaction est négative : « Tout ce que
j’ai entendu et vu était loin de la vie juive, c’était grossier, inesthétique,
faux, vulgaire et corrompu… » (Zylberzweig, 1931 : 394). En effet, ce
sont les anciens concurrents de Goldfaden qui règnent sur les théâtres
yiddish des années 1880 à New York. Si les opérettes de ce dernier
avaient encore quelque consistance, celles de ses concurrents et succes-
seurs n’en sont que des pâles imitations. Ce type de théâtre est entré
dans l’histoire du théâtre yiddish sous le vocable de schund37. Toute
l’œuvre de Gordin sera consacrée à donner au théâtre yiddish un visage
différent, le visage d’un véritable théâtre d’art.
Déjà sa première pièce Sibiria étonne les spectateurs par plusieurs
« innovations » : on y parle un yiddish naturel, sans germanismes ni
37
Du mot allemand qui désigne le rebut.
Goldfaden et Gordin 499
38
Certains considéraient que l’usage immodéré de germanismes était signe d’éducation.
500 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
39
Hébreu, mot désignant l’abattage rituel. On pourrait le traduire par Sacrifice
Goldfaden et Gordin 501
40
Fondée en 1900, à ne pas confondre avec Trade Union Educational League, fondée
en 1920 par des syndicalistes communistes.
502 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Bibliographie
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Marmor, Kalmon, Yankev Gordin, New York, YKUF, 1953.
Mestel, Jacob, Undzer teater, New York, YKUF, 1943.
Picon-Valin, Béatrice, Le Théâtre juif soviétique pendant les années vingt,
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Zylberzweig, Zalman, Leksikon fun yidishn teater, New York, The Hebrew
Actors Union of America, 1931.
Index des noms propres
A
A’zam, Hamid Rezâ (2e moitié XXe s., Iran) : 277
Abaza, ‘Azîz (1898-1973, Égypte) : 407
Abd al-Sabûr, Salâh (?-1981, Égypte) : 408
Abd al-Wâhid, Yahyâ Qâf al-Shaykh (1900-1996, Irak) : 417
Abdülhamid II (1842-1918, Turquie) : 344
Abdülmecid (1839-1861, Turquie) : 336
Abdulvoce, Mavlon (XVe s., Asie centrale timouride) : 329
Abdurazzakov, Barzu (Tadjikistan) : 322
Abhinavagupta (Xe siècle, Inde) : 170, 171, 176, 177, 183, 184, 185,187,
188,190, 191, 231
Abkhazie : 350
Abû ‘Azza (personnage d’une pièce de Wannûs, Syrie) : 432-434, 439
Abû Dibs, Munîr (XXe siècle, Liban) : 414
Abu Muslim (718-755, Khorasan) : 329
Abû Shawûr, Râshid (XXe siècle, Palestine) : 416
Abyad, Georges (1880-1959, Égypte) : 404, 416, 419
Acem (turc, « Persan », personnage de Karagöz) : 387
Adler, Jacob (1855-1926) : 498-500
Afghânî, Jamâl al-dîn al- (1838-1897, réformiste, Égypte) : 403
Afghanica (troupe, Afghanistan) : 312
Afghanistan : 32, 37, 42, 307-309, 311-315, 317-319
Âftâb (troupe, Afghanistan) : 315-316
Agamemnon (personnage de tragédie) : 415
Ağaoğlu, Adalet (1929-, Turquie) : 373’ 374
Ahmet Vefik Paşa (1823-1891, Turquie) : 366
Aissaouas (confrérie maghrébine aux rites spectaculaires) : 396, 399
Ak arap (turc, « Arabe blanc (de Syrie) », personnage de Karagöz) : 387
Ak, Behiç (1956-, Turquie) : 377
Akan, Mehmet (1938-, Turquie) : 445
Akhmadov, Moussa (1956-, Tchétchénie) : 551-352, 356-358
Akhorun (troupe, Tadjikistan) : 332
Âkhundzâde, Mirzâ Fath ‘Ali Khân (1812-1878, Iran) : 272, 279, 342,
357
Akouba, Djouma (1937-, Abkhazie) : 350
504 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
B
Baba Himmet (en turc, « Père Himmet », personnage de karagöz) : 387
Babylonie : 472
Baccar, Jalila (1952-, Tunisie) : 419
Bachdjerrah, Djelloul (XXe siècle, Algérie) : 420, 421, 423
Bachetarzi, Mahieddine (1899-1986, Algérie) : 420, 421, 423
Badaoui, Abdelkader (XXe s., Maroc) : 427
Badouev, Saïd (1904-1937, Tchétchénie) : 348, 357
Badran, Nabil (1941-, Algérie) : 423
Baek Eun-a (1976-, Corée) : 88
Bahar (« Printemps », troupe, Afghanistan) : 310
Bahârî, Jamîl al- (?-1929, Palestine) : 415
Bahît, Yûsuf (XXe siècle, Liban) : 414
Bahrî, Jamîl Habîb al- (XIXe siècle, Syrie) : 403
Bakathîr, ‘Alî Ahmad (1910-1969, Yémen, Égypte) : 407
Baltacıoğlu, Ismayıl Hakkı (1889-1978, Turquie) : 365
Banepâ (Bhvãta, Népal) : 144
Baronian, Hagop (1842-1891, Empire ottoman) : 343, 344, 357
Başkut, Cevat Fehmi (1908-1971, Turquie) : 368
Bausch, Pina (1940-) : 375
Baydur, Memet (1951-2001, Turquie) : 376
Beaumarchais, Pierre Augustin Caron de (1732-1799) : 125
Beberuhi (en turc, « Polichinelle », personnage de karagöz) : 387
Beckett, Samuel (1906-1989) : 43, 63, 77, 88, 253, 256, 274, 276, 293,
294, 408, 410, 460
Beer-Sheva : 456, 463
Behbudi, Muhammadhodja (début XXe s., Ouzbékistan) : 330
Beit Ha-Gefen (théâtre, Israël) : 464
Beit Liessin (théâtre, Israël) : 456, 463
506 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
C
Çağan, Sermet (1929-1970, Turquie) : 371
Caire : 37, 398, 492, 411, 415, 432
Calcutta : 37, 234, 242
Cambodge : 17, 23
Caméri (théâtre, Israël) : 457, 459-463
Cāṇakya (350-283 av. J.-C., Inde) : 175
Cao Yu (1910-1996, Chine) : 39
Casablanca : 425, 426, 442
Caucase : 34, 38, 42, 270, 272, 333, 343, 344, 347-349, 351-353, 356
Cemal, Muhipzade (1870-1959, Turquie) : 442
Çelebi (en turc, « jeune citadin », personnage de karagöz) : 387, 388
Cevdet Anday, Melih (1915-2002, Turquie) : 364, 374, 385, 389
Ch’oe In-hun (1936-, Corée) : 45, 78, 83
Chang Sung-hûi (1965-, Corée) : 85
Chao Gai 晁盖 (personnage de théâtre chanté, Chine) : 108
Chaoui, Abdelouahid al- (XXe s., Maroc) : 424
Charmshir, Mohammad (1960-, Iran) : 292
Chattisgarh : 233, 236-239
Cheikh Taha (personnage d’une pièce de Wannûs, Syrie) : 432, 433, 436
Chen Sen 陳森 (ca. 1796-1870, Chine) : 104
Cheng Yanqiu 程硯秋 (1904-1958, Chine) : 101
Cheniki, Ahmed (XXe s., Algérie) : 396, 399, 401
Chepirov, Denilbek (XIXe-XXe s., Tchétchénie) : 347
Chidov, Iouri (XXe s., Kabardino-Balkarie) : 355
Chine : 23, 30, 39, 77, 91, 92, 94, 96-98, 102-108, 114-117, 127, 321,
324
Chôlla-do (Corée) : 79
Chông Pok-kûn (1946-, Corée) : 84
Chrysothémis (personnage, Grèce) : 168
Chung Jin-soo (1944-, Corée) : 74
Chung Wu-suk (1930-, Corée) : 85
Citlâng (Cilã, Népal) : 144, 152, 153
Claudel, Paul (1868-1955) : 186
Cochinchine : 122
508 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
D
Da‘ûd al-Manawî al-‘Attâr (montreur d’ombres arabe, XVIIIe siècle) :
472
Dachraoui, Abdellatif (XXe s., Maroc) : 426
Dahdâh, Edwâr al- (XXe siècle, Liban) : 414
Damas : 262, 267, 268, 402, 403, 413
Daśaratha (Inde) : 224-225
Delavigne, Casimir (1793-1843) : 403
Delhi (Inde) : 41, 209, 212, 228, 239, 242
Dharamvir Bharati (1926-1997, Inde) : 234
Dilmen, Güngör (1930-, Turquie) : 370, 371
Dionysos : 17, 26, 28, 166, 474
Diyâb, Mahmûd (?-1983, Égypte) : 409, 410
Djilali, Abderrahmane El- (2e moitié XXe siècle, Algérie) : 421
Djoutoubaev, Makhti (XXe s., Kabardino-Balkarie) : 351
Đoàn Ân (1re moitié du XXe s., Vietnam) : 135
Đoàn Phú Tứ (1910-1989, Vietnam) : 126, 129, 132, 136
Dolakhâ (Dvâlkhâ, Népal) : 144, 146
Doudou, Abou El-Aid (1934-2004, Algérie) : 422
Doumane, Mouradine (XXe s., Kabardino-Balkarie) : 351
Du Liniang 杜麗娘 (personnage, Chine) : 100, 113
Dumas, Alexandre (1802-1870) : 367
Dümbüllü (1897-1973, Turquie) : 365
Duvernois, Henri (1875-1937) : 126
E
Ebizô [Ichikawa Ebizô XI] (1977-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Ebrâhimi, Nâder (1936-, Iran) : 276, 290
Ebrâhimiân, Mohammad (XXe-XXIe s., Iran) : 290
Edo (Époque d’, 1600-1868) : 51, 54, 57, 61, 68
Efendiyev, Elçin (XXe s., Azerbaïdjan) : 352
Index des noms propres 509
Égypte : 31,37, 41, 45, 351, 393, 397, 398, 403-408, 411, 416, 472, 480,
484
Ehmedi, Tuyghun (XXe s., Xinjiang) : 325
Ennosuke [Ichikawa Ennosuke III] (1939-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Ensemble Itim (troupe, Israël) : 456, 464
Épis de blé (troupe, Palestine) : 416
Erduran, Refik (1928-, Turquie) : 369
Erenus, Bilgesu (1943-, Turquie) : 373
Eretz-Israël (troupe, Israël) : 458
Erkek, Hasan (1970-, Turquie) : 377
Ertuğrul, Muhsin (1892-1979, Turquie) : 368
Eschyle (526-456 av. J.-C.) : 22, 167, 475, 482
Eshqi, Mirzâde (1893-1925, Iran) : 273
Eski Masjit (troupe, Ouzbékistan) : 333
États-Unis : 40, 68, 269, 274, 278, 311, 314, 389, 457, 489, 501
Ettinger, Salomon (1802-1856) : 490
Euripide (?-406 av. J.-C.) : 476
Europe : 25, 37, 39, 40, 50, 58, 89, 166, 272, 278, 283, 284, 288, 299,
309, 402, 406, 407, 414, 449, 456, 459, 461, 488
Evron, Gilaad (1955-, Israël) : 465
Exile Theatre (troupe, Afghanistan) : 312
Ezéchiel le Tragique (IIe-Ier siècle av. J.-C.) : 455
F
Faraj, Alfred (1929-, Égypte) : 410
Farhad (personnage d’amoureux transi, monde indo-iranien) : 243
Farhat, Mohamed Raja (XXe siècle, Tunisie) :419
Farrokh, Qâder (XXe s., Afghanistan) : 309, 312, 313, 317
Fathî, ‘Abd al-Latîf (1916-1985, Syrie) : 412
Fekri Ershâd, Mortazâqoli Khân (1868-1917, Iran) : 273
Festival de théâtre alternatif d’Acco (Saint-Jean-d’Acre) : 464
Fez (Maroc) : 400
Firqat Dabâbis (troupe, Syrie) : 414
Flavius Josèphe (37-100) : 473, 475
Forsi, Bahman (1933-, Iran) : 276
Forsythe, William (1949-) : 375
Forughi, Abu al-Hasan (1883-1959, Iran) : 273
Foruzand, Afruz (XXe-XXIe s., Iran) : 292
Frazer, James (1854-1941, anthropologue écossais) : 26
Frenk (en turc, « Européen », personnage de karagöz) : 388
Fuzûli (1483 ?-1556) : 346
510 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
G
Gaffari, Farrokh (1921-2006, Iran) : 275
Ganesha : 152, 155
Garcia Lorca, Federico (1898-1936) : 294
Genet, Jean (1910-1986) : 87, 89, 294, 431
Géorgie : 341, 342, 343, 351
Gesher (en hébreu, « pont », troupe, Israël) : 456, 464
Ghârib, Jûzif al- (XXe siècle, Liban) : 414
Ghazâla, Sulaymân (1853-1929, Irak) : 416
Ghazareh, Gagik (1973-, Arménie) : 356
Ghulja (Xinjiang) : 322, 323
Girish Karnad (1938-, Inde) : 236
Giustiniani, Bartolomeo (XIXe s.) : 366
Gnessin, Menahem (1882-1951, Israël) : 457
Goebbels, Heiner (1952) : 375
Goethe, Johann Wolfgang von (1749-1832) : 125, 274, 500
Gogol, Nicolaï (1809-1852) : 86, 274, 322, 422
Goldberg, Léa (1915-1970, Israël) : 466
Goldfaden, Avrom (Abraham, 1840-1908) : 473, 482, 487-496
Goldoni, Carlo (1707-1793) : 324, 344, 366
Goldstein, Sokher (1859-1887) : 493
Gordin, Yankev (Jacob, 1853-1909) : 473, 488, 489, 494, 496-502
Gorki, Maxime (1868-1936) : 274
Gourfov, Mourat (1986-, Kabardino-Balkarie) : 356
Gov, Anat (1953-, Israël) : 466
Grodner, Israel (1848 ?-1887) : 492, 493
Grotowski, Jerzy (1933-1999) : 26, 28, 43, 82, 269, 274, 275, 428, 471
Guan Hanqing 関漢卿 (mort vers 1307, Chine) : 99
Guerilla (troupe) : 83
Guitry, Sacha (1885-1957) : 126
Güllü Agop (Agop Vartovyan, 1840-1902, Turquie) : 367
Gulsum (XXe s., Xinjiang) : 323
Güntekin, Reşat Nuri (1889-1956, Turquie) : 369
Guo Moruo (1892-1978, Chine) : 39
Gurân, Rezâ (XXe-XXIe s., Iran) : 297
Guruvāyūr (Inde) : 196
H
Ha’onot (« Saisons », troupe, Israël) : 461
Habima (troupe, Israël) : 39, 456-462, 473
Index des noms propres 511
I
Ibn Chikh, Mohamed (Maroc) : 434
Ibn Daniyâl, Muhammad Jamâl al-dîn (1249-1311) : 398
Ibsen, Henrik (1828-1906) : 21, 38, 57, 274, 294, 368, 500
Ichikawa Danjûrô IX (1838-1903, acteur de kabuki, Japon) : 56
Ichikawa Ebizô XI (1977-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Ichikawa Ennosuke III (1939-, Japon) : 61
Ichikawa Sadanji II (1880-1940, acteur de kabuki, Japon) : 58
Idrîs, Yûsuf (1927-1991, Égypte) : 408-409
Ikhlâsî, Walîd (1935-, Syrie) : 413
Île de Sado (Japon) : 66
Ilkhom (troupe, Ouzbékistan) : 331-334, 336, 337
Im Sông-gu (1887-1921, Corée) : 74
Inde : 13, 16, 27, 30, 34, 36, 41, 42, 91, 142, 147, 150, 151, 160, 161,
165, 166, 168, 169, 172, 174, 180, 184, 190, 193, 194, 205, 206, 212,
215, 220, 229, 233, 234, 238, 239, 243, 269
Indian People Theatre Association : 42, 234
Indra (personnage, Inde) : 143, 158, 172, 203, 225, 226
Insha (personnage, Inde) : 242
Ionesco, Eugène (1909-1994) : 43, 77, 274, 276, 294, 311, 408, 411
Iphigénie (personnage) : 475
Iran : 24, 26, 32, 34, 37, 42, 43, 44, 259-280, 282-305
Irak : 37, 269, 277, 286, 290, 293, 405, 416
Index des noms propres 513
J
Jaber, Corinne (2e moitié du XXe s.) : 315
Jadd, Yûsuf Ni’mat Allâh (XIXe siècle, Syrie) : 403
Jaïbi, M’hamed (1878-1938, Tunisie) : 418
Jaïbi, Fadhel (1945-, Tunisie) : 419
Jalâl, Muhammad ‘Uthmân (?-1894, Égypte) : 403
Jaliâ, ‘Abd al-Rashid (XXe s., Afghanistan) : 310
Japon : 13, 20, 24, 30, 33, 38, 39, 44, 49, 50-70, 72, 73, 74, 75, 76
Jarullayop, Abduvali (XXe s., Xinjiang) : 322
Jawzî, Salîbâ al- (XIXe siècle, Syrie) : 403
Jayantabhaṭṭa (IXe siècle, Inde) : 175
Jbâra, Remon (1935-, Liban) : 415
Jeong Geum-hyung (XXe s., Corée) : 89
Jephté (Bible) :478
Jérusalem : 415, 417, 456, 462, 463, 470, 473, 475
Jibrân, Jibrân Khalîl (?-1931, Égypte) : 405, 414
Jin 金, (dynastie chinoise, 1115-1234) : 95
Jiyû gekijô (« Le Théâtre libre », troupe, Japon) : 57
Jm’a el-Fnâ’ : 35, 45, 442
Jones, William (1746-1794) : 166
Jonson, Ben (1572-1637) : 274
Joseph (Bible) : 478, 481
Juhâ (Djeha, personnage populaire comique dans les mondes arabe,
persan et turc) : 409
Jundî, Yusrî al- (1941-, Égypte) : 411
Jûzî, Nasrî al- (1908-1996, Palestine) : 416
K
Kabardino-Balkarie : 453
Kâbol Nandari (troupe, Afghanistan) : 305, 310, 313, 315
Kaboul (Afghanistan) : 307, 309-316, 319, 564,
Kachal Pahlavan (personnage de comédie populaire, Iran) : 264
514 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
L
L’Étoile (al-Nejma, première troupe tunisienne) : 418
Lahlou, Nabil (1945-, Maroc) : 427
Lakṣmaṇa (personnage, Inde) : 217, 218, 219, 222, 223
Lalitpur (Népal) : 142, 144, 145, 147, 148, 151, 155, 156, 158, 159, 163
Lan Khai (1906-1945, Vietnam) : 131, 136
Lao She (1899-1968, Chine) : 39
Lapid, Shulamit (1934-, Israël) : 467
Latifi, ‘Abd al-Rashid (XXe s., Afghanistan) : 310
Laz (en turc, « originaire de la mer Noire », personnage de karagöz) :
387
Lê Công Đắc (1re moitié du XXe s., Vietnam) : 135
Lechy Elbernon (personnage d’une pièce de Claudel) : 186
Lerner, Motti (1959-, Israël) : 466
Les Ongles (troupe, Palestine) : 417
Lévin, Hanokh (1943-1999, Israël) : 41, 462-464, 466
Leyla/Leyli (personnage d’héroïne romantique, monde arabe et indo-
persan) : 67, 345, 346, 495, 429
Li Mingsheng 李鸣盛 (1926-2002, Chine) : 109
Liang Guyin 梁谷音 (1942-, Chine) : 111, 112
Liban : 41, 45, 269, 404, 411, 466
Libresco, Yitskhok (Isaac) : 483, 492, 493
Liebrecht, Savyon (1948-, Israël) : 466
Linetzki, Yitskhok Yoël (ou Linetzky, 1839-1915) :
Liu Bei 劉備 (161-223, Chine) : 102
Liu Yilong 劉異龍 (1939-, Chine) : 111, 112
Livius Andronicus (285 ?-204 av. J.-C., Rome) : 168
Lowy, Isaac (acteur juif) : 478
Lưu Quang Thuận (1921-1981, Vietnam) : 133
Index des noms propres 517
M
Ma Zhiyuan 馬致遠 (ca. 1250-ca 1321, Chine) : 99
Maayan, David (Israël) : 466
Madani, ‘Izz al-din al- (1938-, Tunisie) : 418, 421
Madani, Ahmad Tewfiq al- (1899-1983, Algérie) : 421
Madawi, Abderrahmane (début XXe siècle, Algérie) : 421
Maeterlinck, Maurice (1862-1949) : 374
Maghût, Muhammad al- (1934-2006, Syrie) : 413, 415
Mahdiyya, Munîra al- (début XXe siècle, Égypte) : 404
Maheshvarî (Népal) : 154
Mahfûz, ‘Isâm (né en 1939, Liban) : 415
Mahmud I (1487-1502) : 328-329
Mahmud II (règne 1808-1839, Turquie) : 366
Mahmudi Kamâl al-Vozarâ, Ahmad (1875-1930, Iran) : 273
Majnoun/Majnun (héros romantique, personnage d’amoureux fou,
monde arabe et indo-persan) : 243, 322, 366, 405, 409
Makki, Ebrâhim (2e moitié XXe s., Iran) : 276
Makwânpur (Népal) : 145
Mālyavān (Inde) : 222, 226
Mammedzadeh, Mirza Bala (XIXe-XXe s., Azerbaïdjan) : 345
Manas (personnage) : 328
Mansali, Muhammad (début XXe siècle, Algérie) : 420
Marastun Nandâri (Afghanistan, théâtre et troupe) : 311
Mārgi (Inde) : 206
Marivaux, Pierre Carlet de Chamblain de (1688-1763) : 182, 343
Maroc : 13, 42, 45, 399, 404, 424-428, 443-446, 448
Marrakech : 35, 425, 442, 449
Martinez Thomas, Monique : 433
Matiz (en turc, « mauvais garçon », personnage de karagöz) : 387
Matsuda Masataka (1962-, Corée) : 88
Matsui Akira (1946-, acteur de nô, Japon) : 63
Maugham, William Somerset (1874-1965) : 457
Mazia, Edna (1949-, Israël) : 466
Megged, Aharon (1920-, Israël) : 460
Mehrtash, Esmâ’il (1re moitié du XIXe s., Iran) : 273
Mei Lanfang 梅蘭芳, (1894-1961, Chine) : 103
Meiji (ère, 1868-1912) : 33, 54, 61, 62, 67
518 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
N
Na’lbandiân, ‘Abbâs (1947-, Iran) : 275
Nabari Nandâri (théâtre, Afghanistan) : 311
Index des noms propres 519
O
O Kyông-suk (1955-, Corée) : 87
O T’ae-sôk (1940-, Corée) : 45, 78, 83, 86
O Yông-jin (1916-1974, Corée) : 76
O Yu-gyông, (XXe s., Corée) : 87
O. Kuni [Izumo no O. Kuni] (?-après 1613, « fondatrice » du kabuki,
Japon) : 56
O’Neill, Eugene (1888-1953) : 39, 75
Odessa : 491, 496
Olmez, Mouradine (1949-, Kabardino-Balkarie) : 353
Öngören, Vasıf (1938-1984, Turquie) : 373
Ôno Kazuo (1906-2010, danseur de butô, Japon) : 63
Onoe Kikunosuke V (1977-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Orloff-Arieli, Levi Aryé (1886-1943, Israël) : 439
Ôsaka (Japon) : 60, 62
Osborne, John (1929-1994) : 40, 274, 409
Ôta Shôgô (1939-, dramaturge, metteur en scène, théâtre contemporain,
Japon) : 44, 68
Ouettar, Taher (1936-2010, Algérie) : 424
Ouïgour (Turkestan oriental, Xinjiang) : 322-325
Ouzbékistan : 328, 330-332, 334, 337
Oya, Berkun (1977-, Turquie) : 377
Özakman, Turgut (1930-, Turquie) : 371
P
Pabou-ji (Inde) : 233
Paghmân (troupe, Afghanistan) : 310
Pagnol, Marcel (1895-1974) : 274
Pak Chông-hûi (XXe s., Corée) : 87
Pak Hyôn-suk (1926-, Corée) : 76
Index des noms propres 521
Q
Qabbânî, Abû Khalîl al- (1833-1902, Syrie, Égypte) : 402, 403, 412
Qâderi Zâdah, Ziyâ (XXe s., Afghanistan) : 311
Qâdî, Yûsuf al- (XXe siècle, Liban) : 413
Qadir, Zunun (XXe s., Xinjiang) : 324
Qanu’, Ahmad (1936-1998, Syrie) : 414
Qâsim, Samîh al- (né en 1939, Palestine) : 416
Qemberi, Qasimjan (XXe s., Xinjiang) : 322
Qin Hui 秦桧 (1090-1155, Chine) : 93, 94
Qirdâhî, Sulaymân al- (?-1909, Égypte) : 404, 419
522 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
R
Rabat : 425
Rabbi Nathan (IIe siècle) : 479
Rabbi Yehoudah (Juda Hanassi, 135-220) : 472
Racine, Jean (1639-1699) : 37, 122, 124, 125, 343, 366, 403
Râdi, Akbar (1939-, Iran) : 276, 278
Rafi’i, ‘Ali (XXe-XXIe s., Iran) : 371
Rahbar, Mahmud (2e moitié XXe s., Iran) : 277
Raïs, Abdelhalim (1921-1975, Algérie) : 420, 421
Rajasthan (Inde) : 233, 238
Rāma (Inde) : 28, 154, 174, 216-220, 222, 223, 224, 226, 227, 229, 233
Râmcandra (1899-1983, Inde) : 155
Râmesh, Mohammad Anwar (2e moitié du XXe s., Afghanistan) : 317
Ramnagar (Inde) : 233
Ramzî, Ibrâhîm (1885-1949, Égypte) : 404, 406
Raonaq, ‘Ali (XXe s., Afghanistan) : 311
Rechdouni, Karékin H. (1840-1879, Arménie) : 344
Renan, Ernest (1823-1892) : 472
Resâm, Qows al-din (XXe s., Afghanistan) : 310
Resh Lakish (c. 200, Palestine) : 479, 480
Reşit Rey, Cemal (1904-1985, Turquie) : 369
Reşit Rey, Ekrem (1900-1959, Turquie) : 369
Reza, Yasmina (1959-) : 88, 89
Ridgeway, William (1858-1928, archéologue britannique) : 26
Rifat, Oktay (1914-1988, Turquie) : 373
Rigan, Noemie (1949-, Israël) : 467
Rihânî, Najîb al- (1891-1949, Égypte) : 404
Robina, Hanna (1892-1980, Israël) : 457, 459, 462, 463, 474
Rolland, Romain (1866-1944) : 274
Romains, Jules (1885-1972) : 274
Rong Diexian 榮蝶仙 (1893-?, Chine) : 101
Rouiched (Ahmed ‘Iyâd, 1921-1999, Algérie) : 421, 422, 423
Roumanie : 488, 492, 493
Royal Shakespeare Company (troupe, Grande-Bretagne) : 395
Roubaïki, Abdallah (2e moitié XXe siècle, Algérie) : 422
Rûman, Mikhâ’îl (1927-1973, Égypte) : 409
Rushdî, ‘Abd al-Rahmân (début XXe siècle, Égypte) : 404
Rushdî, Fâtima (1908-1996, Égypte) : 404, 416
Index des noms propres 523
S
Sâberi, Pari (1932-, Iran) : 279, 289
Sabuncu, Başar (1943-, Turquie) : 374
Sabûr, Salâh ‘Abd al- (1931-1981, Égypte) : 408
Sachs, Hans (1494-1576, poète allemand) : 50
Saddiki, Tayeb (1938-, Maroc) : 45, 425, 426, 441-453
Sâdeghi, Qotboddin (2e moitié XXe s., Iran) : 286, 289, 290
Sadiq, Ablimit (XXe s., Xinjiang) : 325
Safavides (1501-1736, Iran) : 268
Safdar Hashmi (1954-1989, Inde) : 235
Safiri, Abdelkader (XXe siècle, Algérie) : 423
Saïdov, Garoun (XIXe-XXe s., Daghestan) : 348
Saigon : 121, 123, 124, 128
Sakate Yôji (1962-, dramaturge, metteur en scène, théâtre contemporain,
Japon) : 68
Śakuntalā (personnage, Inde) : 183, 184, 185
Salâh al-dîn al-‘Ayyûbî (1138-1193) : 424
Sâlehzehi, Salmân Fârsi (2e moitié XXe s., Iran) : 277
Salîm, ‘Alî (1936-, Égypte) : 409
Sâlim, Istîfân Jûzîf (XIXe siècle, Syrie) : 493
Samı, Şemseddin (1850-1904, Turquie) : 367
San Francisco Mime Theatre : 40
Sangît Nâtak Akâdamî (Academy of Performing Arts, Inde) : 234
Sânkhu (Sakva, Népal) : 144
Sannû’, Ya‘qûb b. Râfâ’îl (1839-1912, Égypte) : 403
Sanqing 三慶班 (troupe pékinoise) : 96
Sârâj, Zaynab (XXe s., Afghanistan) : 311
Saraya (troupe, Israël) : 464
Sartre, Jean-Paul (1905-1980) : 460
Satô Makoto (1943-, metteur en scène, théâtre contemporain, Japon) :
44, 68
Satuq Bughrakhan (Xe siècle, Turkestan oriental) : 322
Saxena, S. (Inde) : 235
Sayın, Hidayet (1929-, Turquie) : 372
Sayyâd, Parviz (2e moitié XXe s., Iran) : 278
Schiller, Friedrich von (1759-1805) : 274, 343, 366, 368
Sefarim, Mendele Mokher (1838-1917, Israël) : 458
524 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
T
Tabaksoev, Moukhtar (XXe s., Kabardino-Balkarie) : 351
Tachkent : 327, 330, 331
Tada Tomio (1934-2010, poète, dramaturge, Japon) : 63
Tāḍakā (Inde) : 17, 218
Tadjikistan : 315, 327, 332
Tahar, Ali Sharif (début XXe siècle, Algérie) : 419
Tâheri, Hâmed Mohammad (XXe-XXIe s., Iran) : 219, 293
Tâjzây, Asad (2e moitié du XXe s., Afghanistan) : 316
Takao [Kataoka Nizaemon XIV] (1944-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Takarazuka (Japon, troupe) : 59, 67
Tamasaburô [Bandô Tamasaburô V] (1950-, acteur de kabuki, Japon) : 61
Tambur, Rozi (XXe s., Xinjiang) : 323
Tamerlan (Timur Lang, 1336-1405) : 327, 334, 338
Tan Xinpei 譚鑫培(1847-1917, Chine) : 98
Taner, Haldun (1915-1986, Turquie) : 366, 370, 373
Tang Xianzu 湯顯祖(1550-1616, Chine) : 99, 113
Tanvir, Habib (1923-2009, Inde) : 235, 236-245, 256
Taymûr, Mahmûd (1894-1973, Égypte) : 408
Taymûr, Muhammad (?-1921, Égypte) : 404, 405
Tchekov, Anton (1860-1904) : 274
Tcherkessie : 342, 350
Tchétchénie : 352, 356
Teatro Campesino (troupe) : 40
Tekiyye Dowlat (Iran) : 269
526 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
U
Ubayd (personnage, monde arabe) : 433, 434, 436, 437
Ubaydî, Sa’dûn al- (1935-, Iraq) : 417
Udwân, Mamdûh (1941-, Syrie) : 413
Uhm In-hee (1955-, Corée) : 84
Ukraine : 496
Umehara Takeshi (1925-, philosophe, écrivain, Japon) : 64
Umewaka Minoru (1827-1909, acteur de nô, Japon) :54
Umewaka Rokurô (1948-, acteur de nô, Japon) : 63
Ưng Bình Thúc Giạ Thị (1877-1961, Vietnam) : 128
Union théâtrale palestinienne (Palestine) : 416
Upendra Nath Ashk (1910-1996, Inde) : 234
Ursân, ‘Alî ‘Uqla (1940-, Syrie) : 413
URSS : 38, 307, 327, 331, 333, 344, 347, 348, 350, 356, 456, 457, 501
Urumchi (Xinjiang) : 323, 324, 325
Urvaśī (personnage, Inde) : 170, 181
V
Vâ’ez Kâshefi, Hoseyn (?-1504, Iran) : 268
Vaid, Krishna Baldev (1927-, Inde) : 235, 245-256
Vakhtangov, Evgueni (1883-1922) : 456, 473
Vâlmiki (Inde) : 155
Vāmadeva (Inde) : 225
Vāriyar, Uṇṇāyi (1750-1812, Inde) : 206
Vidyākara (Inde) : 215
Vietnam : 23, 25, 33, 42, 122, 126, 127, 129, 134, 137, 138, 418
Vi Huyền Đắc (1899-1976, Vietnam) : 126, 129, 131, 134, 136
Vincent, Jean-Pierre (1942-) : 471
Viśākhadatta (Ve siècle ?, Inde) : 229
Viṣṇu (Inde) : 195, 220
528 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
W
Wahbah, Sa’d al-dîn (né en 1925, Égypte) : 410
Wahbî, Yûsuf (1889-1982, Égypte) : 404
Wajahat, Azghar (1946-, Inde) : 235
Wang Qiugui 王秋桂 (universitaire taiwanais) : 116
Wannûs, Sa‘dallâh (1940-1997, Syrie) : 41, 411, 412, 432-440
Wei Changsheng 魏長生(1744-1802, Chine) : 94
Wei Liangfu 魏良輔 (milieu du XVIe siècle, Chine) : 100
Weil, Mark (1952-2007, Ouzbékistan) : 331, 334, 338
Werbel, Eliahou Mordekhaï : 491
Wesker, Arnold (1932-, Japon) : 67
Wilde, Oscar (1854-1900) : 87, 274
Williams, Tennessee (1911-1983) : 274
Wilson, Robert (1941-) : 376
Won Young-oh (1960-, Corée) : 88
Wooster Group (troupe) : 376
Wu Xingguo 吳興國 (Wu Hsing-Kuo, Taiwan) : 115
Wu Zuguang (1917-2003 ?, Chine) : 39
X
Xinjiang : 321, 322, 325
Xu Zichang 許自昌 (XVIe-XVIe s., Chine) :114
Y
Yacine, Kateb (1929-1989, Algérie) : 422, 423, 424
Yaffé Toar : 480
Yalfâni, Mohsen (XXe-XXIe s., Iran) : 278
Yan Poxi 阎婆惜 (personnage, Chine) : 108-109, 111-115
Yang Chông-ung (1967-, Corée) : 86-87
Yazidi, Muhammad al- (1re moitié XXe siècle, Maroc) : 322, 323
Yehya, Jalalidin (XXe s., Xinjiang) : 323
Yektâ’i, Mohammad (XXe s., Iran) : 275
Index des noms propres 529
Z
Zâhid (personnage, monde arabe) : 433, 438
Zakir, Mahire (XXe s., Xinjiang) : 325
Zakutto, Moshé : 455
Zankana, Muhyî al-dîn (1940-, Irak) : 417
Zavit (« Angle », troupe, Israël) : 460
Zaydân, Jurjî (1861-1914, Égypte) : 406
Zaynab Nandâri (troupe, Afghanistan) : 310, 311
Zenshin-za (Japon) : 59
Zerouali, Abdelhak (XXe s., Maroc) : 427
Zghari, Mohamed al- (XXe s., Maroc) : 424
Zhang Erkui 張二奎 (1814-1864, Chine) : 104
Zhang Sanlang 张三郎 (personnage, Chine) : 108, 109, 111, 113, 115
Zhongdu xiu (« la Belle de Zhongdu » 忠都秀, XVIe siècle) : 102
Zhou Xinfang 周信芳 (1895-1975, Chine) : 114
Zira (« Arène », troupe, Israël) : 460
Ziyâ, Ahmad (XXe s., Afghanistan) : 311
Ziyai, Ehmet (XXe s., Xinjiang) : 324
Zouta (« Bagatelle », troupe, Israël) : 460
Index des œuvres et des spectacles
A
À chacun son jugement (Koul ouahed wa hakmou) : 424
À l’écoute de la rue : 275
À l’embarcadère (Sônch’akjangesô) : 87
À moitié incomplets (Âdhe adhûre) : 235
A’rab : 419
Abbâs Âqâ, ouvrier d’Iran National (‘Abbâs Âqâ, kârgar-e irân
nasional) : 277
Abbâsa : 424
Abd al-Sattâr Efendi : 404
Abîme, L’ (al-Hâwiya) : 404
Abri n° 13 (al-Makhba’ raqam 13) : 405, 407
Abu al-Hasan le simplet (Abu al-Hasan al-mughaffal) : 402
Abu Moslem Nâme : 265
Affaire de la disparition du prince (Hwangseja siljongsakôn) : 87
Afghanistan d’aujourd’hui, L’ : 318
Afrâ : 296
Âge sombre (Andhâ Yug) : 234
Agra Bazar : 239, 240
Akbar le héros se meurt (Pahlavân Akbar mimirad) : 276
Alchimiste, L’ (Mollâ Ebrâhim Khalil Kimyâgar) : 272
Al-Hakim bi amr Allâh : 408
Ali Bey le Grand (‘Ali Bek al-kabir) : 405
Ali Janah de Tabriz : 410
Ali Khoja : 416
Allah Karim : 458
Allez, tue, chéri (Hadi Öldürsene Canikom) : 369
Al-Mansûr al-Dhahabî : 424
Al-Nâsir : 407
Al-Walîd b. ‘Abd al-Malik : 424
Al-Zir Salim : 410
Amant distrait, L’ (al-’Ashiq al-shârid) : 414
532 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Averse, L’ : 466
Avocats, Les (Vokalâ-e morâfe’e) : 272
Avodah Zarah (« De l’idolâtrie ») : 473, 474, 475, 480
B
Bahrâm-e Choubine : 290
Balançoire, La (Salıncak) : 386
Balayeurs, Les (Al-Shattâba) : 425
Balcon, Le : 87
Ballade d’Ali de Keşan, La (Keşanli Alı Destani) : 365
Barakassa ou le Problème du pouvoir (Barakasa aw mushkilât al-
hukm) : 406
Barbier de Bagdad, Le : 410
Barque, La (Kayik) : 386
Bataille de Qâdesiyya, La : 417
Bataille des coqs, La : 424
Bataille pour Bakou, La : 345
Bateau coule, Le (Babor Eghraq) : 424
Bible : 456, 460, 465, 470, 471, 472, 475, 481, 483, 490, 496, 497
Bicyclette de Ghengis Khan, La (Cengiz Han’ın Bisikleti) : 369
Bien et le Mal, Le (al-Khayr wa al-sharr) : 414
Bienvenue à la vie : 419
Biga-1920 : 376
Bijan et Manije : 263
Bilâl : 422
Blood Brothers : 84
Bohaç Han : 378
Bombe, La (Bomba) : 377
Bombes (Qanâbil) : 480
Bonhomme Misère (Sidi al-faqir) : 425
Bonne Dizaine, La (al-’Ashara al-tayyiba) : 405
Bonnes Femmes, Les (Kadıncıklar) : 376
Bonnes, Les : 87
Borni et Atra : 419
Bouba : 463
Boucherie de l’espérance : 423
Bouffon, Le (al-Muharrij) : 414
Bourgeois gentilhomme, Le : 126
Bourgeons et fleurs (Tzitzim uferakhim) : 591
Boutiquier et sa Femme, Le : 263
Brigands, Les : 367
Brocanteur et ses Fils, Le (Eskici ve Oğulları) : 372
534 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
C
C’est étrange (Qaribun hâdha) : 414
Cadavre sur le pavement, Le : 411
Cahier d’Allemagne, Le (Almanya Defteri) : 373
Cain et Abel : 332
Cambyse : 405
Camion (Kamyon) : 376
Cantique des Cantiques : 471, 481
Caravane de lumière (Qâfilat al-nûr) : 408
Casablanca : 425, 426, 442
Case de l’oncle Tom, La : 368
Catherine Howard : 368
Ce n’est pas tous les jours la fête pour le Mollah : 349
Ce qu’on appelle l’amour (Kahte hain jisko pyâr) : 245
Cela arrive : 417
Cendres d’espoirs et de rêves : 356
Cercle sacré (Kutsal döngü) : 378
César Borgia : 366
Cette Terre : 459
Champs de mines (Mazra’e-ye min) : 291, 297
Chanceux, Le (Moul baraka) : 421
Chandelles se consumant, Les (al-Shumû’ al-muhtarika) : 416
Chant de mort (Ughniyat al-mawt) : 406
Chant du ruisseau, Le (Tiếng suối reo) : 132
Chanteuse Yến, La (Cô đầu Yến) : 131
Chaos, Le (Kördövüşü) : 375
Chapeau, Le (Şapka) : 375, 384, 447, 491, 530
Chaque chose à sa place (Kull shay’ fi mahâlih) : 408
Chats et souris (Qutât wa firân) : 407
Chaussures brillantes, Les (al-Ahdhiyya al-lâmi’a) : 427
Chef de gang, Le (Ra’s al-shalîla) : 417
Cheikh ignorant, Le : 402
Chemin, Le (al-Sirât) : 413
Chèvre, La (Bakrî) : 235
Chez le pharmacien : 420
Chœur : Œdipe, Le (K’olôsû Œdipus) : 87
Choses que l’homme subit, Les (İnsanın Başına Gelen Şeyler) : 378
Chute de Cléopâtre, La (Masra’a Kiliubâtrâ) : 405
Chute de Pharaon, La : 410
Cinquante-six : 311
Index des œuvres et des spectacles 535
D
Dame Hoda (Al-sitt Hidâ): 405
Dangereuse Comédie musicale, La (Muzır Müzikal) : 377
Danse africaine (Afrika Dansı) : 375
Danse sur des verres (Raqs ruy-e livânhâ) : 27
Dashâvatâr Bâlan Loknâtak : 141
De la nourriture pour toutes les bouches (al-Ta’âm li kulli fam) : 407
536 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
E
Eau, le Vent, la Terre, L’ (Âb, havâ, khâk) : 277
Eaux profondes : 463
Index des œuvres et des spectacles 537
Échange, L’ : 186
Échelle, L’ : 276
Eddy King : 263
Einstein, l’ermite (Isseki sennin) : 63
Éléphant, ô roi du monde !, L’ (Al-fîl yâ malik al-zamân) : 411
Élu, L’ : 464
Embuscade (Pusuda) : 370
Émoi d’outre-tombe (Minggan 冥感) : 113
Emprunt du thé, L’ (jiecha借茶) : 113, 114
Emprunté et loué (al-Mu’âr wa al-ma’jûr) : 410
Émulation pour la liberté, L’ (Özgürlük Yarışı) : 377
En attendant Godot : 245, 460, 463
Enchaîné, L’. Jeu théâtral du Moyen Âge arménien : 349
Enfants de l’ombre, Les : 466
Enfants de la Casbah, Les (Ouled Kasbah) : 422
Enfants des rues, Les (Wlîdat al-zanqa) : 427
Épée de Salomon, L’ : 263
Épopée d’Ali de Keşan, L’ (Keşanli Alı Destani) : 372
Épousailles ou Hyménée, Les : 323
Épouse du Nil (‘Arûs al-Nîl) : 407
Épouse rebelle, L’ (al-Zawja al-mutamarrida) : 413
Escargot têtu, L’ : 423
Essai sur l’art dramatique français (Khảo về diễn kịch) : 126
Estomac vide, L’ (Lòng rỗng không) : 126
Et viendront les beaux jours : 355
Étameurs, Les : 347
Été torride (Suzuz Yaz) : 372
Éternelle Ève (Hawwâ’ al-khâlida) : 407
Éternité, L’ : 351
Étrange Prédicateur et l’Étranger, L’ : 398
Étranger et le Sultan, L’ : 416
Étrangers, Les (al-Ghurabâ) : 174
Étrangers sont de retour, Les (Firangî laut âe) : 235
Everest my Lord : 374
Exagogue, L’ : 455
F
Fabrique de prothèses orthopédiques, La (Ayak Bacak Fabrikası) : 370
Faim c’est le feu, La : 245
Fais quelque chose, Met ! (Bir Şey Yap Met !) : 370
Faits des Barâmika, Les : 421
538 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
G
Gamelle, La (Teneke) : 371, 372
Gardiens, Les : 458
Gare des femmes, La (Kadın Istasyonu) : 376
Index des œuvres et des spectacles 539
H
Habits du roi, Les : 461
Haine au poste de frontière Nam Quan, La (Hận Nam Quan) : 134
Hâji Kâshi et son gendre : 263
Hâji pilier de mosquée, Le : 263
Hâji Riyâ’i Khân ou le Tartuffe oriental : 273
Hallyang kut : 79
Hamlet : 36, 62, 126
Hannibal : 421
Harishchandra le véridique (Satya Harishcandra) : 234
Harivamsha : 155
Harun al-Rashid : 263, 402
Hârut et Mârut : 408
Hassan Terro : 423
Hastalakṣaṇadīpikā : 200
Hedva et moi :460
Héfetz : 462
Hélicoptère, L’ (Helikopter) : 375
Héliotropes bris de verres (Günebakan Cam Kırıkları) : 376
Héritier, L’ : 426, 465
540 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Hernani : 126
Héros (Yôngung) : 85
Héros de Mansura, Les (Abtâl al-Mansûra) : 405
Hidden Concubine, The (Jin wu cang qiao 金烏藏嬌) : 114
Hier et aujourd’hui (El-barah wel youm) : 421
Histoire d’Âqâ Hashem lorsqu’il tomba amoureux, L’ (‘Âsheq shodan-e
Âqâ Hâshem) : 272
Histoire d’un journaliste (Sargozasht-e yek ruznâmenegar) : 273
Histoire de l’avare (Sargozasht-e mard-e khasis) : 272
Histoire de Monsieur Jordan, botaniste, et du derviche Mestèli Chah,
célèbre magicien : 342
Histoire de Naḷa (Naḷacaritam) : 204
Histoire des deux chevaliers qui parcourent le monde (Shokoku wo
henrekisuru hutari no kishi no monogatari) : 88
Histoire du pèlerinage à Kerbela de Shâhqoli Mirzâ, L’ (Kerbelâ raftan-
e Shâh Qoli Mirzâ) : 272
Histoire familiale : 466
Hoàng Mộng Điệp : 131
Homme du jour (Günün Adami) : 372
Homme est un loup pour l’homme, L’ (Hout yakoul hout) : 422
Hommes, Les (Adamlar) : 377
Hồng Điệp : 133
Huis clos : 460
Hữu Thanh (revue vietnamienne paraissant entre 1921 et 1927) : 127
Hypocrite, L’ (al-Munâfiq) : 427
I
Ignorant prétendant à la connaissance, L’ : 420
Il allait dans les champs : 459
Il est plus facile de sortir du hammam que d’y entrer (Dukhûl al-
hammâm mish zayy khurûguh) : 405
Il était une fois (Kân yâ mâ kân) : 426
Il n’y a pas d’autre (Dûsrâ na koî) : 255
Il se passe quelque chose (Vukuat Var) : 372
Il y a un temps dans un des pays (Bir Zamanlar Memleketin Birinde) : 369
Ils ont compris (Faqo) : 420
Immigration, L’ (El Kapısı) : 373
Immortels, Les (El-Khalidoun) : 422
Immortels, Les (Ölümsüzler) : 374
Impasse (Çıkmaz Sokak) : 375
Impératrice Myôngsông, L’ (Myôngsông wanghu) : 85
Index des œuvres et des spectacles 541
Indépendance : 311
Ingrat, L’ (Nâkir al-jamîl) : 403
Injustices de la vie, Les (Mazâlim al-hayât) : 414
Inondation, L’ (al-Tufân) : 414
Inspecteur général, L’ : 86
Inspecteurs, Les (Müfettişler) : 374
Institut de la Folie nationale (Mu’âsasat al-junûn al-wataniyya) : 416
Intérêt général, L’ (al-Maslaha al-’amma) : 427
Invité qui vient du glacier, L’ (Muz taghdin kelgen mehman) : 325
Invité, L’ (Misafir) : 373
Iparkhan : 325
Iram aux colonnes : 405
J
Ja’far Khân revient d’Europe (Ja’far Khân az Farang âmade) : 273
Jalousie (Ghen) : 126
Jaloux, Les (Kıskançlar) : 373
Jambes de l’amour, Les (Sevgi Ayakları) : 376
Jamil : 417
Jardin derrière la maison, Le (Arka Bahçe) : 373
Jardin des Martyrs (Rowzat al-Shohadâ) : 268
Jardin, le (Bahçe) : 386
Je ferme les yeux et je fais mon boulot (Gözlerimi Kaparim Vazifemi
Yaparim) : 372
Je suis ta mère, Shakir (Ânâ ummak, yâ Shâkir) : 417
Je t’embrasse et larmes (Mibusamet va ‘eshq) : 292, 300
Je te parle chinois ou quoi ? : 466
Je vends Istanbul (İstanbul’u Satıyorum) : 377
Je vous dis le secret ?(Pimilûl malhaejulka) : 84
Jéhu : 465
Jésus : 414
Jeu de Şehnaz, Le (Bir Şehnaz Oyun) : 371
Jeu du Cerf : 361
Jeune Homme qui s’en allait pour l’Europe, Le : 309
Jibrân : 414
Joseph et Zoleykha : 263
Jouet, Le (Lebat al-zamân) : 409
Jour de terreur : 356
Joyeuses commères de Windsor, Les (Falstaff, the Braggard Samuraï) : 65
Judas Kiss, The : 87
Juhâ (Djeha) : 408, 420
Juha a vendu son âne (Djeha baa h’merou) : 423
542 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
K
Karakush : 425
Kastner : 466
Kathakaḷi King Lear : 211
Kayagum : 85
Ketchup : 463
Khosrow et Shirin : 263
Kiddoush : 466
Kineret Kineret : 460
Kongjwi et Patjwi (Kongjwi p’atjwi) : 77
Köroğlu (Koröghlu) : 362, 369
Kountchouk et Gioul : 350
Kroum, l’ectoplasme : 462
Kyung-suk et le Père de Kyung-suk (Kyung-suk, Kyung-suki abôji) : 87
L
Lady Macbeth : 84
Laissons mourir Desdémone (li-tamût Desdemona) : 414
Lam’allam ‘Azzûz : 425
Lancelot : 345
Lausanne (Lozan) : 376
Lavoir à la rivière, Le (Susugi-gawa) : 64
Le plus cruel de tous est le Roi : 460, 465
Lem : 419
Lettré arriéré, Le (Ông đồ cổ) : 128
Lettres d’amour, Les (Những bức thư tình) : 132
Lever de lune de l’éveil [de la connaissance], Le
(Prabodhacandrodaya) : 174, 175
Lever de lune de la conscience, Le (Caitanyacandrodaya) : 175
Leyla et Majnun/ Leylâ vü Mecnun/Leyli et Medjnun/ Layli-
Majnun/Majnun et Leyla : 322, 345, 367, 405, 408
Ligne 1 du métro (Chihach’ôl ilbônji) : 85
Ligne de faille, La (Fay hattı) : 377
Lila : 255-256
Livre de Job : 471
Livre des délectations et du plaisir partagé, Le : 426
Index des œuvres et des spectacles 543
Livre des Rois, Le (Shâhnâne, Şehname) : 263, 265, 277, 289, 290, 307,
363
Livre d’Esther : 29, 481
Livres des prophètes : 471
Loi, La (Qânun) : 277
Longue vie à la fraternité : 421
Loups, Les : 352
Lumière de la fin, La (Ant kâ ujhâlâ) : 245
Lumière des ténèbres, La (Nûr al-zalâm) : 410
Lune de miel (Mâh-e ‘asal) : 275
Lutte des ouvriers, La : 427
M
Ma chère Patrie (Baladi, yâ baladi) : 409
Ma mère (Ummi): 415
Macbeth : 126
Madame Butterfly : 62
Madame Julfadan (Julfadan Hanim) : 408
Mademoiselle Julie : 464
Mahābhārata (Mahâbhârata) : 141, 155, 171, 197, 207, 209, 234
Mahāvīracarita (Geste du grand héros) : 216, 226
Mahran le chevaleresque (Al-fatâ Mahrân) : 408
Mains douces, Les (Al-aydi al-nâ’ima) : 406
Maison dans notre passé, La (Khâne az gozashte-ye mâ) : 292
Maison du dragon noir, La (Wulongyuan 烏龍院) : 114
Maître Balthasar (Baghdassar Aghpar) : 342, 343, 344
Maître d’école, Le : 413
Maître de maison, Le : 467
Maître du muqam, Le (Muqam ustazi) : 324
Maître Nowruz le cordonnier (Ostâd Nowruz-e pineduz) : 273
Maîtresse du château, La : 465
Majdalun : 415
Malade imaginaire, Le : 126, 130, 136
Mālavikā et Agnimitra (Mālavikāgnimitra) : 175
Malheur, Le : 346
Malone meurt (Mâlon mimirad) : 293
Manger : 463
Manière dont les héros parlent, La (Lahjat al-abtâl) : 416
Maqâmât : 398
Marchand de tissus, Le : 345
Marchand de Venise, Le : 458
544 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
N
Nains dans le filet, Les (Al-’Aqzâm fi’l-shabaka) : 426
Naissance (Doğum) : 376
Naissance du Prophète : 421
Naissance et l’Olivier : 422
Nam Phong (revue vietnamienne, 1917-1934) : 126
Naṭasūtra (Les Aphorismes de l’acteur) : 176
Natte de Lunja, La (Sâlif Lunja) : 426
Nāṭyaśāstra (Le Traité du théâtre) : 24, 34, 170-172, 176-180, 183-184,
187, 189, 190, 196, 200, 202-203, 211
Navel : 84
Ne sois pas trop étonné (Nômu nollaji mara) : 87
Newton ne connaît rien à l’ordinateur (Newton bilgisayardan ne
anlar ?) : 377
Ngày nay (revue vietnamienne, 1935-1940) : 127
Noces de l’Atlas, Les : 426
Noces de sang (‘Arusi-ye khun) : 298
Notre mère l’Inde (Bhârat Janani) : 234
Notre Seigneur, Sultan Hasan al-Hafsi : 418
Notre vieille dame (Hamârî burhiyâ) : 245-251
Nouveau Venu, Le (al-Wafîd) : 409
Nouvelle Égypte, Ancienne Égypte (Misr al-jadîda wa Misr al-qadîma) :
405
Now Ruz Piruz : 263
Nozigum : 323
Nuit de Weininger, La : 463
Nuit des esclaves, La : 413
Nuit du 20, La : 463
Nuit du dieu, La (Chosin ui Pam) : 82
Nuit où on a tué Che Guevara, La (Laylat masra’a Gevârâ) : 409
Nuit passée assis à l’étage et le Meurtre de Poxi, La, (Zuo lou sha Xi
坐楼殺惜) : 108-115
546 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
O
Ô Nuit, ô Lune (Ah, yâ leyl yâ qamar !) : 408
Ô toi qui grimpes à l’arbre (Yâ tâli’ al-shajara) : 407
Obasute : 63
Obscurité, L’ (al-atma) : 416
Obstination du venin, L’ : 311
Œdipe cet humain (Œdipus kûkôsûn ingan) : 84
Œil du soleil, L’ (Qûlu li ‘Aynaal-shams) : 408
Ogu, forme de la mort (Ogu, chugûm-ûi hyôngsik) : 79
Oiseau bleu, L’ : 274
Oiseau en cage, L’ (Al-usfûr fi’l-qafas) : 404
Oiseaux construisent leurs nids entre les doigts, Les (al-Asâfir tabni
ashâshihâ bayn al-asâbi’) : 415-416
Oiseaux de l’exil (Gurbet Kuşları) : 373
Oiseaux, Les (Kelaynaklar) : 374
Oklahoma : 67
Olivier, L’ (al-Zaytuna) : 417
Ombres (Zilâl) : 414
On achève bien les schahs (Şahları Da Vururlar) : 377
On joue dans la cour arrière : 466
Ongle de Juhâ, L’ (Musmâr Juhâ) :407
Ongles, Les (al-Masâmir) : 409
Ophélie n’est pas morte : 409
Orchidées des cendres, Les (Yangın Yerinde Orkideler) : 376
Oreilles de Midas, Les : 371
Orphelin du désert, L’ (Yatîm al-Sahrâ’) : 424
Otages, Les (al-Rahâ’în) : 410
Otar : 251
Othello : 211, 212, 278
Othello au pays des merveilles (Otello dar sarzamin-e ‘ajâyeb) : 278
Où puis-je trouver les bonnes personnes ?(Minén âjib nâs ?) : 408
Où vas-tu, Payidar (Nereye Payidar) : 373
Ouvrier licencié, L’ : 427
P
Pahlavân kachal : 263
Pain de ménage ou le Pain qui nous est dû, Le. Scènes théâtrales pour voix
humaines et inhumaines, qui n’ont rien à voir avec Jules Renard : 352
Pain, Le : 423
Palestinienne, La : 463
Papillon de Chine (Çin Kelebeği) : 376
Index des œuvres et des spectacles 547
Q
Qadmus : 414
Qalandar-khuneh : 275
Qarqash : 416
Qays et Lubna : 407
Quand le rideau se lève (‘Indamâ yurfa’ al-sitâr) : 426
Index des œuvres et des spectacles 549
R
Rabiye et Saidin : 324
Rākṣasa au sceau, Le (Mudrārākṣasa) : 174
Rāma l’inestimable (Anargharāghava) : 215-232
Rāmāyaṇa / Râmâyana : 17, 155, 174, 207
Rayés, Les (al-Mukhattatîn) : 409
Rebelles, Les (Isyancılar) : 371
Rédacteur de réclamations, Le (al-Ardhalji) : 409
Regarde, bon sang (Iftirâj yâ salâm) : 409
Regret : 310
Reine de Grenade, La : 421
Reine de la salle de bain, La : 462
Remparts, Les (al-Aswâr) : 417
Repaire, Le (Pâtugh) : 276
République des animaux, La (Jumhuriyat al-hayawanât) : 415
Requiem pour un autre temps (Guzrâ huâ zamânâ) : 254
Résurrection des rois perses, La (Rastâkhiz-e salâtin-e Irân) : 273
Revanche arabe, La : 419
Revanche, La (al-Intiqâm) : 414
Rêve palestinien, Le : 416
Rêves de fleurs (Mơ Hoa) : 132
Révolte des Zanj, La (Thawrat al-Zanj) : 415
Révolte du propriétaire de l’âne, La (Thawrat sâhib al-himâr) : 418
R̥gveda (Le Veda des hymnes) : 169, 170
Riche et le Serviteur, Le : 324
Rivière folle, La (Hadhâ al-nahr al-majnûn) : 413
Rockaby : 63
Rodrigue (Lộ Địch) : 128
Roi est le roi, Le (Al-malik huwwa al-malik) : 412, 431-440
Roi du but, le (Gol Kralı Sait Hopsait) : 369
Roi du coton, Le (Mâlik al-qutn) : 408
Roi Lion, Le : 67
Roi Œdipe, Le : 407
550 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Rokumeikan : 67
Roman des Trois Royaumes (Sanguo zhi tongsu yanyi
三國志通俗演藝) : 96, 106
Roméo et Juliette : 345, 419
Rose de Versailles La : 67
Rossignol errant, Le : 276
Route vers la sécurité, La (Sikkat al-salâma) : 409
Rupture (Đoạn tuyệt) : 133
S
Sa Majesté (Sahibat al-jalâla) : 269, 406
Sa renommée est faite : 460
Sabots, Les (Nalınlar) : 372
Sacontalâ, or the Fatal Ring : 165
Sacrifice de la pudeur, Le : 311
Sacrifice, Le (Kurban) : 370
Sadir Palvan : 325
Sainte Jeanne d’Arc (al-Qadissa Jân dark) : 414
Śakuntalā/Shakuntala : 36, 183, 184, 185, 234
Saladin et les Ruses des Assassins (Salâh al-Dîn wa makâ’îd al-
Hashshâshîn) : 405
Salomon d’Alep : 410
Salomon le Sage (Soleymân al-hakîm) : 407
Samak-e ‘Ayyâr : 265
Samson algérien, Le : 421
Samson et Dalila : 415
Sang et la Cendre, Le : 353
Sangsues, Les (Laalegue) : 422
Sanlang saisi vivant (Huozhuo Sanlang 活捉三郎) : 113, 114
Sans aucun écho (Không một tiếng vang) : 132
Sans conscience (Bilâ damîr) : 427
Schéhérazade : 406
Séances de Badi ‘al-Zamân Hamadâni, Les : 427
Secret du suicide, Le (Sirr al-Muntahira) :407
Secret, Le : 407
Secrétaire Cóp, Le (Ông Ký Cóp) : 131-132, 135
Secrets de palais (Asrâr al-qusûr) :494
Séisme, Le : 421
Séparation, La (Ayrılık) : 377
Sept Grains de beauté, Les :426, 449
Serkélé : 490
Index des œuvres et des spectacles 551
T
Tache de sang (Qanliq dagh) : 322
Talmud : 455, 470-486
Tant pis pour elle (Đáng đời cô ả) : 128
552 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Trois jours au Département des finances (Se rue dar mâliye) : 273
Trois Mousquetaires, Les : 87
Troisième Sexe, Le (al-Jins al-thâlith) : 409
Trương Chi : 133
Tsiganes de Jaffa, Les : 463
Tu as mauvaise opinion (Ech rayek talef) : 422
Tubâ : 291
Turcaret : 126
Tyrgatao, la femme guerrière : 351
Tzigane, La : 324
U
Un bain sans eau courante : 414
Un couple (Uyên ương) : 131
Un cri d’enfant (Jarkhat al-tifl) : 405
Un dimanche après-midi (Một chiều chủ nhật) : 132
Un monde d’argent (Unsegye) : 72
Un peuple qui ne mourra pas (Sha’b lan yamût) : 416
Un thé (Haflat shay) : 405
Un trou dans la terre : 420
Un voyage en train (Rihlat qitar) : 407
Une balle dans le cœur (Rasâsa fi al-qalb) : 406
Une demande en mariage : 324
Une femme de feu (Pulkkotûi yôja nahyesôk) : 84
Une laborieuse entreprise : 464
Une nouvelle image : 417
Une prisonnière (Jôsu) : 76
Une soirée avec Abu Khalil al-Qabbani (Sahra ma’a Abi Khalîl al-
Qabbânî) : 412
Une tempête dans un village (‘Âsifa fi qâriya) : 414
Une tour bâtie sur la glace : 351
Une tranche de vie (Qit’at hayât) : 416
Une vie maudite (Hahât tahattamat) : 406
Urwa témoigne et persiste (‘Urwa yahduru zamânuhu) : 426
Uttararāmacarita (Dernières Aventures de Rāma) : 216
Uttaratantra (Le Livre second) : 176
V
Va à l’intérieur de l’éclat de lune (Talbitsokûlo kada) : 84
Va de l’avant, Boualem (Boualem zid el goudam) : 422
Vain espoir : 276
554 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Vamuq-Özra : 322
Vân Muội : 133, 135
Veda : 169-171, 180, 203
Vendredi, les gazelles sont sorties (Youm el djemaa kharjou leryem) : 423
Vérité suprême, La (al-Haqq yalu) : 415
Vers la lumière : 422
Viandes aux enchères (Luhûm fi’l-mazâd) : 427
Victimes de l’injustice, Les : 427
Victoire de l’innocence (Intisâr al-barâ’a) : 424
Victoire du peuple, La : 211
Vieille Chaussure, La : 311
Vieux dirigeants, jeunes dirigeants (Hokkam-e qadim va hokkam-e
jadid) : 273
Village de Shamma, Le (Kufr Shamma) : 416
Village s’appelle la (maison de) la belle famille, moi je m’appelle le
gendre, Le (Gaon kâ nâon sasurâl, mor nâon damâd) : 236
Ville de l’empereur blanc, La (Baidi cheng白帝城) : 101
Ville des contes, La (Shahr-e qesse) : 276
Ville sombre, La (Andher nâgarî) : 234
Ville unipersonnelle, La (Tek Kişilik Şehir) : 377
Visite, La (Didgâr) : 278
Vive la paix ! (Yaşasın Barış !) : 377
Vivre sans argent c’est cher (Parasız Yaşamak Pahalı) : 377
Vizir de Lankaran, Le (Sargozasht-e Vazir khân-e lankaran) : 272
Vladimir Komarov : 376
Voici la tête…Voici le tronc… Voici les ailes (Işte baş, Işte gövde, Işte
kanatlar) : 374
Voie, La (al-Tarîq) : 416
Voile, Le (al-Lithâm) : 422
Voix de son maître, La (Sahibinin Sesi) : 374, 375
Voleur Charandas, Le (Charandas Chor) : 236-239
Voleur d’autobus, Le (Hafila Tassir) : 423
Volpone : 274
Vous venez un peu ? (Biraz Gelir Misiniz ?) : 369
Voyage de Hallâj, Le (Rihlat al-Hallâj) : 408
Voyage de Noé, Le (Amaliyat Nûh) : 410
Voyage derrière le mur (Rihla khârij al-sûr) : 409
Voyage et le Sentiment, Le : 134
Voyage, Le : 432
Voyageur nocturne, Le : 408
Vũ Như Tô : 134
Index des œuvres et des spectacles 555
WXYZ
Wedding Day, The : 84
West Side Story : 67, 84
Yaacobi et Leidental : 462
Yaşar ni vivra, ni ne vivra : 369
Yassin et Bahiya : 408
Yerma : 297
Yughurta : 421
Zahra : 407
Zazia la hilalienne : 419
Zeghirebban ou les Deux Mangeurs de haschisch et les Fils du roi : 420
Zomorroda : 410
Zoo park : 351
Index-lexique
des notions et termes techniques
A
Abhinaya (sanskrit, « registre de jeu ») : 170, 184, 199, 208
Abstraite (représentation) : 43, 175, 374
Absurde (théâtre de l’) : apparaît en tant que genre dans les années 1950
dans les théâtres francophones (Ionesco, Beckett) et anglophone (Pinter),
avec deux principales caractéristiques, la déraison et la dérision : 22, 43, 44,
68, 78, 275, 276, 294, 373, 374, 377, 407, 409, 410, 414, 423
Acte : principe de structuration et de division de la pièce basé sur la
découpe narrative : 210, 217, 218, 222-227, 276, 336, 353, 371, 411,
417, 456, 479, 484, 499, 501
Acteur : personne représentant sur scène un personnage : 18, 22, 50, 58,
93, 98, 104, 114, 152, 161, 167, 171, 187, 207, 212, 223, 224, 227, 235,
237, 250, 308, 312, 318, 325, 329, 363, 397, 411, 413, 420, 437, 441,
478, 499
Action : processus qui détermine la suite d’événements appelée
intrigue : 14, 19, 22, 28, 89, 147, 166, 171, 245, 249, 336, 412,
Adaptation : transformation d’un texte non dramatique en texte pour la
scène, ou traduction d’une œuvre dramatique visant, au-delà de la
fidélité littéraire, à retrouver l’efficacité théâtrale du texte original : 36,
72, 78, 85, 87, 87, 126, 134, 138, 179, 323, 402, 422, 423, 463,
Adbhuta : registre merveilleux du théâtre sanskrit : 217, 220, 221
Agounot (littéralement « délaissées », hébreu) : femmes ne pouvant être
déliées de leurs liens de mariage ni prétendre à une autre union, faute
d’acte de divorce ou de témoignage du décès de leur époux : 479
Alaukika : qui n’est pas de ce monde, extraordinaire (sanskrit) : 181
Alaukikatva : non-appartenance au monde (sanskrit) : 182
Aliénation : 355
Allégorie : personnification d’un concept abstrait : 275
Alliance (avec Dieu, judaïsme, christianisme) : 480
Amateur (théâtre ou acteur) : 57, 72, 104, 106, 418, 422, 425
Anâtra : conteurs spécialisés dans la récitation du Roman d’Antar : 397
Angura : version japonaise du théâtre underground : 44, 67
558 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
B
Banshi bianhua ti 板式變化体 : système musical dit « à variations
rythmiques », employé par plusieurs genres modernes du théâtre chanté
chinois (xiqu), dont l’opéra de Pékin : 100
Barong : transe collective balinaise aux effets cathartiques : 27
Beiguan 北管 : genre dramatique provincial chinois (Taiwan) : 105
Bhakti : sentiment dévotionnel, terme utilisé dans l’hindouisme pour
désigner l’amour ressenti par le dévot à l’égard de son dieu personnel :
185, 196, 198, 233
Bharatanāṭyam : une des huit danses classiques, de l’État de Tamilnadu,
dans le sud de l’Inde, dont les origines remontent à la tradition des dan-
seuses de temple : 205
Bhāṣya : commentaire (sanskrit) : 178
Bhāva : affect (sanskrit) : 177, 196, 202, 219, 225
Bianlian 變臉 : changement de maquillage effectué en scène par l’ac-
teur, Chine : 112, 115
Bouffon : personnage lucide et insolent occupant une place importante
dans la littérature dramaturgique grâce à un mélange subtil de sagesse et
de folie : 23, 168, 172, 222, 235, 263, 397, 413
Boulevard (théâtre de) : théâtre de divertissement teinté d’érotisme,
mais possédant aussi une dimension satirique, voire politique : 124, 370,
426
Brahmodya : joute poétique (sanskrit) : 169
Index-lexique des notions et termes techniques 559
C
Cadre énonciatif : contexte de la production du discours : 433, 437,
438
Cải lương : « théâtre rénové » né de chants et de danses du Sud Vietnam
et devenu un genre théâtral dans les années 1920 : 129, 137
Cākyār : acteurs-conteurs professionnels du Kūṭiyāṭṭam, Kérala, Inde :
185, 194, 198, 205
Calendrier religieux : 96, 142
Canjun xi 參軍戯 : « jeu du sous-officier », dialogue comique médiéval
chinois : 95
Catharsis : ce mot grec signifiant « purgation » est employé par Aristote
pour désigner l’effet produit par la tragédie qui soumet le spectateur à
des émotions violentes dont il se trouve ainsi « purgé » : 28-29, 185,
186, 479, 483
Censure : limitation de la liberté d’expression et du pouvoir de
persuasion du théâtre au nom d’impératifs divers, politiques, religieux,
moraux : 35, 36, 38, 39, 42-45, 56, 59, 73, 75, 76, 78, 80, 81, 83, 114,
125, 234, 273, 274, 277, 278, 284, 286, 297, 298-303, 330, 334, 363,
367, 388, 408, 410, 411, 415, 418, 420, 424, 427, 443, 497
Cérémonie : 27, 60, 79, 80, 158, 169, 171, 172, 265, 335, 399, 446, 474
Cham : danses religieuses masquées népalaises : 141
Chang, nian, zuo, da, 唱念做打 : « le chant, la psalmodie, la gestuelle,
le combat », les quatre registres indispensables à l’acteur de xiqu
(« opéra » chinois) : 111
Chanson des cinq veilles de la nuit (wugeng ge 五更歌) : forme
poétique populaire chinoise : 109
560 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
D
Dan 旦 : protagoniste féminin, catégorie d’emploi du théâtre chanté
chinois traditionnel : 93, 94, 101, 103, 109, 111
Danse : 16-19, 21, 23, 24, 25, 27, 34, 37, 43, 45, 51, 52, 65, 67, 68, 82,
83, 89, 111, 112, 118, 127, 141, 143, 146-148, 150, 152, 156, 156, 161,
164, 177, 182, 193, 196-198, 200, 205, 212, 221, 224-225, 227, 233,
234, 239, 262, 300, 322, 369, 382, 398, 402, 408, 415, 419, 421, 494
Danses et chorégraphies martiales : 101, 105, 106
Décor : matériel scénique destiné à servir la scénographie en créant
l’illusion d’un lieu précis : 14, 15, 21, 25, 45, 73, 88, 109, 115, 183, 262,
298, 317, 385, 414, 444
Dengaku : à l’origine un ensemble de danses et de chants liés à la
riziculture, enrichis plus tard d’éléments acrobatiques, et qui développa
ensuite son propre répertoire au Japon : 53
Dénouement : résolution des conflits qui constituaient l’intrigue : 175,
185, 300
Dharma : ordre sociocosmique (sanskrit) : 154, 179, 189, 203, 220, 238
Dialogue : échange de répliques entre plusieurs personnages : 43, 109,
110, 141, 143, 168, 169, 170, 180, 183, 184, 246, 252-255, 262, 292,
364, 377, 385, 436
Didactique (théâtre) : 21, 27, 29, 31, 36, 37, 178, 234, 312, 403, 404,
415, 423, 443
Didascalie : éléments du texte théâtral non destiné à être prononcé sur
scène, ébauchant la mise en scène prévue par l’auteur : 433 sqq
Diègèsis : récit des faits, par opposition à la mimèsis qui les montre :
166
Difang xi : « théâtres locaux » (difang xi 地方戲), genres dramatiques
provinciaux chinois :
562 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
E
Éclairage : 19, 63, 274
Effet : conjonction d’éléments scéniques visant à provoquer une émo-
tion et une réaction chez le spectateur : 21, 85, 96, 383, 434
Ego/Je : 187, 438
Émotion : 152, 202, 210, 286
Ennen : pièces accompagnées de danses, se donnant dans les centres
religieux à l’occasion de certaines cérémonies au Japon : 53
Enseignement : 55, 60, 101, 180, 207, 314, 322, 470, 472
Épique : 40, 81, 227, 234, 260, 263, 329, 344-346, 349, 369, 372, 431,
472
Erhu 二胡, violon à deux cordes, instrument d’accompagnement du
théâtre chanté chinois (xiqu) : 104
Erhuang 二簧 : mélodies originaires de la Chine du Centre Sud
employées notamment par l’opéra de Pékin : 98, 111
Espace : 25, 35, 45, 71, 72, 80, 82, 86, 88, 89, 93, 148, 120, 152, 153,
177, 183, 234, 271, 281, 282, 283, 285, 294, 295, 298, 301-303, 312,
313, 317, 331, 333-335, 400, 433, 437, 438, 441, 445, 446, 448-450,
470, 477, 482
Esthétique : 16, 28, 31, 44, 45, 62, 63, 78, 82, 83, 113, 117, 149, 163,
168, 177, 179-183, 185-189, 194, 202, 211, 216, 219, 220, 221, 225,
228, 229, 256, 284, 288, 327, 331, 347, 348, 368, 378, 396, 498
Index-lexique des notions et termes techniques 563
Existentialisme : 235
Exorcisme : 53, 79, 97, 399
Expérience esthétique : 124, 186, 189, 218, 219, 225
Expérimental (théâtre) : concept illustré par des tentatives indivi-
duelles, sans unité esthétique ni appartenance à une école, dont le
principe est l’exigence d’innovation systématique par subversion de tous
les codes : 33, 49, 75, 89, 356, 411, 419, 456, 460, 463, 464
Expérimentation : 44, 63, 124, 275, 331, 371, 416, 422, 425, 426
F
Fable : suite de faits, récit sans causalité : 166, 373, 382, 413, 433, 434,
437, 438, 439
Fantôme : 111-115
Farce : courte pièce reposant sur l’affrontement de personnages
populaires :17, 23, 30, 36, 39, 44, 64, 175, 222, 223, 234, 237, 238, 261,
278, 361, 366, 367, 374, 425, 455, 482
Fashi 法師 « maîtres de rituel : prêtres de la Chine rurale : 105
Fastnachtspiel (« pièces comiques ») : 481
Femme(s) (au théâtre) : 101, 102, 111, 135, 210, 221, 235, 247, 250,
254, 263, 264, 278, 287, 290, 292, 293, 301, 317, 351, 374, 377, 390,
400, 420, 424, 466, 476, 478-480, 483, 484, 500
Festival : 17, 61, 65, 68, 79, 89, 96, 212, 269, 275, 277, 279, 290, 307,
314-318, 375, 389, 403, 411, 413, 415, 418, 425, 463
Fête (et théâtre) : 26, 27, 29, 96, 113, 143, 145-147, 154, 158, 172, 233,
242, 260, 268, 336, 343, 377, 399, 400, 401, 426, 456, 470, 472
Figuration : 153, 229
Foire/forain : 29, 53, 344, 382, 396
Fonous khaïol : théâtre d’ombres centrasiatique : 30, 329
Formation (du comédien) : 24, 51, 62, 64, 65, 74, 101, 135, 137, 156,
202, 424, 425, 450
G
Gagaku : terme générique désignant la musique instrumentale et les
danses de cour importées de Chine au Japon aux VIIe et VIIIe siècles : 53,
65
Genre (théâtral) : 17, 18, 33, 49, 50, 53-66, 68, 69, 85, 92, 94, 95, 97-
99, 100, 102, 103, 105, 114, 116, 126, 137, 138, 141, 142, 160, 175,
176, 201, 204, 223, 233, 240, 261, 262, 265, 288-289, 294, 311, 328,
329, 344, 345, 348, 351, 364, 367, 369, 394, 396, 398, 403, 405, 414,
458, 460, 462, 464, 465, 467, 471, 474, 482
564 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
H
Hadith : 396
Halqa : cercle formé autour d’un conteur-troubadour ou autre artiste
populaire dans les pays arabes, évoquant le théâtre en rond : 17, 45
Hamle-khâni : récitation en Iran de parties d’un ouvrage de Mohammad
Rafi’ Bâdhel décrivant les hauts faits de l’imam ‘Ali : 265
Hangdang 行當 : catégories d’emplois (juese角色) du théâtre chanté
chinois (xiqu) : 92
Happening : spectacle en forme d’événement, populaire aux États-Unis
dans les années 1960, investissant des lieux réels et remplaçant le jeu
des acteurs par des tâches réelles afin de provoquer l’étonnement ou le
choc émotif : 410
Haskala : Renaissance juive : 472, 473, 488, 491, 496
Héroïque : 457
Héros : 23, 32, 97, 99, 112, 117, 134, 150, 160, 167, 172, 175, 187, 194,
207, 212, 219, 226, 233, 245, 260, 262-264, 272, 273, 277, 309, 323,
325, 330, 350, 365-367, 371, 375, 377, 378, 382, 385, 386, 390, 400,
402, 410, 459, 462
Hikoïa : récit mimé ou drame narratif centre-asiatique : 17, 328
Hommes groupaux : 444
Huaben 話本 : nouvelles chinoises en langue vulgaire : 95
Humour : 76, 194, 329, 337, 342, 369, 388, 390, 405, 409, 484
Index-lexique des notions et termes techniques 565
I
Illusion : 20, 21, 390
Imitation : 19, 20, 22, 28, 51, 92, 181, 365, 401, 483
Improvisation : 17, 43, 79, 150, 239, 262, 329, 345, 381, 383, 388, 416,
481
Indépendance/décolonisation : 36, 39, 40, 74, 235, 309, 327, 330, 331,
333-335, 341, 349, 350, 351, 418, 421-423, 425-427, 441, 443, 459
Individu : 22 ? 23, 187, 246, 261, 284, 285, 290, 302, 332, 334, 349,
362, 365, 374, 376, 444, 445
Indradhvajamaha : fête de l’étendard d’Indra (sanskrit) : 172
Interaction : 122, 149, 159, 239, 285, 296, 329, 336, 362, 409, 412,
329, 336, 362, 409, 412, 434
Intermède : bref divertissement donné entre les actes de la pièce
principale : 31, 53, 64, 65, 106, 142, 159, 449
Interprétation : exploration des diverses significations possibles d’un
texte par l’auteur, le metteur en scène et l’acteur en vue de les proposer
aux autres : 18, 88, 157, 158, 228, 229, 387, 463, 469, 470, 471, 472,
483, 484
Intrigue : ensemble des éléments qui constituent la trame dynamique
d’une pièce en soulignant l’enchaînement causal des événements : 44,
59, 61, 68, 91, 98, 99, 106, 108, 113, 115, 124, 148, 151, 172, 174-177,
183, 184, 226, 227, 229, 239, 326, 349, 369, 385, 389, 460, 471
Ironie : 34, 40, 73, 76, 222, 239, 243, 256, 337
Islam : 32, 39, 166, 261, 271, 281, 294, 322, 362, 383, 393-396, 413,
422
J
Jagadānanda : félicité cosmique (sanskrit) : 189
Jatra : forme théâtrale bengalie : 233
Jeu (forme dramatique) : 17, 34, 153, 160, 183, 185, 190, 194, 196-198,
201, 245, 263, 265, 270, 309, 434-439, 471
Jeu (interprétation) : 14, 18, 20-22, 24, 44, 57, 73, 79, 82, 83, 85, 87,
88, 92, 101, 106, 149, 163, 177, 182-184, 195, 199, 200, 202-204, 208,
209, 211, 212, 224, 263, 274, 284, 308, 309, 310, 311, 314, 316, 317,
383
Jhânki : « tableaux vivants », forme théâtrale du Népal : 28, 153, 160-
161
Jiajiang 家將, « généraux de la maisonnée » : danse martiale exorciste,
Taiwan : 105
566 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
K
Kabuki : forme traditionnelle du théâtre japonais née au XVIIe siècle,
caractérisée par des intrigues violentes, et des costumes et décors
somptueux : 19, 33, 50-52, 54-62, 67, 68
Kagura : danses, chants, pantomimes et saynètes originellement
destinés au divertissement des divinités du shintoïsme au Japon : 27
Kakṣyā : aire scénique (sanskrit) : 177
Kalam malhun (forme spectaculaire répandue au Maghreb consistant
entre un récit drôle exécuté par un récitant et de refrains chantés par un
chœur de jeunes gens) : 399
Karagöz (litt. « œil noir ») : théâtre d’ombres turc : 13, 17, 23, 30, 35,
263, 364, 381, 391, 401
Kārikā : vers mnémoniques (sanskrit) : 178
Kathakaḷi : « histoire jouée », aussi appelé « théâtre dansé », l’une des
formes les plus abouties des arts scéniques du Kérala (Inde) : 19, 23, 28,
172, 179, 180, 193-213
Katsureki-geki : livrets de kabuki respectant la vérité historique, fin
e
XIX siècle, Japon : 56
Kāvya : poésie (sanskrit) : 181
Kharja de Sidi Bou Saïd : procession en l’honneur d’un marabout en
Tunisie : 399
Khayâl al-zill/garaguz : théâtre d’ombres arabe : 30, 398
Index-lexique des notions et termes techniques 567
L
Lâkhay pyâkhã : danses de démons du Népal : 143
Lāsyāṅga : intermèdes (sanskrit) : 184
Lettré (théâtre) : 16, 33, 97, 99, 100, 102, 113, 270, 399, 420
Lha-mo : théâtre musical donné dans les monastères tibétains : 27
Liangjia zidi hui 良家子弟會 (« Sociétés des disciples de bonnes
familles ») : appellation de troupes amateurs chinoises visant à les
distinguer des comédiens professionnels : 106
568 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
M
Madanggûk : « théâtre de place publique », théâtre politique
d’intervention en Corée : 41, 45, 78-80
Mahāvākya : « grande phrase » (sanskrit) : 179
Mak yang : spectacle dansé de Malaisie : 19
Manuscrit : 502
Maqâma : genre littéraire arabe au croisement du récit et du théâtre : 45,
398, 408
Maquillage : 20, 23, 25, 93, 111, 112, 115, 127, 131, 195, 198, 199,
202, 203, 211, 262, 274, 283
Marionnettes (à gaine, à tige, à fils) : 20, 23, 27, 29, 30, 32, 34, 43, 68,
233, 259, 260, 263-264, 274, 276, 313, 316, 328-329, 361, 362, 365,
382, 388, 389, 399, 411
Marthiye khâni : « récitation d’eulogie », Iran : 265
Maskhara : farce arabe : 17, 397
Masque : 17, 19, 21, 23, 26, 28, 52, 61, 63, 64, 71, 96, 97, 106, 115,
127, 141-144, 146, 148, 151-159, 161, 196, 198, 238, 260, 261, 271,
275, 278, 321, 362, 397, 399, 400, 482
Meddah : art du conteur dans la sphère culturelle arabe et turque : 17,
32, 35, 45, 361, 363, 382, 422, 423
Médiéval (théâtre) : 15, 21, 22, 26, 52, 64, 95, 146, 395, 425
Mélodrame : genre théâtral au schéma simple et manichéen, à ambition
morale et à dénouement heureux : 19, 37-39, 56, 59, 67, 73-75, 367,
369, 402, 404, 460, 464, 465, 494
Merveilleux : 186, 217, 220, 425
Métaphore : 21, 170, 223, 224, 235, 242, 246, 275, 333, 337, 388
Métadispositif : 446
Métathéâtre : 215-232
Index-lexique des notions et termes techniques 569
Metteur en scène : 14, 45, 79, 82, 83, 86, 88, 89, 114, 135, 136, 226,
235, 239, 270, 283, 286, 290, 293, 295, 297-301, 310, 311, 322, 332,
334, 335, 415, 427, 441, 442, 444-446, 449, 462, 471, 483
Midrash : 472, 473, 476, 479 482-484,
Mime : genre théâtral reposant entièrement sur le langage du corps et la
gestuelle : 17, 19, 24, 30, 32, 36, 93, 109, 111, 234, 363, 382, 397, 399,
421
Mimèsis : mot grec signifiant « imitation » ; pour la théorie
platonicienne, l’œuvre d’art est une imitation de la réalité : 19, 20, 21,
166, 181, 183, 483
Minzoku geinô : arts populaires japonais regroupant un ensemble
extrêmement varié de manifestations incluant les danses, pantomimes,
processions et saynètes insérées dans les célébrations organisées dans
les enceintes des temples et sanctuaires, mais aussi dans le cadre plus
profane des fêtes de quartier ou de village : 65-66
Mise en abyme, « théâtre dans le théâtre » : 183, 217, 218
Mise en scène : conception et structuration des composants de la
représentation théâtrale à partir d’un point de vue directeur : 21, 72, 82-
84, 86, 96, 109, 114, 115, 122, 132, 135, 138, 163, 197, 204, 210-212,
218, 224, 226, 239, 260, 273, 274, 284, 291, 295-297, 299, 310, 311,
317, 321, 322, 332, 336, 412, 426, 433, 441, 443, 444, 446, 449, 450,
457, 462, 471
Modernité : 33, 35, 40, 43, 49, 54, 59, 65, 94, 116, 122, 309, 368, 378,
388, 409, 418, 419, 482
Mōhiniyāṭṭam, ou « Danse de l’Enchanteresse » : une danse de femme,
qui met l’accent sur le charme et la séduction, Inde : 200, 205, 212
Mokṣa (sanskrit, « délivrance d’ici-bas ») : 179, 220
Monologue : procédé qui consiste à révéler des pensées au spectateur
grâce à un personnage parlant seul sur scène : 18, 229, 374, 407, 501
Monothéisme : 30, 484
Moqoladi : comédie traditionnelle en Afghanistan : 32
Morale : 28, 29, 39, 103, 104, 287, 298, 330, 368, 370, 371, 424, 450
Mudrā : sanskrit, « geste stylisé et codifié » :150, 156, 198-201, 208,
211
Muhaddithîn : « raconteurs », récitateurs du Roman de Baybars : 398
Muqallid : imitateur, acteur, monde arabe : 396
Musique/Musical : spectacle dansé et chanté : 19, 33, 49, 50, 57, 63,
67, 84, 85, 89, 92, 98, 99, 134, 151, 156, 157, 182, 194, 198, 233, 234,
250, 256, 262, 273, 276, 311, 324, 345-347, 356, 369-371, 406, 494
Muṭiyyēṯṯu (littéralement « mise en place de la coiffe ») : théâtre rituel
d’Inde, célébrant la déesse Bhadrakālī qui, au cours d’un combat
déchaîné, met à mort le démon Dārika : 194
570 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
N
Nach : forme théâtrale du Chattisgarh : 233, 236
Nahda : Renaissance arabe : 468
Naqqâli/ qavvâli : drame narratif de caractère épique ou picaresque
(Perse) : 17, 265
Narrenfest (« fêtes des fous ») : 481
Nāṭikā : comédie de harem (sanskrit) : 175, 176, 228
Naturalisme/naturaliste (théâtre) : théâtre répondant à la triple
exigence du « naturel », de la « vérité », et de l’existence d’une portée
sociale : 21, 93, 276, 285
Nāṭya : théâtre (sanskrit) : 182, 197
Nāṭyaveda : « Veda du théâtre » (sanskrit) : 170
Nautanki : forme théâtrale d’Uttar Pradesh : 233
Nbitet el ballut (« veillée du mensonge ») : sketch comique tunisien :
399
Ningyô jôruri ou bunraku : théâtre de poupées, Japon : 54
Nô (sarugaku no nô) : théâtre japonais mimé, chanté, et dansé,
accompagné par un chœur et quelques instruments : 13, 16, 19, 20, 23,
29, 33, 50-55, 58-65, 68, 400
Nômai : danses anciennes survivant dans quelques fêtes locales, Japon :
66
Nuo 儺 ou danuo « grand nuo » (大儺) : danse exorciste antique
(Chine) : 96-97, 105, 116
Nuoxi 儺戲 (« théâtre nuo ») : théâtre exorciste chinois : 105
O
Off-Broadway : théâtre de réaction contre le système commercial de
Broadway : 66, 67
Offrande (théâtre en tant qu’) : 26, 27, 97, 196, 203
Ombres (théâtre d’) : forme dramatique consistant à accompagner une
narration rituelle, épique ou satirique de la projection sur un écran
d’images d’objets fixes ou articulés, manipulés par un montreur : 23, 27,
30, 32, 34, 45, 263, 329, 361-364, 381-391, 398, 408
Index-lexique des notions et termes techniques 571
PQ
P’ansori : long poème narratif coréen d’origine rituelle, remontant au
e
XVIII siècle, dont le récitateur est accompagné d’un percussionniste,
véritable partenaire : 71, 72, 73
Pai (派) : lignée fondée par les disciples d’un acteur célèbre pour
perpétuer son style, Chine : 98
Pantomime : genre théâtral utilisant le langage corporel ou art mimique
codifié, variant selon les cultures : 18, 19, 28, 43, 52, 65, 127, 239, 262,
309, 329
Parde dâri (« spectacle avec rideau ») ou shamâyel dâri (« spectacle
avec images ») : narration religieuse avec support d’images, Iran : 265,
269
Parodie : imitation dans un style bouffon d’une œuvre sérieuse : 245,
328, 331, 362, 386
Participation (des spectateurs) : 24, 27, 85, 282, 401
Pathétique : 166, 186, 270
Patrimoine : 32, 34, 44, 45, 69, 162, 233, 289, 294, 308, 328, 334, 389,
396, 410, 418, 420, 422, 425, 426, 442, 447, 464
Pauvre (théâtre) : 26, 266
Performance : théâtralisation de l’acte et de l’œuvre : 16, 17, 24, 27,
35, 44, 51, 65, 72, 79, 80, 83, 85-89, 136, 142-144, 14-149, 156, 157,
161, 162, 194, 236, 247, 259, 265, 284, 297, 302, 331, 337, 361, 394,
396, 397, 402, 412, 414
Péripétie : événement inattendu qui modifie le cours de l’action, « coup
de théâtre » : 131, 132
Plateau : espace scénique où évoluent les acteurs : 295, 296, 337, 353
Poésie (et théâtre) : 17, 18, 87, 100, 111, 181, 184, 202, 222, 256, 270,
301, 302, 363, 398, 408, 443
Politique (théâtre) : 21, 25, 33, 34, 36, 37, 39-42, 45, 55, 64, 67, 73, 76,
79, 80, 83, 85, 123, 124, 142, 143, 175, 176, 211, 229, 233, 235, 236,
256, 273, 282, 283, 291, 294, 303, 308, 309, 318, 331-333, 337, 338,
572 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
344, 346, 367, 368, 372, 382, 388, 390, 406-413, 415-417, 420-424,
428, 431, 443, 461-465, 500
Populaire (théâtre) : 17, 23, 25, 28, 32-34, 36, 39, 40, 45, 53-55, 59, 65,
68, 72, 79, 85, 121, 159, 163, 169, 194, 210, 233-235, 256, 259, 260,
262, 275, 332, 362, 366, 381, 382, 395, 399, 404, 406, 419, 422, 431
Pourim : 29, 456, 470, 473, 482
Pourimspiel : pièce hébraïque jouée pour la fête de Pourim et
commémorant l’épisode postbiblique du Livre d’Esther : 27, 29, 31,
456, 473, 482, 484, 493
Prakaraṇa : comédie de mœurs (sanskrit) : 175, 222, 227
Pratyakṣakalpapratīti : expérience quasi directe (sanskrit) : 185, 187
Préthéâtrale (forme) : 401
Professionnels (acteurs et troupes) : 24, 32, 44, 54, 64, 84, 91, 105, 194,
262, 274, 277, 308, 315, 317, 324, 331, 362, 389, 397, 446
Prologue : 168, 172, 217, 222, 262, 270, 364, 378, 385, 390
Prostitution/prostitué(e)s : 102, 103, 276, 373, 457
Provocation : 68, 237, 450
Psychologique (théâtre) : 23, 174, 210, 278, 373-374, 409
Public : 13, 14, 18, 19, 22, 24-25, 27, 29, 33, 37, 39, 45, 54, 55, 57-61,
66, 67, 78, 80, 83, 85, 87-89, 94, 95, 101, 103, 104, 109, 111, 112, 114,
116, 117, 123, 124, 127, 128, 136-138, 148, 162, 193, 205, 211, 217,
225, 227, 233, 234, 238, 239, 262, 271, 272, 281, 284, 285, 289, 296,
300, 301, 303, 309-313, 316-318, 329, 330, 335-337, 343, 348, 362-366,
370, 377, 382, 383, 385-387, 390, 394, 399, 400, 404, 406, 408, 409,
411, 412, 414, 415, 419-424, 426, 431, 435, 436, 438, 439, 445, 458-
460, 462, 463, 470, 484, 487, 492, 493, 495, 496, 499, 501
Pudeng’e 撲燈蛾 : séquence rythmique rapide de l’opéra de Pékin : 110
Pūrvaraṅga : l’« avant-scène », rituel théâtralisé préliminaire à la
représentation (sanskrit) : 167, 172
Putri : danse malaise consistant en un rite médiumnique propitiatoire et
conjuratoire : 27
Qu 曲 (« airs ») : forme poétique et dramatique chinoise : 92
Qupai liantao ti 曲牌聯套体 : système musical dit des « séquences de
mélodies » employé par la plupart des genres anciens du théâtre chanté
chinois (xiqu) dont le Zaju et le Kunqu : 100
R
Radiophonique (théâtre) : 377, 424
Rāga (sanskrit, « mode musical ») : 198, 202, 204, 210
Rajas : principe d’activité et de passion (sanskrit) : 189
Rakugo : art du conteur de courts récits comiques, Japon : 68
Index-lexique des notions et termes techniques 573
S
Sahr̥daya : homme « cordial », sensible (sanskrit) : 188, 208
Saixi 赛戲 (ou saishe xi 赛社戲 ou saishen xi 赛神戲) : « théâtre
d’offrande aux dieux du lieu », théâtre rituel de Chine du Nord : 105
Samaja : comédie traditionnelle arabe : 30, 397
Saṃgītaka : « concert », synonyme de nāṭya (sanskrit) : 182
Saṃskāra : traces de l’expérience (sanskrit) : 187
San.yue : nom chinois du sangaku japonais : 64
Sangaku : Jeux divers, de type forain, originaires de Chine et d’Asie
centrale, introduits au Japon au cours du VIIIe siècle : 64
Sangît : 233, 234
Śāntarasa (sanskrit, « tranquillité ») : 219, 220
574 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Social(e) (théâtre, dimension) : 144, 220, 234, 278, 294, 337, 402, 406,
418, 420, 465, 500
Soltân Tolba : spectacle traditionnel marocain basé sur un simulacre de
souveraineté accordé à un étudiant pour une journée et parodiant la vie
politique locale : 399
Sôshi shibai : théâtre des militants des mouvements libéraux dans les
années 1880 au Japon : 56
Spectateur : 18-22, 26, 29, 31, 40, 80, 89, 92, 114, 127, 166, 180, 182-
188, 193, 199, 201-203, 207, 268, 245, 287, 290, 296, 301, 371, 376,
383, 386, 433, 335, 336, 338, 442-449, 498, 499
Stambeli : rite d’exorcisme tunisien : 396
Stylisation : 20-22, 24, 92-94, 245
Super-kabuki : genre spectaculaire développé par Ichikawa Ennosuke
dans les années 1970, Japon : 61
Superstition : 94, 114, 272, 346, 367, 418, 460
Surréalisme/surréaliste (théâtre) : 20, 42, 43, 411, 413
Sūtra : énoncé aphoristique (sanskrit) : 63, 178
Sūtradhāra : directeur de la troupe (sanskrit) : 168, 226
Svātantrya : liberté (sanskrit) : 188
Symbolisme/symboliste (théâtre) : 22, 35, 42, 43, 44, 275, 288, 318,
377, 405, 409
T
T’alchum : danse masquée coréenne faisant partie des rituels
chamaniques : 71
Ta‘ziye : drame rituel chiite commémorant le martyre de l’imam
Husayn : 17, 20, 23, 24, 27, 29, 34, 44, 265-271, 275, 289, 295, 296,
396, 443
Tableau : 153, 160, 290
Taishûgeki : « théâtre populaire » assuré par de petites troupes itiné-
rantes, Japon : 68
Tamasha : forme théâtrale marathe : 233
Tamâshâ : genre spectaculaire traditionnel persan s’apparentant à la
comédie : 261, 262
Tanaïm : maîtres juifs des premiers siècles de l’ère chrétienne : 472
Tanzimât : mouvement réformiste laïque intervenu dans l’Empire
ottoman : 39, 365, 366, 367
Taqlid : genre spectaculaire traditionnel persan s’apparentant à l’imi-
tation mimétique : 261
Tauryatrika : « triple musicalité », synonyme de nāṭya (sanskrit) : 182
Tchodir jamol : théâtre de marionnettes en Asie Centrale : 30, 329
576 Théâtres d’Asie et d’Orient. Traditions, rencontres, métissages
Télévision (et théâtre) : 33, 35, 51, 62, 65, 66, 77, 116, 134, 143, 162,
269, 274, 275, 313, 325, 336, 370, 410, 448
Temple : 24, 64, 66, 94, 97, 105, 127, 144, 145, 160, 161, 194-196, 204,
205, 245, 474, 481
Temps : 20, 29, 93, 96, 183, 190, 285, 342, 438, 442, 444, 448
Texte : 14-19, 46, 47, 51, 82, 83, 84, 87, 88, 99, 100, 135, 148, 168,
177-179, 182, 184, 185, 190, 195, 196-198, 201, 202, 208, 239, 246,
255, 259, 262, 266, 270, 298, 394, 398, 414, 418, 444, 449, 471, 483
Tēyyam (forme corrompue de Daivam, « dieu ») : un rituel théâtralisé
du nord du Kérala (Malabar) : 194
Théâtralité : 27, 43, 168, 171-173, 176, 179, 182, 183, 185, 400, 401,
471
Théorie dramatique : 173, 176, 217
Thora : 471, 474, 477, 479, 480, 482, 483
Tongsu xiaoshuo 通俗小說 : roman chinois en langue vulgaire : 107
Traduction : 57, 78, 104, 107, 126, 165, 216, 274, 343, 345, 349, 352,
490
Tragédie : genre théâtral sérieux où le héros prisonnier du destin lutte
pour sortir d’une situation difficile : 17, 18, 21, 28, 46, 50, 68, 130, 131,
166-168, 185, 268, 323, 366, 395, 396, 404, 408, 464, 469, 491, 500
Transgression : 242, 337
Travesti/travestissement : 103, 395, 476, 482, 399
Trigata : la « triple [séquence, ou conversation] » (sanskrit) : 168
Tuồng : tradition théâtrale savante vietnamienne, basée sur le chant et la
danse, née aux environs du XIVe siècle, et marquée par l’influence du
théâtre chinois classique, également appelé hát bội : 16, 19, 25, 30, 33,
121, 123, 127, 128, 134, 135, 137, 138, 139
UVXYZ
Umuk Tangu : rite incantatoire tunisien : 399
Ur-theatre ; prototheatre : 14, 27
Vaudeville : 367
Vidūṣaka : bouffon (sanskrit) : 168, 222
Violence : 28, 30, 40, 41, 81, 83, 110, 115, 257, 290, 317, 353, 354, 376
Vīra : registre héroïque du théâtre sanskrit : 217, 220, 222
Voix : 18, 21, 22-23, 32, 43, 72, 93, 115, 184, 186, 198, 210, 236, 240,
244-256, 270, 271, 288, 293, 363, 384, 380, 398, 414, 435, 437, 471
Vraisemblance : 21
Vyutpatti : instruction (sanskrit) : 179
Xiangsheng 相聲 : dialogue comique chinois moderne : 95
Index-lexique des notions et termes techniques 577
Paris en 2000. Elle a créé des spectacles de contes et animé des confé-
rences et des lectures-spectacles, en collaboration avec la librairie Les
Lettres persanes. Son spectacle bilingue Histoires de rois a été présenté
au Festival d’Avignon en 2003, puis en tournée en Asie centrale. Elle a
enseigné à la faculté des beaux-arts de Kaboul, réalisé des programmes
pour la radio afghane, et participé à l’organisation du 3e Festival natio-
nal de théâtre afghan. Elle fait actuellement partie de la compagnie
Hasards d’Hasards. Elle est directrice-adjointe de l’Institut français en
Afghanistan où elle est chargée des programmes culturels.
Jean-François CLÉMENT a été jusqu’en 2002 professeur de philo-
sophie et d’architecture avant de prendre des responsabilités à l’Institut
commercial de Nancy (ICN). Il travaille depuis au Maroc comme expert
de l’UNESCO et comme consultant du ministère de la Culture. Il a
participé à la réalisation du Musée de Bank al-Maghrib avant d’établir la
préfiguration de l’Institut national supérieur de la musique et des arts
chorégraphiques (INSMAC) et, actuellement, du Musée national d’art
moderne (MNAC).
Corinne CONTINI-FLICKER, maître de conférences en littérature
française à l’université d’Aix-Marseille, agrégée de lettres modernes,
consacre ses travaux au théâtre. Elle a collaboré au Dictionnaire des
pièces françaises du XXe siècle (J.-Y. Guérin [dir.], Champion, 2005), a
dirigé les ouvrages collectifs La Comédie en mouvement. Avatars du
genre comique au XXe siècle (Publications de l’université de Provence,
2007) et Jean Vauthier, un poète à la scène (Champion, 2012) ; elle est
l’auteur de Shakespeare et les Elisabéthains au XXe siècle. Adaptations
et réécritures françaises (Champion, à paraître). Dans la continuité de
ses travaux sur les transferts de modèles au théâtre, sa recherche actuelle
porte sur le théâtre français en Indochine : elle a publié notamment
« Théâtre à la tonkinoise. La politique théâtrale française en Indochine
(1884-1930) » dans Vietnam, le destin du lotus, Alain Guillemin (dir.),
Revue Riveneuve Continents, n° 12, 2010, et prépare pour 2013, année
du Vietnam en France et de la France au Vietnam, un colloque interna-
tional sur ce sujet avec Nguyen Phuong Ngoc, en collaboration avec les
Archives nationales d’Outre-Mer (Aix-en-Provence) et les Archives
nationales du Vietnam.
Vincent DURAND-DASTÈS est maître de conférences en langue et
civilisation chinoises à l’INALCO. Ses travaux portent sur le surnaturel
et les thèmes religieux dans le roman et le théâtre de la fin de l’époque
impériale. Il a notamment publié « Prodiges ambigus : les récits non
canoniques sur le surnaturel, entre histoire religieuse, histoire littéraire
et anthropologie » ; « Le hachoir du juge Bao : le supplice idéal dans le
roman et le théâtre en langue vulgaire chinois des Ming et des Qing » ;
« Poisons exotiques et vices domestiques : de vertueux héros aux prises
Notices biographiques 581
histoires de familles » (Bleu Autour) et rédigé les articles sur les théâtres
traditionnels turcs pour l’Encyclopaedia Universalis.
Catherine (Cathy) RAPIN, est docteur ès lettres de l’université
Paris-Diderot (thèse de doctorat sur l’œuvre théâtrale de Ch’oe In-hun,
auteur coréen). Elle vit à Séoul en Corée du Sud où elle est professeur à
l’université Hankuk des études étrangères. Elle enseigne le français
langue étrangère, la littérature francophone et le théâtre contemporain.
Elle a cotraduit et publié en France des recueils de pièces coréennes et
un ouvrage sur l’histoire du théâtre coréen : Théâtre coréen d’hier et
d’aujourd’hui (L’Amandier, 2006). Impliquée dans la vie théâtrale de
Séoul, elle est codirectrice et metteure en scène de la compagnie Théâtre
Francophonies et elle met en scène en coréen des pièces francophones
contemporaines avec des acteurs coréens.
Virginie SYMANIEC est docteur en études théâtrales de l’univer-
sité de la Sorbonne nouvelle – Paris 3 et habilitée à diriger des
recherches en histoire de l’École des hautes études en sciences sociales
de Paris. Elle a enseigné le théâtre en tant qu’ATER à l’université de
Caen avant d’obtenir deux bourses de recherche postdoctorale de la
FNRS pour étudier l’épistémologie comparée des discours sur les
langues d’Europe centrale et orientale au département d’études slaves de
l’université de Lausanne. Elle a ensuite été chargée du pôle édition et
traduction de la Maison d’Europe et d’Orient à Paris, où elle a contribué
à fonder EURODRAM – réseau européen de traduction théâtrale. C’est
également dans le cadre de ses activités à la Maison d’Europe et
d’Orient qu’elle a participé à la coordination de l’ouvrage La Montagne
des langues. Anthologie des écritures dramatiques du Caucase, publié
aux éditions L’Espace d’un instant en 2007. Son dernier livre, La
Construction idéologique slave orientale. Langues, races et nations
dans la Russie du XIXe siècle, vient de paraître aux éditions Pétra à Paris.
Eva SZILY est doctorante à l’École pratique des hautes études
(EPHE), section Sciences religieuses. Elle travaille sur la gestuelle dans
les arts scéniques du Kérala. Elle a obtenu sa maîtrise et son DEA à
l’université de la Sorbonne nouvelle – Paris 3, section Études indiennes.
Actuellement elle prépare une thèse intitulée « Théâtralité d’une langue
des gestes : du Kutiyâttam au Kathakali », sous la direction de Lyne
Bansat-Boudon. Depuis 2005, elle est chargée de cours à l’université de
Franche-Comté, en licence d’études théâtrales. Elle donne également
des cours particuliers de malayâlam, la langue du Kérala.
Gérard TOFFIN, directeur de recherche au CNRS, est anthropo-
logue, spécialiste du Népal et de l’Himalaya, région où il travaille
depuis une quarantaine d’années. Après un séjour de deux ans (1970-
1972) au Népal, suivi de plusieurs longues missions, il a soutenu une
thèse de doctorat de troisième cycle (1974), puis un doctorat d’État
Notices biographiques 585
Titres parus
No.30 – Ève FEUILLEBOIS-PIERUNEK (dir.), Théâtres d’Asie et d’Orient.
Traditions, rencontres, métissages, 2012, ISBN 978-90-5201-847-8
No.29 – Thierry DUBOST (ed.), Drama Reinvented. Theatre Adaptation in
Ireland (1970-2007), 2012, ISBN 978-90-5201-800-3
No.28 – Dorothy FIGUEIRA and Marc MAUFORT (eds.), with the assistance of
Sylvie VRANCKX, Theatres in the Round. Multi-ethnic, Indigenous, and
Intertextual Dialogues in Drama, 2011, ISBN 978-90-5201-690-0
No.27 – Sébastien RUFFO, Jeux d’acteurs comparés. Les voix de Belmondo,
Depardieu, Lebeau et Nadon en Cyrano de Bergerac, 2011, ISBN 978-90-
5201-657-3
No.26 – Catherine BOUKO, Théâtre et réception. Le spectateur postdramatique,
2010, ISBN 978-90-5201-653-5
No.25 – Marc MAUFORT, Labyrinth of Hybridities. Avatars of O’Neillian
Realism in Multi-ethnic American Drama (1972-2003), 2010, ISBN 978-90-
5201-033-5
No.24 – Marc MAUFORT & Caroline DE WAGTER (eds.), Signatures of the Past.
Cultural Memory in Contemporary Anglophone North American Drama,
2008, ISBN 978-90-5201-454-8
No.23 – Maya E. ROTH & Sara FREEMAN (eds.), International Dramaturgy.
Translation & Transformations in the Theatre of Timberlake Wertenbaker,
2008, ISBN 978-90-5201-396-1
No.22 – Marc MAUFORT & David O’DONNELL (eds.), Performing Aotearoa.
New Zealand Theatre and Drama in an Age of Transition, 2007, ISBN 978-
90-5201-359-6
No.21 – Johan CALLENS, Dis/Figuring Sam Shepard, 2007, ISBN 978-90-5201-
352-7
No.20 – Gay MCAULEY (ed.), Unstable Ground. Performance and the Politics
of Place, 2006 (2e tirage 2008), ISBN 978-90-5201-036-6
No.19 – Geoffrey V. DAVIS & Anne FUCHS (eds.), Staging New Britain. Aspects of
Black and South Asian British Theatre Practice, 2006, ISBN 978-90-5201-042-7
N° 18 – André HELBO, Signes du spectacle. Des arts vivants aux médias, 2006,
ISBN 978-90-5201-322-0
No.17 – Barbara OZIEBLO & María Dolores NARBONA-CARRIÓN (eds.), Codi-
fying the National Self. Spectators, Actors and the American Dramatic Text,
2006, ISBN 978-90-5201-028-1
No.16 – Rachel FENSHAM, To Watch Theatre. Essays on Genre and
Corporeality, 2009, ISBN 978-90-5201-027-4
No.15 – Véronique LEMAIRE, with the help of/avec la collaboration de René
HAINAUX, Theatre and Architecture – Stage Design – Costume. A Biblio-
graphic Guide in Five languages (1970-2000) / Théâtre et Architecture –
Scénographie – Costume. Guide bibliographique en cinq langues (1970-
2000), 2006, ISBN 978-90-5201-281-0
No.14 – Valérie BADA, Mnemopoetics. Memory and Slavery in African-
American Drama, 2008, ISBN 978-90-5201-276-6
No.13 – Johan CALLENS (ed.), The Wooster Group and Its Traditions, 2004,
ISBN 978-90-5201-270-4
No.12 – Malgorzata BARTULA & Stefan SCHROER, On Improvisation. Nine
Conversations with Roberto Ciulli, 2003, ISBN 978-90-5201-185-1
No.11 – Peter ECKERSALL, UCHINO Tadashi & MORIYAMA Naoto (eds.),
Alternatives. Debating Theatre Culture in the Age of Con-Fusion, 2004,
ISBN 978-90-5201-175-2
No.10 – Rob BAUM, Female Absence. Women, Theatre and Other Metaphors,
2003, ISBN 978-90-5201-172-1
No.9 – Marc MAUFORT, Transgressive Itineraries. Postcolonial Hybridizations
of Dramatic Realism, 2003 (3rd printing 2006), ISBN 978-90-5201-178-3