L'Edito
Alex Anfruns
José Martí et l'anti-impérialisme états-unien :
une analyse d'actualité
Par Christine Gillard
Depuis une dizaine d'années les États-Unis regardent à nouveau vers les
pays d'Amérique du sud, attentifs à la remontée des oppositions des droites aux
gouvernements progressistes. Cette attention vigilante se traduit par des
stratégies d'aide plus ou moins directe aux opposants, ainsi que par le
déploiement de forces armées sur les frontières sensibles en s'appuyant sur les
pays amis comme la Colombie.
Par Christine Gillard
La disparition des présidents Chavez au Venezuela et Castro à Cuba, la fin de presque toutes les
démocraties progressistes, la toute récente élection d'un président héritier de la dictature au Brésil,
sont autant de faits qui permettent aux États-Unis de mettre en œuvre une politique plus agressive.
Evo Morales vient de dénoncer à l'ONU, le 26 septembre 2018, dans un discours très direct,
l'attitude du Président Donald Trump envers les pays d'Amérique Latine et en particulier envers le
Venezuela.
Dans ce contexte il semble important de relire ce que José Martí, l'initiateur de l'indépendance
cubaine, écrivait à propos de la politique étrangère sud-américaine des États-Unis à la fin du 19e
siècle.
Politique expansionniste des E.U
José Martí prit conscience du danger que pouvaient représenter les États-Unis, non seulement au
cours de son long séjour à New York, mais aussi dans un processus de réflexion sur la politique
impérialiste des États-Unis, laquelle faisait suite aux visées expansionnistes britanniques et
allemandes. En effet le retrait forcé de l’Espagne de ses colonies sud-américaines provoqua une
sorte de vide dont essayèrent de profiter les grandes puissances européennes, parmi lesquelles la
France et la Grande-Bretagne. José Martí se positionna donc d’abord comme adversaire de
l’expansion coloniale européenne. Mais rapidement la politique économique des États-Unis, à la
recherche de marchés pour résorber leurs excédents, l'inquiéta. Il était, en effet, un témoin
privilégié, en tant que journaliste, des propos alarmants des responsables politiques, notamment du
secrétaire d’État du Président Garfield, James Gillespie Blaine, qui s’intéressait beaucoup à
l’Amérique du Sud. Blaine allait être en effet le fondateur du panaméricanisme. Entre 1883 et 1889,
les États-Unis regardaient vers Cuba, dernière grande colonie espagnole, la perle des Caraïbes. Ils
étaient en cela soutenus par le mouvement annexionniste cubain, dont les membres - grands
propriétaires terriens et industriels du sucre - voyaient dans l’annexion de Cuba le moyen de
développer l'île au niveau économique. Mais les E.U.s'intéressaient aussi au Mexique, avec des
tensions répétées à la frontière texane ; ils regardaient vers le Canada ; vers le Pérou avec un projet
de base navale ; et enfin vers le Panama avec la reprise du projet de canal abandonné par la société
française en faillite.
Le 2 octobre 1889, sous la présidence de Blaine, s’ouvrit le congrès Panamérica, désigné par José
Martí comme le Congrès de Washington, auquel participaient dix-huit gouvernements sud-
américains. Martí en fit le compte rendu le 2 novembre dans sa lettre à La Nación, dont il était le
correspondant. Rappelant la politique de Blaine, qui consistait à livrer aux industriels le marché des
Amériques, il y lançait un véritable cri d’alarme quant au destin, non seulement du Mexique mais
aussi des pays du golfe et en particulier des Antilles, dont Cuba et Porto Rico. Le Congrès de
Washington fut un échec pour les États-Unis car certains pays, en particulier l’Argentine,
comprirent que les propositions nord-américaines étaient un marché de dupes et, en conséquence,
ils refusèrent l’idée d’ouvrir leurs frontières pour créer un grand marché américain. Cependant,
l’année suivante les États-Unis organisèrent une Commission Monétaire Internationale pour
proposer aux pays du sud de l’Amérique une monnaie argent commune. Dans son compte rendu sur
les débats de la Commission Martí réfuta avec vigueur cette proposition avec les arguments suivants
: l’inégalité entre Sud et Nord est défavorable au Sud, comme le serait une alliance entre le Condor
et l’Agneau ; les valeurs du Sud et du Nord sont incompatibles, le Nord prônant la supériorité de la
race blanche sur toutes les autres ; une union économique équivaudrait à une union politique,
engendrant une perte de souveraineté des États du Sud ; les pays d’Amérique du Sud commercent
avec l’Europe qui n’acceptera pas la nouvelle monnaie d’argent au lieu de la monnaie or. Enfin
Martí soulignait une nouvelle fois que l’objectif des États-Unis était de trouver des débouchés pour
leurs capitaux et leur sur-production.
La pensée américaniste de Martí fut diachronique ; elle évolua en même temps que se développait la
politique économique, sociale et raciale nord-américaine. En 1881 il écrivait déjà: Cette
République, par son culte démesuré de la richesse, est tombée, sans aucune des entraves de la
tradition, dans l’inégalité, l’injustice et la violence des monarchies.
Outre la critique des visées expansionnistes des États-Unis, Martí dénonça les pratiques anti-
démocratiques et les valeurs ségrégationnistes, montrant ainsi que ce modèle nord-américain ne
pouvait en aucun cas être une référence pour les républiques sud-américaines. Il l'exprimait déjà
dans des textes bien antérieurs à la tenue de la Conférence de Washington. Ni Martí ni Bolívar, à qui
Martí se référait, n’envisagèrent d’intégrer les États-Unis dans cette Amérique qu’ils qualifiaient
pourtant de entera c’est-à-dire « d’entière ». L’un comme l’autre pensait qu’il existait une
spécificité hispano-américaine basée sur le métissage, très différente en ce sens de l’Europe ou de
l’Amérique du Nord.
Dans le journal Patría, organe du Parti Révolutionnaire Cubain qu'il présida, il consacra une
rubrique intitulée « Notes sur les États-Unis» dans laquelle il dénonçait le caractère rude,
inégalitaire et décadent des États-Unis.
Un article publié le 23 mars 1894, portait un titre révélateur à cet égard. Il s’agit de « La verdad
sobre los Estados Unidos » (La vérité sur les États-Unis), dont la première phrase est la suivante :
Il faut que se sache dans notre Amérique la réalité des États-Unis. Il y dénonçait en particulier le
règne de la haine et de la misère, le manque de libertés, l’injustice sociale en plus des visées
impérialistes : C’est de l’ignorance stupide et de la légèreté infantile, que de parler des États-Unis
[…] comme d’une nation homogène et égalitaire, à la liberté unanime et aux conquêtes définitives :
pareille vision des États-Unis est une illusion, ou une supercherie.
La lettre inachevée de Martí à son ami mexicain Manuel Mercado, écrite la veille de sa mort le 18
mai 1895, mettait dramatiquement l’accent sur ses craintes quant à la potentielle emprise future des
États-Unis :
Maintenant je risque tous les jours ma vie pour mon pays et par devoir – puisque j’en comprends la
portée et que j’en ai le courage nécessaire– qui est d’empêcher avant qu’il ne soit trop tard, au
moyen de l’indépendance de Cuba, que les États-Unis ne s’étendent jusqu’aux Antilles avant de
s’abattre avec plus de force encore, sur nos pays d’Amérique.
Il y exprimait la crainte de l’annexion des peuples de notre Amérique à ce Nord, agité et brutal, qui
les méprise. Et il concluait par cette phrase lapidaire : J’ai vécu dans le monstre et je connais ses
entrailles. Cette dernière lettre de José Martí, dans laquelle il justifiait une nouvelle fois son anti-
impérialisme et sa lutte pour la souveraineté de Cuba, est en quelque sorte visionnaire.
En 1898, sentant que le peuple cubain était sur le point de gagner la guerre d'indépendance contre
l'Espagne, le congrès américain prit une résolution qui autorisait l'intervention armée des E.U.
L'Espagne vaincue, par le traité de Paris les E.U confisquèrent la souveraineté cubaine. En effet, le
Traité de Paris prévoyait la construction d’une base navale, la base de Guantánamo, permettant le
contrôle des Caraïbes et du Canal de Panama. Le gouvernement de l’île fut confié au Général
américain Leonard Wood, qui, épaulé par une troupe de six mille soldats, eut les pleins pouvoirs
pendant trois ans. De fait la bannière étoilée remplaçait le drapeau espagnol, alors même qu'il
existait un drapeau cubain adopté par l’Assemblée Constituante de 1868-1869.
En 1901 une assemblée constituante réunie à La Havane vota la Loi fondamentale de la République,
mais un amendement – dit amendement Platt du nom de son auteur - à la loi d’ouverture des crédits
militaires fut voté, à une courte majorité, qui prescrivait entre autres : Le gouvernement de Cuba
accorde aux états-Unis le droit d’intervenir pour garantir l’indépendance et pour aider le
gouvernement à protéger les vies, la propriété et la liberté individuelle.
Il faudra attendre 1959 pour que Cuba retrouve sa souveraineté pleine et entière.
L'histoire se répète
José Martí critiqua avec vigueur, en son temps, les visées impérialistes et le fonctionnement anti-
démocratique des États-Unis. Il fut visionnaire. En effet, l'histoire de l'Amérique latine, de la fin du
19e siècle et tout au long du siècle suivant, fut émaillée d'interventions américaines directes ou
indirectes, mettant en place et soutenant des dictatures parmi les plus féroces.
Aujourd'hui, en ce premier quart du 21e siècle, les E.U s'apprêtent à intervenir militairement au
Venezuela, pour destituer un président élu et soutenir un président auto-proclamé.
Le monstre ne s'est pas transformé et nous avons tort de méconnaître ses entrailles.
Le Brésil est dans la boue : la tragédie de Brumadinho et
l’action des vautours-vampires de l’industrie extractive
165 morts et 160 disparus, c’est le dernier bilan de la catastrophe du 25 janvier dans la municipalité
brésilienne de Brumadinho (lire « Broumadjignou »), à 65 Km de la capitale de l’État de Minas
Gerais (MG) –Belo Horizonte. La tragédie est survenue lors de la rupture d’un barrage de résidus,
de la mine ferrifère de « Córrego do Feijão », entraînant une coulée de boue d’un volume estimé à
12 millions de mètres cubes (m³). Cette « soupe » dense et visqueuse est constituée de boues
toxiques, riches en silice, fer, manganèse, aluminium, métaux lourds et autres composants
chimiques/organiques utilisés dans le processus industriel d’enrichissement du minerai de fer. Le
torrent a tout emporté, notamment un pont ferroviaire, en se jetant dans le Paraopeba, un affluent du
fleuve São Francisco -appelé dans le langage populaire « Vieux Chico » (Chico, petit nom de
Francisco –François-), un des plus grands cours d’eau brésiliens (2830 Km) et qui traverse cinq
États fédéraux : Minas Gerais (MG), Bahia (BA), Pernambuco (PE), Alagoas (AL) et Sergipe (SE).
Photo : Ricardo Stuckert
Les responsables : le groupe « Vale S.A. » est le résultat de la privatisation partielle d’une
entreprise étatique, « vendue » par le président brésilien Fernando Henrique Cardoso en 1997. Elle
a été achetée par l’industriel et banquier brésilien Benjamin Steinbruch, avec de l’argent « offert »
par la banque d’État BNDES. La société a été créée par le charismatique président de la République
Getúlio Vargas en 1942, qui avait la vision d’un projet publique, capable de fournir le Brésil avec
une ressource vitale -le fer- pour le développement industriel et sidérurgique du pays. Elle s’appelait
alors « Companhia do Vale do Rio Doce » (CVRD).
Aujourd’hui, c’est un groupe transnational qui opère sur les cinq continents, surtout en Amérique
latine et en Afrique, occupant la cinquième place parmi les entreprises les plus irresponsables au
monde du point de vue environnemental et social, impliqué dans des affaires troubles ici et là (à
savoir Brésil, Chili, Colombie, Pérou, Mozambique, Angola et Guinée). En janvier 2012, « Vale »
se voit attribuer le « Public Eye People’s Award », le prix de la « pire entreprise du monde en
matière de droits de l’Homme et d’environnement », aussi appelé les « Oscars de la honte »,
organisé par « Greenpeace » et « Déclaration de Berne ».
Bien entendu, « Vale » est le genre d’entreprise criminelle qui appartient à une espèce très à la
mode, fruit du croisement d’un vautour avec un vampire, un mutant, un monstre économique du
néo-libéralisme, un genre d’organisme qui aspire un maximum de ressources, sans scrupules, qui
optimise ses profits et distribue de gros dividendes à ses actionnaires, au détriment du salaire des
ouvriers et de la protection environnementale et sociale.
Le principe annoncé de « ce qui compte pour l’entreprise ce sont les gens » est traduit par la
localisation des bureaux, de l’infirmerie et de la cantine du complexe minier juste en dessous du
barrage… la rupture s’est produite à l’heure du déjeuner. Selon les récits de la population, les
sirènes d’alarme n’ont pas retenti durant ce jour tragique et n’ont d’ailleurs jamais été testées. Elles
existaient juste pour obéir aux normes législatives de sécurité. D’après des témoignages de
bénévoles impliqués dans les opérations de sauvetage, le matériel de secours essentiel aux
recherches d’éventuels survivants est parvenu tardivement sur la zone sinistrée à cause des filtrages
mis en place par l’entreprise. Il est évident qu’elle essayait de contrôler tous les mouvements,
surtout pour avoir la main mise sur le récit informatif paru plus tard dans les médias. Exemples de
la mauvaise foi de l’entreprise : affirmer que la vitesse du torrent était telle que les sirènes n’ont pas
eu le temps de s’activer ; essayer de passer le message que la rupture serait une sorte de catastrophe
naturelle.
Le président de « Vale S.A. » Fabio Schvartsman. Photo Thomaz Silva, Agência Brasil
Nous n’avons pas besoin d’être spécialistes pour comprendre que la cause probable de la rupture a
été un manque de contrôle de la structure et il serait légitime de dénoncer l’entreprise et les
organismes responsables d’inspecter ses activités. Une preuve de dirigeants de l’entreprise
s’estimant au-dessus des lois est leur mépris quand ils s’adressent aux familles des victimes de ce
crime ignoble. Sinon regardons de plus près : « Vale S.A. » le grand groupe multinational
d’extraction minière -que les médias télévisés français ont appelé « l’entreprise minière », sans
jamais la nommer- avec 70 mille employés, le plus grand exportateur mondial de minerai de fer du
monde, se vante « d’offrir » (R$) 100 mille reais, l’équivalent de 23 615 euros à chaque famille des
victimes. Il se permet désormais d’introduire dans ses campagnes publicitaires le slogan « ce qui
compte pour nous ce sont les gens » ! Cette élite de dirigeants cyniques se croyant au-dessus de
tout, considère-t-elle offrir davantage que « le prix » d’une Vie Humaine ? Le président du groupe
minier Fabio Schvartsman touche 1,6 million de reais par mois (378 mille euros) ce qui correspond
à 4,5 millions d’euros par an !!! Chacun des cinq directeurs de l’entreprise perçoit 236 mille euros
par mois. Donc, pour ce genre de sangsue, la vie d’une victime de leur activité criminelle ne vaut
pas plus que 6% du salaire mensuel du « boss » ! Comment allons-nous sauver la Planète, avec des
gens si atroces aux manettes ? Comment pouvons-nous nous prémunir d’une fin sinistre, telle celle
des victimes de Brumadinho ?
Le groupe indigène Pataxó Hã-hã-hãe sur les berges du fleuve sinistré Paraopeba.
Village de Naô Xohã, São Joaquim de Bicas (MG). Photo : Lucas Hallel, Ascom/Funai.
Le risque sanitaire à Brumadinho est extrême, surtout pour les gens qui ont eu contact avec les
boues ou qui ont mangé des aliments en provenance du secteur. Des récits de nausées,
vomissements, diarrhées, irritations cutanées, vertiges sont de plus en plus fréquents.
Les Bolsonaro seraient-ils impliqués dans l’assassinat de l’élue municipale de Rio de Janeiro,
Marielle Franco ?
Adriano Magalhães da Nóbrega, l’ex-capitaine des forces spéciales de la police militaire à Rio –
BOPE– est un des individus en cavale, suspectés d’avoir participé à l’assassinat de Marielle Franco
du PSOL –« Partido Socialismo e Liberdade »– et de son chauffeur Anderson Pedro Gomes, le 14
mars 2018. Le suspect en fuite a été décoré en 2003 pour « dévouement, talent et bravoure » suite à
la motion de louange proposé par le député fédéral Flávio Bolsonaro, fils de l’actuel président du
Brésil. En 2005, le même Adriano da Nóbrega, alors détenu en tant que suspect de meurtre, a reçu
après une autre proposition de Bolsonaro fils, la plus haute décoration de l’Assemblé législative de
l’État de Rio de Janeiro, la médaille Tiradentes (le grand Héro anticolonial brésilien du XVIIIème).
Mais d’autres faits inquiétants paraissent à présent : la mère et l’épouse de l’ex-opérationnel des
forces spéciales travaillaient dans le cabinet du député Bolsonaro fils et selon un rapport de la Coaf
–Conseil de contrôle d’activités financières– la mère Raimunda Veras Magalhães était une des
personnes qui effectuaient des dépôts réguliers d’argent sur le compte de Fabrício Queiroz, l’ex-
chauffeur et assistant parlementaire du député, pièce maîtresse dans la récente affaire dite
« Bolsogate ». Fabrício Queiroz serait alors l’homme de paille de Flávio Bolsonaro –entre-temps
élu sénateur en 2018– et ferait le pont entre la famille Bolsonaro et le monde du crime organisé
Précédent : même pendant la dictature militaire en 1980, le prisonnier Lula da Silva a été autorisé à
veiller sa mère décédée.
Finalement le président du STF, le juge Dias Toffoli, a autorisé Lula, un quart d’heure avant les
funérailles, à se rendre sur le lieu des cérémonies à São Bernardo do Campo –São Paulo (SP), à 334
Km de sa prison à Curitiba, État de Paraná (PR). Lula a remercié le juge mais a décliné le geste. Il
avait compris que derrière cet acte clément de dernière minute (un droit Constitutionnel
élémentaire), se cachait la mise en scène d’un show médiatique, au travers de son voyage héliporté
et de son arrivée dans une caserne militaire, pour s’y réunir avec ses proches –la douleur du deuil
d’un être cher ne suffisait pas, il fallait encore pouvoir supporter un confinement en famille, les
yeux dans les yeux, dans une espèce de prison en groupe. C’est indigne ! De la boue, encore de la
boue !
Pour sortir par le haut de cette ambiance abjecte, écoutons une perle de la chanson brésilienne,
composée par le mythique Tom Jobim : « Les eaux de mars » – « Águas de Março » –où lui et la
tout autant mythique chanteuse Elis Regina chantent à un moment donné « …c’est la boue, c’est la
boue– …é a lama, é a lama ».
Luis Britto Garcia est peut-être l’intellectuel public le plus estimé du Venezuela.
Ferme partisan du processus bolivarien, il a écrit de nombreux romans, pièces
de théâtre, enquêtes historiques et scénarios de films, il est également un
commentateur incisif de la politique dans la région. Dans cette interview
exclusive, l’homme de lettres célèbre et engagé Luis Britto, parle de la défense à
court et à long terme de la souveraineté du Venezuela.
Par Cira Pascual Marquina
Beaucoup de gens à gauche critiquent le gouvernement du président Nicolás Maduro, mais ces
critiques n’ont rien à voir avec un désir de rejoindre les rangs de l’opposition de droite ou ses
alliés étrangers. Face à l’attaque impérialiste actuelle contre le Venezuela, nous devons
défendre le pays et nous opposer à toute ingérence. Êtes-vous d’accord ?
J’ai souvent affirmé que lorsque les forces de la réaction intérieures et extérieures lancent une
double attaque contre notre pays – et utilisent toutes les ressources légales et même illégales
qu’elles ont à disposition – nous devons tous nous unir dans la défense du Venezuela et dans la
défense de ses autorités et de la coalition politiques qui les maintient légalement au pouvoir.
Il peut y avoir des différences et des débats internes, mais nous ne pouvons pas hésiter lorsque nous
sommes confrontés à cette alternative : c’est Washington ou le Venezuela, l’invasion ou la
souveraineté, le capitalisme sauvage ou le socialisme.
Vous avez écrit sur Simon Bolivar et vous avec souligné à quel point son exemple reste
pertinent aujourd’hui. Que ferait Bolivar à notre époque ? En tant que bolivariens, que
devrions-nous faire en ce moment présent ?
C’est vrai. J’ai soigneusement examiné les idées et les actions de Bolivar par rapport à la société et
à l’économie dans mon livre The Thought of the Liberator: Economy and Society [Le pensée du
libérateur : économie et société] (2010), et dans de nombreux articles et autres travaux. Si Bolivar
était parmi nous aujourd’hui, il ferait la même chose que ce qu’il a fait de son vivant ; d’abord, il
ferait tout son possible pour défendre (avec des armes si nécessaire) la souveraineté du Venezuela :
le droit de son peuple à choisir son propre gouvernement.
Il tenterait d’organiser et d’unir les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes contre la domination
impérialiste. Dans la sphère économique également, Bolivar n’a pas hésité à procéder aux plus
importantes confiscations de biens dans l’histoire vénézuélienne. Il a saisi toutes les propriétés des
royalistes, sous forme de terres ou d’autres biens, et les a distribuées aux soldats patriotes, en
fonction des services qu’ils avaient rendus (bien qu’ils aient aussi pu en user collectivement).
Bolivar disait que la nation a des droits de propriété sur ses minéraux souterrains, ce qui est un
principe toujours valable aujourd’hui et qui doit être défendu à tout prix. En 1814, longtemps avant
son voyage en Haïti, Bolivar a commencé à éradiquer l’esclavage. Il a aussi combattu la
discrimination raciale dans son « Discours d’Angostura » (2010), proclamant que dans le Venezuela
contemporain « personne ne devrait être maltraité à cause de la couleur de sa peau ». Si nous disons
que l’esclave est quelqu’un qui vit une existence juste suffisante pour survivre, alors la lutte de
Bolivar aujourd’hui serait de vaincre la pauvreté, tant extrême que relative.
Simon Bolivar a signé le décret « Guerre à la mort » le 15 juin 1813. Le document déclarait que
tous les Espagnols mourraient s’ils ne se joignaient pas à la lutte pour l’indépendance, alors que
ceux nés dans les colonies seraient pardonnés même s’ils s’étaient rangés dans le camp des
puissances coloniales. (Archive)
Pour mettre en œuvre ces principes, Bolivar n’a pas hésité à prendre des mesures radicales et
extrêmes (et un bolivarien ne devrait pas hésiter à le faire aujourd’hui). Souvenons-nous de sa
déclaration « Guerre à lamort ». Aujourd’hui, Bolivar poursuivrait le projet d’intégration latino-
américaine et caribéenne, comme il l’a fait avec son Congrès amphictyonique de Panama auquel les
États-Unis n’ont pu participer que grâce à l’influence de Francisco de Paula Santander. Quiconque
se dit bolivarien aujourd’hui doit suivre et si possible étendre la pratique et la pensée de Bolivar. Si
nous ne le faisons pas, nous redeviendrons une colonie.
Comment évaluez-vous la réponse mondiale à l’offensive impérialiste que nous vivons ces
jours ? Pouvons-nous voir des ruptures dans l’hégémonie des États-Unis et une preuve de
l’avènement d’un monde nouveau et multipolaire ?
Pour moi, il y a une rupture évidente dans l’hégémonie nord-américaine. Les États-Unis ont déplacé
leurs industries à l’étranger pour profiter d’une main-d’œuvre bon marché. En le faisant, ils ont
désindustrialisé le pays et plongé leurs propres travailleurs dans la misère. Aujourd’hui, la Chine est
la puissance économique mondiale dominante ; la Russie a réémergé comme une grande puissance
après le déclin provoqué par la dissolution de l’Union soviétique, L’Europe essaie de devenir
indépendante, bien qu’elle soit occupée depuis la moitié du siècle dernier par un réseau de bases de
l’OTAN. Le Moyen-Orient échappe au contrôle étasunien ; après des décennies d’ingérences, les
États-Unis n’ont réussi qu’à semer le chaos.
J’ai fait remarquer qu’historiquement, les révolutions ont toujours surgi dans les fissures créées par
l’affrontement des puissances hégémoniques du moment. Les États-Unis ont émergé en profitant de
l’affrontement entre l’Angleterre, la France et l’Espagne. L’Union soviétique a profité de
l’affrontement des puissances européennes pendant la Première Guerre mondiale. C’est la même
chose pour la République populaire de Chine, qui a bénéficié des combats de la Seconde Guerre
mondiale. Plus tard, Cuba a utilisé la confrontation entre les États-Unis et l’Union soviétique.
Aujourd’hui, la lutte pour l’hégémonie entre les États-Unis, la Russie et la Chine nous offre une
chance de consolider la souveraineté du Venezuela.
Après la confrontation à cette attaque impérialiste et la tentative de coup d’État, quel est
notre problème le plus immédiat, que devrait faire le gouvernement Maduro à moyen et long
terme ?
Je pense qu’il n’y a pas moyen de sortir de notre crise immédiate sans progresser dans la
Révolution, et c’est aussi la clé pour aller de l’avant une fois que nous nous serons relevés. C’est-à-
dire que nous ne pouvons faire face à l’impérialisme qu’une fois que nous avons dominé l’oligopole
local formé par une douzaine de grandes entreprises qui monopolisent l’importation et la
distribution de biens de première nécessité [dans notre pays]. Et nous devons soumettre la poignée
d’acteurs qui dirigent la contrebande de pétrole et sont impliqués dans l’infiltration paramilitaire.
Nous serons en mesure de faire face aux menaces extérieures une fois que nous aurons nettoyé la
scène intérieure avec un contrôle de toute l’administration – à tous les niveaux de son
fonctionnement à et aurons installé un contrôle informatisé intégral, en temps réel, des prix et des
coûts des opérations économiques. Nous devons sanctionner les nombreux actes de corruption et
nettoyer les entreprises et les institutions où ce genre d’activité est répandu. Avec ces mesures, le
soutien populaire au projet socialiste deviendra inébranlable. D’autre part, si ces mesures ne sont
pas prises, il est à craindre que la guerre économique n’érode ce soutien, qui ne se maintient
aujourd’hui que par de grands sacrifices.
Source : Venezuelanalysis
L’intervention des Etats-Unis au Venezuela :
un regard en coulisse
Les sanctions
En 2015, les Etats-Unis ont promulgué des sanctions économiques contre le Venezuela. Ces
sanctions perturbent les transactions financières, gèlent des avoirs à l’étranger et entravent
l’importation de nourritures, médicaments et autres produits de base. On peut discuter de la
politique économique de Maduro, mais en tout cas, les sanctions n’ont pas manqué leur effet.
Depuis leur promulgation, la situation sociale s’est fortement dégradée. La mortalité infantile et la
sous-alimentation ont augmenté. Le Vénézuela a chuté de 16 places dans le classement de l’Index
du développement humain du PNUD. Ce recul fait que beaucoup de personnes quittent le pays.
A cette époque, le précité De Zayas était le rapporteur de l’ONU pour le Venezuela. Il a écrit un
rapport sur les conséquences des sanctions. Il les a qualifiées, sans ambiguïté, de crime contre
l’humanité. « Je pense que lorsque l’ampleur de la misère causée par les sanctions, comme ce fut le
cas en Irak ou maintenant au Venezuela, devient aussi évidente, je peux dire que les sanctions contre
le Venezuela sont un crime contre l’humanité, dont pourra être saisie la Cour pénale internationale
pour violation de l’article 7 du Statut de Rome ».
Après avoir passé deux jours à Caracas les 3 et 4 février, entre autres pour une
réunion semi-privée avec le président Maduro, voici mon impression générale.
La situation à Caracas est à l’opposé de ce que décrivent les grands médias
internationaux aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays occidentaux.
C’est calme, personne ne souffre de la faim, il n’y a pas de violence. Cela ne veut
pas dire qu’il n’y a pas de crise économique, mais elle est due en grande partie
aux sanctions économiques paralysantes et aux pressions que les États-Unis ont
imposées au Venezuela au cours des dernières années. Les sanctions et les
menaces ont commencé sous Obama en mars 2015 et ont été poursuivies par
Trump, le gouvernement libéral de Justin Trudeau et d’autres.
Par Arnold August
Allons au cœur du sujet. De nombreux articles sérieux ont déjà été publiés sur le
site Investig’Action concernant, d’une part, l’élection légitime de Maduro au dernier scrutin de
mai 2018 et, d’autre part, la violation du droit vénézuélien et du droit international, y compris par
les Nations Unies, en « reconnaissant » leur homme à Caracas. De plus, le point désormais essentiel
est le droit du Venezuela à sa souveraineté et celui de choisir sa propre voie sans ingérence
étrangère, indépendamment de toute autre considération. Aussi, dans cette optique, la réalité
incontournable – ignorée par les médias internationaux – est l’union civilo-militaire en tant
qu’élément clé de la démocratie vénézuélienne. On méconnaît par ignorance ou par une pensée
magique, tout comme ceux qui veulent faire abstraction de la révolution bolivarienne le savent très
bien, que c’est précisément cette union qui bloque leur plan.
Même si ce n’était pas la première fois que j’entendais parler Maduro, sa conférence du 4 février,
lors de cette réunion semi-privée avec des Vénézuéliens et des invités étrangers, a été l’argument
décisif. Entre autres points, il a expliqué en détail comment lui-même et les autres dirigeants (que
j’ai aussi brièvement rencontrés au cours de cette réunion) ont travaillé et travaillent encore
aujourd’hui pour organiser et inspirer – et à leur tour s’inspirer de – toutes les divisions des forces
armées partout au pays, des pilotes et de la marine jusqu’aux militaires en passant par la milice
populaire. Il a fait remarquer que cette union civilo-militaire s’était organisée dans le pays sur
plusieurs décennies.
Chávez a déclaré avoir trouvé l’idée de l’alliance civilomilitaire dans la pensée politique de
l’intellectuel vénézuélien, chef de la guérilla, Fabricio Ojeda, qui écrivait dans son livre
de 1966, La Guerra del pueblo (La Guerre du peuple) : « Les bases anti-féodales et anti-
impérialistes de notre processus révolutionnaire suggèrent une forme d’alliance entre les
Vénézuéliens qui peut tenir compte des différences fondamentales, des credos politiques, des
conceptions philosophiques, des convictions religieuses, des statuts économiques ou professionnels
ou de l’appartenance à un parti. La force et la puissance de l’ennemi commun appellent à une lutte
unie pour le vaincre… Les forces les plus enclines à lutter pour la libération nationale sont les
travailleurs, les paysans, la petite bourgeoisie, les étudiants, les intellectuels et les professionnels,
ainsi que la majorité des fonctionnaires, des sous-officiers et des soldats de l’armée de l’air, de la
marine et des forces terrestres… » Dans la vision d’Ojeda, partagée par Chávez, tous ces secteurs
civils et militaires sont appelés à s’unir pour former une véritable alliance révolutionnaire nationale.
(Ramonet, Ignacio, 2013)
Alors que Maduro déclarait dans son discours du 4 février que son gouvernement était prêt à
participer à tous les efforts de médiation, il a également précisé que le Venezuela était prêt à
défendre son territoire : « Aucun soldat yankee n’entrera au Venezuela. » En fait, seulement
24 heures (le 5 février) après sa déclaration « conciliatrice » sur la médiation, le fantoche des États-
Unis à Caracas a déclaré que son pays aimerait mieux « une guerre civile » plutôt que des
négociations, selon son propre aveu. Néanmoins, le lendemain, le 6 février, le gouvernement de
Maduro publiait une déclaration indiquant qu’il travaillait toujours activement avec l’Uruguay, le
Mexique et les 14 pays du bloc des Caraïbes en plus de la Bolivie, en vue d’une séance de
médiation le 7 février.
La conférence internationale tenue en Uruguay le 7 février, dans le but de traiter de la situation au
Venezuela, a réuni cinq pays d’Amérique latine et huit pays européens.
Alors que les dirigeants européens et latino-américains recherchent une « solution politique et
pacifique » à la situation du Venezuela, la déclaration finale du Groupe de contact international n’a
finalement pas été adoptée par tous les pays participant à la conférence internationale. La Bolivie, le
Mexique et le CARICOM ont refusé de signer le traité d’accord européen soutenu par l’Union
européenne (UE), lequel appelle à des élections au Venezuela « dès que possible ».
À mon avis, cela est parfaitement compréhensible, dans la mesure où la position de l’UE constitue
un ultimatum pour un pays souverain qui avait DÉJÀ organisé des élections présidentielles. La
tentative d’ingérence de l’UE coïncide avec celle du Groupe de Lima et du Canada.
Ces pays parlent tous hypocritement d’une « transition pacifique », mais ils poussent à la
confrontation et à l’ingérence étrangère, y compris à l’option militaire, en imposant au Venezuela
des conditions inacceptables.
Photo : Arnold August
La menace d’une intervention militaire dirigée par les États-Unis est donc plus réelle que jamais. Le
point de vue est le suivant : non à une intervention militaire au Venezuela et soutien sans réserve au
droit du Venezuela de se défendre dans le pire des cas. Des sondages en Europe et dans d’autres
pays montrent l’appui à cette position, tandis que les principaux syndicats canadiens ont publié et
publient des déclarations rejetant la position du parti libéral de Justin Trudeau favorable à Trump, et
des manifestations ont lieu aux États-Unis.
Le jour même de la déclaration de Maduro, le 4 février, le gouvernement de Justin Trudeau
accueillait le soi-disant Groupe de Lima à Ottawa. Le communiqué officiel réaffirmait son soutien à
la position de Trump sur le Venezuela, constituant ainsi une ingérence étrangère dans les affaires
intérieures de ce pays avec le total appui de sa marionnette, le soi-disant président. La position du
gouvernement de Justin Trudeau représente un changement majeur et historique (au sens très
négatif du terme) de la politique étrangère canadienne, y compris au sein de son propre parti, le
Parti libéral. Contrairement, par exemple, à l’ancien premier ministre du Parti libéral, Jean Chrétien,
qui à l’occasion du 10e anniversaire de la guerre en Irak (mars 2013) avait déclaré dans une
entrevue au sujet de la position du Canada de ne PAS soutenir la guerre américaine en Irak :
[Chrétien] ne regrette pas d’avoir refusé la participation du Canada à la mission dirigée par les
ÉtatsUnis. C’était une décision très importante, à n’en pas douter. En fait, c’était la première fois
que le Canada ne participait pas à une guerre impliquant les Britanniques et les Américains. (Une
déclaration de Jean Chrétien à l’émission Power Play au réseau canadien d’information CTV.)
Selon lui, « cette décision a également contribué à affirmer l’indépendance du Canada sur la scène
internationale. Malheureusement, beaucoup de gens pensaient parfois que nous formions le 51e État
des États-Unis. Il était clair ce jour-là que ce n’était pas le cas. »
Chrétien a déclaré avoir refusé de s’engager dans une action militaire en Irak sans une résolution du
Conseil de sécurité de l’ONU. Il a ajouté que le Canada avait toujours suivi les Nations Unies et
qu’il intervenait dans d’autres conflits lorsque cela lui était demandé.
Il avait également affirmé ne pas être convaincu que l’Irak disposait d’armes de destruction massive
– la menace qui alimentait le soutien à une invasion du pays par les États-Unis – et cela s’est
finalement avéré.
Chrétien a aussi parlé de sa visite au Venezuela la semaine dernière pour assister aux funérailles du
président Hugo Chávez. Il a dit y être allé parce qu’il connaissait personnellement Chávez et qu’il
n’avait « jamais eu de problème » avec le dirigeant controversé, même s’il n’était pas d’accord avec
lui « sur bien des points ». Il voulait également témoigner son respect au peuple du Venezuela.
« Il [Chávez] avait le soutien de la population et il était aimé des plus démunis de son pays. C’était
une sorte de Robin des bois », selon Chrétien.
Le premier ministre Stephen Harper a irrité le gouvernement vénézuélien en disant espérer que le
pays pourrait envisager un « avenir meilleur et plus radieux » après la mort de Chávez.
Chrétien a ajouté que les autorités vénézuéliennes étaient « très, très heureuses » de sa présence aux
funérailles, parce qu’elles étaient « très mécontentes » des propos d’Harper. (CTV Nouvelles : « Dire
NON à la guerre en Irak était une décision importante pour le Canada. » Jean Chrétien,
12 mars 2013)
Rappelons ce que tout le monde à Cuba et en Amérique latine sait : le père de Justin Trudeau, à titre
de premier ministre du Parti libéral du Canada, s’est rendu à Cuba en juin 1976 et, prenant place
aux côtés de Fidel Castro lors d’une rencontre publique, il lançait : « Longue vie au président Fidel
Castro! » et il adoptait aussi d’autres positions indépendantes de celles des États-Unis.
Pour ces peuples du Sud (comme le constatent aujourd’hui les Canadiens), à l’égal de n’importe
quelle autre famille, quel que soit le système, les relations et les caractéristiques familiales
changent. En ce qui concerne les relations extérieures, Justin Trudeau ne ressemble aucunement à
son père. La presse canadienne peut me citer ici : « Le père de Justin Trudeau se retournerait dans sa
tombe s’il savait ce qu’a fait son propre fils. » Tout le monde au Canada déteste Trump pour
l’ensemble de ses politiques, pourtant Justin Trudeau est aligné sur lui.
Justin Trudeau se situe du mauvais côté de l’histoire. Avant qu’il ne soit trop tard, il devrait
renoncer à sa politique et s’opposer plutôt à l’intervention des États-Unis qui, par leur nature même,
autorisent le recours à l’option militaire avec toutes ses conséquences tragiques. Les chaînes de
télévision publiques et privées de langue française au Canada sont les pires, non seulement au
Canada, mais également en Occident. Elles ont complètement abandonné la tradition relativement
progressiste et ouverte d’esprit de la télévision d’État francophone telle que représentée par René
Lévesque lorsqu’il était journaliste dans les années 1960, et plus récemment par les sections
Nouvelles et Documentaires dirigées par Michel Cormier et d’autres, tel Jean-Michel Le Prince.
C’est une honte pour le Québec et l’auditoire de la télévision francophone partout au Canada.
La journaliste colombienne et présidente de teleSUR, Patricia Villegas Marin, en réponse au
courrier électronique d’Affaires mondiales Canada l’informant que son accréditation médias pour
assister à la 10e réunion ministérielle du Groupe de Lima à Ottawa avait été refusée, a déclaré dans
un gazouillis : Le gouvernement du Canada nous refuse l’accès à une réunion du soi-disant Groupe
de Lima. Ceux qui parlent de liberté démontrent, dans chacune de leurs actions, combien ils
ignorent sa signification. @telesurenglish et @teleSURtv n’abandonneront PAS leur mission
d’information.
Quant à Trump, il devrait prendre très au sérieux la tradition révolutionnaire civilo-militaire de la
révolution bolivarienne. Personne ne souhaite une confrontation, mais les États-Unis perdront, et
Trump l’aura comme héritage. La loyauté de John Bolton et d’autres super-faucons en vaut-elle
vraiment la peine?
Arnold August est un journaliste et conférencier canadien, auteur de Democracy in Cuba and the
1997–1998 Elections (1999), Cuba and Its Neighbours: Democracy in Motion (2013) et,
récemment, Cuba–U.S. Relations: Obama and Beyond (2017). En tant que journaliste, il collabore
à de nombreux sites Web en Amérique latine, en Europe et en Amérique du Nord, y compris le site
Mondialisation. Suivez-le sur Twitter et Facebook et sur son site Web : www.arnoldaugust.com.
Venezuela: Les États-Unis poursuivent leur aide humanitaire
en direction de la guerre
Les États-Unis ont œuvré avec des oligarques au Venezuela pour chasser le
président Maduro depuis son entrée en fonction en 2013 après le décès de Hugo
Chavez et sa réélection cette année. Après sa réélection pour un nouveau mandat
de six ans en 2018, les planificateurs du changement de régime ont cherché de
nouvelles stratégies pour le faire tomber, y compris une tentative d’assassinat en
août dernier. La campagne du coup d’État s’est renforcée récemment avec
l’auto-proclamation de Juan Guaidó à la présidence, et la reconnaissance
comme tel de celui-ci par le président Trump et les alliés des États-Unis.
Aujourd’hui, la tentative de coup d’État en cours s’intensifie par le biais d’une
stratégie d’intervention humanitaire.
Par Kevin Zeese & Margaret Flowers
Depuis la mi-2017, Trump parle ouvertement d’une guerre pour prendre le contrôle des immenses
réserves de pétrole du Venezuela. Le Pentagone et d’anciens fonctionnaires de l’administration, qui
ont été depuis démis de leurs fonctions, se sont opposés à cette action. Aujourd’hui, Trump est
entouré de néocons qui partagent son objectif de chasser Maduro et de prendre le contrôle des
ressources naturelles du pays. La guerre est une option ouvertement envisagée.
Les États-Unis n’ont aucune excuse pour attaquer légalement le Venezuela. Comme l’écrit Defense
One, « le droit international interdit “la menace ou l’usage de la force contre l’intégrité territoriale
ou l’indépendance politique d’un État.” » La Charte des Nations unies mentionne deux exceptions :
l’autodéfense et l’autorisation par le Conseil de sécurité de l’ONU, mais ni l’une ni l’autre n’ont été
réalisées pour le Venezuela. Sur le plan intérieur, Trump aurait aussi besoin que le Congrès nord-
américain autorise une attaque, ce qui est peu probable avec une Chambre contrôlée par les
Démocrates, non parce que ces derniers s’opposent à la guerre mais parce qu’ils s’opposent à
Trump.
Les États-Unis ont également revendiqué un droit très discutable d’utiliser la force pour une
« intervention humanitaire ». Par exemple, l’intervention des États-Unis et de l’OTAN en 1999 au
Kosovo était une intervention humanitaire qui s’est transformée en guerre.
Après une guerre économique à long terme qui cherchait à priver le Venezuela de ressources et a
coûté chaque année des milliards de dollars au pays, les États-Unis prétendent aujourd’hui que
celui-ci subit une crise humanitaire. Ils sont en train d’utiliser cette crise humanitaire qu’ils ont
contribué à créer pour ouvrir la voie à une guerre contre ce pays, avec l’aide des mandataires des
États-Unis, la Colombie et le Brésil. La tactique consiste à proclamer une crise humanitaire exigeant
une intervention puis d’amener des troupes pour fournir cette aide humanitaire, comme l’explique la
BBC. Une fois le pied dans la porte, il est facile de fabriquer une excuse pour le conflit.
Le week-end dernier, l’intervention humanitaire a commencé à se déployer lorsque le président issu
du coup d’État, Juan Guaidó, a annoncé la distribution imminente d’aide humanitaire, et que des
pressions seraient exercées sur l’armée vénézuélienne pour qu’elle en autorise l’entrée dans le pays.
Les centres de collecte seront situés en Colombie, au Brésil et sur une île des Caraïbes. Il a annoncé
que l’aide commencerait à être distribuée ces prochains jours. Il a affirmé que l’armée
vénézuélienne devra décider de la laisser entrer dans le pays, ou non. Guaidó a affirmé qu’il veut
que la population joue un rôle de soutien en descendant dans les rues pour des manifestations qui
seront annoncées prochainement.
Au cours du week-end également, le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton a déclaré que les
États-Unis enverront les « fournitures essentielles » réclamées par Guaidó. Auparavant, Bolton avait
ouvertement appelé à un coup d’État militaire et à des sanctions pour affamer des millions de
Vénézuéliens, jusqu’à leur soumission. Sur Twitter, l’administrateur d’USAID Mark Green a
partagé des images de boîtes frappées du drapeau américain en partance pour le Venezuela.
Elliot Abrams, qui a une longue histoire de crimes de guerre et a été condamné dans le scandale
Iran-Contra, a déclaré que le gouvernement étasunien envisage d’ouvrir un « corridor humanitaire »
et qu’il a maintenu des contacts avec le Brésil et la Colombie sur cette question. Il a reconnu que la
« coopération » de Maduro serait nécessaire pour acheminer l’aide vers le pays. Le journal El Pais a
rapporté : « L’ouverture de ce canal d’approvisionnement pourrait exiger la participation de troupes,
soit nord-américaines, soit d’un autre pays dans la région, quelque chose que le chavisme interprète
comme une menace claire. »
Le vice-président Mike Pence a parlé cette semaine du déploiement de l’aide humanitaire avec
Carlos Vecchio, l’ambassadeur de Guaidó aux États-Unis, ainsi qu’avec Julio Borges, nommé
représentant du Groupe de Lima. Borges demandera au Groupe de Lima, qui se réunit au Canada
cette semaine, l’ouverture « urgente » d’un corridor humanitaire. Le Canada a joué un rôle
secondaire dans le coup d’État en cours. Trudeau, qui a également imposé des sanctions
économiques au Venezuela, a promis 53 millions de dollars d’aide humanitaire. Les médias
critiques à l’égard du coup d’État se sont vus refuser l’accès à ces réunions.
Les États-Unis ont lancé cette opération majeure en coordination avec les gouvernements de droite
de la Colombie et du Brésil, les alliés anti-Maduro les plus bellicistes de Guaidó. Le Conseil
national de sécurité nord-américain a confirmé samedi que le déploiement de l’aide avait déjà
commencé. L’aide initiale contiendra des médicaments, du matériel chirurgical et des suppléments
nutritionnels. Il devait arriver de USAID à Bogota lundi puis être déplacée pour être stockée dans
un centre de collecte de la ville frontalière de in Cúcuta, la principale voie d’entrée pour les
Vénézuéliens migrant vers la Colombie. Il y a une forte présence de paramilitaires colombiens et de
mafias contrebandières à Cúcuta et c’est là que ceux qui ont tenté d’assassiner Nicolas Maduro l’an
dernier ont été formés.
Un des objectifs de l’aide humanitaire est de diviser l’armée vénézuélienne, qui a refusé de
reconnaître Guaidó. Ses auteurs cherchent à augmenter la pression sur l’armée afin de briser la
solidarité avec le gouvernement de Maduro. TIME Magazine rapporte, : « L’aide est devenue une
sorte de test décisif pour le soutien de l’armée à Maduro. » Le sénateur Marco Rubio (R-FL), a
déclaré sur Twitter : « Les responsables de l’armée et de la police au #Venezuela doivent maintenant
décider s’ils aident la nourriture et les médicaments de parvenir à la population ou si, au contraire,
ils aident #Maduro. »
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui n’a pas reconnu Guaidó, a déclaré que les
Nations unies « ne participeront pas » à la distribution de l’aide car elles veulent préserver leur
« crédibilité » afin d’aider à « trouver une solution politique à la crise ».
El Pais rapporte que « Les diplomates de plusieurs pays d’Amérique latine et de secteurs plus
modérés de l’opposition craignent que cela serve de prétexte pour provoquer le conflit dans
l’armée ». Le président Maduro a rejeté à plusieurs reprises l’entrée de l’aide humanitaire parce
qu’il savait que cela fournirait une justification à une intervention étrangère. Il sait que les États-
Unis cherchent le pétrole et d’autres ressources, « l’or, le gaz, le fer, les diamants et d’autres
richesses matérielles ».
Maduro a appelé la communauté internationale à mettre fin aux menaces de guerre nord-
américaines contre le Venezuela. Il a affirmé qu’une guerre serait un bain de sang, un combat entre
David et Goliath qui « laisserait Trump couvert de sang ». Il a déclaré que les Vénézuéliens étaient
préparés à défendre leur terre « sacrée » devant une invasion militaire des États-Unis, mais a
souligné qu’il « avait prié Dieu » qu’un tel conflit n’ait jamais lieu. L’« agression militaire » de
Trump doit être rejetée pour que « la paix l’emporte ».
Photo de tête: Manifestation devant le consulat nord-américain à Sydney pour demander que les
États-Unis n’interviennent pas au Venezuela.
Traduit par Diane Gilliard
Source : Popular Resistance
La pétition a été lancée par l’argentin Adolfo Pérez Esquivel, sculpteur, militant pour les droits de
l’Homme et défenseur de la non-violence active contre les crimes de torture perpétrés par les
dictatures en Amérique latine. Il a été primé avec le prix Nobel de la paix en 1980.
Nous sommes proches des six cent mille signatures et nous espérons arriver à un million bientôt,
avec la vôtre, bien sûr. Vive Lula ! Portons bien haut et fort en portugais : Lula Livre !
Juan Guaidó: l’homme qui voudrait être président du
Venezuela n’a pas de légitimité constitutionnelle
Formé à l’université George Washington de Washington, Guaidó était pratiquement inconnu dans
son Venezuela natal avant d’être propulsé sur la scène mondiale dans une série d’événements à la
succession rapide. Dans un sondage réalisé un peu plus d’une semaine avant que Guaidó se nomme
président du pays, 81% des Vénézuéliens n’avaient jamais entendu parler de cet homme de 35 ans.
Pour le dire encore plus brièvement, Pence, le vice-président des États-Unis, a téléphoné à Guaidó
au soir du 22 janvier et lui a probablement demandé comment il aimerait être fait président du
Venezuela. Le lendemain, Guaidó a annoncé qu’il se considérait comme le président du Venezuela,
suivi quelques minutes plus tard par le président américain Trump, qui confirmait son auto-
proclamation.
Quelques semaines auparavant, le 5 janvier, Guaidó avait été installé comme président de
l’Assemblée nationale vénézuélienne, l’organe législatif unicaméral. Il avait été élu à l’Assemblée
depuis un district côtier avec 26% des suffrages. C’était le tour de son parti de prendre la présidence
de cette instance, et il a été sélectionné pour cette position. Même au sein de son propre parti,
Guaidó n’était pas à la tête de la direction.
Le parti de Guaidó, Volonté populaire, est un groupe d’extrême-droite marginal, dont les plus
ardents partisans sont John Bolton, Elliott Abrams et Mike Pompeo. Volonté populaire avait adopté
une stratégie de changement de régime par des moyens extra-parlementaires plutôt que de s’engager
dans le processus électoral démocratique et n’avait pas participé aux récentes élections
vénézuéliennes.
Bien que oint par Trump et compagnie, le parti Volonté populaire de Guaidó n’est pas représentatif
de l’« opposition vénézuélienne », qui est un groupe vindicatif formé de ceux dont la haine de
Maduro n’a d’égal que l’horreur qu’ils éprouvent les uns pour les autres . Le principal candidat de
l’opposition, Henri Falcón, qui s’est présenté contre Maduro en 2018 sur un programme néolibéral
d’austérité, avait été combattu farouchement par Volonté populaire, qui exigeait qu’il se joigne au
boycott de l’élection soutenu par les États-Unis.
Le journal vénézuélien Ultimas Noticias a rapporté que le célèbre homme politique de l’opposition
Henrique Capriles, qui s’était présenté contre Maduro en 2013, « a affirmé dans une interview que
la majorité des partis d’opposition n’étaient pas d’accord avec l’auto-assermentation de Juan
Guaidó comme président par intérim du pays ». Claudio Fermin, président du parti Solutions pour
le Venezuela, a écrit : « Nous croyons au vote, au dialogue, nous croyons qu’il est possible de se
comprendre, nous croyons que les Vénézuéliens doivent se distancier des secteurs extrémistes qui
n’offrent que haine, revanche, lynchage. » L’important gouverneur de l’opposition de l’État de
Táchira, Laidy Gómez, a rejeté le soutien de Guaidó à l’intervention des États-Unis, avertissant
qu’elle « provoquerait la mort de Vénézuéliens ».
La cabale Guaidó/Trump ne reflète pas le consensus démocratique au Venezuela, où les sondages
montrent constamment que l’immense majorité s’oppose à une intervention extérieure. L’opinion
populaire soutient des négociations entre le gouvernement et l’opposition comme l’ont proposé le
Mexique, l’Uruguay et le Vatican. L’administration de Maduro a accueilli les négociations comme
une solution pacifique à la crise à laquelle est confronté le Venezuela.
Le gouvernement étasunien rejette une solution négociée, selon les termes du vice-président Pence :
« Ce n’est pas le moment de dialoguer ; c’est le moment d’agir. » Cette position intransigeante est
fidèlement reprise par Guaidó. Ainsi, alors que la plupart des Vénézuéliens veulent la paix, le
président auto-proclamé, soutenu par toute la puissance militaire des États-Unis, a écrit dans une
tribune publiée dans le New York Times qu’il était possible de « mettre fin au régime Maduro avec
un minimum d’effusion de sang ».
La feuille de vigne de la cabale Guaidó/Trump en faveur de la légitimité est basée sur l’argument
bidon que l’article 233 de la Constitution vénézuélienne donne à l’Assemblée nationale le pouvoir
de déclarer qu’un président national a « abandonné » son poste. Auquel cas, le président de
l’Assemblée nationale peut servir de président par intérim, jusqu’à la tenue d’élections
présidentielles. Mais la vérité qui dérange est que Maduro n’a montré aucune inclination à
abandonner son poste, et la Constitution ne dit pas cela.
En fait, les motifs pour remplacer un président sont très clairement définis dans le premier
paragraphe de l’Article 233 de la Constitution vénézuélienne et n’incluent pas les élections
frauduleuses ou illégitimes, ce que la cabale a prétendu. Dans la logique tordue du gouvernement
étasunien et de ses épigones, si le peuple élit quelqu’un que la cabale n’aime pas, l’élection est par
définition frauduleuse et le vainqueur démocratiquement élu est ipso facto un dictateur.
La fonction de juger de la validité d’une élection, comme dans n’importe quel pays, doit être traitée
au travers de contestations juridiques, et non en s’adressant à Donald Trump pour obtenir son
approbation. Et certainement pas en donnant l’onction à un individu provenant d’un parti qui aurait
pu se présenter à l’élection en 2018 mais a décidé de la boycotter.
Le Tribunal suprême de justice (TSJ), qui est la branche de la Cour suprême distincte du
gouvernement vénézuélien, a validé la réélection de Maduro, comme l’ont fait les observateurs
internationaux indépendants. En outre, aucun des partis qui avaient boycotté l’élection n’a fait
appel, tandis que tous les partis qui y avaient participé, y compris les partis d’opposition, ont
approuvé la validité de l’élection après la fermeture des bureaux de vote.
L’opposition d’extrême-droite a boycotté la Haute Cour ainsi que le processus électoral. Ils
contestent la légitimité du TSJ parce que certains de ses membres ont été nommés par une
Assemblée nationale en fin de mandat alors qu’une nouvelle Assemblée, avec une majorité dans
l’opposition, avait été élue en décembre 2015 mais ne siégeait pas encore.
Même si le président Maduro était considéré comme ayant connu ce qu’on appelle une falta
absoluta (c’est-à-dire une sorte de vacance dans la présidence due à la mort, à la folie, à l’absence,
etc.), le président de l’Assemblée national n’est autorisé à prendre le pouvoir que si la falta
absoluta intervient avant que le président légal « prenne possession ». Maduro, cependant, était déjà
« en possession » avant son investiture le 10 janvier 2019 et même avant l’élection présidentielle du
10 mai 2018. Maduro avait remporté la présidence lors de l’élection de 2013 et a été réélu en mai
dernier.
Si la falta absoluta est considérée comme étant intervenue au cours des quatre premières années du
mandat présidentiel, le vice-président prend la relève. Puis la Constitution décrète qu’une élection
présidentielle éclair doit avoir lieu dans les 30 jours. C’est ce qui s’est produit lorsque le président
Hugo Chávez est mort pendant son mandat en 2013. Ensuite, le vice-président Nicolás Maduro lui a
succédé à la présidence, a convoqué de nouvelles élections et a été élu par le peuple du Venezuela.
S’il apparaît que la falta absoluta s’est produite au cours des deux dernières années du mandat
présidentiel de six ans, le vice-président prend la relève jusqu’à la fin du mandat, selon la
Constitution vénézuélienne. Et si le moment de la falta absoluta n’est pas clair – quand Maduro a
présidé des élections « illégitimes » en 2018, comme le prétend l’opposition d’extrême-droite, c’est
au TSJ de décider, pas au président de l’Assemblée nationale ni même à une autorité aussi auguste
que le sénateur nord-américain Marco Rubio. Ni à la presse américaine bouffie (trop nombreuse
pour être citée), qui sans se donner la peine de lire le langage clair de la Constitution bolivarienne,
parle de façon répétitive de Guaidó comme du président « autorisé par la Constitution » ou du
président « légitime ».
Comme l’a tweeté Alfred de Zayas, expert indépendant des Nations unies pour la promotion d’un
ordre international démocratique et équitable : « L’Article 233 de la Constitution vénézuélienne est
inapplicable et ne peut être détourné pour légitimer l’auto-proclamation de Guaidó comme président
par intérim. Un coup d’État est un coup d’État. »
*Roger Harris participe à Task Force on the Americas et à Campaign to End US/Canada Sanctions
Against Venezuela.
Tous les yeux du monde sont à nouveau rivés sur le Venezuela. Après avoir été
désigné président de l’Assemblée Nationale, Juan Guaidó s’est autoproclamé «
président provisoire » du gouvernement vénézuélien. Immédiatement, les États-
Unis ainsi qu’un groupe de pays européens et latino-américains lui ont apporté
leur soutien, basant sa légitimité sur l’article 233 de la constitution
vénézuélienne. Problème : Guaidó déclare que le président Nicolas Maduro a «
usurpé et abandonné le poste », alors que le Tribunal suprême de justice a déjà
déclaré que toute décision de l’Assemblée Nationale serait « nulle et non avenue
». Dans ce contexte d’urgence et de pression internationale extrêmes sur son
pays, Mme Claudia Salerno, ambassadrice du Venezuela auprès de l’Union
Européenne, nous a accordé un entretien exclusif. Une parole de dignité qui bat
en brèche la virulence de l’assaut médiatique contre le Venezuela.
Par Alex Anfruns
Après l’expiration d’un ultimatum de huit jours, qui sommait le Venezuela d’organiser de
nouvelles élections présidentielles, les gouvernements de 19 pays de l’Union Européenne (UE)
ont déclaré lundi 4 février la reconnaissance de Juan Guaidó comme président provisoire du
Venezuela. Quelle est votre réaction face à ces déclarations ?
Claudia Salerno : Notre président Nicolás Maduro et notre ministre des Affaires étrangères, Jorge
Arreaza, ont été clairs dans leur réponse. Le Venezuela est un pays souverain, possédant son propre
système de lois et une constitution en vigueur, adoptée en 1999, qui établit clairement les
mécanismes requis pour convoquer des élections. Il n’existe absolument aucun passage dans la
constitution de la République bolivarienne du Venezuela qui stipule que des élections peuvent être
convoquées à la demande de pays européens. Nous sommes indépendants depuis plus de 200 ans,
nous n’obéissons en aucune manière à l’Europe. Il est scandaleux que l’Europe se rabaisse à
effectuer cette reconnaissance illicite. En pratique, celle-ci ne traduit rien de plus qu’un soutien à la
personne désignée par les États-Unis pour mener un coup d’État au Venezuela. Celui-ci a clairement
été assumé par le gouvernement étasunien à travers tous ses porte-paroles, du président Donald
Trump au conseiller à la sécurité nationale, ce dernier indiquant même que l’option armée était sur
la table afin de parvenir au changement de régime. L’appel de l’UE pour l’organisation d’élections
n’est donc rien d’autre qu’un alignement sur Donald Trump.
Il n’existe absolument rien dans la constitution qui justifie qu’un individu, même en qualité de
président de l’Assemblée Nationale (un poste que Juan Guaidó occupe depuis un an), lève la main
et s’autoproclame président par intérim. Un tel mécanisme n’existe même pas dans notre
constitution nationale. Dans tous les cas, ce mécanisme obligerait, en cas d’absence absolue de
président de la République, ce qui n’est pas le cas actuellement, à tenir des élections dans un délai
ne dépassant pas trente jours. Pas à convoquer des élections, mais à les organiser. Et ce n’est pas le
cas actuellement, cet intérim étant destiné à être permanent. Par conséquent et de manière évidente,
ces pays européens qui l’ont reconnu violent le droit international, puisque selon celui-ci, les
relations s’effectuent entre les États et non entre les États et les gouvernements. En agissant de la
sorte, ces pays ont donné une blanc-seing à un coup d’État caractérisé, vulgaire et grossier sur le
plan juridique, tout simplement afin d’emboîter le pas de la politique d’ingérence des États-Unis. Il
ne s’agit de rien d’autre que d’un coup d’État pour forcer un changement de régime. Ici au
Venezuela, nous n’accepterons pas, ainsi que notre gouvernement, nos pouvoirs publics et notre
armée, que ce genre d’agenda extérieur vienne ouvertement altérer et violer notre constitution
nationale de cette manière.
Jusqu’à récemment en Europe, et dans votre pays peut-être aussi, Juan Guaidó était un
inconnu. Il s’est autoproclamé président en s’appuyant sur l’article 233 de la constitution.
Cette interprétation, qui est celle de l’opposition vénézuélienne et qui s’est répandue à
l’étranger, est-elle valide d’un point de vue constitutionnel pour exiger un changement de
régime ?
Non, elle est totalement incorrecte et erronée. L’article 233 réglemente les scénarios de vacance
absolue de la présidence de la République. Aucun d’entre eux n’est survenu. Le président n’est pas
mort, n’a pas démissionné, il n’a pas été destitué par décret par le Tribunal suprême de justice,
celui-ci ne l’a pas non plus déclaré en incapacité physique permanente et il n’a pas non plus
abandonné son poste. Aucune de ses situations n’est survenue. Mais même si l’un de ces scénarios
s’était produit, l’article prévoit clairement que si cette vacance se produit avant la prise de
fonctions, soit avant le 10 janvier, c’est le président de l’Assemblée Nationale qui doit assurer la
présidence. Mais ce scénario ne s’est pas non plus produit, puisque Juan Guaidó s’est proclamé
président le 23 janvier, soit bien après la prise de fonctions du président Nicolás Maduro. Le second
scénario aurait été que la vacance se produise après l’investiture. Dans ce cas, la personne qui aurait
assuré le rôle de président, et non de « président intérimaire », ce terme n’existant pas, aurait été le
vice-président ou le vice-président exécutif, Mme Delcy Rodríguez en l’occurrence. Aucun autre
scénario n’est possible. Selon l’article que brandissent l’UE et Guaidó pour justifier le statut de
nouveau président de ce dernier, la personne qui devrait assurer le rôle de « président en charge »,
différent du rôle de « président », est la vice-présidente Delcy Rodríguez. L’article n’implique
aucune autre interprétation.
Aujourd’hui, l’UE tente d’avoir sa propre interprétation de la constitution, qui concorde avec ses
objectifs. D’un côté l’UE affirme que cette vacance absolue de la présidence était effective avant
l’investiture puisqu’elle ne reconnaît pas le résultat des élections du 20 mai 2018. La question que
tout le monde se pose est la suivante : si la vacance s’est produite au moment où les élections ont eu
lieu, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de déclarer cette vacance ? L’Assemblée Nationale a
eu plus de six mois pour débattre de ce sujet. N’est-ce que le 23 janvier qu’on s’est rendu compte
qu’il n’y avait pas de président ? Cela prouve bien l’existence d’un agenda établi en vue d’un coup
d’État parfaitement structuré.
La seconde question qui doit être posée est la suivante : pourquoi l’UE déclare-t-elle que Guaidó
pourra convoquer des élections d’ici 30 jours, 90 jours, ou un an ? Autrement dit, lorsque les
conditions seront réunies pour que ces élections plaisent à l’UE. Mais que croit-elle ? Que
n’importe quel pays ou groupe de pays dans le monde peut dire à un autre pays : « Il me semble que
votre constitution s’interprète de telle manière… » ? Seuls certains éléments de l’article 233, qui
leur permettent de justifier leurs agissements, les intéressent. Mais il est évident que cet article ne
prévoit aucune base sur laquelle Guaidó peut s’appuyer pour faire ce qu’il est en train de faire. C’est
pour cette raison que le masque doit tomber. Il s’agit d’un coup d’État. Ils peuvent toujours citer un
article de la constitution afin de justifier ce putsch, mais si on l’analyse, il est évident qu’il ne laisse
aucune place à l’interprétation qu’ils en font à l’Assemblée Nationale.
La trahison de notre patrie qu’ils sont en train d’organiser est si flagrante qu’une loi permettant au
mandat de Guaidó d’être prolongé de 30 jours tous les 30 jours a été votée. Il est donc renouvelable
tous les mois… Une audace que l’on ne retrouverait même pas dans un contrat de location
d’appartement ! Mais ils s’en accommodent, violant et transgressant la loi en vue d’un putsch
parlementaire. D’ailleurs, notre système est présidentiel, et non parlementaire, et il établit
clairement la séparation des pouvoirs. M. Guaidó affirme aujourd’hui assurer la présidence de la
République, autrement dit le pouvoir exécutif, en même temps que la présidence du pouvoir
législatif. Cela n’existe pas dans la constitution vénézuélienne, le coup d’État ne peut donc pas être
plus flagrant.
En réalité, le Venezuela n’est pas isolé. Il possède le soutien de nombreux pays à travers le
monde qui continuent de reconnaître le gouvernement de Nicolás Maduro. C’est également le
cas des Nations Unies, qui défendent le droit international. Le ministre des Affaires
étrangères, Jorge Arreaza, a réalisé une Tournée de la dignité Sud-Sud, afin de défendre une
diplomatie pacifique. Le Venezuela peut également compter sur le soutien de nombreux
peuples à travers le monde, dont le peuple étasunien, qui a témoigné des marques de solidarité
avec le peuple vénézuélien agressé… Au milieu de cette situation, certains pays comme le
Mexique ou l’Uruguay ont défendu un autre point de vue lors de la Réunion de Montevideo.
Quelle évaluation faites-vous de ce mécanisme de dialogue ?
La Réunion de Montevideo s’est achevée par l’adoption d’une proposition intégrale, soutenue par le
Mexique, l’Uruguay et les pays membres de la Communauté caribéenne (CARICOM). La
CARICOM est une organisation de 15 pays souverains des Caraïbes qui a décidé d’adopter une
proposition intitulée « Mécanisme de Montevideo », qui a vu le jour le 6 février. Sur le plan
international, ce mécanisme propose la création d’un espace de dialogue et de paix entre les parties,
afin de chercher une solution à ce qu’on a appelé la « crise politique au Venezuela », qui a été
fomentée de l’extérieur. Ces pays de la région latino-américaine ont déjà formé une coalition et ont
présenté une proposition concrète.
Cette proposition mise sur la table possède déjà un calendrier et une feuille de route claire avec des
étapes précises. La première consiste en la tenue immédiate d’un dialogue afin de créer les
conditions d’un contact direct entre les parties. C’est ce que déclarait le communiqué commun
publié par la CARICOM, l’Uruguay et le Mexique. La deuxième consisterait à négocier et à
présenter les résultats du dialogue, avec des points communs et un espace permettant à chaque
partie d’assouplir sa position. La troisième étape consisterait à s’engager sur des accords et à les
ratifier, et la dernière étape du mécanisme se composerait de la mise en place et de l’application des
accords sous accompagnement international.
C’est un événement historique qui s’est produit hier à Montevideo, qui fera date pour le peuple
vénézuélien. Tandis qu’un groupe de pays du nord, comprenant les États-Unis, accompagnés de
plusieurs pays européens et latino-américains, appelle à l’intervention, à l’ingérence, au passage en
force de solutions, et continue même à envisager la possibilité d’une solution armée, un groupe de
17 pays, possédant le même poids et le même niveau de souveraineté que la charte des Nations
Unies a accordé à chaque pays du monde, a émis la proposition d’un dialogue ouvert et franc
comprenant un accompagnement international. La balle est désormais dans le camp de l’Amérique
latine et des Caraïbes.
L’Union Européenne doit faire un choix. Elle peut accompagner cet agenda pour la paix et le
dialogue et, dans ce cas, elle est la bienvenue. Elle peut aussi continuer à évoluer sur le terrain de
Donald Trump, contraignant éventuellement notre peuple à connaître un bain de sang. Que l’UE
promeuve à nouveau l’effusion de sang dans notre région serait épouvantable. Nous pensions avoir
changé cela il y a 200 ans. Je crois que le message ne leur est pas encore parvenu…
Il est regrettable que le pays qui a précisément été libéré et rendu souverain par un Vénézuélien ait
l’intention d’utiliser son espace et ses terres, et peut-être ses armes, pour les retourner contre un
peuple frère comme le peuple vénézuélien. La seule chose que ce dernier a apporté à la Colombie
est son soutien et sa solidarité depuis le début de son histoire, et plus récemment lors de ces 70 ans
de guerre sanglante entre les Colombiens. Celle-ci s’est achevée avec une population de près de 6
millions de Colombiens présents sur le territoire vénézuélien après avoir fui leur pays. Avec des
enfants nés au Venezuela et qui sont vénézuéliens, des enfants de père et mère colombiens qui fuient
les balles et la guerre. Il est regrettable de voir qu’un pays qui a tant souffert puisse être disposé à
prêter son territoire pour qu’un peuple frère soit attaqué.
Tout le monde sait ce que signifie « l’intervention humanitaire », qui n’est aujourd’hui qu’un
stratagème pour pouvoir intervenir et pénétrer sur le territoire vénézuélien. Il n’existe aucun cas
récent où les États-Unis sont intervenus dans un pays, pour des raisons humanitaires ou autres, qui
montre que ledit pays se porte mieux qu’avant que les États-Unis n’y posent leurs mains et leurs
bottes. Nous vivons un moment très difficile, mais qui nous remplit de courage et de force pour
défendre ce qui nous appartient, ce qui nous a tant coûté et dont l’artisan a même donné son nom au
processus en cours en Amérique latine et aux Caraïbes. Le Venezuela n’a jamais pris les armes
contre aucun peuple. La seule fois où nous l’avons fait, c’était pour donner la liberté à cinq pays de
la région latino-américaine, dont la majorité d’entre eux ont brandi des arguments, et peut-être des
armes, contre notre peuple. Mais nous résisterons. Nous l’avons fait jadis et nous continuerons à le
faire aujourd’hui.
Si l’on se penche sur notre histoire passée, Simón Bolívar nous a donné le meilleur exemple de la
manière dont des petits peuples ont réussi à venir à bout de puissants empires. Nous l’avons fait il y
a 200 ans. Nous aimerions éviter d’avoir à revivre un tel scénario. En tant que diplomate et femme
politique, j’aimerais pouvoir penser qu’on accorde encore du temps et de l’espace au dialogue.
C’est pour cette raison que je n’aime pas les délais, ni les personnes qui refusent les dialogues. Je
crois que lorsque le dialogue a disparu, tout a disparu, et je continue de croire que la paix à sa place,
et qu’il faut la lui donner. Les politiques doivent jouer leur rôle à l’heure actuelle. J’ai confiance
dans le fait que cela serait plus puissant que ceux qui lustrent leurs canons et se préparent à entrer
dans notre patrie dissimulés derrière des caisses de nourriture.
Par ailleurs, la proposition d’aide des États-Unis s’élève à 20 millions de dollars. Cela ne couvre
même pas 1 % des besoins du peuple vénézuélien en matière d’alimentation. Il est absolument
évident qu’il s’agit d’un cheval de Troie destiné à dissimuler le vrai dessein qui se cache derrière.
M. Guaidó l’a lui-même révélé sans ambages : peu importe si cela doit coûter des vies. Il l’a même
indiqué dans un tweet, qu’il a ensuite effacé, en déclarant qu’il espérait que cela se fasse « avec le
moins de morts possible ». On devrait lui demander si des morts le dérangeraient tout court. Je
n’ose même pas imaginer que cela coûte la vie ne serait-ce qu’à une seule personne. C’est cela qui
conduit ceux qui, comme moi, prennent la politique au sérieux à faire preuve d’une grande
responsabilité par les temps qui courent.
Le Venezuela doit également faire face à une vaste agression médiatique. Vous avez parlé «
d’interventionnisme humanitaire », qui se trouve être de fait un outil qui a fonctionné dans
certains cas, comme il a servi de prétexte en Libye, par exemple. Intervenir pour soi-disant
protéger le peuple…
Au Venezuela, nous savons que nous sommes face à un ennemi très puissant qui possède des armes
et des moyens de pression énormes. Mais de notre côté, nous possédons une immense dignité à
l’épreuve des balles. Si nous en arrivons jusque là, nos forces seront prêtes pour défendre le pays.
La tragédie qu’espéraient les États-Unis avec une intervention des forces armées ne s’est pas
produite. Ils n’y sont pas parvenus non plus en demandant ouvertement à nos soldats de se retourner
contre le gouvernement et le peuple. Ce que nous a enseigné Chávez et ce que nous avons bâti au
cours des 20 dernières années nous a rendus imperméables à ce genre de tactiques. Au contraire,
cela nous a permis d’accumuler une grande cohésion autour de notre dignité nationale ainsi qu’une
volonté de défendre ce que nous ont légué nos pères libérateurs. Nous ne nous laisserons pas
tomber.
L’un des arguments des détracteurs de la Révolution bolivarienne est que la situation
économique a provoqué un phénomène d’émigration des Vénézuéliens jamais vu auparavant.
Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est le gouvernement qui est responsable, car il n’a
pas suffisamment œuvré pour résoudre les problèmes économiques, et à ceux qui considèrent
qu’une crise humanitaire est en cours ?
Le président de la République a été le premier à dire et à reconnaître qu’on n’en a pas assez fait et
qu’on aurait pu faire davantage. Bien sûr, on peut toujours faire plus, c’est la position d’un chef de
gouvernement responsable : comprendre qu’il existe des manques et des besoins, et ne pas les nier.
Il ne les nie pas, il les a assumés. Nous avons essayé au sein du gouvernement national, dans les
circonstances exceptionnelles que nous savons, de mobiliser tous les ministères compétents afin de
répondre aux difficultés et à la crise.
Il existe une chose fondamentale qu’il faut se rappeler à chaque fois que l’on évoque la situation de
crise économique qui frappe le pays et que ni le président ni absolument aucun autre fonctionnaire
responsable de l’État ne nie. Depuis 2015, nous sommes sous le coup d’un décret qui qualifie le
Venezuela de « menace extraordinaire et inhabituelle pour les États-Unis ». C’était au moment de
l’administration de M. Obama, le prix Nobel de la paix. Depuis cet instant jusqu’à l’arrivée de M.
Trump à la Maison Blanche, le Venezuela a été soumis à une série de mesures économiques,
commerciales et plus récemment financières qui ont engendré une paralysie totale et absolue des
capacités de l’État à échanger au niveau commercial et financier via les mécanismes prévus par les
relations internationales.
Le Venezuela a même été contraint de contourner le dollar pour pouvoir réaliser des transactions
commerciales et financières avec d’autres pays. Nous avons dû modifier les circuits de nos
transferts bancaires, pour pouvoir garantir que le pays continue à remplir ses obligations de
remboursement de la dette envers les pays qui sont nos créditeurs. Et pourtant, malgré trois ans d’un
blocus féroce qui ne cesse de se radicaliser, nous avons dû subir le vol, car il n’y a pas d’autre mot
pour qualifier cela, par les États-Unis des biens et des actifs du peuple vénézuélien, qui les ont
confisqués sur le territoire étasunien.
Les États-Unis souhaitent désormais remettre ceux-ci aux mains du putschiste Guaidó, comme s’il
s’agissait d’un simple colis à remettre au commerçant du coin de la rue. Ces actifs qui appartiennent
à l’État sont en train d’être transférés sans aucun contrôle, sans passer par les mécanismes de
contrôle de l’État, ni par l’inspection des finances, aux mains d’un monsieur qu’absolument
personne ne connaissait dans le pays il y a un mois et dix jours. D’ailleurs, il est arrivé à
l’Assemblée Nationale sous les couleurs de la cinquième force politique d’opposition. C’est pour
cette raison qu’il est arrivé en quatrième position pour le poste de président de l’Assemblée
Nationale, derrière tant d’autres candidats. Son parti politique a été celui avec le moins de sièges,
ayant terminé en cinquième position. De plus, ce monsieur Guaidó ne peut compter que sur un
matelas de légitimité de 97 000 votes. Et il a pourtant reçu, avec ces 97 000 votes, le soutien du
gouvernement étasunien, et compte également saisir et voler les ressources de l’État…
La crise économique est évidente, on ne peut demander à aucun pays de résister à la pression
économique et d’avoir une administration fonctionnelle lorsqu’il a été amputé de toutes ses
ressources et de toutes ses capacités à commercer avec les autres pays.
Concernant notre émigration, il faut préciser clairement qu’il s’agit avant d’une émigration
économique et de travail. Les émigrants vénézuéliens ont presque systématiquement bénéficié d’un
enseignement secondaire et universitaire. Ce sont eux qui se rendent dans les pays frontaliers et
voisins, qui sont au nombre de 16. Ils émigrent afin de trouver de nouvelles opportunités pour eux
et leur famille.
On pourrait effectuer une simple comparaison en prenant les chiffres utilisés par les Nations Unies
avec la situation espagnole, par exemple. Moi, je voudrais que le gouvernement de Pedro Sánchez
m’explique quelque chose, puisqu’il a tant critiqué la situation actuelle et a utilisé l’émigration
économique des Vénézuéliens vers les pays frontaliers comme un argument majeur contre le
gouvernement du Venezuela… J’aimerais que Sánchez m’explique pourquoi l’Espagne, qui
n’endure pas de situation de blocus économique et commercial, qui ne se voit pas imposer de
mesures financières de saisie de ses biens, de ses ressources et de ses actifs sur le territoire nord-
américain et qui n’ont pas été gelés par les États-Unis pendant trois ans, compte un million et demi
de jeunes ayant eux aussi émigré vers des pays européens voisins.
Qu’il m’explique pourquoi l’Espagne possède un million et demi de jeunes en-dehors de ses
frontières, alors qu’il continue de critiquer vertement les chiffres de l’émigration vénézuélienne, des
chiffres qui s’avèrent d’ailleurs parfois absurdes. Ceux-ci indiquent qu’entre trois et quatre mille
Vénézuéliens quittent tous les jours le pays. Rappelons que le Venezuela compte 30 millions
d’habitants. Si ces chiffres étaient exacts, il ne resterait déjà plus aucun Vénézuélien sur le territoire.
Leur argumentation est tellement impudente que même la présentation de leurs chiffres n’a pas de
sens.
Il est évident que cela sert à orienter une campagne médiatique. Lorsqu’on est déterminé à saisir les
ressources d’autres pays, on n’a aucun scrupule à mentir. Ils mentent, ils le font ouvertement. Ce
n’est pas la première fois. Ils ont menti et ils mentent systématiquement. Ils ont menti pour l’Irak,
pour la Libye, qui pourrait donc croire qu’ils vont dire la vérité à propos du Venezuela ? Qu’est-ce
qui pourrait pousser à faire confiance à ces gouvernements qui ont déjà perdu leur crédibilité
lorsqu’ils sont intervenus dans des pays pour leurs ressources ? Pensez-vous qu’ils disent désormais
la vérité à notre sujet ? Ne serait-ce pas plutôt parce que le Venezuela est assis sur les plus grandes
réserves de pétrole du monde ainsi que sur les réserves de diamants, d’or et de coltan les plus
importantes du monde ? Ou bien exportent-ils leur démocratie vers les pays les plus pauvres en
ressources ?
Alors ne soyons pas dupes, il s’agit d’un coup d’État en vue d’un changement de régime forcé afin
de capter et de s’approprier les ressources de l’État vénézuélien. Ils n’ont même pas attendu que le
putsch fonctionne avant de commencer à arracher à l’État vénézuélien ses ressources en territoire
nord-américain. C’est le niveau d’obscénité qu’a atteint la situation actuelle.
À la demande des États-Unis, le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est réuni et a invité 38 pays
à se prononcer sur le Venezuela. Parmi eux, 14 pays se sont déclarés en faveur du putsch et 24
contre. Qu’importe. À la demande des États-Unis, l’Organisation des États américains (OEA) s’est
réunie à Washington. Ils n’ont réussi à obtenir que 19 votes en leur faveur. Ils n’ont donc réussi à
faire adopter une décision contre le Venezuela ni à l’assemblée de l’OEA ni au sein du Conseil de
sécurité des Nations Unies. Mais ils continuent d’agir. Ce n’est pas la première fois qu’ils le font.
Dans le même temps, le Parlement européen a tenté, par le biais d’une résolution, de reconnaître
Guaidó, bien qu’il ne possède pas les compétences pour reconnaître un gouvernement. Mais ce n’est
pas la première fois qu’ils violent la loi. Ils l’ont fait en 2011 dans le cas de la Libye. La recette
n’est pas nouvelle. Ils sont tellement effrontés qu’ils n’inventent même pas de nouvelle stratégie.
Dans le cas du Venezuela, toutes les recettes sont en train d’être combinées : la révolution colorée,
la recette libyenne, la recette irakienne… Les États-Unis ont trouvé en Guaidó un leader content
d’être la marionnette d’un coup d’État.
Certes, le gouvernement vénézuélien a rejeté « l’offre d’aide humanitaire » US. Mais celle-ci était
couplée à des menaces de guerre ainsi qu’à l’ultimatum européen lui exigeant de convoquer de
nouvelles élections. L’UE avait annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas le résultat du processus
électoral de 2018. L’ex-président espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, médiateur au cours d’une
table de dialogue entre l’opposition et le gouvernement vénézuélien, avait alors considéré que l’UE
faisait preuve de « préjugés » à l’égard de ce pays, et que les conditions de ces élections « n’avaient
pas changé » depuis la victoire de l’opposition lors des législatives fin 2015. Ce qui se passe au
Venezuela peut se résumer en un mot : ingérence.
Ces derniers jours, l’engrenage médiatique qui précède et justifie la guerre s’est accéléré. Le 15
février, Pompeo et Mogherini se sont rencontrés pour appeler à « des élections anticipées et une
transition pacifique » au Venezuela. Ils mentent comme des escrocs. Ils ne s’intéressent ni à la Paix
ni à la Démocratie ni aux Vénézuéliens, mais aux richesses souterraines. Le 14 février, le ministre
des affaires étrangères espagnol, Borrell, a admis que « la guerre n’est pas la solution », mais il a
aidé à la préparer par l’ultimatum et le soutien de son gouvernement à un opposant insurrectionnel.
Quel grand talent d’équilibriste ! Il y a quelques semaines, le président en fonction, Pedro Sanchez,
qui n’a jamais été élu, se croyait légitime pour exiger du Venezuela l’organisation de nouvelles
élections. Aujourd’hui, il s’est vu contraint à annoncer des élections anticipées, oui, mais dans son
propre pays. Souhaitons bonne chance au candidat Sanchez. Et au cas où, avec des observateurs
internationaux cela serait encore mieux ! Le 12 février, le gouvernement britannique annonçait qu’il
enverrait 8,4 millions de dollars sous le concept d’« aide humanitaire ». N’oubliez jamais la
supériorité manifeste de la démocratie occidentale. Si l’on perd les élections ou même si l’on ne se
présente pas du tout, on peut toujours se proclamer président via la reconnaissance et le soutien sans
faille de puissances amies.
Vous n’êtes pas sans savoir que ce pays est sous l’épée de Damoclès. Compte tenu des reportages «
équilibrés » des médias auxquels nous avons eu droit pendant des années, l’engagement pour un
véritable droit à l’information devient urgent quand on voit le résultat des interventions «
humanitaires » dans les autres pays. Vénézuéliens ou pas, nous devons tous chercher une base
commune pour le dialogue et le respect. Nous les Européens avons une expérience des guerres
mondiales et civiles, des massacres, des invasions et de leur effet boomerang, le terrorisme. Là-bas,
les latino-américains ont eux aussi subi le débarquement des troupes US, les disparitions et les
tortures lors des dictatures des années 60 et 70. La guerre ne résout rien. L’opposition vénézuélienne
représentée par Guaido cherche une guerre civile avec le soutien des US et de la Colombie. C’est
cela la position indéfendable, pas la défense de la souveraineté nationale ! L’Histoire n’est pas écrite
par les empires, mais par les Peuples qui se battent pour leurs droits collectifs.
FEVRIER-MARS 2019 –
EDITION SPECIALE
N° 42 / ANNEE V
REDACTEUR EN CHEF :
ALEX ANFRUNS
TRADUCTEUR/TRICE :
DIANE GILLIARD, REMI GROMELLE
CORRECTEUR :
REMI GROMELLE
REMERCIEMENTS :
POPULAR RESISTANCE, ARNOLD AUGUST