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Avec la mobilisation des "gilets jaunes", la fiscalité environnementale apparaît au devant de la scène

médiatique et se trouve bousculée de toutes parts. Les écologistes, eux, restent silencieux. Pourtant, ne
devraient-il pas sortir de l'ombre et défendre une mesure qu'ils appellent de leurs vœux, quand bien même
le gouvernement actuel reste leur adversaire politique ?

Les défenseurs de l’environnement (dont je fais partie) ne devraient-ils pas prendre la parole, quand des
mesures qu’ils appellent de leurs vœux (alignement de la fiscalité du diesel sur l’essence, et
alourdissement progressif de la taxe carbone) sont vivement remises en cause ?

Cette situation me rappelle désagréablement celle qui s’est produite lorsque le mouvement des « bonnets
rouges » a conduit à l’abandon de l’éco-taxe sur les poids lourds. La majorité socialiste, confrontée à une
grogne sociale et sans le soutien d'écologistes devenus subitement silencieux, avait alors reculé et
abandonné – à grands frais – un projet pourtant nécessaire pour réduire nos émissions de gaz à effet de
serre.
si le mouvement écologiste dans son ensemble est favorable à l’augmentation des taxes sur la pollution,
beaucoup d’associations, de militants et de personnalités écologistes souhaiteraient que ces taxes soient
conçues autrement que telles qu’elles sont appliquées par la majorité actuelle. Les écologistes ont donc
des raisons solides de ne pas s’interposer entre le gouvernement et les « gilets jaunes »… mais cela
n’empêche pas que leur silence porte préjudice à la cause qu’ils défendent.

Cette fiscalité environnementale est difficile à défendre, car elle a une tendance naturelle à s’avérer
profondément injuste : étant basée sur des dépenses de consommation (achat d’énergie sous toutes ses
formes : gasoil, électricité, gaz, etc.) elle impacte en priorité les personnes qui consacrent une grande part
de leur budget au chauffage et au carburant – c’est-à-dire les ménages modestes habitant dans les zones
rurales. Double injustice, à vrai dire : on subira d’autant plus la fiscalité sur le carbone qu’on a un faible
revenu et qu’on habite à distance de son lieu de travail (ce qui entraîne déjà, en soi, toutes sortes de coûts
et de désagréments).
En résumé, il paraît nécessaire de rappeler aujourd’hui quelques points d’importance :

La transition écologique nécessite, il faut le reconnaître, un grand effort collectif


Cet effort doit être partagé par tous, en proportion de ses moyens, et non pas réalisé sur le dos des « petits
»
Les écologistes doivent avoir le courage de défendre le principe d’une fiscalité environnementale même
face à un mouvement de contestation populaire, au risque de jouer le mauvais rôle et d’être associé à la
figure honnie de l’Etat-percepteur
On notera aussi que le mandat d’Emmanuel Macron a signé la fin des subventions à l’agriculture
biologique, pourtant bien plus respectueuse du climat que l’agriculture intensive en produits chimiques.
Enfin, on regrettera que le gouvernement, si ferme avec les automobilistes, se refuse toujours à taxer le
kérosène utilisé par les avions pour les vols intérieurs. La détermination du pouvoir en place à lutter
contre la pollution semble donc particulièrement volatile, et donne l'impression de varier du tout au tout
selon les intérêts en jeu. C’est ce scandale-là que devraient pointer les écologistes, plutôt que de se tenir à
l’écart dans un moment où la fiscalité environnementale apparaît au premier plan dans le débat public.

Les gilets jaunes ne font pas qu’avoir des revendications sociales, ils affirment également en même temps
un mode de vie, qu’ils trouvent très bien. Ils posent la forme de leur existence sociale comme quelque
chose devant être accepté, reconnu, soutenu. Ils ne veulent pas que de l’argent, ils veulent un statut. C’est
l’anti-révolution, c’est l’aliénation qui se veut voir accorder un statut !
Les implications sont énormes. Car si l’on part du postulat que les gilets jaunes sont nés d’un refus de
payer plus cher le carburant, ou bien d’une question financière, mais qu’en réalité ils ont peur pour leur
mode de vie… alors cela veut dire qu’en plus de défendre leur mode de vie, ils vont le valoriser, le
diffuser.

La première conséquence, directe, des gilets jaunes, c’est la défense du mode de transport à échelle
individuelle. Que ce soit la voiture, la moto, le scooter, le taxi ou Uber, les gens privilégient un
mouvement « en toute indépendance », et là les gilets jaunes relancent totalement cette approche.

S’il n’en était pas ainsi, on aurait vu émerger le thème des transports en communs, de la forme des
villes… cela n’a pas été le cas.

On sait bien qu’il y a des gens qui ont dit : les gilets jaunes ne sont pas contre l’écologie, une convergence
est possible, d’ailleurs il y a eu des points de rencontre, comme lors de marches pour le climat. La belle
affaire : qui refuserait d’être pour l’écologie ou contre la faim dans le monde ? Le problème n’est pas
l’intention ou la manière avec laquelle on s’imagine être, mais bien le mode de vie.

Les gilets jaunes sont l’expression d’un refus de le modifier et, pire que tout, ils ont prétendu représenter
la normalité, les choses comme il faut, la manière normale d’exister. C’est pour cela que l’écologie a
totalement disparu des radars. Elle a été liquidé. Tous ces gens l’ont cyniquement assassiné, fait
disparaître, derrière des « priorités », des choses non « abstraites ». Pour eux, le véganisme, l’écologie, le
changement climatique, sont des abstractions, des idées vagues, sans consistance.

Fin du monde ou fin du mois, "nous allons traiter les deux", a affirmé Emmanuel Macron, dans une
référence à la nécessité de concilier les enjeux climatiques et sociaux évoqués par l'ex-ministre de la
Transition écologique Nicolas Hulot.
"Ce que je veux faire comprendre aux Français, notamment à tous ceux qui disent en quelque sorte 'on
entend le président de la République, on entend le gouvernement, ils évoquent la fin du monde et nous on
parle de la fin du mois'. C'est que nous allons traiter les deux, et que nous devons traiter les deux."

https://www.nouvelobs.com/politique/20181127.OBS6086/gilets-jaunes-et-ecologie-macron-promet-de-
traiter-la-fin-du-mois-et-la-fin-du-monde.html

https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/environnement-et-transition-ecologique

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