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Profession musicologue
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Ebook72 pages59 minutes

Profession musicologue

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La musique, c’est bien connu, est avant tout source d’émotion et de plaisir. Elle accompagne notre vie quotidienne, dont elle constitue le paysage sonore sans même que nous nous en rendions compte. Alors, pourquoi y a-t-il des musicologues, c’est-à-dire des chercheurs qui prétendent aborder la musique d’un point de vue scientifique ? Quelles questions se posent-ils ? Quels problèmes cherchent-ils à résoudre ? Comment travaillent-ils et où ? Le discours sur la musique ne serait-il pas quelque peu parasitaire ? Que peut-il apporter aux mélomanes et aux amoureux de la musique ? Telles sont quelques-unes des questions que le grand public se pose souvent au sujet de la profession de musicologue, et auxquelles Jean-Jacques Nattiez tentera de répondre en empruntant des exemples concrets à ses propres champs de recherche : la musique de Wagner et celle… des Inuit.
l’auteur
Jean-Jacques Nattiez est professeur titulaire de musicologie à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et pionnier de la sémiologie musicale, une des branches contemporaines de la discipline. Ses champs de recherche spécifiques ont porté sur les opéras de Wagner, les rapports entre musique et littérature, les écrits du compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez et, en tant qu’ethnomusicologue, sur la musique des Inuit, des Aïnou (Japon), des Tchouktches (Sibérie), des Baganda (Ouganda) et des Amérindiens Nahuas (Mexique).
LanguageFrançais
Release dateMay 26, 2011
ISBN9782760625686
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    Profession musicologue - Nattiez, Jean-Jacques

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    Le ou les musicologues ?

    Pourquoi avoir accepté avec joie de rédiger une présentation de mon métier ? Parce qu’il fait l’objet d’interrogations constantes de la part du grand public. Lorsque je mentionne ma profession à quelqu’un, on me demande immédiatement, en général : « Vous jouez d’un instrument ? ». Je réplique alors : « J’ai fait du piano comme tout le monde » (ce qui est évidemment une exagération !). Si je précise : « Un musicologue, c’est d’abord une personne qui parle de musique et qui écrit sur le sujet », un point d’interrogation s’inscrit au milieu de la figure de mon interlocuteur. Si j’ai l’audace d’ajouter : « La musicologie, c’est l’étude scientifique de la musique », on ne me comprend plus. Pour la plupart des gens aujourd’hui, la musique, c’est ce que l’on appelait autrefois les musiques de variétés, aujourd’hui la musique populaire — la chanson, la musique de danse, les musiques pop et rock, le country, le disco, le rap, le tango, la samba, le zouk, etc. —, mais aussi les musiques de film et de télévision, des publicités, des jeux vidéo et des sonneries de téléphone. Depuis que le jazz a été en quelque sorte légitimé par les élites culturelles, je ne crois pas devoir l’ajouter à cette liste. Il représente désormais un secteur à part, coincé entre les musiques dites savantes et les musiques dites populaires. La musique, c’est aussi ce fond sonore que nous entendons — plus que nous ne l’écoutons — dans les supermarchés, dans la salle d’attente du médecin ou du dentiste, dans le taxi, sur son baladeur, en faisant la vaisselle. Jusqu’à une date relativement récente, la musique des mélomanes et des musicologues, c’était ce qu’on appelle encore parfois (voyez les diverses « Radio-Classique » de par le monde, au Québec comme en France, et sous d’autres noms — souvent « 3e programme » — ailleurs en Europe) « la musique classique » que l’on fait généralement débuter avec Monteverdi pour aller, dans le meilleur des cas, jusqu’au Sacre du printemps de Stravinski. Et comment pourrait-on consacrer une activité scientifique à cet art pratiqué pour procurer plaisir et émotion ?! L’incrédulité de mon interlocuteur est à son comble si je précise qu’en tant que musicologue je travaille sur les opéras de Wagner, la pensée de Pierre Boulez et la musique des Inuit. « Wagner ? Comme c’est de la musique difficile, on ne retient rien de ses opéras quand, par extraordinaire, on en écoute un. Boulez, qui c’est celui-là ? Ah ! oui ! un compositeur de musique… comment déjà, ah ! contemporaine ? Celle qui vous déchire les oreilles ?! Et puis, la pensée, pourquoi la pensée ? Je croyais qu’il s’agissait de musique. Et les Inuit, ils font donc de la musique ?! » Car ce n’est pas seulement le fait que la musique puisse faire l’objet d’une activité scientifique qui dérange. C’est aussi la grande diversité des faits sonores que l’on désigne par le mot « musique » qui étonne, et le grand nombre de domaines que la musicologie étudie pour mieux comprendre comment fonctionne la musique, pardon, les musiques.

    Le vaste champ musical

    En fait, il me faut répondre à la question : « Mais à quoi sert le musicologue ? » qui, tel l’oiseau de Minerve, se met au travail une fois les œuvres achevées. Son rôle est de contribuer à permettre au plus grand nombre de prendre conscience de la diversité des phénomènes que recouvre le terme « musique ». J’ai parlé plus haut des musiques populaires, des musiques d’ambiance, du jazz, de la musique classique. La liste était incomplète : la musicologie s’intéresse aussi aux musiques dites de tradition orale, celles des chasseurs-cueilleurs comme les Pygmées africains, ou des chasseurs-pêcheurs comme les Inuit, ou aux musiques qui ressemblent assez peu aux musiques européennes classiques, mais qui, comme elles, font l’objet de théories élaborées : les musiques du monde arabo-musulman ou les musiques de cour ou de théâtre en Asie (Inde, Corée, Viêt-nam, Chine, Japon). Toutes ces musiques sont étudiées par une branche particulière mais essentielle de la musicologie : l’ethnomusicologie. Pourquoi « essentielle » ? Parce que si, aujourd’hui, de plus en plus de gens sont convaincus qu’il faut inclure dans la musicologie l’étude des musiques pop et de variétés, ne serait-ce que parce qu’elles représentent 90 ou 95% de la musique qui se joue dans le monde, si une petite niche est accordée à l’étude du jazz dans un nombre grandissant de départements de musicologie ou de conservatoires, l’étude des musiques qui intéressent l’ethnomusicologue nous met en présence de types de musique qui sont souvent tout à fait étrangers à notre culture. Sait-on qu’en Papouasie-Nouvelle Guinée un musicien produit une musique, pour nous étrange, en attachant par une patte à un brin de paille un coléoptère qui est maintenu devant sa bouche entrouverte au moment où il tente de s’envoler ? Le son musical obtenu — oui, musical — résulte des vibrations produites par les ailes de l’animal et ces vibrations varient en fonction des différents degrés d’ouverture de la cavité buccale qui sert de résonateur ! Et que dire des « jeux de gorge » des Inuit du Nouveau-Québec et du Nunavut (Canada) qui utilisent à la fois l’expiration et l’inspiration de la voix, en ouvrant ou en fermant la bouche, alors que, dans le

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