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5 Dans un souci de systématisation, Tesnière (1959 : 117-119), oppose, sur des racines
grecques, l’anontif (non-personne) à l’ontif, « essence de la personne », décomposable
en autoontif et antiontif (respectivement 1ère et 2è personne).
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8 Une simple note de Freud (1911/1998 : 14-15) fonde une importante théorisation
d’arrière-plan qui restera circulante jusque récemment : celle d’un stade infantile
autistique, dont les manifestations d’éconduction sont recyclées ultérieurement chez
l’enfant. La négligence de la réalité du monde extérieur est conçue comme une
ressource psychique du nourrisson.
9 Metzloff relève que le même postulat fédère également des courants aussi distincts
que le comportementalisme de Skinner ou la psychologie génétique de Piaget.
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10 C’est le déficit à mettre en activité cette compétence mentale qui marque, selon
nombre d’auteurs en neurosciences une grande partie des personnes atteintes par un
syndrome relevant du spectre autistique et des TED. Même en cas de carence
empathique, le sujet produit des inférences et des suppositions sur l’activité et les
pensées d’autrui : que celles-ci soient démenties par les faits ou même par les
connaissances de sens commun tient à la gestion particulière (non « neurotypique ») de
l’intersubjectivité, pas aux aptitudes procédurales à l’inférentialité (cf. Mottron 2006 :
127-146).
11 Trois étapes sont retenues par Metzloff (2002 : 35-36) : l’équipement inné pour
lequel les données néonatales indiquent qu’observation et exécution s’équivalent ;
l’expérience de soi, où le bébé établit au quotidien le rapport entre états mentaux et
expression corporelle ; l’inférence à propos des autres, par laquelle le bébé fait
l’hypothèse d’une corrélation entre comportement et expérience chez soi projetée chez
les autres, par équivalence, soit le fondement interprétatif prélangagier du
comportement d’autrui et de l’intersubjectivité.
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3. HYPOTHÈSES COMPLÉMENTAIRES
Si, dans leur ensemble, les théories énonciatives ont fini par relire
centralement l’intersubjectivité comme manifeste de la coénonciation,
elles n’ont guère investi la genèse du tu, tout à leur affaire de la
construction du sujet, de son statut et du formatage qu’il induit pour le
récipiendaire. C’est plutôt aux approches actionnelles, issues
essentiellement de la sociologie et de l’anthropologie que l’on doit les
réflexions les plus précocement affirmées quant à l’activité du
récepteur. Il n’existe pas, en revanche, dans la littérature, d’exposé
problématisant la construction de l’image de l’allocuté, et son procès
actualisateur aussi explicitement que pour celle de la figure d’énoncé
qu’est l’instance subjective, en termes d’allogénèse, donc, pour faire
pendant à l’égogénèse…
Certes, il n’est qu’un seul critère de réalité du discours : tu n’existe
que parce que je le dit, c’est-à-dire, en bonne tautologie, qu’il n’est un
possible locuteur que parce que le tenant du tour l’assigne à
l’échange ! Mais pour probant qu’il soit dans une conception
référentialiste, ce postulat porte en fait sur la propriété de réversibilité
non symétrique et ne dit rien du rapport entre le critérium suprême de
la représentation linguistique et sa propre refente. Or rien ne prouve,
précisément, qu’au seuil de dissociation, le parallélisme ou la symétrie
des parcours opératifs soient fondés. Il faut donc poser une procédure
au terme de laquelle le tu est explicitement construit, dégagé et défini
(par opposition aux valeurs génériques et / ou indéfinies qu’il peut
revêtir : cf. Kwon 2003 et Verine ici même), de même qu’il existe
l’hypothèse de l’ego plein comme stade ultime de l’élaboration
mentale du sujet parlant.
12 Un exemple isolé noté sur le vif dans un commerce, et qui n’a d’autre prétention
qu’illustrative : dans la file d’attente devant la caisse, un garçonnet de 3-4 ans demande
à son père, à propos d’une fillette aux cheveux courts : « c’est quoi ça ? ». Le père,
gêné, reprend son fils : « pour une personne, on dit “ qui ” » et l’enfant de repartir :
« ouais mais c’est un garçon ou une fille ? ».
13 Il faut voir dans cette proposition un renversement de la théorie énonciative
classique : l’embrayage sur le mode du je / ici / maintenant excède certes l’opération de
désignation en fondant constitutivement le sujet parlant.
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Sér1.
481.C j’ai l’impression qu’i(l)s se rendent plus trop compte ou plutôt
qu’y a un décalage avec ce que peut représenter le service
public / c’est plutôt « à mon service de suite» enfin je sais pas
à toi moi c’est ce que je ressentais
Le toi représente ici un point de vue en miroir, exprimant un
antiontif marqué mais introduit sous une forme incertaine, celle d’une
hypothèse projetée sur la figure énoncive de l’interlocuteur. L’extrait
suivant marque en revanche un usage différent de la même forme
disjointe :
[6] B, agent novice en formation au guichet demande une explicitation de
code informatique à son collègue-tuteur.
Sér1.
25.B à eh bé par exemple pourquoi quatre vingt treize vé vé toi tu le
se tourne en partie vers C et hoche légèrement la tête en direction de A
sais mais moi je le sais pas
tournée vers C
16 La séquence formes disjointes (toi, moi) / conjointes (tu, je) des pronoms correspond
à l’appariement d’un support pour la progression informationnelle et son ouverture
thématique comme le suggère Cappeau (2004 : 87-88).
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CONCLUSION
M’étant efforcé d’associer au modèle de l’égogénèse une vision
complémentaire, en alternance de mouvement intellectif, je
revendiquerai trois séries d’avantages explicatifs à l’assouplissement
suggéré.
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