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Baudelaire et Liszt : le génie de la rhapsodie


 Barbara Bohac
 Dans Romantisme 2011/1 (n°151), pages 87 à 99

B audelaire a dédié à Franz Liszt un très beau texte du Spleen de Paris, « Le Thyrse ». Le
bâton orné de lierre et de pampre que brandissent les Bacchantes y métaphorise l’art du
célèbre virtuose. Nombreux sont ceux qui y ont vu un symbole du poème en prose lui-même.
« [T] oute prose d’écrivain fastueux, soustraite à ce laisser-aller en usage, ornementale, vaut
en tant qu’un vers rompu, jouant avec ses timbres et encore les rimes dissimulées : selon un
thyrse plus complexe. Bien l’épanouissement de ce qui naguères obtint le titre de poëme en
prose », écrit Mallarmé en 1894 dans La Musique et les Lettres [1][1]S. Mallarmé, Œuvres
complètes, éd. Bertrand Marchal, Gallimard,…. Le thyrse devient sous sa plume l’emblème
de la « secrète poursuite de musique [2][2]« Étalages », ibid., p. 220. » caractérisant le genre
sans loi qu’est le poème en prose. Une telle association conduit à s’interroger sur les affinités
entre l’art de Liszt et l’art du poète.
2Après leur rencontre en mai 1861 [3][3]C’est grâce à Wagner que le poète a été présenté au
musicien.…, Liszt, toujours prompt à aider les artistes dans le besoin, avait pris Baudelaire
sous sa protection, l’entraînant dans les cercles parisiens dont il y avait quelque bénéfice à
espérer pour lui. Le poète compose le « Thyrse » en témoignage d’admiration et de
reconnaissance. Mais pourquoi emprunter l’image du thyrse à un texte antérieur sur De
Quincey ? Cela n’enlève-t-il pas quelque chose à la sincérité de l’hommage ? D’autant que si
l’on met de côté le bref poème en prose et l’étude sur Wagner, où Liszt est cité comme
commentateur du maître de Bayreuth, le musicien hongrois est très rarement mentionné dans
l’œuvre de Baudelaire [4][4]On trouve une référence à « sa délicieuse étude sur Chopin »… :
on n’y rencontre rien de comparable à l’ample texte sur Wagner, quoique le poète ait eu le
projet d’inclure Liszt dans une galerie de « Raffinés » et de « Dandies » aux côtés de
Chateaubriand et de Barbey [5][5]Voir la lettre de Baudelaire à Monsieur le Directeur du
journal….
3À y regarder de plus près cependant, l’extrait du texte sur De Quincey semble choisi à
dessein. Comme d’autres poèmes en prose, il consonne avec le livre de Liszt Des Bohémiens
et de leur Musique en Hongrie, publié en 1859 chez Bourdilliat et dont Baudelaire a reçu un
exemplaire dédicacé en ces termes : « À Charles Baudelaire sympathie admirative et dévouée
/ F. Liszt [6][6]Voir Charles Baudelaire, Œuvres complètes, Gallimard, coll.… ». Si l’on en
juge par les points de rencontre entre le texte de Liszt et l’œuvre de Baudelaire, ce livre, dont
le titre seul suffisait à retenir le poète, a dû trouver en lui un écho profond.
4De fait, l’auteur du Spleen de Paris intègre certains éléments de l’étude de Liszt au
« Thyrse », mais aussi aux « Vocations ». L’exploitation de ce matériau dans le poème en
prose s’explique par la passion des deux hommes pour les « Bohémiens » ou les « Zigeuner ».
Elle témoigne de la fraternité unissant Baudelaire à ce peuple nomade, libre et « toujours
ivre [7][7]Ch. Baudelaire, « Enivrez-vous », Le Spleen de Paris, OC I,… » (d’eau-de-vie, de
passion ou de musique, à votre guise). Mais elle témoigne aussi, plus profondément, de la
fraternité du poète avec l’artiste bohémien par excellence, seul capable de faire sien le génie
de la rhapsodie, Franz Liszt. Au-delà, elle nous éclaire sur la fabrique du poème en prose,
genre gouverné par la fantaisie, où la circonstance la plus triviale est poétisée par « le miracle
d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour
s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts
de la conscience [8][8]« À Arsène Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 275. ». Cette
poétisation touche les choses lues autant que les choses vues : le poème s’édifie ici à partir
d’une matière première littéraire qu’il met au service d’une esthétique propre.

BAUDELAIRE LECTEUR DU LIVRE DE LISZT SUR LES BOHÉMIENS

5Si Baudelaire évoque peu Liszt dans ses écrits, une expression revient sous sa plume en
association avec le nom du compositeur hongrois : celle de « musique bohémienne ».
« Glorifier le vagabondage et ce qu’on peut appeler le Bohémianisme, culte de la sensation
multipliée, s’exprimant par la musique. En référer à Liszt [9][9]Mon cœur mis à nu, XXXVIII,
OC I, p. 701. », note-t-il dansMon cœur mis à nu [10][10]La même association se retrouve dans
« Pauvre Belgique ! », OC…. Autant qu’une référence à la vie itinérante du célèbre virtuose,
il y a là une allusion à Des Bohémiens et de leur Musique en Hongrie. Dans son Richard
Wagner déjà, le poète vantait les qualités de la prose lisztienne, son « charme infini », non
sans mettre en garde le lecteur contre les néologismes dont elle est émaillée [11][11]« Ici je
laisse humblement la parole à Liszt, dont, par…. De la même façon, « Le Thyrse » rend
hommage à Liszt écrivain autant qu’à Liszt musicien, à celui dont « l’imprimerie traduit [la]
sagesse » autant qu’à celui dont « les pianos chantent [la] gloire [12][12]OC I, p. 336. ». La
« [l] igne droite et la ligne arabesque » qui composent le thyrse métaphorisent l’« intention »
et « l’expression » musicales et, tout à la fois, la « roideur de la volonté » commandant
l’écriture et la « sinuosité du verbe [13][13]Ibid. ». Cette « sinuosité » dans les « méandres
capricieux » de laquelle s’épanouissent « des tiges et des fleurs [14][14]OC I, p. 335. » est
caractéristique du livre sur les Bohémiens, où la prose se fait volontiers digressive [15][15]Le
passage sur les Juifs occupant les chapitres VII à XXI, qui… pour mieux revenir au sujet
initial, où une idée se décline souvent en une efflorescence d’images [16][16]Voir par exemple
le passage sur les rythmes de la musique….
6Le poème en prose « Les Vocations », publié dans le Figaro du 14 février 1864, c’est-à-dire,
selon toute vraisemblance, après que Baudelaire a reçu et lu le livre de Liszt, semble intégrer
sous forme de récit les éléments essentiels de l’étude du caractère, des mœurs et de la musique
des Bohémiens menée par le compositeur hongrois. La situation mise en scène dans le poème
trouve dans le livre deux échos importants. Le premier a été relevé par la critique [17][17]R.
Kopp en particulier. Voir note, OC II, p. 1341. : il s’agit de la rencontre des trois Bohémiens
que relate le poème de Lenau cité par Liszt au chapitre XLII – poème dont il tire d’ailleurs
en 1860 une très belle mélodie, « Die Drei Zigeuner ». Mais il est un autre écho frappant que
l’on n’a guère remarqué : au chapitre LXVII, Liszt évoque la fascination que les Bohémiens
ont exercée sur sa première jeunesse :
Le souvenir des Zigeuner se lie à ceux de notre enfance et de quelques-unes de ses plus vives
impressions. […] nous étions poursuivis dans nos rêves éveillés par ces visages cuivrés, sur
lesquels le hâle n’a plus de prise, flétris de bonne heure par l’intempérie des saisons et les
émotions désordonnées, comme qui dirait galvanisantes, par leurs sourires si contempteurs, par
leurs yeux fauves où rit une sardonique incrédulité à côté d’éclairs qui brillent et n’illuminent pas,
par leurs danses molles et élastiques, rebondissantes et provocantes, saccadées et impétueuses, par
la vue de leurs fuites hâtées vers leurs retraites forestières, par celle de leurs camps et de leurs
ébannoys [18][18]N. de l’éditeur : « réjouissances » aperçus au loin autour des feux alimentés de
fagots résineux, qui semblaient former à leurs pythonisses des trépieds embaumés  [19][19]BMH,
p. 110-111..
8Cette description contient en germe plusieurs détails du poème en prose : le teint « presque
noi [r] » des « trois hommes », leur fierté, l’éclat de leur regard, leur humeur parfois
moqueuse, leur retour « jusqu’au bord de la forêt » où ils séjournent. Dans les chapitres
LXVIII à LXXI, Liszt raconte ses retrouvailles avec les Tziganes hongrois, à l’occasion de
ses séjours dans sa patrie :
À notre premier retour en Hongrie nous voulûmes ressaisir nos jeunes souvenirs et revoir ces
hordes dans les bois et les champs, dans le pêlemêle pittoresque de leurs marches et de leurs haltes
[…]. Nous sommes venus à eux, au milieu d’eux, pour dormir comme eux sous de belles étoiles,
foller [20][20]N. de l’éditeur : « s’essouffler ». avec leurs enfants, faire des présents à leurs jeunes
filles, aparoler [21][21]N. de l’éditeur : « fréquenter ». les ducs et les chefs, les écouter jouant pour
leur propre public, à la lueur de leurs propres feux dont le hasard décide l’âtre, et nier à notre
retour le soi-disant hébétement dont on les accuse [22][22]BMH, p. 112..
La contemplation fascinée de l’enfant s’est transformée en cohabitation fraternelle, ce dont le
gamin des « Vocations » ne fait, quant à lui, que rêver : « J’avais eu d’abord envie de les prier
de m’emmener avec eux et de m’apprendre à jouer de leurs instruments ; mais je n’ai pas
osé [23][23]OC I, p. 335. », déplore-t-il. Dans le tableau que Baudelaire brosse des Bohémiens,
plusieurs touches consonent avec le texte de Liszt : les guenilles qu’ils portent [24][24]« Ce
peuple qui […] s’obstine, aux prix de toutes les…, leur goût de l’alcool, de l’eau-de-vie en
particulier [25][25]Liszt évoque ainsi « la multipliante fantasmagorie de…, le plaisir de jouer
qui leur fait oublier le public [26][26]« C’est à peine si, après que la fatigue met un terme
aux…, l’intérêt que les nations d’Europe centrale portent à leur musique [27][27]Voir
notamment le chap. CXXXI (BMH, p. 206-207).. Baudelaire, il est vrai, n’avait pas besoin du
livre de Liszt pour donner ces détails, qui entrent dans l’image traditionnelle du Tzigane. Et la
description de ses instruments peut aussi bien être fondée sur l’observation [28][28]D’autant
qu’elle semble contenir une confusion entre le….
11En revanche, ce que Baudelaire écrit de la musique bohémienne – et ce que « Les
Vocations » suggèrent de l’âme et de la morale bohémienne selon Christian Doumet [29][29]C.
Doumet, « Céder, ne pas céder aux “Vocations” (Baudelaire… – entre en résonance profonde
avec le texte de Liszt. De même que le poète, le compositeur qualifie cette musique de
« sauvage ». Ce n’est pas seulement qu’elle est pratiquée par un peuple d’« out-
law [30][30]BMH, p. 68. » qui résiste farouchement au processus de la civilisation et qui
incarne, d’après Christian Doumet, « une “morale” […] marquée par la fierté, l’indépendance
et la sauvagerie [31][31]C. Doumet, ouvr. cité, p. 37. ». C’est qu’elle possède en elle-même,
comme le suggère Sarga Moussa [32][32]S. Moussa, « Les bohémiens de Liszt », Le Mythe des
Bohémiens…, les marques d’une sauvagerie originelle, rebelle à toute loi : dans son art, note
Liszt, le peuple bohémien « révéla le rayon doré de quelque lumière intérieure à lui propre ; il
le fit jouer et miroiter dans la fascination d’une harmonie sauvage, fantasque, pleine de
dissonances, mais sonore et vibrante, qu’il créa par un mélange de couleurs tranchées et de
contours heurtés, de subits changements et de métamorphoses imprévues, semblables aux
aperceptions hallucinées que produit le hadchis [33][33]BMH, p. 19. ». Une telle musique
échappe aux règles traditionnelles de composition : « Les Zigeuner ne connaissent pas plus de
dogmes, de lois, de règle, de discipline en musique qu’ailleurs. Tout leur est bon, tout leur est
permis, pourvu que cela leur plaise [34][34]BMH, p. 144. ». Cette liberté essentielle fait son
pouvoir d’envoûtement. Liszt, à qui Baudelaire a offert les Paradis artificiels, compare à
plusieurs reprises ses effets aux drogues, hachisch ou opium. Les motifs de l’ivresse, du
vertige, du délire reviennent sous sa plume, que ce soit à propos des passions, des rythmes,
des harmonies ou des danses bohémiens. Exaspérant la sensation, l’ivresse porte tout l’être
aux confins de la folie : « ils arrivent à une surexcitation qui nous semble bien avoisiner
l’insanité, mais qui du moins laisse intactes les plus nobles fibres de l’être, celles du cœur »,
note Liszt. Et il ajoute : « Pour peu qu’on veuille retourner à cet état primitif après avoir vécu
et senti autrement, on risque d’amener le bouleversement radical de ces nobles facultés qui
sont le privilège exclusif de l’homme dans ce monde, catastrophe que nous désignons par le
nom de folie [35][35]BMH, p. 203. ». Cette dernière phrase éclaire une remarque du gamin des
« Vocations » : « On deviendrait comme fous si on les écoutait trop longtemps [36][36]OC I,
p. 334. ». L’intensité de la passion qui enfièvre cette musique devient vite insoutenable. Elle
ébranle l’âme jusque dans ses fondements au risque de la faire retourner au chaos originel.
Aussi est-elle porteuse de cette « sensation du gouffre [37][37]Baudelaire, « Hygiène », OC I,
p. 668. » qui a hanté Baudelaire. Les Bohémiens, écrit Liszt, affectionnent, « l’amour, le
chant, la danse, la boisson, quatre éléments de volupté et de vertige, quatre abîmes de
perdition, quatre étoiles scintillantes, quatre sources d’une saveur enamérée, dont la seule
approche excite la soif, où les lèvres trempent avec délices et qui font aimer
l’anéantissement ». L’excès de la volupté leur procure un véritable « Goût du Néant [38][38]S.
Moussa remarque lui aussi les « accents baudelairiens » de… ».
12On touche à la composante la plus essentielle de la musique bohémienne, aux yeux de
Liszt : sa nature fondamentalement oxymorique. « Le virtuose bohémien cherchait une forme
d’art qui s’harmonisât avec toutes les fougues des irréfrénables gaietés et qui chantât le plus
lamentablement ses plus désolées tristesses [39][39]BMH, p. 153. », affirme le compositeur. Et
il précise un peu plus loin : « Constamment le délire d’une extrême jubilation et l’atone
langueur d’une immobile apathie se touchent dans ces chants, comme elles s’avoisinent dans
l’existence de leurs auteurs. Elles se font sans cesse contraste, sous toutes les modalités que
prend l’âme, durant ses oscillations entre l’orgie et le dégoût, la présomption qui surprend
ceux qui sont comme ivres de vie, et le vide horrible laissé par l’insuffisance de la
satisfaction, la mélancolie de la satiété [40][40]BMH, p. 156. ».
13À coup sûr, ces lignes n’ont pas laissé Baudelaire indifférent, lui dont l’expérience, l’œuvre
poétique et la pensée sont placées sous le signe de la dualité et de l’oxymore. Dans « Les
Vocations », il prête lui aussi à la musique tzigane un caractère oxymorique et voit dans ce
dernier la source de son pouvoir d’ébranlement : ce qu’entend l’enfant est « une musique si
surprenante qu’elle donne envie tantôt de danser, tantôt de pleurer, ou de faire les deux à la
fois [41][41]OC I, p. 334. C. Doumet note, quant à lui, que « ces… ». Baudelaire se souvient
peut-être du passage où Liszt évoque la structure binaire de la « Hongroise », composée d’un
morceau lent, le « Lassan », et d’un morceau rapide le « Frischka », et où « les impressions
contraires s [e] succèdent d’une façon aussi abrupte que l’abîme succède au pic [42][42]BMH,
p. 155. ». Il semble inévitable que le poète ait vu dans cette dualité formelle une expression de
la dualité humaine.

HOMMAGE AU GÉNIE DE LA RHAPSODIE

14L’antithèse entre joie et douleur, entre volupté et mélancolie revient à la fin du « Thyrse ».
Mais elle s’applique cette fois à l’œuvre musicale et littéraire de Liszt lui-même, que
Baudelaire nomme « chantre de la Volupté et de l’Angoisse éternelles [43][43]OC I, p. 336. »,
soulignant par des majuscules la portée philosophique des deux termes. Si l’on est sensible
aux fils secrets qui relient « Le Thyrse » aux « Vocations », on verra dans cette formule autre
chose qu’un simple tour de passe-passe par lequel le poète, sous couvert de louer le musicien,
défendrait sa propre poétique. Lue à la lumière des « Vocations », elle suggère bien plutôt que
Baudelaire fait ici un portrait intellectuel de Liszt en Bohémien, ou, plus exactement, en génie
de la rhapsodie.
15Deux traits rapprochent d’emblée Liszt du Bohémien, que Baudelaire n’omet pas de
souligner discrètement : sa vie errante et sa qualité de virtuose. L’apostrophe finale du poème
est une allusion à la vie itinérante du pianiste qui a émerveillé l’Europe entière par son jeu
virtuose et sa générosité musicale [44][44]Voir à ce propos l’excellent Franz Liszt de
Christophe Hardy et… : l’accumulation des compléments de lieu ouvre un espace immense,
discrètement polarisé autour d’un foyer lumineux, « les splendeurs de la ville éternelle », et
d’un foyer mélancolique, « les brumes des pays rêveurs que console Cambrinus [45][45]OC I,
p. 336. ». Cet espace donne la mesure du rayonnement du génie de Liszt, mais aussi de
l’impulsion errante qui anime l’artiste épris de liberté. Liszt lui-même avait revendiqué dans
son livre sa fraternité avec les Tziganes :
16

Plus d’un genre de sympathie personnelle nous a depuis bien longtemps rapproché des Bohémiens
[…] nous devînmes virtuose errant, comme eux le sont dans notre patrie. Ils ont planté les pieux
de leur tente dans tous les pays d’Europe, employant des siècles à les traverser, tandis que nous,
résumant en quelque sorte leurs séculaires destinées, nous les avons parcourus dans l’espace de
quelques années, restant souvent étranger comme eux aux populations que nous visitions, comme
eux cherchant l’idéal en une incessante absorption dans l’art, sinon dans la nature [46][46]BMH,
p. 110..
17Chez les Bohémiens comme chez le pianiste et compositeur hongrois, la virtuosité est
intimement liée à l’improvisation et par conséquent à la fantaisie. Se méfiant sans doute des
connotations négatives du mot « virtuose », que Liszt avait d’ailleurs commentées [47][47]Voir
la passionnante défense du virtuose dans le chapitre…, Baudelaire présente ce dernier comme
un musicien « improvisant des chants de délectation ou d’ineffable douleur [48][48]OC I,
p. 336. », expression qui ne laisse pas de doute sur son pouvoir créateur. Or dans le livre sur
les Bohémiens, Liszt fait de l’improvisation la source vive de l’art bohémien et la sœur de
l’inspiration : « Les maîtres de l’art bohémien (si éminemment inspiré, si peu subordonné aux
lois de la réflexion ou de la contrainte, si spontané, si inséparable jusqu’ici de
l’improvisation), sont ceux qui donnent un libre cours à toutes les boutades, à tous les
serpentements d’une fantaisie qui galope à perte de vue, en périphrases et en paraphrases, par
les plus étranges méandres, les circuits les plus tortueux, les zigzags les plus fantasquement
mouvementés [49][49]BMH, p. 149. ». Le mouvement conjoint de l’improvisation, de
l’inspiration et de la fantaisie est figuré ici par la ligne serpentine. Liszt ne cesse d’y revenir,
au gré de multiples variations lexicales et métaphoriques enroulant la phrase sur elle-même :
« C’est ce que la fantaisie peut imaginer de courbes, de cambrures, de renflements, de
flexuosités, d’entrelacs, de fuites, de poursuites, de tours, de détours, de retours, de contours
propres à ces embellissements qui ont pris leur nom à la nation chez laquelle ils ont acquis
leur plus éblouissant développement : arabesques. […] ensemble fascinant qui fait rêver des
heures telles, qu’on voudrait rêver sa vie ainsi [50][50]BMH, p. 151. ». L’arabesque, qui, pour
un Théophile Gautier [51][51]Sur ce thème, voir Théophile Gautier, « L’Imitation de…,
représente la forme de création la plus pure et la plus chimérique, est par excellence
l’emblème de la fantaisie, de la libre imagination. La parenté de ce texte (et du style de
l’ouvrage entier selon Sarga Moussa [52][52]S. Moussa, art. cité.) avec « Le Thyrse » est
manifeste : le poème en prose exalte lui aussi la « ligne arabesque » désignée par des termes
voisins, tels « méandres » ou « sinuosité » ; il rejoint d’autres passages où le poète fait l’éloge
du dessin arabesque, le plus spiritualiste de tous. La valeur idéale de l’art symbolisé par le
thyrse est affirmée dès l’ouverture : « c’est un emblème sacerdotal dans la main des prêtres ou
des prêtresses célébrant la divinité dont ils sont les interprètes et les serviteurs [53][53]OC I,
p. 335. ». Elle sera ensuite reprise par l’expression « mystique fandango [54][54]OC I,
p. 336. », qui relève d’un lexique religieux auquel Liszt fait appel lui aussi [55][55]Voir par
exemple la comparaison entre les rythmes des…. Il faudrait ajouter à ces points de rencontre
une image qui occupe une place centrale dans le poème en prose autant que dans le livre sur
les Bohémiens : celle de la végétation. L’art bohémien est comparé par Liszt à « une
végétation de lianes entrelacées et florissantes [56][56]BMH, p. 206. », la phrase musicale à la
forme spiralée d’une vigne : « L’inspiration du moment […] dicte le dessin de ce fouillis de
notes, de ces touffes de sons qu’on dirait une multitude de boucles blondes crêpées et
vaporeuses, de ces figures qui s’enroulent comme les vrilles enchevêtrées d’une vigne ».
Ailleurs elle est assimilée à une guirlande fleurie : « Dans cette floraison tellement opulente
de sons, la mélodie est souvent réduite au rôle du ruban conducteur d’une guirlande, caché et
invisible sous les éclatants pétales, les gracieuses corolles qui suivent son contour, et se
rangent en cortège d’un nouveau genre, selon qu’il les guide [57][57]BMH, p. 150. ».
18Que déduire de ces concordances entre le texte de Liszt et celui de Baudelaire ? Elles
suggèrent que le choix du thyrse comme symbole de l’art lisztien ne relève pas du simple
recyclage littéraire d’une image susceptible d’être appliquée à tout artiste authentique, mais
qu’il est pleinement signifiant. Baudelaire du reste ne cherche pas à dissimuler l’emprunt au
texte sur De Quincey : il offre au contraire à Liszt Les Paradis artificiels, qui contiennent le
passage-source. Si Baudelaire a décidé de reprendre l’image du thyrse dans le poème en prose
dédié au compositeur, c’est en hommage au livre de Liszt. L’intertexte avec ce dernier lui
permet de souligner la parenté profonde entre la musique du compositeur et celle des
Bohémiens, toutes deux gouvernées par le libre jeu de la fantaisie.

19Cette parenté se traduit encore, dans le texte de Baudelaire, par la référence dionysiaque :
celui qui a célébré l’ivresse de la musique bohémienne, ses chants « bachiques [58][58]BMH,
p. 64. », devient chez Baudelaire la « nymphe exaspérée par l’invincible Bacchus », le « cher
Bacchant de la Beauté mystérieuse et passionnée [59][59]OC I, p. 336. ». La musique de Liszt
est, pour le poète, l’expression même de la passion, une expression qui, par son intensité, sa
richesse mélodique et harmonique, répond au commandement du poème « Enivrez-vous ».
20Le libre jeu de la fantaisie, l’art de l’improvisation et de l’ornementation, le mélange
vibrant de volupté et de douleur, l’élan vers l’idéal : telles sont donc les qualités que la
musique de Liszt a en commun avec celle des Bohémiens, tels sont, pour Baudelaire les
secrets de son charme irrésistible. L’ensemble de l’œuvre de Liszt correspondrait sans doute
difficilement à une pareille description, à moins de comprendre celle-ci au sens le plus large.
Mais il est une œuvre du moins qui y répond parfaitement : ce sont les Rhapsodies
hongroises, publiées de 1848 à 1853 ; Baudelaire la connaissait bien, puisque de Belgique il
en demande la partition à Manet [60][60]Lettre à Manet, jeudi 11 mai 1865, Ch.
Baudelaire,… et qu’il en promet une copie à Madame Charles Hugo [61][61]Lettre à Madame
Charles Hugo [ ?], fin 1865 ou début 1866,…. Elle a été élaborée à partir des matériaux
collectés par Liszt auprès des Tziganes lors de ses séjours au pays natal, en 1839-1840 et
encore en 1846. Le livre sur les Bohémiens devait à l’origine lui servir de « préface ». Il se
conclut sur un passage qui rend compte de la pensée ayant présidé à la création
des Rhapsodies hongroises :
21

En publiant une partie des matériaux considérables que nous avons eu occasion d’amasser durant
nos longs rapports avec les Bohémiens de Hongrie et les collectionneurs de leurs principaux
thèmes, transplantés par nous sur le piano comme sur l’instrument qui pouvait le mieux rendre
dans son entité le sentiment et la forme de l’art bohémien, nous avons appelé ces
morceaux Rhapsodies hongroises. Par le mot de Rhapsodie, nous avons voulu désigner l’élément
fantastiquement épique que nous avons cru y reconnaître. Ils nous ont toujours semblé faire partie
d’un cycle poétique, remarquable par l’unité de son inspiration éminemment nationale en ce sens
qu’elle ne fut qu’à un seul peuple et qu’elle peint parfaitement l’âme et les sentiments intimes,
nulle part ailleurs aussi clairement exprimés dans une forme également propre à ce
peuple [62][62]BMH, p. 220..
22Liszt prétend avoir accompli ce que Beethoven et Schubert n’ont pas su mener à bien :
« transporter l’art bohémien dans le commun domaine de l’art [63][63]BMH, p. 217. » sans
détruire son originalité et sa saveur, le fondre en « un tout harmonieux, qui renfermerait la
quintessence de [ses] qualités les plus marquantes [64][64]BMH, p. 218. », en deux mots, faire
sien cet héritage national. Il ressemble en cela au célèbre violoniste tzigane Jean Bihary qui
« possédait à un haut degré un don comme inné dans la race bohémienne, celui de s’assimiler
promptement, et de transformer des éléments qu’on eût dit leur être étrangers [65][65]BMH,
p. 195. ».
23Pour cela, l’art de Liszt doit, aux yeux de Baudelaire, s’écarter sur un point essentiel de
l’art bohémien, « si peu subordonné aux lois de la réflexion [66][66]BMH, p. 149. » et
imposant au musicien de « livrer son sentiment sans préparation ni méditation aucune, dans
son premier jet et sous la première forme qu’il rencontre [67][67]BMH, p. 160. » : il doit faire
la part belle à la « volonté, droite, ferme, inébranlable », qu’on nomme celle-ci « intention »
ou « unité du but [68][68]OC I, p. 336. ». Cette valorisation de la volonté au regard de
l’inspiration (et de l’improvisation) est un des préceptes fondamentaux de l’esthétique
baudelairienne. Si le feuillage sinueux du thyrse peut figurer la composante bohémienne, ou
hongroise, de l’œuvre de Liszt, la ligne droite lui donne une allure plus baudelairienne. Le
thyrse devient donc le parfait symbole deux fraternités spirituelles : celle qui unit Liszt aux
« Zigeuner » et celle qui unit Baudelaire à Liszt. Cette dernière passe par un culte de la
volonté, l’idéal d’un art à la fois libre, rebelle aux règles, et éminemment lucide, maîtrisé.

LA FABRIQUE DU POÈME EN PROSE : UNE RHAPSODIE DE LA MODERNITÉ

24Cette fraternité symbolisée par le thyrse permet de mieux saisir les enjeux et l’esthétique
du Spleen de Paris. Baudelaire a en effet souligné le caractère rhapsodique de ce « nouveau
Joseph Delorme accrochant sa pensée rapsodique à chaque accident de sa flânerie et tirant de
chaque objet une morale désagréable [69][69]« À Sainte-Beuve », 15 janvier 1866, Ch.
Baudelaire,… ». L’adjectif « rapsodique » est à comprendre au sens courant de « décousu,
désordonné ». De fait, le mouvement du recueil est explicitement placé sous l’égide de la
ligne serpentine et de la fantaisie. Dans cette « tortueuse fantaisie [70][70]« À Arsène
Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 276. » doit advenir « le miracle d’une prose
poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux
mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la
conscience [71][71]Ibid., p. 275. ? » Cette prose poétique tiendrait, comme la musique tzigane,
« de l’art arabesque », la phrase étant susceptible de « suivre la spirale, décrire la parabole, ou
le zigzag figurant une série d’angles superposés [72][72]OC I, p. 183. ». Mais l’adjectif
« rapsodique » renvoie aussi au modèle épique. Avec sa prose poétique ondoyante et soumise
au caprice de la fantaisie, Le Spleen de Paris pourrait esquisser par ses « tronçons [73][73]« À
Arsène Houssaye », ibid., p. 275. » une autre épopée que l’épopée bohémienne, l’épopée de la
civilisation moderne, dont Paris serait le berceau et Baudelaire le rhapsode. On trouve là,
transportée dans le domaine de la poésie, l’écho de l’ambition évoquée dans
les Salonsde 1845 et 1846 : « rechercher quel peut être le côté épique de la vie moderne, et
[…] prouver par des exemples que notre époque n’est pas moins féconde que les anciennes en
motifs sublimes [74][74]OC II, p. 493. », et que « l’âme publique [75][75]OC II, p. 494. » et ses
« passions [76][76]OC II, p. 493. » peuvent être la source d’une beauté nouvelle.
25Le lien entre le projet lisztien de rhapsodies hongroises et le projet baudelairien de
rhapsodie de la modernité jette un éclairage nouveau sur la fabrique du poème en prose. De
même que Liszt « amass [e] », « transplante sur le piano » les principaux thèmes bohémiens,
de même Baudelaire « amass [e] », « transplante » dans une prose poétique personnelle les
motifs de la modernité. Ces motifs ne sont pas seulement recueillis dans la rue, au gré de la
flânerie, comme autant de “choses vues” ; ils sont souvent tirés de choses lues, que ce soit
dans le journal (en particulier la petite presse [77][77]Là-dessus voir la thèse de doctorat de
Fanny Bérat-Esquier, Les…) ou dans les livres de contemporains, dont celui de Liszt. Dès lors
on peut dire de Baudelaire ce que Liszt affirme du violoniste tzigane : « il possédait à un haut
degré [le] don […] de s’assimiler promptement, et de transformer des éléments qu’on eût dit l
[ui] être étrangers [78][78]BMH, p. 195. ». La prose ample, sinueuse et fleurie de Liszt, ses
nombreuses images et ses antithèses, sont transmuées en des poèmes en prose à la forme
resserrée, au style souple, heurté et musical. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la
description matérielle du thyrse sur laquelle s’ouvre le poème en prose éponyme et les
passages où Liszt évoque la mélodie bohémienne ; ou d’examiner comment Baudelaire
condense en un récit d’une page les observations consignées par Liszt dans son étude, quitte à
les fondre avec des souvenirs et des images plus personnels. Le poème en prose naît des
« ondulations de la rêverie », des « soubresauts de la conscience » déclenchés par le choc
d’une rencontre ; mais si la dédicace du Spleen de Paris attribue celle-ci à la « fréquentation
des villes énormes » et au « croisement de leurs innombrables rapports [79][79]« À Arsène
Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 276. », les échos entre « Le Thyrse » ou « Les
Vocations » et livre de Liszt prouvent qu’il peut s’agir d’une rencontre spirituelle et artistique
autant qu’urbaine.
26Baudelaire a trouvé en Liszt non seulement un compagnon d’une inépuisable générosité,
mais un frère spirituel. L’un et l’autre sont fascinés par les Bohémiens, peuple musicien,
errant et libre, chez qui la volupté et la douleur, l’ivresse et le goût du néant forment un
mélange oxymorique. Le projet lisztien de recueillir l’héritage de ce peuple et de le
« transporter […] dans le commun domaine de l’art [80][80]BMH, p. 217. » trouve un reflet
dans l’entreprise du Spleen de Paris : selon toute apparence, Baudelaire emprunte à l’étude de
Liszt sur les Bohémiens des éléments pour écrire « Les Vocations » et célèbre dans « Le
Thyrse » les vertus “bohémiennes” du virtuose hongrois : l’art de l’improvisation, l’alliance
entre volupté et douleur, l’élan vers l’idéal, auxquelles il adjoint toutefois une vertu plus
baudelairienne, la volonté lucide ; surtout, Le Spleen de Paris est placé sous le signe de la
fantaisie, de l’arabesque, du heurt des contraires et se donne à lire comme la rhapsodie de la
civilisation moderne. Pour composer cette rhapsodie, Baudelaire fond dans une forme
nouvelle, le poème en prose, des motifs de provenance variée, souvenirs de flâneries, rêves,
images ou notes de lectures, qui lui permettent de rendre dans toute sa diversité l’âme
contemporaine. À l’instar du violon tzigane ou du piano lisztien, le poème en prose offre ainsi
à la modernité un vaste espace de résonance.

Notes
 [1]

S. Mallarmé, Œuvres complètes, éd. Bertrand Marchal,


Gallimard, 2003, t. II, p. 64.

 [2]

« Étalages », ibid., p. 220.

 [3]

C’est grâce à Wagner que le poète a été présenté au


musicien. La fréquentation des deux hommes a été
épisodique, Liszt repartant presque aussitôt à Weimar où
l’appelaient ses fonctions. Leurs relations restent assez
mal connues : sur ce sujet, voir notamment W.T. Bandy,
« Baudelaire and Liszt », Modern Language Notes,
décembre 1938, p. 584-585, ainsi que Joycelynne
Loncke, Baudelaire et la musique, Nizet, 1975.

 [4]

On trouve une référence à « sa délicieuse étude sur


Chopin » dans La Vie et l’œuvre de Delacroix (mais c’est
en tant que source d’anecdotes sur le peintre), deux
allusions à Des Bohémiens et de leur Musique en
Hongrie dans Mon cœur mis à nuet Pauvre Belgique !, et
presque rien dans la correspondance de Baudelaire,
excepté le billet du poète préludant à la rencontre des deux
hommes et deux lettres où il est question des Rhapsodies
hongroises.

 [5]

Voir la lettre de Baudelaire à Monsieur le Directeur du


journal le Pays, 2 décembre 1863, Ch.
Baudelaire, Correspondance générale, Éd. Conard, 1948,
t. IV, p. 213.

 [6]

Voir Charles Baudelaire, Œuvres complètes, Gallimard,


coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1975, t. I, p. 335, n.
3 (ouvrage abrégé ci-après en OC I).

 [7]

Ch. Baudelaire, « Enivrez-vous », Le Spleen de


Paris, OC I, p. 337.

 [8]

« À Arsène Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 275.

 [9]

Mon cœur mis à nu, XXXVIII, OC I, p. 701.

 [10]

La même association se retrouve dans « Pauvre


Belgique ! », OC I, p. 958, c’est-à-dire dans des fragments
écrits à peu près au moment où sont publiés « Les
Vocations », « Le Thyrse » et « Enivrez-vous ».

 [11]

« Ici je laisse humblement la parole à Liszt, dont, par


occasion, je recommande le livre (Lohengrin et
Tannhäuser) à tous les amateurs de l’art profond et
raffiné, et qui sait, malgré cette langue un peu bizarre qu’il
affecte, espèce d’idiome composé d’extraits de plusieurs
langues, traduire avec un charme infini toute la rhétorique
du maître » (Richard Wagner et Tannhäuser à
Paris, Œuvres complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque
de la Pléiade », 1976, t. II, p. 801 ; abrégé ci-après
en OC II).

 [12]

OC I, p. 336.

 [13]

Ibid.

 [14]

OC I, p. 335.

 [15]

Le passage sur les Juifs occupant les chapitres VII à XXI,


qui n’est certes pas ce que Liszt a écrit de meilleur,
constitue ainsi une vaste digression au sein du livre.

 [16]

Voir par exemple le passage sur les rythmes de la musique


bohémienne dans le chapitre XCIV (Des Bohémiens et de
leur Musique en Hongrie, Marval, 1999, p. 147-148 ; ce
titre sera abrégé ci-après en BMH).

 [17]

R. Kopp en particulier. Voir note, OC II, p. 1341.

 [18]

N. de l’éditeur : « réjouissances »
 [19]

BMH, p. 110-111.

 [20]

N. de l’éditeur : « s’essouffler ».

 [21]

N. de l’éditeur : « fréquenter ».

 [22]

BMH, p. 112.

 [23]

OC I, p. 335.

 [24]

« Ce peuple qui […] s’obstine, aux prix de toutes les


dégradations et de tous les dénuements, à garder ses
tentes, ses haillons, sa faim et sa liberté », note Liszt, qui
insiste souvent sur ce trait (BMH, p. 17).

 [25]

Liszt évoque ainsi « la multipliante fantasmagorie de


l’eau-de-vie » (BMH, p. 161).

 [26]

« C’est à peine si, après que la fatigue met un terme aux


confidences qu’il échange avec son instrument, ayant
déposé son archet, ce sceptre avec lequel il évoque des
fantômes lugubres ou appelle le plaisir, il revient à la
réalité » (ibid.).

 [27]

Voir notamment le chap. CXXXI (BMH, p. 206-207).

 [28]

D’autant qu’elle semble contenir une confusion entre le


cymbalum, que Liszt appelle « zymbala » et qu’il décrit
comme « une sorte de tablette en carré long, munie de
cordes rangées dans un système analogue à celui des
pianos carrés, attaquées par des baguettes qui leur font
rendre un son métallique strident » (BMH, p. 159), et les
cymbales. Mais il se peut que Baudelaire, incité par la
proximité phonétique entre « zymbala » et « cymbales »,
et désireux de rapprocher le Bohémien du saltimbanque en
situant la rencontre dans une « foire » de village, ait ajouté
les cymbales. Une remarque de Liszt pouvait du reste
légitimer ce choix : « Leur orchestre se composait de
plusieurs instruments variés et associés ad libitum, mais la
base en était le violon et la zymbala » (ibid.).

 [29]

C. Doumet, « Céder, ne pas céder aux “Vocations”


(Baudelaire face à la musique) », L’Art et l’hybride, PUV
Saint-Denis, 2001, p. 37.

 [30]

BMH, p. 68.

 [31]

C. Doumet, ouvr. cité, p. 37.

 [32]

S. Moussa, « Les bohémiens de Liszt », Le Mythe des


Bohémiens dans la littérature et les arts en Europe,
L’Harmattan, 2008, p. 228-229.

 [33]

BMH, p. 19.

 [34]

BMH, p. 144.

 [35]

BMH, p. 203.

 [36]

OC I, p. 334.

 [37]
Baudelaire, « Hygiène », OC I, p. 668.

 [38]

S. Moussa remarque lui aussi les « accents baudelairiens »


de ce passage (S. Moussa, « Les bohémiens de Liszt », art.
cité, p. 230).

 [39]

BMH, p. 153.

 [40]

BMH, p. 156.

 [41]

OC I, p. 334. C. Doumet note, quant à lui, que « ces


personnages […] présent [en] t l’étrange duplicité de la
grandeur et de la misère. » Et il ajoute : « Il y a là un topos
baudelairien, dont on retrouve maintes expressions,
dans Le Spleen de Paris en particulier » (ouvr. cité, p. 30).

 [42]

BMH, p. 155.

 [43]

OC I, p. 336.

 [44]

Voir à ce propos l’excellent Franz Liszt de Christophe


Hardy et de Pierre-Antoine Huré, Fayard/Mirare, 2003.

 [45]

OC I, p. 336.

 [46]

BMH, p. 110.

 [47]

Voir la passionnante défense du virtuose dans le chapitre


CXVII, qui s’ouvre sur cette question : « qu’est-ce que le
virtuose ? Est-ce vraiment une machine inintelligente qui
de ses mains, comme d’une double manivelle, fait l’office
d’un orgue de Barbarie ? ». Liszt y oppose le faux virtuose
au « virtuose-poète » (BMH, p. 180).

 [48]

OC I, p. 336.

 [49]

BMH, p. 149.

 [50]

BMH, p. 151.

 [51]

Sur ce thème, voir Théophile Gautier, « L’Imitation de


Jésus-Christ », L’Artiste, 28 février 1858, p. 137.

 [52]

S. Moussa, art. cité.

 [53]

OC I, p. 335.

 [54]

OC I, p. 336.

 [55]

Voir par exemple la comparaison entre les rythmes des


« Fischka » et l’extase du derviche (BMH, p. 113), ainsi
que l’évocation de Csermak et de « ses élégants czardas,
dont la phrase claire et nette cache un si haut mysticisme »
(BMH, p. 198).

 [56]

BMH, p. 206.

 [57]

BMH, p. 150.
 [58]

BMH, p. 64.

 [59]

OC I, p. 336.

 [60]

Lettre à Manet, jeudi 11 mai 1865, Ch.


Baudelaire, Correspondance, Gallimard, coll. « Folio »,
2000, p. 339.

 [61]

Lettre à Madame Charles Hugo [ ?], fin 1865 ou


début 1866, ibid, Gallimard, coll. « Folio », 2000, p. 356.

 [62]

BMH, p. 220.

 [63]

BMH, p. 217.

 [64]

BMH, p. 218.

 [65]

BMH, p. 195.

 [66]

BMH, p. 149.

 [67]

BMH, p. 160.

 [68]

OC I, p. 336.

 [69]
« À Sainte-Beuve », 15 janvier 1866, Ch.
Baudelaire, Correspondance, Gallimard, coll.
« Bibliothèque de la Pléiade », 1974, t. II, p. 583.

 [70]

« À Arsène Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 276.

 [71]

Ibid., p. 275.

 [72]

OC I, p. 183.

 [73]

« À Arsène Houssaye », ibid., p. 275.

 [74]

OC II, p. 493.

 [75]

OC II, p. 494.

 [76]

OC II, p. 493.

 [77]

Là-dessus voir la thèse de doctorat de Fanny Bérat-


Esquier, Les origines journalistiques du poème en prose
ou le siècle de Baudelaire, Université de Lille III, 2006 (à
paraître chez Droz).

 [78]

BMH, p. 195.

 [79]

« À Arsène Houssaye », Le Spleen de Paris, OC I, p. 276.

 [80]
BMH, p. 217.

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