Vous êtes sur la page 1sur 33

OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION

ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET


Jean-Claude AUGROS
Professeur à l’Université Claude Bernard LYON I
et à l’Institut de Science Financière et d’Assurances (ISFA)
Michel QUERUEL
Docteur en Gestion
Ingénieur de Marché
Société de Bourse AUREL
Résumé : Cet article propose un modèle d’évaluation d’une obligation du secteur privé
et de sa duration effective, celle-ci représentant l’élasticité du prix de l’obligation à une
variation des taux d’intérêt sans risque de défaut. A cette fin, un modèle général
d’évaluation d’un actif contingent aux taux d’intérêt et à un actif risqué, reposant à la fois
sur le modèle de Ho et Lee généralisé et sur celui de Kishimoto, est mis en oeuvre. Le
spread d’une obligation risquée est ensuite étudié en fonction des différents paramètres
régissant le prix de l’obligation. Enfin, l’étude de la duration effective, déduite du modèle,
montre que la duration de Macaulay surestime le risque de taux d’intérêt.
Abstract : This paper proposes a contingent-claims-based model to valuing corporate
debt and its effective duration that represents the bond value elasticity to the riskless
interest rate variation. The model incorporates both default risk and interest rate risk using
generalised Ho and Lee’s and kishimoto’s frameworks. We analyse the risky bonds spreads
and their sensibility to the variations of model’s parameters. Finally, we observe that the
effective duration, deduced from the model is smaller than Macaulay duration.
Mots-clés : évaluation, spread, duration effective, gestion du risque de taux d’intérêt
Keywords : valuation, spread, effective duration, interest rate risk mnagement
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION ET OUTIL DE GESTION
DU RISQUE DE TAUX D’INTERET
La duration de Hicks-Macaulay [1938] peut se définir comme l’élasticité du prix
d’un actif par rapport à une variation de son rendement actuariel 1. Elle est couramment
employée en gestion de portefeuille ou de bilan comme indicateur de la sensibilité d’un
portefeuille d’actifs aux variations des taux d’intérêt. L’utilisation efficace de cet
instrument en gestion de portefeuille suppose, cependant, que les conditions d’application
de la règle de sommation des durations soient respectées. Selon cette règle, la duration d’un
portefeuille, composé de plusieurs actifs, est égale à la moyenne pondérée des durations de
ces actifs. En réalité, cette règle n’est valide que si les taux actuariels des différents actifs
varient du même montant et ce quels que soient leur profil de flux et le risque de défaut de
leur émetteur. Cette condition revient donc à admettre qu’il existe autant de gammes de
taux que de niveaux de risque de défaut différents, que ces structures de taux sont plates et
qu’elles se déplacent toutes, parallèlement, du même montant.
Afin d’améliorer la définition de la duration, Fisher et Weil [1971] ont imaginé
une formule qui s’accommode d’une forme quelconque de la structure des taux. La mesure
de la duration qu’ils proposent représente alors, pour un niveau de risque donné, l’élasticité
BULLETIN FRANÇAIS D’ACTUARIAT, Vol. 1, N° 1, 1997, pp. 21-51
22 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

du prix d’un actif par rapport à une variation uniforme de la courbe des taux des zéro-
coupon 2.
Lorsque le portefeuille est composé de titres de risque de défaut hétérogène, la
validité de la règle de sommation des durations de type Fisher et Weil suppose toujours,
comme dans le cas des durations de Macaulay, un déplacement parallèle et de même
montant des différentes gammes de taux correspondant chacune à un niveau de risque de
défaut. Cette hypothèse revient, par conséquent, à considérer que le spread, représentant la
différence entre le taux de rendement d’un actif risqué et le taux de rendement d’un actif
sans risque de défaut, est constant quel que soit le niveau des taux d’intérêt.
Or l’étude empirique de Sarig et Varga [1989] a confirmé l’hypothèse selon
laquelle le risque de défaut et le risque de taux d’intérêt sont corrélés et montré que le
spread des obligations du secteur privé dépend du niveau des taux et de la maturité des
obligations. L’hypothèse d’un déplacement parallèle des différentes gammes de taux
semble donc devoir être remise en cause.
Le rejet de cette hypothèse conduit à introduire un nouvel outil de gestion du
risque de taux d’intérêt : la duration effective 3. Cette dernière représente l’élasticité du
prix d’une obligation par rapport à une variation de la gamme des taux sans risque de
défaut. Cette définition de la duration permet d’exprimer la sensibilité de la valeur d’un
portefeuille aux modifications d’une variable commune à tous les actifs qui le composent.
La règle d’additivité des durations s’applique alors sans qu’il soit nécessaire de formuler
d’hypothèse particulière sur les variations des rendements des éléments constitutifs du
portefeuille.
L’univers risque-neutre fournit le cadre naturel de détermination de la duration
effective. En effet, la valeur d’un actif peut se définir comme l’espérance, sous la
probabilité risque-neutre, de ses flux futurs actualisés au taux sans risque. Dans cet univers
de probabilité, le calcul de la duration effective est donc facilement réalisable.
Cet article propose d’évaluer une obligation du secteur privé, d’en déduire la
mesure de sa duration effective, puis d’analyser le comportement de cette duration et du
spread de l’obligation en fonction des valeurs des différents paramètres du modèle. Il est
organisé de la façon suivante : dans la première section, le modèle d’évaluation de
l’obligation et de sa duration effective est présenté ; une étude de simulation du modèle est
ensuite réalisée dans la seconde section.
SECTION 1. EVALUATION DE L’OBLIGATION ET DE SA DURATION
EFFECTIVE
Les premiers travaux sur l’évaluation d’une obligation du secteur privé ont été
initiés par Black et Scholes [1973] et par Merton [1974]. Ces auteurs postulent que la firme
émettrice n’a émis qu’une seule dette - une obligation zéro-coupon - et que l’émetteur est
en situation de défaillance lorsqu’au moment du remboursement de sa dette la valeur des
actifs de la firme est inférieure à ses engagements. La règle de priorité en faveur des
obligataires conduit à exprimer le prix d’une dette risquée comme la différence entre la
valeur d’une obligation sans risque et celle d’un put sur les actifs de la firme. Cette
approche a fait l’objet de plusieurs développements avec les travaux de Black et Cox
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 23
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

[1976], d’Ingersoll [1977] et de Geske [1977]. Le principal défaut de ces modèles est de
générer des spreads, ou primes de défaut, plus faibles que ceux observés en pratique.
Des travaux plus récents ont fait progresser l’évaluation d’une dette risquée en
permettant de prendre en compte tout à la fois la possibilité d’une défaillance de l’émetteur
à tout instant et l’existence de taux d’intérêt stochastiques.
Deux types d’insolvabilité ont été proposés : la « flow-based insolvency » résulte
de l’impossibilité de la firme à faire face, grâce à ses revenus, au paiement de ses coupons
(Kim, Ramaswamy et Sundaresan [KRS 1989]) ; la « stock-based insolvency » se produit,
quant à elle, lorsque la valeur des actifs de la firme tombe en dessous d’un certain seuil, ce
dernier pouvant être constant (Longstaff et Schwartz [LS 1995]) ou évoluer de manière
stochastique (Nielsen, Saa-Requejo et Santa-Clara [NSS 1993], Leland [1994] et Briys et
de Varenne [BdV 1995]). En cas de défaillance de l’émetteur, les obligataires reçoivent
alors une fraction de la valeur des obligations sans risque équivalentes ( NSS et LS) ou
bien une fraction de la valeur des actifs (Leland 4 et BdV 5). Ainsi, grâce à cette
formulation, la règle de priorité, applicable aux remboursements lors d’une faillite, peut,
conformément à la pratique, ne pas être respectée de manière absolue, les obligataires
n’obtenant dans ce cas qu’une partie seulement de ce qu’ils seraient en droit de percevoir.
Les processus d’évolution stochastique des taux d’intérêt, généralement retenus
dans les modèles récents d’évaluation d’une dette risquée, sont ceux de Vasicek [1977] ou
de Cox, Ingersoll et Ross [1985]. Or les études empiriques 6, 7 de performance des
différentes mesures de duration ont mis en évidence les limites, pour la gestion du risque de
taux d’intérêt d’un portefeuille obligataire, des durations calculées à partir de ces
processus. Ces résultats ont donc milité pour le choix, dans cette étude, d’un autre
processus d’évolution des taux d’intérêt.
D’évidence, certains des modèles développés jusqu'à ce jour présentent des
avantages mais aussi des inconvénients. Aucun ne permet de satisfaire toutes les
contraintes de l’évaluation d’une dette risquée : à côté des exigences déjà soulignées, il est
souhaitable que le modèle recherché permette d’évaluer une obligation à coupons et soit
aussi susceptible d’admettre l’existence de clauses de remboursement anticipé. Le modèle
présenté ici vise à satisfaire le maximum de ces exigences. Il s’appuie sur un modèle discret
d’évaluation d’un actif contingent aux taux d’intérêt et à plusieurs actifs présenté par
ailleurs (Augros et Queruel [1997]). Après un rappel de ce cadre général d’évaluation, cette
modélisation est appliquée à l’évaluation d’une dette risquée et de sa duration effective en
présence d’une clause de remboursement anticipé au gré de l’émetteur.
1. LE MODELE GENERAL D’EVALUATION
Le modèle développé dans l’article d’Augros et Queruel [1997] permet
l’évaluation d’un actif contingent à la fois aux taux d’intérêt et à deux actifs risqués. Il
repose sur la combinaison de deux modèles de base, celui de Ho et Lee généralisé,
développé par Bonnassieux et Brunel [1993] pour modéliser l’évolution de la structure des
taux, et celui de Cox, Ross et Rubinstein [1979] pour la modélisation du prix des actifs
risqués. La démarche séquentielle proposée constitue une généralisation du modèle de
Kishimoto [1989]. Cette approche octonomiale permet de prendre en compte la corrélation
des variations du prix des deux actifs risqués sous-jacents avec les taux d’intérêt. En outre,
24 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

à la différence du modèle de Kishimoto. Ce modèle permet de différencier la volatilité des


taux d’intérêt en fonction de la maturité à laquelle ils se rapportent.
Compte tenu de l’application qui est faite de ce modèle général d’évaluation, un
seul actif risqué sous-jacent est retenu ici.
Les hypothèses relatives au processus d’évolution de l’actif sous-jacent sont les
suivantes :
(H1) Le temps restant à courir jusqu’à la maturité de l’actif contingent est subdivisé en N
périodes de longueurs identiques. Chaque période est elle-même subdivisée en deux
sous périodes, la seconde étant très courte par rapport à la première. Les transactions
s’opèrent à chaque début de sous-période.
(H2) Le marché est sans friction. Il n’y a pas de taxe, pas de coût de transaction et pas de
restriction sur les ventes à découvert. Tous les titres sont parfaitement divisibles.
(H3) Le marché est supposé complet dans le sens qu’il existe une obligation zéro-coupon
sans risque de défaut pour toute maturité τ, avec τ=0, 1 2 , 1, 1+ 1 2 , 2, ..., N.
(H4) Durant chaque première sous-période le risque de taux d’intérêt prend place et, à la
fin de cette sous-période, chaque facteur d’actualisation a deux valeurs possibles.
Durant chaque seconde sous-période, les facteurs d’actualisation restent inchangés,
et les taux d’intérêt ne varient donc pas.
(H5) Les taux d’intérêt suivent le processus de Ho et Lee généralisé 8. La courbe des taux
est supposée se déformer selon un arbre binomial comparable à celui de Ho et Lee.
La structure des taux initiale est déterminée par les facteurs d’actualisation pour
différentes maturités exprimées en nombre de périodes. Soit P(τ) le prix d’un zéro-
coupon rapportant 1 F à l’échéance et dont la maturité intervient dans τ périodes.
A la date n, il existe n+1 valeurs possibles de la structure des taux. Chaque structure
des taux est identifiée par la date n et par le nombre de hausses des facteurs
d’actualisation noté i ; cette structure est notée Pi n (.). Ainsi, à une date n et pour un
état de la nature i, la valeur d’une obligation rapportant 1F dans τ périodes est
donnée par Pi n (τ ) . On pose Pi n (1) = Pi n .
L’un des principaux apports du modèle est de permettre au rendement de l’actif
sous-jacent de dépendre du niveau des taux d’intérêt. A cette fin, le mouvement du prix de
l’actif est décomposé en deux phases. La première, pendant la première sous-période,
capture la composante dépendante des taux d’intérêt, et la seconde, pendant la seconde
sous-période, décrit la variation de la composante spécifique de l’actif. Ceci se traduit par
les deux hypothèses suivantes :
(H6-1) Pendant la première sous-période, de l’instant n à l’instant n+ 1 2 , si une hausse de
la structure par terme 9 se produit, le prix de l’actif est multiplié par un facteur
u in Pi n et, si une baisse se produit, le prix de l’actif est multiplié par d in Pi n .

Les facteurs u in et d in permettent de décrire l’évolution de l’actif dépendant des


taux d’intérêt. Ces facteurs dépendent de la fonction d’actualisation à l’instant n et à l’état i.
Les termes uin / Pi n et d in Pi n représentent 1+ le rendement de l’actif risqué sur la période
lié aux variations des taux d’intérêt.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 25
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

(H6-2) Pendant la seconde sous-période, si une hausse de l’actif se produit, le prix de


l’actif est multiplié par un facteur u ; si une baisse se produit, le prix est multiplié
par une facteur d . Ces deux facteurs représentent la composante d’évolution
spécifique de l’actif et sont supposés indépendants de l’instant-état (n,i) 10.
(H7) Le prix de l’actif à l’instant n est entièrement déterminé par le nombre de hausses de
la structure par terme et par le nombre de hausses spécifiques du prix de l’actif qui
se sont produites avant l’instant n.
L’évolution du prix de l’actif sous-jacent, au cours de la période [n,n+1], est donc
décrite par le schéma suivant :
n+1

n+1

n+1

n+1

Figure 1. Evolution de la valeur de l’actif sous-jacent


En l’absence d’opportunité d’arbitrage entre l’actif risqué et n’importe quelle
obligation sans risque de défaut, on en déduit le prix d’équilibre de l’actif sous-jacent à
toute date future, pour tout état de la nature (voir annexe ) .
Un raisonnement similaire à celui développé par Ho et Lee [1986] permet d’établir
la relation récurrente définissant le prix d’un actif contingent aux taux d’intérêt et à un seul
actif risqué sous-jacent, à la date n en fonction des valeurs possibles à la date n+1. Elle est
donnée par :
C (n, i, j ) = Pi n [π qC (n + 1, i + 1, j + 1) + π (1 − q)C (n + 1, i + 1, j )
(1)
+ (1 − π )qC (n + 1, i, j + 1) + (1 − π )(1 − q)C (n + 1, i, j )]
où π et q désignent respectivement les probabilités risque-neutre de hausse des facteurs
d’actualisation et de hausse de la composante spécifique de l’actif sous-jacent.
En spécifiant les conditions terminales et les flux et conditions intermédiaires, il est
possible d’évaluer des actifs de natures diverses, dont les obligations du secteur privé. De
plus, ce modèle, construit sur la base du processus d’évolution des taux d’intérêt de Ho et
Lee généralisé répond aux exigences imposées pour le calcul d’une duration effective.
26 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

2. APPLICATION A L’EVALUATION D’UNE OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE


Afin de valoriser une obligation du secteur privé, il reste à définir les conditions
terminales et à préciser le processus de défaillance de l’entreprise. Les hypothèses
suivantes sont retenues :
(H8) La valeur V des actifs de la firme suit le processus d’évolution décrit par la figure
1.
Soit σV la volatilité du rendement des actifs de la firme à l’instant présent 11.
Cette hypothèse implique que le rendement des actifs de la firme est corrélé avec les
taux d’intérêt. Soit ρ cette corrélation à l’instant présent.
(H9) Pour que la valeur des actifs de la firme puisse suivre le processus précédent, on doit
supposer que les paiements de coupons ou de capital n’ont pas d’effet sur V. Ceci
est satisfait si le paiement de ces flux s’effectue en émettant une nouvelle dette.
(H10) Comme Black et Cox [1976], nous supposons qu’il existe un niveau K de la valeur
des actifs de la firme en deçà duquel la firme est déclarée en faillite. Comme dans
Longstaff et Schwartz [1993], ce niveau est supposé constant.
(H11) En cas de défaut, celui-ci est déclenché pour toutes les dettes de la société. Le
détenteur d’une obligation reçoit, à la date de défaut, une fraction (1-ω) de la valeur
de marché d’un titre sans risque de défaut équivalent.
En cas de faillite d’une entreprise, l’approche classique suppose que les règles de
priorité dans les paiements sont appliquées. Mais plusieurs études ont montré que ces
règles n’étaient pas toujours respectées ; Franks et Torous [1989]12, notamment, ont trouvé
qu’elles étaient transgressées dans 78% des cas. Notre approche considère comme exogène
le processus de négociation des plaignants en cas de banqueroute. De plus, le défaut étant
constaté simultanément pour toutes les dettes, l’évaluation d’une dette à coupons se réduit
alors à celle d’un panier de zéro-coupon.
En résumé, notre approche correspond à la transposition en temps discret de
l’approche de Longstaff et Schwartz, à la différence près que notre modèle suppose un
processus d’évolution des taux d’intérêt de type Ho et Lee généralisé alors que le modèle
de Longstaff et Schwartz (LS) utilise un processus d’Ornstein-Ulhenbeck. De plus, notre
approche discrète permet de valoriser directement une obligation à coupons et, comme
nous le verrons infra, d’intégrer facilement une clause de remboursement anticipé, - ce qui
n’a pas été réalisé par LS -.
Soient BRD la valeur de la dette avec risque de défaut, N la maturité de l’obligation,
et C le coupon de cette obligation pour un nominal de 1.
La condition finale s’écrit alors :
B RD ( N , i, j ) = (1 + C )(1 − ω .1(V ( N ,i , j )≤ K ) ) pour tout i,j∈{0,..,N} .

Le calcul de la valeur, B, de l’obligation sans risque de défaut équivalente consiste à


actualiser les flux contractuels avec des taux non risqués. Celle-ci se déduit donc
directement du processus d’évolution du prix des obligations zéro-coupon de Ho et Lee
généralisé.
Soit n un instant quelconque, et nC la prochaine tombée de coupon après la date n.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 27
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

La périodicité de versement est supposée annuelle. n0 correspond au nombre de


périodes par an. Celui-ci est choisit de telle façon que les dates de tombée de coupon
coïncident avec des noeuds de l’arbre.
La valeur de l ’obligation équivalente sans risque de défaut à la date n , pour un état
de la nature i, est donnée par :
( N − nC ) / n0
B (n, i ) = C × ∑k =0
Pi n (nC + kn0 − n) + Pi n ( N − n) .

La fonction de paiement à une date n pour l’état (i,j), en cas de défaut, s’écrit alors :
φ (n, i, j ) = B(n, i ) × (1 − ω )
La formule de récurrence permettant d’obtenir la valeur actuelle de la dette, se
déduit à l’aide de la relation risque neutre 1. Elle est donnée par :

C.1{Ent (( n −nc ) / n0)×n 0=n −nc} 


 n 
B RD ( n, i , j ) =  + Pi [π qB RD ( n + 1, i + 1, j + 1) + π (1 − q ) B RD ( n + 1, i + 1, j ) .1(V ( n,i , j ) > K )
  (2)
+ (1 − π ) qB RD ( n + 1, i , j + 1) + (1 − π )(1 − q ) B RD ( n + 1, i , j )]
 
+ B ( n, i ) × (1 − ω ).1(V ( n,i , j )≤ K )

où Ent(.) désigne la partie entière d’un nombre.


Cette formule se déduit de la formule 1 en ajoutant les flux intermédiaires corres-
pondant aux coupons 13, et en ajoutant les conditions définissant le défaut. S’il n’y a pas de
défaut, on calcule la valeur de la dette à l’instant n en utilisant la relation récurrente 1 et en
ajoutant les coupons. A l’inverse, s’il y a défaut, la valeur de la dette à l’instant n est égale
à une fraction de l’obligation sans risque équivalente, conformément à l’hypothèse (H11).
Soit OPRD la valeur de l’option de défaut. La valeur de la dette avec risque de défaut
est équivalente à un portefeuille composé de l’achat de l’obligation sans risque de défaut et
de la vente de l’option de défaut. On a alors :
OPRD = B − B RD .

3. PRESENCE D’UNE CLAUSE DE REMBOURSEMENT ANTICIPE AU GRE DE


L’EMETTEUR 14
(H12) Si la société rembourse son obligation par anticipation, elle est supposée rembourser
le nominal plus les intérêts courus depuis la dernière tombée de coupon. Le
remboursement s’effectuera si, et seulement si, la valeur de marché de l’obligation
est supérieure au prix de remboursement de l’obligation 15 plus un paramètre
représentant les coûts de gestion. Soit F(t) le prix global d’exercice de l’option.
La première étape consiste à évaluer une dette avec risque de défaut et sans option
de remboursement anticipé (RA). Il suffit ensuite, pour obtenir la valeur globale de la dette,
d’ajouter une option de remboursement anticipé au gré de l’émetteur. Cette option a un
sous-jacent qui est la dette comportant un risque de défaut.
28 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

La fonction de paiement à une date n pour l’état (i,j), en cas de défaut, s’écrit :
φ (n, i, j ) = B(n, i ) × (1 − ω )
La fonction de paiement, à une date n pour l’état (i,j), en cas de remboursement est
F(n). Le remboursement sera constaté si :
B RD (n, i, j ) ≥ F (n)
La valeur de la dette BRD sans option de RA est donnée par la formule (2).
On déduit la formule de récurrence permettant d’obtenir la valeur actuelle de la dette
avec option de RA en présence de risque de défaut ; soit :

 C .1{Ent (( n − nc ) / n 0 )×n 0 = n − nc}  


 n  
  + Pi [π qB RD + RA ( n +1, i +1, j +1) + π (1 − q ) B RD + RA ( n +1, i +1, j )  .1 ( BRD ( n ,i , j ) < F ( n )) 
B RD + RA ( n , i , j ) =
  + (1 −π ) qB   .1 ( V ( n , i , j ) > K )
 
( n +1, i , j +1) + (1 −π )(1 −q ) B ( n +1, i , j )]
RD + RA RD + RA

 + F ( n ).1 ( B ( n ,i , j ) ≥ F ( n )) 
 RD 
+ B ( n , i ) × (1 − ω ).1
(V ( n , i , j ) ≤ K )

La condition terminale est donnée par :


B RD + RA ( N , i, j ) = (1 + C )(1 − ω .1(V ( N ,i , j )≤ K )
L’option jointe de remboursement et de défaut peut être estimée par la relation suivante:
B RD + RA ( N , i, j ) = (1 + C )(1 − ω .1(V ( N ,i , j )≤ K )

4. CALCUL DE LA DURATION EFFECTIVE


L’étude empirique réalisée par Queruel [1997] a révélé que, parmi toutes les méthodes
de mesures de la duration, celle de Fisher et Weil avec choc multiplicatif sur les facteurs
d’actualisation permet d’immuniser au mieux un portefeuille. Le choc associé à cette
mesure de la duration correspond à un choc additif sur les taux continus.
Le modèle proposé ne conduit pas à une formule explicite de calcul de cette duration.
En revanche, il est possible de la mesurer en utilisant l’approximation suivante :
∆B
≅ − D.∆λ
B
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 29
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

où D désigne la duration effective et λ le montant de la translation supposée affecter la


courbe des taux sans risque.
En réécrivant cette formule, il vient :
1 ∆B
D ≅−
∆λ B
Etant donnés le caractère discret du modèle et l’approximation de la duration, la
duration à droite (obtenue en choisissant λ>1) et la duration à gauche (λ<1) sont
différentes. Nous proposons d’évaluer la duration effective en prenant la moyenne de ces
deux durations, soit :
Dd + D g
D=
2
En choisissant λ = 1 + ε , avec ε>0, pour le calcul de la duration à droite, et λ = 1 − ε ,
pour celui de la duration à gauche, le calcul approximé de la duration devient :
1 B g − Bd
D=
ε B
où Bg et Bd désignent respectivement la valeur de la dette avec λ<1 et λ>1,
et B la valeur initiale de la dette avant déplacement de la gamme des taux.
SECTION 2. ETUDE DE SENSIBILITE DU MODELE
1. SENSIBILITE DU SPREAD AUX DIFFERENTS PARAMETRES DU MODELE
Nous envisageons, dans ce paragraphe, d’analyser la valeur du spread de taux, entre
une obligation sans coupon risquée et l’obligation sans risque de défaut équivalente, en
fonction des paramètres suivants : le quasi ratio d’endettement V/K, la perte attendue en
cas de défaut, la volatilité du prix des actifs de la firme, le niveau des taux d’intérêt, la
corrélation entre le prix des actifs et les taux d’intérêt et les paramètres définissant le
processus d’évolution des taux d’intérêt. Les résultats fournis par notre modèle sont
confrontés à ceux produits par celui de Longstaff et Schwartz.
Un ensemble de valeurs centrales est utilisé pour les paramètres, à savoir :
V/K=2, ω=0.5, σV=0.2, ρ=-0.25, π=0.5, σTI(1)=0.0316, σTI(12)=0.005 .
Afin de faciliter les comparaisons, la gamme des taux d’intérêt sans risque est la même
que celle retenue par Longstaff et Schwartz. Cette dernière est définie par le modèle de
Vasicek 16.
Le taux à court-terme est égal à 4%, sa volatilité est égale à 0.0316 et le taux à long-
terme s’établit à 6%. La volatilité du taux court, σTI(1), introduite dans notre modèle, est
donc égale à celle utilisée par LS. La volatilité du taux long, σTI(12), induite par le
processus de Vasicek, étant très inférieure à celle du taux court, nous l’avons fixé à 0.5%.
Les volatilités pour les autres maturités ont été linéairement interpolées entre celle du taux
court et celle du taux long. Le pas retenu pour les calculs correspond à 120 périodes.
a - Le « quasi ratio d’endettement » V/K
30 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Le quasi ratio d’endettement est un paramètre important de la valorisation de


l’obligation. Il donne un premier indicateur de la structure du passif de l’entreprise. Le
spread d’une obligation risquée est calculé en fonction de ce ratio. Les résultats obtenus à
partir de notre modèle conduisent au graphique ci-dessous :

Spread
0.025

0.02

0.015

0.01

0.005

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
V/K=1.5 V/K=2 V/K=2.5

Figure 2. Evolution du spread en fonction du quasi ratio d’endettement V/K.


Le modèle de Longstaff et Schwartz produit, par ailleurs, les résultats suivants :
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 31
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Spread
0.0300

0.0250

0.0200

0.0150

0.0100

0.0050

0.0000
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
V/K=1.5 V/K=2 V/K=2.5

Figure 3. Modèle de LS : Evolution du spread en fonction


du quasi ratio d’endettement V/K.
Ces deux graphiques ont de très grandes similitudes, tant au niveau des formes des
courbes qu’au niveau des valeurs des spreads. Ils révèlent un spread croissant avec
l’endettement (décroissant avec V/K). En effet, bien que K diffère, dans un marché réel, de
la valeur des dettes, il en reste cependant voisin.
K représente le niveau minimal de la valeur des actifs de la firme, en dessous duquel la
firme est déclarée en faillite. Le spread est donc d’autant plus important que la valeur des
actifs est proche du niveau K. Les graphiques précédents confirment ces résultats.
La courbe des spreads peut être une fonction monotone croissante de la maturité ou en
bosse. Ce résultat corrobore les conclusions d’une étude empirique, réalisée par Sarig et
Warga (1989), selon laquelle la courbe des spreads est monotone croissante, pour des
obligations avec une notation élevée, et en bosse, pour des obligations avec une notation
(rating) faible. Pour une obligation de maturité 10 ans sans coupon et un ratio V/K=2, notre
modèle fournit un spread de 55 points de base qui est proche de la moyenne de 48 points
de base observée pour les obligations notées Aaa par Moody’s pendant la période 1977-
1992. Le modèle de Longstaff et Schwartz conduit, quant à lui, à un spread de 60 points.
Indépendamment du niveau du spread produit par notre modèle, la valeur de la dette
risquée tend vers la valeur d’une dette sans risque de défaut quand le ratio V/K tend vers
l’infini. Le graphique suivant illustre cette remarque pour une obligation zéro-coupon de
maturité 5 ans.
32 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Valeur de la dette
0.80
0.75

0.70
0.65

0.60
0.55

0.50
0.45

0.40
1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5
Ratio V/K

Dette sans risque de défaut Dette risquée

Figure 4. Convergence de la valeur de la dette risquée


en fonction du quasi ratio d’endettement
Une convergence du même type est observée avec le modèle de Longstaff et Schwartz.
Avec ce dernier, la valeur d’une dette risquée de maturité 5 ans est égale à celle d’une dette
sans risque lorsque le ratio V/K est égal à environ 3.5 - 4.
b - La perte attendue en cas de défaut
La perte attendue en cas de défaut constitue un des paramètres important du processus
de défaillance de l'entreprise. Le graphique présenté ci-dessous montre la courbe des
spreads obtenue en fonction de différentes valeurs de ω, le pourcentage de perte attendue
en cas de défaut.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 33
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Spread
0.01

0.008

0.006

0.004

0.002

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
ω=0.2 ω=0.5 ω=0.7

Figure 5. Evolution du spread en fonction de la perte attendue en cas de défaut


Le niveau des spreads est en accord avec celui produit par le modèle de Longstaff et
Schwartz. Les courbes montrent que le spread est une fonction croissante de la perte
attendue en cas de défaut. Ce résultat n’est pas surprenant, la dette étant d’autant plus
risquée que ω est élevé. Par ailleurs, pour une même entreprise, ω dépend du degré de
subordination de la dette. Les différences de niveau des spreads peuvent alors s’analyser en
terme de priorité de la dette. Plus la dette est prioritaire en cas de défaut (ω faible),
meilleures sont les chances de l’investisseur d’être remboursé et plus le spread est faible.
La justification mathématique de cette propriété provient du fait que l’espérance de
perte est égale au produit de la perte attendue en cas de défaut par la probabilité de défaut.
En augmentant ω, on accroît l’espérance de perte. Cette augmentation s’accompagne d’une
hausse du spread, comme le graphique précédent l’a montré.
c - La volatilité du rendement des actifs de la firme
La volatilité du rendement des actifs de la firme est, à l’instar des deux précédents, un
paramètre important de l’évaluation d’une dette risquée. Elle conditionne clairement la
probabilité que l’entreprise fasse défaut.
34 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Spread
0.03

0.025

0.02

0.015

0.01

0.005

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
σv =0.2 σv =0.3

Figure 6. Evolution du spread en fonction de l’écart-type du rendement des actifs


On observe que le spread est croissant avec la volatilité du rendement des actifs de la
firme. Plus la volatilité de ce rendement est élevée, plus l’entreprise est risquée ; le spread
augmente donc avec le risque conformément au comportement du marché.
d - La corrélation entre le rendement des actifs de la firme et les taux d’intérêt
La figure n°7 permet d’analyser l’évolution du spread en fonction du coefficient de
corrélation entre le rendement des actifs et les taux d’intérêt.
Spread
0.014

0.012

0.01

0.008

0.006

0.004

0.002

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
ρ=−0.25 ρ=0 ρ=0.25

Figure 7. Evolution du spread en fonction de la corrélation


Ce graphique révèle que le prix de l’obligation est très sensible à la valeur de la
corrélation. Ceci légitime la mise en place d’un modèle prenant en compte ce facteur.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 35
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Le spread est une fonction croissante de ρ. Cette propriété, moins évidente à saisir, est
justifiée par le processus de la valeur, V, de la firme qui, dans l’univers risque neutre,
dépend des taux d’intérêt sans risque.
En effet, la variance du rendement instantané de V dépend de la corrélation entre le
rendement des actifs de la firme et les taux d’intérêt. Quand ρ est positif, la volatilité des
taux d’intérêt accroît la volatilité totale des actifs de la firme et, donc, la probabilité de
défaut. Le spread devient alors plus élevé.
e - Les paramètres du processus d’évolution des taux d’intérêt
Notre modèle diffère essentiellement de celui de Longstaff et Schwartz par le choix du
processus d’évolution des taux d’intérêt. L’analyse qui suit est donc importante quant à la
comparaison des deux modèles.
Notre modèle, reposant sur le processus de Ho et Lee généralisé, autorise toute forme
de variation de la gamme des taux et de leur volatilité. A l’inverse, le modèle de Longstaff
et Schwartz, défini à partir du processus d’évolution des taux de Vasicek, n’autorise pas
toutes les variations de ces paramètres. Dans ce modèle, en effet, la structure des taux est
entièrement déterminée par le niveau du taux instantané et par les seuls paramètres de son
processus d’évolution (processus d’Ornstein Ulhenbeck).
La figure n° 8 permet d’analyser les conséquences sur le spread d’une augmentation de
1% de la volatilité du taux long d’une part et de celle du taux court d’autre part 17.

Spread
0.0090
0.0080
0.0070
0.0060
0.0050
0.0040
0.0030
0.0020
0.0010
0.0000
0 2 4 6 8 10 12
Maturité

Stabilité des volatilités Hausse volatilité taux long Hausse volatilité Taux court

Figure 8. Evolution du spread en fonction de la volatilité des taux d’intérêt


Les courbes obtenues revèlent que le spread, donné par notre modèle, est d’autant plus
sensible à une hausse de la volatilité du taux long que la maturité de l’obligation est grande.
Cette sensibilité grandissante résulte du fait que la volatilité des taux à long terme
conditionne la volatilité future des taux à court terme. Cette dernière agit à deux niveaux
dans le processus d’évolution des actifs de la firme :
36 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

– au travers du taux à court terme qui décrit la tendance du processus dans


l’univers risque neutre,
– au niveau de la volatilité des actifs de la firme, puisque ceux-ci sont corrélés
avec les taux d’intérêt.
En augmentant la volatilité actuelle des taux à long terme, on augmente la volatilité
future des taux courts et donc la volatilité du rendement des actifs de la firme. Le spread
s’en trouve alors d’autant plus élevé. Le modèle de LS ne prend en compte la volatilité du
taux à long terme que dans une moindre mesure. Ce paramètre semble pourtant important.
L’analyse d’une hausse de la volatilité des taux à court terme montre que le spread est
d’autant moins sensible à cette variation que l’obligation est longue.
La figure n° 9 permet, pour sa part, d’analyser les conséquences sur les spreads d’une
variation de la valeur initiale des taux d’intérêt. Cette variation prend la forme d’un
déplacement parallèle de l’ensemble de la gamme des taux. Naturellement, les
conséquences d’une telle variation ne peuvent pas être examinées dans le cadre du modèle
de LS puisque le processus d’évolution du taux instantané, sur lequel ce modèle repose,
n’autorise pas ce type de déplacement.

Spread
0.006

0.005

0.004

0.003

0.002

0.001

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
Gamme initiale des taux Gamme précédente + 3%

Figure 9. Evolution du spread en fonction du niveau des taux d’intérêt


La valeur du spread de l’obligation décroît avec les taux d’intérêt. A l’instar du modèle
de Longstaff et Schwartz, la tendance du processus d’évolution du rendement des actifs de
la firme dépend, dans l’univers risque neutre, du niveau des taux d’intérêt sans risque de
défaut. En augmentant la gamme initiale des taux, on augmente cette dérive. Ce faisant la
valeur des actifs de la firme s’éloigne plus rapidement du niveau de défaut K. La
probabilité de défaut et, par conséquent, le spread s’en trouvent alors diminués.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 37
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

2. INCIDENCE D’UNE CLAUSE DE REMBOURSEMENT ANTICIPE AU GRE DE L’EMETTEUR


On considère dans cette analyse une obligation à coupons. Le taux de coupon est fixé à
4,5%. La périodicité du versement est supposée annuelle. Le ratio V/K est choisi égal à 2.5.
La dette est alors moins risquée et les comportements sont plus marqués. Les coûts de
transaction sont négligés et l’émetteur rembourse l’obligation dès que son prix dépasse le
nominal augmenté des intérêts courus.

Prix de la dette
1.00

0.95

0.90

0.85

0.80

0.75
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Maturité

Dette avec risque de défaut (RD) Dette avec RDet option de RA


38 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Figure 10. Incidence de l’introduction d’une option de RA sur la valeur de la dette

La figure précédente révèle la réduction de valeur de l’obligation due à l’introduction


d’une option de remboursement anticipé exerçable à tout moment au gré de l’émetteur.
Cette option pénalisant l’investisseur, il est donc logique que sa présence réduise le prix de
l’obligation.

3. SENSIBILITE DE LA DURATION EFFECTIVE


La duration effective d’une dette risquée est calculée avec notre modèle, puis comparée
à celle déduite du modèle de Longstaff et Schwartz et à la duration de Macaulay. La
sensibilité de sa valeur aux principaux paramètres du modèle est analysée. Les paramètres
pris en compte sont : le quasi ratio d’endettement V/K et la perte attendue en cas de défaut.
a - Sensibilité aux variations du ratio V/K
L’ensemble des paramètres retenus est celui utilisé dans le paragraphe précédent, à
savoir :

ω=0.5, σV=0.2, ρ=-0.25, π=0.5, σTI(1)=0.0316, σTI(12)=0.005 .


Une étude de la sensibilité de la duration d’un zéro-coupon aux variations du ratio V/K,
à partir de notre modèle, conduit au graphique suivant :

Duration
12

10

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité

V/K=1.25 V/K=1.5 V/K=1.75 V/K=2 Maturité

Figure 11. Duration d’une obligation zéro-coupon en fonction du ratio V/K

Cette figure permet deux conclusions importantes :


– la duration effective d’un zéro-coupon est inférieure à sa maturité. Ce
résultat corrobore donc ceux de Chance [1990], établis à partir du modèle de
Merton, de Leland [1994, 1996], obtenus avec des taux d’intérêt constants, et de
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 39
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Babbel, Merrill et Panning [1997], définis à partir du processus d’évolution des


taux de Cox-Ingersoll-Ross. Ces conclusions, d’ordre théorique, rejoignent une
étude empirique, réalisée par Fons [1990], qui conclut que la duration effective
d’une obligation risquée est inférieure à celle de Macaulay.
Nos travaux se distinguent cependant des différentes études théoriques
précédemment citées, par un contexte d’évaluation plus général et un processus
d’évolution des taux plus adapté (cf. infra) au calcul d’une duration effective. La
différence porte plus sur le niveau de la duration que sur son comportement
général.
– la duration effective est une fonction croissante du quasi ratio d’endettement
V/K. Cette propriété rejoint en partie la précédente. Elle signifie, en effet, que la
duration est d’autant plus faible que la dette est risquée. La duration d’une dette
sans risque est donc supérieure à la duration d’une dette avec risque de défaut.
Il est possible de relier ces résultats à l’observation faite précédemment selon laquelle le
spread diminue lorsque les taux d’intérêt sans risque augmentent.
Soit B le prix d’un zéro-coupon de maturité T, de rendement actuariel continu j.
Soir R le taux sans risque de défaut continu pour la maturité T.
La duration de Macaulay de ce zéro-coupon s’écrit :

1 dB
D=− .
B dj

tandis que la duration effective de ce titre est donnée par :


1 dB
DE = − .
B dR
En introduisant le rendement actuariel du titre, il vient :

1 dB dj
DE = −
B dj dR
.
dj
= D.
dR

La duration effective d’un zéro-coupon est donc égale au produit de sa duration de


Macaulay par la variation instantanée du rendement actuariel rapportée à celle du taux sans
risque de même maturité.
Le rendement actuariel de ce titre étant égal au taux sans risque R plus un spread noté
sp, la formule précédente s’écrit alors:
40 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

d ( R + sp )
D E = D.
dR

d sp
= D.(1 + )
dR
Cette formulation permet de vérifier que la variation instantanée du spread est
déterminante dans le calcul de la duration effective. Comme le spread est une fonction
décroissante des taux, le terme d sp dR 18 est donc négatif. On en déduit que la duration
effective est inférieure à la duration de Macaulay. En rappelant que la duration de
Macaulay d’un zéro-coupon est égale à sa maturité, on retrouve la conclusion établie
précédemment : la duration effective d’un zéro-coupon risqué est inférieure à sa maturité.
Le modèle de Longstaff et Schwartz (cf. annexe) conduit à des conclusions générales
voisines, comme en témoigne le graphique suivant :
Duration
5
4.5
4
3.5
3
2.5
2
1.5
1
0.5
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Maturité
V/K=1.5 V/K=2 V/K=2.5 Maturité

Figure 12. Modèle de LS : Duration effective en fonction du quasi ratio d’endettement


Si la duration effective d’un zéro-coupon est bien inférieure à sa maturité, les valeurs
obtenues par LS sont en revanche sensiblement différentes des nôtres. Les deux modèles
reposant sur des modèles d’évolution de la structure des taux différents, cette divergence
n’est pas surprenante.
Le modèle de LS s’appuie sur le processus de Vasicek. Or, comme le révèle la figure n°
13 représentant des courbes de taux générées par ce modèle, une variation de 1% du taux à
court terme n’induit, pour les paramètres utilisés, qu’une variation extrêmement faible des
taux de maturité élevée.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 41
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Taux in fine
10.00%

9.00%

8.00%

7.00%

6.00%

5.00%

4.00%
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Maturité
r=0.04 r=0.05 r=0.07 0.1

Paramètres 17: α=0.06, β=1, η²=0.001


Figure 13. Courbes des taux induites par le modèle de Vasicek
pour différentes valeurs du taux à court terme
On peut donc supposer que le modèle de Vasicek conduit à sous estimer le risque lié
aux variations des taux à long terme et, par la même, la duration effective produite par le
modèle de LS pour des maturités élevées. Rappelons en outre que le modèle de Vasicek
présente l’inconvénient de ne pas permettre toutes les formes des courbes des taux, telles
que les courbes en creux. Ces remarques ne s’appliquent pas au modèle de Ho et Lee
généralisé puisque la gamme des taux initiale est exogène au modèle. Ce modèle permet, en
outre, de calculer une duration effective avec le type souhaité de choc sur la courbe des
taux.
En augmentant le risque de défaut (V/K=1.05 et ω=0.9), on parvient à obtenir, pour des
maturités courtes, des durations négatives, comme en témoigne la courbe suivante :
42 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Duration
4

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité
-1

-2
Figure 14. Duration effective d’une dette comportant un risque de défaut important

Cette conclusion rejoint celle établie par Leland dans un cadre sensiblement différent
puisque son modèle suppose des taux d’intérêt constants. Le modèle de Longstaff et
Schwartz permet aussi d’obtenir des durations négatives dont les valeurs sont cependant
très inférieures aux nôtres.
Nous avons observé qu’une baisse des taux sans risque s’accompagne d’une hausse du
spread d’une obligation risquée. Une duration négative correspond, par conséquent, au cas
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 43
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

où une baisse des taux est plus que compensée par la hausse du spread. Le rendement
d’une obligation à duration effective négative est ainsi susceptible d’augmenter sous l’effet
d’une baisse des taux sans risque.
Quel que soit le modèle de taux utilisé, on doit vérifier que la duration effective d’un
zéro-coupon converge vers sa maturité au fur et à mesure que le risque de défaut diminue.
Le graphique ci-dessous, obtenu avec notre modèle, permet de vérifier cette hypothèse.

Duration
5

4.5

3.5

2.5

2
1 2 3 4 5 6 V/K7

Maturité Durationdu ZCrisqué Duration duZCrisqué, modèle LS

Figure 15. Convergence de la duration d’une obligation vers sa maturité


Il est donc nécessaire, pour une obligation de maturité 5 ans, que l’émetteur ait
approximativement 3.5 fois plus de fonds propres que de dettes pour que son risque de
défaillance deviennent négligeable.
Il convient de souligner ici que la convergence est plus rapide dans le cadre de notre
modèle que dans celui de Longstaff et Schwartz. Ce résultat n’est pas surprenant puisque
notre approche conduit à une duration supérieure à celle de LS.
Pour une dette de maturité 5 ans, le modèle de LS nécessite, en effet, un ratio V/K de 6
pour fournir une duration égale à celle d’une dette sans risque. Ceci revient à dire qu’il est
nécessaire que l’entreprise ait approximativement 6 fois plus de fonds propres que de dettes
pour que sa dette soit équivalente à une dette non risquée. Ce ratio apparaît très élevé.
b - Sensibilité aux variations de la perte attendue
44 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

Nous proposons, pour conclure cette étude de la duration, de tester sa sensibilité à la


valeur de la perte attendue en cas de défaut

Duration
12

10

0
0 2 4 6 8 10 12
Maturité

ω=0.25 ω=0.5 ω=0.75

Figure 16. Duration effective en fonction de la perte attendue en cas de défaut


Le graphique ci-dessus montre que la duration d’un zéro-coupon est d’autant plus faible
que le paramètre ω est élevé. Cette observation complète l’analyse de la relation entre la
duration effective et le risque de défaillance de l’émetteur. En effet, l’espérance de perte du
créancier de l’entreprise est égale au produit du montant de la perte attendue en cas de
défaillance par la probabilité de défaut. Alors que la baisse du ratio V/K augmente la
probabilité de défaillance de l’émetteur, la hausse du facteur ω aggrave les conséquences
de la faillite pour le créancier. Concourant toutes les deux à l’accroissement du risque du
créancier, ces deux causes contribuent à la diminution de la duration effective d’une dette
risquée.
CONCLUSION
Le modèle développé dans cet article s’inscrit dans le prolongement de celui de
Longstaff et Schwartz. Il emprunte à ce modèle le mécanisme de déclenchement de la
faillite et d’indemnisation des créanciers en cas de défaut. Ainsi, lorsque la valeur des actifs
franchit la barrière à partir de laquelle la faillite est déclarée, les porteurs d’obligations
reçoivent une fraction des obligations équivalentes mais sans risque de défaut. Même si la
critique de Briys et de Varenne [1995] à l’égard de ce mode d’indemnisation, selon laquelle
les créanciers de l’entreprise peuvent éventuellement recevoir un montant supérieur aux
actifs de la firme, est théoriquement fondée, cette approche nous semble néanmoins
intéressante.
Notre modélisation s’inscrit, en effet, dans une perspective particulière consistant
à évaluer une ou à la rigueur plusieurs dettes émises par une entreprise. Notre objectif est
donc sensiblement différent de celui consistant à évaluer, à partir du total du bilan, la
totalité des éléments du passif, c’est à dire les actions comme les dettes de toute nature. Le
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 45
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

modèle de Briys et de Varenne s’inscrit au contraire dans cette dernière perspective pour
laquelle la cohérence de l’évaluation impose des contraintes plus strictes, notamment en
matière de répartition des actifs entre tous les ayant-droits lors de la faillite. Notre objectif
nous permet donc de nous affranchir en partie de ces contraintes. Ainsi, dans notre
approche, la valeur des actifs constitue une variable conventionnelle, un indicateur, plutôt
qu’un objet de partage. Dès lors sa mesure n’a de sens que dans la perspective d’une
comparaison avec le seuil de faillite. Plutôt que de correspondre à un recensement exhaustif
des actifs de la firme, cette variable peut même, dans une optique opérationnelle,
s’identifier au total des seuls éléments cotés du passif du bilan.
Le modèle présenté diffère par ailleurs des autres approches retenues jusqu'à
présent pour évaluer une dette risquée sur un point essentiel, celui du mode d’évolution des
taux d’intérêt. En effet, tandis que la plupart des auteurs envisagent un processus continu
d’évolution du taux instantané, de type Ornstein- Uhlenbeck, nous avons retenu un
processus discret, celui de Ho et Lee généralisé. Associé à la méthode séquentielle
développée par Kishimoto, ce processus permet d’évaluer une obligation à coupons et ce en
présence, le cas échéant, de clauses de remboursement anticipé.
La simulation réalisée a permis d’analyser le spread d’une obligation du secteur
privé et de le comparer à celui fourni tant par les autres modèles que par des études
empiriques. La majorité des résultats établis par les modèles antérieurs ont ainsi pu être
validés. Le calcul de la duration effective a confirmé, par ailleurs, le résultat obtenu par
d’autres auteurs dans un cadre différent19, selon lequel la duration d’un zéro-coupon est
inférieure à sa maturité. La comparaison de notre modèle avec celui de Longstaff et
Schwartz met en évidence l’importance du processus d’évolution des taux d’intérêt dans le
calcul de la duration effective. Pour une série de paramètres comparables à ceux retenus par
LS dans leur simulation, nous obtenons une duration effective significativement supérieure
à celle qu’ils ont obtenue. Sans aller jusqu'à affirmer que le processus de Ho et Lee
généralisé est le plus intéressant, l’étude réalisée souligne néanmoins les limites du
processus de Vasicek pour le calcul de la duration effective.

ANNEXE
Prix de l’actif sous-jacent
Le prix de l’actif sous-jacent, à l’instant n, pour l’état de la nature (i,j), est donné par :

F1 (n, i; π , ∆, γ ) F2 (n, j , u , d )V
Vi n, j =
P ( n)

V désigne le prix à l’instant 0 de l’actif sous-jacent,


(k )
n −1 1 − π u
∏ ∏ ∏
i −1 ( k ) n −1
u δ (k )
F (n, i; π , ∆, γ ) =
k =0 1−π
k =i k =i +1
1 n −i −1
h(1, n − 1)...h(n − 1,1)δ (n)
j n− j
F2 (n, j , u , d ) = u d
46 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

u ( n +1)
u (n) = δ ( n + 2) δ ( n + 2 ) ( n +1)
n=0,...,N-2
δ ( n +1)
+ π u ( n +1) − π δ ( n +1)
u
( N −1)
avec la condition limite u = γ , où γ est une constante,
1
h(n, τ ) =
δ (τ + n)
π + (1 − π )
δ (n)
et où ∆ désigne l’ensemble des δ(i) pour i=1,...,n,..
Calcul de la duration effective d’une dette risquée déduite du modèle de Longstaff et
Schwartz
Cette duration n’étant pas fournie par LS, nous en proposons le calcul.
Le processus d’évolution du taux d’intérêt de Vasicek est défini par:
dr = ( α − βr )dt + σdZ
La valeur d’un zéro-coupon sans risque, B(r,T), déduite de ce processus, est égale à:
B (r , T ) = exp( X (T ) − Y (T )r )
où X(T) et Y(T) sont définies dans le modèle de Vasicek.

Sachant qu’en cas de défaut, le détenteur d’une obligation reçoit une fraction (1-ω) de
la valeur de marché d’un titre sans risque de défaut équivalent, la formule d’évaluation
d’une obligation zéro-coupon, de maturité T, comportant un risque de défaut, établie par
Longstaff et Schwartz, est la suivante :
B RD (χ , r , T ) = B(r , T ) − ωB (r , T )Q( χ , r , T )


χ =V K
n
Q ( χ , r , T , n) = ∑q ,
i =1
i

q1 = N (a1 ),
i −1
qi = N (ai ) − ∑ q N (b ), i = 2,3,..., n,
j =1
j ij

− ln χ − M (iT / n, T )
ai = ,
S (iT / n)
M ( jT / n, T ) − M (iT / n, T )
bij = ,
S (iT / n) − S ( jT / n)

où N(.) représente la fonction de répartition de la loi normale, avec :


OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 47
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

 α − ρση η 2 σ 2   ρση η 2 
M (t , T ) =  − − .t +  +  exp( − βT )(exp( βt ) − 1)
 β β
2 2   β 2 2β
3 
 
 r α η2   2 
+ − + (1 − exp( − βt )) −  η  exp( − βT )(1 − exp( − βt )),
β β2 β3   2β 3 
   

 ρση η 2 2   ρση 2η
2   2 
S (t ) =  + + σ .t −  + (1 − exp( − βt )) +  η (1 − exp( −2 βt ))
 β β
2   β2 β3   2β 3 
     
Le terme Q(χ,r,T) est la limite de Q(χ,r,T,n) quand n→∞.
Le calcul de la duration effective nécessite quelques précautions. En effet le processus
d’évolution du taux d’intérêt sans risque est le processus stochastique utilisé par Vasicek.
La duration est donc une duration stochastique, de type Vasicek, pour laquelle un
changement d’échelle (Devolder,1993), permettant d’égaliser la duration et la maturité
d’un zéro-coupon non risqué, est nécessaire. La duration effective, obtenue à l’aide du
modèle de LS, peut s’écrire :
 1 dBRD 
DLS = Y −1  − 
 B RD dr 
où Y −1 ( x) est la fonction inverse de la fonction Y(T), définie par Vasicek, telle que :
1 − exp(− β .T )
Y (T ) =
β
d’où :
ln(1 − β x)
Y −1 ( x) = − .
β
Il suffit, pour déterminer la duration effective d’une dette risquée, de dériver le prix de
l’obligation par rapport au taux d’intérêt sans risque, puis d’appliquer la formule 23.
Signalons que le calcul de la duration effective, à partir de notre modèle, ne nécessite pas
de changement d’échelle. En effet, la structure présente des taux étant exogène au modèle,
la valeur d’un zéro-coupon non risqué ne dépend pas, comme dans le modèle de Vasicek,
des paramètres du processus d’évolution des taux.
Dans le cadre du modèle de LS, le calcul de la dérivée conduit à:
1 dB RD ω Q' ( χ , r , T )
− = Y (T ) +
B RD dr 1 − ωQ ( χ , r , T )

n
dQ( χ , r , T , n) dq i
Q ' ( χ , r , T , n) =
dr
= ∑ dr
i =1
48 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

a12

q1 ' = 1 a1 '.e 2

ai2 
i −1 b2
bij ' − ij 
−  
qi ' = 1

ai '.e 2 − ∑  q j ' N (bij ) + q j .
j =1  2 π
.e 2 

 
− 1
β
(1 − e − βiT / n )
ai ' =
S (iT / n)

bij ' =
− 1
β
[exp(− )− exp(− )]
β jT
n
β iT
n

S (iT / n) − S ( jT / n)
et où
 ρση η 2 2   ρση 2η
2   2 
S (t ) =  + + σ t −  + (1 − exp(− βt )) +  η (1 − exp(−2 βt )) .
 β β2   β2 β3   2β 3 
     
Le terme Q’(χ,r,T) est la limite de Q’(χ,r,T,n) quand n→∞. Les applications
numériques montrent que pour n=200, le terme Q’(χ,r,T,n) est pratiquement confondue
avec sa limite.
Le calcul de la dérivée que nous venons d’effectuer mérite que nous apportions deux
précisions.
- La dérivée de V par rapport à r, à t constant, est nulle.

d( ∑q ) i ∞
dqi
- Nous avons implicitement supposé que i =1
dr
= ∑ dr
i =1
. Cette permutation

du signe dérivé et du signe somme n’est pas systématiquement possible. Il faut


préalablement s’assurer d’un critère de convergence dominée de la série des
dérivées. Le caractère récursif et la complexité de la série, ne nous ont pas permis
de montrer la validité de cette formule. Mais des tests numériques, dans un
nombre suffisant de configuration des paramètres du modèle, ont permis de
s’assurer du bien fondé de cette permutation.

BIBLIOGRAPHIE
AUGROS J.C., QUERUEL M., « Modèle d’évaluation d’un actif contingent aux taux
d’intérêt et à deux actifs risqués », 14ème conférence internationale de Finance,
AFFI, Grenoble, juin 1997, et 7th International AFIR Colloquium, août 1997,
Cairns, Australie.
ARTUS P., DUCOS P., « Couverture contre le risque de taux - un test comparatif », Banque,
n°500, 1989, pp 1131-1132.
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 49
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

ARTUS P., LEVITA V., MARQUIS J-C., « Couverture contre le risque de taux d’intérêt »,
Document de travail N° 1989-19, Service des Etudes Economiques et Financières
CDC, Juillet 1989, 55p.
BLACK F., COX J.C., « Valuing Corporate Securities : Some Effects of Bond Indenture
Provisions », Journal of Finance, Vol. 31, n°2, 1976, pp 351-367.
BLACK F., SCHOLES M., « The Pricing of Options and Corporates Liabilities », Journal of
Political Economy, Vol. 81, n°3, 1973, pp 637-654.
BABBEL D.F. MERRILL C., PANNING W., « Default Risk and the Effective Duration of
Bonds », Financial Analysts Journal, Janvier/Février 1997.
BRENNAN M.J., SCHWARTZ E.S., « Analysing Convertible Bonds », Journal of Financial
and Quantitative Analysis, Vol. 15, 1980, pp 907-929.
BRIYS E., DE VARENNE F., « Valuing Risky Fixed Rate Debt : An Extension », Journal of
Financial and Quantitative Analysis, Vol. 32, N° 2, Juin 1997, pp 239-248.
COX J.C., INGERSOLL J.E., ROSS S.A., « A Theory of the Term Structure of Interest
Rates », Econometrica, Vol 53, N°2, 1985, pp 385-407.
CHANCE D.M., « Default Risk and the Duration of Zero Coupon Bonds », Journal of
Finance, Vol. 45, 1990, pp 265-274.
DEVOLDER P., « Finance stochastique », Editions de l’université de Bruxelles,1993.
EBERHART A.C., MOORE W.T., ROENFELDT R.L., « Security Pricing and Deviations
from the Absolute Priority Rule in Bankruptcy Proceedings », Journal of Finance,
Vol. 45, 1990, pp 1457-1469
FISHER L., WEIL R., « Coping with Risk of Interest Rate Fluctuations : Returns to
Bonholders from Naive and Optimal Strategies », Journal of Business, Vol. 4,
Octobre 1971, pp 408-431.
FONS J.S., « Default Risk and Duration Analysis » dans l’ouvrage The High Yield Debt
Market, Ed. Edward I. Altman, 1990, New York.
FRANKS J.R., TOROUS W., « An Empirical Investigation of U.S. Firms in
Reorganization », Journal of Finance, Vol. 44, 1989, pp 747-769.
GESKE R., « The Valuation of Corporate Liabilities as Compound Options », Journal of
Financial and Quantitative Analysis, Vol. 12, 1977, pp 541-552.
GESKE R., « The Valuation of Compound Options », Journal of Financial Economics,
Vol. 7, 1979, pp 62-82.
HO T.S.Y., LEE S.B., « Term Structure Movements and Pricing Interest Rate Contingent
Claims », Journal of Finance, Vol 41, 1986, pp 1011-1029.
INGERSOLL J.E., « A Contingent-Claims Valuation of Convertible Securities », Journal of
Financial Economics, Vol. 4, 1977, pp 289-321.
50 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

INGERSOLL J.E., « An Examination of Corporate Call Policies on Convertible


Securities », Journal of Finance, Vol. 32, 1977, pp 463-478.
KIM I.J., RAMASWAMY K., SUNDARESAN S.M., « The Valuation of Corporate Fixed
Income Securities », Working paper 32, University of Pennsylvania, 1989.
KISHIMOTO N., « Pricing Contingent Claims under Interest Rate and Asset Price Risk »,
Journal of Finance, Vol 44, N°3, 1989, pp571-589.
LELAND H., « Bond Prices, Yield Spreads, and Optimal Capital Structure with Default
Risk », Working paper 240, Novembre 1994, University of California, Berkeley.
LELAND H., TOFT K.B., « Optimal Capital Structure, Endogenous Bankruptcy, and the
Term Structure of Credit Spreads », Journal of Finance, vol. 51, n°3, 1996, pp 987-
1019.
LONGSTAFF F.A., SCHWARTZ E.S., « A Simple Approach to Valuing Risky Fixed and
Floating Debt », Working paper, Octobre 93 revisé Février 95, University of
California.
MACAULAY F., « Some Theoritical Problems Suggested by the Movements of Interest
Rates. Bond Yields and Stock Prices in the US Since 1856 » NBER, New York;
1938.
MERTON R.C., « On the Pricing of Corporate Debt : the Risk Structure of Interest Rates »,
Journal of Finance, Vol. 29, 1974, pp 449-470.
NIELSEN L.T., SAA-REQUEJO J., SANTA-CLARA P., « Default Risk and Interest Rate
Risk : The Term Structure of Default Spreads », Working Paper, Mai 1993, Insead,
Fontainebleau.
QUERUEL M., « L’analyse du risque de taux d’intérêt dans un établissement bancaire »,
Thèse de Doctorat, Université Lyon I, Décembre 1996.
RAMASWAMY K., SUNDARESAN S.M., « The Valuation of Floating-Rate Instruments :
Theory and Evidence », Journal of Financial Economics, Vol. 17, 1986, pp 251-
272.
SARIG O., WARGA A., « Some Empirical Estimates of the Risk Structure of Interest
Rates », Journal of Finance, Vol. 44, 1989, pp 1351-1360.
VASICEK O., « An Equilibrium Characterization of the Term Structure », Journal of
Financial Economics, Vol. 5, 1977, pp 177-188.
WEISS L.A., « Bankruptcy Resolution : Direct Costs and Violation of Priority of Claims »,
Journal of Financial Economics, Vol. 27, 1990, pp 285-314.

1 dB 1
1
D=− =
B dj B ∑ t.F .e
t
t
− jt

où Ft désigne le flux monétaire rapporté, en t, par l’actif dont la valeur est égale à B et le taux
actuariel continu égal à j
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 51
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

n
2
D = ∑ tF .e
t =1
t
− R ( 0,t ).t
B

où R(0,t) correspond au taux continu d’un zéro-coupon de maturité t, à la date 0.


3
La duration effective a déjà été introduite par LELAND [1994] sans pour autant qu’un lien ait été
fait avec son utilisation en gestion de portefeuille ou en gestion de bilan
4
A la différence des autres travaux récents sur l’évaluation d’une dette risquée, le modèle de
LELAND [1994] suppose des taux d’intérêt constants.
5
Le modèle de BRIYS et de VARENNE [1995] représente l’une des formes les plus accomplies des
modèles d’évaluation d’une dette risquée. En retenant un bilan simple incluant une seule dette - un
zéro-coupon -, ces auteurs modélisent l’ensemble du bilan. L’obligataire recevant, en cas de faillite,
une partie des actifs, il ne peut en aucun cas percevoir un paiement supérieur à la valeur des actifs.
Signalons toutefois que si, à l’échéance de la dette, la valeur des dettes est à peine supérieure à celles
des actifs, les actionnaires peuvent recevoir moins que lorsque celle-ci leur est légèrement inférieure :
il existe, par conséquent, une prime à l’incendie volontaire déclenché la veille de l’échéance !
6
Voir par exemple ARTUS, LEVITA et MARQUIS [1989] et QUERUEL [1996].
7
A chaque processus d’évolution des taux d’intérêt et à chaque choc supposé affecter la courbe des
taux correspond une mesure de la duration. La duration de Macaulay correspond, par exemple, à une
courbe des taux (plate) déterministe, et à un choc de type déplacement parallèle.
8
BONNASSIEUX et BRUNEL [1993], et AUGROS et QUERUEL [1996].
Tandis que dans le modèle de Ho et Lee les fonctions pertubatrices, contribuant à la hausse ou à la
baisse des facteurs d’actualisation, ne dépendent que de la maturité τ, celles définies par Bonnassieux
et Brunel [1993], pour obtenir des volatilités non constantes au cours du temps, dépendent également
de la date. Soient h(n,τ) et h*(n,τ) ces fonctions telles que :
Pn ( τ + 1) 1
Pin++11( τ ) = i h( n + 1,τ ) à la hausse avec h( n + 1,τ ) =
n
Pi ( 1 ) δ ( τ + n + 1)
π + (1 − π )
δ ( n + 1)
δ ( τ + n + 1)
n
P ( τ + 1 ) δ ( n + 1)
Pin +1( τ ) = i h∗ ( n + 1,τ ) à la baisse avec h∗ ( n + 1,τ ) =
n
Pi ( 1 ) δ ( τ + n + 1)
π + (1 − π )
δ ( n + 1)
où δ(k) est un paramètre dont dépend la volatilité des taux de maturité k avec δ(0)=1.
Soit ri (τ ) le taux d’intérêt continu relatif à la maturité τ tel que rin (τ ) = − τ1 ln Pi n (τ ) et p1 la
n

probabilité réelle de hausse des fonctions d’actualisation. La volatilité annualisée du taux rin (τ ) ,
vue depuis la date 0, est donnée par :
 δ (τ + n) 1 
Vol = − n 0 3/ 2 p1 (1 − p1 ) ln ( )τ 
 δ ( n) 
 
où n0 désignent le nombre de périodes par an.
Comme δ(0)=1, il est possible, à la date 0, de relier les δ ( k ) à la volatilité des taux observée pour
toutes les maturités k.
52 J.C. AUGROS & M. QUERUEL

9
Nous avons repris les termes utilisés par Kishimoto : une « hausse de la structure par terme »
correspond à une hausse de la fonction d’actualisation et donc à une baisse des taux d’intérêt.
10
Bien que la seconde sous-période soit considérée de longueur « petite », le terme u représente la
hausse de la composante spécifique de l’actif sur la totalité de la période et non pas sur la seconde
sous-période. Ce découpage de la période en deux sous-périodes de longueur différente est une astuce
permettant de séparer la composante dépendant des taux, de la composante spécifique de l’actif.
11
Le calcul de la variance du rendement de l’actif risqué sur une période conduit à :
σ V 2 = σ 12 + σ 22
2
  u n  
où σ 12 = p1 (1 − p1 ) ln  in  
  d i  
2
2   u  
et σ = p 2 ( 1 − p 2 )ln   
2
  d  
et où p1 désigne la probabilité réelle de hausse de la structure par terme et p2 la probabilité
réelle de hausse de la composante spécifique de l’actif.
Cette variance est bien sûr dépendante de l’état i de la structure par terme et de l’instant n. Elle varie
donc dans le temps.
Le coefficient de corrélation ρ, entre le rendement de l’actif risqué et le taux d’intérêt sans risque de
défaut correspondant à une période, est donné par :
σ1
ρ=−
σV
 un 
où σ1 = p1 (1 − p1 ) ln in 
 di 
12
Voir aussi EBERHART A.C., MOORE W.T., ROENFELDT R.L [1990] et WEISS L.A. [1990]
13
Le terme 1( Ent (( n − nc )/ n 0 )× n 0= n − nc prend la valeur 1 si n est une date de tombée de coupon. Dans
ce cas, le coupon est ajouté au prix de l’obligation obtenu par la formule récurrente.
14
Le modèle permet aisément d’intégrer d’autres types d’options, notamment une option de
remboursement anticipé au gré du porteur.
15
Ce prix est en principe égal au nominal de l’obligation plus les intérêts courus depuis la dernière
tombée de coupon.
16
Selon le modèle de Vasicek, la valeur d’une obligation zéro-coupon sans risque B(r,T) qui distribue
une unité monétaire à la date T, est égale à :

B (r , T ) = exp( X (T ) − Y (T ).r )
où r désigne le taux sans risque instantané,
 η2 α η 2 α  η2
avec X (T ) =  2 − T +  3 − 2  (exp(− βT ) − 1) − (exp(−2 βT ) − 1)
 2 β β   β β  4β 3
1 − exp(− βT )
et Y (T ) = .
β
OBLIGATION DU SECTEUR PRIVE : EVALUATION 53
ET OUTIL DE GESTION DU RISQUE DE TAUX D’INTERET

Le choix des paramètres, pour obtenir la structure des taux initiale, est le suivant :
r = 0.04, α = 0.06, β = 1, η 2 = 0.001
où η désigne la volatilité du taux instantané.
17
Nous rappelons que, dans cet exemple, la volatilité des taux de maturités intermédiaires est
calculée par interpolation linéaire entre celle du taux court et celle du taux long.
18
Ce terme équivaut davantage à une variation instantanée du spread par rapport au taux sans risque
de défaut, qu’à une dérivée.
19
CHANCE [1990], à partir du modèle de Merton avec une seule dette, LELAND[1994], avec un
taux d’intérêt constant, et BABBEL, MERRILL et PANNING [1997], avec le processus de Cox,
Ingersoll et Ross.

Jean-Claude AUGROS
Institut de Science Financière et d’Assurances
43 Boulevard du 11 Novembre 1918
69622 Villeurbanne Cedex, France
e-mail : isfa@cismsun.univ-lyon1.fr

Michel QUERUEL
Société de Bourse AUREL
29 Rue de Berri
75408 Paris Cedex 08, France

Vous aimerez peut-être aussi