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L'époque alexandrine, à partir du IIIe siècle av. J.-C., voit l'apparition des
premières éditions annotées des épopées homériques et de leurs premiers
grands commentaires savants à la faveur des activités de la bibliothèque
d'Alexandrie. Des disciplines comme la grammaire ou la philologie connaissent
de grands progrès en Grèce à ce moment. Les savants alexandrins cherchent à
s'assurer qu'ils disposent bien du texte correct de l’Iliade et de l’Odyssée et non
pas d'un texte contenant des fautes ou des altérations tardives. Il leur arrive
ainsi d'athétiser, c'est-à-dire de supprimer, quelques vers au motif qu'ils
semblent incohérents ou moins bons et ne sont donc pas dignes d'avoir été
écrits par le grand Homère en personne. Ce type de problème est abordé dans
les commentaires aux épopées homériques et les traités de grammaire
composés par des auteurs alexandrins comme Zénodote, Aristophane de
Byzance, Aristarque de Samothrace et d'autres.
L'idée qu'Homère a existé et est l'auteur des deux épopées n'est pas réellement
remise en cause jusqu'au XVIIIe siècle. Le premier auteur à remettre en cause
l'existence même du poète est l'abbé d'Aubignac, dans Conjectures
académiques ou Dissertation sur l'Iliade, composé en 1664 et publié à titre
posthume en 17156. En Italie, Giambattista Vico émet également des doutes
sur l'existence du poète. De son côté, le Britannique Robert Wood insiste sur le
fait que l'écriture n'existait probablement pas encore en Grèce à l'époque de la
composition de l’Iliade et de l’Odyssée6.
Avec les Prolegomena ad Homerum, Friedrich August Wolf aborde les épopées
homériques d'un strict point de vue scientifique, en historien et en philologue.
Selon lui, l’Iliade et l’Odyssée ont été composées à une époque où l'on ignorait
encore l'écriture en Grèce. Ce sont à l'origine des poèmes oraux, et l'épopée
orale, selon Wolf, n'est pas un tout organique dont la structure serait pensée
pour être inamovible : il est possible de la commencer ou de l'interrompre à tout
moment. Ce n'est que dans un second temps que les deux épopées
homériques ont été fixées par écrit par plusieurs auteurs. Ceux-ci, au passage,
ont harmonisé le contenu des poèmes pour le faire mieux correspondre aux
réalités de leur propre époque. Et ce sont aussi eux qui ont conféré aux
épopées leur unité de composition. Wolf affirme donc que l’Iliade et
l’Odyssée n'ont pas du tout été composées telles qu'elles nous sont
parvenues : le texte qui nous est parvenu est le résultat d'un processus de
composition long, dû à plusieurs auteurs. Les différentes parties d'une même
épopée peuvent remonter à des époques variées et non pas au projet initial
d'un poète unique. Wolf écrit ainsi7 : « L'Homère que nous tenons dans nos
mains n'est pas celui qui fleurissait sur les lèvres des Grecs de son temps, mais
un Homère altéré, interpolé, corrigé depuis l'époque de Solon jusqu'aux
Alexandrins. » Les modifications ont été si nombreuses, estime Wolf, qu'il est
devenu à peu près impossible de nous faire une idée de ce à quoi
ressemblaient les poèmes originels tels qu'Homère les avait composés.
Analystes et unitaristes
Les travaux de Wolf divisent les savants en deux camps : les unitaristes et les
analystes. Les unitaristes restent convaincus de l'unité esthétique des deux
épopées, donc de l'existence d'un auteur unique qui les aurait conçues et
composées d'une façon proche de l'état dans lequel elles nous ont été
transmises. Les analystes, de leur côté, acceptent et prolongent les analyses
de Wolf et se mettent en devoir de distinguer les différentes étapes de la
composition et de la transformation des épopées jusqu'au texte que nous avons
conservé10,11.
La première moitié du XIXe siècle voit la parution d'un grand nombre de travaux
par les analystes. Ceux-ci s'attachent à distinguer, dans le texte des épopées
homériques, des « strates » qui remonteraient à tel ou tel moment de l'histoire
du texte et auraient été ajoutés ou modifiés plus ou moins tardivement. Comme
les commentateurs alexandrins dans l'Antiquité, ces savants mettent en avant
le concept d'interpolation, c'est-à-dire l'idée que certains vers, certains
passages, voire des chants entiers au sein d'une épopée, peuvent ne pas
appartenir au texte de départ mais avoir été ajoutés par un autre auteur plus
tard. L'espoir de ces savants est de retrouver ainsi un « noyau originel » du
texte qui serait bel et bien de la main du premier auteur, tandis que les
passages interpolés sont, selon les besoins, corrigés, déplacés voire supprimés
du texte principal (et cantonnés à des notes de bas de page) dans les éditions
analystes des épopées12. Les passages qui éveillent les soupçons des savants
analystes sont en général des doublets (des vers répétés deux fois dans un
même passage), des digressions et plus généralement tous les passages qui
semblent peu cohérents avec leur contexte.
La démarche des analystes est alors avant tout philologique : il s'agit de savoir
quel est le statut exact des textes des épopées que nous avons conservés et
comment en produire des éditions scientifiques pertinentes. Les raisonnements
utilisés pour discerner différentes couches au sein des textes emploient des
arguments stylistiques (par exemple, certains passages n'ont pas le même style
que d'autres et sont donc peut-être d'un autre auteur) et narratologiques (par
exemple, le fait qu'un personnage se fasse tuer mais soit ensuite mentionné
encore vivant quelques chants plus loin constitue une incohérence, donc, dans
une perspective analytique, l'indice d'une fusion entre deux textes à l'origine
distincts). Mais d'autres arguments sont de nature historique, à commencer par
ceux de Wolf, notamment celui selon lequel l'écriture n'était pas encore
répandue en Grèce au temps d'Homère. L'étude attentive de l'univers décrit par
les épopées homériques conduit les chercheurs, au XIXe puis au XXe siècle, à
tenter d'abord de reconnaître quelle époque historique réelle et précise peuvent
bien décrire les deux épopées ; on se rend compte progressivement que les
textes brassent en réalité des éléments renvoyant à des époques diverses et
incompatibles entre elles, et forment un mélange plutôt que le reflet d'une
époque précise. Au fil du XIXe siècle s'ajoutent aussi aux débats des arguments
de type linguistique : les études successives montrent que la langue
homérique n'est pas homogène mais brasse des mots, des formes et des
tournures appartenant à plusieurs stades de la langue grecque.
Les unitaristes, de leur côté, tentent de montrer la cohérence du texte des
épopées telles qu'elles nous sont parvenues. Leurs raisonnements s'appuient
sur des critères narratifs (des effets de composition dans la structure des
épopées), stylistiques (des effets littéraires expliquant les répétitions) et
linguistiques (des études lexicales destinées à montrer qu'une même épopée a
bien été composée dans son ensemble à la même époque)14.
The homerical theory of the begotten of an epic poesy is very complex for this
reason the exsistence of Homer is very complicated, however thanks to
Aubignac we can decoubert this