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LA DÉFIGURATION
ARTAUD - BECKETT - MICHAUX
Mythologies pseudo-identitaires
La défiguration
L’académisme oculaire
Le trompe-l’œil de Balthus
Théâtre de l’être
Un Théâtre de la Cruauté ?
Animalité, humanité
Bienveillante torture
Passion christique
Passion mélancolique
La « viande congénère »
Le texte troué
Je suis... peut-être
La pensée préverbale
La pensée – le penser
Les animots
L’homme-flagellum
Déclinaisons de Meidosems
Spectres et simulacres
Un idéogramme personnel
Carafes et cafards
Conclusion. LA DÉSIDENTITÉ
Du même auteur
Mythologies pseudo-identitaires
Soit cette phrase, extraite de l’un de ces sous-produits de
l’industrie mondialisée (soap opera, telenovela, sitcom...), que diffusent
volontiers en fin d’après-midi les écrans télévisés de notre moderne
oisiveté : « Je vais être père pour la seconde fois ». L’homme qui la
prononce, tout empreint de cette touchante satisfaction narcissique
qui caractérise ceux que les magazines nomment les « nouveaux
pères », est-il ou non le même que celui qui autrefois l’engendra ? Il
ne croit probablement plus, comme le Stephen de Joyce, que la
paternité ne passe guère par les femmes, qu’elle est un « état
mystique, une transmission apostolique du seul générateur au seul
engendré ». L’homme du soap, lui, gît dans un trop-plein de femmes
1
La défiguration
La lutte contre le carcan des formes, le décollement des
membranes enkystées, fut l’une des obsessions constantes d’Artaud.
Comment sortir de ce qu’il nomme « le cadastre anatomique du
corps présent », comment se faire « un corps sans organes ? La
question est complexe. Elle nécessite une approche prudente, tant les
mots chez Artaud sont retors, tant la torsion qu’il exerce en eux est
indissociable du travail de création qu’il opère dans le corps de la
langue. S’il faut en effet parler de « langue-corps » d’Artaud, ce n’est
nullement selon l’usage métaphorique convenu de l’expression
puisque – j’y reviendrai –, ce sont les notions mêmes d’image, de
métaphore, de figure que son œuvre défait. Admettons pour
l’instant, en nous contentant de suivre la lettre de ce que redisent ses
textes, et ceci dès les premiers, qu’il entend élaborer une langue-
corps qui ne sépare plus l’esprit de la matière, le fond de la surface, le
signe de la force. Une langue qui soit à lire dans tous les sens,
horizontalement et verticalement, d’avant en arrière et inversement :
un discorps non linéaire, à la fois pictographique et scénographique,
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L’académisme oculaire
Le refus de la peinture abstraite, chez Artaud, s’allie à une
constante défense de la figuration. Les nombreux comptes rendus de
Salons qu’il fit dès les années 20, les articles qu’il consacra tout au
long de sa vie à des peintres, les commentaires mêmes qu’il écrivit
sur ses propres dessins, en témoignent. C’est ainsi, par exemple, que
les têtes peintes par Van Gogh rendent « nulles et non avenues toutes
les tentatives de peintures abstraites » (Le Visage humain, 1947).
Défense de la figuration, d’abord par dégoût de l’informe, ce monde
des « larves invertébrées », des êtres flasques, sans enveloppes, poux,
punaises et lémures qui menacent à tout moment – tant aucune
carapace ne les renferme à distance –, de fondre sur lui et en lui :
moins terreur paranoïaque de pénétration, me semble-t-il,
qu’angoisse de perte des limites. Ensuite et surtout, en raison de la
« Mais ce qui veut dire que la face humaine telle qu’elle est se
cherche encore avec deux yeux, un nez, une bouche et les deux
cavités auriculaires qui répondent aux trous des orbites comme les
quatre ouvertures du caveau de la prochaine mort. [...] Les portraits
d’Holbein ou d’Ingres sont des murs épais qui n’expliquent rien
de l’antique architecture mortelle qui s’arc-boute sous les arcs de
voûte des paupières, ou s’encastre dans le tunnel cylindrique des deux
cavités murales des oreilles » (Le Visage humain ; je souligne).
S’il est vrai qu’Artaud lie plus d’une fois le trou, le creux, le creuset
et le secret, comme le note à juste titre Jacques Derrida dans le beau
commentaire qu’il fait de ce texte-poème, on peut cependant
s’interroger sur la légitimité d’une analyse qui arrête à la restitution
d’une « vérité » du visage, le geste perforant d’Artaud. « C’est bien en
creux, écrit en effet Jacques Derrida, dans le creuset de l’abîme que
cette véri-fication s’opère. Elle se cherche dans la cavité génératrice et
féconde d’un creuset qui présente d’abord sa figure négative, le trou,
le sans-fond de l’abîme, le caveau, la tombe, le lieu de mort ou la
crypte. Le portraitiste cherche à décrypter une vérité, une vérité à
rendre et à donner, à constituer en la restituant, à donner en retour tout
en la produisant pour la première fois : dans des trous, dans des failles
ou dans des fentes ». Essayons au contraire de tenir dans la lecture la
13
« [...] frapper sur des murailles une tête qui s’entr’ouvre et qui se
brise en pleurs, étendre sur une table tremblante un sexe
inutilisable et bien faussé, saillir enfin, saillir avec la plus
redoutable des têtes [...] » (I**, 78).
Qu’il faille en finir avec le carcan du corps anatomique pour que vive
Le trompe-l’œil de Balthus
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On ne sait pas assez l’indéfectible soutien qu’Artaud apporta, tout
au long de sa vie, à Balthus, l’admiration qu’un des premiers, il lui
manifesta, lors de sa première exposition à la Galerie Pierre, en
avril 1934. Le jeune peintre était alors totalement inconnu et le
compte rendu qu’Artaud publia dans la N.R.F. fut l’un des premiers
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Si l’on admet, en effet, que le corps n’est pas créé comme un objet,
un produit fixé dans sa forme définitive, que sa procréation n’a pas
lieu en une seule fois et une fois pour toutes, alors, comme dirait
Artaud, toute la question de la génération est à reprendre absolument
« sur un autre plan ». Imaginons, par exemple, qu’il soit le sujet de
mouvements infinis de création-décréation, perpétuellement et
indissociablement en gestation comme en agonie, qu’il soit la
pluralité des formes provisoires, instables, qui le figurent-défigurent.
Que pourrait bien alors signifier encore la question : qui est le père ?
qui est la mère ? Question que ne cesse par là même d’explorer, par
une sorte de nécessité vitale que chacun comprendra, tout créateur
de formes d’art. Et s’il nous faut, à notre tour, les interroger, ce n’est
pas qu’ils nous apporteraient des réponses (des thèmes, des
réflexions, des « idées »...), c’est qu’ils viennent inquiéter les
tranquilles certitudes du normopathe qui gît en chacun de nous.
Théâtre de l’être
Premier mouvement : D’où Balthus vient-il ? Quelle est son
origine, sa famille, sa lignée ? On connaît certes l’histoire : vieille
noblesse polonaise, parrainage d’artistes et d’intellectuels prestigieux,
Rilke en père spirituel... Traduction d’Artaud :
2. Jacques Lacan, Le Séminaire III, « Les Psychoses », Seuil, 1981, p. 329. C’est
précisément ce signifiant fondamental, être père, qui, selon Lacan, aurait manqué au président
3. « ... mieux que jamais aujourd’hui [...], on sait que la maternité est aussi inférée,
construite et interprétée que la paternité. Et que la loi paternelle », Jacques Derrida : Mal
d’Archive, Galilée, 1995, p. 76-77.
5. Michel Schneider, Big Mother, psychopathologie de la vie politique, Odile Jacob, 2002.
7. J’emprunte l’expression à Joyce McDougall qui voit dans leur suradaptation à la réalité,
l’enkystement d’une douleur psychique profonde pouvant donner lieu, entre autres, à des
phénomènes addictifs ou d’ordre psychosomatique. Voir en particulier, Plaidoyer pour une
certaine anormalité, Gallimard, 1978, p. 209-222 et Théâtres du corps, Gallimard, 1989, p. 43-
44.
10. Suppôts et Suppliciations, Œuvres complètes, tome XIV**, Gallimard, p. 67. Pour les
textes d’Artaud publiés dans les Œuvres complètes, j’indiquerai dorénavant entre parenthèses,
comme il est d’usage, le tome en chiffres romains suivi de la page en chiffres arabes. Je me
réfère toujours aux rééditions les plus récentes des différents tomes.
12. Henri Focillon, Vie des formes, PUF, 1943, rééd. 2000, respectivement p. 11, 51 et 39.
15. Texte de février 1947 reproduit dans Antonin Artaud, dessins, catalogue de l’exposition
au Centre Georges Pompidou, Paris, 1987, p. 18.
16. Dix ans que le langage est parti... (avril 1947), ibid., p. 24.
17. Comme ces « lignes interstitielles » qu’évoque Artaud dans un autre texte, lignes
« comme en suspens dans le mouvement qu’elles accompagnent, [...] comme des ombres au
fond d’un creux qui ne seraient pas seulement son ombre mais un être vivant de plus et qui
jouent alors d’ombre en ombre par-dessus la tête du creux » (XXI, 267 ; je souligne).
18. L’un des portraits d’Artaud par Dubuffet est reproduit dans l’ouvrage Antonin Artaud,
Dessins et portraits, op. cit., p. 36. Jacques Prevel rapporte qu’Artaud avait été surpris par ce
dessin : « Il a dessiné une croix à la place de mon nez » (En compagnie d’Antonin Artaud,
Flammarion, nouvelle édition, 1994, p. 93).
19. Il est à peine nécessaire de rappeler que tout le théâtre d’Artaud s’inscrit sous le signe
de la gravitation atomique et astrale. Cet exemple, entre beaucoup d’autres, à propos des
Cenci : « [...] j’ai imposé à ma tragédie le mouvement de la nature, cette espèce de gravitation
qui meut les plantes, et les êtres comme des plantes, et qu’on retrouve fixée dans les
bouleversements volcaniques du sol. Toute la mise en scène des Cenci est basée sur ce
mouvement de gravitation » (V, 37).
21. On sait l’anecdote que racontait Balthus : en 1934, lors du vernissage de cette
première exposition, le peintre André Masson se serait exclamé, avant de sortir : « Mais c’est
figuratif ! » (Claude Roy, Balthus, Gallimard, 1996, p. 8).
26. Jean Starobinski décrit ainsi la fonction de « l’obliquité » dans les tableaux de Balthus :
« Ses lignes obliques affectent les verticales (fût-ce celles des portes, des plinthes, ou des
pieds de chaise) d’un extraordinaire hiératisme ; et les verticales, en retour, confèrent aux
obliques un caractère d’animation bizarre, quelque chose de tendu, de violent (mais d’une
violence contenue), souvent de fatal et de pervers. [...] Il faut inscrire au même registre de
l’obliquité le regard latéral, la tête tournée et devenue pleinement visible (alors que le corps
s’offre de profil) : plus généralement, tout ce qui, dans la présence offerte, dévie et s’oriente
ailleurs » (« D’où venait l’enchantement », Catalogue Balthus, Centre Georges Pompidou,
op. cit., p. 332).
27. Dans tous ces commentaires des tableaux de Balthus, je me réfère largement aux très
précises études de Virginie Monnier (catalogue cité) ainsi qu’aux analyses de Jean Clair (dans
le même catalogue et dans « Les métamorphoses d’Éros », Catalogue Balthus, Centre
Georges Pompidou, op. cit.) et de Jean Leymarie (Balthus, 1978, rééd. Skira, 1990).
28. Marc Le Bot, « A seulement regarder les images... », Catalogue Balthus, Centre
Georges Pompidou, op. cit., p. 304.
30. Pierre Klossowski, « Du tableau vivant dans la peinture de Balthus » (1957), repris
dans le Catalogue Balthus du Centre Georges Pompidou, op. cit., p. 82.
31. Et dans « affolé », je gage qu’Artaud entend aussi l’italien affollato (bondé par la foule,
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rempli de monde). Nous sommes une foule, en effet... ou, comme disait Deleuze, nous
sommes tous des groupuscules.
33. Lettre du 1er décembre 1933, citée par Virginie Monnier, Balthus, Flammarion, op.
cit., p. 238.
34. On avait à la même époque retiré les fresques de Balthus, peintes dans l’église de
Beatenberg, sous prétexte qu’elles étaient « irrévérencieuses ». Voir Sabine Rewald, « Le
jeune Balthus », ibid., p. 58.
35. « L’état Père est celui d’un installateur qui ne doit pas exister » (XV, 152). Les attaques
d’Artaud contre « le Père Étant » et la sexualité œdipienne-paternelle se retrouvent dans tous
ses textes. Le père, dit-il encore : « un sexe à qui manque tout l’infini » (XVIII, 110).
36. À entendre aussi dans la fameuse phrase : « Moi, Antonin Artaud, je suis mon fils,
mon père, ma mère, / et moi ; / niveleur du périple imbécile où s’enferre l’engendrement, /
le périple papa-maman et l’enfant [...] » (XII, 77).
37. Paul Ricœur, Temps et récit, tome III, « Le temps raconté », Seuil, 1985.
38. Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire » (1971), Dits et Écrits I, 1954-
1975, Quarto-Gallimard, p. 1022. Pour une discussion de l’interprétation que Foucault fait
de l’origine (Ursprung) chez Nietzsche, voir Georges Didi-Huberman, L’Image survivante :
histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Minuit, 2002, p. 173-176. En historien,
Didi-Huberman interroge, au cœur même de l’Histoire, la mémoire comme symptôme de
racines multiples, rhizomatiques, à l’œuvre dans les images de la culture.
39. Baudelaire, « Une charogne », Les Fleurs du Mal, Œuvres complètes, tome 1,
Bibliothèque de la Pléiade, éd. Claude Pichois, p. 31.
40. Charles Baudelaire, « Le Peintre de la vie moderne », in Baudelaire critique d’art, éd.
Claude Pichois, Folio-essais, p. 358.
41. « Celui que je suis, écrit Artaud, n’a jamais désiré avoir d’enfant qui tombe ou sorte de
lui comme dans l’enfantement des hommes » (XV, 65). Fantasme de naissance anale, dirait
la psychanalyse... à moins que toute génération d’un corps-objet s’y réduise à la production
de déchet.
42. André Green, « La déliaison », Littérature no 3, 1971, repris dans La déliaison, Les Belles
Lettres, 1992, p. 36.
Un Théâtre de la Cruauté ?
« Comment vont tes moignons ? », demande Hamm à son père, ce
« maudit fornicateur » à demi enseveli dans une poubelle, au début
de Fin de partie. « T’occupe pas de mes moignons », répond Nagg
(FDP, 24). La rime est approximative : t’occupe pas de mes
moignons, occupe-toi de tes... oignons ! (à prononcer sans doute
[wa]) ; elle s’inscrit dans la logique de ces jeux de mots calamiteux,
ces calembours résolument pitoyables que Beckett affectionne. Elle
signale avant tout les divers modes de la cruauté indissociablement
« Petit corps dernier état raide debout comme devant parmi ses
ruines silence et fixité de marbre. Tout premier changement
enfin un fragment se détache de la ruine mère et d’une chute
lente creuse la poussière à peine » (PFE, 13).
Animalité, humanité
L’une des formes privilégiées de cruauté envers l’autre est celle que
Beckett appelle le dressage, version animalisée d’une éducation
conçue comme apprentissage forcé de la discipline. Pozzo a dressé
Lucky à obéir au fouet, Clov répond au sifflet de Hamm, – le chien
en peluche (asexué !) de Hamm n’est finalement rien d’autre que le
double parodique de Clov. De même Molloy a-t-il dressé sa mère,
une « vieille femme sourde, aveugle, impotente et folle », à lui verser
de l’argent en lui donnant des coups de poings sur le crâne : l’homme
beckettien renvoie volontiers au chien de Pavlov.
Bienveillante torture
Sadisme, martyre et punition, tels sont les termes qui caractérisent
dans Comment c’est les relations du narrateur avec Pim, son souffre-
douleur, son pitoyable alter-ego.
d’une narration qui peine à s’écrire, le texte tout entier mime dans sa
syntaxe et son dispositif phonique la lutte d’un sujet pour se dire :
« j’entends sans nier sans croire je ne dis plus qui parle ça ne se dit
plus ça doit être sans intérêt mais des mots comme maintenant avant
Pim non ça ne se dit pas que les miens mes mots à moi quelques-uns
muets brefs mouvements tout le bas aucun son quand je peux c’est la
différence grande confusion » (Cc, 31-32). L’étrange écriture sans
ponctuation ni majuscule qui caractérise ce récit devait initialement
former un vaste et unique paragraphe, poursuivant ainsi certains
aspects de l’écriture-limite de L’Innommable. Le texte, on le sait, fut
ultérieurement découpé en strophes ou versets qui accentuent la
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visibilité des pauses de souffle, des halètements, tout en renforçant le
caractère scandé de cette prose qui hésite entre le trivial et le sublime.
Dire « comment c’est » : plat constat, compte rendu de greffier
(combien de boîtes de conserve ? combien de mètres ?, « le besoin de
manger et vomir », les déjections) et en même temps le souci
métaphysique qui affleure (« pas crevé le sac de Pim pas crevé il n’y a
pas de justice [...] / des sacs qui se vident et crèvent d’autres non est-
ce possible une histoire de grâce jusque dans ce cul-de-basse-fosse »),
l’angoisse, la révolte, l’affirmation de « la fragilité de l’euphorie » et,
par éclair, le besoin d’amour et de beauté (« jour mauve homérique
onde mauve parmi les rues les sérotines sortent nous pas encore pas si
bêtes » [Cc, 139]). Poésie du prosaïque, comme souvent chez
Beckett, plutôt que prose poétique. Ou encore poésie brisée :
« c’est la brune nous rentrons las je ne vois plus que les parties
nues les visages solidaires levés au levant la clarté mouvante des
mains emmêlées las et lents nous remontons vers moi
disparaissons / les bras au milieu me traversent et une partie des
corps ombres à travers une ombre la scène est vide sous la boue
le dernier ciel s’éteint les cendres foncent plus d’autre monde
pour moi que le mien très joli seulement pas comme ça ça ne se
passe pas comme ça » (Cc, 49).
Passion christique
Beckett rappelait volontiers être né un Vendredi saint, jour de la
mort du Christ (« Tu vis le jour le jour où le Seigneur mourut et
maintenant », [Co, 19]) et les allusions à la figure christique ne
manquent pas dans son œuvre : humanité souffrante dans Godot,
stations du chemin de croix dans Molloy, Mère-Christ dans Mal vu
mal dit, pour se borner à ces exemples. Pim, Bom (homme ?) ou
Krim (Christ ?), le narrateur de Comment c’est finira aplati sur le
ventre, dans la boue, les bras en croix. L’homme-Christ beckettien
est recrucifié jusqu’à la fin des temps pour rien, sans espoir de
Rédemption. N’ouvrant sur aucun rachat, la cruauté ne fait miroiter
aucun espoir de délivrance. Comme chez Joyce, en revanche, la
référence christique est liée à la question de la création, au ratage de
l’incarnation d’un sujet dans un corps de langue, d’où ce leitmotiv du
dédoublement entre créateur et créature. Compagnie, par exemple :
« notre justice une seule vie partout mal dite mal entendue
quaqua de toutes parts puis dedans quand ça cesse de haleter dix
secondes quinze secondes dans la petite boîte toute blancheur
d’os s’il y avait une lumière effiloque de vieux mots mal entendus
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mal murmurés ce murmure-là ces murmures-là / tombés dans la
boue de nos bouches sans nombre qui s’élèvent là où il y a une
oreille un esprit [...] pour entendre même mal ces bribes d’autres
bribes d’un antique cafouillis » (Cc, 209 ; je souligne).
Passion mélancolique
Que la passion du Christ (pour le Christ ?) puisse dissimuler une
figure maternelle, Beckett le suggère mieux que quiconque, lui qui
de plus en plus fera surgir dans ses textes des mères-Christ
fantomatiques hantant le crâne-Golgotha du fils ou s’unissant à lui
dans une ultime métamorphose commune en Pietà, leurs corps se
fondant peu à peu dans un paysage minéral. Déjà la mère de Stephen
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dans Ulysse revenait sous les traits du Christ ressuscité dans l’épisode
de Circé : « Seigneur, à cause de moi, ayez pitié de Stephen !
Indicible était mon angoisse tandis que j’expirais d’amour, de
douleur et de détresse sur le Calvaire ». La Passion est aussi passion
13
pour la mère, comme le suggère André Green : « Vous allez dans les
musées contempler les madones à l’enfant Jésus. Vous regardez et
vous passez au tableau suivant... une Passion. Et vous ne faites pas le
lien entre les deux. Vous pensez que Jésus sur la croix ne pense qu’au
Père ».
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La « viande congénère »
La cruauté beckettienne est donc une tentative d’arrachement à
l’horreur de la fusion à l’autre, à cet enlisement gluant dans une
Le texte troué
Qu’est-ce qu’un texte troué au sens de la défiguration
beckettienne ? Un texte ouvert, sans contours ni définition fixe,
dont les sens instables bougent au gré des interprétations, un texte
sans énonciation stable ni récepteur assuré : qui est le Lecteur ? Qui
est l’Entendeur ? Réponse : le même... dédoublé, le mouvement flou
de l’un à l’autre. Alors le texte troué est à la fois et indistinctement
un texte lacéré (version cruelle) et un texte à trous (version comique
d’une langue prise de folie). Première version : contre l’impossible
désintrication des corps, cette « imbrication des chairs », l’écriture
s’efforce de forer des trous dans la langue. On connaît les termes de
la lettre allemande de 1937 que Beckett écrivait à Axel Kaun :
« Ce sage extrême oriental qui ayant serré les poings depuis l’âge
de plus tendre c’est vague jusqu’à l’heure de sa mort on ne dit
pas à quel âge ayant fait ça / donc l’heure de sa mort on ne dit
pas à quel âge put enfin les voir qui sortaient enfin de l’autre
côté et peu après ayant ainsi vécu fait ceci fait cela serré les
poings toute sa vie ainsi vécu mourut enfin en se disant dernier
souffle qu’ils allaient pousser encore » (Cc, 83).
« Put enfin les voir un peu avant ses ongles sa mort » (Cc, 82).
À lire comme : put enfin les voir... ses ongles
un peu avant... sa mort
HAMM. – [ ] la fenêtre.
CLOV. – Pour quoi faire ?
HAMM. – Je veux entendre la mer.
CLOV. – Tu ne l’entendrais pas.
HAMM. – Même si tu [ ] la fenêtre ?
CLOV. – Non.
HAMM. – Alors ce n’est pas la peine de l’[ ] ?
CLOV. – Non.
Même exercice avec, par exemple, les verbes marcher (p. 67), germer
(p. 27), quitter, achever (p. 55). Langue atone, épuisée, que le rire
réanime. Ainsi les stéréotypes comiquement détournés : « Si
vieillesse savait ! » (p. 24), « quel sale vent vous amène ? » (p. 71). Les
parodies désinvoltes des grandes phrases pétrifiées de la tradition
philosophique ou religieuse : « II pleure./ Donc il vit » (p. 84),
« Léchez-vous les uns les autres » (p. 91). Dans le monde post-
apocalyptique de Fin de partie, frappé de stérilité et de mort, on en est
réduit, comme dans les exercices structuraux, à des variations sur un
nombre limité d’éléments. Mais ici les variations sont stériles. Loin
de croire comme les chomskyens à une quelconque créativité
linguistique, Beckett met en scène la fondamentale pauvreté de la
langue, son essentielle stérilité. Dans cette représentation de la
« décréation », comme on a parfois qualifié la pièce, les êtres en sont
réduits à combiner sans fin les mêmes éléments interchangeables.
Question de Hamm à Clov dans sa cuisine : « Qu’est-ce que tu
fais ? ». Réponse : « Je combine » (FDP, 66). Règle absolue
cependant : l’éternelle combinatoire des éléments doit être à somme
nulle. Clov le vérifie à la lunette, en même temps que l’état du
monde : « zéro », « néant », « rien ». « Instants nuls, dit Hamm,
toujours nuls, mais qui font le compte, que le compte y est, et
l’histoire close » (FDP, 111).
Je suis... peut-être
en texte ce que le sujet dit ? : dire mal. Mal est le procès de cette
tension qui défigure à l’infini l’image (le visible), comme le texte (le
dicible), et les fait jouer l’un par l’autre. C’est ce qui rend si difficile à
lire parfois les textes de Beckett (si simples pourtant, si limpides) : les
mots imperceptiblement bougent, la syntaxe maladroite boite, des
ellipses s’ouvrent, des raccords manquent. Ceci, par exemple :
2. Samuel Beckett, « Le calmant », in Nouvelles et Textes pour rien, Minuit, 1958, p. 42.
Tous les textes de Beckett sont cités dans la version des Éditions de Minuit. On utilisera les
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abréviations suivantes : Catastrophe (Ca), Comment c’est (Cc), Compagnie (Co), , En attendant
Godot (EAG), Fin de partie (FDP), L’Innommable (I), Malone meurt (Mm), Mal vu mal dit
(MVMD), Pour finir encore et autres foirades (PFE), Watt (W).
4. Ibid., p. 29.
5. « Artaud, Blin, Beckett ou le plus grand auteur dramatique des temps modernes »,
Revue d’Esthétique « Samuel Beckett », Éd. Jean-Michel Place, Hors série 1990, p. 177.
6. Antonin Artaud, « Le Théâtre et son double », Œuvres complètes, tome IV, Gallimard,
1978, p. 99-100. Je souligne.
8. Cité par James Knowlson, Beckett, trad. Oristelle Bonis, Solin – Actes Sud, 1999,
p. 586 (traduction modifiée).
11. André Green, « Passions et destins des passions » in La Folie privée : psychanalyse des cas-
limites, Gallimard, 1990, p. 169-170.
12. Sur ce point, voir Jean-Louis Houdebine, Excès de langages, Denoël, 1984, p. 243. La
question du filioque, on le sait, hante l’Ulysse de Joyce (à travers la question des rapports entre
Stephen et son « père » Bloom), de même qu’elle est reprise à l’intérieur de la fable « The
Mookse and the Gripes » dans Finnegans Wake.
19. Lettre d’Artaud à Breton, vers le 28 février 1947, L’Ephémère no 8, hiver 1968, p. 6.
20. « C’est moi qui t’ai servi de père », dit Hamm. « Oui, rétorque Clov. C’est toi qui m’a
servi de cela » (FDP, 56).
21. « Vivre sans le temps : sur la pièce de Beckett En attendant Godot » (1965), article repris
dans Lectures de Beckett, textes réunis par Michèle Touret, Presses Universitaires de Rennes,
1998.
23. Disjecta, Miscellaneous Writings and a Dramatic Fragment by Samuel Beckett, Edited by
Ruby Cohn (1983), New York, Grove Press, 1984, p. 51. Traduction de Gilles Deleuze
(« L’Épuisé » in Samuel Beckett, Quad, Minuit, 1992, p. 71).
25. Louis Wolfson, Le Schizo et les Langues, Gallimard, 1970, préface de Gilles Deleuze,
p. 11.
26. Cf. Nathalie Barberger, Le Réel de traviole (Artaud, Bataille, Leiris, Michaux et alii),
Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2002.
La pensée préverbale
Y a-t-il, chez Michaux, une « écriture de la pensée » ? Sans doute,
à condition de souligner que Michaux n’appartient pas à cette
catégorie des poètes-philosophes qui ont interrogé le rapport entre
pensée poétique et pensée théorique. Non qu’il ait prôné un rejet de
la théorie, comme on l’affirme parfois. Le dialogue qu’il a maintenu
tout au long de sa vie avec nombre de recherches touchant aux
domaines les plus divers de la pensée et du savoir, qu’il s’agisse de
zoologie, de médecine, de psychiatrie, de botanique ou de biologie,
sans parler de son intérêt pour la philosophie ou les religions,
démontre la vivacité et l’ampleur de ses curiosités théoriques. On sait
à quel point il fut passionné par les domaines scientifiques les plus
variés. Il n’est que de lire les nombreuses notes techniques informées
et précises qui jalonnent les ouvrages mescaliniens, concernant telle
ou telle expérience de la psychologie de la Gestalt, la définition de
l’ADN ou le syndrome de Cottard. En même temps pourtant, il n’a
jamais cessé de réitérer son dédain des savoirs constitués en systèmes,
ce qu’il appelle « les vastes organisations d’idées » (Notes au lieu
d’Actes). Il y a chez lui en effet, une constante défense de l’ignorance,
La pensée – le penser
Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, la pensée poétique de
Michaux est proche de celle d’Artaud et La Vie dans les plis n’est pas
loin de L’Ombilic des limbes. Le mot, écrit aussi Artaud, paralyse la
pensée ; tout mot est un terme au sens propre (une terminaison, un
achèvement, une mort) : « le mot n’est fait que pour arrêter la
pensée, il la cerne, mais la termine ; il n’est en somme qu’un
Les animots
Formulons cette hypothèse : mots et animaux sont, pour
Michaux, apparentés. Parenté sonore dans l’écho en [mo] qui les
ferme, parenté plus secrète surtout, où se mêlent dans l’imaginaire du
poète, Kafka, les états paranormaux et l’exploration de ce qu’il se
plaît à appeler, sans doute par renversement humoristique, « le for
intérieur ». La postface de Mes propriétés en 1934 explicite le parallèle :
« Même les mots inventés, même les animaux inventés dans ce livre
sont inventés « nerveusement », et non constructivement selon ce
Incestueux insectes
Écrire suppose de prendre le risque de la dépersonnalisation, celui
de devenir l’espace d’une page, une plante, un insecte, un animal, un
fou. Un texte paru en espagnol en 1936 dans la revue Sur, Recherche
« Cependant il est bien vrai qu’aidés par les études actuelles sur
la psychopathologie, les poètes sont tentés par la recherche et
l’introspection et ce que j’appelle le maniement de l’âme ou
plutôt du monde intérieur : états seconds, dépersonnalisation,
pseudo-hallucination ou hallucination proprement dite,
troubles infinis de la synesthésie, tout cela des poètes ont essayé
de le connaître de l’intérieur, par leur expérience personnelle »
(ibid.).
L’homme-flagellum
Ce corps-signe, c’est par exemple l’homme-flagellum d’Émergences-
résurgences. Corps de la défiguration poétique, à mi-chemin de la
lettre et du dessin, infiniment déformable et mouvant, il inscrit dans
l’espace les jambages flottants d’une écriture pictographique déliée :
kafkaïenne Darelette...
Traduction encore, de l’homme-flagellum, projection de son corps,
le Meidosem. « Portrait des Meisosems » est un ensemble de courts
textes parus dans La Vie dans les plis. Qui sont les Meidosems ? Des
personnages imaginaires, infiniment changeants : à la fois forts et
faibles, invincibles et fragiles, des ectoplasmes, dit Michaux, toujours
en perte de substance, et en même temps parfois « lézard tenace et
dur ». Des êtres élastiques, sans forme fixe ; « ils prennent la forme de
bulles pour rêver ». Je vois pour ma part dans les Meidosems des
personnages-lettres, des signes doubles, graphiques eux aussi, tantôt
hommes, tantôt femmes ; d’ailleurs, Michaux s’amuse à les décliner :
on dit un Meidosem (au masculin), une Meidosemme (au féminin),
un paysage meidosem (adjectif sans majuscule). Les Meidosems
seraient l’image ou la forme (eidos) d’une lettre, la lettre « m » comme
Michaux . Il fait leur portrait (au singulier, notons-le) et c’est de lui
21
qu’il parle ; c’est son corps que disent et dessinent ces signes
fondamentaux d’un nouvel alphabet :
naturellement pas les mots aux hasard, qualifie obstinément les signes
qu’il cherche à inventer, ceux qu’il veut dessiner ou peindre, de
« signes graphiques ». Par exemple :
« Moi aussi, je fus au Japon. Infirme là-bas celui qui ne sait pas
avec des signes signifier. Avec des signes graphiques » (ER, 16 ; je
souligne).
« Qui n’a voulu saisir plus, saisir mieux, saisir autrement, et les
êtres et les choses, pas avec des mots, ni avec des phonèmes,
mais avec des signes graphiques ? » (Saisir ; je souligne).
Déclinaisons de Meidosems
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Le Meidosem, on l’a vu, est malléable comme un trait de pinceau,
une tache de peinture, un signe à peine tracé, non encore fixé, en
équilibre entre écriture et dessin, entre forme et informe. Pré-signes
à jamais en suspens, ils sont à la fois les jambages d’une écriture (« Sur
ses longues jambes fines et incurvées, grande, gracieuse
Meidosemme ») et la figuration paradoxale de l’infigurable
mouvement de la pensée. Comme pour toute métaphore, il faut
déplier les sens multiples des mouvants Meidosems. On peut, certes,
tirer vers l’humanité ces « ectoplasmes », en faire les acteurs de
microscopiques drames tragico-burlesques. Quelques actes de
l’épopée meidosemme s’y prêtent d’ailleurs de bonne grâce, comme
cette ironique parabole du Meidosem intellectuel qui, faute de réflexe
meurt de réflexion – description plaisamment psycho-biologique de la
lutte des deux hémisphères cérébraux dans la motricité, qui ouvre
sur une fatale division réflexive (fuir ou ne pas fuir) :
Ce sont, dit Lucrèce, « des atomes lisses et ronds qui forment les
corps de nature liquide et fluide » (II, 450-471). Et ainsi, parfois, les
Meidosems : « Cuisses rondes, buste rond, tête ronde. Mais ces
yeux ? Obliques, dégringolés, percés » (VDLP, 132). Le « flux
pensant » chez Michaux est donc un flux tourbillonnant ; la pensée
décline, elle apparaît et disparaît par floculations et agrégations. Le
clinamen, souligne Michel Serres, est une fluxion. Mécanique des
fluides : le tourbillon est la forme primitive de la construction des
choses. Célèbre début du Livre II du De rerum natura, celui qui
introduit au clinamen : « Suave mari magno... turbantibus aequora ventis ».
« Voici, commente Serres, les tourbillons en milieu fluide, eaux et
vents, annoncés comme un titre et aux origines du monde. Rappel
de la dinè [tourbillon] démocritéenne »... le tourbillon ou la « haute
30
bourrasque meidosemme ».
Spectres et simulacres
Atomes-lettres, les Meidosems sont aussi des simulacres (eidola).
Les eidola (simulacres ou effigies) sont chez Épicure des sortes de
films atomiques qui se dégagent sans cesse de la surface des corps
composés en reproduisant fidèlement leurs contours et leur structure
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interne . Lucrèce en donne une poétique version dans son De rerum :
31
Un idéogramme personnel
La manière meidosemme d’être au monde résume ainsi l’idéal
michaudien : persister dans l’élasticité des postures, tenir l’instabilité
des formes provisoires, être fidèle au polymorphisme infantile de qui
n’a pas encore choisi. À la fin de sa vie, Michaux disait être à la
recherche de son idéogramme. C’est cet idéogramme, ce « signe
graphique » que le Meidosem (ce simulacre de Michaux, son double)
incarne déjà, un perpétuel en-suspens entre homme et insecte,
homme et femme, lenteur et vitesse , force et faiblesse :
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1. Toutes les citations de Michaux antérieures à 1946 renverront aux Œuvres complètes,
édition de Raymond Bellour avec Ysé Tran, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, tome 1,
1998. Je me bornerai à indiquer la page entre parenthèses. Pour les autres textes, j’utiliserai
les éditions suivantes (j’indique entre parenthèses la page, précédée des initiales du titre) :
4. « Lettre sur le langage » à Jean Paulhan, 1933, Œuvres complètes, Gallimard, tome IV,
p. 114.
8. Sur tout ceci voir l’ensemble du dossier rassemblé par Raymond Bellour dans l’édition
de la Pléiade, op. cit. (« Introduction » et notice de « Rencontre dans la forêt », p. 1157-
1162).
9. Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, écritures de soi, expatriations, José Corti, 1994.
10. « Introduction » aux Œuvres complètes de Henri Michaux, op. cit., p. LXXI.
11. Sur ce point, voir par exemple, l’ouvrage d’Anne-Elisabeth Halpern, Henri Michaux :
le laboratoire du poète (Séli Arslan, 1998).
13. Brigitte Ouvry-Vial, Henri Michaux, Qui êtes-vous ?, La Manufacture, Lyon, 1989.
14. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Capitalisme et schizophrénie, Minuit,
1980, p. 294-295.
15. Harold Searles, L’Environnement non humain, 1960, trad. Gallimard, 1986.
16. Francis Bacon : l’art de l’impossible, Entretiens avec David Sylvester, Albert Skira, 1976,
réédition 1995, p. 125.
19. J’ai développé ce point dans « Lettres et dessins : l’espace traductible d’Henri
Michaux », Passeurs, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, mai 1997, p. 49.
Philippe Roger analyse également cette métaphore de l’homme-flagellum dans Henri Michaux,
Poésie pour savoir, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 118.
21. Jean-Claude Mathieu dans un article intitulé « Portrait des Meidosems » propose de
lire dans ces « portraits », publiés peu après la mort de la femme de Michaux, le signe des M
gémellés de Michaux et de Marie-Louise (Littérature no 115, « Henri Michaux »,
septembre 1999, p. 14-30).
22. La Vie dans les plis, Gallimard, nouvelle édition 1972, p. 123 ; je souligne.
26. « Les atomes descendent bien en droite ligne dans le vide, entraînés par leur
pesanteur ; mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s’écarter un peu de la
verticale, si peu qu’à peine peut-on parler de déclinaison (clinamen) » (Lucrèce, De natura
rerum, II, v. 216-232).
27. Confirmation, s’il en était besoin, d’une appropriation par Michaux des figures de
l’atomisme grec, librement incorporées à son univers fantasmatique, ces remarques dans
« Difficultés », texte de 1930, inclus dans Lointain intérieur : « Les livres lui ont donné
quelques révélations. En voici une : les atomes. [...] Ils sont, les innombrables petits dieux,
ils rayonnent. Mouvement infini, infiniment prolongé. [...] Chaînes infinies des atomes au
monde » (p. 611).
28. Lactance, « Les institutions divines », cité dans Épicure et les épicuriens, Jean Brun, PUF,
1964, p. 71.
30. Michel Serres, La Naissance de la physique dans le texte de Lucrèce ; fleuves et turbulences,
Minuit, 1977, p. 14.
33. Ce qui n’ôte nullement la possibilité, pour Michaux, de réinvestir ce spectre comme
revenant, au sens du deuil ; on retrouverait alors aussi l’interprétation de Jean-Claude
Mathieu.
34. Antonin Artaud, « Un athlétisme affectif » (1935) in Le Théâtre et son double (IV, 126 ;
je souligne).
35. « L’homme est un être lent, qui n’est possible que grâce à des vitesses fantastiques »
(GEE, 33 ; je souligne).
37. Remarquons au passage que ces deux noms sont l’un et l’autre des noms à « trois
segments », comme le corps de la Darelette (Da-re-lette, Ra-len-tie).
39. Jean-Pierre Vernant, Mythe et société en Grèce ancienne, 1974, rééd. Points-Seuil,
p. 171-173.
LA DÉSIDENTITÉ
2. Claude Lefort, Essais sur le politique (XIXe-XXe siècles), (1986), Points-Seuil, p. 28.
3. Ibid., p. 52.
Editions :
Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société (édition et préface), L’imaginaire-Gallimard,
2001
Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de dieu, (édition et préface), Poésie-Gallimard,
2003
Antonin Artaud, Œuvres, Quarto-Gallimard (2004)
ISBN 9782707338303