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N° d’ordre 2005ISAL0037 Année 2005

Thèse

Propriétés mécaniques, thermiques et


acoustiques d'un matériau
à base de particules végétales:
approche expérimentale
et modélisation théorique

Présentée devant
L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

Réalisée à
L’Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat

Pour obtenir
Le grade de docteur

Formation doctorale : Génie Civil


École doctorale : Mécanique, Energétique, Génie Civil et Acoustique (MEGA)

Par
Véronique CEREZO

Soutenue le 16 juin 2005


devant la Commission d’examen

Jury MM.

Directeur de Thèse (ENTPE) L. ARNAUD Docteur HDR


Directeur de Thèse (ENTPE) C. BOUTIN Docteur HDR
Rapporteur M.RINAUDO Professeur
J.J.ROUX Professeur
Rapporteur K. VAN BALEN Professeur

Invité C.BOYEUX Ingénieur


Invité D.DARVILLER Docteur
2005
SIGLE ECOLE DOCTORALE NOM ET COORDONNEES DU RESPONSABLE

CHIMIE DE LYON M. Denis SINOU


Université Claude Bernard Lyon 1
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Bât 308
Responsable : M. Denis SINOU
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Responsable : M. Alain BONNAFOUS Laboratoire d’Economie des Transports
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-3-
Janvier 2005

Institut national
des sciences appliquées de Lyon
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Professeurs
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-3-
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informatique des systèmes manufacturiers
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P. LAREAL unité de recherche en génie civil
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des microorganismes
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-4-
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des systèmes mécaniques
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interfaces multimodales
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J. ROBERT-BAUDOUY (Mme) génétique moléculaire des microorganismes
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Directeurs de recherche C.N.R.S.


Y. BERTHIER mécanique des contacts
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N. COTTE-PATTAT (Mme) génétique moléculaire des microorganismes
P. FRANCIOSI GEMPMM

-5-
J.F. GERARD matériaux macromoléculaires
M.A. MANDRAND (Mme) génétique moléculaire des microorganismes
J.F. QUINSON GEMPMM
A. ROCHE matériaux macromoléculaires

Directeurs de recherche I.N.R.A.


G. BONNOT biologie appliquée
G. FEBVAY biologie appliquée
S. GRENIER biologie appliquée
Y. MENEZO biologie appliquée

Directeurs de recherche I.N.S.E.R.M.


A.F. PRINGENT (Mme) biochimie et pharmacologie
I. MAGNIN (Mme) CREATIS***

GEMPMM* : Groupe d'etude metallurgie physique et physique des matériaux


LAEPSI** : Laboratoire d'analyse environnementale des procédés et systèmes industriels
CREATIS*** : Centre de recherche et d'applications en traitement de l'image et du signal

-6-
REMERCIEMENTS

Cette thèse s’est déroulée au laboratoire Géomatériaux de l’Ecole Nationale des


Travaux Publics de l’Etat. Je tiens à remercier ceux qui ont permis l’aboutissement de ce
travail.

Je remercie les Professeurs Koenraad Van Balen de l’université de Louvain et


Marguerite Rinaudo du CERMAU à Grenoble, qui ont accepté de rapporter ce travail de
thèse.
Je remercie également le Professeur Jean-Jacques Roux de l’INSA de Lyon, qui a
accepté de participer à ce jury de thèse.

Messieurs Claude Boutin et Laurent Arnaud, Docteur HDR au Laboratoire


Géomatériaux, ont accepté de diriger ma thèse à l’ENTPE. Je les en remercie, ainsi que pour
les corrections qu’ils ont apportées à ce mémoire de thèse.

Ce travail est basé sur une approche expérimentale des propriétés, qui a constitué le
point de départ des réflexions menées sur le comportement du béton de chanvre. Je remercie
donc madame Monique Loriot, technicienne au Laboratoire Géomatériaux, pour sa
contribution à la réalisation de la phase expérimentale, ainsi que madame Véronique Vidal et
monsieur Sébastien Gubian, ouvriers au Laboratoire Géomatériaux, pour l’aide qu’ils m’ont
apporté lors de la fabrication des matériaux testés.

Je n’oublierai pas monsieur Michel Gothié, Directeur de Recherche au CETE de Lyon,


pour sa patience et son soutien tout au long de la phase de rédaction et monsieur Frédéric
Novellas, Directeur du Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Lyon, pour sa
confiance et le temps qu’il m’a laissé pour conclure ma thèse.

Enfin, j’ai une pensée pour ma famille et mes amis, qui ont dû subir mes moments de
doutes.

-9-
RESUME

Ce mémoire de thèse est consacré à l'étude des propriétés mécaniques, thermique et


acoustique du béton de chanvre. Ce matériau est obtenu en mélangeant un liant à base de
chaux, des particules végétales et de l’eau. Ces dernières possèdent une porosité intrinsèque
importante, du fait de la présence de capillaires. Ceux-ci rendent les particules légères,
compressibles et sensibles à l'eau. Le liant contient un mélange de chaux hydraulique et
aérienne. Le mélange de ces deux constituants de nature et de caractéristiques très différentes
conduit à un matériau dont les propriétés seront variables en fonction des concentrations
volumiques de chaque constituant. De plus, ce matériau se distingue par un double réseau de
pores, l'un de taille microscopique (10 à 40 µm) et l'autre de taille mésoscopique (< 1 mm).
On montre expérimentalement que ces deux réseaux sont connectés.
Du point de vue mécanique, le béton de chanvre se caractérise par un comportement
élasto-plastique. La résistance en compression varie entre 0,25 et 1,15 MPa. Le module
d'élasticité est compris entre 4 et 170 MPa. Ces valeurs sont modestes par rapport à celles des
autres matériaux de construction. En revanche, ce matériau peut supporter des niveaux de
déformations élevés (0,04 < εσmax < 0,15). En s'appuyant sur les observations expérimentales,
une modélisation par homogénéisation autocohérente est réalisée. Celle-ci permet d'obtenir un
modèle prédictif de la valeur du module d'élasticité pour des formulations et des niveaux de
compactage variables.
Ensuite, une étude des transferts de chaleur et de masse au sein du matériau sous
diverses hygrométries est menée. On a quantifié expérimentalement la sensibilité du matériau
à l’hygrométrie ambiante HR. Des campagnes de mesures ont déterminé la conductivité
thermique sèche et humide du béton de chanvre pour des formulations et des compactages
différents. Un modèle autocohérent est également mis en œuvre en utilisant deux types de
motif générique. Il permet de retrouver les résultats expérimentaux avec une bonne fiabilité.
Enfin, une première caractérisation de l'absorption acoustique du béton de chanvre est
réalisée. Elle montre des niveaux d'absorption élevés sur toute la gamme de dosages étudiés
(α > 0,5). Ce travail exploratoire met également en lumière un comportement proche de celui
d'un milieu à double porosité.

- 11 -
ABSTRACT

This thesis deals with the measurement of physical properties (mechanical, thermal,
acoustical) of various formulations of concrete containing vegetable particles. Such material
is made up with hemp shives mixed with lime binders. Shives are very porous considering the
ratio of capillaries. That fact explains that particles are lightweight, sensible to water and they
can be highly strained. The ductile binder is a mixed between hydraulic and aerated lime with
sometimes a volume of sand. Depending on the binder proportion, three microstructures of
concrete are determined. Moreover, this material presents a microscopic porosity (shives) and
a macroscopic porosity. These networks are connected.
Vegetable concrete presents a ductile behavior. . The maximum stress and the Young
modulus are limited as compare to other building materials but the bearable level of strain is
rhigh. A theoretical model made with self-consistent method allows to calculate the Young
modulus as a function of the mixture proportion and the compactness level. A comparison
with experimental measurements shows a good accuracy of the results.
Then, the dry thermal conductivity of vegetable concrete is studied. Considering its
high sensibility to water, the level of sorption and the impact on thermal conductivity are
evaluated. A self-consistent method leads to a model of dry and wet conductivity taking into
account the physical properties (proportions, compactness) and the hygrometry.
Lastly, the sound absorption of vegetable concrete is measured. The values are high.
This first step in the study of the acoustical properties shows a behavior, which can be
compared to materials with a double porosity.

- 12 -
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION _________________________________________________________ 19

CHAPITRE 1 _____________________________________________________________ 23
1. Eléments de bibliographie ____________________________________________ 25
1.1. Classification générale des matériaux de construction ____________________ 25
1.2. Types de granulats légers __________________________________________ 26
1.2.1. Définition d’un granulat léger___________________________________ 26
1.2.2. Origine des granulats _________________________________________ 26
1.3. Propriétés mécaniques des bétons légers ______________________________ 28
1.3.1. Porosités ___________________________________________________ 28
1.3.2. Légèreté____________________________________________________ 31
1.3.3. Comportement et performances mécaniques _______________________ 31
1.3.4. Sensibilité à l’eau ____________________________________________ 34
1.4. Propriétés thermiques _____________________________________________ 41
1.5. Propriétés acoustiques_____________________________________________ 45
2. Caractérisation expérimentale des constituants __________________________ 48
2.1. Le liant ________________________________________________________ 48
2.1.1. Composition chimique ________________________________________ 48
2.1.2. Prise de la chaux _____________________________________________ 50
2.1.3. Cinétique de séchage du liant pur ________________________________ 51
2.1.4. Propriétés mécaniques du liant pur _______________________________ 59
2.1.5. Propriétés thermiques _________________________________________ 61
2.1.6. Propriétés acoustiques_________________________________________ 62
2.2. Les particules de chanvre __________________________________________ 63
2.2.1. Historique sur le chanvre ______________________________________ 63
2.2.2. Processus d’obtention des granulats végétaux ______________________ 63
2.2.3. Caractéristiques physiques des particules végétales __________________ 65
2.2.4. Sensibilité à l’eau de la particule végétale _________________________ 67
2.2.5. Comportement en compression des particules ______________________ 70
2.2.6. Comportement thermique ______________________________________ 72
2.3. Le béton de chanvre ______________________________________________ 74
2.3.1. Caractéristiques générales______________________________________ 74
2.3.2. Propriétés de ce matériau ______________________________________ 75
2.3.3. Caractère évolutif des propriétés ________________________________ 76
2.3.4. Fabrication des échantillons ____________________________________ 76
3. Conclusion _________________________________________________________ 82

- 13 -
CHAPITRE 2 _____________________________________________________________ 83
1. Approche expérimentale du Comportement _____________________________ 85
1.1. Répétabilité dans la fabrication des échantillons ________________________ 85
1.2. Considérations préliminaires _______________________________________ 86
1.2.1. Grandeurs caractéristiques _____________________________________ 86
1.2.2. Hypothèses _________________________________________________ 87
1.3. Préparation des essais _____________________________________________ 90
1.3.1. Surfaçage des échantillons _____________________________________ 90
1.3.2. Dispositif d’essais ____________________________________________ 92
1.3.3. Détermination des paramètres caractéristiques______________________ 93
1.3.4. Cinétique du phénomène de prise ________________________________ 95
1.3.5. Répétabilité et reproductibilité des essais de compression monotone et
cyclique 96
1.4. Courbes expérimentales ___________________________________________ 97
1.4.1. Allure générale des courbes contraintes – déformations ______________ 97
1.4.2. Cas de la formulation faiblement dosée en liant (Toit)_______________ 100
1.4.3. Relation entre maximum de contrainte et cinétique de prise __________ 101
1.5. Résultats des essais sur le béton de chanvre à base de T70 _______________ 102
1.5.1. La contrainte maximale σmax___________________________________ 103
1.5.2. Le module d’élasticité E ______________________________________ 105
1.5.3. La déformation au niveau du maximum de contrainte εσmax __________ 107
1.5.4. Le coefficient de Poisson ν____________________________________ 109
1.5.5. Conclusion ________________________________________________ 109
1.6. Résultats des essais sur l’enduit à base de Tradichanvre _________________ 110
1.7. Influence du compactage sur le comportement mécanique _______________ 112
1.7.1. Valeur limite de la contrainte de compactage______________________ 113
1.7.2. Matériaux testés ____________________________________________ 114
1.7.3. Compositions massiques et volumiques _________________________ 116
1.7.4. La contrainte maximale σmax___________________________________ 119
1.7.5. Le module d’élasticité E ______________________________________ 122
1.7.6. Conclusions________________________________________________ 123
1.8. Utilisation d’un autre liant ________________________________________ 123
1.9. Conclusions____________________________________________________ 124
2. Approche théorique par une méthode d’homogénéisation _________________ 125
2.1. Éléments de modélisation _________________________________________ 126
2.2. Résolution théorique _____________________________________________ 127
2.2.1. Modèle à inclusions simples ___________________________________ 127
2.2.2. Modèle à inclusions bicomposite et tricomposite___________________ 129
2.3. Application des modèles autocohérents ______________________________ 134
2.3.1. Chanvre en vrac ____________________________________________ 134
2.3.2. Béton de chanvre____________________________________________ 135
2.3.3. Conclusions________________________________________________ 135
3. Conclusion ________________________________________________________ 136

- 14 -
CHAPITRE 3 ____________________________________________________________ 137
1. Le transfert de chaleur ______________________________________________ 139
1.1. Généralités ____________________________________________________ 139
1.1.1. Définition des modes de transfert _______________________________ 139
1.1.2. Équation de la chaleur________________________________________ 139
1.1.3. Hypothèses de travail ________________________________________ 140
1.2. Étude de la Conductivité thermique en milieu sec ______________________ 141
1.2.1. Bornes de Voigt et Reuss _____________________________________ 141
1.2.2. Modèles par homogénéisation autocohérente (HAC)________________ 144
1.2.3. Mesures expérimentales ______________________________________ 151
1.2.4. Analyse des résultats_________________________________________ 158
1.2.5. Conclusion ________________________________________________ 160
2. Sensibilité à l’humidité du matériau ___________________________________ 161
2.1. L'eau contenue dans les matériaux __________________________________ 161
2.2. La condensation capillaire ________________________________________ 162
2.3. Résultats expérimentaux __________________________________________ 164
2.3.1. Méthodologie et dispositif d’essais______________________________ 164
2.3.2. Variations de la teneur en eau massique ω ________________________ 164
3. Influence de l’eau sur la conductivité thermique_________________________ 167
3.1. Rappels _______________________________________________________ 168
3.2. Mesures expérimentales de la conductivité du béton humide _____________ 169
3.2.1. Protocole d’essais ___________________________________________ 169
3.2.2. Échantillons testés___________________________________________ 169
3.2.3. Résultats __________________________________________________ 170
3.3. Approche par homogénéisation autocoherente (HAC)___________________ 171
3.3.1. Modèle à quatre phases _______________________________________ 171
3.3.2. Modèles par double homogénéisation ___________________________ 180
3.3.3. Comparaison entre valeurs théoriques et expérimentales_____________ 187
3.4. Conclusion ____________________________________________________ 188

- 15 -
CHAPITRE 4 ____________________________________________________________ 191
1. Rappels sur les ondes acoustiques _____________________________________ 193
1.1. Définitions_____________________________________________________ 193
1.2. Isolation et correction acoustique ___________________________________ 194
1.3. Lien entre porosité, perméabilité et comportement acoustique ____________ 196
1.4. Le comportement acoustique des matériaux à simple porosité ____________ 197
1.4.1. Hypothèse de squelette rigide __________________________________ 197
1.4.2. Effets visco-inertiels pour un fluide guidé dans un cylindre __________ 198
1.4.3. Effets thermiques pour un fluide guidé dans un cylindre _____________ 200
2. Eléménts de métrologie______________________________________________ 201
2.1. Dispositifs expérimentaux ________________________________________ 201
2.1.1. Le tube de Kundt____________________________________________ 201
2.1.2. Le porosimètre _____________________________________________ 203
2.1.3. Le perméamètre ____________________________________________ 205
2.2. Échantillons testés_______________________________________________ 205
3. Résultats expérimentaux ____________________________________________ 207
3.1. Paramètres géométriques du matériau poreux _________________________ 207
3.1.1. Porosité ouverte du béton de chanvre ____________________________ 207
3.1.2. Perméabilité du béton de chanvre _______________________________ 208
3.1.3. Tortuosité α∞ _______________________________________________ 209
3.2. Le coefficient d'absorption α ______________________________________ 210
3.2.1. Influence de l’état de surface __________________________________ 211
3.2.2. Courbes continues d’absorption ________________________________ 213
3.2.3. Caractéristiques des courbes ___________________________________ 216
2.3.3.1. Influence de la formulation à épaisseur constante ________________ 216
2.3.3.2. Analyse dans le cas d’un double poreux________________________ 218
2.3.3.3. Influence de l’épaisseur à formulation fixée_____________________ 219
3.3. Comparaison avec d’autres matériaux de construction __________________ 220
4. Conclusion ________________________________________________________ 223

CONCLUSION___________________________________________________________ 225

- 16 -
GLOSSAIRE
Certaines notations, utilisées localement, ne figurent pas dans la liste ci-dessous. Elles sont
précisées au fur et à mesure de leur apparition dans le texte.

r rayon du capillaire m
Vs volume du squelette solide dans le matériau m3
Vt volume total du matériau m3
Vcapillaires volume des vides contenus dans le granulat m3
Vgranulat volume propre du granulat m3
ρfrais masse volumique du matériau à l’état frais kg.m-3
ρsec masse volumique finale du matériau sec kg.m-3
ρ masse volumique du béton de chanvre sec kg.m-3
ρbc masse volumique du béton de chanvre humide kg.m-3
ρc masse volumique du chanvre en vrac kg.m-3
ρpc masse volumique de la particule végétale kg.m-3
ρl masse volumique du liant kg.m-3
ρliant_grains masse volumique de la poudre de liant (grains) kg.m-3
ρw masse volumique de l'eau kg.m-3
φ porosité totale du matériau -
φouverte porosité ouverte du matériau -
φg porosité totale du granulat -
φl porosité totale du liant -
φmeso porosité mésoscopique du matériau -
φmacro porosité macroscopique du matériau -

E module d'élasticité (module d'Young) MPa


K module de compressibilité MPa
µ module de cisaillement MPa
ν coefficient de Poisson -
εσmax déformation axiale au niveau du maximum de contrainte -
εradiale déformation radiale -
εaxiale déformation axiale -
σmax maximum de contrainte supportée par le matériau MPa
σc contrainte de compression MPa
dri déplacements mesurés par les capteurs latéraux 1, 2 et 3 mm
∆h variation de hauteur de l’échantillon mm
h0 hauteur initiale de l’échantillon mm
u champ de déplacements d’un solide -
σ tenseur des contraintes dans le solide -
ε tenseur des petites déformations dans le solide -
H tenseur des déformations -

λ conductivité thermique du béton de chanvre sec W/(m.K)


λc conductivité thermique du chanvre en vrac W/(m.K)
λl conductivité thermique du liant W/(m.K)
λpc conductivité thermique de la particule végétale W/(m.K)
λh conductivité thermique du béton de chanvre humide W/(m.K)
σlv tension de surface liquide/vapeur kg.s-2

- 17 -
a diffusivité thermique m2.s-1
C chaleur massique J.(K.kg)-1
Cp chaleur spécifique à pression p constante J.(K.kg)-1
Cv chaleur spécifique à volume constant J.(K.kg)-1
Pvs pression de vapeur saturante Pa
Pv pression de vapeur Pa
Pc pression capillaire Pa
hc hauteur de remontées capillaires m
HR taux d'hygrométrie de l'air %
Sr taux de saturation %
ω teneur en eau massique %
αm angle de mouillage rad

ζ coefficient de viscosité de volume


p pression acoustique Pa
v vitesse acoustique m.s-1
λf longueur d'onde m
f fréquence de l'onde Hz
ωf pulsation du mouvement du fluide rad.s-1
ωv pulsation caractéristique des effets visco-inertiels rad.s-1
ωt pulsation caractéristique des effets thermiques rad.s-1
δv épaisseur limite de couche visqueuse m
δt épaisseur limite de couche thermique m
τ température acoustique de l’air K
σ résistance au passage de l’air N.s.m-4
Πm perméabilité macroscopique d’un matériau hétérogène m2
Π perméabilité d'un matériau homogène m2
α∞ tortuosité du milieu -
α coefficient d'absorption acoustique -
R coefficient de réflexion -
Ei énergie de l’onde incidente J
Er énergie de l’onde réfléchie J
Et énergie transmise à travers le matériau J
Ea énergie absorbée par le matériau J

η viscosité dynamique de l’air 1,84.10-5 Pa.s


λa coefficient conductivité thermique de l’air à 20°C 0,026 W/(m.K))
a0 diffusivité thermique de l’air 2.10-5 m2.s-1
Cp0 chaleur spécifique de l’air à pression p constante 1 000 J.K-1.kg-1
γ rapport des chaleurs spécifiques 1,4
ρa masse volumique de l'air à T0 = 20°C 1,2 kg.m-3
c0 célérité de l’onde dans l’air à 20°C 342 m.s-1

- 18 -
INTRODUCTION

La principale préoccupation des bâtisseurs concerne la pérennité de leurs


constructions. Cette dernière était rendue possible par l’emploi de matériaux performants en
terme de résistance mécanique et de durabilité. Les aspects de confort n'étaient traités qu'a
posteriori. Le principe de construction reposait sur la juxtaposition de différents matériaux,
chacun ayant une tâche dévolue. Cependant, cette accumulation de différents matériaux séduit
de moins en moins, car ils deviennent coûteux et finissent par occuper un volume non
négligeable. La tendance actuelle dans la construction individuelle, est donc de favoriser des
produits composites capables de remplir plusieurs usages. Le bâtisseur ne cherche plus
seulement la performance mécanique mais il tente également d’améliorer les qualités
thermiques et acoustiques des matériaux. Ce changement de point de vue explique le
développement récent de bétons allégés, capables de jouer un rôle en tant qu’isolant, tout en
conservant des niveaux de performances suffisants. Ces matériaux sont alors étudiés
simultanément sur deux thématiques: mécanique/thermique ou mécanique/acoustique.
Cependant, il ne semble pas y avoir d'étude générale qui aborderait à la fois les aspects
mécaniques, thermiques et acoustiques d'un matériau de construction. Ce mémoire de thèse
s'inscrit donc dans une démarche nouvelle, visant à caractériser un matériau multi-usages, non
plus sur deux domaines mais sur trois.

Un second élément de contexte expliquant l’intérêt pour les bétons allégés, est une
certaine prise de conscience environnementale. Cette dernière s'exprime de deux manières.
Les matériaux allégés sont de bons isolants thermiques compte tenu du volume d'air qu’ils
contiennent. Ils permettent donc de réaliser des économies d'énergie substantielles. De plus,
l'utilisation de granulats végétaux s'inscrit dans une démarche de développement durable. Elle
présente l’avantage d’utiliser une matière première renouvelable, contrairement aux granulats
des carrières dont les ressources s’appauvrissent. Ensuite, ces granulats sont dégradables de
manière naturelle, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel de limitation des
déchets. Les récentes recommandations européennes sur les déchets ultimes sont très
restrictives quant au devenir des matériaux lors de la destruction des édifices.

Le travail présenté ici n’a pas de vocation écologiste. Il vise simplement à montrer que
l’emploi de granulats végétaux peut offrir de nouvelles possibilités de développement des
matériaux de construction. Il a été réalisé pour partie dans le cadre d'un contrat de Recherche
CNRS, financé par la Chanvrière de l'Aube (producteur de chanvre), la société Strasservil
(fabricant le liant) et l'ADEME (Agence pour le Développement et la Maîtrise de l'Énergie).

Ce mémoire constitue une première étape dans la connaissance du comportement


mécanique, thermique et acoustique d’un matériau de construction à base de particules
végétales, le béton de chanvre. En revanche, les problèmes de chimie des interfaces ne seront
pas traités dans ce document. Celui-ci est structuré en quatre chapitres.
Le chapitre 1 débute par une synthèse bibliographique sur les bétons légers de façon à
avoir en mémoire les principaux résultats existants et les difficultés rencontrées avec ce type
de matériau. Cette première partie vise également à définir les notions physiques, qui seront
employées tout au long du mémoire. Le chapitre 1 se conclut par un descriptif des
constituants entrant dans la composition du béton de chanvre, leurs propriétés et la procédure
de fabrication du matériau.
Le chapitre 2 aborde les aspects mécaniques à la fois du point de vue expérimental et
du point de vue théorique. Les problèmes scientifiques soulevés par ce matériau seront
détaillés ainsi que les caractéristiques mesurées. L’étude s’est intéressée à l’influence de la
formulation, de la cinétique de prise et du compactage sur les performances de ce matériau.
Une modélisation des propriétés élastiques du matériau est réalisée par homogénéisation
autocohérente.
Le chapitre 3 traite de la conductivité thermique à la fois sur matériau sec et sur
matériau conservé dans des conditions de température et d'humidité relative variables. Un
modèle théorique développé par homogénéisation autocohérente est validé par les mesures
expérimentales. Il vise à exprimer la conductivité thermique du béton de chanvre en fonction
de sa composition et de son état hydrique.

- 20 -
INTRODUCTION

Enfin, le chapitre 4 est consacré au comportement acoustique du matériau au travers


de l'étude de l'absorption acoustique α. La sensibilité de ce paramètre en fonction de la
composition du béton et de l'épaisseur des échantillons est étudiée de manière expérimentale.
Cette partie de l'étude vise principalement à comprendre le comportement de ce matériau et à
le situer dans la gamme des matériaux absorbants usuels.

- 21 -
- 22 -
CHAPITRE 1

ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
ET
CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES
MATERIAUX

La particularité de ce travail de recherche réside à la fois dans la manière de traiter la


problématique scientifique liée à ce genre de matériau et dans le sujet d'étude lui-même. Cette
étude est basée sur une approche globale des propriétés du béton de chanvre, avec une analyse
croisée des caractéristiques mécaniques, thermiques et acoustiques. En règle générale, les
matériaux employés dans le bâtiment remplissent un usage particulier, pour lequel leur
formulation a été optimisée. On utilise alors une technique de « structures sandwichs » en
accolant ces différents matériaux les uns aux autres. A titre d’exemple, un béton hydraulique
visant à la réalisation d’une structure porteuse, est formulé de manière à posséder de bonnes
qualités mécaniques (résistance, rigidité). Le diamètre des granulats et la proportion entre les
différentes granulométries sont choisis de façon à obtenir un empilement le plus compact
possible. Le ciment en faisant prise assure la cohésion de l'empilement granulaire et la
résistance mécanique du matériau. Or, ce béton est alors un bon conducteur thermique car il
contient peu d’air. On utilise donc des panneaux de laine de roche ou de laine de verre pour
isoler le système. En revanche, le béton étant compact, il aura une masse importante qui lui
permettra d’empêcher la transmission du son d’une pièce à l’autre.
A l’inverse, un béton cellulaire est principalement utilisé à des fins d’isolation
thermique car il contient un grand nombre de pores. Cependant, ces performances mécaniques
et acoustiques sont limitées.
Les performances mécaniques, acoustiques et thermiques ont donc des exigences
contraires. Celles-ci expliquent à la fois la difficulté et l’intérêt d’une étude globale des
propriétés. En étudiant la variabilité des propriétés du matériau en fonction de paramètres pré-
définis comme le dosage des constituants ou la compacité, il devient possible de trouver des
compromis en fonction des aspects que l’on souhaite favoriser, tout en conservant un matériau
multi-usages.

La deuxième originalité de ce travail concerne les caractéristiques propres du béton de


chanvre. Cette spécificité est due aux propriétés de chaque constituant ainsi qu’à la
microstructure résultante du mélange de ceux-ci.
Le béton de chanvre est constitué de granulats d’origine végétale et d’une matrice de
liant à base de chaux. Le granulat de chanvre présente une forte porosité qui le rend léger et
très compressible. Son comportement diffère donc de celui des granulats minéraux classiques,
rigides. Le liant à base de chaux a une cinétique de prise lente par rapport à celle des liants
hydrauliques usuels comme le ciment. De plus, les niveaux de performances mécaniques
atteints par ce type de liant sont en deçà de celles des liants à base de ciment.
Le mélange de ces deux constituants, l’un compressible et l’autre pas, conduit donc à
un matériau assez éloigné des matériaux de construction classiques, et ce à plusieurs titres.
Tout d’abord, les propriétés du béton de chanvre évoluent sur des durées supérieures de celles
des matériaux usuels. La caractérisation des propriétés mécaniques à 28 jours ne donne pas
des valeurs représentatives des performances de ce matériau. On raisonne donc sur des
échelles de temps variant entre 6 mois et 1 an. Ensuite, le comportement mécanique est
modifié par la présence de granulats déformables dans une matrice de liant rigide. Ce
contraste des propriétés génère un mode de rupture différent de celui d’un béton standard.
Enfin, la microstructure du béton de chanvre varie en fonction de la formulation et entraîne
des comportements et des propriétés variables. Ce dernier point constitue le principal attrait
de ce matériau.

Ce premier chapitre s'articule autour de deux thèmes. Dans un premier temps,


quelques éléments bibliographiques concernant les bétons légers sont relatés, car ces
matériaux présentent certaines similarités avec le béton de chanvre. Elle permet de résumer
les principales caractéristiques de ce type de matériau dans les trois domaines abordés tout au
long de ce mémoire (mécanique, thermique et acoustique). Dans un deuxième temps, les
caractéristiques des constituants et du béton de chanvre sont exposées et leurs particularités
sont explicitées.

- 24 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

1. ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

1.1. Classification générale des matériaux de construction

Les matériaux de construction peuvent être classés en deux grandes catégories : les
matériaux traditionnels d’origine naturelle et les matériaux modernes composites.

Parmi les matériaux traditionnels, on distingue la pierre, la terre crue et le bois.


La pierre est d’utilisation très ancienne, s’expliquant par sa disponibilité (carrières), sa
grande résistance et sa durabilité. Cependant, elle est difficile à façonner et à mettre en œuvre
(poids). Aujourd’hui, la construction en pierre est devenue confidentielle. Elle se limite à des
travaux de rénovation de constructions anciennes.
La terre crue, matière première disponible, est d’une mise en œuvre aisée et peu
coûteuse (techniques de construction en pisé ou torchis et briques de terre crue). Ceci justifiait
son utilisation dans le passé, mais ce matériau économique a été peu à peu remplacé par
d’autres plus performants et plus chers dans les pays industrialisés. L’utilisation de la terre est
devenu l’apanage des pays en voie de développement (Brésil, pays africains…).
Le bois enfin, nécessitant peu de transformations et facile à travailler, était et reste
apprécié dans la construction pour ses propriétés mécaniques (résistance en traction) et son
pouvoir isolant. Il sert à fabriquer des structures porteuses, voire des habitations complètes.
Toutefois, le bois étant un matériau naturel, il présente des qualités variables selon l’âge,
l’essence, l’origine géographique, les conditions de séchage.

Parmi les matériaux récents, le plus employé est le béton, mélange composé de
granulats minéraux rigides, de ciment, de sable et d’eau. Cette formulation de base peut être
agrémentée d’adjuvants (produits rajoutés en faible quantité dans le mélange) de façon à
obtenir des propriétés particulières (fluidité du mélange, prise plus ou moins rapide…), voire
par d’autres constituants (acier pour béton armé ou précontraint, fibres) pour augmenter les
performances mécaniques. Ce matériau présente donc des propriétés structurelles
intéressantes et une bonne durabilité. Cependant, il a une masse volumique élevée d’où la
mise en place de fondations importantes pour supporter le poids des constructions. Par sa
masse synonyme d’une certaine inertie, il bloque la transmission des sons par vibrations
acoustiques et ralentit le transfert de la chaleur. Cet effet tampon compense en partie le fait
que le béton soit un matériau conducteur. Globalement, le béton est donc performant du point

- 25 -
de vue mécanique et du point de vue de l’isolation acoustique (limite la transmission) mais il
est moins intéressant du point de vue de l’isolation thermique.
De nouveaux matériaux sont alors apparus, rassemblés sous l'appellation de bétons
légers. Ces matériaux font référence à des bétons de masse volumique plus faible
(ρ < 1600 kg.m-3) que celle des bétons traditionnels et vise principalement une meilleure
isolation thermique. Ces matériaux sont obtenus par substitution des gravillons traditionnels,
qui peuvent être remplacés :
- par des granulats allégés
- par incorporation de bulles d’air (béton cellulaire).
C’est dans cette gamme de matériau que se situe le béton de chanvre, objet de l’étude.
La suite du chapitre fait une synthèse des caractéristiques et des phénomènes physiques liés à
ce type de matériau.

1.2. Types de granulats légers

1.2.1. Définition d’un granulat léger

Les granulats légers se différencient des autres granulats par leur faible masse
volumique. Celle-ci est inférieure à 1200 kg/m3, tandis que celle de la pierre naturelle est de
2700 kg/m3. L’écart de masse volumique s’explique par la porosité élevée du granulat φg,
c’est-à-dire une importante proportion volumique de vides d’air contenus dans le granulat. Cet
air sera appelé dans la suite du mémoire, air intra-particule.
Vcapillaires
φg = (I.1)
V granulat

avec Vcapillaires : volume des vides contenus dans le granulat (m3)


Vgranulat : volume total occupé par le granulat (m3)

1.2.2. Origine des granulats

Un certain nombre de granulats légers existe à l’état naturel, les autres étant obtenus
artificiellement par divers procédés chimiques. Parmi les granulats d’origine minérale
naturellement poreux, les plus fréquemment rencontrés sont les ponces ou les roches
sédimentaires comme les calcaires. Ils sont extraits de gisements et directement utilisables
dans les matériaux de construction.
Les autres granulats naturellement poreux sont d’origine végétale. Il s’agit pour la
plupart des déchets organiques qui trouvent dans la construction un moyen de valorisation

- 26 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

[HERRMANN & al., 98]. On peut ainsi citer le bois, la tige de maïs, la coque de noix de coco
[KHEDARI & al., 03], le bambou [LUIZ DE BARROS SALGADO, 00]. Ce type de produit
représente une production de quelques dizaines de milliers de m3 par an, ce qui reste encore
très faible. Ces granulats contiennent de nombreux capillaires, entraînant une porosité φg
élevée. Cependant, ils contiennent également des matières organiques à base de cellulose qui
les rendent réactifs vis à vis de certains constituants présents dans les liants hydrauliques. Un
traitement préalable est donc indispensable afin de les rendre inertes. Trois méthodes sont
employées [PIMENTIA & al., 94] :
- les traitements physiques : les composés organiques (type hémi-cellulose)
contenus dans le granulat sont isolés du milieu extérieur, soit en imprégnant le
granulat de résine ou de paraffine (imprégnation à cœur), soit en enrobant la
particule. Les fibres de celluloses peuvent également être détruites par un sel de
calcium d’un acide fort, créant d’innombrables microcavités dans le granulat.
- les traitements thermiques : ils détruisent les constituants cellulosiques à une
température de l’ordre de 280°C et limitent en même temps l’hygroscopie du
granulat.
- les traitements chimiques : ils remplacent les groupes hydroxyl (-OH) par des
groupements hydrophobes dans le même but que les traitements thermiques.
Actuellement, la stabilisation des particules végétales s’effectue plutôt par un traitement
chimique suivi d’un traitement thermique. Cependant, des recherches récentes réalisées par
l’E.S.S.T.I.B. (Ecole Supérieure des Sciences et Technologie de l’Industrie du Bois)
s’orientent préférentiellement vers un traitement physique d’imprégnation plus aisé et plus
économique à mettre en œuvre que les traitements thermiques ou chimiques.

D’autres granulats légers sont obtenus par un procédé chimique appelé expansion
(argile expansée…). A une température de l’ordre de 1000°C, la paroi des granulats devient
plastique et gonfle sous l’effet de dégagements gazeux (CO, CO2,O2, SO2, SO3…) générés par
la cuisson. Ceci les rend beaucoup plus légers que les granulats classiques avec une masse
volumique sèche ρgranulat comprise entre 800 et 1200 kg/m3. La gamme de variation de la
masse volumique sèche s’explique par une expansion plus ou moins poussée du granulat
(durée de chauffe, température de cuisson entre 1000 et 1250°C) et par une composition
chimique variable qui prédispose à ce phénomène. Enfin, plus l’expansion sera poussée et
plus le matériau deviendra coûteux à fabriquer compte tenu de l’énergie consommée dans les
fours de cuisson et du temps de la réaction chimique.

- 27 -
Le deuxième type de bétons légers regroupe les bétons cellulaires. Ils sont composés
d’une matrice solide de liant (mélange de chaux, de ciment et de sable) et de bulles d’air. La
phase granulaire contient uniquement des agrégats de taille inférieure à 80 µm. Les bulles
d’air sont obtenues par un phénomène d’expansion ou « levée de la pâte » d’origine chimique
ou mécanique.
Dans le cas d’une expansion chimique [ARNAUD, 93] [VILLAIN, 97], de la poudre
d’aluminium introduite dans le mélange s’oxyde en milieu basique (chaux) et libère de
l’hydrogène à l’origine d’un réseau dense de bulles dans le matériau encore à l’état visqueux.
Dans le cas d’une expansion mécanique, un agent saponifiant est intégré au mortier initial et
au contact de l’eau, il se forme une mousse qui génère des bulles d’air. Cette méthode permet
de gérer le processus de formation des pores en dosant correctement l’agent moussant
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00a] et de répartir les pores de manière régulière dans
la matrice. Lorsque le matériau a atteint sa taille finale, une étape de cuisson par autoclavage
finit de cristalliser le béton cellulaire. On obtient un produit manufacturé de structure connue
et contrôlée donc de qualité constante malgré un coût énergétique élevé (fours de cuisson).
Le béton cellulaire est utilisé en construction pour la réalisation de murs et de
planchers légers. Il est commercialisé sous forme de panneaux ou de briques préfabriquées de
625 mm de long, 500 mm de large et d’épaisseurs 50, 70, 100 ou 300 mm.

1.3. Propriétés mécaniques des bétons légers

1.3.1. Porosités

Le béton est constitué de plusieurs éléments solides (granulat, liant) et de plusieurs


familles de vides dont la taille varie de quelques dizaines d'Angstrom (Å) à quelques
millimètres selon l'origine de ces porosités.
Les granulats possèdent une porosité intrinsèque appelée φg, due à la présence de l'air
intra-particule. Compte tenu de la taille caractéristique des capillaires (de l'ordre de la dizaine
de µm), la porosité du granulat sera qualifiée de porosité microscopique.
La matrice de liant contient également des vides d'air qui apparaissent au moment de
la prise des hydrates et du séchage du matériau. On parle d'air intra-liant qui permet de définir
la porosité intrinsèque du liant φl. La taille caractéristique des pores présents entre les hydrates
de Ca(OH)2 ou de C-S-H, varie entre 0,01 µm et 5 µm et la taille des pores générés par un
entraîneur d'air varie entre 5 µm et 1 mm [GAGNE, 03]. L'air intra-liant sera également
considéré comme de l'air microscopique.

- 28 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Vvides
φl = (I.2)
Vliant
avec Vvides : volume des vides contenus dans la matrice de liant (m3)
Vliant : volume total occupé par la pâte de liant (m3)

Enfin, l'arrangement plus ou moins compact des différents constituants entre eux
(empilement de granulats et du liant) crée des vides supplémentaires, à l'origine de la porosité
mésoscopique du matériau.
V
φ meso = vides (I.3)
Vt

avec Vvides : volume des vides contenus dans le matériau autres que l'air intra-liant et intra-
particule (m3)
Vt : volume total occupé par le matériau (m3)

Liant

Granulat

Air
mesoscopique

Air intra-
particule

Air
mesoscopique
Air intra-
liant

Fig.I. 1: Porosités du béton

- 29 -
Constituants
3 ρ (kg/m3) porosité φ Rc (MPa) E (GPa) ε (m/m)
nom masse (kg) volume (m )
granulat minéral (grés, granite...) 2600 < 1% - 60
argile expansée 850 60 à 70% 6à9 -
Granulats -
copeaux de bois en vrac 275 75% -
10 à 12
granulat bois Agresta 600 60% -

granulat 755 0,285


sable 925 0,350
-4
Béton hydraulique ciment 440 0,140 2330 9% 30 36 1.10
eau 210 0,210
air - 0,015
granulat 351 0,414
sable 602 0,230
Béton argile
ciment 400 0,127 1600 36% 25 14 -
expansé
eau 193 0,193
air - 0,025
mortier ciment -3
Béton cellulaire 350 - 650 75 à 82% 5 2à3 2.10
air
copeaux de bois 170 0,212
ciment 350 0,113
eau 200 0,200
Béton de bois 600 - 900 52% 3,5 à 4 - -
air - 0,379
sable * 250 0,096
filler * - -

* : charge minérale non obligatoire

Tab.I. 1 : Caractéristiques mécaniques de quelques bétons légers


CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

1.3.2. Légèreté

L’emploi de granulats légers a pour première conséquence une diminution de 20 à


30 % de la masse volumique des bétons. A titre de comparaison (Tab.I. 1), la masse
volumique d’un béton hydraulique est de l’ordre de 2300 kg/m3 alors qu’elle se situe autour
de 1600 kg/m3 pour un béton d’argile expansée, entre 600 et 900 kg/m3 pour un béton de bois
et qu’elle varie entre 350 et 650 kg/m3 pour un béton cellulaire (norme NF P 14-306).
L’intérêt est d’avoir un matériau facile à mettre en œuvre lorsqu’il est vendu manufacturé
sous forme de parpaings. De plus, ce matériau allégé nécessite des fondations moins
importantes lors de la construction.

1.3.3. Comportement et performances mécaniques

Les granulats légers entraînent une modification du comportement et des niveaux de


performances mécaniques du béton. En effet, le granulat léger est poreux donc moins résistant
qu’un granulat usuel. Le fonctionnement mécanique et le mode de rupture des bétons légers
sont donc modifiés par rapport à ceux d’un matériau contenant des granulats rigides.
Si le béton contient des granulats rigides plus résistants que le mortier, ceux-ci
constituent les points durs du système. Les contraintes imposées au matériau, entraînent des
déformations notables dans le liant et négligeables dans le granulat. Des zones de
concentrations de contraintes naissent donc dans le mortier, qui fissure. L’adhérence entre les
granulats et le mortier étant insuffisante pour supporter les niveaux de sollicitation imposés, la
fissuration du mortier se produit autour des grains qui se décollent de la pâte de ciment. La
résistance du béton est donc pilotée par la résistance de la zone servant d’interface entre le
mortier et le granulat rigide.
A l’inverse, dans le cas du béton léger contenant des granulats de faible résistance, les
contraintes cheminent à travers la pâte, contournant les « points faibles » du matériau. Le
mortier subit des niveaux de sollicitation élevés et les déformations de la pâte et des granulats
sont importantes. Une fois les granulats écrasés, ils ne participent plus vraiment à la résistance
du matériau et le mortier finit par céder. La résistance en traction des granulats pilote donc la
résistance en compression du béton léger. Ce mode de rupture est possible car les granulats
légers possèdent une surface poreuse importante qui crée une excellente adhérence entre la
pâte et le grain. Ce n’est donc pas la liaison au niveau de la surface de contact qui est détruite
comme dans le cas de granulats rigides mais le granulat qui cède.
Une nuance existe cependant dans le cas de granulats très déformables même si leur
résistance reste modérée. En effet, sous l’effet des contraintes le mortier va se déformer et le

- 31 -
granulat va faire de même par contact granulat-mortier. Comme le granulat peut supporter des
niveaux de déformation supérieurs à ceux du mortier, c’est ce dernier qui va fissurer sous
l’effet des contraintes et le granulat, n’ayant pas atteint son seuil de rupture, ne sera pas
détruit. La rupture du béton se fait dans ce cas précis par rupture du mortier et non par rupture
des granulats. Ainsi, les caractéristiques des granulats sont déterminantes dans les
performances des bétons légers, comme le montrent entre autres le travail expérimental et
l’étude statistique de [CHI & al., 03].

Les niveaux de performances des bétons légers sont inférieurs à ceux des matériaux
usuels de construction, puisque les granulats légers possèdent une porosité propre φg, qui les
rend déformables. D’une manière générale, la résistance en compression à 28 jours et le
module d’élasticité E augmentent lorsque la porosité des granulats φg diminue. Des
campagnes expérimentales ont mis en relation performances mécaniques et masse volumique
ρ des bétons légers. Dans le cas de granulats d’argile expansée de type Liapor,
[ARNOULT,76] a obtenu une relation linéaire entre la résistance en compresson et la masse
volumique (Fig.I. 2).

Fig.I. 2: Résistance sur prisme en compression à 28 jours (MPa) en fonction de ρ [ARNOULD, 76]

Dans le cas du béton cellulaire, la grande proportion de vides d’air dans le matériau est
un facteur essentiel dans le niveau de performances. On distingue deux types de pores : les
macropores (diamètre supérieur à 60 µm) et les micropores (diamètre < 60 µm) avec une
répartition de ¾ de macropores pour ¼ de micropores.

- 32 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Fig.I. 3: Répartition de la porosité de trois bétons cellulaires autoclavés en fonction du diamètre des pores
[JACOBS & MAYER, 92]

Diverses formules empiriques ont été déterminées afin de prédire la résistance en


compression Rc et le module d’élasticité E du béton cellulaire autoclavé en fonction de la
porosité. On obtient Rc compris entre 1 et 5 MPa et E entre 20 et 30 MPa.

Rc (MPa) constantes de calage paramètres


Feret modifié
n w/c : ratio eau/ciment , a/c:
(béton avec σ = K (1/(1+ w/c + a/c)) K, n
ratio air/ciment
mousse)
Ks, Pcr: porosité p: porosité du béton
Schiller σ = Ks.ln(Pcr / p)
correspondant à σ = 0 cellulaire
p:porosité du béton
Balshin σ = σ0 (1 - p)
n
σ0: résistance à porosité 0
cellulaire
Tab.I. 2 : Formules empiriques reliant la résistance à la compression, la composition et la porosité
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b]

Module d'élasticité E Notations


-3
1,5 α: masse volumique sèche (g.cm )
6000 (α) S -3
S: résistance à la compression sur cube en kg.cm
0,7 -3
1555 S S: résistance à la compression sur cube en kg.cm
-3
3000 Sp Sp: résistance à la compression sur prisme en kg.cm
k: constante variant entre 1,5 et 2
-3
k γsec (fc)
0,5 γsec: masse volumique sèche (kg.m )
fc: résistance à la compression (MPa)
c1, c2: constantes
c1 (ρ - c2) -3
ρ: masse volumique sèche (kg.m )
Tab.I. 3: Equations prédictives du module d’élasticité E du béton cellulaire
[NARAYANAN & RAMAMURTHY, 00b]

Cependant, il faut nuancer cette corrélation entre performances et porosité en fonction


du type de granulats légers et de la quantité employée dans le matériau. En effet, si le volume
occupé par les granulats est faible devant le volume de pâte de ciment, sa contribution à la
résistance du matériau sera négligeable quelles que soient ses caractéristiques. En revanche, si

- 33 -
le volume de granulats devient suffisamment important, ses propriétés piloteront les
caractéristiques du matériau global.
Enfin, il convient de citer quelques travaux récents qui ont permis de concevoir des
bétons légers à hautes performances. [ROSSIGNOLO & al., 03] ont travaillé sur des
mélanges de granulats légers brésiliens (argiles expansées) dosés entre 224 et 293 kg/m3 et
des quantités élevées de ciment variant entre 440 et 710 kg/m3. Un ajout de fumée de silice, à
hauteur de 10 % en masse de ciment, est effectué. On obtient ainsi un matériau de masse
volumique autour de 1500 kg/m3. Les résistances en compression à 7 jours s’étalent entre 40
et 55 MPa et les modules de rigidité de Young varient entre 12 et 15 GPa. D’autres travaux
ont porté sur l’amélioration de la qualité de la matrice [TAMBA & al., 01] et sur des ajouts
d’argile dans les bétons de bois [AL RIM & al., 96], [BOUGUERRA & al., 98] . Les
résistances en compression finales sont comprises entre 7 et 24 MPa pour des masses
volumiques entre 1178 et 1540 kg/m3. Enfin, [SCHINK, 03] rajoute des fibres métalliques
dans les bétons légers afin d’obtenir des Bétons Hautes Performances allégés.

1.3.4. Sensibilité à l’eau

Les granulats, poreux et perméables, permettent les transferts hydriques sous forme
liquide et sous forme vapeur. Dans le cas d’eau liquide, on parle d’absorption et dans le cas
d’eau vapeur, on parle de sorption-désorption.
La perméabilité Πm représente la faculté qu’a un matériau de laisser un fluide
s’écouler en son sein, sous l’effet d’un gradient de pression. Cette propriété de perméabilité
n’existe donc que si le matériau possède une porosité non négligeable et que celle-ci est
connectée. En revanche, un matériau peut être très poreux (i.e. le béton cellulaire) et peu
perméable car les pores, non reliés entre eux, ne constituent pas des chemins continus, dans
lesquels le fluide peut s’écouler. Porosité et perméabilité sont donc liés mais le premier
n’implique pas forcément le deuxième.

1.3.4.1 L’absorption

L’absorption est un phénomène physique par lequel un liquide migre de l’extérieur


vers l’intérieur d’un milieu poreux grâce à un phénomène de remontées capillaires.
L’absorption entraîne un gain de masse du matériau. Pour expliquer la capillarité, prenons un
tube cylindrique de diamètre 2r, jouant le rôle d’un capillaire, dont on plonge la base dans un
bac rempli d’eau liquide. L’eau monte dans le tube jusqu’à une hauteur donnée, et il se forme
un ménisque à la surface du liquide. Cette hauteur d’équilibre est liée au rayon de courbure du

- 34 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

ménisque, lui-même dépendant du rayon du capillaire. La pression de vapeur d'équilibre au-


dessus du ménisque ou pression de capillarité Pc, dépend également de ce rayon et vaut :
2 σlv cos α m
Pc = (I.4)
r
avec σlv : tension de surface à l’interface liquide vapeur (0,072 N.m-1 à T = 20°C)
αm : angle de mouillage de l’eau sur le granulat (rad)

La pression de vapeur saturante (Pvs) est la pression pour laquelle l’air contient la
quantité maximale de vapeur d’eau à une température T donnée. L’angle de mouillage αm
correspond à l’inclinaison du ménisque le long de la paroi.

AIR

EAU
ANGLE αm

Fig.I. 4 : Remontée d’eau dans le tube par pression capillaire

Pour donner une ordre de grandeur, un capillaire de rayon 100 µm a une pression
capillaire de 1440 Pa si on considère que le granulat est parfaitement mouillé (cosαm = 1). Ce
résultat est interprétable en terme de hauteur de remontées capillaires hc avec à l’équilibre :
ρw g hc = Pc (I.5)
2 σ lv cos α m
d’où hc = (I.6)
r g ρw
Une pression de 1 440 Pa correspond alors à une hauteur d’eau de 14,4 cm. Pour un
capillaire de 10 µm de diamètre, la pression atteint 14 400 Pa soit une hauteur d’eau de 1,44
mètres. Ces pressions élevées expliquent la cinétique rapide du phénomène d’absorption
d’eau par les matériaux poreux. De plus, les hauteurs de remontées capillaires laissent à
penser que les pores contenus dans les matériaux se remplissent totalement.

Cependant, l'absorption n’est possible que si les capillaires du réseau poreux


communiquent pour permettre le transfert de l’eau : on parle alors de porosité ouverte φouverte
ou connectée. Lorsque le matériau contient des pores emprisonnés comme dans le cas du

- 35 -
béton cellulaire, on parle de pores occlus. Ces pores ne participent pas au phénomène
d’absorption (Fig.I. 5).

Fig.I. 5 : Trois types de porosité présente dans les matériaux

Une étude expérimentale menée par Vaquier dans [ARNOULD chap.7, 76] a mis en
évidence le rôle de la microstructure dans l’absorption en comparant le type et la distribution
par taille des pores de quatre granulats légers (Tab.I. 4) et en analysant les conséquences sur
l’absorption.

porosité % pores diamètre


ouverte (%) > 2 microns
Ponce 55,0 68,0
Argile expansée 53,9 11,7
Schiste expansé 37,0 34,7
Cendre frittée 37,0 17,6

Tab.I. 4 : Porosité ouverte des granulats et proportion de capillaires de diamètre supérieur à 2 microns

Il constate que la plus grande partie de l’eau est absorbée en quelques minutes et que
la quantité d’eau absorbée n’est pas corrélée à la porosité ouverte mais à la porosité ouverte
de diamètre supérieur à 2 microns. Ceci est confirmé par la comparaison entre le volume de
liquide maximal absorbé par les granulats et le volume total des capillaires de diamètre
supérieur à 2 microns qui sont quasiment identiques.

1.3.4.2 Conséquences sur la prise

La mise en présence de constituants possédant des microstructures différentes génère


une compétition entre les éléments pour absorber l'eau du mélange, ce qui a des répercussions
sur la prise du liant. Pour évaluer ce phénomène, Vaquier a comparé le comportement de
granulats de ponce contenant trois quantités d’eau différentes. Il a suivi l’évolution temporelle
du taux de saturation Sr des granulats noyés dans un mortier de ciment.
Connaissant la quantité maximale d’eau que peut capter le granulat, on définit le degré
de saturation Sr comme le rapport entre le volume d’eau contenu dans les granulats et le
volume total de vides. Lorsque Sr = 0 % le granulat est parfaitement sec et lorsque

- 36 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Sr = 100 %, tous les vides sont occupés par l’eau. La teneur en eau massique ω indique la
quantité d’eau liquide contenu dans un matériau par rapport à la masse sèche de ce matériau.

ω = M eau (I.7)
M sèche

avec Meau : masse d’eau dans le matériau


Msèche : masse de matériau anhydre

Trois degrés de saturation Sr ont été testés Sr = 0 %, 70 % et 100 % (Fig.I. 6).

Fig.I. 6 : Variation temporelle du degré de saturation en eau Sr des granulats de ponce dans un mortier
[ARNOULD, 76]

Lorsque le granulat est non saturé, il absorbe l’eau présente dans le mortier et son taux
de saturation augmente pendant 1 à 2 heures. C’est la phase de succion. Après avoir atteint un
maximum, Sr diminue et l’eau quitte le granulat, qui joue donc un rôle de « réservoir d’eau ».
A l’inverse, dans le cas de granulats saturés en eau, la phase de succion n’existe plus. Pendant
quelques heures, Sr reste constant à 100 % (plateau). Puis, Sr décroît car le granulat libère de
l'eau. Il est important de noter que les pentes des courbes représentant la diminution de Sr sont
parallèles, ce qui laisse à penser que c’est l’hydratation du ciment qui pilote l’assèchement des
granulats. Ce comportement vis à vis de l’eau explique le fait que les granulats légers soient
préalablement saturés, de façon à laisser la réaction d’hydratation du liant s’initier avec l’eau
disponible dans le mélange.

Le deuxième effet de l'absorption concerne d'éventuelles variations dimensionnelles


du matériau, induites en particulier par le gonflement des granulats. Dans le cas du béton de
bois, les variations dimensionnelles sont de l’ordre de 5 mm/m tandis que la norme préconise

- 37 -
des variations inférieures à 0,45 mm/m pour une utilisation en génie civil. Elles peuvent
atteindre 10 mm/m pour des granulats particulièrement hydrophiles. Pour diminuer ces
variations, on peut augmenter le dosage en ciment dans le béton afin d’augmenter la rigidité
de la matrice entourant le granulat et bloquer le gonflement.
Des essais ont permis de d’évaluer les gains massiques et le taux de saturation Sr de
particules de bois AGRESTA seules (épicéa) et d’un béton de bois de masse volumique
600 kg/m3 incluant ces particules (Tab.I. 5). En une minute, les particules AGRESTA sont
capables d’absorber l’équivalent de leur poids sec, ce qui représente plus de la moitié des
volumes de vides disponibles. Le taux d’absorption dépend de la nature des copeaux de bois
mais le niveau reste toujours élevé. De même, les niveaux d'absorption sont importants pour
le béton de bois.

Temps 1 minute 24 heures 28 jours


gain massique 100% 140% 160%
Copeaux bois
Sr (%) 62% 87% 100%
gain massique 20% 27% 32%
Béton de bois
Sr (%) 23% 31% 37%
Tab.I. 5: Gain massique en eau et taux de saturation Sr de copeaux de bois AGRESTA (épicéa)
et du béton de bois correspondant

Les variations dimensionnelles consécutives à l’absorption d’eau par ce béton de bois


sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 6).
Gain massique (%) 20% 27% 32%
Gonflement (‰) 2,25‰ 3,75‰ 4,25‰

Tab.I. 6 : Variations dimensionnelles dues à l’absorption de l’eau pour du béton de bois Agresta
[PIMENTIA & al., 94]

Ce comportement vis-à-vis de l’eau pose des difficultés d’utilisation que ce soit en


tant que matériau de remplissage ou en tant que matériau structurant. En effet, les variations
dimensionnelles vont créer des efforts sur la structure porteuse (matrice cimentaire ou
panneaux des murs à remplir). Celle-ci peut alors être détériorée (fissures, déformations…) et
offrir un aspect peu attractif donc incompatible avec une utilisation dans l’habitat.

1.3.4.3 La sorption/désorption

Les matériaux possèdent la capacité de condenser l’eau présente dans le milieu


extérieur à l’état vapeur. C’est le phénomène de sorption-désorption. Il se quantifie en
mesurant les variations de masses des échantillons en fonction des conditions

- 38 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

thermodynamiques de conservation (température T fixe et hygrométrie extérieure HR


variable).

L’hygrométrie HR (en %) caractérise le degré d’humidité d’une ambiance. On définit


cette humidité relative comme le rapport de la pression de vapeur (Pv) existant dans un gaz et
de la pression de vapeur saturante (Pvs) dans les mêmes conditions de température.
P
H R = 100 × v (I.8)
P vs
HR permet donc de connaître la fraction de vapeur réellement présente dans l’air pour une
température donnée par rapport à la quantité totale de vapeur que peut contenir l’air sous cette
même température. Lorsque la température T baisse, l’air se refroidit et la pression de vapeur
saturante diminue donc la quantité de vapeur que peut contenir l’atmosphère baisse (air
relativement sec en altitude). En revanche, plus la température T sera élevée et plus l’air
pourra contenir de vapeur d’eau (humidité observable dans les zones tropicales)

La pression de vapeur (Pv) est la pression pour laquelle un corps pur en phase
condensée (liquide ou solide) est en équilibre avec sa phase vapeur sous une température T
donnée et fixée.

Les courbes de sorption-désorption représentent usuellement la teneur massique en


eau ω du matériau sous une humidité HR variant entre 0 et 100 %. Les figures suivantes
permettent de réaliser un comparatif entre des matériaux peu absorbants comme le ciment, le
plâtre ou la brique et des matériaux absorbants comme le béton cellulaire ou le béton de bois
DURISOL (mélange ciment et particules de bois issues du recyclage des charpentes).

- 39 -
Fig.I. 7 : Courbes de sorption de quelques matériaux [SERADA & FELDMAN, 01]

Fig.I. 8: Courbes de sorption et désorption du béton cellulaire de ρ = 500 kg/m3 à T = 20°C [AAC, 78]

- 40 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

3
Gain massique Veau (m ) pour 1
ρ (kg/m3)
sous HR=50% 3
m de matériau
plâtre - ciment 2500 0,20% 0,005
brique 1800 0,50% 0,009
beton hydraulique 2300 2% 0,046
béton cellulaire 500 3% 0,015
béton de bois 800 8% 0,064
Tab.I. 7 : Gain massique et volumique de différents matériaux sous HR = 50 %

Le tableau I.7 permet de comparer les quantités d’eau effectivement présentes dans les
matériaux sous HR = 50 %. On note l’existence d’un rapport volumique de 12 entre la quantité
d’eau adsorbée par le mélange plâtre-ciment et celle adsorbée par le béton de bois. De même,
on observe un rapport volumique de 3 entre le béton hydraulique et le béton cellulaire, bien
que la teneur en eau massique ω des deux matériaux soit très proche. Ces constatations
permettent de souligner le fait que les courbes de sorption-désorption doivent être utilisées
avec prudence. Il convient de se ramener à des notions de concentrations volumiques afin
d’évaluer la place occupée par l’eau et l’impact sur les propriétés du matériau, principalement
dans le domaine thermique.

1.4. Propriétés thermiques

La conduction thermique λ est le flux de chaleur par mètre carré, traversant un


matériau d’un mètre d’épaisseur pour une différence de température d’un degré entre ses deux
faces. Cette propagation d’énergie se produit dans un solide par agitation des molécules
constitutives du matériau. La conductivité thermique λ est donc une grandeur intrinsèque du
matériau, qui dépend uniquement de ses constituants et de sa microstructure.
Un béton usuel à base de granulats rigides, contient de l'air, dû à l'arrangement de la
phase solide (squelette granulaire) et à la prise de liant. Or, l’air immobile conduit faiblement
la chaleur. Les bétons à base de granulats légers ont donc été développés, car ils permettent
d'augmenter la proportion volumique d'air dans le matériau (i.e. la porosité), en ajoutant l'air
intra-particule (i.e. du granulat). A titre comparatif, un béton hydraulique (ρ = 2300 kg/m3) a
une conductivité thermique de 2,0 W/(m.K) tandis qu’un béton d’argile expansé
(ρ = 1600 kg/m3) a une conductivité thermique de 0,60 W/(m.K).
Cependant, cette relation entre porosité et faible conductivité thermique doit être
nuancée en tenant compte d’un autre mode de transfert de la chaleur, la convection. Cette
dernière traduit les transferts de chaleur entre un solide immobile et un fluide en mouvement.
Lorsque le matériau contient un important réseau de pores connectés, l’air peut s’y déplacer et
les transferts de chaleur par convection peuvent devenir significatifs. En revanche, un

- 41 -
matériau contenant un grand nombre de pores occlus comme le béton cellulaire (φ ≈ 80 %) ne
présente pas de convection. Plus de la moitié de l’air est immobile dans les pores occlus et la
conductivité thermique est faible (Fig.I. 9).

Fig.I. 9 : Conductivité thermique λ en fonction de la masse volumique sèche du béton cellulaire [AAC, 78]

Un deuxième élément permettant de caractériser les propriétés thermiques des


matériaux est la chaleur massique ou chaleur spécifique C en J/(kg.K). Cette grandeur
caractérise la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température de l’unité de masse de
1°C. Plus la chaleur massique sera élevée, plus le matériau aura besoin d’énergie pour que sa
température augmente. Il sera donc moins sensible aux variations de températures du milieu
extérieur. Un coefficient C élevé traduit une forte inertie thermique donc une tendance du
matériau à peu évoluer lorsque les conditions extérieures changent. Il sert ainsi de régulateur
de la température à l’intérieur de la structure.
Enfin, à partir de la conductivité λ et de la chaleur massique C, on définit la diffusivité
a (J/(m.K)). Cette grandeur caractérise la vitesse à laquelle la chaleur se propage par
conduction dans un corps. Plus la valeur de a est faible, plus la chaleur met de temps à
traverser le matériau.

a= λ (I.9)
ρc
Ainsi, le pouvoir isolant du matériau dépend non seulement de la valeur de λ mais
également de la vitesse de transfert thermique traduite par a.

- 42 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

a (m .s )
2 -1
ρ (kg/m )
3
porosité φ C (J/kg.K) λ (W/(m.K))

Air 1,2 - 1000 0,026 2,2E-05

Eau liquide 998 - 4180 0,602 1,4E-07

Styrodur 50 - - 0,033 -

Cuivre 8900 - 390 400 1,2E-04

Contre-
700 - 1500 0,12 1,1E-07
plaqué

Béton
2330 8% 1050 1,80 à 2,00 7,4 à 8,2E-07
hydraulique

Béton argile
1600 36% 900 0,46 3,2E-07
expansé

Béton
350 à 650 75 à 82% 880 0,16 à 0,33 5,2 à 5,8E-07
cellulaire

Béton de
600 à 900 52% 1200 0,09 à 0,30 1,2 à 2,8E-07
bois

Brique 1800 - 860 1,15 7,40E-07

Tab.I. 8 : Caractéristiques thermiques de quelques matériaux

Une synthèse des caractéristiques thermiques de quelques matériaux est faite dans un
but comparatif (Tab.I. 8). On constate par exemple, qu’un béton cellulaire est plus poreux
qu’un béton de bois et possède une conductivité thermique plus faible. En revanche, il diffuse
la chaleur plus rapidement.

Un dernier élément concernant les propriétés thermiques des bétons légers est lié au
pouvoir absorbant de ces matériaux, qui peuvent contenir des quantités d’eau non
négligeables. L’eau étant un excellent conducteur, elle induit une augmentation de la
conductivité thermique du béton, en se substituant à l’air isolant. Divers travaux ont permis de
corréler la conductivité thermique λ et la teneur en eau massique ω des bétons légers par des
formules empiriques. Des mesures expérimentales sur du béton de bois ont montré que la
conductivité thermique augmentait de 40 à 90 % pour des teneurs en eau ω de 30 %.

- 43 -
Cependant, les variations de λ dépendent de la masse volumique sèche puisqu'une teneur en
eau massique ω identique pour deux bétons de bois ne représentera pas le même volume d'eau
dans chaque matériau humide. Ceci permet d'expliquer les écarts observables sur la figure
suivante.

0,5
0,45
0,4
0,35
λ (W/(m.K))

0,3
0,25 1000 kg/m3
0,2 550 kg/m3
0,15
0,1
0,05
0
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30%

Teneur en eau massique ω (%)

Fig.I. 10 : Conductivité thermique sèche et humide de deux bétons de bois DURISOL


[KOSNY & DESJARLAIS, 94]

Des études similaires à celles réalisées sur les bétons de granulats légers, ont été
menées sur le béton cellulaire, afin d’évaluer les variations de conductivité λ induites par la
présence d’eau liquide.

Fig.I. 11 : Conductivité thermique λ en fonction de la teneur en eau massique ω du matériau [AAC, 78]

- 44 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Les premiers études de ce phénomène, on considère qu’il existait une dépendance


quasi-linéaire entre la conductivité et la masse volumique [AAC, 78]. Cependant, ces
conclusions ont été obtenues en couvrant une gamme restreinte de teneurs en eau (Fig.I. 11).
Plus tard, [BOUTIN, 96] montre par homogénéisation que la dépendance entre λ et ρ n’est
pas linéaire mais curviligne. Cette approche théorique est largement abordée dans le chapitre
3 consacré aux propriétés thermiques. Cependant, quelle que soit la forme mathématique de la
relation entre teneur en eau ω et conductivité, il est important de retenir que la présence d’eau
diminue le pouvoir isolant des matériaux dans des proportions non négligeables.

1.5. Propriétés acoustiques

Le dernier élément de caractérisation des matériaux concerne les propriétés


acoustiques. Les mécanismes mis en jeu sont amplement détaillés dans le chapitre consacré au
comportement acoustique. Ce paragraphe présente de manière succincte les quelques éléments
permettant de cerner les enjeux de cette étude.

Lorsqu’un son est émis, une onde acoustique se propage dans l’air jusqu’à atteindre un
obstacle. Lorsque cette onde incidente rentre en contact avec un matériau, deux ondes sont
créées : une onde réfléchie qui se propage dans le même milieu que l’onde incidente, une
onde transmise qui traverse le matériau de part en part. Un traitement acoustique est une
démarche qui va influer soit sur l’onde transmise, soit sur l’onde réfléchie de façon à
améliorer l’acoustique d’un local.
L’isolation acoustique vise à limiter la transmission des sons de part et d’autre d’un
matériau. Cette isolation est généralement réalisée par de matériaux de forte densité car leur
inertie fait qu'ils sont plus difficilement mis en mouvement par les ondes acoustiques. Ils
génèrent donc moins d’ondes transmises par vibrations. Les bétons légers, comme leur nom
l’indique, ne fonctionnent pas par cet effet de masse.
On peut également limiter la transmission du son en imperméabilisant la surface du
matériau. Les ondes sont alors réfléchies et renvoyées vers la source émettrice. Les matériaux
peu perméables sont donc de bons isolants, dans le sens où ils empêchent la transmission du
son entre deux pièces contiguës. Cependant, les ondes réfléchies viennent perturber
l’intelligibilité du discours dans le local, en créant des interférences.
La troisième façon d’agir sur les ondes acoustiques est l’absorption. Les matériaux
amortissement les sons par dissipation visqueuse. Cependant, ce mécanisme de dissipation
d’énergie suppose que les ondes puissent pénétrer dans le matériau et disposer d’un espace

- 45 -
suffisant pour être amorties. Il faut donc une certaine perméabilité et une porosité ouverte
importante.
La perméabilité Π d'un matériau homogène, se définit à partir de la loi de Darcy, qui
relie le débit du fluide traversant à la perte de charge et à la surface traversée. Dans le cas
d’un écoulement non turbulent dans un milieu isotrope, on a :

v = - Π ∇P (I.10)
η

Q = Π S ∆P (I.11)
η ∆l
avec v : vitesse d’écoulement du fluide (m.s-1)
Π : coefficient de perméabilité du matériau (m2)
η : viscosité dynamique du fluide (Pa.s)
Q : débit volumique du fluide
∆l : épaisseur du matériau poreux (m)
S : section de passage du fluide (m2)
∆P = P2 – P1 : différence de pression appliquée sur chaque face de l’échantillon (Pa)

Lorsque le fluide traversant le poreux est de l’air, on utilise comme paramètre la


résistance au passage de l’air σ. Elle peut se calculer directement à partir des mesures
réalisées sur un perméamètre, grâce à la relation :

σ = P 2 - P1 S (I.12)
∆l Q
σ varie entre 1 000 et 300 000 Pa.s.m-2 pour les matériaux poreux couramment utilisés en
génie civil. En combinant (IV.11) et (IV.12), on en déduit la relation de passage entre
résistivité à l’air et perméabilité macroscopique :
Π=1 (I.13)
η σ
Le pouvoir absorbant d’un matériau se caractérise par le coefficient d’absorption α.
Quand α = 1, toute l’énergie de l’onde incidente est dissipée donc le son est entièrement
amorti. Quand α = 0, le son n’est pas amorti du tout. Ce coefficient α dépend de la fréquence.
En général, il est mesuré sur toute la gamme de fréquences, puis moyenné sur des bandes de
fréquences appelées octaves. Ceci permet de comparer plus facilement les matériaux entre
eux. Parmi les bétons légers, seul le béton de bois est utilisé actuellement pour ses qualités
acoustiques, car il représente un bon compromis entre une certaine masse volumique et une
bonne capacité d’absorption. La Fig.I. 12 permet de comparer le coefficient d’absorption α du

- 46 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

béton de bois STRUCTA (panneau double faces commercialisé par Béton Bois Système),
celui du béton cellulaire Siporex (mesures LGM), et ceux du béton peint, de la brique, du
contre-plaqué et du plâtre (mesures CEBTP). Au delà de 400 Hz, le béton de bois absorbe
plus de 80 % de l’énergie de l’onde incidente, ce qui traduit une atténuation très importante du
son. Seul 20 % de l’énergie acoustique incidente est réfléchie par le matériau. Le pouvoir
absorbant du béton de bois est deux à trois fois plus élevées que celui des autres matériaux de
construction rencontrés usuellement dans le bâtiment.

1,0

0,9

Panneaux Béton Bois Système - Mur double face STRUCTA - e=13cm


0,8
Béton Cellulaire Siporex (e=5cm)
Béton peint
0,7
Contre-plaqué
0,6 Briques
Plâtre
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
125 250 500 1000 2000 4000

Fréquence (Hertz)

Fig.I. 12: Coefficient d’absorption acoustique α par octave de quelques matériaux (LGM et CEBT)

ρ (kg/m )
3
porosité φ perméabilité Π (m )
2
α

Contre-
700 - - 0,10 à 0,40
plaqué

Béton -16 -18


2330 8% 10 à 10 0,30 à 0,40
hydraulique

Béton argile
1600 36% - -
expansé

Béton -14
350 à 650 75 à 82% 1 à 4.10 0,21 à 0,32
cellulaire

Béton de
600 à 900 52% - > 0,55
bois

Brique 1800 - - < 0,05

Tab.I. 9 : Caractéristiques acoustiques de quelques matériaux

- 47 -
En conclusion, la porosité globale d’un matériau n’explique pas à elle seule une bonne
ou une mauvaise absorption acoustique. Le béton cellulaire par exemple possède une forte
porosité mais il n’absorbe pas plus de 40 % du son, car il est peu perméable. L’onde sonore ne
parvient pas à pénétrer dans le matériau et ne peut donc pas être amortie. Il en est de même
pour le plâtre et la brique dont les surfaces sont peu perméables. L'étude du comportement
acoustique devra donc prendre en compte ces deux paramètres simultanément, afin d'analyser
les données expérimentales recueillies (chapitre 4).

2. CARACTERISATION EXPERIMENTALE DES


CONSTITUANTS

Le béton de chanvre est un mélange dans des proportions très variables de deux
constituants de nature très différente, à savoir un granulat d’origine végétale et un liant à prise
hydraulique et aérienne. Les caractéristiques de chacun des composants sont exposées dans un
premier temps, avant d’aborder les propriétés du mélange.

2.1. Le liant

2.1.1. Composition chimique

Les deux liants utilisés sont composés d’un mélange de chaux hydraulique et de chaux
aérienne. Le premier liant s’appelle le T70 et le second le Tradichanvre, ce qui correspond à
la dénomination commerciale de ces produits. Les compositions massiques et volumiques
sont indiquées ci-dessous (Tab.I. 10). Le signe * dans T70 indique que ce liant contient
environ 10 % en volume de pouzzolanes (inclus dans la chaux hydraulique).

MASSE VOLUME
chaux chaux chaux chaux
sable sable
hydraulique aérienne hydraulique aérienne
T70* 37% 63% - 25% 75% -
Tradichanvre 22% 58% 20% 10% 55% 35%
Tab.I. 10: Composition chimique des liants T70 et Tradichanvre

Les proportions sont de 1/3 de chaux hydraulique pour 2/3 de chaux aérienne. Compte
tenu des mécanismes de prise différents pour les deux types de chaux, ceci laisse présager
d’un durcissement en deux étapes. De plus, le liant contient des ajouts parmi lesquels un
entraîneur d’air, qui explique la porosité observable sur les échantillons après prise (Fig.I.13,

- 48 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

I.14 et I.15). Le T70 entre dans la composition du béton de chanvre et le Tradichanvre est
utilisé pour formuler des enduits.

Fig.I. 13 : Coupe d’un échantillon de T70 après sa prise

Pores de diamètre 0,1 mm

Fig.I. 14 : Pores de taille mésoscopique dans le liant T70

10 µm

Fig.I. 15 : Pores de taille microscopique dans le liant T70

- 49 -
Les trois figures montrent les différentes tailles de pores observables dans le liant pur.
On note l’existence de deux échelles distinctes avec des pores de diamètre de l’ordre du
micromètre (échelle micro), des pores de diamètre de l’ordre du dixième de millimètre
(échelle meso). Ces tailles de pores faibles vont entraîner des pressions de capillarité élevées
donc des hauteurs de remontées capillaires importantes. Le liant T70 possède donc une
sensibilité à l’eau dont il faudra tenir compte dans l’étude. Des conclusions identiques sont
obtenues pour le Tradichanvre.

9-10
8-9
7-8
6-7
5-6
10 4-5
3-4
9 2-3
1-2
8 0-1

6
Hauteur remontées
5 capillaires (m)

3
90
78 2
66
53 1
angle de mouillage (°) 37
0
0 0,001
0,05 0,01
0,5 0,1
1

Diamètre capillaires (mm)

Fig.I. 16 : hauteur de remontées capillaires pour des pores de diamètre compris entre 1µm et 1 mm

2.1.2. Prise de la chaux

La chaux est obtenue par décomposition du calcaire sous l’effet de la chaleur


[LAFUMA, 64]. Ce processus de décomposition permet d’obtenir les deux formes de chaux
(aérienne et hydraulique) présentes dans les liants.
La chaux aérienne Ca(OH)2 obtenue par calcination du calcaire pur à plus de 900°C,
effectue sa prise (dite « prise aérienne ») par carbonatation de la chaux vive (CaO) avec le
CO2 de l’air en milieu humide. En effet, la vapeur d’eau et le CO2 forment de l’acide
carbonique. La chaux fixe ensuite le CO2 contenu dans cet acide pour permettre l’apparition
du calcaire. Cette prise démarre rapidement mais le phénomène ralentit par la suite et s’étend
sur plusieurs années.

- 50 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Chaux aérienne + CO2 (milieu humide) Calcaire


Ca(OH)2 CaCO3

La chaux hydraulique est obtenue par calcination d’un calcaire riche en silice et oxyde
de fer. Cette chaux présente un phénomène de double prise. Dans un premier temps, il se
produit un durcissement à l’eau, relativement rapide (1 mois environ). Puis, dans un second
temps, un durcissement à l’air (dû au CO2), beaucoup plus lent, s’étend sur plusieurs années.

Chaux hydraulique + H2O Ca(OH)2


2CaO,SiO2 CaO,SiO2nH2O

Chaux aérienne + CO2 (milieu humide) Calcaire


Ca(OH)2 CaCO3

La présence de ces deux formes de chaux explique la cinétique de prise globalement


lente communément admise. En effet, une première prise à court terme est assurée par la
réaction entre les silicates de calcium (ou aluminates et ferro-aluminates de calcium) et l’eau
qui forment des hydrates insolubles ainsi que de la chaux aérienne. Ces éléments confèrent au
liant des propriétés mécaniques à court terme, tandis que les propriétés à long terme sont dues
à la réaction de carbonatation de la chaux aérienne.

2.1.3. Cinétique de séchage du liant pur

Le liant pur à l’état frais contient une forte proportion d’eau (52,5 % en volume). Une
partie de celle-ci est utilisée pour hydrater la chaux, c’est la prise. L’eau restante se vaporise
progressivement vers le milieu extérieur, ce qui constitue le séchage.

2.1.3.1 Les étapes du séchage

Le séchage est dû à l’effet combiné de plusieurs phénomènes d’origine physique


couplés entre eux (transferts de masse, changements de phases) [CRAUSE & al., 81]. En
pratique, la démarche la plus simple pour étudier le séchage est de suivre l’évolution de la
masse des échantillons dans le temps. A partir de ce premier résultat, on peut ensuite accéder
- 51 -
aux données caractéristiques de la cinétique de séchage à savoir le pourcentage de pertes
massiques, la teneur en eau massique, la vitesse d’évaporation.

Définition des paramètres caractéristiques

Lors du suivi du séchage, on obtient une première courbe donnant la masse en


fonction du temps : M = f(t). Afin de pouvoir comparer les échantillons entre eux, on utilise le
pourcentage massique de perte qui vaut :

% pertes = ∆M 100 =
M 0 - M(t)
100
(I.14)
M0 M0

avec M0 : masse initiale de l’échantillon (en g)


M(t) :masse de l’échantillon au temps t (en g)

La vitesse d’évaporation Vévap. est définie comme la quantité d’eau qui disparaît, rapportée à
la surface de séchage et au temps écoulé.

Vévap. = ∆M en g/(j.m2) (I.15)


∆t Sséchage

avec ∆M = masse eau perdue entre t1 et t2 en g


∆t = t2 – t1 = temps entre deux pesées en jours (j)
Sséchage = surface de séchage (en m2)

Le mécanisme du séchage [WHITAKER, 77] [DERDOUR, 98]

Initialement, le matériau contient une quantité d’eau homogène dans toute la


géométrie de l'échantillon. Deux zones peuvent être définies dans le matériau : une zone
diffusionnelle et une zone à teneur en eau initiale.
La zone diffusionnelle, située à la surface du matériau, permet la remontée d’eau
liquide par capillarité, sa vaporisation et son évacuation vers le milieu extérieur. La zone à
teneur en eau initiale se situe, quant à elle, dans la partie la plus éloignée de la surface. Elle
alimente la zone diffusionnelle par effets capillaires, jouant le rôle de réservoir.
Lorsque le matériau sèche, il se produit une migration de l’eau vers la « zone
diffusionnelle ». Cette eau s’évapore et il est nécessaire d’alimenter la surface pour maintenir
l'équilibre hydrique. Tant que le matériau contient suffisamment d’eau pour alimenter la
« zone diffusionnelle », la vitesse de séchage reste constante.
A partir d’une teneur en eau dite critique, l’eau liquide ne peut plus rejoindre la
surface. Un gradient de teneur en eau se développe et la vitesse de séchage décroît. Cette
dernière est gouvernée par la diffusion de vapeur. Une zone sèche apparaît en surface du

- 52 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

matériau, la zone diffusionnelle s’éloigne de la surface en gardant quasiment la même


épaisseur et la zone à teneur en eau initiale décroît, jusqu’à disparaître à la fin du séchage.

2.1.3.2 Résultats expérimentaux

Lors de l’étude du séchage deux aspects doivent être pris en compte : l’état final du
matériau et la cinétique du phénomène. L’état final du matériau, c’est-à-dire lorsqu’il est en
équilibre avec le milieu extérieur, dépend principalement des conditions thermodynamiques
extérieures et de la microstructure du matériau. La cinétique de séchage dépend quant à elle
non seulement des conditions extérieures mais également de la géométrie du matériau, de la
surface de séchage, de la porosité.

Composition des liants T70 et Tradichanvre à l’état initial et final

Des mesures réalisées à l’aide d’un air-mètre sur du T70 ont mis en évidence une forte
présence d’air au moment de la fabrication (phase fluide). On obtient expérimentalement une
porosité initiale autour de 14 % pour les masses volumiques de liant voisines de 1450 kg/m3.

20%

15%
Porosité

10%

5%

0%
1430 1440 1450 1460 1470

ρ (kg/m ) 3

Fig.I. 17 : Porosité du liant T70 à l’état frais mesurée à l’air-mètre

La composition finale du liant pur est calculée par une approche simplifiée. La masse
volumique des grains de liant ρgrains_liant est prise égale à 2700 kg/m3. Cette valeur correspond
à une phase minérale classique. Elle est vérifiée à partir des mesures à l’air-mètre, en
remontant aux valeurs de la masse volumique de la poudre. De plus, les variations de volume
des échantillons sont négligées car elles sont du même ordre de grandeur que la précision de
la mesure géométrique (Fig.I.18). Ceci revient à considérer que le volume d’eau évaporée est
intégralement remplacé par de l’air.
Des essais de retrait libre ont été réalisés sur des échantillons de béton de chanvre de
formulation A4-1 (19 % de liant en volume). On a suivi l’évolution du déplacement axial et

- 53 -
du déplacement radial sur des éprouvettes cylindriques 16 x 32. On mesure une contraction
radiale de l’ordre de 7 mm/m et un tassement de l’ordre de 16 mm/m.

1800

1600
AXIAL
1400

1200
ε (x1e5)

1000
RADIAL
800

600

400
A4 - 1 / 19 %
200

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
jours

Fig.I. 18 : Déformations axiales et radiales lors du séchage de A4-1 [CEREZO, 00]

On obtient par calcul une proportion finale d'air de l’ordre de 45 % à T = 20°C et


HR = 50 %. Après séchage en étuve à T = 60°C pendant 7 jours consécutifs, cette proportion
dépasse les 50 % (Fig.I.19). L’écart entre ces deux mesures correspond au phénomène de
sorption-désorption. La quantité d'eau résiduelle après séchage (≈ 15 % en volume)
correspond à l'eau liée dans le matériau.

Le liant Tradichanvre est constitué de chaux hydraulique, de chaux aérienne et de


sable. Les mêmes hypothèses de calculs sont faites :
− ρgrains_liant = 2700 kg/m3 (ρsable = 2650 kg/m3)
− pas de variation du volume total
A l’état frais, le Tradichanvre présente une masse volumique moyenne ρ de
1750 kg/m3 soit une proportion initiale d'air de 7 %. A T = 20°C et HR ambiant = 40 %, on
obtient ρ ≈ 1400 kg/m3 soit une proportion d'air de l’ordre de 42 %. Après séchage en étuve,
cette proportion atteint 48 % (Fig.I. 20).

- 54 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Liant frais HR = 40% (ambiant)

M (kg) V (m3) M (kg) V (m3)


925 grains liant 0,344 925 grains liant 0,344

205 eau 0,205


525 eau 0,525

0 air 0,451
0 air 0,131
1450 1,000 1130 1,000

HR = 0%

M (kg) V (m3)
925 grains liant 0,344

150 eau 0,150

0 air 0,506

1075 1,000
Fig.I. 19 : Composition massique et volumique du T70 à l’état frais et après séchage
à l’air ambiant (HR = 40 %) et à HR = 0 %.

Liant frais HR = 40% (ambiant)

M (kg) V (m3) M (kg) V (m3)

1300 grains liant 0,483 1300 grains liant 0,483

98 eau 0,098
447 eau 0,447
0 air 0,419
0 air 0,070
1747 1,000 1398 1,000

HR = 0%

M (kg) V (m3)

1300 grains liant 0,483

40 eau 0,040

0 air 0,477

1340 1,000
Fig.I. 20 : Composition massique et volumique du Tradichanvre à l’état frais et après séchage à l’air
ambiant HR = 40 % et à HR = 0 %.

- 55 -
Conditions de réalisation des essais

La cinétique de séchage des liants a été étudiée sur 65 échantillons, conservés dans des
moules cylindriques en carton étanche de 11 cm de diamètre et 22 cm de hauteur et stockés
dans une salle maintenue à T = 20°C et HR = 50 %. Le séchage s’effectue uniquement par la
face supérieure des éprouvettes, mesurant 100 cm2. Les pesées sont réalisées en préambule
des essais de caractérisation mécanique. On obtient ainsi les variations de masse des liants,
pour diverses échéances comprises entre 7 jours et 24 mois.

Courbes expérimentales de séchage

La cinétique du séchage des deux liants est étudiée au travers de quatre courbes,
représentant :
- le pourcentage de pertes massiques en fonction du temps (Fig.I.21)
- la teneur en eau massique ω en fonction du temps (Fig.I.22)
- la vitesse d’évaporation en fonction du temps (Fig.I.23)
- la vitesse d’évaporation en fonction de la teneur en eau massique (Fig.I.24)
Ces courbes permettent de définir les périodes durant laquelle les vitesses de séchage sont
constantes et les teneurs en eau critique pour chaque liant.

25

Liant T70
Liant Tradichanvre
20
% pertes massiques

15

10

0
0 5 10 MOIS 15 20 25

Fig.I. 21 : Pourcentage massique de pertes du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps

- 56 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

35%

30%
Liant T70
25% Liant Tradichanvre

20%
ω (%)

15%

10%

5%

0%
0 5 10 Mois 15 20 25
Fig.I. 22 : Teneur massique en eau ω du T70 et du Tradichanvre en fonction du temps

600

500

400 PERIODE OU LA Liant T70


Vévap (g/(j.m²)) .

VITESSE Liant Tradichanvre


D'EVAPORATION EST
300 CONSTANTE

200

100

0
0 5 10 MOIS 15 20 25

Fig.I. 23 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction du temps

- 57 -
600

500 Liant T70


Liant Tradichanvre
Vévap. (g/(j.m²))

400

300 TENEUR EN EAU


CRITIQUE

200

100

0
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35%
ω (%)
Fig.I. 24 : Vitesse d’évaporation de l’eau en fonction de la teneur en eau ω du matériau

Interprétation des résultats

Les courbes correspondant au séchage des deux liants montrent un découpage


temporel en quatre étapes au cours desquelles la cinétique du phénomène varie.
La première étape dure 1 mois environ pour chacun des deux liants. Elle correspond à
une perte d’eau importante dans le matériau, avec une vitesse d’évaporation très élevée. Les
teneurs en eau ω sont initialement de 37 % pour le T70 et de 36 % pour le Tradichanvre. Les
teneurs en eau ω au bout d’un mois sont de 26 % pour le T70 et de 19 % pour le
Tradichanvre. En calculant le volume d’eau correspondant à ces variations de teneurs en eau,
on trouve que les deux liants ont perdu un volume d’eau équivalent, de l’ordre de 0,11 m3
d’eau par m3 de liant frais.
La deuxième étape correspond à la période de séchage à vitesse Vévap constante. Cette
phase correspond au transfert interne d’humidité vers la surface par effets capillaires. Elle
s’étend de 1 à 4 mois pour le Tradichanvre et de 1 à 9 mois pour le T70. Cette différence
s’explique par une quantité d’eau initiale plus importante dans le T70 par rapport au
Tradichanvre, qui possède donc une réserve plus faible pour alimenter la surface en eau. Les
conditions externes (géométrie, surface de séchage) jouent un rôle prépondérant au cours de

- 58 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

cette étape. Les deux vitesses Vévap obtenues, sont très proches, ce qui s’explique par des
conditions hydriques externes identiques pour les deux liants.
La troisième étape s’étend de 4 à 15 mois pour le Tradichanvre et de 9 à 24 mois pour
le T70. Le cœur du matériau ne contient plus assez d’eau pour compenser les pertes de surface
et la vitesse Vévap décroît lentement. Cette étape est plus courte pour le Tradichanvre car la
quantité d’eau disponible est plus faible que pour le T70.
La dernière étape correspond à un état d’équilibre hydrique du liant dans des
conditions thermodynamiques ambiantes. On peut considérer que le séchage des échantillons
est terminé au bout de deux ans.

2.1.4. Propriétés mécaniques du liant pur

Les deux liants présentent un comportement à la rupture de type fragile. Pour chaque
échéance, des essais de compression monotone et cyclique sont réalisés pour obtenir les
valeurs de σmax (maximum de contrainte supporté par le matériau), E (module d’Young), ν
(coefficient de Poisson), εσmax (déformation au niveau du maximum de contrainte). Ces
paramètres sont définis précisément dans le chapitre consacré au comportement mécanique du
béton de chanvre.

3
σmax
2,5

2
DISCONTINUITE DUE A
σ (MPa)

LA MICRO-
1,5 FISSURATION

0,5
εσmax
E

0
0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012 0,014 0,016
ε axial

Fig.I. 25 : Micro-fissuration du Tradichanvre

- 59 -
Au cours d’un essai de compression monotone, des discontinuités associées au
développement de micro-fissurations sont observables en amont du maximum de contraintes
admissibles (Fig.I. 25). La détermination du module d’Young E des liants sera donc faite pour
des déformations de l’ordre de 0,4 % de façon à toujours se positionner avant l’apparition des
discontinuités dans la monotonie de la courbe. Cette micro-fissuration est systématique sur le
Tradichanvre compte tenu de la forte présence de sable dans les échantillons. En revanche, ce
comportement est peu observable sur le T70.
De plus, le comportement du liant est évolutif avec une hydratation progressive de la
chaux lors de la prise, qui permet une amélioration progressive de la résistance mécanique
(σmax) et de la rigidité du matériau (E), et une réduction de la déformation à la rupture (εσmax).
L’absence de résultats sur la durée de prise de ces liants a nécessité la mise en place d’un
suivi temporel des caractéristiques mécaniques (Fig.I. 26 et Fig.I. 27). Les essais sur le T70
montrent que la prise n’est pas tout à fait terminée à 15 mois. Des essais supplémentaires sont
en cours afin de confirmer l’hypothèse selon laquelle le niveau final de caractéristiques est
proche. Les essais sur Tradichanvre montrent deux paliers dans l’évolution des
caractéristiques avec une stabilisation vers 3 mois et une autre vers 6 mois. Le niveau final de
performances semble atteint.

15 mois
5
12 mois
6 mois

4
2 mois 14 jours
TEMPS
σ (MPa)

0
0 0,005 0,01
εaxial 0,015 0,02

Fig.I. 26 : Essais de compression sur liant T70 pur entre 14 jours et 15 mois

- 60 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

3,5

9 mois
3

12 mois
2,5
6 mois
TEMPS 1 mois

2
σ (MPa)

4 mois
3 mois

1,5

0,5

0
0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012 0,014 0,016 0,018 0,02
ε axial

Fig.I. 27 : Essais de compression sur liant Tradichanvre pur sur 1 an

Enfin, les caractéristiques mécaniques maximales atteintes dans le laps de temps de


l’étude sont relativement faibles comparées à celles d’autres matériaux du génie civil. Ceci
laisse donc déjà présager du fait que le béton de chanvre sera difficilement utilisable en tant
que matériau porteur (Tab.I. 11).

σmax (MPa) εσ max (m/m) E (GPa)


-4
T70 5 100.10 0,5
-4
Tradichanvre 3 100.10 0,3
-4
Mortier de ciment 10 5.10 20
Tab.I. 11 : Comparaison des caractéristiques mécaniques de matériaux de génie civil

Les essais de compression réalisés sur le liant pur ont permis de mettre en évidence
des résistances mécaniques modérées en comparaison de celles des autres liants. En revanche,
les niveaux de déformations supportés sont plus importants, ce qui devrait permettre au liant
de mieux s’adapter à la compressibilité du granulat végétal que ne le ferait un liant comme le
ciment par exemple.

2.1.5. Propriétés thermiques

Des mesures de conductivité thermique λ ont été effectuées sur du liant T70
préalablement séché à l’étuve à T = 60°C. Les résultats montrent que ce liant est un
conducteur moyen par rapport aux autres matériaux du génie civil. Pour des valeurs de masse

- 61 -
volumique ρ = 1050 kg/m3, on mesure des conductivités λ = 0,24 W/(m.K). Des essais
identiques menés sur du Tradichanvre par [SAMRI, 04], donnent une conductivité
λ = 0,28 W/(m.K) pour ρ = 1400 kg/m3.

2.1.6. Propriétés acoustiques

Le liant T70 possède une porosité non négligeable une fois la prise terminée
puisqu’elle avoisine les 44 %. Des mesures du coefficient d’absorption α sont réalisées dans
la gamme de fréquences 100 à 2000 Hz à l’aide d’un tube à ondes stationnaires (tube de
Kundt). Les valeurs obtenues sont de l’ordre de 0,25 c’est-à-dire que 25 % du son environ est
absorbé par les échantillons de liant pur. Ces faibles niveaux de performances peuvent
s’expliquer par une perméabilité peu élevée du liant. Le réseau poreux est constitué de micro-
bulles d’air occlus à la manière de celui du béton cellulaire. Les ondes sont donc réfléchies sur
la surface peu perméable des échantillons et ne peuvent pas pénétrer dans le matériau pour
s’amortir. Le liant Tradichanvre a un coefficient d’absorption α variant entre 0,15 et 0,20.
Ceci pourrait s’expliquer par la présence de sable dans le mélange qui rendrait le
Tradichanvre plus imperméable que le T70.

0,45

0,40

0,35

0,30

0,25
α

0,20
Siporex (5cm)
0,15 T70 - 10 cm
T70 - 20 cm
Tradichanvre - 10 cm
0,10
Plâtre
Briques
0,05

0,00
125 250 500 1000 2000
Hertz

Fig.I. 28 : Comparaison des coefficients d’absorption de différents matériaux de construction

- 62 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

2.2. Les particules de chanvre

2.2.1. Historique sur le chanvre

Le chanvre ou « Cannabis Sativae » est une plante annuelle et herbacée de la famille


des Cannabinacées, utilisée depuis plus de 6000 ans. Elle était en particulier très prisée pour la
qualité de ses fibres. Sa production a fortement varié dans les siècles précédents. Au XVIIIème
siècle, la surface cultivée avoisinait les 180 000 hectares et les utilisations allaient du textile à
la papeterie en passant par la toile ou les cordages. Cette surface a diminué peu à peu compte
tenu de la concurrence de nouveaux matériaux comme le coton ou plus tard les fibres
synthétiques. Elle est tombée à quelques dizaines d’hectares dans les années soixante avant de
connaître un certain renouveau dans les années soixante dix. Actuellement, les subventions
européennes attribuées dans le cadre de la valorisation de certains produits issus de l’éco-
culture ont permis de développer plusieurs zones de production parmi lesquelles celle située
dans l’Aube, qui a fourni les granulats végétaux utilisés dans cette étude. La surface cultivée
annuellement en France est de l’ordre de 8000 ha.

2.2.2. Processus d’obtention des granulats végétaux

La plante de Cannabis est constituée en deux parties : les graines, la tige. Les graines
ou chènevis sont utilisées dans l’alimentation animale, dans la fabrication d’huile siccative
destinées aux peintures ou pour des produits pharmaceutiques.

EPIDERME

CORTEX

BOIS

MOELLE

Fig.I. 29 : Photographie en microscopie électronique à balayage d’une coupe transversale


de tige de chanvre [GARCIA-JALDON, 95]

- 63 -
La tige quant à elle se décompose en quatre zones [GARCIA-JALDON, 95] :
- l’épiderme : couche de cellules à paroi cellulosique
- le cortex : zone contenant les fibres corticales regroupées en faisceaux servant
à la fabrication des fibres de chanvre
- le bois ou xylème : cellules du parenchyme, fibres et vaisseaux conducteurs
assurant la conduction de la sève montante et servant à la fabrication des
granulats végétaux
- la moelle :parenchyme médullaire
Le bois est utilisé pour la fabrication des particules végétales de chanvre.
Historiquement, ces dernières étaient un simple sous-produit de la fibre de chanvre alors que
maintenant elles sont considérées comme un élément essentiel de la plante.

Le processus d’obtention des particules végétales se décompose en trois étapes :


- cueillette et séchage des plants de cannabis
- teillage et défibrage mécanique de la tige pour séparer les fibres corticales
(filasses) et le bois
- traitement du bois pour obtenir les particules végétales : dépoussiérage,
séchage, calibrage et découpe de la tige
Par le passé, le « nettoyage » des fibres de chanvre se faisait par rouissage soit
directement sur les champs où la plante était cultivée, soit dans l’eau. Des micro-organismes
naturels (enzymes) dégradaient les composés entourant les fibres (pectines) afin de libérer ces
dernières des impuretés. Cependant, le rouissage en extérieur ou dans des étangs pose des
problèmes de rentabilité et de pollution. En effet, dans le cas du rouissage sur champ, les tiges
sont laissées sur place et elles sont dégradées sous l’effet des intempéries. L’efficacité du
procédé est donc soumise à l’aléa climatique. Le contrôle de l’état d’avancement est
exclusivement empirique et nécessite une attention constante. Pour ce qui est du rouissage
dans l’eau, le procédé consiste en une immersion pendant plusieurs jours des tiges dans des
bassins, souvent des étangs voire des cours d’eau. Or, la dégradation du chanvre génère des
effluents qui posent un réel problème d’environnement en détériorant la qualité du milieu
aquatique. Les industriels se sont alors tournés vers des solutions chimiques avec plus ou
moins de succès. Récemment, un brevet a été déposé par Sharma mettant en œuvre des
composés modérément agressifs comme l’EDTA (ethylènediaminetétraacétate).
Puis, le défibrage mécanique est réalisé sur une chaîne de production, qui permet la
découpe et le calibrage des particules de manière industrielle. On obtient ainsi les particules

- 64 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

de chanvre. Pour la suite du document, le terme de bois désignera la partie végétale de la


particule et celui de chènevotte fera référence aux particules de chanvre en vrac.

Les particules végétales ainsi obtenues sont des matières naturelles au même titre que
les granulats de bois. Elles possèdent donc une certaine variabilité de leurs propriétés en
fonction du lieu de production, de la nature de la plante (variété) et du processus de
fabrication. A titre d’exemple, l’utilisation d’un défibrage mécanique au lieu d’un séjour dans
l’eau a nettement amélioré les qualités de ce produit.
Dans le cadre de ce travail, les particules de chanvre proviennent d’une source unique,
la Chanvrière de l’Aube (chaîne de production et de transformation identique) et d’une variété
de plante de chanvre unique – le cannabis sativae – dont la culture est la seule autorisée en
France compte tenu de son faible taux de tétrahydrocannabinol (substance psychotrope).

2.2.3. Caractéristiques physiques des particules végétales

Les particules végétales ont une forme géométrique du type parallélépipédique. Elles
ont pour dimensions moyennes 2*0,5*0,2 cm3. Une analyse de la granulométrie d’un
échantillon de chènevotte (particules en vrac) montre une répartition serrée de la taille des
particules.

100%

90%

80%
% tamisats cumulés

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
0,01 0,1 Maille tamis (mm) 1 10

Fig.I. 30 : Courbe granulométrique du chanvre en vrac utilisé dans les formulations

Ces particules étant d’origine végétale, elles présentent une forte porosité due aux
nombreux capillaires présents dans leur structure interne qui permettent à la sève de circuler
tout le long de la tige (Fig.I.31). La photo d’une particule a été grossie 200 fois au microscope

- 65 -
à balayage électronique pour visualiser ces capillaires. Elle montre la structure tubulaire de la
particule qui peut se modéliser comme un assemblage de cylindres creux accolés les uns aux
autres. Ceci explique la légèreté des particules avec ρpc = 320 kg/m3. La taille des pores dans
la particule est également évaluée sur cette photo. Leur diamètre varie entre 10 et 40 µm.
De plus, des mesures ont montré que la masse volumique de la chènevotte se situe aux
alentours de 130 kg/m3, ce qui signifie que l’arrangement est peu dense. Pour la suite de
l’étude, on pose les trois définitions suivantes. L’air inter-particules représente le volume d’air
situé entre les granulats végétaux et l’air intra-particule est l’air contenu dans la particule
végétale. Le bois fait référence à la partie végétale de la particule.

100 µm

Fig.I. 31 : Grossissement au microscope à balayage électronique


d’une particule de chanvre [GARCIA-JALDON, 95]

Les diagrammes (Fig.I. 32) indiquent la composition massique et volumique d’une


particule et de la chènevotte. On peut noter la part prépondérante occupée par l’air. Une
particule contient environ 78 % d’air en volume. Dans la chènevotte, l’air représente 92 % du
volume total occupé avec une répartition 1/3 – 2/3 entre air intra-particule et inter-particules.

- 66 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Particule végétale Chénevotte

M (kg) V (m3) M (kg) V (m3)

air inter-
air intra- 0 0,594
0 0,784 particules
particule
130 bois 0,088
air intra-
320 bois 0,216 0 0,318
particule
320 1,000 130 1,000
Fig.I. 32 : Composition massique et volumique d’une particule et de la chènevotte

La présence des capillaires et leur taille


lle vont permettre
permettre d’expliquer deux
caractéristiques essentielles des particules de chanvre du point de vue comportemental :
- pouvoir absorbant élevé
- compressibilité du granulat

2.2.4. Sensibilité à l’eau de la particule végétale

En premier lieu, les particules étant fortement poreuses comme l’ensemble des
granulats légers, il se pose la question de leur comportement vis à vis de l’eau. Connaissant la
taille des capillaires de la particule végétale, on applique les relations (I.4) et (I.5), puis on
calcule de manière théorique, la hauteur de remontées capillaires en fonction du diamètre des
capillaires et de l’angle de mouillage du liquide sur la surface (Fig.I. 33).

3,0

2,50-3,00
2,00-2,50
2,5 1,50-2,00
1,00-1,50
0,50-1,00
0,00-0,50
2,0

1,5
Hauteur remontées
capillaires (m)
1,0

0,5

0,0
40
34
28

0 26 37 46
22

53 60 66
16

73 78 84 90
10

Diamètre capillaire (µm)


Angle mouillage (°)

Fig.I. 33 : Hauteur de remontées capillaires dans les particules

- 67 -
Le graphique ci-dessus permet de voir que les hauteurs de remontées capillaires sont
supérieures à la taille caractéristique des particules (de l’ordre du centimètre). L’eau va donc
saturer les particules végétales et la cinétique du phénomène sera rapide.
Pour confirmer ces hypothèses, deux séries de mesures distinctes ont été réalisées,
l’une en 1998 [COUEDEL, 98] et l’autre en 2003 afin d’évaluer la reprise en eau liquide des
particules végétales. Le but était de déterminer le taux de saturation du volume de vides de la
particule et d’avoir un ordre d’idée de la cinétique du phénomène de reprise en eau. Pour cela,
des granulats végétaux entièrement séchés à T = 80°C pendant deux jours sont immergés dans
de l’eau, et le gain de masse en fonction du temps est mesuré. A partir de ces valeurs brutes,
on calcule le pourcentage de gain massique comme étant le gain de masse divisé par la masse
sèche de particules végétales.
M(t) - M 0 (I.16)
Gain massique % = × 100
M0
avec M(t) :masse de l’échantillon à l’instant t
M(t0) :masse sèche de chanvre
On calcule également le taux de saturation Sr des granulats et on obtient les graphiques
suivants :

250% 100%
Gain massique (%)

200% 80%
Sr (%)

150% 60%
Cerezo - 2003
100% Couedel - 1998 40%

50% 20%
minutes minutes
0% 0%
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10

Fig.I. 34 : Gain massique et taux de saturation Sr pour des particules de chanvre sec
([COUEDEL, 98] et CEREZO)

Les deux séries de mesures donnent des résultats cohérents et des valeurs élevées de
gain massique et de taux de saturation. On conclut donc à un fort pouvoir absorbant de la
chènevotte vis à vis de l’eau liquide.
De plus, les granulats sont quasiment saturés au bout de quelques minutes puisque la
quantité d’eau liquide absorbée par les particules sèches est presque équivalente au volume
théorique de vides contenus dans le granulat séché (Sr > 95 % au delà de 5 minutes). Des
pesées ont également été faites au bout d’une heure et la masse des échantillons ne variaient
plus entre 10 minutes et 60 minutes. Concernant la cinétique de ce phénomène de reprise en
eau, on peut considérer que les granulats sont en état de quasi-saturation au-delà de 5 minutes

- 68 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

d’immersion. Cette conclusion prend son importance lorsque seront abordés les problèmes de
formulation et de mise en œuvre du béton de chanvre à la fin de ce chapitre (§ 2.3.4.1). Il faut
noter que les calculs de Sr et de gains massiques sont réalisés en négligeant la fine pellicule
d’eau présente à la surface des granulats et les ménisques d’eau entre deux granulats
consécutifs. Les granulats ont été légèrement secoués pour limiter l’existence de ces
ménisques et pouvoir négliger leur présence dans les calculs. Ainsi, les mesures permettent
d’avoir un ordre de grandeur correct de la cinétique du phénomène.
La sensibilité à l’eau liquide des particules végétales amène à se poser la question du
comportement des granulats vis à vis de la vapeur d’eau présente dans l’air en quantité
variable selon l'hygrométrie du milieu extérieur. Les isothermes de sorption et désorption à
T = 20°C ont donc été déterminées par [GARNIER, 00].

40%

35%

30% isotherme de sorption,


teneur en eau minimale
25% isotherme de désorption,
teneur en eau maximale
ω (%)

20%

15%

10%

5%

0%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Humidité relative HR (%)

Fig.I. 35 :Isothermes de sorption et désorption des particules de chanvre à T=20°C [GARNIER, 00]

En se basant sur ces courbes expérimentales, on constate des valeurs de teneur en eau
massique non négligeables pour des ambiances de HR supérieur à 50 %. Elles dépassent 10 %.
Cette eau devra donc être prise en compte notamment dans le cadre de l’étude des propriétés
thermiques, puisque l’eau est un excellent conducteur de chaleur. Le fait de ne considérer que
la conductivité sèche λsec des matériaux représente une grosse approximation, peu réaliste
dans le cas des matériaux à base de particules végétales.

- 69 -
2.2.5. Comportement en compression des particules

Les particules végétales possèdent une forte cohésion intergranulaire à sec. Des
éprouvettes cylindriques (320 mm de haut et 160 mm de diamètre) contenant uniquement des
particules sèches légèrement compactées ont ainsi pu être testées dans le cadre de cette étude
(Fig.I.36). Des chargements monotones et cycliques d’amplitude croissante ont été imposés
aux échantillons. Les courbes représentant la force appliquée en fonction de ∆h/h0 sont tracées
et se superposent parfaitement pour les deux types de sollicitations, montrant la parfaite
reproductibilité de ce type d’essai. On a ∆h = h0 – h(t) avec h0 représentant la hauteur initiale
de l’échantillon (m) et h(t) la hauteur de l’éprouvette au fur et à mesure de l’essai (m).

Fig.I. 36 : Éprouvette de chanvre en vrac testée en mécanique

Le graphique ci-dessous montre la grande compressibilité des particules en vrac.


L’échantillon passe d’une hauteur de 320 mm à moins de 85 mm à la fin de l’essai, sans
parvenir à la rupture (∆h/h0 = 75 %). Les particules s’écrasent petit à petit et la masse
volumique des échantillons passe de 130 kg/m3 à plus de 330 kg/m3. L’écrasement des
granulats est confirmé par les valeurs de masses volumiques. En effet, lorsque ∆h/h0 devient
supérieur à 60 %, la masse volumique de l’échantillon devient supérieure à la masse
volumique d’une particule. On constate également une rigidification de l’échantillon traduite
par une augmentation régulière de l’inclinaison de la courbe. Au début de l’essai, la pente

- 70 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

vaut 0,25 MPa environ et à la fin de l’essai elle est de l’ordre de 4,5 MPa soit une
multiplication par 18 de la valeur.
De plus, les cycles de charge-décharge font apparaître des boucles d’hystérésis dont la
surface augmente à chaque cycle. Le chemin de décharge est curviligne, ce qui pourrait
s’expliquer par un retard de réponse de l’échantillon dû à la viscosité de l’air, qui circule
difficilement dans et entre les particules. En revanche, le chemin de charge est linéaire et la
pente de la courbe de chargement augmente à chaque cycle, indiquant un raidissement du
matériau sous l’effet de la compression.

30

h0 = 320 mm
25
h = 256 mm

20 h = 192 mm
Force (kN)

h = 128 mm

15

10

0
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%
∆h / h0 (%)

Fig.I. 37 : Essais de compression simple et de compression cyclique sur chanvre sec

La figure I.38 permet de comprendre le comportement de l’empilement de granulats


végétaux lors de l’essai de compression cyclique.
Le dessin 1 correspond à l’empilement initial des granulats en vrac.
Le dessin 2 montre un écrasement des granulats sous l’effet d’une contrainte de
compression simple ainsi qu’un réarrangement des particules. Les granulats ont tendance à
« s’imbriquer les uns dans les autres ».
Le dessin 3 indique les effets de la décompression sur le matériau. Les particules
retrouvent un volume inférieur à leur volume initial car elles subissent des déformations
irreversibles. Les frottements entre les particules empêchent celles-ci de reprendre leur
position initiale dans l’empilement. Le nouvel arrangement granulaire contient moins d’air
inter-particules par rapport à l’état initial, ce qui explique que le volume total de l’échantillon

- 71 -
diminue. Les granulats se « coincent » peu à peu, expliquant un raidissement global de la
structure.
Ce nouvel empilement subit alors un cycle de rechargement, qui va agir
simultanément sur l’élasticité des particules et sur celle de l’arrangement granulaire dans cette
nouvelle configuration (pente linéaire de la charge).

Fig.I. 38 : Schématisation du comportement du chanvre en vrac lors d’un essai cyclique de compression

2.2.6. Comportement thermique

La forte porosité du chanvre en vrac laisse présager d’une faible conductivité


thermique λ, qui explique l’emploi de ce matériau comme remplissage des murs en
remplacement d’autres produits isolants comme le polystyrène ou la vermiculite (Fig.I.39).
La conductivité du chanvre en vrac λc a été mesurée pour différentes masses
volumiques ρc (Tab.I. 12). On note l’excellente cohérence des mesures expérimentales
réalisées par [CORDIER, 99] à l’ENTPE et le CSTB (Centre Etude des Techniques du
Bâtiment), de manière indépendante.

Origine des 3 Mesures expérimentales Valeurs théoriques


ρc (kg/m )
mesures λc (W/(m.K)) λc (W/(m.K))
CSTB 110 0,048 0,047
ENTPE 155 0,058 0,057
Tab.I. 12 : Comparaison entre les valeurs expérimentales et théoriques de la conductivité thermique du
chanvre en vrac pour deux valeurs de masse volumique

- 72 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Fig.I. 39 : Le chanvre en vrac comme matériau de remplissage dans les planchers


et les murs (Mens – 2002)

On constate également l’influence de la masse volumique sur la variation de λc. Une


augmentation de 41 % de ρc entraîne une élévation de 20 % du λc, tout en restant dans une
gamme de valeurs inférieures à celle des matériaux de construction usuels (béton cellulaire,
bois…).
Une méthode théorique d’homogénéisation a ensuite permis de définir une loi
d’évolution de la conductivité en fonction de la masse volumique (Fig.I. 40) [CORDIER, 99].
On obtient ainsi la gamme de variations de la conductivité thermique pour une masse
volumique voisine de 130 kg/m3, valeur usuellement rencontrée pour du chanvre en vrac.

0,065

0,060
λ (W/(m.K))

0,055

0,050
Modèle
0,045 Expérience

0,040
100 120 140 160
ρ -3
chanvre en vrac (kg.m )

Fig.I. 40 : Conductivité thermique théorique du chanvre en vrac en fonction de sa masse volumique

- 73 -
2.3. Le béton de chanvre

2.3.1. Caractéristiques générales

Le béton de chanvre est un matériau composite obtenu en mélangeant un liant à base


de chaux, des particules végétales et de l’eau. Il présente des masses volumiques initiales
inférieures à 1000 kg/m3 et des masses volumiques sèches allant de 200 à 600 kg/m3, ce qui
est comparable aux valeurs rencontrées dans le cas du béton de bois ou du béton cellulaire.
Ce matériau présente une variabilité de structure en fonction de la formulation
employée, selon que l’un ou l’autre des constituants sera prépondérant dans le mélange.
Lorsque le dosage en liant est faible par rapport à celui en granulats végétaux, le matériau
peut être vu comme un assemblage de particules reliées entre elles par des ponts de liant.
Cette structure se rapproche de celle du chanvre en vrac (Fig.I. 41). Les propriétés de ce type
de matériau sont proches de celles de la particule, c’est-à-dire bon isolant thermique et faibles
caractéristiques mécaniques. Le béton de chanvre faiblement dosé en liant sera plutôt utilisé
comme matériau de remplissage des murs, le liant jouant le rôle de stabilisateur de la
structure. Il évite notamment les variations dimensionnelles de l’ensemble sous le poids
propre des particules (effets de tassement à long terme des matériaux de remplissage).

Fig.I. 41 : Béton de chanvre contenant une faible quantité de liant (formulation Toit1)

Lorsque le dosage en liant est fort, les particules sont noyées dans une matrice de liant
continue (Fig.I. 42). Le comportement du matériau se rapproche de celui du liant pur.

1
Les caractéristiques de cette formulation seront détaillées dans le § 2.3.4.4

- 74 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Fig.I. 42 : Béton de chanvre contenant une grande quantité de liant (formulation A3-2)

Entre ces deux dosages extrêmes, la structure du béton de chanvre s’apparente à celle
d’un empilement d’éléments, constitués d’une particule végétale entourée d’un mince film de
liant (Fig.I. 43). Les propriétés de ce type de matériau sont donc intermédiaires entre celles du
liant et celles des particules végétales.

Fig.I. 43 : Béton de chanvre avec un dosage en liant intermédiaire

2.3.2. Propriétés de ce matériau

Les propriétés sont étroitement liées à la structure et vont donc être assez variables.
Cependant, il est possible de donner quelques indications générales, afin de voir la gamme des
performances, dans laquelle le béton de chanvre se situe.
La résistance en compression et le module de rigidité sont globalement faibles
(plafonnées par les caractéristiques du liant) et ne permettent pas pour l’instant d’en faire un
matériau porteur. Actuellement, une solution avec structure porteuse en bois apparente ou
noyée est employée (Fig.I. 44).

- 75 -
Fig.I. 44 : Murs en briques préfabriquées avec structure porteuse en bois (Mens, Isère - 2002)

En thermique, la présence des granulats de chanvre améliore les performances en


isolation, la conductivité sèche du matériau final étant inférieure à 0,24 W/(m.K), qui
représente la conductivité du liant seul. De plus, la grande sensibilité à l’eau du matériau va
avoir un impact sur la conductivité thermique. Ce point sera détaillé dans le chapitre 3.
En acoustique, les premiers essais montrent des niveaux d’absorption supérieurs à
50 % pour des fréquences allant de 100 à 2000 Hz. Une étude plus précise exposée au
chapitre 4 complètera ces résultats.

2.3.3. Caractère évolutif des propriétés

La prise du liant s’étale sur plusieurs années (chaux aérienne) comme le montrent les
essais réalisés sur le T70 et le Tradichanvre. Cette prise lente se répercute sur les
caractéristiques du béton de chanvre qui varient dans le temps. Les essais de caractérisation
des propriétés mécaniques sont donc réalisés à des intervalles de trois mois en moyenne, pour
une période de conservation comprise entre 21 jours et 24 mois.

2.3.4. Fabrication des échantillons

Compte tenu du comportement des constituants du béton de chanvre, un protocole de


fabrication particulier a été mis en place afin de pouvoir réaliser des essais reproductibles et
représentatifs des caractéristiques réelles du matériau [COUEDEL, 98]. Les principales étapes
de la réflexion menée sur ces problèmes de mise en œuvre sont exposées ci-dessous.

- 76 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

2.3.4.1 Rôle de l’eau

L’eau introduite dans le mélange frais est divisée en deux parties, l’eau de pré-
mouillage et l’eau de gâchage. L’eau de pré-mouillage a pour rôle d’humidifier les granulats
poreux de façon à neutraliser leur fort pouvoir absorbant et éviter qu’ils ne perturbent par la
suite la prise du liant. L’eau de gâchage sert à l’hydratation de la chaux hydraulique contenue
dans le liant. Les composants sont introduits dans l’ordre suivant :
- chanvre
- eau de pré-mouillage des particules
- liant
- eau de gâchage
Ce choix de mise en œuvre présente un double avantage. Tout d’abord, les particules pré-
mouillées ne monopolisent pas l’eau utile à l’hydratation du liant et ne perturbent donc pas la
prise. Elles jouent également un rôle de réservoir en eau au cours de la prise. Ensuite, elles
deviennent moins sensibles à un écrasement potentiel lors du mélange avec le liant dans le
malaxeur, puisqu’elles sont remplies d’eau. En effet, les particules doivent conserver leur
volume initial donc leur porosité pour jouer un rôle du point de vue thermique et acoustique.

2.3.4.2 Mise en oeuvre du béton frais

Le mélange se fait dans un malaxeur à train valseur de 80 litres afin d’obtenir une
bonne homogénéisation des composants, sans les abîmer. Les durées des différentes étapes de
malaxage doivent être suffisamment longues pour permettre une bonne homogénéisation et
suffisamment courtes pour éviter de laisser trop d’eau s’évaporer dans l’air ambiant. On
distingue ainsi :

Temps (mn) But


malaxage des particules 2 mn séparer les particules et éviter la formation de
sèches petites pelotes végétales
ajout de l’eau de pré- 5 mn saturation des particules en eau
mouillage
ajout de la chaux et malaxage 2 mn
ajout de l’eau de gâchage et 5 mn hydratation du liant et amorce de la prise
mélange
Tab.I. 13 : Etapes de fabrication du béton de chanvre

2.3.4.3 Confection des éprouvettes

Le mélange à l’état frais contient une quantité importante de particules compressibles.


Les essais sur le mode de fabrication ont montré qu’il ne fallait pas compacter des couches

- 77 -
d’épaisseur supérieure à 8 cm car cela entraînait une perte d'homogénéité des échantillons sur
la hauteur de l’éprouvette. En effet, les frottements du matériau contre les parois du moule
sont importants et entraînent un tassement non homogène des couches trop épaisses de
matériau frais. De plus, dans un souci de reproductibilité, les échantillons sont tassés à l’aide
d’une presse electromécanique de type M.T.S. sous une contrainte de compactage de 0,05
MPa, ce qui correspond à une force de1 kN pour une surface de 200 cm2. Ceci permet
d’arranger les particules sans les endommager. Le processus de réalisation des éprouvettes
peut donc se résumer en trois étapes que l’on répète autant de fois que nécessaire pour remplir
les moules.
- Verser du béton de chanvre dans le moule sur une épaisseur de 7 à 8 cm
- Réarranger les granulats grossièrement à la main
- Compacter avec la presse MTS sous 0,05 MPa

Dans le cadre de cette thèse, plusieurs moules ont été utilisés selon le type d’essais à
réaliser. En ce qui concerne les aspects mécaniques, des moules cylindriques en carton sont
utilisés (hauteur 320 mm et diamètre 160 mm). En thermique, des dalles de 27 cm de côté et 5
cm d’épaisseur sont fabriquées. En acoustique, des prismes de hauteur 10, 20 et 30 cm et de
côté 8,5 cm sont utilisés. Ces différentes tailles d’échantillons sont liées aux dispositifs de
mesures (boîtes thermiques, tube de Kundt) dont les dimensions sont imposées. Toutefois, on
s’est attaché à chaque fois à ne pas choisir de moule de taille trop petite vis à vis de la taille
des hétérogénéités (i.e. les particules dont la taille caractéristique est de l’ordre du
centimètre). On a ainsi des échantillons représentatifs des propriétés globales du béton de
chanvre. L’utilisation du même procédé de fabrication, quel que soit le moule, permet de
travailler sur le même matériau (structure microscopique comparable).

Les éprouvettes testées en mécanique sont conservées dans leur moule dont le fond a
été retiré afin de reproduire les conditions de séchage symétriques, réellement rencontrées
dans un mur. En effet, une carotte de béton de chanvre séchant dans un mur est soumise à une
circulation d’air entre ses deux faces mais les surfaces latérales ne sont pas en contact avec le
milieu extérieur. En disposant les éprouvettes horizontalement sur des étagères, on se retrouve
dans une configuration identique avec les côtés isolés de l’ambiance extérieure.
En revanche, les dalles des mesures thermiques sont démoulées au bout de 24 heures
et elles sèchent ainsi jusqu’au moment des essais. La cinétique du phénomène de séchage n’a
guère d’importance dans ce cas, car la mesure porte sur la valeur finale de la conductivité
thermique (i.e. après prise du liant et après séchage de l’échantillon).

- 78 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

Pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de démouler les prismes testés en
acoustique comme cela a été fait en thermique. Ceux-ci sèchent donc dans leur moule, ce qui
ralentit le phénomène et décale d’autant les mesures expérimentales. En effet, il est
indispensable que les échantillons adhèrent parfaitement aux parois pour éviter les vides d’air
qui perturbent les mesures d’absorption au tube de Kundt. L’inconvénient inhérent à ce
dispositif de mesure concerne le rôle de la structure dans le comportement acoustique. On
mesurera l’absorption du béton de chanvre sur un support (le moule) infiniment rigide
(structure multicouche), au lieu de déterminer l’absorption du matériau seul.
Les différents essais effectués au cours des années précédentes ont montré qu’une
exposition à un air trop sec provoquait un séchage trop rapide de l’éprouvette empêchant le
liant de faire prise correctement. La surface durcissait (effet de peau) grâce à la carbonatation
et l’intérieur de l’échantillon perdait complètement sa cohésion (phénomène de farinage).
L’air plus sec contient moins de vapeur d’eau, qui véhicule le CO2 nécessaire à la
carbonatation de la chaux. La prise est donc interrompue. A l’inverse, des conditions de
conservation à HR = 100 % ont été testées. La prise durait alors beaucoup plus longtemps et
les moules en carton se dégradaient.

Finalement, les conditions de conservation suivantes ont été choisies :


- Température de 20°C
- Taux d’humidité relative HR de 50 %
Elles correspondent à une ambiance climatique naturelle et permettent de reproduire des
conditions réelles d’utilisation du matériau.

2.3.4.4 Formulations testées

Pour ce qui est du choix des formulations du béton de chanvre, la démarche se


décompose en deux étapes.
Dans un premier temps, les quantités d’eau de gâchage et de pré-mouillage à
introduire en fonction de la quantité de liant et de particules employées sont calculées de
manière théorique [COUEDEL, 98]. Puis, une large gamme de mélanges est déterminée en
modifiant les proportions de liant et de particules. A partir de deux formules nommées A3-1
et A4-1 servant de référence, on a fait varier la quantité de liant et d’eau de gâchage d’un
facteur k pouvant être 0,75 – 1,5 ou 2. Ceci signifie que l’on a multiplié la quantité de liant et
d’eau de gâchage par k tout en conservant constantes les quantités de particules et d’eau de
pré-mouillage. On obtient ainsi les différentes formulations A3-k et A4-k.

- 79 -
Composition massique (kg) Pourcentages massiques initiaux
Chanvre Liant A Eau Chanvre Liant A Eau
A4-1 110 190 335 17,3% 29,9% 52,8%
A4-1,5 110 285 370 14,4% 37,3% 48,4%
A3-0,75 110 198,75 342,7 16,9% 30,5% 52,6%
A3-1 110 265 368,6 14,8% 35,6% 49,6%
A3-1,5 110 397,5 420,4 11,9% 42,8% 45,3%
A3-2 110 530,8 472,2 9,9% 47,7% 42,4%
Tab.I. 14 : Formulations de béton de chanvre initiales

Dans un second temps, trois formulations nommées Toit, Mur et Dalle ont été plus
particulièrement choisies car les caractéristiques de ces matériaux répondaient à des demandes
précises sur les chantiers de construction. Le nom de chaque formulation indique l’usage qui
est fait du matériau dans le cadre d’une habitation. La formulation Toit contient une forte
proportion de chanvre et peu de liant. Elle sert à isoler thermiquement les toitures. Les
formulations Mur et Dalle contiennent une quantité de liant plus importante et possèdent donc
de meilleures caractéristiques mécaniques tout en conservant un bon pouvoir isolant. La
figure I.45 indique les compositions volumiques initiales et finales du béton de chanvre. Les
proportions des différentes phases confirment l’hypothèse initiale de l’existence de structures
différentes pour le béton de chanvre. Les compositions volumiques sont calculées en
considérant qu’il n’y a pas de variation globale de volume du béton au cours de la prise et du
séchage. On considère également que les particules sont quasiment saturées à l’état initial et
sèches à l’état final.
En plus du béton de chanvre, un enduit est fabriqué à partir des particules végétales et
du liant Tradichnavre. Une formulation contenant 51 % de liant en masse est donc testée dans
le cadre de cette étude.

Composition massique (kg) Pourcentages massiques initiaux


Chanvre T70 Eau Chanvre T70 Eau
Toit 110 108 221 25,1% 24,6% 50,3%
Mur 110 225 332 16,5% 33,7% 49,8%
Dalle 110 269 393 14,2% 34,8% 50,9%
Tab.I. 15 : Composition massique à l’état frais des trois bétons de chanvre commercialisés par la
Chanvrière de l’Aube

Composition massique (kg) Pourcentages massiques initiaux


Chanvre Tradichanvre Eau Chanvre Tradichanvre Eau
Enduit 110 732 491 8,3% 54,9% 36,8%
Tab.I. 16 : Composition de l’Enduit à base de Tradichanvre

- 80 -
CHAPITRE 1 : Eléments bibliographiques et caractérisation expérimentale des matériaux

100%
Air macroscopique
Air intra-liant
90%
Eau
Liant
80%
Air intra-particule
Eau particules
70%
Concentration volumique

Matière végétale
60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%

Toit A4-1 A3-0,75 Mur Dalle A3-1 A4-1,5 A3-1,5 A3-2 Enduit

100%
Air macroscopique
Air intra-liant
90%
Eau
Liant
80%
Air intra-particule
Eau particules
70%
Concentration volumique

Matière végétale

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%

Toit A4-1 A3-0,75 Mur Dalle A3-1 A4-1,5 A3-1,5 A3-2 Enduit

Fig.I. 45 : Composition volumique initiale (a) et finale (b) du béton de chanvre sous T = 20°C et HR = 50 %

- 81 -
3. CONCLUSION

Ce premier chapitre a dressé un bilan de connaissances sur le comportement des


bétons légers dans les trois domaines abordés dans cette thèse. On a ainsi pu constater le rôle
fondamental de la porosité φ et de la perméabilité Π dans le comportement du matériau. En
mécanique, la présence de bulles d’air a tendance à fragiliser le matériau et à limiter le niveau
de performances. En thermique et en acoustique, l’effet est plus mitigé. D’un côté, la présence
d’air diminue la proportion volumique de matière conduisant la chaleur mais il peut
également générer des transferts par convection dans certains cas. De l’autre côté,
l’augmentation de la porosité et de la perméabilité favorise l’absorption des sons mais permet
en même temps la transmission des ondes acoustiques non absorbées, car l’effet de masse
n’est plus suffisant. La compréhension des caractéristiques nécessite donc de tenir compte
simultanément du rôle de la porosité et de la perméabilité.
De plus, ce chapitre a mis en lumière les spécificités des constituants du béton de
chanvre et les précautions à prendre lors de la fabrication. La compressibilité des particules et
leur fort pouvoir absorbant sont les deux caractéristiques particulières, dont il faudra tenir
compte lors de l’étude des propriétés mécaniques. Le chapitre 2 va en particulier s’intéresser à
leur influence sur la prise du liant et sur le comportement mécanique du béton de chanvre.

- 82 -
CHAPITRE 2

COMPORTEMENT MECANIQUE
DU BETON DE CHANVRE

Le béton de chanvre présente des originalités qui nécessitent des études spécifiques,
que ce soit du point de vue de la fabrication ou de la caractérisation de son comportement
mécanique.
En premier lieu, les particules végétales peuvent interférer avec le processus de prise,
compte tenu de leur pouvoir absorbant. L’absence de point de repère sur les interactions
possibles entre le chanvre et la chaux, a nécessité de mener un travail expérimental
exploratoire pour répondre à ces interrogations.
En second lieu, la grande déformabilité des particules nous a amené à définir une
procédure de fabrication qui permette de garantir une bonne homogénéité des échantillons et
la répétabilité des mesures. De même, les caractéristiques non classiques dont la grande
déformabilité et le faible module nous ont conduit à mettre en place des essais reproductibles
adaptés au comportement du matériau.
En troisième lieu, le béton de chanvre possède une variabilité de sa microstructure,
liée à la formulation du matériau. Trois microstructures ont été isolées à la fin du chapitre 1.
Or, la microstructure influence directement le comportement mécanique. Cette étude va donc
tenter de mettre en relation ces structures avec des comportements types et des gammes de
performances.
Enfin, se rajoute à ces éléments la multiplicité des facteurs influençant les
caractéristiques mécaniques finales du matériau. On va s’intéresser en particulier à l’influence
de la formulation (dosage en liant et en particules) et du compactage.

Ce chapitre consacré aux aspects mécaniques se décompose en deux parties.


Dans un premier temps, une étude expérimentale permet de caractériser les
performances du béton de chanvre en fonction de la formulation, pour des durées de prise
variables. La cinétique du phénomène est évaluée ainsi que les niveaux de performances de ce
type de matériau. En particulier, le lien existant entre structure et comportement est explicité.
Dans un second temps, un modèle simple obtenu par homogénéisation autocohérente
est appliqué pour évaluer le module d’Young E de ce type de matériau. La modélisation se
limite aux propriétés élastiques du béton de chanvre pour des formulations et des niveaux de
compactages variables.

- 84 -
1. APPROCHE EXPERIMENTALE DU
COMPORTEMENT

1.1. Répétabilité dans la fabrication des échantillons

Les échantillons de béton de chanvre sont fabriqués en plusieurs gâchées. Une gâchée
contient 60 litres de matériau frais environ et permet d’obtenir entre 6 et 8 éprouvettes de
béton. Ce volume, inférieur au volume critique du malaxeur dont dispose le laboratoire, reste
suffisamment grand pour que le mélange préparé soit homogène après malaxage.
La répétabilité dans la fabrication des échantillons a été contrôlée par mesures des
masses volumiques des échantillons (Tab.II. 1). Un nombre d’éprouvette compris entre 12 et
29 a été fabriqué pour chaque formulation, ce qui représente un volume total de matériau
variant entre 100 et 200 litres de béton frais par formulation. La distribution des masses
volumiques pour chaque formulation est homogène avec des écarts types représentant un écart
relatif situé entre 1,5 % et 3,5 % par rapport à la masse volumique moyenne. On peut donc
considérer que les séries présentent une faible dispersion de leurs masses volumiques. Le
procédé de fabrication semble donc répétable et rend possible les comparaisons

3
Nombre ρinitial (kg/m ) ρfinal_moyen
3 3 3 3
d'échantillons ρmin (kg/m ) ρmax (kg/m ) ρmoyen (kg/m ) écart type (kg/m ) (kg/m )
3

Toit 29 439 488 455 11 256


A4-1 13 626 674 644 14 356
A3-0,75 13 644 705 676 24 385
Mur 26 634 697 672 17 391
Dalle 23 764 818 789 12 460
A3-1 18 762 805 783 17 456
A4-1,5 12 800 879 840 25 504
A3-1,5 18 868 950 920 24 609
A3-2 12 968 1078 1042 29 661
Enduit 14 1097 1178 1140 28 782

Tab.II. 1: Données statistiques sur les formulations de bétons de chanvre servant à l’étude des
caractéristiques mécaniques

De plus, des échantillons supplémentaires ont été fabriqués en faisant varier la


contrainte de compactage pour trois formulations particulières correspondant aux lignes
grisées du tableau II.1. Toutes les informations concernant les contraintes appliquées sont
fournies dans le tableau II.2.

- 85 -
Contraintes de compactage (MPa)
C1 C2 C3
A4-1 0,050 0,075 0,100
Mur 0,025 0,050 0,100
A4-1,5 0,025 0,040 0,050
Tab.II. 2 : Contraintes de compactage appliquées au béton de chanvre

3 3
ρinitial_moyen (kg/m ) ρfinal_moyen (kg/m )
3 3 3 3 3 3
ρc1 (kg/m ) ρc2 (kg/m ) ρc3 (kg/m ) ρc1 (kg/m ) ρc2 (kg/m ) ρc3 (kg/m )
A4-1 670 750 830 366 430 510
Mur 593 669 764 348 390 476
A4-1,5 737 811 840 437 469 490
Tab.II. 3 : Masses volumiques correspondantes aux contraintes de compactage

Compte tenu des faibles variations de masses volumiques des échantillons et du


processus de fabrication, on conclut à une bonne reproductibilité et une bonne répétabilité lors
de la mise en œuvre du matériau.

1.2. Considérations préliminaires

Le béton de chanvre présente un comportement atypique, pour lequel il a fallu adapter


les essais standards. En se basant sur les pratiques actuelles concernant la caractérisation des
matériaux, des grandeurs mécaniques pertinentes sont choisies dans le cas du béton de
chanvre. Les essais nécessaires à l’obtention de ces données sont décrits et le protocole de
mesures est défini ci-dessous.

1.2.1. Grandeurs caractéristiques

Les matériaux de constructions suivent des normes strictes quant à la détermination de


leurs caractéristiques. Les grandeurs mécaniques représentatives de leurs propriétés
généralement utilisées, sont :
- la résistance en compression (MPa) : contrainte maximale supportée par le
matériau avant rupture
- le module d’Young (MPa) : raideur du matériau
- la déformation à la rupture : déformation du matériau au niveau du
maximum de contrainte
- le coefficient de Poisson ν
Ces valeurs permettent alors de dimensionner les structures en fonctions des sollicitations
subies par le matériau. Elles sont mesurées à 28 jours pour du béton hydraulique car à cette
date, les échantillons ont atteint 95 % de leurs propriétés finales. Pour du béton cellulaire

- 86 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

autoclavé, les essais sont effectués après la période de cuisson en autoclave qui permet de
finaliser la prise de la pâte de béton cellulaire. En fait, selon la cinétique de prise, des temps
« caractéristiques spécifiques » sont définis afin d’avoir des mesures représentatives des
performances finales de chaque matériau. La détermination d’échéances de temps
représentatives des caractéristiques du béton de chanvre constitue un des objectifs du présent
mémoire.

1.2.2. Hypothèses

L’emploi de ces quatre paramètres mécaniques permet de réaliser un comparatif entre


les performances du béton de chanvre et celles d’autres matériaux comme le béton de bois ou
le béton cellulaire. Cependant, une vérification des hypothèses sous-jacentes à l’emploi de
grandeurs comme ε ou E (petites déformations, élasticité…) a été nécessaire, afin de juger de
leur validité dans le cas du béton de chanvre. De plus, le comportement rhéologique du
matériau étant assez différent, certains paramètres ont dû être adaptés.

1.2.2.1 Les petites déformations

Pour tout corps matériel se déplaçant dans l’espace, on peut définir un champ de
déplacements u dans un repère orthonormé fixe donné et un tenseur H = grad u. Le tenseur
de déformations ε représente la variation relative de mesures d’un solide (longueur, volume,
aire) par rapport à sa mesure d’origine. Il s’exprime de la manière suivante :

ε = 1 × (Η + tΗ + tΗ . Η ) (II.1)
2
Dans le cas de petites déformations, on néglige le terme en tH.H Les déformations
s’expriment alors sous la forme d’un tenseur linéaire en u.
Les premiers essais réalisés sur du béton de chanvre, ont montré des niveaux de
déformations avant rupture élevés par rapport aux autres matériaux du génie civil (variations
de hauteur des éprouvettes ∆h/h0 de l’ordre de 10-1 au niveau du maximum de contraintes
admissibles). On considérera que cette valeur est à la limite des petites déformations
géométriques (ce qui revient à négliger le terme tH.H). Cette simplification permet de définir
dans le cadre de cette étude, la déformation axiale εaxial = ∆h/h0.

- 87 -
1.2.2.2 L’élasticité linéaire orthotrope

Lors des essais mécaniques, le matériau est soumis à un champ de contraintes σ axial
(compression). L’éprouvette se déforme et ce champ de déformations ε est lié au champ des
contraintes σ appliquées sur le matériau. On observe sur la figure II.1 que le matériau répond
de manière instantanée à la sollicitation appliquée.
0,002

0,0018

0,0016

0,0014

0,0012
εaxial

0,001

0,0008

0,0006

0,0004

0,0002

0
0 10 20 30 40 50 60
Temps (s)

Fig.II. 1 : Déformations en fonction du temps lors d’un essais de compression cyclique (formule A4-1,5)

De plus, les cycles de charge et de décharge (Fig.II.2) correspondant à de petites


sollicitations (σaxial < 0,1 MPa) montrent des déformations résiduelles de l’ordre de 2*10-4.
Ces écarts sont négligeables compte tenu des caractéristiques du béton de chanvre. On
considère que pour σaxial < 0,1 MPa, le comportement est réversible. Le béton de chanvre
présente donc un comportement élastique en début d’essai.
Ensuite, une variation linéaire de la déformation en fonction de la contrainte est
observable sur les courbes lorsque σaxial < 0,08 MPa (i.e. εaxial < 0,0008). Le comportement est
donc linéaire dans cette zone.
Enfin, les éprouvettes de béton sont obtenues en compactant des couches de matériau
frais à l’aide d’une presse. Dans une couche, les particules et le liant sont répartis de manière
homogène d’où une isotropie dans la répartition des constituants. En revanche, le compactage
par couche crée une stratification du béton de chanvre et favorise une orientation des
particules dans le sens radial. Le matériau présente donc une orthotropie de révolution.
On considère donc que le béton de chanvre présente un comportement élastique
linéaire orthotrope dans la première phase des essais mécaniques. Par conséquent, on définit
le module d’élasticité E comme la pente à l’origine de la courbe σ = f(ε) et le coefficient de
Poisson ν comme le rapport entre la déformation radiale moyenne εradiale et la déformation

- 88 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

axiale εaxiale. Il faut noter qu’une phase de mise en place peut exister lors des essais
(cf. §.1.3.1). Dans ce cas, le module E correspond à la pente de la courbe après cette mise en
place.

0,50

0,45

0,40 Pentes de recharge


parallèles
0,35

0,30 pente de
chargement initial
σ (MPa)

0,25

0,20
6 mois
0,15 3 mois
21 jours
0,10

0,05

0,00
0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012
εaxial (m/m)

0,12

0,10 6 mois
3 mois
21 jours
0,08
σ (MPa)

0,06

0,04

0,02

0,00
0 0,0002 0,0004 0,0006 0,0008 0,001 0,0012 0,0014 0,0016 0,0018 0,002

εaxial (m/m)

Fig.II. 2 :Essais de compression cyclique pour la formulation A4-1,5

- 89 -
1.3. Préparation des essais

1.3.1. Surfaçage des échantillons

Les échantillons présentent des hétérogénéités en surface malgré le talochage soigné


effectué lors de la fabrication. Un surfaçage s’avère donc indispensable afin de garantir la
planéité des surfaces et l’application d’une sollicitation axiale homogène sur l’ensemble de la
surface. Lors des campagnes expérimentales, deux méthodes ont été employées
successivement (Fig.II. 3) :
- Surfaçage avec de la laine de chanvre
- Surfaçage par sciage

Fig.II. 3 : Surfaçage avec de la laine de chanvre (a) et par sciage (b)

1.3.1.1 Utilisation de la laine de chanvre

Dans un premier temps, de laine de chanvre fortement compressible a été positionnée


entre le plateau métallique de la presse et la face supérieure de l’échantillon (Fig.II. 3a).
Cependant, cette technique a rapidement été abandonnée car elle ne permettait pas une
véritable répartition homogène de la contrainte sur la surface de l’échantillon. Un pivotement
du plateau supérieur était observable, ce qui conduisait à une rupture par arrachement de la
couche supérieure de béton de chanvre. De plus, la présence de la laine induisait une phase de
mise en place plus ou moins longue selon l’état de surface de l’éprouvette (Fig. II.4), ce qui
compliquait la détermination du module E. Ces considérations justifient l’abandon de cette
méthode au profit d’une autre technique.

- 90 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

10

6 PHASE DE MISE
F (kN)

5 EN PLACE

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
d (mm)

Fig.II. 4 : Courbe Force / déplacement pour une éprouvette avec surfaçage à base de laine

1.3.1.2 Surfaçage par sciage

Dans un second temps, les faces des éprouvettes ont été surfacées par sciage. On
réalise des passages successifs sur les faces extérieures des éprouvettes en retirant à chaque
fois quelques millimètres de matériau. Cette opération est réitérée jusqu’à ce que les surfaces
de l’échantillon ne présentent plus d’aspérités mais au contraire un aspect lisse (Fig.II. 5).

Fig.II. 5 :Surfaçage des éprouvettes par sciage

On laisse ensuite reposer les échantillons pendant vingt quatre heures, pour que ceux-
ci retrouvent un état d’équilibre thermique avec l’extérieur. En effet, la scie a tendance à
échauffer au point de brûler les particules de chanvre situées à la surface du béton lors des
passages successifs. Cependant, cet effet est jugé négligeable compte tenu de la faible
épaisseur sur laquelle la particule est brûlée et de la faible concentration en particules à la
surface. Les courbes obtenues pour des essais effectués sur des échantillons de béton de
chanvre surfacés par sciage ne présentent alors plus la phase de mise en place (Fig.II.6).

- 91 -
0,5

0,45

0,4

0,35

0,3
σ (MPa)

0,25

0,2

0,15

0,1

0,05

0
0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06

εaxial

Fig.II. 6 :Courbe obtenue sur une éprouvette surfacée par sciage

1.3.2. Dispositif d’essais

Les éprouvettes cylindriques sont testées en compression à l’aide d’une presse


électromécanique MTS équipée d’un capteur de force de 50 kN dont la traverse se déplace de
5 mm/min. Cette valeur a été déterminée en analysant l’influence de la vitesse de sollicitation
sur la déformation des échantillons [COUEDEL, 98]. Une contrainte de compression allant
jusqu’à une valeur de 0,025 MPa a été appliquée avec trois vitesses de sollicitation
différentes : 0,25 mm/min, 2,5 mm/min et 5 mm/min. Dans les trois cas, les montées en
charge étaient parallèles. La valeur de la pente (i.e. le module d’élasticité E) est donc
indépendante du choix de la vitesse qui s’est porté sur la valeur de 5 mm/min. Ces vitesses de
sollicitation peuvent sembler faibles mais elles permettent de limiter le rôle de l’eau sur le
comportement mécanique du béton de chanvre en cours de prise. En effet, une sollicitation
trop rapide n’aurait pas laissé le temps à l’eau de s’évacuer des pores. L’essai aurait donc
mesuré principalement la réponse en compression de l’eau. Les valeurs de module auraient
alors été supérieures à celles du béton de chanvre sec.

Un plateau rotulé à la traverse permet de transmettre les efforts à l’échantillon. On


mesure le déplacement de la traverse d (mm), la force appliquée F (kN) et le déplacement des
faces latérales de l’éprouvette dri (mm). Ce dernier est mesuré à l’aide de 3 capteurs sans
contact de course 6 mm, positionnés à mi-hauteur de l’éprouvette et à 120° les uns des autres.
Le déplacement global est obtenu en faisant la moyenne sur les trois capteurs qui fournit
l’augmentation du rayon ∆r du cylindre dans sa zone centrale. Un système d’acquisition
- 92 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

automatique permet d’obtenir les valeurs de d, F, dr1, dr2 et dr3 en fonction du temps. A partir
de ces mesures, on peut déterminer les valeurs des paramètres mécaniques.

Capteur de force

Capteur sans
Échantillon contact latéral

Fig.II. 7 : Dispositif d’essais de compression avec capteurs latéraux

1.3.3. Détermination des paramètres caractéristiques

Pour chaque échéance de tests, deux essais de compression sont effectués et


confrontés afin de vérifier la cohérence des résultats et la répétabilité des mesures. Le premier
essai est un essai de compression simple et le deuxième est un essai de compression cyclique
avec une amplitude croissante pour chaque cycle, jusqu’à atteindre le maximum de contrainte
supportable par l’échantillon.

1.3.3.1 Essai de compression avec chargement monotone

Cet essai permet de déterminer la résistance en compression du matériau σmax, la


déformation axiale εσmax correspondant à ce maximum de contrainte admissible et le module
d’Young E (Fig.II.8).

- 93 -
0,3
σmax

0,25

0,2
σ (MPa)

0,15

0,1

0,05

MODULE E εσmax
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2
ε (m/m)

Fig.II. 8 : Détermination des paramètres mécaniques (Toit - 12 mois)

1.3.3.2 Essai de compression avec chargements cycliques

L’échantillon subit une sollicitation avec cycles de compression à une vitesse de


sollicitation de 5 mm/min. La contrainte maximale appliquée pour chaque cycle croit au fur et
à mesure de l’essai jusqu’à atteindre la valeur σmax. Les contraintes maximales pour chaque
cycle valent : 0,025 MPa – 0,050 MPa – 0,100 MPa – 0,200 MPa – 0,400 MPa – 0,600 MPa –
0,800 MPa – 1 MPa – 1,5 MPa. On déduit les courbes σ = f(εaxial) et εradial = f(εaxial), sur
lesquelles on détermine σmax, εσmax, E et ν (Fig.II. 9). Le module E est défini comme la pente
de la courbe entre le premier et le deuxième cycle de contraintes, ce qui correspond à des
déformations de l’ordre de 10-3 (Fig.II. 9). Le coefficient de Poisson est calculé à partir de la
déformation radiale εradial correspondant à la déformation axiale εaxial, au niveau de laquelle le
module E est mesuré.
Les essais de compression cyclique et de compression monotone permettent de
comparer les valeurs obtenues pour σmax, εσmax et E pour deux types de sollicitations
différentes. On vérifiera ainsi l’unicité des résultats par formulation et par échéance de temps.

- 94 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

0,5
σmax
0,45

0,4
0,2

0,18 CYCLES DE
0,35 PENTES DE
0,16 DECHARGE
PARALLELES
0,3 0,14
σ (MPa)

0,12
M

σ (MPa)
0,25 O 0,1

D 0,08

0,2 U 0,06
L
0,04
E Cycle 3
0,15 0,02

E Cycle 2 0
0 0,0005 0,001 0,0015 0,002 0,0025 0,003 0,0035 0,004 0,0045 0,005
0,1 Cycle 1 εaxial

0,05
εσmax
0
0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05
εaxial

εaxial
0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012 0,014 0,016 0,018 0,02
0,0000

-0,0005
εradial
εaxial

-0,0010
εradial

-0,0015

-0,0020

-0,0025

-0,0030

Fig.II. 9 : Mesure des paramètres caractéristiques sur l’essai de module

1.3.4. Cinétique du phénomène de prise

Dès les premiers essais menés par [COUEDEL, 98], il est apparu que le béton de
chanvre possédait une cinétique de prise relativement lente. Or, cette étude porte à la fois sur
le côté évolutif des caractéristiques mécaniques et sur le niveau final de performances. Ne
disposant pas d’étude préliminaire sur la durée de la prise de ce type de matériau, les essais

- 95 -
sont réalisés sur une base de temps définie à partir des essais sur liant pur. Des échéances de
tests sont fixées à 21 jours, 3 mois, 6 mois, 12 mois et 24 mois pour l’ensemble des
formulations. Des essais supplémentaires sont ensuite effectués à 9 mois, 15 mois et 18 mois
pour quelques formulations de façon à affiner les résultats.

1.3.5. Répétabilité et reproductibilité des essais de compression monotone et


cyclique

La nature hétérogène du matériau, la variabilité des constituants (particules d’origine


végétale), la multiplicité des opérateurs de fabrication des échantillons représentent des
sources potentielles d’écarts dans les mesures expérimentales. La vérification de la
répétabilité et de la reproductibilité des essais devient alors un point crucial.
A chaque échéance, un couple d’échantillons est testé, l’un subissant des cycles de
compression et l’autre une compression monotone. Les courbes obtenues pour ces deux types
de sollicitations sont superposées afin de vérifier que les valeurs des paramètres
caractéristiques sont proches (Fig.II. 10). Les résultats de ces deux essais sont validés lorsque
les caractéristiques obtenues par l’une ou l’autre des méthodes ne diffèrent pas de plus de
10 %. Cette limite permet de gommer les imprécisions de mesures dues aux capteurs, au
système d’acquisition et au surfaçage des cylindres. Sur les 203 échantillons fabriqués et
testés, une vingtaine ont été écartés. Les éprouvettes incriminées correspondaient
systématiquement à des échantillons fabriqués avec la fin de gâchée, cette dernière ayant
séchée à l’air libre depuis deux heures au moins compte tenu des délais de fabrication. Ce
taux de rejet reste néanmoins raisonnable au regard du nombre d’échantillons testés et des
sources d’erreurs possibles.
La reproductibilité des essais a été vérifiée à 6 mois sur trois formulations différentes.
Les valeurs de résistance à la compression (Tab.II.4) mesurées sur des échantillons
appartenant à des gâchées différentes sont comparées. Les résultats obtenus sont cohérents
entre eux.

- 96 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

0,45
σmax
0,4

0,35

0,3
MODULE E
σ (MPa)

0,25
Compression monotone
0,2 Compression cyclique

0,15

0,1

0,05
εσmax
0
0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,07 0,08
εaxial

Fig.II. 10 : Essais de compression monotone et cyclique (A4-1 / 6 mois)

Toit Dalle A3-1


0,20 0,51 0,46
gâchée 1
0,20 - 0,47
0,20 0,46 0,43
gâchée 2
0,20 0,47 -
Tab.II. 4: σmax (MPa) mesurée à six mois sur des échantillons issus de deux gâchées différentes

En conclusion, les essais réalisés sur le béton de chanvre sont considérés


reproductibles et répétables. Ils permettent d’avoir un ordre de grandeur correct des
caractéristiques mécaniques du matériau.

1.4. Courbes expérimentales

Dans un premier temps, l’allure générale des courbes est exposée, afin de définir les
grandes lignes du comportement du matériau. Dans un second temps, une étude paramétrique
permet d’évaluer la sensibilité des grandeurs caractéristiques (résistance à la compression,
module d’élasticité E…) en fonction de la formulation, de la durée de prise et du compactage.

1.4.1. Allure générale des courbes contraintes – déformations

La courbe contrainte-déformation présente un maximum de contrainte et des niveaux


de déformations relativement élevés.

- 97 -
On peut distinguer deux zones situées de part et d’autre du maximum (Fig.II. 11) :
- Zone pré-pic de contrainte
- Zone post-pic de contrainte
0,45
σmax
0,40

ZONE PRE-PIC ZONE POST-PIC


0,35

0,30
MODULE E

0,25 PIC DE
σ (MPa)

CONTRAINTE

0,20

0,15

0,10

0,05
εσmax
0,00
0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,07 0,08
εaxial (m/m)

Fig.II. 11 : Allure générale des courbes σ = f(ε)

En début d’essai, le comportement est assimilable à un comportement élastique


linéaire. On mesure la valeur de E à l’origine. Puis, la courbe présente une inflexion qui
s’accentue au fur et à mesure de l’essai. Celle-ci traduit la non-linéarité de la déformation
sous l’effet de la contrainte de compression. Elle s’explique par une fissuration progressive de
la matrice de liant. De plus, des déformations résiduelles sont observables lors des cycles de
charge-décharge. Le comportement devient donc elastoplastique (Fig.II. 11).
La courbe σ = f(ε) passe ensuite par un maximum de contraintes. Ce dernier traduit un
changement dans la façon dont le matériau réagit à la sollicitation. Avant le pic, le liant
reprend la majorité des efforts. Il se déforme fortement et les particules s’écrasent peu à peu
pour s’adapter au comportement du liant. Après le pic, le liant est totalement détérioré. Les
particules reprennent alors la majorité des efforts. Comme le module de rigidité des particules
est bien plus faible que celui du liant (rapport de 400), la contrainte σ supportée par le
matériau est globalement plus faible d’où la décroissance de la courbe.
Le rôle du liant sur l’intensité et la position du pic de contrainte se vérifie en
comparant les essais en compression d’échantillons pour des dosages en liant variables
(Fig.II. 12). Le pic est d’autant plus marqué que la concentration volumique en liant dans le
matériau est élevée. La formulation A3-2, fortement dosée en liant présente un pic aisément

- 98 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

repérable par rapport à la formulation Toit, riche en particules végétales. La courbe de cette
dernière présente un plateau au niveau du maximum de contraintes, que l’on peut rapprocher
d’un comportement ductile.

0,9

0,8
A3-2
0,7 DOSAGE A4-1.5
EN Dalle
0,6 LIANT Mur
Toit
σ (MPa)

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0
0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0,18

εaxial

Fig.II. 12 : Essais de compression cycliques pour différentes formulations de béton de chanvre


après un an de prise

Le comportement de ce matériau est non fragile. Lorsque la matrice de liant est trop
fissurée pour jouer un rôle mécanique, les particules végétales prennent le relais. Le matériau
conserve une certaine cohésion qui lui permet de reprendre des efforts même lorsqu’il est très
endommagé (zone post-pic).

Le comportement du béton de chanvre peut donc se décomposer de la manière


suivante :
- Au départ, la matrice de liant, plus rigide que les particules, reprend la
majorité des contraintes imposées à l’échantillon. Les particules végétales,
compressibles, suivent les déformations du liant compte tenu de la forte
adhésion particules-liant. Des zones de concentrations de contraintes entre
les particules apparaissent et entraînent une fissuration de la matrice de
liant.

- 99 -
- Au-delà d’un certain niveau de fissuration, la matrice n’a plus de rôle
mécanique. Les particules reprennent les efforts et s’écrasent. Les niveaux
de déformations εaxial sont élevés (> 5 %) et les niveaux de contraintes σ
diminuent car les particules sont moins résistantes que le liant.

1.4.2. Cas de la formulation faiblement dosée en liant (Toit)

Une exception dans l’allure des courbes est toutefois observable pour la formulation
peu dosée en liant. Celle-ci varie avec la prise du matériau, ce qui semble indiquer une
profonde modification du fonctionnement structurel du matériau au bout de trois mois de
prise (Fig.II. 13).

0,3

0,25

0,2
σ (MPa)

0,15

Toit - 12 mois
0,1
Toit - 6 mois

Toit - 3 mois
0,05 Toit - 22 jours

Chanvre vrac

0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
εaxial

Fig.II. 13 : Evolution en fonction du temps des courbes σ = f(ε)


pour la formulation à faible dosage en liant (Toit)

Au cours des trois premiers mois de prise, la courbe σ = f(ε) ne présente pas de pic de
contrainte, même pour des déformations élevées (>30 %). En revanche, une inflexion de la
courbe est observable lorsque les déformations deviennent voisines de 15 %. Pour une
déformation axiale inférieure à 15 %, la courbe présente une allure similaire à celle des autres
courbes avec un comportement élasto-plastique et un maximum de contrainte. Pour une
déformation axiale supérieure à 15 %, la courbe recommence à augmenter après avoir subi
une inflexion. Son allure est identique à celle de la courbe du chanvre en vrac avec une
augmentation de la pente, qui indique un raidissement de l’échantillon. Après trois mois de

- 100 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

prise, les courbes redeviennent comparables à celles des autres formulations de béton de
chanvre.
Cette évolution des courbes contraintes-déformations montre le rôle de chacun des
constituants dans le comportement mécanique.
Lorsque la prise est peu avancée, le liant possède une rigidité faible. Ses
caractéristiques sont relativement proches de celles de la particule. Lorsque les déformations
sont faibles, les deux constituants influent sur la rigidité globale du matériau. Le
comportement initial est intermédiaire entre celui du liant et celui de la particule. Dés que les
déformations deviennent plus importantes, le liant se détériore et n’a plus de rôle mécanique.
L’échantillon se comporte alors comme du chanvre en vrac. Les particules s’écrasent et
entraînent une rigidification du matériau. L’absence de pic s’explique par le faible contraste
entre les deux constituants. Le matériau se comporte comme une coquille souple qui se
déforme de manière régulière.
Au bout de trois mois, la prise est suffisante pour que le contraste entre les propriétés
du liant et celles des particules soit notable. Le liant impose la rigidité et la résistance du
matériau. Le pic de contrainte est observable car le comportement est comparable à celui
d’une coquille rigide entourant un matériau souple. Le pic correspond à la rupture de la
coquille rigide et la décroissance de la courbe est imputable à la reprise des efforts par
l’élément souple de la structure (i.e. la particule).

1.4.3. Relation entre maximum de contrainte et cinétique de prise

Les caractéristiques du maximum de contrainte dépendent de la concentration


volumique en liant et de la durée de prise. Pour une échéance fixée, le maximum de contrainte
est plus marqué lorsque la concentration en liant est forte (Fig.II. 12). En effet, le liant devient
prépondérant dans le matériau et impose son comportement, de type fragile.
Pour une formulation donnée (concentration en liant fixe), le maximum de contrainte
devient plus marqué au fur et à mesure de la prise (Fig.II. 14). Au jeune âge, les hydrates de
liant ne forment pas un réseau connecté. Le comportement est plutôt ductile (plateau sur la
courbe) de par la présence des particules végétales fortement déformables. Puis, les hydrates
se connectent entre eux et créent un réseau continu dans lequel les efforts sont transmis. Les
caractéristiques du liant deviennent prépondérantes dans le mélange. Celui-ci impose sa
rigidité et sa résistance au matériau.

- 101 -
0,9

0,8

0,7

0,6
σ (MPa)

0,5

0,4

0,3 24 mois
15 mois
0,2 9 mois
6 mois
0,1 3 mois
21 jours
0
0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14
εaxial (m/m)

Fig.II. 14 :Evolution dans le temps du comportement mécanique en compression


de A4-1,5 (dosage intermédiaire)

On retrouve donc une transition similaire à celle observée dans le cas de la


formulation faiblement dosée en liant. La différence réside dans la matérialisation de cette
transition. Contrairement à la formulation Toit, la courbe n’épouse pas celle du chanvre en
vrac pour les fortes déformations. Lorsque la concentration initiale en liant est suffisante, la
zone d’inflexion fait place à une zone de comportement ductile. La matrice de liant est
endommagée et les efforts sont transférés dans les particules. Cependant, la contrainte
appliquée n’est pas assez élevée pour détériorer tout le liant et écraser immédiatement les
particules d’où le plateau. Le phénomène d’endommagement est progressif. Lorsque la
fissuration du liant est très avancée, la contrainte diminue car les particules, de module plus
faible, reprennent la majorité des efforts.

1.5. Résultats des essais sur le béton de chanvre à base de T70

Les résultats des essais sont analysés en tenant compte de deux paramètres, à savoir la
formulation et la durée de prise du matériau. Chaque paramètre caractéristique est étudié
séparément. Une synthèse finale est ensuite réalisée afin de définir des familles de
comportement.

- 102 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

1.5.1. La contrainte maximale σmax

L’évolution de σmax est représentée en fonction du temps pour les différentes


formulations de béton de chanvre (Fig.II. 15). La légende indique la concentration volumique
en liant correspondant à chaque formulation.

1,2

40%
1 40%
29%
27%
28%
0,8
σmax (MPa)

22%
22%
19%
0,6
10%

0,4

0,2

0
0 5 10 15 20 25
MOIS

Fig.II. 15 : Evolution de σmax en fonction du temps pour les différentes formulations

La contrainte maximale σmax augmente au fur et à mesure que la prise se développe.


Trois phases sont observables sur les courbes. Entre 0 et 3 mois, σmax est quasiment multipliée
par deux pour l’ensemble des formulations. Entre 3 mois et 1 an, la valeur de σmax croît de 10
à 50 % selon la formulation. Au bout d’un an, σmax augmente d’une manière beaucoup plus
lente (< 10 % par an).
Ce découpage temporel diffère quelque peu de celui observé sur du liant pur. En effet,
les échantillons de liant T70 atteignent 80 % de leurs performances à deux ans, dès la fin du
premier mois. La présence de particules végétales ralentit donc la prise du matériau. Deux
hypothèses peuvent être émises pour expliquer ce phénomène.
La première est basée sur l’existence d’interactions physiques entre les particules et
l’eau destinée à l’hydratation du liant. Lors du séchage, l’eau du mélange s’évapore dans le
milieu extérieur. Les particules préalablement saturées en eau, devraient jouer le rôle de
réservoir, compensant ces pertes. Cependant, on peut envisager l’existence d’une compétition
entre les capillaires des particules et ceux du liant. En début de prise, le réseau de capillaires
dans le liant est insuffisant pour générer des pressions capillaires capables de pomper l’eau.
La prise est donc ralentie par manque d’eau disponible pour l’hydratation du liant.

- 103 -
La deuxième hypothèse est basée sur l’existence d’interactions chimiques entre les
hémicelluloses des particules végétales et l’hydratation du liant. Lors de la transformation de
la tige de chanvre en particules, un nettoyage naturel est réalisé (rouissage). Des
hémicelluloses peuvent cependant subsister dans les particules. Ces composés étant des
retardateurs de prise (cf. béton de bois), ils expliqueraient les résultats obtenus sur le béton de
chanvre. Pour l’instant, nous ne disposons pas d’informations suffisantes pour pouvoir
privilégier un des deux raisonnements.

1,4

1,2
21 jours
3 mois TEMPS
1,0 6 mois
9 mois
15 mois
σmax (MPa)

0,8
24 mois

0,6

0,4

0,2

0,0
5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%
Cvolumique en liant

Fig.II. 16 : Evolution de σmax en fonction de la concentration volumique en liant


à différentes échéances de prise

De plus, on retrouve un résultat classique de mécanique avec une nette dépendance du


niveau de performance en fonction de la concentration volumique en liant. Plus cette dernière
sera élevée et plus le niveau de résistance σmax sera grand (Fig.II. 16). Les concentrations
volumiques en liant permettent également de comprendre les regroupements de valeurs
observés pour σmax (Tab.II. 5 et Fig.II. 17). On retrouve les trois domaines définis au
chapitre 1 (faibles dosages, dosages intermédiaires et forts dosages). Ceci est cohérent avec le
fait que l’augmentation de la quantité de liant permet de créer un réseau plus ou moins dense
d’hydrates et de créer une coquille autour de la particule, responsable de la résistance
mécanique du système.
Cependant, les niveaux de performances restent modestes en comparaison d’autres
matériaux de construction. Pour les faibles dosages en liant, la résistance en compression est
de l’ordre de 0,25 MPa. Pour les dosages intermédiaires, elle varie entre 0,4 et 0,8 MPa et

- 104 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

pour les forts dosages, elle vaut 1,15 MPa. Ce matériau doit donc être utilisé avec une
structure porteuse afin de répondre aux exigences structurelles.
Concentration volumique
Particules Liant Air
Toit 38,2% 9,9% 51,9%
A4-1 36,5% 19,0% 44,5%
A3-0,75 37,2% 22,1% 40,7%
Mur 35,9% 21,7% 42,4%
Dalle 36,4% 27,8% 35,8%
A3-1 37,2% 26,5% 36,3%
A4-1,5 39,5% 29,1% 31,4%
A3-1,5 35,2% 40,7% 24,1%
A3-2 33,3% 39,2% 27,5%
Tab.II. 5 : Composition volumique du béton de chanvre après la prise du liant

1
A3-2
0,9 A3-1,5

0,8

0,7 A4-1,5
A3-1
0,6 DALLE
σ (MPa)

MUR
0,5 A3-0,75
A4-1
0,4

0,3

0,2

TOIT
0,1

0
0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,07 0,08 0,09 0,1

εaxial

Fig.II. 17 : Essais de compression au bout d’un an de prise sur diverses formulations de béton de chanvre

1.5.2. Le module d’élasticité E

Les observations réalisées pour σmax restent valables pour le module d’élasticité E.
L’allure des courbes est similaire avec une évolution en trois temps. Entre 0 et 3 mois, le
module augmente rapidement car la prise de la chaux crée une coquille solide autour du
granulat compressible. Entre 3 mois et un an, la matrice de liant se développe et augmente
progressivement la rigidité du béton, donc la valeur du module E. Au-delà de un an, la valeur
du module semble se stabiliser (Fig.II. 18).

- 105 -
180

40%
160
40%
29%
140 27%
28%
120 22%
22%
100 19%
E (MPa)

10%

80

60

40

20

0
0 5 10 15 20
MOIS

Fig.II. 18 :Évolution du module E en fonction du temps pour différents concentrations volumiques en liant

180

24 mois
160
18 mois
15 mois
140
12 mois
TEMPS
9 mois
120
6 mois
3 mois
100
E (MPa)

21 jours

80

60

40

20

0
5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%
Concentration volumique en liant

Fig.II. 19 : Évolution de Ε en fonction de la concentration volumique en liant

De plus, l’influence du dosage en liant sur la valeur du module s’accentue en cours de


prise (Fig.II.19). La pente de la courbe représentant le module en fonction de la concentration
volumique en liant augmente. L’hydratation de la chaux augmente la rigidité du liant et
accentue le contraste de propriétés entre les constituants. Or, l’effet de ce contraste est
d’autant plus visible que le poids relatif du liant par rapport aux particules est élevé. Pour les
faibles dosages en liant, le module global de rigidité augmente de 1 à 3 MPa. Pour les forts

- 106 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

dosages, le module passe de 100 à 160 MPa. Ces valeurs finales de module restent modestes
au regard d’autres matériaux de construction usuels (Tab.I.3). L’emploi d’une structure
porteuse est donc préférable pour garantir une rigidité globale à l’édifice.
Enfin, ces constatations expérimentales vont être réutilisées dans le cadre de la
modélisation par homogénéisation autocoherente du module E. L’emploi d’un motif
générique de type particule entourée d’une coquille de liant va être testé. Il présente
l’avantage d’imposer la continuité du liant, ce qui est vérifié dans la réalité. La démarche
complète de modélisation est exposée dans la deuxième partie du chapitre.

1.5.3. La déformation au niveau du maximum de contrainte εσmax

Dès les premiers essais, il est apparu que ce matériau présentait trois types
comportement en terme de déformabilité (Fig.II. 20). Dans le cas des faibles dosages en liant,
il n’est pas possible de mesurer des valeurs de εσmax avant trois mois car le comportement des
échantillons est atypique par rapport à celui des autres formulations. Il n’y a pas de pic de
contraintes donc εσmax n’est pas défini. Au-delà de trois mois, εσmax est stable et relativement
élevée (≈ 15 %). Dans le cas des forts dosages en liant, εσmax est peu élevé et sa valeur se
stabilise en quelques semaines. Entre ces deux extrêmes, εσmax évolue de manière
exponentielle. La déformation diminue de moitié entre 0 et 3 mois, puis baisse à nouveau de
30 à 50 % entre 3 mois et un an. Au-delà d’un an, εσmax semble stable.

0,30

0,25 10%
19%
22%
0,20 22%
28%
εσmax

27%
0,15 29%
40%
40%
0,10

0,05

0,00
0 5 10 15 Mois 20 25 30 35

Fig.II. 20 : εσmaxen fonction du temps pour différentes concentrations volumiques en liant

- 107 -
Pour toutes les échéances de temps considérées, la déformation au maximum de
contrainte εσmax décroît lorsque la concentration volumique en liant augmente. La prise du
liant crée une coquille rigide autour du granulat déformable. L’effet de ce constituant est
d’autant plus visible qu’il est en grande proportion.
Pour les faibles dosages en liant, la quantité de liant est insuffisante pour enrober les
granulats et imposer la rigidité globale du matériau. La déformabilité est donc principalement
due à la déformation des particules, d’où une faible dépendance temporelle de ce paramètre,
qui passe de 0,17 m/m à 0,14 m/m en deux ans.
Dans le cas des forts dosages en liant, le liant enrobe les particules avec une épaisseur
suffisante pour imposer la rigidité globale du matériau dès le début de la prise.
0,18

0,16 21 jours
3 mois
0,14 6 mois
9 mois
0,12
12 mois
15 mois
0,10
εσmax

18 mois
0,08 24 mois

0,06

0,04 TEMPS

0,02

0,00
5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%
Cvolumique en liant

Fig.II. 21 : Evolution de εσmax en fonction de la concentration volumique en liant

Les niveaux de déformation relevés sur ce type de matériau sont importants quelle que
soient la formulation et l’échéance considérées. Les valeurs obtenues au bout de deux ans de
prise sont indiquées dans le tableau ci-dessous :
Concentration volumique en liant (%) εσmax
Faibles dosages 10 % 0,150
Dosages intermédiaires 19 % - 29 % 0,050 – 0,060
Forts dosages 40 % 0,040
Liant pur 100 % 0,012

Tab.II. 6: Valeurs de εσmax au bout de deux ans de prise

- 108 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

Ce matériau présente donc un grand intérêt dans le cas d’une structure soumise à des
tassements différentiels car il est capable de se déformer d’une manière non négligeable avant
de fissurer et de rompre. Cette propriété est originale au regard des matériaux usuels affichant
des niveaux de déformations inférieurs à 1 %, ce qui pose des problèmes en terme de
durabilité des ouvrages (fissuration…) et d’esthétique. Le dosage en liant des matériaux
classiques est étudié de façon à fournir une résistance en compression et un module capables
de répondre à des exigences structurelles. Par conséquent, ils deviennent plus rigides donc
moins déformables et plus sensibles aux tassements.

1.5.4. Le coefficient de Poisson ν

Le coefficient de Poisson ν se mesure dans la zone de comportement élastique des


matériaux. Il représente le rapport entre la déformation radiale et la déformation axiale du
matériau Des plaques de métal sont attachées aux échantillons par des élastiques dans la partie
centrale de l’éprouvette. Des capteurs sans contact peuvent alors mesurer la distance les
séparant des plaques de métal (Fig.II. 7). Des problèmes de stabilité de mesures se sont posés
compte tenu des hétérogénéités présentes sur la surface des échantillons (particules). Celles-ci
entraînaient des écarts de mesures car les plaques n’étaient pas complètement « collées » à
l’échantillon. Pour gommer ces imprécisions, le choix a été fait de déterminer des valeurs
moyennes de coefficient de Poisson sur plusieurs essais, pour chaque type de formulation
après un an de prise :
- pour les faibles dosages en liant ν ≈ 0,05
- pour les dosages intermédiaires 0,08 < ν < 0,16
- pour les forts dosages en liant ν ≈ 0,20
Cette démarche permet d’avoir une idée du comportement radial du matériau sous
sollicitation de compression et un ordre de grandeur pour le coefficient de Poisson.
L’obtention d’une valeur plus précise est subordonnée à la mise en place d’un essai plus
complexe avec des capteurs de déplacements plus précis et une presse pouvant travailler à de
très faibles niveaux de sollicitation.

1.5.5. Conclusion

L’étude des caractéristiques mécaniques a mis en lumière trois types de


comportements, chacun étant relié à une microstructure particulière induite par la
concentration volumique en liant.

- 109 -
Pour une concentration volumique en liant de l’ordre de 10 %, le matériau se comporte
comme un empilement de particules compressibles, reliées entre elles par des « ponts »
rigides de liant. En début de prise, le comportement mécanique est piloté essentiellement par
le comportement de la particule (absence de pic…). Ensuite, le liant fait prise et stabilise la
structure en limitant l’écrasement des granulats. Le matériau présente alors une résistance
mécanique faible.

Pour un dosage en liant intermédiaire, le matériau est constitué d’une particule


entourée d’une épaisseur de liant variable selon le dosage. La prise permet d’augmenter les
caractéristiques mécaniques de cette coquille en densifiant le réseau d’hydrates. Ceci explique
le côté évolutif des propriétés observé expérimentalement.
Pour les fortes concentrations volumiques en liant (40 %), les particules végétales sont
noyées dans la matrice de liant. Cette dernière est connexe et détermine les propriétés du
béton de chanvre. Elle représente la composante rigide du matériau (fort contraste entre les
deux constituants) et induit un comportement se rapprochant de celui du liant pur.

Le tableau ci-dessous fait la synthèse des résultats pour chacun des paramètres testés :
Dosage Concentration
ρ (kg/m3) σmax (MPa) E (MPa) εσmax ν
en liant volumique liant
Faible 10 % 250 0,25 4 0,15 0,05
0,05 à 0,08 à
Intermédiaire 19 % à 29 % 350 à 500 0,35 à 0,80 32 à 95
0,06 0,16
Fort 40 % 600 à 660 1,15 140 à 160 0,04 0,20

Tab.II. 7 : Caractéristiques mécaniques finales du béton de chanvre

1.6. Résultats des essais sur l’enduit à base de Tradichanvre

Une formulation d’enduit a été testée dans le cadre de cette étude. Cet enduit est
réalisé en utilisant le Tradichanvre, qui contient du sable en plus de la chaux hydraulique et de
la chaux aérienne. Les deux graphiques suivants montrent l’évolution temporelle des quatre
paramètres mécaniques étudiés (σmax, E, εσmax, ν).
Le module d’élasticité E augmente linéairement au cours des 18 premiers mois
(20 MPa à 110 MPa) puis la courbe s’infléchit indiquant un ralentissement de la prise. La
contrainte σmax présente une progression quasi-linéiare de sa valeur sur les 30 premiers mois
de prise. Elle passe de 0,40 à 0,75 MPa. Ces valeurs sont moins élevées que celles obtenues

- 110 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

pour du béton de chanvre à base de T70, malgré la forte concentration volumique en liant.
L’explication réside dans la composition du Tradichanvre. Ce liant contient 10 % de chaux
hydraulique au lieu de 35 % comme dans le T70. Les performances à court terme du
Tradichanvre sont donc moins bonnes.

0,80 130,0

0,70
110,0

0,60
90,0

0,50
70,0
σ (MPa)

E (MPa)
0,40

50,0
0,30
Contrainte maximale
Module d'Young 30,0
0,20

10,0
0,10

0,00 -10,0
0 5 10 15 20 25 30
MOIS

Fig.II. 22 : Evolution temporelle de la contrainte maximale et du module de rigidité d’enduit

0,070 0,50

0,45
0,060

0,40

0,050
0,35

0,30
0,040
εσmax

0,25

0,030
0,20

0,15
0,020
Déformation au niveau du pic
Coefficientde Poisson 0,10

0,010
0,05

0,000 0,00
0 5 10 15 20 25 30
MOIS

Fig.II. 23 : Evolution temporelle de εσmax et du coefficient de Poisson d’enduit

- 111 -
Le coefficient de Poisson présente une évolution similaire. La valeur finale de ν se
situe autour de 0,35. La déformation au niveau du maximum de contrainte présente un
découpage temporel identique avec une décroissance linéaire sur les 18 premiers mois, puis
une inflexion. La valeur de εσmax au bout de 30 mois est de l’ordre de 0,15. L’enduit présente
donc une déformabilité importante, qui lui permet de s’adapter aux déformations du matériau
qu’il recouvre. Cette propriété est intéressante en terme de durabilité des ouvrages de
construction car l’enduit de surface à base de béton de chanvre ne fissurera a priori pas et
protégera le matériau support.

1.7. Influence du compactage sur le comportement mécanique

Le compactage est une sollicitation imposée à un matériau à l’état frais qui entraîne un
réarrangement de la structure interne de la phase solide (empilement granulaire) et de la phase
fluide (diminution de la quantité de bulles d’air microscopique et macroscopique). Cette
modification de microstructure a pour conséquence une diminution de la porosité du matériau.
Or, l’air joue un rôle fondamental du point de vue mécanique et ce, à trois niveaux :
- la prise
- le séchage
- les performances mécaniques finales
En ce qui concerne la prise du liant, la présence de l’air permet la réaction de
carbonatation entre le Ca(OH)2 et le CO2. Cette prise dite aérienne est donc favorisée lorsque
le matériau présente un réseau de pores nombreux et connectés (i.e. une forte porosité ouverte
entraînant une bonne perméabilité à l’air). De même, la présence d’un réseau poreux ouvert
favorise l’évacuation de l’eau vers le milieu extérieur par transferts en phases liquide et
gazeuse. Enfin, la porosité influe sur le niveau de performances mécaniques d’un matériau.
Les bulles d’air représentent les points faibles d’un matériau, car elles n’ont pas de rôle
mécanique. La résistance en compression et le module d’élasticité varient donc de manière
inverse à celle de la porosité.
On s’intéresse donc à l’évolution des propriétés de trois formulations de béton de
chanvre en fonction de la contrainte de compactage initialement appliquée. Cette contrainte de
compactage va modifier la microstructure du matériau et en particulier la porosité. Cependant,
la compressibilité de la particule pose certaines questions quant à la valeur maximale de
contrainte de compactage applicable sans déformer notablement les particules. L’étude se
décompose en deux phases. Dans un premier temps, la limite de compactage est déterminée

- 112 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

ainsi que les compositions volumiques des bétons de chanvre testés. Dans un second temps,
les résultats expérimentaux sont exposés et commentés.

1.7.1. Valeur limite de la contrainte de compactage

Dans le cas d’un matériau composé de constituants rigides comme le béton


hydraulique, le compactage entraîne un réarrangement du squelette granulaire jusqu’à sa
compacité maximale et une réduction de la quantité de bulles d’air dans le liant. Dans le cas
du béton de chanvre, le compactage entraîne non seulement un réarrangement intergranulaire
et une réduction de la quantité d’air dans le liant mais il pourrait également induire un
écrasement des particules végétales fortement compressibles. Ce dernier modifie les
propriétés des particules et celles béton de chanvre, notamment en terme d’isolation
thermique et phonique, d’où la nécessité de limiter les contraintes pour protéger le granulat.
La valeur limite de compactage est déterminée en se plaçant dans la configuration la plus
défavorable, c’est-à-dire avec des particules sèches, pouvant se comprimer. Cette contrainte
de compactage est ensuite appliquée aux particules saturées en eau, au moment du malaxage
du béton de chanvre. Cette démarche permet de s’assurer que les efforts appliqués sur les
particules n’auront pas trop d’effet sur leurs propriétés. Pour déterminer une valeur
raisonnable de compactage, les essais réalisés sur les éprouvettes cylindriques de chanvre en
vrac sec sont utilisés. On représente la variation de la masse volumique de l’échantillon de
chanvre en vrac en fonction de la contrainte appliquée (Fig.II.24).

350
3
ρ particule = 320 kg/m

300

ZONE OU
LA
250
ρ (kg/m3)

PARTICULE
EST
COMPACTAGE CHOISI NECESSAI-
200 σ =0,05 MPa REMENT
ECRASEE

150 LIMITE DE FORCE DE


COMPACTAGE

100
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
Contrainte de compactage (MPa)

Fig.II. 24 : Evolution de la masse volumique de chanvre en vrac en fonction de la contrainte de


compactage appliquée pour un essai de compression cyclique

- 113 -
Sachant qu’une particule de chanvre a une masse volumique propre de 320 kg/m3, on
en déduit qu’au-delà de 0,6 MPa la particule est forcément écrasée puisque la masse
volumique du chanvre en vrac devient supérieure à la masse volumique d’une particule seule.
En dessous de cette valeur de compactage, on peut simplement affirmer que de l’air est chassé
du matériau.
Les chemins de charge et de décharge lors d’un essai cyclique de compression sont
comparés (Fig.II. 24). Lorsque la sollicitation est faible (σc < 0,1 MPa), les deux chemins sont
quasiment confondus. Pour des contraintes supérieures, des boucles d’hystérésis apparaissent,
indiquant un changement dans la réponse du matériau. Ce dernier est lié à une modification de
l’empilement granulaire et à un écrasement des particules, qui rendent plus difficile le
déplacement de l’air dans les pores. La force de compactage a donc été limitée à 0,1 MPa
pour se situer avant ce changement.

1.7.2. Matériaux testés

Trois formulations (A4-1, Mur et A4-1,5) sont utilisées dans le cadre de cette étude.
Le choix s’est porté sur ces trois bétons car ils sont situés aux frontières avec le domaine des
faibles dosages d’une part (A4-1) et le domaine des forts dosages d’autre part (A4-1,5). Mur,
quant à lui, présente une composition intermédiaire entre ces deux extrêmes. Le tableau ci-
dessous indique la composition massique de ces formulations, ainsi que la valeur des rapports
Liant/Chanvre et Eau/Liant.

Liant Chanvre Eau L/C E/L


A4-1 190 110 335 1,73 1,76
Mur 225 110 332 2,05 1,48
A4-1,5 285 110 370 2,59 1,30

Tab.II. 8 : Composition des matériaux testés pour des compactages variables

L’influence du compactage du béton frais est abordée de manière qualitative. Les


résultats présentés ci-dessous constituent donc un travail exploratoire, en vue d’une étude plus
systématique à mener dans le futur sur un nombre plus important de formulations. Dans un
premier temps, un essai a été réalisé sur chacune des formulations pour déterminer la masse
volumique du béton frais en fonction de la force de compactage appliquée par la presse
(Fig.II. 25). L’essai est mené sur les échantillons cylindriques de surface 200 cm2 et de 32 cm
de haut. Pour chaque formulation, trois compactages différents ont été appliqués.

- 114 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

F (kN) σ (MPa) A4-1 Mur A4-1,5


0,5 0,025 x x
0,8 0,04 x
1 0,05 x x x
1,5 0,075 x
2 0,1 x x

Tab.II. 9 : Bilan des forces de compactages appliquées pour chaque formulation

900
ρfrais (kg.m )
-3

800

700
A4-1,5
600 A4-1
Mur
500
0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12

σ de Compactage (MPa)
Fig.II. 25 : Masse volumique du béton de chanvre à l’état frais en fonction de la contrainte de compactage

Le premier élément fourni par ces essais concerne la sensibilité du matériau au


compactage. La modification de la contrainte de compactage entraîne des variations de la
masse volumique initiale pouvant aller jusqu’à 40 %.
Ensuite, la masse volumique de A4-1 et A4-1,5 varie linéairement avec la contrainte
de compactage. De plus, les pentes correspondant à ces droites sont identiques. La
compressibilité de ces matériaux à l’état frais est donc la même. Elle est de l’ordre de
2,5.105 Pa. Cette valeur se rapproche de la compressibilité de l’air (1,4.105 Pa), dont la
présence en grande quantité dans le mélange va jouer un rôle important dans la
compressibilité globale du matériau. La formulation Mur présente le même comportement
pour une contrainte de compactage inférieure à 0,05 MPa. En revanche, la courbe présente
une inflexion lorsque la contrainte devient supérieure à 0,05 MPa.
Enfin, on obtient des masses volumiques proches entre Mur et A4-1 sur la gamme
étudiée. La détermination de leurs compositions massiques et volumiques (Fig.II.26 et
Fig.II.27) va montrer d’importantes similitudes entre les deux matériaux, ce qui devrait
conduire à des propriétés comparables.
Pour chaque valeur de la contrainte de compactage, des essais de compression sont
réalisés à diverses échéances de prise (Tab.II.10).

- 115 -
A4-1 Mur A4-1,5
670 kg/m3 750 kg/m3 830 kg/m3 583 kg/m3 669 kg/m3 764 kg/m3 737 kg/m3 811 kg/m3 840 kg/m3
21 jours x x x x
3 mois x x x x x
6 mois x x x x x x x
9 mois x x
12 mois x x x
15 mois x x x x
18 mois x
24 mois x x
48 mois x

Tab.II. 10 :Bilan des échéances d’essais pour les différents compactages

1.7.3. Compositions massiques et volumiques

Les compositions volumiques du matériau frais et du matériau après prise dans des
conditions de conservation standard (T = 20°C et HR = 50 %), sont indiquées ci-après. Ces
compositions sont évaluées en faisant quatre hypothèses simplificatrices :
- le volume total du matériau avant et après prise reste le même
- le volume des particules reste constant, quelle que soit la contrainte de
compactage appliquée
- les particules sont initialement quasi-saturées en eau (Sr > 90 %)
- l’eau disparaît totalement des particules à l’état final

- 116 -
100% Air mésoscopique
Air intra-liant
90% Liant
Eau
80% Air intra-particule
Eau particules
Concentrations volumiques

70% Matière végétale

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
670 kg/m3 750 kg/m3 830 kg/m3 593 kg/m3 669 kg/m3 764 kg/m3 737 kg/m3 811 kg/m3 840 kg/m3
A4-1 MUR A4-1,5

100% Air mésoscopique


Air intra-liant
90% Liant
Eau
80% Air intra-particule
Matière végétale
Concentrations volumiques

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
366 kg/m3 430 kg/m3 510 kg/m3 348 kg/m3 390 kg/m3 476 kg/m3 437 kg/m3 469 kg/m3 490 kg/m3
A4-1 MUR A4-1,5

Fig.II. 26 : Compositions volumiques à l’état frais et après prise du liant

- 117 -
100%

90% Eau
Liant en poudre
80% Particules végétales

70%
Compositions massiques

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
670 kg/m3 750 kg/m3 830 kg/m3 593 kg/m3 669 kg/m3 764 kg/m3 737 kg/m3 811 kg/m3 840 kg/m3
A4-1 MUR A4-1,5

100%

90%

80%
Eau
70%
Compositions massiques

Liant en poudre
Particules végétales
60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%
366 kg/m3 430 kg/m3 510 kg/m3 348 kg/m3 390 kg/m3 476 kg/m3 437 kg/m3 469 kg/m3 490 kg/m3
A4-1 MUR A4-1,5

Fig.II. 27 : Compositions massiques à l'état frais et après la prise du liant

- 118 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

1.7.4. La contrainte maximale σmax

Les compactages différents induisent des propriétés mécaniques finales variables. Des
différences sont également observables tout au long de la prise. L’évolution de la contrainte
maximale supportée σmax est présentée pour chacune des trois formulations en fonction du
temps et des niveaux de compactage. La légende indique la masse volumique du matériau
frais compacté et la contrainte de compactage appliquée.

1
0,9
0,8
0,7
σmax (MPa)

0,6
0,5 830 kg/m3 - 0,100 MPa
0,4 750 kg/m3 - 0,075 MPa
0,3 670 kg/m3 - 0,050 MPa
0,2
0,1
0
0 10 20 30 40
MOIS
Fig.II. 28 : Evolution de σmax en fonction du temps pour trois compactages de A4-1

0,9
0,8
764 kg/m3 - 0,100 MPa
0,7
669 kg/m3 - 0,050 MPa
σmax (MPa)

0,6
0,5 583 kg/m3 - 0,025 MPa

0,4
0,3
0,2
0,1
0
2 4 6 8 10 12
MOIS
Fig.II. 29 : Evolution de σmax en fonction du temps pour Mur

- 119 -
0,9
0,8
0,7
0,6
σmax (MPa)
0,5
0,4
840 kg/m3 - 0,050 MPa
0,3
811 kg/m3 - 0,040 MPa
0,2
737 kg/m3 - 0,025 MPa
0,1
0,0
0 5 10 15 20
MOIS
Fig.II. 30 : Evolution de σmax en fonction du temps pour trois compactages de A4-1,5

Le premier élément de constatation concerne la cohérence des résultats entre eux.


L’augmentation de la contrainte de compactage entraîne une augmentation de la masse
volumique du matériau (i.e. une diminution de la porosité totale). Ce dernier est alors plus
dense, donc plus rigide (le module E croît) et plus résistant (σmax croît).
De plus, les performances mécaniques finales sont atteintes plus rapidement pour les
échantillons peu compactés. Ceci s’explique par trois faits principaux. Lorsque le béton de
chanvre est peu compact, il présente une forte porosité mésoscopique φmeso donc un réseau de
pores important. On montre par des mesures de porosité (chapitre 4) que les pores sont
connectés. La prise du liant est alors facilitée car l’eau peut mieux circuler dans l’ensemble du
matériau et permettre ainsi l’hydratation du T70. De plus, la cinétique de séchage est
améliorée car l’eau inutile à la prise s’évacue plus facilement. Enfin, le CO2 indispensable à la
prise de la chaux aérienne est transportée par l’eau dans l’ensemble du matériau.

Pour chaque formulation, le niveau de σmax augmente avec la contrainte de


compactage. En effet, l’augmentation de contrainte de compactage entraîne une baisse de la
porosité φmeso, ce qui améliore les performances mécaniques du matériau (Fig.II. 31). On a
limité la contrainte de compactage de façon à ce qu’elle n’écrase pas la particule végétale. Le
volume d’air intra-particule est donc considéré constant. Le volume d’air intra-liant est
principalement dû à l’action de l’entraîneur d’air, indépendamment du compactage. Ce
dernier influe donc sur la quantité d’air restant (i.e. l’air mésoscopique), dépendant de la
qualité de l’arrangement granulaire (squelette solide).
De plus, des niveaux de performances identiques sont obtenus pour des échantillons
dosés de manière différente et des masses volumiques différentes. Ainsi, les trois formulations

- 120 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

(Mur, A4-1 et A4-1,5) atteignent des résistances mécaniques de 0,82 MPa pour ρsec variant
entre 437 kg/m3 et 490 kg/m3 et des concentrations volumiques en liant comprises entre 16 et
19 %. On peut noter que ces échantillons possèdent des porosités mésoscopiques
comparables, de l’ordre de 38 % (Tab.II. 11). La porosité mésoscopique joue donc un rôle
prépondérant dans les performances mécaniques du béton de chanvre. De même, ces trois
formulations ont des résistances mécaniques autour de 0,5 MPa lorsque la porosité
mésoscopique est de l’ordre de 44 %. Ces quelques résultats montrent qu’il est possible de
compenser du point de vue mécanique un faible dosage en liant par un niveau de compactage
supérieur, afin d’atteindre des résistances équivalentes σmax. Cependant, ce compactage élevé
jouera sur les performances thermiques et acoustiques du matériau en augmentant la
conductivité thermique et en réduisant la perméabilité (cf. chapitres 3 et 4).

0,9 φmeso = 38%

0,8

0,7

0,6
σmax (MPa)

φmeso = 44%
0,5

0,4

0,3
A4-1
Mur
0,2
A4-1,5
0,1

0
320 370 420 470 520
ρsec (kg/m3)

Fig.II. 31 : σmax des trois formulations de béton de chanvre après un an prise en fonction de sa masse
volumique finale ρsec et de la porosité mésoscopique φmeso

- 121 -
φmeso_finale
ρfrais (kg/m3) ρsec (kg/m3) A4-1 Mur A4-1,5
583 348 51,6%
670 366 43,8%
670 390 45,4%
737 437 40,8%
750 430 38,0%
764 476 37,6%
811 469 36,0%
830 510 30,4%
840 490 33,0%
Tab.II. 11 : Porosité mésoscopique finale des échantillons

1.7.5. Le module d’élasticité E

Comme pour σmax, la valeur du module d’élasticité E augmente pour une formulation
donnée, lorsque le niveau de compactage augmente, puisqu’il fait diminuer la quantité d’air
mésoscopique présente dans le matériau. De plus, le module d’élasticité E augmente avec la
concentration volumique en liant, à masse volumique constante. Ce résultat est logique
compte tenu du fort contraste de propriétés existant entre les particules végétales et le liant.
Ce dernier possède un module de l’ordre de 500 MPa contre 1 MPa pour les particules. Le
liant commande donc la raideur globale du béton de chanvre. Plus sa concentration est élevée
et plus le module E est grand. On peut noter qu’un dosage en liant plus faible, peut être
compensé par un niveau de compactage plus élevé du matériau frais (Fig.II.31).

100
90
80 A4-1,5
70 Mur
E (MPa)

60 A4-1
50
40
30
20
10
0
330 380 430 480
ρ sec (kg/m3)

Fig.II. 32 : Module d’Young E du béton après la fin de la prise en fonction de sa masse volumique initiale
après compactage et de la formulation

Ainsi, A4-1,5 et Mur ont des modules équivalents pour un écart de masse volumique
sèche de l’ordre de 50 kg/m3. De même, Mur et A4-1 ont des modules d’élasticité équivalents
pour des écarts de masse volumique sèche allant de 20 à 40 kg/m3. En comparant les

- 122 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

compositions volumiques de ces différents échantillons, on note que les concentrations


volumiques en liant et en air mésoscopique sont équivalentes (Fig.II.26). Ce sont donc ces
deux paramètres qui pilotent les caractéristiques mécaniques du béton de chanvre.

1.7.6. Conclusions

Ce travail expérimental a montré l’effet non négligeable du niveau de compactage


initial sur les performances du béton de chanvre.
Tout d’abord, une augmentation de la contrainte de compactage du matériau frais
modifie la morphologie du matériau en diminuant la porosité mésoscopique φmeso. Un
réarrangement du squelette granulaire se produit. De plus, il est probable que les particules
végétales compressibles subissent quelques déformations diminuant également la quantité
d’air intra-particule. Cependant, cet effet a été négligé dans les calculs compte tenu des faibles
valeurs de compactage choisies. La diminution de la quantité d’air dans le matériau induit une
augmentation du niveau global de performances. Il a été possible d’obtenir des niveaux de
résistance deux fois plus élevées, en jouant simplement sur le niveau de compactage. Ainsi,
on a vérifié que la résistance en compression du béton de chanvre est principalement liée à la
porosité mésoscopique du matériau. On peut ainsi compenser un faible dosage en liant dans la
formulation par un compactage plus fort, pour atteindre des performances mécaniques
équivalentes. La modulation du niveau de compactage représente donc une alternative
intéressante du point de vue technologique.
Toutefois, la diminution de la porosité du béton de chanvre entraîne une baisse de son
pouvoir isolant, qui constitue un des atouts de ce matériau. Il est donc nécessaire de limiter le
niveau de compactage de façon à ne pas écraser les particules végétales et conserver ainsi une
faible conductivité.

1.8. Utilisation d’un autre liant

Les propriétés mécaniques du béton de chanvre dépendent en grande partie des


propriétés du liant. Une réflexion a donc été menée sur le type de liant à employer et sur les
conséquences notamment en terme de gestion de l’eau du mélange. Des essais ont été réalisés
en vue d’étudier la compatibilité d’autres liants avec les granulats végétaux.
Les granulats possèdent un fort pouvoir absorbant et ont tendance à monopoliser l’eau
du mélange, ce qui peut perturber la prise. Ceci s’est vérifié dans le cas du ciment. Dans un
premier temps, seule une couche de 2 à 3 centimètres, située en haut de l’éprouvette a durci.
L’intérieur du matériau était farineux et une partie du ciment était encore sous forme de

- 123 -
poudre. L’eau était visiblement en quantité insuffisante. Dans un second temps, la quantité
d’eau dans le mélange a donc été augmentée pour que le ciment puisse être hydraté. Mais,
l’eau contenue dans les granulats ne s’évacuait plus puisque la pâte de ciment contenait
suffisamment d’eau. Les particules n’avaient plus de rôle de réservoir à jouer. Le séchage
s’est trouvé fortement ralenti. En conséquence, la prise du liant a été lente et l’intérieur des
éprouvettes de béton de chanvre est resté humide même après 1 an et demi de conservation en
atmosphère contrôlée avec une température de 20°C et une humidité relative de 50 %. Les
caractéristiques mécaniques du béton de chanvre après 18 mois de séchage correspondaient
aux caractéristiques du matériau avec un liant à base de chaux au bout de quelques semaines.
Le ciment s’avère peu compatible avec l’usage d’une grande quantité de particules
végétales. Une étude plus poussée aurait peut-être permis d’optimiser le dosage en eau par
rapport à la quantité des autres constituants. Il n’en reste pas moins que la cinétique de prise
du ciment semble très perturbée par la présence des granulats et leur rôle de réservoir d’eau.

1.9. Conclusions

Le béton de chanvre est un matériau de construction possédant un comportement


élasto-plastique non fragile. Il se distingue des autres matériaux de construction par une forte
déformabilité sous contrainte et la possibilité de reprise des efforts même après avoir atteint le
maximum de résistance mécanique. Les résistances mécaniques et les modules d’élasticité
obtenus au cours de ce travail expérimental restent faibles en comparaison d’autres bétons
légers comme les bétons de bois ou du béton cellulaire. En revanche, les fortes déformations
que ce matériau est capable de supporter le rendent intéressant comme matériau de
remplissage. Il peut subir des tassements différentiels, se contracter ou se dilater sans
présenter de fissuration apparente.
Une deuxième spécificité de ce matériau vient de la variabilité du comportement en
fonction de la formulation. Trois types de microstructure liés à la concentration volumique en
liant ont été définis. Celles-ci induisent des caractéristiques différentes.
Pour de faibles concentrations volumiques en liant (10 %), le matériau présente une
microstructure proche de celle d’un échantillon de chanvre en vrac. Le matériau est
principalement constitué de particules végétales, reliées entre elles par des « ponts de liant ».
Le liant joue un rôle de stabilisateur de l’empilement granulaire. Les niveaux de déformations
supportés par ce matériau sont très élevés (> 15 %) directement en relation avec la
compressibilité de la particule. La résistance mécanique et le module d’élasticité sont faibles.

- 124 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

Pour les concentrations volumiques intermédiaires (19 à 29 % de liant), le niveau de


performance augmente avec la quantité de liant. La densité d’hydrates augmente et impose le
comportement global du béton de chanvre. On tend peu à peu vers la microstructure du béton
de chanvre fortement dosé en liant. La quantité de liant semble suffisante dans cette gamme
de dosage pour créer une matrice de liant connexe. La variation dans les performances dans
cette gamme de dosage est due à l’épaisseur plus ou moins grande de la couche de liant
enrobant les particules.
Pour les fortes concentrations volumiques en liant (40 %), le matériau est assimilable à
une matrice de liant continue dans laquelle des particules végétales sont noyées. Les
performances mécaniques augmentent et tendent vers celles du liant seul.
Compte tenu des informations recueillies lors de l’étude expérimentale sur la
microstructure et sur les types de comportement, une modélisation par homogénéisation
autocohérente (HAC) est menée. La démarche et les résultats sont exposés dans la dernière
partie de ce chapitre.

2. APPROCHE THEORIQUE PAR UNE


METHODE D’HOMOGENEISATION

L’homogénéisation est une technique de modélisation qui assimile un matériau


hétérogène à un matériau homogène fictif équivalent, dont on doit déterminer les
caractéristiques. Ce matériau homogène doit avoir le même comportement mécanique global,
répondre aux même conditions aux limites que le milieu hétérogène et respecter le principe de
conservation de l’énergie entre le milieu hétérogène et le milieu homogénéisé. La mise en
œuvre des techniques d’homogénéisation nécessite deux éléments [AURIAULT, 91] :
- un Volume Elémentaire Représentatif (VER)
- le respect de la condition de séparation d’échelle
Le VER est un motif élémentaire qui permet de reconstituer le matériau, lorsqu’on le
duplique dans les trois directions de l’espace. Ce VER est choisi en fonction des informations
disponibles sur la microstructure du matériau. La condition de séparation d’échelle permet de
vérifier que la sollicitation (grandeur macroscopique) est grande devant la taille des
constituants (grandeur microscopique). Ainsi, le matériau hétérogène est vu comme un
matériau homogène au niveau macroscopique.
Diverses techniques d’homogénéisation existent. L’homogénéisation périodique,
basée sur une hypothèse de périodicité de la structure, permet de définir la loi de
comportement suivie par le matériau au niveau macroscopique à partir des lois de

- 125 -
comportement de chaque constituant. On détermine de manière exacte tous les coefficients de
la loi, ainsi qu’un domaine de validité pour la modélisation. Toutefois, cette démarche
nécessite des simulations numériques pour déterminer les paramètres macroscopiques.
L’homogénéisation autocohérente permet d’accéder directement à une estimation des
grandeurs mécaniques du matériau hétérogène. L'hypothèse fondamentale est de considérer
que le matériau au niveau macroscopique et les constituants suivent la même loi de
comportement. Les calculs quasi-analytiques conduisent à exprimer les grandeurs
macroscopiques comme une fonction explicite des caractéristiques de chaque constituant et de
leurs concentrations volumiques.
Deux éléments ont amené à choisir l’homogénéisation autocohérente (HAC) comme
technique de modélisation. En premier lieu, l’étude expérimentale a porté sur le module
d’élasticité du béton de chanvre. C’est donc la valeur de cette grandeur mécanique que nous
souhaitons déterminer au cours de l’étude théorique, ce que permet la HAC. En second lieu,
nous disposons d’un nombre réduit d’informations sur la microstructure, ce qui limite l'intérêt
d'une analyse précise par homogénéisation périodique. Cependant, nous avons pu constater la
variabilité du comportement en fonction de la concentration volumique en liant. La HAC
permet d’exprimer cette dépendance de manière directe.
Dans un premier temps, un rappel bibliographique expose les bases théoriques des
principaux résultats de la HAC en élasticité, ce qui constitue le cadre de notre étude. Dans un
second temps, deux modèles sont mis en œuvre et les résultats obtenus sont commentés.

2.1. Éléments de modélisation

La première étape de la modélisation porte sur le choix d’un VER. Compte tenu de la
nature du matériau, on parlera plutôt de motif générique qui représente le comportement du
VER. En effet, le concept de VER prend tout son sens dans le cadre d'une structure
périodique, ce qui n'est pas le cas de notre matériau.
En ce qui concerne la géométrie du motif élémentaire, des inclusions sphériques
simplifient la résolution du problème analytique en introduisant des symétries. Les travaux de
[HASHIN, 62] et [CHRISTENSEN & LO, 79] ont utilisé des motifs génériques de type
inclusions sphériques simples et bicomposite (Fig.II.33a et b). Cette géométrie, qui peut être
étendue à des inclusions tricomposite, ne semble pas trop éloignée des observations
expérimentales (particules de type ellipsoïdal).

- 126 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

2 3
2
1 1 1

Fig.II. 33 : Inclusions simples (a), bicomposite (b) et tricomposite (C)

La modélisation du comportement mécanique du béton de chanvre a été restreinte au


domaine élastique. La HAC impose que le matériau homogénéisé et chacun des constituants
suivent la même loi de comportement. On postule donc une loi de comportement et on vérifie
ensuite la validité de ce choix par comparaison avec les résultats expérimentaux. On suppose
que la loi de comportement est élastique linéaire isotrope, de type loi de Hooke, en accord
avec l’étude expérimentale (§ 1.2.2.2). La résolution du problème numérique permet de
déterminer K, le module de compressibilité et µ, le module de cisaillement en fonction des
propriétés des constituants et de leur concentration volumique. On remonte ensuite à E, le
module d’élasticité et à ν, le coefficient de Poisson du matériau homogénéisé.
On a µ= E (II.2)
2 (1 + υ )

K= E (II.3)
3 (1 − 2υ )
soit 3µ (II.4)
E=
µ
1+
3K

et
3K − 2 µ (II.5)
υ=
6 K + 2µ

2.2. Résolution théorique

2.2.1. Modèle à inclusions simples

Considérons un milieu hétérogène constitué d’inclusions simples de type 1 et 2, telles


que θ1 + θ2 = 1 (θi : concentration volumique de l’inclusion de type i). Chaque inclusion se
caractérise par un couple de paramètres (Ki, µi) et le milieu homogénéisé se caractérise par
(K, µ). La résolution analytique du problème en élasticité linéaire isotrope est détaillée en
Annexe 1. Ce modèle à deux constituants est une application directe des travaux de
[KERNER, 56], [ESHELBY, 57] et [HILL, 65].

- 127 -
On obtient une équation du second degré en µ :
(1-β)2µ2 – [(1-β)(θ1µ1+θ2µ2) + β(θ1µ2 + θ2µ1)]µ - βµ1µ2 = 0 (II.6)
La résolution de cette équation permet de déterminer le module de cisaillement µ du
milieu homogène équivalent en fonction des caractéristiques des constituants et des
concentrations volumiques de chacun.
On pose ∆1 = (1-β)2(θ1µ1+θ2µ2)2 + β2(θ1µ2 + θ2µ1)2 + 2β(1-β)(θ1µ1+θ2µ2)(θ1µ2 + θ2µ1)
+ 4β(1-β)2µ1µ2 > 0 (II.7)
On obtient alors le module de cisaillement :
µ = ((1-β)(θ1µ1+θ2µ2) + β(θ1µ2 + θ2µ1) + ∆11/2 ) / 2(1-β)2 (II.8)

Une démarche similaire est appliquée pour le calcul de K et on en déduit la relation


suivante :
4 µ (θ K + θ K ) + K K (II.9)
1 1 2 2 1 2
K=3
4µ +θ K +θ K
3 1 2 2 1

Selon cette procédure d'homogénéisation, la morphologie du milieu n'est pas explicite.


Il ressort des résultats que la connexité des phases est fonction de la concentration volumique
des constituants (Fig.II. 34). Ce résultat est applicable à d'autres propriétés physiques. Seules
les valeurs des concentrations définissant les bornes des domaines de connexité varient. Ainsi,
[TAROG, 02] a obtenu des bornes de 1/3 et 2/3 dans le cas de la perméabilité d’un milieu
constitué d’inclusions simples de deux types.

PHASE 2 PHASE 2 NON


CONNEXE CONNEXE
θ1
3/5

PHASE 1 NON PHASE 1


CONNEXE CONNEXE
θ1
2/5

PHASE 2 PHASES 1 ET 2 PHASE 1


CONNEXE CONNEXES CONNEXE
θ1
0 2/5 3/5 1

Fig.II. 34: Limite de connexité des phases d’un milieu composé d’inclusions simples de deux types

- 128 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

Ce modèle à deux inclusions peut être étendu à trois inclusions simples.

R1 R2 R3

Fig.II. 35: Modèle à 3 inclusions sphériques simples de rayon respectivement R1, R2 et R3

On obtient un polynôme en µ qui sera de type cubique au lieu d’être carré :


(1-β)2µ3 – (1-β)[ β(µ1 + µ2 + µ3) - θ1µ1 - θ2µ2 – θ3µ3 ] µ2 - β[ β(µ1µ2 + µ3µ2 + µ1µ3)
– (θ1 + θ2)µ1µ2 - (θ1 + θ3)µ1µ3 – (θ2 + θ3)µ2µ3] µ - β2µ1µ2µ3 = 0 (II.10)

Dans le cadre de notre étude, un des trois constituants est de l’air pour lequel µair ≈ 0.
Si on pose que le constituant 3 est de l’air, l’équation précédente se ramène à un polynôme du
second degré :
(1-β)2µ3 - (1-β)[β(µ1 + µ2) - θ1µ1 - θ2µ2] µ2 - β[βµ1µ2 - (θ1 + θ2)µ1µ2] µ = 0 (II.11)
soit µ[(1-β)2µ2 - (1-β)(β(µ1 + µ2) - θ1µ1 - θ2µ2)µ - β(β – θ1 + θ2)µ1µ2] = 0 (II.12)
On pose ∆2 = (1-β)2[β(µ1+µ2) - θ1µ1 - θ2µ2]2 + 4β(1-β)2(β - θ1 + θ2)µ2µ1 > 0 (II.13)
On obtient alors le module de cisaillement :
µ = ((1-β)[β(µ1 + µ2) - θ1µ1 - θ2µ2] + ∆21/2 ) / 2(1-β)2 (II.14)

2.2.2. Modèle à inclusions bicomposite et tricomposite

Dans le cas des modèles à inclusions simples, la connexité des phases dépend
uniquement des concentrations volumiques θi des constituants. Or, en utilisant des
hétérogénéités élémentaires de type bicomposite, la connexité de la phase 2, externe est
imposée quelles que soient les concentrations. Ce modèle a été développé par
[CHRISTENSEN & LO, 79] dans le cas d’inclusions sphériques et cylindriques puis repris
par [HERVE & ZAOUI, 90]. Chaque milieu i est caractérisé par un coefficient de Poisson νi
et un module de rigidité Ei. La résolution est exposée en Annexe 2. On obtient ainsi une
équation du second degré en (µ / µ2).
2
⎛ µ ⎞ ⎛ µ ⎞
A⎜⎜ ⎟⎟ + B⎜⎜ ⎟⎟ + D = 0 (II.15)
⎝ µ2 ⎠ ⎝ µ2 ⎠
avec A,B et D dépendant des caractéristiques des constituants et de la concentration
volumique du milieu 1. La résolution de cette équation du second degré permet d’exprimer µ
du milieu équivalent en fonction des paramètres des constituants.

- 129 -
Un raisonnement basé sur le même principe amène à la détermination du module de
compressibilité K :
(II.16)
θ1 (K1 - K 2)
K = K1 +
1 + (1 - θ1 ) K 2 - K1
4 µ1
K1 - 3

avec θ1 : rapport volumique (θ1 = R13/R23)

La démarche exposée dans le cas d'une inclusion bicomposite peut être étendue à n
constituants successifs [BOUTIN, 96]. [HASHIN & MONTEIRO, 02] a notamment utilisé
une inclusion sphérique tricomposite pour modéliser le comportement de l'interface entre un
granulat rigide et du ciment hydraté. Dans le cadre de cette étude, un motif élémentaire
constitué de trois phases est utilisé. La phase 1 correspond à l’air de paramètres (K1, µ1, R1).
La phase 2 contient les particules végétales de paramètres (K2, µ2, R2). La phase 3 est
constituée du liant de paramètres (K3, µ3, R3).

AIR (1)

PARTICULES (2)

LIANT (3)

Fig.II. 36 : Structure du modèle à inclusions tricomposite

La résolution analytique est faite d'une manière similaire à celle employée dans le
cadre d'inclusions bicomposite. On écrit la continuité des contraintes et des déformations aux
frontières entre les différents milieux et on obtient un système de 12 équations à 11
inconnues, qui n’a de solution que si le système est lié. On pose les conventions d’écriture
suivantes :

N i = 1 - 12 (II.17)
νi
2ν (II.18)
N i - 1 = 1 - 2i
νi
2 (1 + ν ) (II.19)
3N i - 1 = 1 - 2 i
νi

- 130 -
CHAPITRE 2 : Comportement mécanique du béton de chanvre

5 − 4ν (II.20)
3N i + 2 = 1 - 2 i
νi
7 − 4ν (II.21)
5N i + 2 = 1 - 2 i
νi
7 + 2ν (II.22)
8N i − 1 = 1 - 2 i
νi
λi = 2υi = - 1 (II.23)
µi 1 − 2υi N i
µi (II.24)
τ ij =
µj
λi = ( - 1)τ ij
(II.25)
Ni
µj
3
⎛ R1 ⎞ (II.26)
θ1 = ⎜ ⎟
⎝ R2 ⎠
3
⎛ R2 ⎞ (II.27)
θ 2 = ⎜⎜ ⎟⎟
⎝ R3 ⎠
µ (II.28)
x=
µ3

On écrit le système sous la forme d’une matrice carrée de taille 12 x 12, on obtient M
(Fig.II.37). Les lignes 1,2, 5, 6, 9, 10 de la matrice correspondent aux équations de continuité
de déplacements en r = R1, R2 et R3. Les autres équations correspondent à la continuité des
contraintes en r = R1, R2 et R3. La nullité du déterminant de M conduit à une équation du
second degré en x, dont la résolution permet de déduire le coefficient de cisaillement µ du
milieu équivalent. A partir de µ et de K, on déduit le module d'élasticité E du matériau
homogénéisé par (II.4).
Le coefficient de compressibilité K se détermine simplement car le bicomposite
constitué des milieux 1 et 2 peut être remplacé par un milieu dont la compressibilité K12 est
celle du bicomposite 12 homogénéisé, sans modifier le champ de contrainte élastique dans le
matériau 3. Ce milieu de compressibilité K12 peut ensuite être homogénéisé avec le milieu 3
par un procédé itératif :

- 131 -
(II.29)
θ 1 (K 1 − K 2 )
K 12 = K 2 +
(1 − θ 1) (K 1 − K 2)
1+
4
K2− µ
3 2
(II.30)
θ 2 (K 12 − K 3)
K = K3+
(1 −θ 2) (K 12 − K 3)
1+
4
K3− µ
3 3

- 132 -
1 -3N1+3 -1 3(N2-1)θ12 -3/θ15 -(3N2+2)/θ13 0 0 0 0 0 0 A1 = 0
1 -5N1-2 -1 (5N2+2)θ12 2/θ15 -2/θ13 0 0 0 0 0 0 A2 0
2τ12 3τ12(N1-1) -2 -3(N2-1)θ12 24/θ15 (18N2+2)/θ13 0 0 0 0 0 0 B1 0
τ12 -τ12(8N1-1) -1 (8N2-1)θ12 -8/θ15 -(3N2-1)/θ13 0 0 0 0 0 0 B2 0
0 0 1 -5N2-2 -2 2 -1 (5N3+2)θ22 2/θ25 -2/θ25 0 0 B3 0
0 0 1 -3N2+3 3 3N2+2 -1 3(N3-1)θ22 -3/θ25 -(3N3+2)/θ23 0 0 B4 0
0 0 2τ23 3(N2-1)τ23 -24τ23 -2(9N2+1)τ23 -2 3N3θ22 24θ25 (18N3+2)/θ23 0 0 C1 0
0 0 τ23 -(8N2-1)τ23 8τ23 (3N2-1)τ23 -1 (8N3-1)θ22 -8θ25 -(3N3-1)/θ23 0 0 C2 0
0 0 0 0 0 0 1 -3N3+3 3 3N3+2 -1 -3 C3 0
0 0 0 0 0 0 1 -5N3-2 -2 2 -1 2 C4 0
0 0 0 0 0 0 2 3N3-3 -24 -18N3-2 -2x 24x D1 0
0 0 0 0 0 0 1 -8N3-1 8 3N3-1 -x -8x D3 0
Fig.II. 37 : Matrice de résolution du problème pour une inclusion tricomposite
2.3. Application des modèles autocohérents

2.3.1. Chanvre en vrac

La mise en œuvre de l’homogénéisation autocohérente nécessite de connaître les


caractéristiques intrinsèques de chaque constituant. Or, les mesures expérimentales réalisées
sur les matériaux bruts ne permettent de connaître que les propriétés du chanvre en vrac
(particules végétales et air inter-particules). Une analyse inverse est donc réalisée à l’aide du
modèle bicomposite afin de remonter aux propriétés de la particule végétale à partir des
caractéristiques du mélange. Le motif générique est constitué d’une sphère d’air entourée
d’une coquille de particules végétales. Cette structure assure la continuité de la phase solide
constituée par les particules végétales (Fig.II. 38).

Air

Particule

Fig.II. 38 : Modèle à inclusion sphérique bicomposite pour le chanvre en vrac

Les résultats numériques obtenus pour la particule sont comparés aux valeurs
mesurées pour le chanvre en vrac.
Chanvre Vrac Particule Air
3
ρ (kg/m ) 130 320 0
E (MPa) 0,25 0,93 -
ν 0,1 0,1 0,5
K (MPa) 0,10 0,39 0,14
µ (MPa) 0,11 0,42 0
Tab.II. 12 : Caractéristiques mécaniques du chanvre en vrac, de la particule et de l’air

On note l’existence d’un facteur 4 entre le module de rigidité de la particule et celui du


chanvre en vrac. Toutefois, les valeurs intrinsèques des modules sont inférieures à 1 MPa, ce
qui traduit une grande souplesse de la particule seule et de la particule en vrac. Ces valeurs
s’expliquent par le fait que le chanvre en vrac est constitué d’air à près de 60 % en volume.

- 134 -
2.3.2. Béton de chanvre

Le motif générique employé est une inclusion sphérique tricomposite (Fig.II.38)


constitué d’une bulle d’air, entouré d’une bulle de particule, elle-même entourée de liant. Ce
modèle impose la connexité de la matrice de liant, ce qui est cohérent avec les observations
expérimentales. Les caractéristiques suivantes des constituants ont été considérées :
Air Particule végétale Liant
-3
ρ (kg.m ) 0 320 1130
E (MPa) - 0,93 500
ν 0,5 0,1 0,2
K (MPa) 0,14 0,39 277,78
µ (MPa) 0 0,42 208,33
Tab.II. 13 : Caractéristiques des constituants utilisés dans le modèle tri-composite

Les résultats numériques obtenus avec ce modèle à inclusion tricomposite sont fournis
dans le tableau suivant. Ils donnent un ordre de grandeur correct pour les formulations de
concentration volumique en liant supérieure à 19 %. En revanche, les faibles dosages en liant
ne peuvent pas être modélisés avec ce type de motif générique car il impose la continuité de la
matrice de liant, ce qui n’est pas vérifié pour la formulation Toit.

Formulation E réel E modèle


TOIT 3,4 21,4
A4-1 32 40,7
A3-0,75 45 49,5
MUR 46 52
A3-1 64 72
DALLE 54 72
A4-1,5 93 85
A3-1,5 130 136
A3-2 163 144
Fig.II. 39 : Résultats du modèle à inclusion tricomposite

2.3.3. Conclusions

L’application de quelques résultats classiques de l’homogénéisation a confirmé la


modification de microstructure du matériau en fonction du dosage en liant. Le béton de
chanvre faiblement concentré en liant possède une microstructure très éloignée de celle des
autres, qu’il n’est pas possible de modéliser par le même motif générique.
En ce qui concerne les autres bétons de chanvre, le modèle à inclusions sphériques
tricomposites donne des résultats corrects. On retrouve le bon ordre de grandeur pour le
module d’élasticité E.

- 135 -
3. CONCLUSION

Le béton de chanvre est un matériau hétérogène, possédant un comportement élasto-


plastique. Il possède une résistance et une rigidité modestes par rapport aux autres matériaux
de construction du même type (béton de bois). En revanche, il peut supporter des niveaux de
déformations élevés, ce qui lui permet de s'adapter aux contraintes extérieures. Cette
différence de performances s’explique par l’usage d’un liant à base de chaux dans le cas d’un
béton de chanvre, tandis que le béton de bois contient une part importante de ciment.
De plus, le béton de chanvre présente l'originalité d'un comportement très variable en
fonction du dosage en liant. Trois microstructures différentes ont été mises à jour en croisant
les observations expérimentales et les caractéristiques mécaniques du matériau. Pour de
faibles dosages, la structure est proche de celle du chanvre en vrac avec une stabilisation par
des ponts de liant. Pour les dosages en liant compris entre 19 % et 29 % en volume, les
particules sont enrobées d'une couche de liant d'épaisseur plus ou moins grande selon la
quantité de liant présente dans le mélange. Pour les dosages en liant supérieurs à 40 %, les
particules sont noyées dans la matrice de liant. A partir de ces microstructures, un motif
générique de type inclusion sphérique tricomposite a été testé afin de modéliser les propriétés
élastiques du matériau par homogénéisation autocohérente. Les ordres de grandeurs et les
tendances obtenus pour le module E s'accordent avec les observations expérimentales.
Après avoir caractérisé l'impact de la formulation sur les propriétés du matériau,
l'étude s'est intéressée à l'influence du compactage du matériau frais sur les propriétés finales
du béton de chanvre. Ceci a mis en évidence le rôle prépondérant de la porosité mésoscopique
du béton de chanvre sur les caractéristiques mécaniques, ainsi que la possibilité de compenser
un faible dosage en liant par un compactage initial plus intense afin de parvenir à des
caractéristiques finales équivalentes.

- 136 -
CHAPITRE 3

COMPORTEMENT THERMIQUE
ET HYDRIQUE

Les propriétés de transferts thermiques sont directement liées aux constituants, à la


morphologie du milieu (matrice solide et réseau poreux) et aux interactions entre les
différents types de transferts existant dans le matériau. Les propriétés isolantes des matériaux
de construction se quantifient au travers de deux paramètres usuels : la conductivité
thermique λ et la diffusivité a. Ceux-ci dépendent des caractéristiques intrinsèques des
constituants, de la microstructure du matériau et des conditions de conservation (rôle de
l’eau).
Ce chapitre dresse dans un premier temps un bilan rapide des différents modes
classiques de transferts de chaleur (conduction, convection, rayonnement) sans transfert de
masse. Il vise à décrire le comportement thermique du béton de chanvre en milieu sec à partir
de l'étude de la conductivité λ. Il confronte les résultats de campagnes de mesures
expérimentales et d'une modélisation par homogénéisation autocohérente (HAC). Un motif
générique de type inclusion tricomposite semblable à celui utilisé en mécanique est testé.
Cette première phase conduit à un modèle prédictif fiable de la conductivité thermique sèche
du matériau en fonction de sa formulation et de sa densité.
Dans un second temps, le comportement en milieu humide du béton de chanvre et de
chacun des constituants est étudié. Ceci permet de voir la sensibilité du matériau à l’eau et
d’évaluer ainsi son caractère hydrophile. En effet, les particules végétales contiennent de
- 137 -
nombreux capillaires, contrairement à des granulats minéraux usuels. Ces capillaires sont à
l'origine de deux phénomènes physiques. Le premier phénomène est le transfert d’eau liquide
dans le réseau de pores. Les particules se comportent comme des pompes capillaires et
monopolisent l’eau présente dans le matériau. Le deuxième phénomène est la condensation
capillaire. Un changement de phase se produit dans les capillaires les plus fins, au cours
duquel l’eau vapeur passe sous forme liquide, humidifiant ainsi les particules végétales. Ces
phénomènes seront d’autant plus favorisés que le milieu extérieur sera humide et les
capillaires seront fins. Un comportement similaire vis à vis de l’humidité de l’air ambiant est
également observable dans le liant.
Cette sensibilité à l’humidité des constituants du béton de chanvre a des répercussions
immédiates sur les propriétés isolantes du matériau. L’eau, milieu très conducteur, remplace
l’air isolant dans la particule et dans le liant. Des variations de conductivité non négligeables
sont alors constatées et quantifiées de manière expérimentale en fonction de l’humidité
ambiante. Une modélisation HAC conclut l'étude et permet de disposer d'un modèle prédictif
de la conductivité thermique sous différentes conditions hygrométriques.

- 138 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

1. LE TRANSFERT DE CHALEUR

1.1. Généralités

1.1.1. Définition des modes de transfert

Le transfert de chaleur correspond à une transmission de l’énergie contenue dans une


zone vers une autre. Ce transfert a lieu sous trois formes : la conduction sous l’effet d’un
gradient de température, la convection et le rayonnement.
La conduction désigne le transfert d’énergie par contact sans déplacement global de
matière. Ce sont des porteurs élémentaires (molécules, électrons ou phonons) qui véhiculent
l’énergie. Ce mode de transfert est très étudié car il dépend uniquement de la structure du
matériau et de ses composants. La conductivité λ est donc une valeur caractéristique
intrinsèque du matériau.
La convection caractérise le transfert de chaleur entre une matrice solide immobile et
un fluide qui s’écoule le long de la paroi solide, ces deux éléments étant à des températures
différentes. On distingue la convection naturelle et la convection forcée. La convection
naturelle recouvre les écoulements de fluides interstitiels, induits par les variations de masse
volumique dues aux différences de température. La convection forcée quant à elle, recouvre
les cas où le fluide a un mouvement donc une vitesse de déplacement imposée par une cause
d’origine mécanique (pompage…). La convection mixte mêle de manière équivalente les
deux modes de convection précédemment cités.
Le rayonnement enfin est dû aux émissions d’ondes électromagnétiques. La chaleur se
transmet entre le corps émetteur qui joue le rôle de source et le corps récepteur qui
emmagasine l’énergie sans aucun support matériel entre les deux matériaux. Compte tenu de
la température à laquelle les tests sont réalisés T = 20°C, le rayonnement sera négligé vis à vis
des phénomènes de conduction et de convection.

1.1.2. Équation de la chaleur

L’équation générale de la chaleur pour un point M d’un solide homogène isotrope,


repéré par ses coordonnées cartésiennes spatiales et temporelles s’écrit :

( ∂t
λ ∆T + grad T ⋅ grad λ + m = ρ C ∂T + U ⋅ grad T ) (III.1)

- 139 -
avec λ: conductivité thermique du matériau (W/(m.K))
C : chaleur massique
m : terme source
T : champ de température dans le matériau (° K)
U : champ des vitesses du solide
Elle est obtenue en écrivant la conservation de l’énergie dans le milieu.

1.1.3. Hypothèses de travail

L’équation (III.1) est simplifiée grâce à quelques hypothèses :


- La conductivité des solides varie très peu avec la température d’où
grad λ = 0 .
- Il n’y a pas de production interne de chaleur : m = 0
- Le solide considéré est immobile donc U = 0
- Les études sont faites en régime permanent donc ∂T = 0
∂t

On aboutit à l’équation finale :


λ ∆T = 0 (III.2)

Cette équation et l’ensemble du raisonnement mené au début de ce paragraphe ne


s’appliquent que dans le cas d’un matériau homogène. Or, le béton de chanvre est un matériau
composite pour lequel l’équation est a priori non valable. Cependant, l’équation de la chaleur
est exacte au niveau microscopique sur des volumes élémentaires du constituant homogène.
Le passage de cette échelle microscopique à une échelle macroscopique se fait par des
techniques d’homogénéisation qui permettent de définir une conductivité macroscopique λ*,
également nommée conductivité effective du matériau.
Pour simplifier les écritures, nous utiliserons λ pour la conductivité thermique globale
du matériau poreux en sachant que cela fait référence à la conductivité équivalente
macroscopique. Sur l’ensemble du chapitre, λ sera fonction de la formulation de béton de
chanvre considérée.

- 140 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

1.2. Étude de la Conductivité thermique en milieu sec

La conductivité thermique λ des matériaux est la propriété le plus couramment étudiée


car elle dépend uniquement de la structure du matériau et de ses composants, contrairement à
la convection qui intègre l’environnement immédiat du matériau. En effet, la convection
dépend de la façon dont l’air peut se déplacer à l’intérieur du matériau. Ainsi, un matériau
dans lequel les déplacements d’air seront favorisés en créant une différence de température ou
de pression entre ces deux faces par exemple, présentera un niveau de convection plus
important qu’un matériau placé entre deux parois imperméables qui empêchent les
déplacements d’air.
Cette partie est consacrée à l’étude du phénomène de conduction en milieu sec de
manière théorique et expérimentale. Dans un premier temps, les principaux résultats
théoriques au sujet de la conductivité thermique sont exposés. Dans un second temps, la
méthode de mesure expérimentale de la conductivité est exposée et les résultats obtenus sur le
béton de chanvre sont comparés aux modèles issus de l’homogénéisation autocohérente.

1.2.1. Bornes de Voigt et Reuss

Deux modèles simples, l’un série et l’autre parallèle, encadrent la conductivité


thermique du milieu. Ce sont les bornes de Voigt et Reuss.

1.2.1.1 Notations

Notons θi la concentration volumique de la phase i, occupant un volume Vi dans un


matériau de volume total V :
θi = Vi / V (III.3)

Soit un matériau poreux composé d’une phase solide et d’une phase fluide. La phase
solide de conductivité λs et de taux volumique θs correspond à la matrice solide sans air
(particules, liant). La phase fluide contient la totalité de l’air du matériau. Elle a une
conductivité λf et un taux volumique θf. On a par définition θf = 1 - θs.

- 141 -
1.2.1.2 Modèle en série

Le modèle série correspond au cas de figure où le flux de chaleur traverse les deux
phases de manière parallèle à la normale n à leur surface de contact.

FLUIDE 1- θs
FLUX

SOLIDE θs

Fig.III. 1: Modèle série de conduction thermique

La conductivité thermique λsérie correspondante est :

λsérie = 1 (III.4)
θs + 1 - θs
λs λf
Dans le cas où la conductivité du fluide λf tend vers 0, la conductivité totale λ tend aussi vers
0. La couche de fluide isole le matériau global et crée une rupture dans le chemin de
propagation de la chaleur. Ce schéma fait jouer un rôle prépondérant à l’air qui va imposer la
conductivité globale du matériau.

1.2.1.3 Modèle en parallèle

Le modèle parallèle correspond au cas de figure où le flux de chaleur traverse les deux
faces de manière perpendiculaire à la normale n à leur surface de contact.

FLUIDE 1- θs
FLUX

SOLIDE θs

Fig.III. 2 : Modèle parallèle de conduction thermique

La conductivité thermique λparallèle correspondante est :


λparallèle = θs λs + (1 - θs ) λ f (III.5)

Lorsque la conductivité du fluide devient négligeable devant celle du solide (λf << λs), la
phase solide impose la conductivité totale et λ tend vers θsλs. Il en est de même lorsque la
phase fluide a une conductivité très faible comme c’est le cas pour l’air. Dans ce type de
configuration, on néglige le rôle de l’air sur la conductivité.

- 142 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

La conductivité thermique λ réelle du milieu est bornée par ces deux modèles. Ceux-ci
permettent donc de déterminer une zone dans laquelle la conductivité se situe obligatoirement
quel que soit le matériau considéré :

λsérie < λ < λparallèle (III.6)


Ces bornes ont été représentées dans le cas du béton de chanvre (Fig.III.3) en faisant
l’hypothèse que la conductivité de la phase solide est celle du liant. On observe que l’écart
entre les bornes est trop important pour constituer une modélisation prédictive de la
conductivité thermique.

0,250

Modèle série
Modèle parallèle
0,200

BETON DE CHANVRE
0,150
λ (W/(m.K))

0,100

0,050

0,000
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

θsolide

Fig.III. 3 : Bornes de Voigt et Reuss pour le béton de chanvre

D’autres auteurs comme [JACKSON & BLACK, 83], [LAURENT, 91] et


[LOUKOU, 94] se sont intéressés à des modèles mixtes qui couplaient les modèles séries et
parallèles. Ces modèles reposaient sur l’hypothèse que la microstructure du matériau ne
variait pas lorsque sa masse volumique changeait (pas de réarrangement du squelette sous
l’effet du compactage) et que la répartition de l’air dans le matériau était uniforme. Un calage
expérimental déterminait la proportion de chaque modèle (série et parallèle) dans le modèle
mixte. Cette modélisation dépendait donc fortement de la qualité des mesures expérimentales.

Une autre technique basée sur de la HAC a donc été employée. Le principe est
d’assimiler un matériau hétérogène à un matériau homogène équivalent dont on doit
déterminer les caractéristiques. On réalise ainsi un passage de l’échelle microscopique (les

- 143 -
constituants) à l’échelle macroscopique (le matériau), en exprimant la conductivité thermique
globale du matériau comme une fonction des caractéristiques de chaque constituant
(conductivité, concentration volumique).

1.2.2. Modèles par homogénéisation autocohérente (HAC)

La mise en œuvre de la HAC nécessite deux conditions, la séparation d’échelle et


l’existence d’un motif générique. A ces deux conditions s'ajoute la conservation de l’énergie
entre le milieu hétérogène réel et le milieu homogène fictif, dont les propriétés sont à définir.
Dans le cadre de cette étude, le motif générique est constitué d’inclusions sphériques
simples ou composites [HASHIN, 68], qui permettent de simplifier les calculs par des effets
de symétrie. La modélisation peut se faire en une seule homogénéisation ou faire appel à une
double homogénéisation [BOUTIN, 96]. Ces deux approches sont détaillées ci-après.

1.2.2.1 HAC avec des inclusions simples

Dans le cas d’un milieu constitué d’inclusions simples, le problème se traite en deux
étapes. Tout d’abord, le champ des températures dans le milieu constitué d’une inclusion
sphérique de rayon R1 et du milieu homogène soumis à un gradient G unitaire à l’infini est
déterminé. Le champ de températures solution de l’équation (III.2) est de la forme :
(i = 1, eq) (III.7)
Ti = ⎛⎜ Ai r + B2i ⎞⎟ cosθ
⎝ r ⎠
Les conditions aux limites imposent que:
En r = 0 T1 est finie donc B1 = 0
En r = ∞ (grad T)eq tend vers G donc Aeq = 1
Beq + R1 = A1 R1
En r = R1 T est continue donc R12
⎛ ⎞
En r = R1 le flux Φi est continu donc λeq ⎜1 - 2 B3eq ⎟ = λ1 A1
⎝ R1 ⎠

- 144 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

λ1 R1

λeq

Fig.III. 4 : Inclusion sphérique simple soumis à un gradient G unitaire

On se ramène donc à un système de deux équations à deux inconnues A1 et B1, dont la


solution est :

A1 = 3 λeq (III.8)
λ1 + 2 λeq

B1 = λeq - λ1 (III.9)
R1 λ1 + 2 λeq
3

Supposons ensuite que le milieu est constitué de deux types d’inclusions simples 1 et 2
de concentrations volumiques θ1 et θ2 telles que θ1 + θ2 = 1.
La conservation du flux dans l’ensemble du matériau s’écrit :

λ eq ( grad T ) eq = θ1 λ1 ( grad T ) 1 + θ 2 λ 2 ( grad T ) 2 (III.10)

La dernière équation est obtenue en considérant que les deux inclusions sont soumises au
même gradient de température à l’infini :

( grad T ) eq = θ1 ( grad T ) 1 + θ 2 ( grad T ) 2 (III.11)

On en déduit finalement:

λ eq (θ1 ( grad T ) 1 + θ 2 ( grad T ) 2 ) = θ1 λ1 (grad T ) 1 + θ 2 λ 2 ( grad T ) 2 (III.12)

soit λ eq (θ 1 A 1 + θ 2 A 2 ) = λ 1 θ 1 A 1 + λ 2 θ 2 A 2 (III.13)

λ1 - λ eq λ 2 - λ eq
d’où θ1 + (1 - θ 1 ) =0 (III.14)
λ1 + 2λ eq λ 2 + 2λ eq

On pose les paramètres suivants :


λ1
X = λ eq et β=
λ2
(III.15)
λ2
et on obtient l’équation du second ordre en λ:
- 145 -
2 X2 + X [3 θ1 - 2 + β (1 - 3 θ1 )] - β = 0 (III.16)

La résolution de ce système permet d’obtenir les valeurs de X et d’en déduire λeq.


Dans le cas ou λ1 est très faible devant λ2 (air par exemple), (III.16) se simplifie avec β=0 :

2 X 2 + X [3 θ1 - 2 ] = 0 (III.17)

3
soit λ eq = (1 - θ1 ) λ 2 (III.18)
2

On obtient une dépendance linéaire entre la conductivité du milieu équivalent et la


conductivité du milieu 2. On retrouve la valeur limite de 2/3 pour la concentration θi qui
définit le domaine de connexité de la phase 1.

1.2.2.2 HAC avec inclusions bicomposite

Dans ce cas, la connexité de la phase externe est imposée (milieu 2 dans Fig.III.5). On
considère donc un constituant 1 modélisé par une sphère de rayon R1, de conductivité λ1 et de
masse volumique ρ1, entouré d’un constituant 2 de caractéristiques R2, λ2 et ρ2. Cette
inclusion bicomposite est entourée d’une matrice de matériau homogène équivalent de

caractéristiques λeq et ρeq. On définit un paramètre θ qui permet de caractériser la


concentration volumique de la phase interne 1 :
3
θ = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ (III.19)
⎝ R2 ⎠
Tout comme dans le cas des inclusions simples, le milieu est soumis à un gradient de
température uniforme unitaire G à l’infini. Le champ de température solution est de la forme
(III.7). L’équation de la chaleur est résolue pour cette inclusion composite en respectant les
conditions aux limites c’est-à-dire la continuité des flux et des températures aux deux
interfaces.

- 146 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Milieu équivalent λeq

λ2 R2

G λ1 R1 G

Fig.III. 5: Équivalence entre milieu bicomposite à inclusions sphériques et milieu homogène

Les conditions aux limites imposent que:


En r = 0 T1 est finie donc B1 = 0
En r = ∞ (grad T)eq tend vers G donc Aeq = 1
En r = R1 T est continue donc B2 + A2 R1 = A1R1
R12

le flux Φi est continu donc ⎛ ⎞


En r = R1 λ2 ⎜ A2 - 2 B32 ⎟ = λ1 A1
⎝ R1 ⎠

En r = R2 T est continue donc B2 + A2 R2 = R2 + Beq


2 2
R2 R2
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
En r = R2 le flux est continu donc λ2 ⎜ A 2 - 2 B32 ⎟ = λeq ⎜1 - 2 B3eq ⎟
⎝ R2 ⎠ ⎝ R2 ⎠

Dans la méthode autocohérente, la conductivité λeq doit être telle que sous le même
gradient de température à l’infini G, il y ait identité entre les énergies thermiques contenues
dans le milieu homogène équivalent sans inclusion et dans le milieu avec l’inclusion
composite. Ceci équivaut à dire que la moyenne du gradient de température dans la sphère
composite est égale au gradient G d’où Beq = 0. On obtient ainsi un système de 4 équations à 3
inconnues. Ce dernier n’aura une solution que si le système est lié donc son déterminant est
nul. On obtient ainsi la conductivité λeq du milieu homogénéisé bicomposite [HASHIN, 68]:

⎡ ⎤
λeq = λ 2 ⎢1 + θ ⎥ (III.20)
⎢ 1-θ + 1 ⎥
⎢⎣ 3 λ 1/ λ 2 - 1 ⎦⎥
La même méthode peut être appliquée au cas d’une inclusion sphérique tricomposite
avec les milieux 1, 2, 3.

- 147 -
λ2 R2
λ1 R1
G

λ3 R3

Fig.III. 6 : Inclusion sphérique tricomposite

On pose les concentrations volumiques suivantes :


3
θ = ⎛⎜ R 2 ⎞⎟ (III.21)
⎝ R3 ⎠
3
δ = 1 - ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ (III.22)
⎝ R2 ⎠
On obtient alors un système de six équations à cinq inconnues et la conductivité
équivalente vaut [BOUTIN, 96] :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
λ eq = λ 3 ⎢1 + θ ⎥ (III.23)
⎢ (λ 1/λ 2 - 1) δ ⎥
⎢ 1+ ⎥
⎢ 1 - θ + 3 ⎥
⎢ 3
λ1 - 1- δ (λ 1 / λ 2 - 1) (2λ 2 / λ 3 + 1) ⎥
⎢⎣ λ3 3 ⎥⎦

Quelques remarques peuvent être faites quant aux comportements limites induits par
ces deux formules. Concernant les inclusions bicomposite, quand θ tend 0, λéq tend vers λ2.
En revanche, pour θ tendant vers ∞, on retrouve λéq ≈ λ1. De plus, un fort contraste entre les
deux milieux simplifie (III.20) en :

- 148 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

λ2 >> λ1 λ eq = λ 2 (1 - 23+θθ ) (III.24)

λ1 >> λ2 λ eq = λ 2 (1 + 13-θθ ) (III.25)

Dans le cas d’un milieu tricomposite, on se ramène au milieu bicomposite lorsque δ


tend vers 0 (les phases 1 et 2 se confondent). Dans ce cas, on retrouve θ = (R1/R3)3.
Cette méthode peut être étendue à des inclusions à n phases. Le problème se ramène à
un système de n équations avec (n-1) inconnues pour lequel on déduit une relation entre les
différents paramètres.

1.2.2.3 Application de HAC bicomposite au chanvre en vrac sec

Du chanvre en vrac a pu être testé dans la machine thermique en utilisant un moule


carré dont les parois latérales sont faites de Styrodur et les faces supérieure et inférieure sont
constituées de plaques de cuivre. Cet échantillon est donc constitué de deux phases : les
particules végétales et l’air inter-particules. On pose :
- ρc : masse volumique du chanvre en vrac
- λc : conductivité du chanvre en vrac mesurée par la machine thermique
- ρpc : masse volumique de la particule végétale
- λpc : conductivité de la particule végétale (inconnue)
- λa : conductivité de l’air ambiant à 20°C
- ρa : masse volumique de l’air (négligeable)
A partir de la mesure expérimentale de la conductivité macroscopique du chanvre en
vrac, considéré comme le milieu équivalent, on peut déduire la valeur de la conductivité de la
particule λpc en inversant la formule obtenue dans le cas du modèle à inclusions bicomposite.
On considère une structure avec une bulle d’air centrale (phase 1) de rayon Ra entourée d’une
particule végétale (phase 2 connexe) de rayon Rpc [ARNAUD & al., 00b]. La conductivité du
chanvre en vrac s’écrit donc :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ θ ⎥
λ = λ ⎢1 + ⎥ (III.26)
c pc 1−θ 1
⎢ + ⎥
⎢ 3 λ / λ −1 ⎥
⎣ a pc ⎦

⎛ ⎞
3 ρc ≈
θ = ⎜⎜ Ra ⎟⎟ =1 - 1
avec ⎝ R pc ⎠ ρ pc 2 (III.27)

- 149 -
La masse volumique moyenne de la particule est ρpc ≈ 320 kg/m3. De plus, pour
ρc = 155 kg.m-3, on a mesuré λc = 0,058 W/(m.K). En intégrant ces valeurs dans (III.26), on
déduit la conductivité de la particule seule λpc = 0,102 W.(m.K). Finalement, on peut
exprimer la conductivité du chanvre en vrac en fonction de sa masse volumique en remplaçant
les valeurs numériques dans (III.26):
1 − ρ c / 320
λc = 0,102 + 0,102 (III.28)
− 1,342 + ρ c / 960

Les résultats fournis par ce modèle théorique sont cohérents avec les mesures
expérimentales (Tab.I.11) fournies par le C.S.T.B. et l'E.N.T.P.E. .

1.2.2.4 Application au cas du béton de chanvre sec

Le béton de chanvre étant constitué de trois éléments, on utilise le modèle à inclusions


tricomposite avec une bulle d’air, entourée de particules végétales, elle-mêmes entourées de
liant [ARNAUD & al., 00a]. Ce type d’inclusion générique est basé sur trois hypothèses :
- Le liant est constitué du T70 hydraté et de bulles d’air microscopiques (air
intra-liant)
- Les particules végétales sont constituées de la partie végétale et de l’air
intra-particule
- La bulle d’air correspond à l’air macroscopique contenu dans le matériau
(hors liant et hors particule)

λ c Rc
λ a Ra
G

λ l Rl

Fig.III. 7 : Inclusion sphérique tricomposite représentant le béton de chanvre sec

- 150 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

L’expression de la conductivité thermique du béton de chanvre devient donc:

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
λ = λ l ⎢ 1+ θ ⎥ (III.29)
⎢ ⎥
⎢ δ ⎛ λa ⎞ ⎥
1+ ⎜ − 1⎟
⎢ 1-θ + 3 ⎝ pc ⎠
λ ⎥
⎢ 3 ⎥
⎢ λ ⎛ λ ⎞ ⎛ 2 λ ⎞
+ 1⎟ ⎥
a −1− δ a − 1 pc
⎜ ⎟ ⎜
⎢⎣ λl 3 ⎝ λ pc ⎠ ⎝ λl ⎠ ⎥⎦
3 3
⎛ R pc ⎞ ⎛ Ra ⎞
avec θ =⎜ ⎟ δ =1-⎜ ⎟ (III.30)
⎝ R l ⎠ ⎜ ⎟
⎝ R pc ⎠
On pose mpc = k.ml (III.31)
avec mpc : masse particules
ml :masse de liant en poudre dans la formulation de béton
On en déduit :
ρ
θ =1- 1 (III.32)
k + 1 ρl

et ρ k 1 (III.33)
δ=
ρ pc (k + 1)
1-
ρ 1
ρl k + 1
Cette définition de k est basée sur l’hypothèse que les variations de propriétés entre le
liant en poudre et le liant hydraté sec n’entraînent pas de variation notable de la conductivité
thermique du béton de chanvre. Ceci a été vérifié par [CORDIER, 99] sur 6 formulations
différentes (utilisant deux liants distincts) pour lesquelles la variation de λ n’excédait pas 2%
entre les deux approches.

1.2.3. Mesures expérimentales

Les campagnes de mesures expérimentales sont menées à l’aide d’un dispositif appelé
boîtes thermiques [MENGUY & LAURENT, 86]. Elles permettent de déduire la conductivité
thermique des matériaux en régime permanent en réalisant un bilan énergétique du système.

- 151 -
1.2.3.1 Description du dispositif expérimental

Le dispositif est constitué d’une enceinte isotherme maintenue à la température de


T = -4,2°C (± 0,1°C) par un système de refroidissement. C’est la source froide du système.
Cette enceinte possède deux ouvertures carrées de 27 cm de côté sur sa face supérieure sur
laquelle sont disposées les deux boîtes en Styrodur contenant les échantillons à tester. Le
Styrodur est un excellent isolant, qui limite les pertes de chaleur par les surfaces des boîtes en
contact avec l’extérieur.
Chaque boîte contient une plaque chauffante jouant le rôle de source chaude. On
impose ainsi une température uniforme dans la boîte en modifiant la tension électrique U (V)
appliquée aux bornes de la plaque. Une console indique la valeur de cette tension U et un
ohmmètre électronique permet de mesurer les résistances R (Ω) de chaque boîte. On peut
ainsi évaluer la quantité de chaleur dégagée par effet Joule dans le système.
Des sondes de température (thermosondes à résistance de platine) permettent de
mesurer la température ambiante dans la boîte (Tboîte), la température extérieure dans la salle
(Text), les températures sur la face supérieure de l’échantillon (Tsup) et sur la face inférieure
(Tinf).
Le gradient thermique imposé entre la boîte et l’enceinte climatique crée un flux de
chaleur entre les deux faces de l’échantillon. La mesure est réalisée sur 24 heures de façon à
laisser le système se stabiliser et ainsi établir un régime permanent.

Fig.III. 8 : Machine thermique

- 152 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Fig.III. 9 : Schéma de principe de la machine thermique

- 153 -
1.2.3.2 Résolution de l’équation de la chaleur dans le cas d’une plaque

L’équation de la chaleur (III.2) se résout analytiquement dans le cas d’un échantillon


simple dont les parois de surface S sont soumises à deux températures différentes. En régime
permanent, le transfert de chaleur se fait suivant des lignes de flux perpendiculaires aux faces,
c’est un écoulement de type monodimensionnel avec la température T variant linéairement en
x.

Tsup

Tinf

x
FLUX

Fig.III. 10 : Écoulement en régime permanent au travers d’un mur d’épaisseur e

En tenant compte des conditions aux limites, on en déduit:

T(x) = T sup + (T inf - T sup ) e (III.34)


x
Le flux de chaleur par unité de temps vaut d’après la loi de Fourier:

dΦ = - λ
dT S (III.35)
dx
En considérant qu’il n’y pas de fuites par les parois latérales de l'échantillon, le flux de
chaleur émis par la face supérieure se retrouve intégralement sur la face inférieure. Par
intégration en tenant compte des conditions aux limites, on obtient :

Φ(x) = - (T inf - T sup ) λ S (III.36)


e
Cette configuration d’écoulement au travers d’un échantillon d’épaisseur e correspond
à l’écoulement dans le dispositif de mesures utilisé. On calcule ainsi la conductivité
thermique de notre matériau.

1.2.3.3 Principe de la mesure

La mesure est basée sur le principe de conservation de l’énergie dans le système


constitué de la boîte en Styrodur et de la plaque de béton de chanvre. On pose les conventions
d’écriture suivantes :

- 154 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

D: Coefficient global de déperdition thermique (W.K-1) à travers les parois de


la boîte
e: Épaisseur (m) de l’échantillon
S: Surface corrigée de l’échantillon (0,0692 m2)
En régime permanent, l’énergie fournie au système est dissipée pour partie à travers les
parois de la boîte et pour partie au travers de l’échantillon de béton de chanvre. Le système
reçoit l’énergie fournie par dissipation thermique dans la résistance (effet Joule). Elle vaut
U2 / R. La chaleur perdue à travers les parois de la boîte vaut : D (Tboîte – Tamb) et la chaleur
passant à travers l’échantillon vaut : Φ = - λ S (Tinf – Tsup) / e. On obtient donc :

U 2 = D (T boîte - T amb) - λ S (T inf - T sup) (III.37)


R e
d’où on déduit la conductivité thermique du matériau :
⎛ 2
⎞ (III.38)
λ= e ⎜⎜ D (T boîte - T amb) - U ⎟⎟
S (T inf - T sup) ⎝ R ⎠

1.2.3.4 Les perturbations dues à la convection

Les échantillons étant très poreux, des échanges convectifs peuvent se produire et
perturber les mesures. Des mesures ont été réalisées sur des échantillons enfermés entre deux
plaques de cuivre et sur des échantillons sans plaque. On observe que pour des valeurs de
masses volumiques inférieures à 400 kg/m3, il existe un écart entre les mesures réalisées sur
ces deux configurations (Fig.III. 11). De plus, l’écart entre les mesures avec et sans plaques
diminue lorsque la masse volumique des échantillons augmente. Cette différence de
comportement des échantillons peut s’interpréter par un rôle non négligeable de la convection
lorsque la masse volumique du béton de chanvre est inférieure à 400 kg/m3. Lorsque
l’échantillon est testé sans plaque et que la perméabilité du matériau est suffisamment
importante, des transferts thermiques par déplacement d’air au travers du béton de chanvre
deviennent possibles. Ces échanges convectifs s’additionnent aux transferts thermiques par
conduction. Lorsque l’échantillon est placé entre deux plaques, les échanges convectifs sont
limités car on réduit la surface de contact entre l’air extérieur et la phase solide. L’écart de
mesures entre les deux configurations d’essais correspond donc aux échanges convectifs dans
le matériau.
Comme l’étude porte sur la conductivité thermique du béton de chanvre, les
échantillons sont placés entre deux plaques de cuivre de conductivité très élevée par rapport à

- 155 -
celle des échantillons λ ≈ 400 W/(m.K), pour ne mesurer que les échanges conductifs et
éliminer les échanges convectifs (Fig.III. 12).
0,12

0,11
CONVECTION + CONDUCTION

0,10
λ (W/(m.K))

0,09 CONVECTION
PREPONDERANTE

0,08

0,07 CONDUCTION
Sans les plaques thermiques PREPONDERANTE
Avec plaques thermiques
0,06 Conductivité théorique

0,05
200 250 300 350 400 450
ρ (kg/m3)

Fig.III. 11 : Influence de la convection sur les mesures de conductivité thermique

Fig.III. 12 : Échantillon de béton de chanvre préparé pour les mesures à la boîte thermique

1.2.3.5 Coefficient de déperdition thermique D des boîtes

Le dispositif contenant les échantillons est isolé de l’extérieur par du Styrodur. Ce


matériau permet de limiter les pertes de chaleur à travers les parois des boîtes thermiques,
générées par l’existence d’un gradient de température entre l’intérieur de la boîte et le milieu
extérieur. On définit un coefficient de déperdition thermique D pour chaque boîte, qui dépend
de la géométrie (dimensions) et des propriétés thermiques des matériaux constitutifs. Dans un
premier temps, ce coefficient D est calculé de manière théorique avec les formules de Carslaw
et Jaeger, et celles de Langmuir [MENGUY & LAURENT, 86]. Dans un second temps, le
coefficient D est déterminé de manière expérimentale à l’aide d’un échantillon de béton, dont

- 156 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

les caractéristiques sont connues. On obtient alors par ces deux approches, les valeurs
numériques suivantes :
Boîte 1 Boîte 2
Approche théorique 0,160 0,150
Approche expérimentale 0,179 0,160
Tab.III. 1 : Coefficients de déperdition thermique D des boîtes

Les coefficients de déperdition thermique déduits expérimentalement sont légèrement


plus élevés que les valeurs théoriques. Ceci peut s’expliquer par des imperfections
d’étanchéité du système. La détermination des conductivités thermiques du béton de chanvre
prend en compte les valeurs expérimentales des coefficients de déperdition thermique.

1.2.3.6 Echantillons testés

Les plaques de béton de chanvre sont séchées dans un four à T = 60°C pendant une
semaine, de façon à stabiliser leur masse en éliminant l’eau libre présente dans le matériau. Le
tableau suivant indique le nombre de plaques testées pour chaque formulation, ainsi que les
masses volumiques maximale et minimale des échantillons secs. L’écart entre ces deux
extrêmes varie entre 41 et 210 kg/m3. Le but est d’étudier la conductivité thermique à la fois
en fonction de la formulation et de la masse volumique du matériau.
La quasi-totalité des échantillons a été testée successivement dans les deux boîtes, qui
ont des coefficients de déperdition différents, afin de vérifier l’indépendance des résultats vis
à vis du dispositif de mesures et la cohérence des résultats entre eux.

3
Nombre ρf inal (kg/m )
d'échantillons ρmin (kg/m ) ρmax (kg/m3)
3

Toit 9 206 285


A4-1 2 338 410
A3-0,75 2 352 415
Mur 10 311 444
Dalle 14 349 506
A3-1 3 369 510
A4-1,5 2 453 507
A3-1,5 2 497 707
A3-2 3 715 827

Tab.III. 2 : Inventaire des échantillons testés en thermique

- 157 -
1.2.4. Analyse des résultats

1.2.4.1 Influence de la formulation

Les résultats des essais effectués sur du béton préalablement séché sont fournis sur la
figure III.13. Chaque symbole correspond à une formulation définie dans le chapitre 1. Pour
chaque formulation, différentes masses volumiques sont testées.
La conductivité thermique augmente lorsque la concentration volumique en liant
augmente. On remplace de l’air, excellent isolant naturel, par du liant, bon conducteur
thermique.
On note également que dans la gamme considérée, la conductivité thermique varie de
manière quasi-linéaire avec la masse volumique (Fig.III.14). La densité suffit donc à
caractériser le comportement thermique. Ce résultat n’est vérifié que pour des masses
volumiques comprises entre 200 et 800 kg/m3, car les formulations dans cette zone sont
voisines. Lorsque la masse volumique devient trop faible, les échanges thermiques par
conduction deviennent petits devant les échanges thermiques par convection et le coefficient
λ mesuré ne correspond plus à de la conduction pure mais à l'association
conduction/convection. La valeur de λ pour ρ = 0 dans la loi empirique λ = 0,0002ρ + 0,0194
devrait correspondre à la conductivité de l’air seul (λ = 0,026 W/(m.K)), ce qui n’est pas tout
à fait vérifié. Pour retrouver cette valeur, il serait nécessaire de faire un modèle plus élaboré.

0,19
A3-2
A3-1,5
0,17 A4-1,5
A3-1
DALLE
0,15
MUR
Conductivité (W/(m.K))

A3-0,75/A4-1
0,13 TOIT

0,11

0,09

0,07

0,05
200 300 400 500 600 700 800
ρ (kg/m3)

Fig.III. 13 : Conductivité thermique du béton de chanvre sec en fonction de la masse volumique ρ

- 158 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

0,2

0,18

0,16 y = 0,0002x + 0,0194


R2 = 0,9555
0,14

0,12
λ (W/(m.K))

0,1

0,08

0,06

0,04

0,02

0
200 300 400 500 600 700 800
ρ (kg/m3)

Fig.III.14 : Dépendance quasi-linéaire de la conductivité en fonction de la masse volumique du béton

1.2.4.2 Influence de la masse volumique

Pour chaque formulation, diverses masses volumiques ont été testées en faisant varier
le niveau de compactage des échantillons. La conductivité thermique augmente lorsque la
masse volumique augmente, car on diminue la proportion de vides dans le matériau.

1.2.4.3 Comparaison entre les mesures expérimentales et l’approche théorique par


HAC

La modélisation par HAC permet d’exprimer la conductivité du béton de chanvre en


fonction des caractéristiques et des concentrations volumiques des constituants pour une
inclusion tricomposite (§ 1.2.2.4). Ce choix d’inclusions sphériques imbriquées les unes dans
les autres permet d’imposer la continuité de la matrice de liant, qui est l’élément conducteur
prépondérant dans le béton de chanvre.
La figure III.15 représente en trait plein les résultats donnés par le modèle théorique,
chaque trait indiquant une formulation particulière. Les symboles correspondent quant à eux
aux différentes mesures expérimentales. Pour chaque formulation, un paramètre
caractéristique k est calculé comme le rapport entre la masse de particules de chanvre et la
masse de liant en poudre.
Les valeurs théoriques sont très cohérentes avec les différentes mesures
expérimentales effectuées au laboratoire. Un écart inférieur à ±10% est obtenu entre théorie et
expérience. Cet écart peut s’expliquer par des imprécisions expérimentales. En premier lieu,

- 159 -
la détermination de la conductivité thermique expérimentale dépend de l’épaisseur réelle de
l’échantillon. Or, la présence des particules rend difficile le surfaçage des échantillons et
génère des différences locales d’épaisseur. On utilise une valeur moyenne de l’épaisseur en
réalisant deux mesures sur chaque face latérale de la plaque. En second lieu, la conductivité
thermique est calculée à partir du coefficient de déperdition thermique D de la boîte. Or,
celui-ci est obtenu par calage expérimental et en considérant qu’il est indépendant de la
température d’essais, ce qui n’est pas tout à fait exact.

0,19

A3-2 (k = 0,207)
A3-1,5 (k = 0,276)
0,17
A4-1,5 (k = 0,386)
A3-1 (k = 0,415)
DALLE (k = 0,409)
0,15 MUR (k = 0,489)
A3-0,75/A4-1 (k = 0,553)
TOIT (k = 1,019)
λ (W/(m.K))

0,13

0,11

0,09

0,07

0,05
200 300 400 500 600 700 800
ρ (kg/m3)

Fig.III. 15 : Comparaison entre conductivité expérimentale (symboles) et modèle autocohérent (trait


plein)

1.2.5. Conclusion

Cette première partie du chapitre fait le bilan des recherches menées à l’E.N.T.P.E. sur
la conductivité thermique du béton de chanvre sec. Les essais complémentaires réalisés au
cours de cette thèse ont confirmé les premiers résultats obtenus par [CORDIER, 99] sur deux
points principaux. Le premier point concerne les excellentes performances du béton de
chanvre en tant qu’isolant thermique avec des conductivités variant entre 0,06 et 0,19
W/(m.K) pour des masses volumiques allant de 200 à 840 kg/m3.
Le deuxième point concerne la bonne représentativité du modèle théorique basé sur la
HAC. Le motif générique est constitué d’une inclusion sphérique tricomposite, qui impose la

- 160 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

continuité du liant. Ce dernier permet de tenir compte du dosage des matériaux dans le béton
de chanvre (concentrations volumiques variables des constituants selon la formulation). Les
écarts entre la conductivité théorique et les résultats expérimentaux sont inférieurs à 10 %. On
peut donc considérer que ce modèle HAC possède un caractère prédictif de la conductivité du
béton de chanvre sec satisfaisant.
La suite de ce travail va maintenant aborder l’influence de l’eau sur la conductivité
thermique et le choix d’un motif générique qui donne des résultats théoriques cohérents avec
les valeurs expérimentales.

2. SENSIBILITE A L’HUMIDITE DU
MATERIAU
Le béton de chanvre possède une sensibilité à l’eau qui a des conséquences quant à
son comportement thermique. En effet, sous des variations de conditions hydriques
ambiantes, le béton de chanvre absorbe de la vapeur, qui se condense sous forme d’eau
liquide. Ceci se traduit par un gain de masse dans le matériau. Or, l’eau liquide présente une
conductivité thermique trente fois supérieure à celle de l’air sec. Sa présence va donc modifier
la conductivité thermique globale du matériau.
Cette deuxième partie du chapitre vise deux objectifs majeurs. Le premier objectif est
de définir les principales notions liées à la présence d'eau dans les matériaux. Cette partie
introduit le phénomène de condensation capillaire, qui explique les transferts de masse
observables dans les matériaux poreux lorsque la température T reste constante et que
l'hygrométrie ambiante HR fluctue. Le deuxième objectif est de quantifier ces transferts
hydriques dans le béton de chanvre. Pour ce faire, des courbes de sorption/désorption sont
déterminées pour chaque constituant et pour cinq formulations de béton de chanvre. Ces
courbes expriment la teneur en eau du matériau sous diverses hygrométries extérieures. Elles
sont indispensables à la suite de l'étude car elles permettent de connaître la quantité d'eau
liquide reprise par le béton de chanvre par rapport à son état de référence (i.e. sec) en vue de
modéliser l'impact de l'eau sur la conductivité thermique.

2.1. L'eau contenue dans les matériaux

L’eau est présente dans un matériau sous trois états. Chacun de ces états correspond à
un mode de liaison de l’eau. Ainsi, on rencontre :
- L’eau liée (hydratation)

- 161 -
- L’eau attachée par des liaisons mécaniques (forces de capillarités)
- L’eau libre dans le matériau
Notre étude ne tient compte que de l’eau libre et de l’eau attachée par la pression dans les
capillaires. Selon la quantité d’eau présente dans le matériau, on distingue trois répartitions
des phases liquide et gazeuse (Fig.III. 16).

Fig.III. 16 : Répartition des phases liquide et gazeuse dans un milieu poreux saturé (a),dans le cas d’une
fixation funiculaire (b) et dans le cas d’une fixation pendulaire (c) [GARNIER, 00]

Dans le cas d’un milieu saturé ou quasi-saturé, la phase liquide occupe la quasi totalité
du réseau poreux. Les quelques bulles d’air persistantes sont collées le long des parois de la
phase solide. La phase liquide est connexe, contrairement à la phase gazeuse. Dans le cas où
la phase liquide et la phase gazeuse seraient présentes toutes les deux d’une manière non
négligeable, on parle de fixation funiculaire. Ceci signifie que des anneaux de liquide
entourent les grains. Les deux phases (liquide et gazeuse) sont connexes. Dans le cas où la
phase gazeuse occuperait un espace très nettement supérieur à la phase liquide, on parle de
fixation pendulaire. La phase liquide sert de contact entre les grains et de nombreux
ménisques sont observables. On considère que la phase gazeuse est non connexe.

2.2. La condensation capillaire

La condensation capillaire est un phénomène physique permettant d’expliquer


comment un matériau poreux initialement en équilibre hydrique avec le milieu extérieur se
remplit peu à peu d’eau liquide lorsque l’on augmente HR de manière isotherme. Prenons
deux plaques parallèles constituées d’un matériau solide quelconque, entre lesquelles se
trouve de l’air et de la vapeur d’eau. Si l’espace entre les deux plaques est suffisamment petit,

- 162 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

un changement de phase s’opère et de l’eau se condense le long des parois formant des
ménisques [RESTAGNO, 00]. Le rayon limite en-dessous duquel l’eau se condense dans les
capillaires se calcule à partir de la loi de Kelvin :
2σ cos α
- lv m
RTr ρ
Pv w
= (III.39)
Pvs e
avec σlv : tension de surface liquide/vapeur de l’eau ( = 0,075 kg.s-2)
αm : angle de mouillage (< π/2)
R : constante des gaz parfaits ( = 8,314 J.mol-1.K-1)
ρw : masse volumique de l’eau liquide
r : rayon du capillaire
On obtient donc la relation suivante :
2σ cos α m
r =- lv (III.40)
H R RT ρw

HR (%)
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
10

1
Rayon du pore (µm)

0,1

0,01

angle 0°
0,001
angle 45°
angle 60°
angle 75°
angle 89°
0,0001

Fig.III. 17 : Rayon du capillaire en dessous duquel se produit la condensation capillaire pour T = 20°C

La figure III.17 indique la variation du rayon limite de condensation des capillaires


pour différentes hygrométries extérieures et divers angles de mouillage. On constate que pour

- 163 -
HR = 50 %, la condensation capillaire apparaît pour des rayons inférieurs à 0,1 µm. La
question est maintenant de connaître la répartition de ces micropores entre les particules et le
liant, pour savoir lequel de ces constituants est le plus sensible au phénomène de
condensation. Notre démarche a alors été de déterminer les courbes de sorption/désorption de
chaque constituant, de les comparer et d’en déduire quelques informations sur la répartition
de la taille des pores dans chaque constituant.

2.3. Résultats expérimentaux

2.3.1. Méthodologie et dispositif d’essais

Les plaques de béton de chanvre sont placées dans une enceinte climatique maintenue
à température constante T = 20°C. L’hygrométrie HR dans l’enceinte est contrôlée. Cinq
ambiances sont successivement imposées : HR = 25 %, 40 %, 50 %, 75 % et 95 %. Dans un
premier temps, les échantillons sont séchés dans un four durant une semaine à T = 60°C, afin
d’éliminer l’eau libre présente dans le matériau. On considère que l’échantillon est sec
lorsque trois pesées journalières consécutives donnent des masses équivalentes (variation de
masse inférieure à 1 %). On introduit alors les échantillons dans l’enceinte. Des pesées
journalières permettent de suivre la variation de masse de l’échantillon, donc la quantité d’eau
adsorbée par le matériau sec sous HR fixée. Lorsque les masses des échantillons sont
stabilisées, l’hygrométrie est modifiée pour atteindre le palier suivant. On définit ainsi les
courbes de sorption. Une fois HR = 95 % atteinte, on effectue le chemin inverse pour revenir à
HR = 0 %. On obtient alors la courbe de désorption.

2.3.2. Variations de la teneur en eau massique ω

2.3.2.1 La chènevotte

Des essais ont été menés par [GARNIER, 00] sur des particules de chènevotte seules.
Les courbes de sorption- désorption montrent une teneur en eau massique ω de l’ordre de 0,35
sous HR = 95 %.

2.3.2.2 Le liant

Le liant T70 présente un fort caractère hydrophile avec des teneurs en eau massiques
allant de 0 en ambiance sèche jusqu’à 0,55 en ambiance quasi-saturée (HR = 95 %). Selon la
valeur de HR, le phénomène de sorption devient prépondérant dans le liant ou dans les

- 164 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

particules. Pour des niveaux d’humidité relative de l’ordre de 50 %, la condensation capillaire


est plus forte dans les particules. En revanche, pour les très fortes humidités, la condensation
devient plus importantes dans le liant (Fig.III.18).

0,60

0,50

0,40 particules végétales


Liant T70
ω (kg/kg)

0,30

0,20

0,10

0,00
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
HR (%)

Fig.III. 18 : Courbes de sorption et désorption du liant T70 pur et des particules végétales

On peut donc déduire quelques informations quant à la taille des pores des
constituants et leur répartition. Tout d’abord, il semble que les particules possèdent plus de
capillaires de taille inférieure à 0,1 µm que le liant, puisque la quantité d’eau qui y apparaît
est supérieure sous HR = 50 %. Ensuite, la condensation capillaire est beaucoup plus forte
dans le liant que dans les particules lorsque HR = 95 %. Ceci signifie donc que la quantité de
pores de diamètre compris entre 0,1 µm et 10 µm est plus important dans le liant que dans les
particules. Ces résultats sont cohérents avec les tailles caractéristiques de pores définies au
chapitre 1. En effet, les particules ont des pores compris entre 10 et 40 µm de diamètre tandis
que ceux du liant sont compris entre quelques centièmes de microns et quelques millimètres.

2.3.2.3 Le béton de chanvre

La cinétique du phénomène de sorption/désorption dans le béton de chanvre est lente


et l’équilibre thermodynamique est difficile à atteindre surtout pour les fortes valeurs de HR.
Les échantillons ont mis plus de 200 jours pour passer de l'équilibre sous HR = 95 % à
l'équilibre sous HR = 50 % (Fig.III. 19). On note que pour chaque phase, une variation de

- 165 -
masse importante se produit dans les 24 heures suivant le changement d’hygrométrie (environ
40% du gain massique total), puis le phénomène ralentit jusqu’à atteindre l’équilibre.

500

50% 95%
480
75% 75%

460
50%

440

420
Masse (g)

400

380

360

340

320

300
0 50 100 150 200 250 300
JOURS

Fig.III. 19 : Reprise en eau du béton de chanvre (formulation Mur) en enceinte climatique à T = 20°C

0,45

0,40

0,35 Mur
Dalle
0,30 Toit
A3-2
A3-1,5
(kg/kg)

0,25

0,20
ω

0,15

0,10

0,05

0,00
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
HR (%)

Fig.III. 20 : Courbes de sorption/désorption de quelques formulations de béton de chanvre

Les teneurs en eau mesurées au cours de cette expérience sont relativement élevées.
Elles mettent en lumière le fait que la présence d’eau dans le matériau poreux est loin d’être
- 166 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

négligeable même sous des hygrométries fréquemment rencontrées comme HR = 50%. On


observe également que les écarts de ω entre les différentes formulations sont inférieurs à 3%
jusqu’à HR = 50%. Au-delà, les différences deviennent notables. La phase d’expérimentation
s’est étendue sur une année mais une panne mécanique de l'enceinte mécanique a interrompu
la manipulation et n’a pas permis de revenir à l’état initial. Ceci explique que les courbes de
désorption sont incomplètes (Fig.III. 20).
A partir des courbes de sorption du béton de chanvre et de celles des constituants
seuls, on a pu vérifier une hypothèse de conservation du volume d’eau total. En effet, le
volume d’eau contenu dans le béton de chanvre correspond approximativement à la somme de
l’eau contenue dans le chanvre seul et dans le liant seul :
Meau = ωliant * Mliant + ωchanvre * Mchanvre (III.41)
avec ωliant : teneur en eau du liant seul
ωchanvre : teneur en eau des particules seules
Mliant : masse de liant dans 1 kg de béton de chanvre
Mchanvre : masse de chanvre dans 1 kg de béton de chanvre
Meau : masse d’eau adsorbée dans 1 kg de béton de chanvre
Ceci aura une application immédiate dans la modélisation par homogénéisation
autocoherente, qui vise à évaluer l’influence de l’eau sur les propriétés thermiques du béton
de chanvre. Les résultats de la caractérisation expérimentale et de la modélisation théorique
sont détaillés dans la dernière partie de ce chapitre.

3. INFLUENCE DE L’EAU SUR LA


CONDUCTIVITE THERMIQUE
Dans la première partie de ce chapitre, le transfert de chaleur par conductivité en
milieu sec a été étudié et modélisé. Cependant, le béton de chanvre possède une sensibilité
importante à l’humidité. L'apparition d'eau liquide par condensation capillaire entraîne une
augmentation de la conductivité thermique par rapport à l'état initial sec. Étant donné que les
matériaux poreux sont utilisés en génie civil car ils présentent un bon comportement en tant
qu’isolant thermique, il est crucial de quantifier la variation de conductivité δλ induite par
une absorption d’eau par l’échantillon sous différentes hygrométries HR. Or, ceci n’est pas
pris en compte dans les études traitant de l’utilisation de poreux en bâtiment, qui considèrent
que le matériau est insensible à l’eau. L’utilisation de granulats végétaux très absorbants
interdit de faire cette hypothèse usuelle dans le cas d’utilisation de granulats minéraux.

- 167 -
Après quelques rappels bibliographiques, différents modèles permettant d’exprimer la
conductivité thermique en fonction de la quantité d’eau présente dans le béton de chanvre
sont exposés. Ensuite, ces modèles sont validés par des campagnes de mesures
expérimentales.

3.1. Rappels

Le transfert de chaleur à basse température est essentiellement conductif. Comme le


rappellent [AZIZI & al., 88], différents modèles simples de conductivité, introduisant une
phase aqueuse, existent mais ils semblent inadaptés car ils nécessitent de nombreuses mesures
expérimentales de calage. Ces modèles basés sur une cellule élémentaire composée de
constituants en parallèle sont largement développés par [LAURENT & GUERRE-
CHALEY, 91] et [LAURENT & FRENDO-ROSSO, 95] pour du béton cellulaire soumis à
différentes ambiances hydriques. Le principe est identique à celui exposé dans le § 1.2.1, si ce
n’est que l’on rajoute une phase correspondant à l’eau.

Une seconde approche possible de la conductivité thermique du béton humide est la


modélisation par homogénéisation autocohérente [BOUTIN, 96]. Le matériau est modélisé à
l’aide d’un motif générique qui permet de reconstituer l’ensemble du matériau à l’échelle
macroscopique. La détermination des propriétés de ce matériau homogène équivalent se fait
en réalisant une moyenne énergétique en considérant que l’énergie dans le matériau
hétérogène est identique à l’énergie du matériau homogène équivalent soumis aux même
conditions aux limites. Cette méthode présente l’intérêt de pouvoir calculer directement les
valeurs des paramètres caractéristiques du matériau au niveau macroscopique à partir des
caractéristiques de chaque constituant. De plus, la microstructure du matériau hétérogène n’a
pas besoin d’être connue a priori. On fait une hypothèse sur le choix du motif élémenatire,
dont on vérifie la pertinence a posteriori par comparaison entre les valeurs expérimentales et
les valeurs fournies par le modèle. Cette démarche permet d’émettre in fine, quelques
hypothèses quant à la microstructure du matériau (connexité des phases, interactions entre les
différents milieux). Par exemple, [BOUTIN, 96] en testant deux modélisations pour le béton
cellulaire met en lumière une structure privilégiée pour ce matériau. Dans un premier temps,
il réalise un modèle basé sur des inclusions sphériques à trois constituants pour lesquelles
l’eau sert de liaison entre la phase solide et les bulles d’air. Il considère dans cette approche
que les bulles d’air contiennent la même épaisseur d’eau quelles que soient leurs tailles. La
conductivité obtenue est du bon ordre de grandeur mais le modèle peut être encore affiné.

- 168 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Dans un deuxième temps, [BOUTIN, 96] réalise une homogénéisation en deux étapes. Tout
d’abord, il crée un milieu homogène constitué du matériau solide et de l’eau, dont l’échelle
caractéristique est intermédiaire entre « micro » et « macro ». Puis, il homogénéise ce milieu
fictif avec l’air pour parvenir au matériau global, c’est-à-dire le béton cellulaire humide. Dans
cette configuration, on considère que les pores de petite taille du matériau solide sont saturés,
ce qui est proche de la réalité. Les résultats numériques permettent de valider cette
configuration comme étant la plus représentative du matériau humide.
En conclusion, il est important de retenir que l’homogénéisation permet d’exprimer la
conductivité thermique globale d’un matériau hétérogène pour toutes les teneurs en eau en
fonction des caractéristiques de chaque constituant et de leurs concentrations volumiques sans
réaliser de calages expérimentaux. Cependant, il faut vérifier la séparation d’échelle et choisir
un motif générique basé sur l’observation du matériau et des phénomènes physiques dont il
est le siège.

3.2. Mesures expérimentales de la conductivité du béton humide

3.2.1. Protocole d’essais

Le protocole d’essais est identique à celui des mis en place pour les bétons secs. Les
tests sont réalisés sur les mêmes prismes en conditions sèches, puis humides. Chaque
échantillon est humidifié en étant placé dans une enceinte climatique dont la température est
fixée à T = 20°C et l’hygrométrie HR successivement à 50 et 75 %. Les échantillons sont
conservés dans l’enceinte jusqu’à stabilisation de leur masse. Ils sont ensuite isolés de
l’extérieur par deux plaques en cuivre et introduits dans la boîte thermique pendant 24 heures
afin d’établir un régime permanent d’écoulement. Après la mesure, les échantillons sont
repesés afin de vérifier que la quantité d’eau dans le matériau n’a pas évolué de manière
sensible (variation de masse < 0,1 %).

3.2.2. Échantillons testés

Compte tenu de la cinétique du phénomène de sorption relativement lente, seules sept


formulations parmi les dix initialement réalisées ont été testées. Le tableau III.3 indique le
nombre d’échantillons fabriqués pour chaque formulation et le nombre de mesures réalisées
pour chaque hygrométrie.

- 169 -
Nombre d'échantillons
Nom
HR = 50% HR = 75%
Toit 3 5
Mur 6 -
Dalle 16 3
A4-1,5 2 -
A3-1 2 -
A3-1,5 2 3
A3-2 2 -

Tab.III. 3 : Bilan des échantillons testés en thermique pour HR variables

3.2.3. Résultats

Les échantillons de béton de chanvre soumis à des hygrométries de 50 % et 75 %


présentent des gains de masse variant de 5 à 15 %, qui induisent des augmentations de la
conductivité thermique du matériau (Fig.III. 21).

0,20

0,18

0,16

0,14
λ (W/(m.K))

0,12

0,10 Conductivité HR=75%


Conductivité HR=50%
Conductivité HR=0%
0,08

0,06
200 300 400 500 600 700 800
ρsec (kg/m3)

Fig.III. 21 : Influence de l’humidité sur la conductivité thermique λ du béton de chanvre


soumis à HR = 50% et HR = 75%

On note que pour les faibles masses volumiques la conductivité augmente de 40 % par
rapport à la conductivité sèche en passant de 0,60 à 0,85 W/(m.K) entre HR = 0 % et
HR = 50 %. La conductivité thermique dépasse même les 0,100 W/(m.K) pour HR = 75 %.
Pour les masses volumiques intermédiaires (ρ autour de 450 kg/m3), la conductivité
thermique augmente de 10% entre HR = 0 % et HR = 50 % passant de 0,10 à 0,11 W/(m.K).

- 170 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Elle atteint 0,13 W/(m.K) pour HR = 75%. Enfin, pour des masses volumiques fortes (ρ autour
de 700 kg/m3), la conductivité augmente de 15 % environ entre HR = 0 % et HR = 50 %.
Ces mesures expérimentales montrent que l’impact de l’humidité relative ambiante est
non négligeable puisque la conductivité sèche du matériau augmente de 0,2 W/(m.K) en
moyenne entre HR = 0 % et HR = 75 %. Un écart équivalent existe également entre HR = 50 %
et HR = 75 %.

3.3. Approche par homogénéisation autocoherente (HAC)

Dans l’étude par HAC, nous avons pris en compte plusieurs configurations de motif
générique dans lesquels la position de l’eau varie. Ces motifs génériques conduisent à
différents modèles d’intégration de l’eau et traduisent donc des interactions différentes entre
l’eau et les constituants du béton de chanvre. Deux approches sont utilisées.
La première approche fait appel à un motif générique de type inclusion sphérique
constituée de quatre phases, dans lequel l’eau joue un rôle équivalent à celui des trois autres
constituants. La deuxième approche est basée sur une double homogénéisation. L’eau et la
phase solide (liant ou particule) sont homogénéisés lors d’une première étape de calcul. Puis,
ce constituant « humide » est lui-même inclus dans un autre modèle de façon à être vu comme
une phase homogène par les constituants restants.
Les modélisations théoriques par chacune des deux approches et les implications
structurelles qu’elles ont, sont abordées dans les paragraphes suivants. Une confrontation
avec les mesures expérimentales sera par la suite réalisée afin de valider l’un ou l’autre des
points de vue.

3.3.1. Modèle à quatre phases

3.3.1.1 Résolution du problème

La résolution de l’équation (III.2) dans le cas d’un milieu à quatre phases est identique
à celle d’un milieu tricomposite. On considère une cellule élémentaire constituée de quatre
inclusions sphériques successives (Fig.III.22). On précisera par la suite l’ordre des phases
dans cette cellule générique. Les conditions aux limites (continuité aux interfaces) et la
conservation de l’énergie ramènent le problème à la résolution d’un système de 8 équations à

- 171 -
7 inconnues, qui a une solution lorsque le système est lié. La résolution du système se ramène
alors au calcul du déterminant de la matrice suivante, qui doit être nul.

- 172 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Milieu équivalent λeq

R2 λ2

G R3 λ3
R1 λ1

R4 λ4

Fig.III. 22 : Cellule générique dans le cas d’un milieu à quatre phases

On a det(M) = det( ⎡

1 ⎤
0 ⎥⎥
)
⎢ 1 -1 − 0 0 0 0
⎢ 3 ⎥
⎢ R1 ⎥
⎢ ⎥
⎢ λ2 ⎥
⎢ λ1 −λ2 2 0 0 0 0 0 ⎥⎥

⎢ R1
3 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ 1 1 ⎥
⎢ ⎥
⎢ 0 1 -1 − 0 0 0 ⎥
⎢ 3 3 ⎥
⎢ R2 R2 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ λ2 λ3 ⎥
⎢ 0 λ2 −2 −λ3 2 0 0 0 ⎥⎥
⎢ 3 3
⎢ R2 R2 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ 1 1 ⎥
⎢ ⎥
⎢ 0 0 0 1 -1 − 0 ⎥
⎢ 3 3 ⎥
⎢ R3 R3 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ λ3 λ4 ⎥
⎢ 0 0 0 λ3 −2 −λ4 2 0 ⎥⎥
⎢ 3 3
⎢ R3 R3 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ 1 ⎥
⎢ 0 0 0 0 0 1 1 ⎥⎥

⎢ R4
3 ⎥
⎢ ⎥
⎢ ⎥
⎢ λ4 ⎥
⎢ ⎥
⎢ 0 0 0 0 0 λ4 −2 λ ⎥
⎢ 3 ⎥
⎣ R4 ⎦

On obtient ainsi une relation du type λ = f(θi, λi)


avec θi : concentration volumique de la phase i
λi : conductivité thermique de la phase i.

- 173 -
3.3.1.2 Définition des paramètres de calcul

Afin de simplifier les calculs, on note :

ω = mw (III.42)
m l + m pc
m pc (III.43)
k =
m l

avec mpc : masse des particules végétales conservées à HR = 50 % (ω ≈ 4 % en masse)


ml : masse de poudre de liant
mw : masse d’eau absorbée par le matériau lors d’un changement isotherme de
l’hygrométrie imposée au milieu extérieur (condensation capillaire)

De plus, on définit les concentrations volumiques suivantes au moyen des Ri,


correspondant aux rayons successifs des inclusions sphériques (i allant de 1 pour le centre à 4
pour la phase la plus externe) :
3
(III.44)
θ = ⎛⎜ R 3 ⎞⎟
⎝ R4 ⎠
3
δ = 1 - ⎛⎜ R 2 ⎞⎟ (III.45)
⎝ R3 ⎠
3
ξ = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ (III.46)
⎝ R4 ⎠
Il est possible d’exprimer θ, δ et ξ en fonction des paramètres k, ω et des masses
initiales et finales des échantillons. Cependant, les formules correspondant à ces trois rapports
volumiques varient selon le choix des phases dans le motif générique.

3.3.1.3 Choix du motif générique et conséquences

Pour l’étude du matériau sec, un motif générique de type inclusions sphériques


tricomposite avait été choisi avec une bulle d’air entourée de particule de chanvre, elle-même
entourée de liant. Comme ce choix avait donné des résultats satisfaisants, il sera conservé
pour le modèle à quatre phases. En effet, le phénomène d’humidification du béton de chanvre
après sa prise ne modifie pas l’arrangement des constituants. L’eau qui apparaît occupe au fur
et à mesure la place de l’air contenu dans le matériau initialement séché à l’étuve. La question
est de savoir où intercaler la phase liquide dans ce motif générique. Quatre positions sont
possibles. Toutefois, l’idée de placer l’eau au centre de l’hétérogénéité est écartée
immédiatement. En effet, l’eau serait alors entourée d’air qui est un matériau très isolant et

- 174 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

qui couperait la phase liquide des autres constituants. La conductivité globale du béton de

Milieu équivalent
λeq
POSITION 1

POSITION 2

POSITION 3

chanvre ne varierait alors plus de manière sensible avec la présence d’eau liquide.

Fig.III. 23 : Positions de la phase liquide dans le modèle à quatre phases

De plus, la reprise en eau du matériau est intimement liée au phénomène d’évapo-


condensation, il semble approprié de mettre la phase liquide en contact avec l’une ou l’autre
des phases solides. Trois positions subsistent donc en partant de l’intérieur vers l’extérieur du
motif générique (Fig.III. 23). Ces trois positions conduisent à des valeurs de λ différentes. Un
exemple de l’influence de la position de la phase aqueuse sur λ est fourni ci-dessous
(Fig.III.24) pour un échantillon de béton de chanvre de formulation Dalle (k = 0,409) de
masse volumique sèche ρsec = 500 kg/m3. La teneur en eau massique du matériau est comprise
entre 0 et 0,35 pour HR variant de 0 % à 95 %.
On note que le modèle 1 donne un rôle moindre à l’eau, en l’isolant par une couche de
particules végétales. L’effet sur la conductivité du béton humide est d’autant plus accentué
que la quantité d’eau est importante dans le matériau. Les modèles 2 et 3 donnent des résultats
proches car deux effets se compensent. Dans le modèle 3, la phase aqueuse très conductrice
est à l’extérieur du motif générique mais son épaisseur est faible. Dans le modèle 2,
l’épaisseur de la phase aqueuse est plus grande, mais elle est séparée de l’extérieur par du
liant de conductivité trois fois moins importante. Dans la gamme de ω considérée, les
positions 2 et 3 donnent donc des conductivités thermiques très proches.

- 175 -
0,210

0,200

0,190 CW
LW
0,180
Mixte
0,170 Position 2
Position 3
λ (W/(m.K))

0,160 Position 1
0,150

0,140

0,130

0,120

0,110
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35%
ω (kg/kg)

Fig.III. 24 : Influence de la positions de la phase liquide sur la conductivité thermique


(Dalle, ρsec = 500 kg/m3)

3.3.1.4 Détermination explicite des concentrations volumiques θ, δ et ξ

Le calcul de θ, δ et ξ est détaillée dans une configuration donnée. Les formules


obtenues pour les deux autres configurations seront simplement indiquées. La démonstration
est réalisée sur le modèle AWCL, qui correspond à une bulle d’air, entourée d’eau, elle-même
entourée de chanvre, lui-même entouré de liant, le tout étant noyé dans le milieu équivalent
(Fig.III. 25).

Milieu équivalent
AIR (A) - R1
λeq
EAU (W) - R2

CHANVRE (C) - R3

LIANT (L) - R4

Fig.III. 25 : Motif générique du modèle AWCL

- 176 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Tout d’abord, on utilise la relation (III.41) :


4π ρ pc (R 3 - R 3 ) = k 4π ρ (R 3 - R 3 ) (III.47)
3 3 2
3 l 4 3

En divisant par R43, on en déduit la première équation :


δ θ ρ pc = k ρ l (1 - θ ) (III.48)

Ensuite, (III.40) s’écrit :

3 2 1 [
3 4 3
3 3 2 ]
4π ρ w (R 3 - R 3 ) = ω 4π ρl (R 3 - R 3 ) + 4π ρ pc (R 3 - R 3 ) (III.49)

En divisant par R43, on en déduit la deuxième équation :


ρw (θ (1 - δ ) - ξ ) = ω (ρl (1 - θ ) + δ θ ρ pc ) (III.50)

Enfin, la conservation de la masse globale du matériau permet d’écrire la relation suivante :


4π ρ bc R 3 = 4π ρ l (R 3 - R 3 ) + 4π ρ pc (R 3 - R 3 ) + 4π ρ w (R 3 - R 3 ) (III.51)
4 4 3 3 2 2 1
3 3 3 3
En divisant par R43, on déduit la troisième équation :
ρ bc = δ θ ρ c + ρ l (1 - θ ) + ρ w (θ (1 - δ ) - ξ ) (III.52)

Les équations (III.48) (III.50) et (III.52) forment un système de trois équations à trois
inconnues. La résolution permet d’exprimer θ, δ et ξ en fonction des masses volumiques des
constituants et des rapports massiques k et α. Des calculs similaires sont réalisés pour les
configurations ACWL et ACLW. L’ensemble des résultats obtenus est fourni dans le tableau
III.4.

- 177 -
PARAMETRES POUR LES TROIS CELLULES GENERIQUES TESTEES EN
HOMOGENEISATION AUTOCOHERENTE

AWCL ACWL ACLW

1- 1 ρ 1- 1 ρ 1- ω
ρ
θ
(1 + ω ) (1 + k ) ρ l (1 + ω ) (1 + k ) ρ l 1+ ω ρ w

( 1 - 1) k
ρl ( 1 - 1) 1 ρw
δ ω ( 1 - 1) (1 + k ) ρ l
θ ρ pc θ ρw θ ω (1 + k ) ρ l
θ δ ρ pc + ρ l (1 - θ) - ρ
ξ θ (1 - δ) + θ (1 - δ) - ρ l k (1 - θ) θ ⎡(1 - δ) - ρ l k δ ⎤
ρw ρ pc ⎢⎣ ρ pc ⎥⎦

Tab.III. 4 : θ, δ et ξ en fonction des masses volumiques des constituants et des rapports massiques ω et k

- 178 -
3.3.1.5 Résultats numériques

Les valeurs expérimentales obtenues pour les différents échantillons stabilisés sous
HR = 50% sont comparées aux valeurs théoriques calculées avec les trois modèles présentés
précédemment (Fig.III. 26). Les séries de valeurs sont présentées en fonction de la masse
volumique du béton de chanvre humide. Les symboles pleins représentent les valeurs
expérimentales et les symboles évidés correspondent aux résultats obtenus par HAC avec les
trois motifs génériques.

0,22

0,20
Mesures expérimentales
Modèle ACWL
Modèle ACLW
0,18
Modèle AWCL

0,16
λ (W/(m.K))

0,14

0,12

0,10

0,08

0,06

0,04
200 300 400 500 600 700 800 900
ρhumide (kg/m3)

Fig.III. 26 : Comparaison entre mesures et résultats théoriques du modèle


à quatre phases pour HR = 50 %

Les valeurs de conductivité thermique obtenues avec les trois modèles sont proches et
d’un ordre de grandeur correct par rapport aux résultats expérimentaux. On peut considérer
que ces modèles sont performants pour des masses volumiques humides comprises entre
350 kg/m3 et 600 kg/m3. La proximité des résultats des trois modèles était prévisible car sous
HR = 50 % la teneur en eau des matériaux est de l’ordre de 0,05. En se reportant aux courbes
de la figure III.23, on constate que les valeurs de conductivité thermique sont proches.
De part et d’autre de ces deux bornes, les modèles semblent moins adaptés. Les
valeurs expérimentales et théoriques présentent des écarts de l’ordre de 30 %. Ceci peut
s’expliquer par la microstructure variable du béton de chanvre selon le dosage en liant
(chapitre 1). En effet, la microstructure influe sur la distribution de l’eau dans le matériau.
Celle-ci ne sera pas répartie de la même manière selon la taille des capillaires et la continuité

- 179 -
des phases. Elle n’aura donc pas le même impact sur la conductivité thermique globale du
béton de chanvre.
En ce qui concerne les faibles dosages en liant, les modèles donnent des valeurs de
conductivité inférieures aux valeurs expérimentales. Ce type de cellules génériques ne permet
donc pas de représenter la structure du matériau d’une manière satisfaisante. En effet, les
modèles ACWL et AWCL imposent la connexité du liant, ce qui n’est pas vérifié dans la
réalité.
En ce qui concerne les forts dosages en liant, ces motifs génériques ne sont plus
représentatifs car le volume d’eau contenu dans le matériau sous HR = 50 % est supérieur au
volume d’air disponible dans la cellule générique en dehors de l’air intra-particule et de l’air
intra-liant. Ceci semble donc confirmer le fait que l’eau se positionne dans les pores du liant
ou ceux des particules végétales.
Enfin, les courbes théoriques présentent des pentes (δλ/δρ) supérieures à la pente de la
courbe expérimentale. Ceci semble confirmer le fait que le modèle d’inclusions à quatre
phases ne représente qu'imparfaitement la structure du matériau.

3.3.1.6 Conclusions

Les simulations numériques réalisées sur les modèles à quatre phases ont montré que
ceux-ci avaient tendance à sous-estimer l’influence de l’humidité sur la conductivité
thermique. Ceci peut provenir de l’hypothèse faite dans la description du modèle. Celle-ci
revient à considérer que chaque cellule élémentaire présente la même concentration
volumique en eau. Autrement dit, tous les pores absorbent de l’eau dans les mêmes
proportions, quelle que soit leur taille. On néglige dans ce cas l’influence de l'effet capillaire
qui est plus élevé dans les pores de petite taille qui se remplissent en général les premiers. Ce
modèle semble donc très approché.
Toutefois, les résultats sont satisfaisants lorsque la masse volumique du matériau varie
entre 350 et 600 kg/m3 mais ils restent éloignés de la réalité pour les faibles et les forts
dosages en liant. De plus, ces trois modèles donnent des résultats relativement proches car les
teneurs en eau ω testées sont faibles et l’impact sur la conductivité thermique est modérée.
Enfin, certains matériaux de masse volumique élevée posent problème pour des
valeurs élevées de HR ambiant. En effet, le choix d’une géométrie à base de couches
concentriques était basé sur l’hypothèse que l’eau remplaçait progressivement l’air
macroscopique du béton de chanvre. Or, il s’est avéré que pour la formulation A3-2 sous
HR > 50 %, le volume d’eau absorbé était supérieur au volume d’air macroscopique

- 180 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

disponible, en dehors de l’air intra-liant et de l’air intra-particules. Ce fait semble donc


indiquer que de l’eau pénètre dans la matrice solide (particules végétales et liant) du matériau,
ce qui est cohérent avec le phénomène de condensation capillaire. Ces motifs génériques ne
sont donc pas compatibles avec le phénomène de sorption observé sur le béton de chanvre.
Afin de résoudre cette difficulté, une démarche de modélisation par double homogénéisation a
été envisagée.

3.3.2. Modèles par double homogénéisation

Le modèle par double homogénéisation propose une démarche en deux étapes. Il


revient à considérer une échelle intermédiaire entre l’échelle microscopique (MICRO) et
l’échelle macroscopique (MACRO), c’est l’échelle mésoscopique (MESO) avec
MICRO << MESO << MACRO. Le modèle à quatre phases a montré des limites dans le cas
de matériaux à fortes densités. Les mesures ont prouvé que de l’eau devait se trouver dans la
phase solide, soit dans le liant soit dans le chanvre, voire dans les deux à la fois. On propose
donc un motif générique basé sur des inclusions sphériques bicomposite permettant
d’homogénéiser l’eau et la matrice solide. Ce matériau fictif assimilable à une matrice solide
saturée est ensuite réinjecté dans un modèle bas sur un motif générique tricomposite identique
à celui employé dans le cas du béton de chanvre sec.
Dans un premier temps, les modèles potentiels vont être explicités et les relations
théoriques entre la conductivité λ du béton de chanvre et les propriétés des constituants vont
être établies. Dans un second temps, des simulations numériques vont être réalisées afin de
confronter les résultats aux valeurs expérimentales.

3.3.2.1 Paramètres de l’étude

Comme pour la modélisation de la conductivité du béton de chanvre sec, on utilise les


paramètres k et ω définis en (III.42) et (III.43). On pose m0, la masse du béton de chanvre sec.
On en déduit les relations suivantes entre les masses des constituants et la masse initiale du
béton de chanvre :

m pc = 1 +k k m 0 (III.53)

m l = 1 +1 k m 0 (III.54)

- 181 -
3.3.2.2 Modèle « particules + eau »

La démarche de modélisation comporte deux étapes. La première étape permet de


créer un milieu homogène (CW) constitué des particules végétales et de l’eau. La deuxième
étape permet d’inclure ce milieu homogène CW dans un modèle tricomposite pour obtenir le
matériau homogénéisé final. Les particules végétales et l’eau sont vus par les autres
constituants comme un milieu homogène et non plus comme deux phases distinctes. Le milieu
CW constitue l’échelle MESO. Du point de vue physique, cette modélisation revient à
considérer que l’eau sature les petits pores contenus dans les particules végétales. Or, les
particules possèdent des capillaires de diamètre compris entre 10 et 40 µm, ce qui induit une
saturation quasi-instantanée des pores par remontées capillaires.

AIR (A)
EAU (W)
MILIEU HOMOGENE (CW)
PARTICULES CHANVRE (C)
LIANT (L)
Fig.III. 27 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (particules végétales + eau)

La résolution numérique utilise les relations (III.20) et (III.23) donnant la conductivité


équivalente d’un milieu bicomposite et d’un milieu tricomposite. Pour la première étape, on
utilise un paramètre θ’ afin d’évaluer la concentration volumique de l’eau dans les particules :
3 (III.55)
θ ' = ⎛⎜ R 1 ⎞⎟ = 1
⎝ R2 ⎠ m pc ρ w
1+
m w ρ pc
avec R1 : rayon de la bulle d’eau
R2 : rayon extérieur de la cellule élémentaire

On obtient la conductivité du milieu équivalent CW :

- 182 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

⎡ ⎤
⎢ ⎥
λ cw = λ pc ⎢1 + θ' ⎥ (III.56)
⎢ 1 - θ ' + 1 ⎥
⎢ 3 λ w - 1⎥
⎣ λ pc ⎦

La deuxième étape fait intervenir le modèle à inclusions tricomposite. On pose :


m pc + m w
k1 = = k + (1 + k ) m w (III.57)
ml m0
3
ρ bc
θ = ⎛⎜ R 4 ⎞⎟ = 1 - 1 (III.58)
⎝ R5 ⎠ 1 + k1 ρ l

⎛ ⎞
3 ⎜ ⎟ (III.59)
δ = 1 - ⎛⎜ R 3 ⎞⎟ = k 1 ρ l ⎜ 1 - 1⎟
⎝ R4 ⎠ ρ cw ⎜1 - 1 ρ bc ⎟
⎜ 1+ k ρl ⎟
⎝ 1 ⎠
avec R3 : rayon de la bulle d’air
R4 : rayon de l’inclusion intermédiaire (milieu homogène = eau + particule)
R5 : rayon extérieur de la cellule élémentaire (liant)
On en déduit alors la conductivité du béton de chanvre humide λh de masse volumique
humide ρbc :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ ⎥
λ h = λ l ⎢1 + θ ⎥
(III.60)
⎢ 1+ (δ λ a - 1) ⎥
⎢ 1 - θ + 3 λ cw

⎢⎣ 3 λ a - 1 - δ ( λ a - 1) (2λ cw + 1)
⎥⎦
λl 3 λ cw λl

3.3.2.3 Modèle « liant + eau »

Ce modèle de double homogénéisation permet de modéliser la saturation des petits


pores du liant. Cette hypothèse est basée sur des constations expérimentales selon lesquelles
le liant présentait une sensibilité importante au phénomène de sorption-désorption
(Fig.III.17). La démarche de modélisation se décompose selon le schéma suivant :

- 183 -
AIR (A)
EAU (W)
PARTICULES CHANVRE (C)
LIANT (L)
MILIEU HOMOGENE (LW)
Fig.III. 28 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (liant + eau)

Le modèle fait intervenir les paramètres θ’, θ, et δ dont l’expression en fonction des
caractéristiques des constituants est synthétisée dans le tableau III.5 . On définit k2 :

m pc (III.61)
k2 = = 1
ml + m w 1 + 1+ 1
k k
( ) mm w
0

On obtient la conductivité du milieu « liant + eau » homogénéisé (LW) :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
λ lw = λ l ⎢1 + θ ' ⎥ (III.62)
⎢ 1 - θ ' + 1 ⎥
⎢ 3 λ w -1

⎣ λl ⎦
On exprime ensuite la conductivité du béton de chanvre humide :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ ⎥
λ h = λ lw ⎢1 + θ ⎥ (III.63)
⎢ δ λ
1 + ( - 1)a ⎥
⎢ 1 - θ + 3 λ c ⎥
⎢ 3 λ a δ λ a
- 1 - ( - 1) ( 2λ c
+ 1) ⎥
⎣ λ lw 3 λc λ lw ⎦

3.3.2.4 Modèle mixte

Le troisième modèle est issu de la comparaison entre la quantité d’eau absorbée par le
béton de chanvre sous certaines hygrométries et la quantité d’eau absorbée par chacun des
constituants pris seuls sous la même ambiance hydrique. En effet, la quantité d’eau réellement
captée par le matériau est supérieure à la quantité d’eau théoriquement contenue dans les
particules ou dans le liant seul en se basant sur les courbes de sorption-désorption. L’idée de
- 184 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

répartir l’eau liquide entre les deux phases s’est donc imposée (Fig.III. 29). La démarche mise
en œuvre est également une double homogénéisation. La première étape permet de définir les
deux milieux homogénéisés correspondant au liant saturé en eau (milieu LW) et aux
particules saturées en eau (milieu CW). Les calculs sont strictement identiques à ceux exposés
au § 3.3.2.2 et au § 3.3.2.3. La difficulté est de répartir de manière correcte l’eau entre le liant
et les particules. Pour ce faire, on utilise une fonction de répartition basée sur les teneurs en
eau massique de chaque constituant.
On a ωl (x %) : teneur en eau massique du liant pour HR = x %
ωpc (x %) : teneur en eau massique des particules de chanvre pour HR = x %
Donc la masse d’eau dans les particules de chanvre vaut :
mwc = ωpc mpc (III.64)
et celle dans le liant vaut :
mwl = ωl ml (III.65)
Il faut vérifier que mw = mwl + mwc, ce qui est globalement vrai sur l’ensemble des essais.

EAU DU LIANT (WL)


AIR (A)
LIANT (L)
MILIEU HOMOGENE 1 (CW)
EAU DU CHANVRE (WC)
MILIEU HOMOGENE 2 (LW)
CHANVRE (C)
Fig.III. 29 : Modèle de double homogénéisation autocohérente (mixte)

- 185 -
La conductivité thermique du béton de chanvre humide vaut alors :

⎡ ⎤
⎢ ⎥
⎢ ⎥

λ h = λ lw 1 + θ ⎥ (III.66)
⎢ δ
1+ ( λ a
- 1) ⎥
⎢ 1 - θ + 3 λ cw ⎥
⎢ 3 λ a δ
- 1- ( λ a
- 1) (2 λ cw
+ 1) ⎥
⎣ λ lw 3 λ cw λ lw ⎦
Comme pour les modèles précédents, un comparatif des résultats obtenus est réalisé
dans le cas d’une formulation de béton de chanvre donnée (Dalle) et une masse volumique
sèche ρsec = 500 kg/m3. On observe que les trois modèles donnent des résultats équivalents
pour de faibles teneurs en eau (ω < 0,1 HR < 60 %). Pour des teneurs en eau supérieures à
0,10 le modèle mixte (i.e. eau contenue à la fois dans le liant et dans les particules) conduit à
des valeurs de conductivité inférieures à celles des deux autres modèles. Ceux-ci renvoient
des valeurs numériques de conductivité proches car ils donnent tous deux un rôle
prépondérant à l’eau, qui dicte la valeur finale de conductivité thermique humide.
0,210

0,200

0,190

0,180 Particules + Eau


Liant + Eau
0,170
Mixte
λ (W/(m.K))

0,160

0,150

0,140

0,130

0,120

0,110
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35
ω

Fig.III. 30 : Conductivité thermique obtenue par une double homogénéisation autocohérente


(Dalle, ρsec = 500 kg/m3)

- 186 -
PARAMETRES POUR LES TROIS MODELES DE DOUBLE HOMOGENEISATION
AUTOCOHERENTE

MODELE MODELE MODELE


« PARTICULES + EAU » « LIANT + EAU » « MIXTE »
ki m pc 1
m pc + m w k2 = = m pc + m wc 1 + ω pc
k1 = = k + (1 + k ) m w +
ml m w 1 + 1 + 1 mw k3 = =k
ml m0 k
( ) m l + m wl 1 + ωl
(i=1, 2, 3) k m0
1 1 1 1
θ’ m pc ρ w m
1+ l
ρw
1+
m pc ρ w 1+ m l ρ w
1+
m w ρ pc mw ρ l m wc ρ pc m wl ρ l

1 ρ bc 1 ρ bc 1 ρ bc
1- 1- 1-
θ 1 + k1 ρ l 1 + k 2 ρ lw 1 + k3 ρ lw

⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
k1
ρl ⎜ 1 - 1⎟ k2
ρ lw ⎜ 1 - 1⎟ k3
ρ lw ⎜ 1 - 1⎟
δ ρ cw ⎜1 - 1 ρ bc ⎟ ρ pc ⎜1 - 1 ρ bc ⎟ ρ cw ⎜1 - 1 ρ bc ⎟
⎜ 1+ k ρl ⎟ ⎜ 1 + k ρ lw ⎟ ⎜ 1 + k ρ lw ⎟
⎝ 1 ⎠ ⎝ 2 ⎠ ⎝ 3 ⎠

Tab.III. 5 : θ, θ’, k’ et δ en fonction des masses volumiques des constituants et de k

- 187 -
3.3.3. Comparaison entre valeurs théoriques et expérimentales

Les comparaisons entre valeurs théoriques et valeurs expérimentales sont présentées


ci-dessous.

0,20
Mesures expérimentales
Chanvre+Eau
0,18
Liant+Eau
Mixte
0,16

0,14
λ (W/(m.K))

0,12

0,10

0,08

0,06

0,04
200 300 400 500 600 700 800 900
3
ρ hum ide (kg/m )

Fig.III. 31 : Conductivité thermique expérimentale et théorique sous HR = 50 %

0,20

Mesures expérimentales
0,18
Chanvre+Eau
Liant+Eau
0,16 Mixte

0,14
λ (W/(m.K))

0,12

0,10

0,08

0,06
200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700
3
ρhumide (kg/m )

Fig.III. 32: Comparaison entre conductivités théoriques et expérimentales sous HR = 75 %

- 188 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

Les figures III.30 et III.31 montrent une cohérence entre les valeurs expérimentales et
les valeurs théoriques pour des masses volumiques humides supérieures à 350 kg/m3. En
dessous de cette valeur seuil, un écart de 30 à 40 % est constaté sur la valeur de la
conductivité thermique.
Sous HR = 50 %, les trois modèles donnent des résultats similaires. La conductivité
thermique semble donc peu sensible aux modifications morphologiques induites par les
différentes cellules génériques. Ceci peut s’expliquer par le volume d’eau relativement faible
adsorbé sous cette hygrométrie. Les concentrations volumiques de liquide sont donc petites
par rapport à celles des autres constituants. Leur impact sur la conductivité thermique est
alors limité. Sous HR = 75 %, les écarts entre les différents modèles sont plus marqués, tout en
conservant le même ordre de grandeur. Il semble que le modèle mixte donne les résultats les
plus proches de l’expérimental. Les résultats obtenus par la double homogénéisation
apportent une légère amélioration du point de vue numérique par rapport aux modèles à
quatre phases développés au § 3.3.1. Toutefois, l'intérêt de la double homogénéisation reste
modéré au regard des résultats obtenus précédemment. Ces modèles peuvent donc être
considérés comme des raffinements par rapport aux autres mais ils présentent l’avantage de
décrire une structure en meilleur accord avec la physique. En effet, la double
homogénéisation suppose implicitement que les pores saturés sont de petites taille devant les
pores secs (séparation d’échelle) pour que le milieu saturé (liant ou particules végétales)
puisse être considéré comme un milieu homogène par les pores secs. Cette hypothèse est en
accord avec les phénomènes de remontées capillaires, qui se produisent prioritairement dans
les petits pores des matériaux et les saturent.
En revanche, une question demeure en suspens quel que soit le modèle utilisé. La
pente δλ/δρ de la courbe expérimentale est moins forte que celle issue des modèles
théoriques. Ceci signifie donc que les modèles surestiment l’influence de l’eau sur la
conductivité thermique du matériau.

3.4. Conclusion

Cette étude démontre l’approximation importante réalisée en bâtiment, lorsque seule


la conductivité sèche des matériaux de construction est considérée indépendamment de
l’hygrométrie extérieure. En effet, les valeurs de conductivité sèche sont entre 20 et 40 %
inférieures aux conductivités obtenues sous HR = 50 % et HR = 75 %. Cependant, la mesure
de la conductivité en milieu humide présente des difficultés car le matériau doit être en
équilibre hydrique avec l’air ambiant. Or, la cinétique du phénomène de reprise en eau est très

- 189 -
lente (plusieurs semaines), ce qui se révèle être une contrainte expérimentale forte. La
deuxième difficulté est liée à la conservation de l’état hydrique du matériau. Il faut vérifier
que l’eau adsorbée par le béton de chanvre ne disparaît pas en cours de mesure. Des plaques
de cuivre ont été employées pour isoler le matériau de l’air ambiant et des vérifications par
pesées avant et après mesure ont été faites.

Les campagnes de mesures expérimentales ont été suivies d’une modélisation par
homogénéisation autocohérente. Le motif générique utilisé est issu des travaux antérieurs sur
le béton de chanvre sec. En effet, la présence d’eau ne modifie pas la structure du matériau.
Deux approches de modélisation ont été testées successivement.
Dans un premier temps, un motif générique constitué de quatre phases concentriques
est employé. L’eau occupe une place équivalente à celle des autres constituants. On se trouve
alors dans la configuration traitée par Hashin, dans laquelle la concentration volumique en
eau est identique quelle que soit la taille des pores. L’ordre de grandeur des conductivités
obtenues par ce biais est correct mais le modèle montre des limites dans le cas d’hygrométries
élevées. Les échantillons de masse volumique supérieure à 750 kg/m3 absorbent un volume
d’eau supérieur au volume d’air macroscopique contenu dans le béton de chanvre. Ceci
confirme l’impression selon laquelle l’air intra-liant et l’air intra-particules est remplacé par
de l’eau (lié à la condensation capillaire).
Dans un deuxième temps, une technique de double-homogénéisation a été utilisée.
Ceci permet de simuler la saturation des pores de petite taille contenus soit dans le chanvre
soit dans le liant et d’intégrer ce matériau saturé dans un motif générique à trois phases. Ces
modèles permettent d’obtenir des valeurs de conductivité légèrement meilleures que celles
obtenues par le modèle à quatre phases, mais l’écart entre les deux approches reste modeste.
L’intérêt de cette démarche réside dans le fait qu’il permet de mieux prendre en compte la
saturation des petits pores du matériau et le comportement en sorption de chacun des
constituants. En effet, il semble approprié de répartir l’eau entre le chanvre et le liant, tous
deux étant fortement hydrophiles.

- 190 -
CHAPITRE 3 : Comportement thermique et hydrique

- 191 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

CHAPITRE 4

COMPORTEMENT ACOUSTIQUE

Les différents éléments dont nous disposons à ce stade de l’étude montrent que le
béton de chanvre est un matériau doté d’une porosité importante. Partant de ce constat et
compte tenu des similitudes avec le béton de bois, l’étude des propriétés acoustiques a été
orientée vers le comportement en absorption. Ce chapitre présente les résultats de notre
démarche exploratoire dans ce domaine. Celle-ci est basée sur un travail essentiellement
expérimental et n’a pas donné lieu à une modélisation théorique contrairement aux propriétés
mécaniques et thermiques.
La première phase de notre travail s’est attachée à définir les paramètres pertinents du
point de vue acoustique et à les évaluer pour les différents constituants (cf. chapitre 1) et pour
les formulations variables de béton de chanvre. La perméabilité est immédiatement apparue
comme un paramètre clé du comportement acoustique. Son rôle a été effleuré dans le
chapitre 1 et sera plus amplement détaillé dans la première partie de ce chapitre. La nature de
la porosité du matériau a également été considérée compte tenu de ses répercussions sur le
comportement en absorption. A partir de ces deux paramètres caractéristiques, l’évolution du
coefficient d’absorption du béton de chanvre en fonction de la fréquence, de la formulation et
de l’épaisseur des échantillons est analysée.
Cette analyse des résultats expérimentaux a conduit à une réflexion sur le
comportement acoustique du matériau. Pendant des années les acousticiens ont travaillé sur
des matériaux possédant une porosité simple, ce qui signifie que les pores macroscopiques

- 191 -
participant au fonctionnement acoustique possédaient une seule taille caractéristique. Le
poreux est alors assimilable à un fluide équivalent, à partir duquel on modélise les propriétés.
Ce concept sera développé dans la première partie du chapitre. Plus récemment, les
acousticiens se sont intéressés à des matériaux à double porosité [AURIAULT &
BOUTIN, 92], [BOUTIN & al., 96] et [BOUTIN & OLNY, 99]. Ces derniers possèdent deux
échelles distinctes de pores (une de taille microscopique et l'autre de taille mésoscopique). La
pression entre ces deux types de pores n'est pas uniforme et des phénomènes de diffusion
doivent alors être pris en compte. Le comportement du matériau devient beaucoup complexe à
modéliser. Les difficultés liées à ce type de microstructure seront détaillées dans ce dernier
chapitre.
Le chapitre est structuré en deux parties. Dans un premier temps, différents rappels
théoriques sur l'acoustique sont faits et les principaux paramètres sont définis. Dans un second
temps, les résultats expérimentaux sont présentés. Une analyse est effectuée et quelques
hypothèses sont émises quant au comportement en absorption du béton de chanvre.

- 192 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

1. RAPPELS SUR LES ONDES ACOUSTIQUES

1.1. Définitions

L'état de référence en équilibre thermodynamique du milieu atmosphérique se


caractérise par une température T0 de 20°C, une pression P0 ≈ 105 Pa et une masse volumique
ρa ≈ 1,28 kg.m-3. Toute vibration d’un corps dans ce milieu entraîne des variations locales de
pression qui se propagent dans l’air. Ces perturbations captées par l’oreille, donnent la
sensation de bruit. Un son pur correspond à une variation sinusoïdale de la pression
acoustique autour d’une position d’équilibre. Le champ de pression présente une dépendance
spatiale et temporelle.
p(t, x) = Pmax.sin(ωft - kx) (IV.1)
avec Pmax : amplitude maximale de l'onde
ωf: pulsation de l'onde
k: nombre d'onde
La distance entre deux extrema consécutifs correspond à la longueur d’onde λf (en m).
La fréquence du signal f et sa longueur d’onde λf sont reliées entre elles par la constante c0
(≈ 342 m.s-1), qui représente la célérité de l’onde dans l’air :
c0 2π c0
λf = f
=
ωf
(IV.2)

L’oreille humaine est sensible aux ondes dont la fréquence est comprise entre 20 et
16 000 Hz. On définit alors trois domaines de fréquences :
- 20 à 400 Hz : GRAVES ⇒ λ compris entre 0,85 et 17 m
- 400 à 2000 Hz : MOYENNES ⇒ λ compris entre 0,17m et 0,85m
- Au-delà de 2000 Hz : AIGUËS ⇒ λ inférieur à 0,17m

Le son correspond à une superposition de signaux de fréquences différentes. Il faut


donc étudier ses caractéristiques selon f. Cependant, les acousticiens préfèrent travailler sur
des intervalles de fréquences appelés octaves et tiers d’octaves. Ces intervalles sont de largeur
relative constante avec :
fi +1 − fi = constante (IV.3)
fi
avec fi+1 et fi : limites de la bande de fréquences
On a fi+1 = 2 fi dans le cas des octaves et fi+1 = 2½ fi pour les tiers d’octave, ce qui
permet alors de définir de manière normalisée ces intervalles. Le travail par bandes de

- 193 -
fréquences permet de faciliter la représentation du son et la comparaison des performances
acoustiques des matériaux. Dans le domaine du bâtiment, on utilise la plage de fréquences
allant de 100 à 4 000 Hz. Le tableau suivant donne la correspondance entre octaves et tiers
d’octave dans cette gamme.

Fréquences (Hz)
1/3 d’octave
100
125
160
200
250
315
400
500
630
800
1000
1250
1600
2000
2500
3150
4000
5000
octave 125 250 500 1000 2000 4000

Tab.IV. 1: Définition normalisée des octaves et tiers d’octaves

1.2. Isolation et correction acoustique

La propagation du son est perturbée lorsque des obstacles se dressent sur son passage.
L'onde incidente génère une onde réfléchie sur la surface du matériau et une onde transmise
au travers de celui-ci.

onde
incidente (Ei)

onde transmise
(Et)

onde
réfléchie (Er)
Fig.IV. 1 : Comportement d’une onde en incidence oblique à la surface d’un matériau

Le bilan énergétique correspondant à cette situation est:


Ei = Er + Et (IV.4)
Or, certains matériaux possèdent la faculté de dissiper une partie de l'énergie de l'onde
incidente. On parle alors d'absorption acoustique. Le bilan énergétique est alors modifié de la
manière suivante:
Ei = Er + Et + Ea (IV.5)

- 194 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

On parle d'isolation acoustique lorsque l'énergie transmise (Et) devient négligeable


devant les autres composantes. Ceci se produit lorsqu'on désire limiter la propagation du son
de part et d'autre d'un obstacle (cas du mur entre deux pièces). Pour ce faire, on utilise des
matériaux de forte inertie, que l'onde incidente ne peut pas mettre en mouvement. Il n'y a
donc pas d'onde transmise par effets vibratoires. C'est l'effet de masse.

On parle de correction acoustique lorsqu'on cherche à réduire les nuisances du bruit


émis dans le local que l'on cherche à traiter. Le but est de limiter la création d'ondes réfléchies
sur les parois de la pièce car elles interfèrent avec les ondes incidentes et gênent
l'intelligibilité du discours (problème de l'écho). Des matériaux poreux sont alors employés
(laines…) car ils ont la faculté de dissiper une partie de l’énergie de l’onde incidente
(phénomène d’absorption). Toutefois, il faut noter que ce type de matériaux permettent
d'augmenter Ea et de diminuer Er mais qu'ils n'ont quasiment pas d'incidence sur Et qui reste
généralement élevée. En effet, les matériaux absorbants se caractérisent par une forte porosité
et une perméabilité élevée. Ils ont donc tendance à laisser passer une partie des ondes
incidentes. De plus, ces matériaux légers vibrent facilement.

Dans le cas particulier où l'énergie de l'onde transmise Et est négligeable, (IV.5) se


réécrit de la manière suivante:
Ei = Er + Ea (IV.6)
Er Ea
1= +
soit Ei Ei (IV.7)
On définit alors le coefficient de réflexion R et le coefficient d'absorption α:
Er
R=
Ei (IV.8)
Ea
α=
Ei (IV.9)
Par définition, α est un coefficient adimensionnel, variant entre 0 et 1. La valeur 0
correspond à un matériau totalement réfléchissant et la valeur 1 correspond à un matériau
totalement absorbant. L’absorption dépend de la fréquence principalement. Ceci signifie
qu’un même échantillon peut être par exemple faiblement absorbant aux basses fréquences et
fortement aux hautes fréquences. Ceci explique pourquoi la valeur de α doit toujours
s’accompagner de la fréquence à laquelle la mesure est réalisée. L’absorption acoustique α se
mesure de manière continue sur toute la gamme de fréquences comprises entre 100 et

- 195 -
2000 Hz à l’aide d’un appareil nommé tube à impédance ou tube de Kundt. Ce dispositif
possède la particularité de limiter la transmission des ondes (Et ≈ 0) et de se placer en
incidence normale (ondes incidente et réfléchie ont même direction de propagation). On
calcule alors la valeur de α par octave afin de comparer les matériaux entre eux.
La masse volumique du béton de chanvre, après prise, est inférieure à 800 kg/m3.
Cette valeur est trop faible pour que le matériau puisse réaliser de l’isolation acoustique par
effet de masse. Un panneau de béton de chanvre aura tendance à transmettre les ondes par
phénomène vibratoire. Cependant, ce matériau possède une forte porosité ouverte, l’onde
incidente pénètre dans le matériau et s’amortit le long des capillaires par effets visqueux. Ceci
explique que cette étude se focalise sur le caractère absorbant du matériau.

1.3. Lien entre porosité, perméabilité et comportement acoustique

Un matériau peut être qualifié de milieu poreux s’il est constitué à la fois d’une phase
solide et de vides appelés pores. Ces pores sont saturés par de l'air. Il existe deux familles de
pores dans un matériau, influant de manière différenciée sur le comportement acoustique :
- Pores connectés
- Pores occlus
Tout d'abord, un matériau possédant une forte porosité est léger. Il aura donc tendance
à vibrer sous l'effet des ondes incidentes. Ce type de matériau ne peut donc pas être employé
tel quel pour de l'isolation acoustique.
Ensuite, l'absorption acoustique est due aux frottements visqueux existant entre le
fluide et le squelette solide, car ils ont des vitesses de déplacement différentes. Cet
amortissement n'existe donc que si l'onde acoustique peut pénétrer dans le réseau poreux et il
est d'autant plus fort que la surface de contact entre le fluide et le solide est grande.
L'absorption acoustique est donc favorisée lorsque le matériau possède une porosité ouverte
φouverte élevée et une perméabilité Π suffisante. Ainsi, l'onde pénètre facilement dans le
matériau et dispose d'un large espace pour s'amortir. C’est pourquoi les matériaux absorbants
sont employés pour régler les problèmes d'écoute à l'intérieur d'un local en limitant la
réverbération des sons (réflexion négligeable). Ils dissipent une partie de l'énergie acoustique
incidente et transmettent l'autre partie de par leur perméabilité.
Cependant, un phénomène de diffraction peut se produire si la longueur d'onde λf est
du même ordre de grandeur que la taille des pores en surface. Dans le cadre de cette étude, la
fréquence de l'onde excitatrice varie entre 100 et 2000 Hz, ce qui correspond à des longueurs

- 196 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

d'ondes comprises entre 0,17 et 3,42 mètres. La taille des pores est au maximum de quelques
millimètres. Les conditions sont donc remplies pour éviter le phénomène de diffraction.
Le dernier élément à considérer concerne la taille caractéristique des pores. Si le
matériau possède une seule taille caractéristique de pores, le milieu est dit à simple porosité.
L'écoulement du fluide peut se caractériser par l'équation de Navier-Stokes et on peut calculer
en tout point du réseau la pression du fluide. En revanche, l'existence de deux tailles
caractéristiques de pores modifie le comportement acoustique global du matériau. On
distingue alors les macropores et les micropores. Or, la pression dans les deux types pores est
différente. Des phénomènes de diffusion de pression entre les deux réseaux se superposent
donc aux phénomènes de propagation d'ondes. Ceci influe en particulier sur l'absorption
acoustique. Dans le cas d’un simple poreux, α augmente avec la fréquence d’une manière
régulière. Dans le cas d’un double poreux, des pics d’absorption sont observables.

Le comportement acoustique étant relativement complexe, le cas d'un écoulement


dans un tube cylindrique va être traité afin d'exposer les phénomènes se produisant lors de la
propagation du son. Ceci permettra de comprendre les mécanismes physiques mis en jeu et de
définir les paramètres qui sont utilisés dans la caractérisation des propriétés acoustiques.

1.4. Le comportement acoustique des matériaux à simple porosité

1.4.1. Hypothèse de squelette rigide

Les matériaux poreux sont constitués d’une phase fluide et d’une phase solide. Dans le
cas général, on considère que le squelette est un solide élastique donc déformable et pouvant
être mis en mouvement. [BIOT, 56] a alors démontré que trois ondes se propagent dans le
milieu poreux, deux ondes de compression et une onde de cisaillement générées par les
déplacements du solide et du fluide. Cependant, les mouvements du squelette peuvent parfois
être négligeables. Dans ces conditions, seule une onde de compression se propage dans le
fluide dont les mouvements sont découplés du solide considéré comme rigide. Il existe une
fréquence fd dite de découplage, définie par Zwikker et Kosten en 1949, au-delà de laquelle
cette hypothèse est vérifiée :

σφ 2
fd =
2πρ (IV.10)

avec σ : résistance au passage de l’air (N.s.m-4)


- 197 -
φ : porosité totale du matériau
ρ : masse volumique du matériau poreux (kg.m-3)

Des mesures expérimentales ont été réalisées sur différentes formulations de béton de
chanvre. Les résultats des mesures de σ et Φ seront détaillés ultérieurement. Cependant, un
calcul de fd est réalisé pour trois formulations afin d’obtenir un ordre de grandeur de fd :

Nom fd (Hz)
A3-0,75 1,66
Dalle 0,60
Enduit 0,78
Tab.III. 1: Fréquence de découplage de quelques formulations de béton de chanvre

Dans le cas du béton de chanvre, la fréquence fd vaut quelques hertz. On considère


donc que l’hypothèse de squelette rigide est vérifiée pour ce matériau.

1.4.2. Effets visco-inertiels pour un fluide guidé dans un cylindre

L’air est un fluide Newtonien compressible de viscosité η. Ce fluide est mis en


mouvement dans le réseau poreux. Le squelette solide reste immobile. Il existe donc des
différences de vitesses entre ces deux phases qui provoquent un amortissement par contraintes
visqueuses. Soit un cylindre de rayon r, de longueur L et d’axe (oz). Les parois du cylindre
sont rigides. Les mouvements du fluide visqueux newtonien (i.e. l’air) sont régis par
l’équation de Navier-Stokes linéarisée pour les petites perturbations :

η∆v + (η + ς )∇(∇ ⋅ v ) − ∇ p = jωρ 0 v (III.11)


avec η : viscosité dynamique de l’air
ζ : coefficient de viscosité de volume
p et v : pressions et vitesses acoustiques
L’air contenu dans le cylindre est soumis à une excitation macroscopique (gradient de
pression) de taille caractéristique (longueur d’onde λf) grande devant r. En effet, la taille
minimale caractéristique de l'onde est λf ≈ 0,17 m et la taille maximale des pores est de
quelques millimètres. On a donc λf / r > 100. L’équation de propagation en coordonnées
cylindrique introduit l'épaisseur de couche visqueuse δv. Cette dernière caractérise l’épaisseur

- 198 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

de fluide à partir de la paroi sur laquelle l’écoulement est perturbé par des effets visqueux. δv
est fonction de la fréquence. On a :

η
δv =
ωρ 0
(IV.12)

En comparant δv à r, on en déduit le profil du champ des vitesses dans le tube.


Lorsque δv << r (cas des hautes fréquences), l’écoulement n’est perturbé qu’au
voisinage très proche de la paroi. La vitesse est uniforme dans toute la section du tube. C’est
un régime d’écoulement inertiel.
Lorsque δv >> r (cas des basses fréquences), l’écoulement est perturbé sur l’ensemble
de la section du tube. Les effets visqueux sont prépondérants et le profil de vitesse est
parabolique (Fig.IV.2).

Basses Hautes
Rc Fréquences Fréquences
(OZ)

Fig.IV. 2: Profil du champ des vitesses dans un tube cylindrique selon la fréquence

L’épaisseur de couche visqueuse a été calculée pour des fréquences variant entre 100
et 2000 Hz :
-1
f (Hz) ω (rad.s ) δv (µm)
100 628 154
2000 12566 35
4000 25133 24

Tab.IV. 2: Épaisseur de couche visqueuse

Le diamètre des capillaires de la particule varie entre 10 et 40 µm


[GARCIA JALDON, 95]. L’épaisseur de couche visqueuse est donc équivalente sur la
gamme de fréquences testées (100 à 2000 Hz). On peut donc considérer que l’écoulement est
perturbé dans l'ensemble des capillaires de la particule et les effets visqueux sont
prépondérants.
Le liant présente des pores de rayon inférieur au dixième de millimètre (air intra-
liant). On peut donc considérer que les effets visqueux sont prépondérants aux basses
fréquences. En hautes fréquences, le régime d’écoulement est intermédiaire.
- 199 -
Le béton de chanvre présente des pores de taille caractéristique de l’ordre du
millimètre (air macroscopique), ce qui est 10 à 100 fois supérieure à δv. Le régime
d’écoulement est alors majoritairement inertiel.

1.4.3. Effets thermiques pour un fluide guidé dans un cylindre

En plus des effets visco-inertiels, des phénomènes thermiques entrent en jeu lors de la
sollicitation du fluide. En effet, le squelette solide et le fluide avant sollicitation sont
maintenus à une température d’équilibre T0. Lors de la propagation de l’onde acoustique, l’air
présent dans les pores subit des cycles de compression / détente donc des variations de
température, tandis que le solide reste à température T constante. Ceci entraîne un
déséquilibre thermique entre les deux phases et des modifications de la température
acoustique du fluide τ dans les pores. Lorsque le fluide est au repos, τ = 0. Les perturbations
thermiques subies par l’air sont régies par l’équation de la chaleur linéarisée :
λ∆τ − jωρ 0 C pτ = - jωp
(IV.13)
avec τ : température acoustique de l’air (K)
λ : coefficient conductivité thermique de l’air
Cp : chaleur spécifique de l’air à pression p constante

Par un raisonnement similaire à celui effectué pour les effets visco-inertiels, on définit
l'épaisseur de couche thermique δt. Elle caractérise l’épaisseur de fluide à partir de la paroi
sur laquelle le champ des températures est perturbé. δt varie en fonction de la fréquence. On
a:

δt = λa =
a (IV.14)
ω ρ a c0 ω

avec a : diffusivité thermique de l’air.

La diffusivité thermique caractérise la propension d’un matériau à répondre d’une


manière rapide ou non à une sollicitation thermodynamique. Les matériaux comme le béton
pour lesquels les échanges sont lents ont des valeurs de diffusivité autour de 7.10-7 m2.s-1
(Tab.I.8). Les matériaux pour lesquels les échanges sont rapides (i.e. le cuivre) ont des
diffusivité de l’ordre de 1,2.10-4 m2.s-1.
Lorsque δt << r (cas des hautes fréquences), le cycle de sollicitation est suffisamment
rapide pour que la transformation soit considérée comme adiabatique.

- 200 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

Lorsque δt >> r (cas des basses fréquences), le cycle de sollicitation est suffisamment
lent pour que la transformation soit isotherme.
L’épaisseur de couche thermique dans l'air est déterminée pour des fréquences variant
entre 100 et 4000 Hz :
-1
f (Hz) ω (rad.s ) δt (µm)
100 628 183
2000 12566 41
4000 25133 29

Tab.IV. 3 : Épaisseur de couche thermique

En comparant l’épaisseur de couche thermique aux différentes tailles de pores


rencontrées dans le béton de chanvre, on parvient aux conclusions suivantes. Dans les
capillaires de la particule végétale, la transformation est isotherme (δt < 40 µm). Dans les
pores du liant de taille inférieure au dixième de millimètre, la nature de la transformation est
dépendante de la fréquence d’excitation. Dans les pores de taille supérieure au millimètre, la
transformation est adiabatique.

2. ELEMENTS DE METROLOGIE

La caractérisation des propriétés acoustiques du béton de chanvre est basée sur une
approche expérimentale. Des paramètres représentatifs tels que la perméabilité, la porosité et
le coefficient d’absorption sont mesurés. Les différents dispositifs employés au cours de
l’étude sont donc décrits dans cette partie, ainsi que les principes de mesure.

2.1. Dispositifs expérimentaux

2.1.1. Le tube de Kundt

Ce dispositif est un des moyens de référence de mesure en incidence normale des


propriétés acoustiques d’un matériau. Il permet d’évaluer le coefficient d’absorption α d’un
matériau sur toute la gamme de fréquences testées. La méthode de mesure repose sur le fait
qu’en deçà d’une fréquence particulière appelée fréquence de coupure propre à chaque type
de tube en fonction de sa géométrie et indépendamment du matériau testé, l'onde propagée est
une onde plane. Le fait de travailler en incidence normale avec des parois rigides permet de se
situer dans un cadre connu, pour lequel on sait traduire le phénomène de propagation de
manière théorique. La direction de propagation des ondes incidente et réfléchie est la même.

- 201 -
De plus, l’échantillon est placé sur un support rigide imperméable, ce qui supprime les ondes
transmises.

onde
incidente (Ei)

onde transmise
(Et)
onde
réfléchie (Er)
Fig.IV. 3 : Comportement d’une onde en incidence normale à la surface d’un matériau

L’appareil est constitué d’un tube rigide fermé de section carrée de 85 mm de côté et
1,20 m de long (Fig.IV.4). Les parois sont les plus réfléchissantes possibles. La fréquence de
coupure correspond à cette taille de tube est de 2020 Hz. Le signal utilisé a une fréquence
allant de 100 à 2000 Hz, ce qui est inférieur à la fréquence de coupure. On mesure en deux
points le champ de pression acoustique dans le tube aux abords de l’échantillon sous l’effet
d’ondes stationnaires. On connaît alors les fonctions de transfert des signaux émis et réfléchi
donc le coefficient d’absorption α du matériau.
Analyseur

Trois positions de microphone


Générateur

Haut-parleur 2 1

s
x l
0 3

Echantillon
Terminaison rigide

Fig.IV. 4: Tube de Kundt (photo et schéma de principe) et système d’acquisition


et de mesures de l’absorption

- 202 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

L’échantillon à tester est placé à une des extrémités du tube. A l’autre extrémité du
conduit est placée la source (haut-parleur à membrane carrée et plate) créant le champ plan de
pression acoustique. On mesure la pression acoustique à l’aide d’un microphone dont on fait
varier manuellement la position. Le microphone est fixé sur le tube par un système de vis
creuses permettant un démontage facile et de sorte que la membrane affleure à l’intérieur du
tube. La mesure est réalisée en deux fois au lieu d’une mesure en deux points simultanément
car l’utilisation d’un seul microphone que l’on déplace permet d’éviter les problèmes de
calibration entre les capteurs [OLNY, 99].
Chaque échantillon est placé dans un moule étanche. Les parois du moule sont collées
les unes avec les autres par des joints en silicone. De plus, il est souhaitable que l’échantillon
adhère le plus possible aux parois afin d’éviter les parasites crées par l’action des ondes sur
d’éventuelles poches d’air qui seraient présentes le long des faces du moule. Les échantillons
sont donc conservés dans leur moule d’origine pendant la prise et de séchage. Enfin,
l’étanchéité entre les pièces du système (moule, tube, haut-parleur) est assurée par des joints
élastiques de robinetterie. On évite ainsi les fuites d’air, qui auraient tendance à augmenter le
coefficient d’absorption mesuré par le dispositif.
Chaque éprouvette de matériau est testée avec deux gammes d'échantillonnages de
fréquences successifs. Une première série de mesures est faite à l’aide d’un signal hautes
fréquences. Une deuxième mesure est réalisée en utilisant un signal en basses fréquences. Ce
double échantillonnage permet d’augmenter la précision des résultats.

2.1.2. Le porosimètre

Ce dispositif permet d’évaluer la porosité ouverte φouverte d’un matériau. La mesure est
effectuée en déterminant le volume d’air contenu dans une enceinte, avec et sans
l’échantillon. Cette enceinte est conçue pour être adiabatique. Elle est munie d’un piston
permettant de faire varier son volume intérieur. En déplacant ce piston et en mesurant
l’augmentation de pression qui en résulte, on accède au volume d’air dans la cavité.
On suppose pour cela que la transformation est isotherme, et que l’air suit la loi de
Boyle-Mariotte. Dans ces conditions, on a :

0 0 = ( P0 + ∆P )(V0 + ∆V )
PV (IV.15)
d’où l’on peut déduire V0 .
En mesurant successivement le volume d’air de l’enceinte avec et sans échantillon, on
détermine le volume Vs occupé par le squelette du matériau, et on en déduit la porosité
correspondant à l’air non occlus (air dans les pores connectés) :
- 203 -
-
φ ouverte = V t V s (IV.16)
Vt
où Vt est le volume total de l’échantillon.

Fig.IV. 5: Banc de mesure de la résistance au passage de l’air σ et de la porosité

Vis micrométrique
et piston
Capteurs différentiels de pression

DP1

Réservoir d’air
Echantillon

Fig.IV. 6: schéma de principe du porosimètre

- 204 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

2.1.3. Le perméamètre

Cet appareil permet de mesurer la résistivité au passage de l’air σ d’un matériau en


imposant un débit massique au travers de l’échantillon. Des capteurs mesurent la chute de
pression aux bornes de cet échantillon pour un écoulement de type laminaire (débit limité à
1,8 cm3/s) et l’utilisation de (I.10) permet de déduire σ (résistance au passage de l’air).

Débitmètre massique
Débitmètre laminaire
Echantillon
air comprimé

Q Rc Rx

DP1 DP2

Capteurs différentiels de pression


Fig.IV. 7: Principe de mesure de la résistance au passage de l’air σ

L’hypothèse de l’écoulement laminaire est vérifiée en évaluant la valeur du nombre de


Reynolds. Ce coefficient adimensionnel est défini de la manière suivante, pour un tube de
diamètre d :
4ρD
Re = π η d (IV.17)

avec ρ : densité de l’air


D : débit de l’écoulement
η : viscosité dynamique de l’air
On obtient donc Re = 0,15 / d pour un débit D de 1,8 cm3/s. Or, un écoulement laminaire se
caractérise par Re >> 1 c’est-à-dire d << 0,15 m, ce qui correspond à nos conditions d’essais.

2.2. Échantillons testés

Des prismes de surface carrée de 8,5 cm de côté et de hauteur L valant 10, 20 et 30 cm


ont été fabriqués pour le tube de Kundt. Le matériau frais est compacté de la même manière
que pour les essais mécaniques, c’est-à-dire à l’aide d’une presse développant une contrainte
de 0,05 MPa (soit 5t/m²). Les échantillons ainsi obtenus sont constitués des couches de
matériau de 5 à 6 cm d’épaisseur, testés sous incidence normale (Fig.IV. 8). Des cylindres de

- 205 -
4,6 cm de diamètre et 20 cm de haut sont fabriqués pour les mesures de perméabilité et de
porosité.

DIRECTION DE PROPAGATION DE L'ONDE

Couche de
compactage

Support rigide

Fig.IV. 8: Sens des tests au tube de Kundt

Compte tenu de la durée du plan expérimental lié aux conditions de fabrication des
échantillons, les propriétés acoustiques vont être évaluées sur quelques formulations
judicieusement choisies. Les échantillons de matériau sont conservés dans leur moule pour
des problèmes d’étanchéité, ce qui ralentit le séchage (faible surface d’évaporation). Cinq
formulations de béton de chanvre, de concentration volumique en liant Cliant variable, sont
étudiées :
- Toit (Cliant = 9 %)
- A3-0,75 / Mur / Dalle (Cliant = 20, 21 et 26 %)
- A3-2 (Cliant = 40 %)
A ces formulations de béton de chanvre sont ajoutés des échantillons Enduit, utilisés
en tant que revêtement de surface (Cliant = 51 %). Il aura donc un rôle important à jouer dans
le comportement acoustique du béton de chanvre in-situ, étant donné le lien existant entre les
propriétés acoustiques et l’état de perméabilité de la surface.
Certains problèmes expérimentaux exposés plus loin, n’ont pas permis de tester tous
les échantillons sur tous les appareils. Les tableaux suivants font la synthèse des essais
réalisés :

- 206 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

Nom 10 cm 20 cm 30 cm
Toit x x x
A3-0,75 x x x
Mur x x x
Dalle x x
A3-2 x x
Enduit x x
Tab.III. 2: Nature des échantillons testés en absorption au tube de Kundt

Nom Porosité Perméabilité


Toit x
A3-0,75 x x
Mur x
Dalle x x
A3-2
Enduit x x
Tab.III. 3 : Nature des échantillons testés en porosité et perméabilité

L’homogénéité des échantillons a été vérifiée en comparant les masses volumiques


initiales ρ0 et lors des essais ρ1 (après prise du liant). Ceci permet de conclure à une bonne
reproductibilité de la fabrication des échantillons acoustiques, tout comme c’était le cas en
mécanique.

3. RESULTATS EXPERIMENTAUX

3.1. Paramètres géométriques du matériau poreux

3.1.1. Porosité ouverte du béton de chanvre

Les valeurs expérimentales de la porosité ouverte Φouverte sont comparées à la valeur


de la porosité estimée des échantillons Φestimée, obtenue en considérant le volume total d'air
disponible dans le matériau, c'est-à-dire l'air intra-particule, l'air intra-liant et l'air
macroscopique, et en le divisant par le volume total des échantillons. Le calcul repose sur
l'hypothèse que les particules ne subissent pas de variation de volume sous l’effet du
compactage lors de la mise en œuvre. Les résultats comparatifs sont fournis ci-dessous :

- 207 -
Mesures Calcul
Ecart (%)
expérimentales théorique
Toit 0,80 0,85 5,9%
A3-0,75 0,79 0,82 3,7%
Mur 0,77 0,79 2,5%
Dalle 0,77 0,79 2,5%
A3-2 - 0,67 -
Enduit - 0,59 -
Tab.III. 4 : Comparaison entre les valeurs expérimentales de φouverte et les valeurs calculées de manière
théorique φestimée

En premier lieu, ces mesures confirment l'ordre de grandeur de la porosité du béton de


chanvre, qui s'échelonne suivant les formulations de 67 à 80 %.
En second lieu, ces résultats expérimentaux permettent de faire une hypothèse quant à
la nature du réseau de pores. En effet, le porosimètre mesure le volume d'air non occlus. Or,
ce volume d'air non occlus est du même ordre de grandeur que la porosité estimée Φestimée.
Ceci signifie donc que les pores contenus dans les particules, ceux contenus dans le liant et
les pores macroscopiques sont connectés. On peut donc en déduire que les particules
végétales ne sont pas rendues étanches par le liant. Les capillaires de la particule peuvent
participer au même titre que les autres pores au comportement acoustique global du matériau.
Or, le chapitre 1 a mis en lumière l’existence de plusieurs tailles de pores dans le matériau
selon que l’on considère l’air intra-particule, l’air intra-liant ou l’air macroscopique. Le béton
de chanvre possède donc des tailles caractéristiques des pores distinctes, ce qui pourrait
induire un comportement de type double-poreux.
Enfin, les valeurs expérimentales sont inférieures aux valeurs estimées avec un écart
compris entre 2 et 6 %. Celui-ci peut être consécutif à une légère compression des particules
lors de la mise en œuvre ou à un enrobage partiel des particules par le liant, qui boucherait
l’extrémité de certains capillaires.

Ces mesures de porosité permettent de conclure sur deux éléments importants


concernant le béton de chanvre. Tout d’abord, les pores contenus dans le matériau sont
connectés, ce qui donne des valeurs de porosité ouverte très élevées. Ensuite, le béton de
chanvre possède deux échelles caractéristiques de pores, l’une microscopique (de l'ordre de la
dizaine de micromètre) et l’autre mésoscopique (de l'ordre du millimètre). La question est de
savoir si le réseau microscopique participe effectivement au phénomène d’absorption
acoustique et donc si le béton de chanvre est un matériau à double porosité.

- 208 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

3.1.2. Perméabilité du béton de chanvre

La perméabilité à l’air Π est déterminée par mesure de la résistance au passage de l'air


σ, qui dépend à la fois de la microstructure et des caractéristiques de surface. Les mesures
expérimentales se sont révélées délicates compte tenu du mode de fabrication des
échantillons. Ceux-ci sont compactés par couche, chaque couche possédant une zone de plus
faible perméabilité en surface. Les échantillons de béton de chanvre sont ensuite disposés
dans le perméamètre de façon à ce que la direction d’écoulement de l’air soit perpendiculaire
au sens des couches de matériau. Ce mode d’essais a eu des répercussions sur les valeurs
expérimentales obtenues, à cause de problèmes d’interfaces entre les couches. En mesurant
les perméabilités dans un sens puis dans l’autre, les valeurs différaient. En fait, la précision du
dispositif de mesures est suffisante pour détecter de légères variations de perméabilité au
passage d’une couche à l’autre. Le résultat devenait donc dépendant du nombre de couches de
l'échantillon et de la qualité de l’interface entre ces couches. Pour limiter ces effets, les
éprouvettes ont été découpées afin de caractériser des échantillons prélevés à l'intérieur d'une
couche. Ceci a imposé l’utilisation d’épaisseurs inférieures à 5 centimètres. Cette valeur pose
le problème du motif générique, car les particules ont une taille caractéristique de l'ordre du
centimètre. On a donc testé deux échantillons par éprouvette, issus de deux couches
différentes afin de vérifier la cohérence des mesures entre elles. Les perméabilités des
couches étaient équivalentes, ce qui a confirmé que les écarts des premières mesures étaient
imputables aux effets d’interface. La valeur moyenne des perméabilités mesurées est fournie
ci-dessous :

-4 2
σ (N.s.m ) Π (m )
A3-0,75 5900 3,1E-09
Dalle 2800 6,6E-09
Enduit 10800 1,7E-09
Tab.III. 5: Résistance au passage de l’air et perméabilité du béton de chanvre

Les valeurs de Π sont très élevées pour ce type de matériau en comparaison d’autres
matériaux de construction. Le béton cellulaire par exemple est peu perméable avec des
valeurs de l’ordre de 10-14 m2 (Tab.I.9) On obtient les mêmes ordres de grandeurs que ceux de
laines minérales, du type des laines de roche Rockwool, fortement perméables
(≈ 10-9 m2 pour une porosité φ = 90 %).

- 209 -
3.1.3. Tortuosité α∞

La détermination de la tortuosité α∞ du béton de chanvre s'est avérée impossible dans


le cadre de cette étude. En effet, la tortuosité est déterminée par analyse inverse à partir de
mesures d’impédance au tube de Kundt et du modèle phénoménologique de Johnson-Lafarge.
Ce modèle est basé sur l’hypothèse que le milieu poreux peut être assimilé à un fluide
équivalent dissipatif isotrope de densité ρéq(ω) et de compressibilité Kéq(ω). Ce couple de
paramètres (ρéq, Kéq) s'exprime en fonction des grandeurs caractéristiques du milieu poreux
(σ, φ). On obtient ainsi une bonne corrélation entre les résultats du modèle et le
comportement réel à hautes et basses fréquences. Pour les fréquences intermédiaires, la
modélisation devient très difficile à réaliser car il n'y a pas de comportement prépondérant. Il
faut donc tenir compte de tous les effets (visqueux, inertiels, thermiques…), ce qui rend les
calculs extrêmement complexes.
De plus, l’utilisation du modèle de Johnson-Lafarge est subordonnée à l’hypothèse
que le milieu est homogène. Si ceci est vérifié, on exprime la densité de fluide équivalent en
fonction de la fréquence par :
ρ0α ∞
ρ eq (ω ) =
φ
F (α ∞ , ω , Λ) (IV.18)

avec α∞ : tortuosité du milieu


F( ) : fonction de calcul
Λ : longueur caractéristique visqueuse (m)

La longueur caractéristique visqueuse Λ dépend de la géométrie du réseau de pores


uniquement. Elle est définie comme deux fois le rapport entre la vitesse moyenne volumique
de l’air dans un pore et la vitesse moyenne à la surface du pore. Sa valeur est déduite à partir
d’un calage entre les valeurs expérimentales et le modèle théorique dans le cas d'un fluide
parfait. La définition de ce paramètre caractéristique introduit une deuxième difficulté liée à
la typologie du réseau poreux. Pour que Λ existe, il faut que les pores participant au
comportement acoustique possèdent une taille caractéristique unique donc que le milieu soit à
simple porosité. Il faudrait donc que seules les pores mésoscopiques du béton de chanvre
agissent du point de vue acoustique.
Or, les mesures de perméabilité ont montré que le milieu ne se comportait pas comme
un simple poreux. Les courbes d’impédances présentaient des allures plus proches de celles
d’un double poreux que de celles d’un simple poreux. La détermination de la densité de fluide

- 210 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

équivalent ρéq de ce matériau et de la compressibilité Kéq n'a donc pas été possible, empêchant
le calcul par analyse inverse de la tortuosité.

3.2. Le coefficient d'absorption α

Le coefficient d’absorption est influencé par la nature du support sur lequel est posé
l’échantillon. Ce dernier se comporte donc comme un matériau multicouches, constitué d’un
matériau poreux et perméable, et d’un support rigide et imperméable. Les problèmes liés à la
différence d’impédance entre les deux éléments sont donc abordés dans un premier temps. Un
autre élément à considérer pour la validité des mesures est l’état de surface du matériau, qui
modifie son pouvoir absorbant. Son impact sur les signaux est démontré dans (§ 3.2.1).
Ensuite, les courbes continues d'absorption sont présentées afin d'étudier l'influence des
différents paramètres sur le pouvoir absorbant. Enfin, une comparaison des coefficients
d'absorption par octave est effectuée pour évaluer le pouvoir absorbant global du matériau et
le comparer à celui d’autres matériaux du génie civil.

3.2.1. Influence de l’état de surface

L'absorption étant liée aux caractéristiques de surface, des essais préalables ont été
effectués sur les échantillons, compte tenu des différences d'aspect observées entre la face
supérieure et la face inférieure des prismes. La face supérieure a été talochée lors de la mise
en oeuvre. Son aspect n'est donc pas parfaitement lisse de par la présence des granulats
végétaux. En revanche, la face inférieure des échantillons présente un aspect lisse car du liant
semble s'être accumulé au fond du moule. Les granulats sont mieux enrobés et sont moins en
contact avec le milieu extérieur. Cette face semble donc moins perméable que la précédente.
Pour vérifier cet écart de perméabilité, des échantillons sont testés successivement dans deux
sens. La direction de propagation de l'onde est perpendiculaire aux faces supérieure et
inférieure. Le sens 1 correspond au cas où la face la plus perméable est traversée par l'onde
incidente (l'autre face est donc en contact avec le support rigide). Le sens 2 correspond au cas
où la face la moins perméable est traversée par l'onde incidente. Une formulation riche en
liant (A3-2) et une intermédiaire (Dalle) sont testées.

- 211 -
Fig.IV. 9: Aspect de la face supérieure (a) et de la face inférieure (b) des échantillons

Des écarts de l'ordre de 15 % sont observables selon la face exposée à l'onde


incidente, pour des fréquences supérieures à 400 Hz. La suite de l'étude a été réalisée en ne
considérant que le sens 1 de propagation, afin de se rapprocher le plus possible des conditions
réelles d'utilisation. En effet, les techniques de briques préfabriquées ou de béton banché
employées à l'heure actuelle n'induisent pas d'accumulation de liant sur la surface du
matériau. Ce problème semble donc uniquement lié aux conditions de fabrication et de
conservation en laboratoire (échantillons non démoulés).

- 212 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

0,7

0,6

0,5

0,4
α

0,3 Sens 1
Sens 2
0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 10: Coefficient d’absorption selon le sens de propagation de l'onde incidente pour A3-2 (e=10 cm)

1.0

0.9

0.8

0.7

0.6
Sens 1
α

0.5 Sens 2

0.4

0.3

0.2

0.1

0.0
100 1000 10000
Fréquence (Herz)

Fig.IV. 11: Coefficient d’absorption selon le sens de propagation de l'onde incidente


pour Dalle (e = 10 cm)

- 213 -
3.2.2. Courbes continues d’absorption

Les graphiques sont fournis par formulation pour les trois longueurs testées. Les
courbes d'absorption sont obtenues en moyennant les résultats recueillis sur plusieurs
échantillons.

1,0

0,9

0,8

0,7 Toit-20 cm
0,6
Toit-30 cm
Toit-10 cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 12: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Toit

1,0

0,9

0,8

0,7 A3-0,75-30 cm
A3-0,75-20 cm
0,6
A3-0,75-10 cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 13: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour A3-0,75

- 214 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

1,0

0,9

0,8

0,7 Mur-10 cm
0,6
Mur-20 cm
Mur-30 cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 14: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Mur

1,0

0,9

0,8

0,7 Dalle-10cm
0,6
Dalle-20cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 15: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Dalle

- 215 -
1,0

0,9

0,8

0,7 A3-2-20cm
0,6
A3-2-10 cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 16: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour A3-2

1,0

0,9

0,8

0,7
ENDUIT - 20 cm

0,6
ENDUIT - 10cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
HERTZ

Fig.IV. 17: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Enduit

- 216 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

3.2.3. Caractéristiques des courbes

Le coefficient d'absorption α varie fortement sur la gamme de fréquences utilisées.


L’analyse se fait donc en considérant les courbes continues d’absorption.

2.3.3.1. Influence de la formulation à épaisseur constante

Les courbes d’absorption présentent des pics d’amplitude et de position fréquentielle


variables selon les épaisseurs considérées.
Pour les échantillons de 10 cm d’épaisseur, deux pics d'absorption sont observables, le
premier localisé entre 300 et 500 Hz et le deuxième autour de 1500 Hz. Lorsque la
concentration volumique en liant augmente, les caractéristiques des pics évoluent.
Pour le premier pic, on observe que :
- la position fréquentielle a tendance à se décaler vers les basses fréquences
- la bande de fréquences correspondant au pic devient plus fine.
Pour le deuxième pic, on note :
- une diminution d’amplitude du pic (« effet de tassement »)
- une disparition du second pic pour les forts dosages en liant

1,0

0,9

0,8

0,7 Toit-10 cm
Mur-10 cm
Dalle-10cm
0,6 A3-0,75-10 cm
α

Enduit -10cm
0,5 A3-2-10 cm

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
HERTZ

Fig.IV. 18: Absorption acoustique pour les échantillons de 10 cm d’épaisseur

Les échantillons de 20 centimètres d’épaisseur présentent un premier pic d’absorption


aux basses fréquences (100 – 200 Hz) et un deuxième pic, moins net aux fréquences

- 217 -
moyennes (600 - 900 Hz). Les variations sont quasiment identiques à celles observées sur les
échantillons de 10 centimètres, si ce n’est que les pics sont plus difficiles à distinguer.
On note une diminution de l’amplitude des pics lorsque la concentration volumique en
liant augmente, ainsi qu’un décalage vers les basses fréquences.

1,0

0,9

0,8

Toit-20 cm
0,7
A3-0,75-20 cm
Mur-20 cm
0,6 Dalle-20cm
Enduit - 20 cm
A3-2-20cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
HERTZ

Fig.IV. 19: Absorption acoustique pour les échantillons de 20 cm d’épaisseur

1,0

0,9

0,8

0,7 Toit-30 cm

A3-0,75-30 cm
0,6
Mur-30 cm
α

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,0
100 1000 10000
HERTZ

Fig.IV. 20: Absorption acoustique pour les échantillons de 30 cm d’épaisseur

Pour les échantillons de 30 centimètres, le niveau d’absorption est relativement stable


au-delà de 400 Hz. Le premier pic est observable pour les faibles dosages en liant et le

- 218 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

deuxième pic est inexistant. L’augmentation de la concentration volumique en liant a


tendance à stabiliser le niveau d’absorption acoustique sur toute la gamme de fréquences.
Les niveaux d’absorption ont tendance à diminuer lorsque la concentration en liant
augmente, et ce pour les trois épaisseurs testées.

2.3.3.2. Analyse dans le cas d’un double poreux

Le béton de chanvre n’a pas le comportement d’un matériau à simple porosité d’après
§ 3.1.3. En couplant ce résultat avec le fait que le matériau possède plusieurs tailles
caractéristiques de pores, on peut supposer que ce matériau est un milieu à double porosité.
En partant de cette hypothèse, il est alors possible d’expliquer certaines observations
expérimentales concernant les pics d’absorption, leur position et leur amplitude.
Les modifications de l’amplitude, de la position et de la largeur de bandes
fréquentielles des pics sont liées au matériau et à la géométrie de l'échantillon. Trois
paramètres interviennent :
- la mésoporosité φméso
- la taille des pores
- la résistivité des matériaux
L’augmentation de la concentration volumique en liant se traduit par :
- une diminution de la porosité ouverte du matériau donc de φméso (car le
volume des capillaires reste constant)
- une diminution de la perméabilité (i.e. une augmentation de σ).

La diminution de φméso intervient à deux niveaux sur les courbes d’absorption :


- glissement du premier pic vers les basses fréquences
- disparition du deuxième pic quand φméso devient trop faible (A3-2). On peut
donc considérer que φméso < 30 %, est une limite d’existence du second pic
De plus, l’amplitude des pics et leur largeur de bandes diminuent avec l’ajout de liant.
Ceci se produit généralement lorsque la taille des pores diminue. On peut penser que
l’entraîneur d’air contenu dans le liant crée des microbulles d’air qui diminuent la taille
moyenne des pores. On remplace le volume d’air occupé par l’air mésoscopique par du liant et
des bulles de taille plus réduite. La longueur caractéristique Λ dépendant uniquement de la
géométrie des pores va donc décroître. Or, cette longueur Λ influe sur la fréquence de diffusion
d'un milieu à double porosité, qui vaut :

- 219 -
16π P0 (IV.19)
f diffusion =
φ méso σ M Λ
avec P0 : pression de l’air à T = 20°C
M : facteur de forme dépendant de la géométrie
Cette fréquence de diffusion détermine la limite à partir de laquelle les phénomènes de
diffusion de pression entre les mésopores et les micropores se produisent. Lorsque la taille
des pores augmente, Λ augmente donc fdiffusion diminue. Le pic d’absorption en basses
fréquences se décale alors vers les hautes fréquences et la largeur de bande de fréquences du
pic augmente.

2.3.3.3. Influence de l’épaisseur à formulation fixée

L’augmentation de l’épaisseur des échantillons se traduit par un tassement des pics


d’absorption pour les fréquences supérieures à 500 Hz et un décalage de la position
fréquentielle des pics vers les basses fréquences. Cependant, les effets ne sont pas aussi
marqués selon la quantité de liant.
Les formulations Toit et A3-75 présentent un décalage net des pics d’absorption vers
les basses fréquences et une stabilisation du niveau de α lorsque l’épaisseur augmente. Les
formulations Mur et Dalle présentent un décalage fréquentiel du premier pic d’absorption et
un tassement du second pic, jusqu’à atteindre un niveau d’absorption constant entre 500 et
2000 Hz (e = 30 cm). Les formulations A3-2 et Enduit présentent une diminution régulière de
l’absorption lorsque la fréquence augmente. L’augmentation de l’épaisseur décale le niveau
des courbes, tout en conservant la même pente.

Le décalage des pics vers les basses fréquences est un des effets de l’augmentation
d’épaisseur des échantillons.
La stabilisation du niveau d’absorption vient du fait qu’il existe une épaisseur limite
au-delà de laquelle les ondes ne pénètrent plus dans le matériau et ne peuvent donc plus être
amorties. Le niveau d’absorption devient constant. Il faut noter que cette valeur d’épaisseur
limite de 30 cm correspond à une configuration particulière d’un matériau poreux sur un
support rigide et imperméable, pour laquelle il n’y a pas d’ondes transmises.

- 220 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

3.3. Comparaison avec d’autres matériaux de construction

La représentation du coefficient d’absorption par octave permet de masquer les


variations locales d’absorption et de travailler sur les niveaux moyens de performances.
Les valeurs d’absorption sont supérieures à 0,50 pour des concentrations volumiques
en liant inférieures à 39 % (Tab.III. 6). Ces valeurs sont élevées en comparaison d’autres
matériaux de construction et s’expliquent par la forte perméabilité et la forte porosité ouverte
du matériau (Fig.IV. 24).
Les propriétés absorbantes de produits comme les briques, le contre-plaqué et le plâtre
sont quasi-inexistantes (α < 0,1) car ils sont peu perméables et ne laissent donc pas pénétrer
l’onde acoustique. Le béton cellulaire bien que très poreux (de l’ordre de 80% de vides)
présente une absorption limitée à 0,40. Ce résultat s’explique par le mode de fabrication de ce
matériau qui conduit à des pores non connectés entre eux. Le phénomène d’absorption par
frottements visqueux ne peut donc se produire car la perméabilité est trop faible (de l’ordre de
10-14 m2 contre 10-9 m2 pour du béton de chanvre). En revanche, le béton de bois présente des
coefficients d’absorption très élevés sur toute la gamme de fréquences justifiant ainsi son
emploi en tant que panneau isolant acoustique.
Concentration
3 perméabilité
ρsec (kg/m ) volumique en porosité totale φ α
(m2)
liant
faibles dosages 250 9% 0,80 - >0,60

dosages intermédiaires 350 – 500 19% - 29% 0,70 - 0,79 3.10-9 à 6.10-9 0,50 - 0,90

forts dosages 600 - 660 40% 0,67 - 0,30 - 0,55


Enduit 700 51% 0,59 2.10-9 0,35 - 0,55
Tab.III. 6: Bilan des caractéristiques acoustiques des bétons de chanvre

- 221 -
1

0,9

0,8

0,7
TOIT (10%)
0,6
MUR (28%)
DALLE (29%)
α

0,5

0,4
A3-0,75 (22%)
A3-2 (39%)
0,3 ENDUIT
0,2

0,1

0
100 600 1100 1600
Hertz

Fig.IV. 21 : Coefficient d’absorption par octave pour 10 cm d’épaisseur

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5
α

TOIT (10%)
0,4
A3-0,75 (22%)
0,3 MUR (28%)
DALLE (29%)
0,2
A3-2 (39%)
0,1 ENDUIT

0
100 600 1100 1600
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 22 : Coefficient d’absorption par octave pour 20 cm d’épaisseur

- 222 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5
α

TOIT (10%)
0,4
A3-0,75 (22%)
0,3 MUR (28%)

0,2

0,1

0
100 600 1100 1600
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 23 : Coefficient d’absorption par octave pour 30 cm d’épaisseur

0,9

0,8

0,7

0,6
α

0,5

0,4

0,3
Panneaux Béton Bois Système - Mur double face STRUCTA - e=13cm
TOIT (25%)
0,2 A3-0,75 (30%)
MUR (33%)
DALLE (34%)
0,1 ENDUIT
A3-2(47%)
Béton Cellulaire Siporex (e=5cm)
0
100 600 1100 1600
Fréquence (Hertz)

Fig.IV. 24 : Comparaison des coefficients d’absorption par octave de différents matériaux du génie civil

- 223 -
4. CONCLUSION

Les propriétés acoustiques du béton de chanvre ont été abordées du point de vue
expérimental au cours de cette thèse. Le but était de déterminer si ce matériau présentait un
intérêt quelconque en tant qu'isolant acoustique et le cas échéant dans quelle mesure. Compte
tenu de la grande porosité du béton de chanvre, l'étude du comportement en absorption a été
privilégiée. Ainsi, les valeurs des porosités, des perméabilités et du niveau d'absorption ont
été déterminées pour différentes formulations de matériau. On a ainsi pu tirer quelques leçons
concernant ce matériau. Tout d'abord, l'essentiel pour ne pas dire la totalité de la porosité du
matériau est ouverte. En conséquence, la perméabilité du béton de chanvre est de l'ordre de
10-9 m2 et le coefficient d'absorption varie entre 0,3 et 0,9 selon le dosage et la fréquence.
De plus, des pics d'absorption en basse fréquence (f ≈ 400 Hz) et en moyenne
fréquence (f ≈ 1200 Hz) sont observables tant que l'épaisseur de matériau est inférieure à
20 cm. Ces valeurs sont élevées par rapport à d'autres matériaux du génie civil testés dans des
conditions équivalentes. Il faut cependant rester prudent avec ces niveaux de α car ils sont
mesurés avec le tube de Kundt, pour un échantillon placé sur un support rigide et
imperméable. Les ondes transmises à travers le matériau sont minimisées, contrairement à ce
qui se passerait dans le cas d'un mur séparant deux pièces.
Ensuite, une difficulté expérimentale est apparue compte tenu de la sensibilité du
coefficient d'absorption à l'état de surface des échantillons. Selon le mode de surfaçage, la
perméabilité de surface varie, ce qui modifie le coefficient d'absorption. Nous avons choisi de
travailler sur des échantillons dont la surface a été talochée avec soin afin de se rapprocher de
la réalité.
Enfin, le béton de chanvre présente un comportement acoustique plus proche d'un
double poreux que d'un simple poreux. Ce résultat ne pourra être confirmé qu'en réalisant une
caractérisation complète des grandeurs acoustiques. Ce travail expérimental devrait faire
l'objet d'un futur travail de thèse.

- 224 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique

- 225 -
CONCLUSION

Cette étude est basée sur une approche globale des propriétés physiques du béton de
chanvre. Elle visait deux objectifs majeurs. Dans un premier temps, un travail expérimental a
été mis en place de façon à comprendre et à évaluer les performances de ce matériau en
fonction de divers paramètres tels que la formulation, la contrainte de compactage ou les
conditions de conservation. Dans un second temps, une étude théorique est menée et une
modélisation par homogénéisation autocohérente est proposée en mécanique et en thermique.

Le béton de chanvre est un matériau hétérogène au comportement est élasto-plastique


avec une rupture non fragile L’étude des caractéristiques mécaniques a mis en lumière trois
comportements liés à trois types de structure dépendant de la proportion de liant présente dans
le mélange. Dans le cas des faibles dosages en liant, le milieu est principalement constitué de
granulats végétaux reliés entre eux par des ponts de liant. Le comportement se rapproche de
celui du chanvre en vrac seul avec de fortes déformations des échantillons sous contrainte et
une faible résistance mécanique. La rupture se produit par détérioration des liaisons de T70
puis écrasement des granulats végétaux. Dans le cas des forts dosages en liant, le béton de
chanvre a un comportement proche de celui du liant pur. Sa rigidité est de l’ordre de 200 MPa
au lieu de 500 MPa pour le liant pur et sa résistance en compression vaut autour de 1 MPa au
lieu de 5 MPa. Entre ces deux comportements, on obtient des propriétés mécaniques
intermédiaires qui se rapprochent plus de l’une ou l’autre des extrêmes selon le dosage en
liant.
La modélisation théorique est une application des travaux de Hashin et de Christensen
et Lo. L’hétérogénéité générique est une inclusion sphérique tricomposite, constituée d’une
bulle d’air, entourée de particules végétales, elles-mêmes enrobées de liant. Les résultats
numériques obtenus étaient d’un ordre de grandeur correct pour des concentrations
volumiques en liant supérieures à 19 %. Ceci confirme les résultats expérimentaux qui
indiquaient une modification profonde de la microstructure en dessous de cette valeur de
concentration en liant.

Du point de vue du comportement thermique, ce travail s’est attaché à considérer le


caractère hygroscopique du matériau et les conséquences sur ses propriétés isolantes.
Une première étape a été l’obtention des courbes de sorption/désorption des différents
constituants ainsi que de plusieurs formulations de béton de chanvre couramment utilisées. On
a ainsi pu observer les gains massiques élevés de ce type de matériaux avec des valeurs allant
de 3 à 15% sous HR = 50% et de 30 à 40% sous HR = 95%.
Une deuxième étape a été de mesurer la conductivité thermique de quelques
échantillons sous deux hygrométries différentes.
La modélisation par homogénéisation autocoherente s’est concentrée sur deux types de
structure. D’une part, des inclusions sphériques à quatre phases ont permis d’obtenir des
résultats cohérents avec les mesures expérimentales dans le cas d’hygrométries modérées
(HR = 50%). La couche d’eau se situe entre la bulle d’air centrale et le granulat végétal.
Toutefois, ces modèles ne sont plus pertinents dans le cas de fortes teneurs en eau. En effet, le
volume d’eau généré par la condensation capillaire devient supérieur au volume d’air
disponible en contact avec la chènevotte. D’autre part, un modèle basé sur une double
homogénéisation a permis une autre approche. Le modèle mixte répartissant l’eau dans le liant
et dans le granulat végétal donne les résultats les plus proches de la réalité. Il permet de
considérer que les pores de petite taille sont saturés dans un premier temps, ce qui est cohérent
avec les effets de capillarité.
La suite de ce travail devrait permettre de compléter les données expérimentales et de
traiter le cas des hygrométries supérieures à 80%.

Enfin, en ce qui concerne les propriétés acoustiques, cette étude a permis de découvrir
quelques pistes concernant le comportement du béton de chanvre. En effet, ce matériau
semble fonctionner comme un double poreux avec une taille caractéristique des capillaires du
chanvre (de l’ordre du micromètre) et une taille caractéristiques des pores du liant (de l’ordre
du millimètre). Les capillaires joueraient le rôle de micropores dans lequel les effets visqueux

- 226 -
CONCLUSION

sont prépondérants et le régime d’écoulement isotherme. Les pores du liant joueraient le rôle
de macropores dans lesquels le régime d’écoulement est adiabatique.
Les niveaux d’absorption obtenus sont élevés et présentent des pics en basses
fréquences qui pourraient s’expliquer par des phénomènes couplés.

En conclusion, cette étude a permis d’obtenir des précisions quant aux performances
du béton de chanvre. Des gammes de variations des propriétés en fonction du dosage et du
compactage ont pu être déterminées (cf. tableau 1). L’approche globale de ces propriétés a
permis de voir le côté polyvalent de ce matériau qui peut servir à la fois d’isolant thermique et
acoustique tout en conservant des propriétés mécaniques correctes. Toutefois, ces
performances mécaniques ne sont pas suffisantes pour permettre un usage sans structure
porteuse. Les travaux devraient se poursuivre en développant un modèle acoustique
satisfaisant et en affinant les résultats thermiques et mécaniques.

- 227 -
3
ρsec (kg/m ) Rc (MPa) E (MPa) εσmax ν
chanvre en vrac 130 - 0,25 - 0,1
-4
T70 1040 5 500 100x10 0,2
-4
Tradichanvre 1400 3 300 100x10 0,2
faibles dosages 250 0,25 4 0,15 0,05
dosages intermédiaires 350 – 500 0,35 – 0,80 32 - 95 0,05 – 0,06 0,08 – 0,16
forts dosages 600 - 800 1,15 140 – 170 0,04 0,2
Enduit 780 0,75 125 0,18 0,35

2
λsec (W/(m.K)) λ50% (W/(m.K)) λ75% (W/(m.K)) porosité perméabilité (m ) α
chanvre en vrac 0,048 - - 0,59 - -
T70 0,24 - - 0,45 - 0,25
Tradichanvre 0,28 - - 0,42 - 0,13 - 0,20
faibles dosages 0,07 0,09 0,11 0,80 - >0,60
-9
dosages intermédiaires 0,08 - 0,11 0,10 - 0,13 0,13 - 0,18 0,70 - 0,79 3x10 0,50 - 0,90
forts dosages 0,13 - 0,18 0,14 - 0,20 - 0,67 - 0,30 - 0,55
Enduit 0,13 - - 0,24 - 0,30 - 0,60

Tableau 1 : Bilan des caractéristiques du béton de chanvre et de ses constituants


- 229 -
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- 234 -
- 235 -
ANNEXES
ANNEXE 1
Modélisation par homogénéisation autocohérente
dans le cas de deux inclusions simples

Le milieu contient des inclusions de type 1 et de type 2, de concentration volumique θ1


et θ2 avec θ1 + θ2 = 1

MILIEU 1

MILIEU 2

Fig.A.1: Modèle à deux inclusions simples

Fig.A.2: Inclusion simple soumise à un glissement à l’infini

La résolution du problème en élasticité linéaire isotrope s’effectue en deux étapes.


Dans un premier temps, les équations de continuité des contraintes et des déplacements
permettent de déterminer le champ de déplacements s’appliquant dans une inclusion
sphérique et dans le milieu homogène sous l’effet d’un champ uniforme à l’infini. Dans un
second temps, l’égalité des contraintes et des déformations dans le milieu hétérogène et dans
le milieu homogénéisé mène à une équation du second degré en µ (module de cisaillement du
milieu homogène).
Ce problème est résolu dans le cas d’une inclusion sphérique soumis à un cisaillement
pur γ à l’infini.
Le champ de déplacement a la forme suivante :
ur = Ur(r).sin² θ.cos2Φ
uθ = Uθ(r).sinθ.cosθ.cos2Φ

- 236 -
uΦ = UΦ(r).sinθ.sin2Φ
avec Uθ = -UΦ et θ, Φ : angles classiques en coordonnées sphériques
avec dans le milieu homogène :
Ur = B1.r - 6.ν.B2.r3 + 3.B3 + (5-4ν).B4
(1-2ν) r4 (1-2ν).r²
Uθ = B1.r – (7-4ν).B2.r3 - 2.B3 + 2.B4
(1-2ν) r4 r²

et dans l’inclusion sphérique i :


Ur = A1.r - 6.νi.A2.r3 + 3.A3 + (5-4νi).A4
(1-2νi) r4 (1-2νi).r²
Uθ = A1.r – (7-4νi).A2.r3 - 2.A3 + 2.A4
(1-2νi) r4 r²

La détermination des constantes A1, A2, A3, A4, B1, B2, B3 et B4 se fait par continuité des
contraintes et des déplacements.
Quand le rayon r tend vers 0, le champ de déplacements doit être défini dans l’inclusion donc
A3 = A4 = 0
Le champ de déplacement imposé à l’infini peut s’écrire :
ux∞ = -γ.x/2
uy∞ = γ.y/2
uz∞ = 0
soit en coordonnées sphériques :
ur∞ = γ.r/2.sin²θ.cos2Φ
uθ∞ = γ.r/2.sinθ.cosθ.cos2Φ
uΦ∞ = - γ.r/2.sinθ.sin2Φ
On doit donc retrouver dans la matrice à l’infini Ur(∞) = γ/2 = Uθ(∞) d’ou les valeurs
suivantes :
B2 = 0 et B1 = γ/2
Enfin, la continuité des contraintes et des déplacements à l’interface entre l’inclusion et la
matrice homogène mène à un système de quatre équations à quatre inconnues :

Ur = A1.a - 6.ν1.A2.a3 = γ/2.a + 3.B3 + (5-4ν).B4


(1-2ν1) a4 (1-2ν).a²

Uθ = A1.a – (7-4ν1).A2.a3 = γ/2.a - 2.B3 + 2.B4


(1-2ν1) a4 a²

- - -
- 237
2µ1[A1 + 3.ν1.A2.a2 ] = 2µ [γ/2 - - 12.B3 – 2(5-4ν).B4 ]
(1-2ν1) a5 (1-2ν). a3

µ1[A1 – (7+2ν1).A2.a2 ] = µ [γ/2 + 8.B3 + (5-4ν).B4 ]


(1-2ν1) a5 (1-2ν)a3

La résolution de ce système donne:


A2 = 0
B3 = - 3(µ - µ1) γ/2
a5 2[2(4 −5υ)µ1 + (7 - 5υ)µ]

B4 = 5(µ - µ1)(1−2υ) γ/2


a3 2[2(4−5υ)µ1 + (7 - 5υ)µ]
15(1−υ)µ γ/2
A1 =
[2(4−5υ)µ1 + (7 - 5υ)µ]

On a donc un champ de déplacements et de contraintes uniforme dans l’inclusion avec :


Ur(r) = Uθ(r) = A1.r
2(5−4υ)
β=
15(1−υ)
µ γ/2
A1 =
βµ1 + (1 - β)µ

La résolution du problème est finalisée en écrivant les contraintes et les déformations


globales :
σ = θ1.σ1 + θ2.σ2
ε = θ1.ε1 + θ2.ε2
On a :
Dans les deux inclusions σrr = 2µi.Ai.sin²θ.cos2Φ
εrr = Ai.sin²θ.cos2Φ
d’où
2θ1.µ1.A1 + 2θ2.µ2.A1 = 2µεrr (glissement simple à l’infini)
θ1.A1 + θ2.A1 = εrr
On en déduit en divisant les deux équations précédentes l’une par l’autre, la relation suivante:
θ1µ θ2µ θ1µ1 θ 2 µ2
+ = +
βµ 1 + (1 - β ) µ βµ 2 + (1 - β ) µ βµ 1 + (1 - β ) µ βµ 2 + (1 - β ) µ
soit finalement l’équation du second degré en µ :

- 238 -
(1-β)2µ2 – [(1-β)(θ1µ1+θ2µ2) + β(θ1µ2 + θ2µ1)]µ - βµ1µ2 = 0

La résolution de cette équation permet de déterminer le module de cisaillement du


milieu homogène équivalent en fonction des caractéristiques des constituants et des
concentrations volumiques de chacun.

- - -
- 239
ANNEXE 2
Modélisation par homogénéisation autocohérente
dans le cas d'une inclusion bi-composite

Le problème de l’équivalence de ces deux milieux se résout grâce à l’équation de la


statique et aux conditions aux limites. On se place en coordonnées sphériques dans un repère
dont l’origine est le centre de la coquille sphérique composant le milieu 1 et on utilise un
champ de déplacements de la même forme que celui utilisé pour les inclusions simples
(Annexe 1).

Milieu
R2 E2 équivalent E ν

R1 E1

Fig.A.3 : Équivalence entre une inclusions sphériques bi-composites et le milieu homogène associé

Les fonctions Ui sont données par la résolution des équations d’équilibre (de Love -
1927) dans le domaine élastique. Pour chacune des trois régions de l’espace (milieu 1, milieu
2 et milieu homogène équivalente), il existe des Ur et Uθ différents. On obtient donc :

• pour r > R2 (milieu homogène équivalent)

Ure = D1.r + 3.D3 + (5-4ν).D4


r4 (1-2ν).r²
Uθe = D1.r - 2.D3 + 2.D4
r4 r²

• pour R1 < r < R2 (milieu 2)

Ur2 = B1.r - 6.ν2.B2.r3 + 3.B3 + (5-4ν2).B4


(1-2ν2) r4 (1-2ν2).r²
Uθ2 = B1.r – (7-4ν2).B2.r3 - 2.B3 + 2.B4
(1-2ν2) r4 r²

- 240 -
• pour r < R1 (milieu 1)

Ur1 = A1.r - 6.ν1.A2.r3


(1-2ν1)
Uθ1 = A1.r – (7-4ν1).A2.r3
(1-2ν1)

Ce problème revient donc à déterminer 9 constantes A1, A2, B1, B2, B3, B4, D1, D3 et
D4 à partir des conditions de continuité aux deux interfaces. Les conditions portent à la fois
sur la continuité des déplacements (ur, uθ et uΦ) -6 équations- et des contraintes (σr, τrΦ, τrθ ) -
6 équations- . On a 8 équations indépendantes sur les douze fournies par les conditions de
continuité.
La continuité des déplacements aux interfaces donne les relations suivantes :

• en r = R1

Ur1 = A1.R1 - 6.ν1.A2.R1 3 = Ur2 = B1.R1 - 6.ν2.B2. R1 3 + 3.B3 + (5-4ν2).B4


(1-2ν1) (1-2ν2) R1 4 (1-2ν2). R1 ²

Uθ1 = A1.R1 – (7-4ν1).A2.R1 3 = Uθ2 = B1.R1 – (7-4ν2).B2. R1 3 - 2.B3 + 2.B4


(1-2ν1) (1-2ν2) R1 4 R1 ²

• en r = R2

Ure = D1.R2 + 3.D3 + (5-4ν).D4 = Ur2 = B1.R2 - 6.ν2.B2. R2 3 + 3.B3 + (5-4ν2).B4


R2 4 (1-2ν). R2² (1-2ν2) R2 4 (1-2ν2).R2²

Uθe = D1.R2 - 2.D3 + 2.D4 = Uθ2 = B1.R2 – (7-4ν2).B2. R2 3 - 2.B3 + 2.B4


R2 4 R2 ² (1-2ν2) R2 4 R2 ²

On détermine ensuite les εij à l’aide des formules de « grad u » en coordonnées


sphériques. On obtient ainsi les contraintes en phase élastique isotrope grâce aux lois de
Hooke. Il suffit alors d’écrire la continuité de ces contraintes aux deux interfaces pour obtenir
quatre équations supplémentaires indépendantes.

• en r = R1

21λ1.A2.R12 + 2µ1[A1 - 18.ν1.A2.R1 2 ]= 3λ2[7B2.R1²- 2.B4] + 2µ2[B1 - 18.ν2.B2. R12


(1-2ν1) R1 3 (1-2ν2)
- 12.B3 – 2(5-4ν2).B4 ]
R1 5 (1-2ν2). R13

- - -
- 241
µ1[A1 – (7+2ν1).A2.R1 2 ] = µ2[B1 – (7+2ν2).B2. R1 2 + 8.B3 + (5-4ν2).B4 ]
(1-2ν1) (1-2ν2) R1 5 (1-2ν2)R1 3

• en r = R2

3λ2[7.B2.R22 – 2.B4] + 2µ1[B1 - 18.ν1.B2.R2 2 - 12.B3 – 2(5-4ν2).B4 ] = -6λ.D4


R23 (1-2ν1) R1 5 (1-2ν2). R13 R23

+ 2µ [D1 –12.D3 - 2(5-4ν2).B4 ]


R2 5 (1-2ν2)R2 3

µ2[B1 – (7+2ν2).B2.R2 2 + 8.B3 + 2(1+ν2).B4] = µ [D1 + 8.D3 + 2(1+ν).D4 ]


(1-2ν2) R2 5 (1-2ν2)R2 3 R2 5 (1-2ν1) R2 3

La dernière équation est fournie par des considérations énergétiques (équation


d’Eshelby - 1956). On considère que l’énergie contenue dans le milieu avec inclusion est la
même que celle contenue dans le milieu équivalent homogène (donc sans inclusion).
U = U0 – 1 ⌠ (Ti.uie – Tie.ui)dS
2⌡
Ti : contrainte dans le milieu avec inclusion
ui : déplacement dans le milieu avec inclusion
Tie : contrainte dans le milieu équivalent
uie : déplacement dans le milieu équivalent

On en déduit alors la relation suivante :


U = U0 = Umilieu équivalent
qui implique ⌠ (σr.ure – σre.ur + τrθ.uθe - τrθe.uθ + τrΦ.uΦe - τrΦe.uΦ).dS = 0

avec dS = Rl².sinΦ.dΦ.dθ
Par substitution, on trouve le résultat simple D4 = 0. On réutilise alors les relations de
continuité pour exprimer D4 en fonction des autres paramètres. Il en résulte une équation du
second degré en (µ / µl).
A(µ / µl)² + B(µ / µl) + D = 0
avec A,B et D fonctions de µe, νe, µ1, ν1, ν2, µ2 et de la fraction volumique θ1 = (R1/R2)3.
La résolution de cette équation du second degré permet d’exprimer µ donc E du milieu
équivalent en fonction des paramètres des constituants.

- 242 -
- - -
- 243
FOLIO ADMINISTRATIF

THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON

NOM : CEREZO DATE de SOUTENANCE : 16 juin


2005
(avec précision du nom de jeune fille, le cas échéant)

Prénoms : Véronique

TITRE : Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d’un matériau à base de particules végétales : approche
expérimentale et modélisation théorique

NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 05 ISAL

Ecole doctorale : MEGA

Spécialité : Génie Civil

Cote B.I.U. - Lyon : T 50/210/19 / et bis CLASSE :

RESUME :

Ce mémoire de thèse est consacré à l'étude des propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques du béton de
chanvre. Ce matériau est obtenu en mélangeant un liant à base de chaux, des particules végétales et de l’eau. Ces
dernières possèdent une porosité intrinsèque importante, du fait de la présence de capillaires. Ceux-ci rendent les
particules légères, compressibles et sensibles à l'eau. Le liant contient un mélange de chaux hydraulique et aérienne.
Le mélange de ces deux constituants de nature et de caractéristiques très différentes conduit à un matériau dont les
propriétés seront variables en fonction des concentrations volumiques de chaque constituant. De plus, ce matériau
se distingue par un double réseau de pores, l'un de taille microscopique (10 à 40 µm) et l'autre de taille
mésoscopique (< 1 mm). On montre expérimentalement que ces deux réseaux sont connectés.
Du point de vue mécanique, le béton de chanvre se caractérise par un comportement élasto-plastique. La résistance
en compression varie entre 0,25 et 1,15 MPa. Le module d'élasticité est compris entre 4 et 170 MPa. Ces valeurs
sont modestes par rapport à celles des autres matériaux de construction. En revanche; ce matériau peut supporter
des niveaux de déformations élevés (0,04 < εσmax < 0,15). En s'appuyant sur les observations expérimentales, une
modélisation par homogénéisation autocohérente est réalisée. Celle-ci permet d'obtenir un modèle prédictif de la
valeur du module d'élasticité pour des formulations et des niveaux de compactage variables.
Ensuite, une étude des transferts de chaleur et de masse au sein du matériau sous diverses hygrométries est menée.
On a quantifié expérimentalement la sensibilité du matériau à l’hygrométrie ambiante HR. Des campagnes de
mesures ont déterminé la conductivité thermique sèche et humide du béton de chanvre pour des formulations et des
compacatges différents. Un modèle autocohérent est également mis en œuvre en utilisant deux types de motif
générique. Il permet de retrouver les résultats expérimentaux avec une bonne fiabilité.Enfin, une caractérisation de
l'absorption acoustique du béton de chanvre est initiée. Elle montre des niveaux d'absorption élevés sur toute la
gamme de dosages étudiés (α > 0,5). Ce travail exploratoire met également en lumière un comportement proche de
celui d'un milieu à double porosité.

MOTS-CLES : Matériau, hétérogène, particules végétales, propriétés mécaniques, absorption acoustique,


conductivité thermique

Laboratoire (s) de recherche : Laboratoire GéoMatériaux (Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat)

Directeurs de thèse: Laurent ARNAUD


Claude BOUTIN

Président de jury : Jean-Jacques ROUX

Composition du jury : Laurent ARNAUD


Claude BOUTIN
Marguerite RINAUDO
Jean-jacques ROUX
Koenraad VAN BALEN

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