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A new technique for cutting characterisation and monitoring in milling

Une nouvelle technique pour l’observation de la coupe et la surveillance en

fraisage

François Girardin*, Didier Rémond, Jean-François Rigal

University of Lyon, CNRS – INSA-Lyon, LaMCoS UMR5259 – France

francois.girardin@insa-lyon.fr, didier.remond@insa-lyon.fr, jean-francois.rigal@insa-lyon.fr

URL: http://lamcos.insa-lyon.fr

François Girardin, cor. Author, phD student : Phone : +33 4 72 43 64 89, Fax : +33 4 72 43 89 13

Didier Rémond, Assistant professor, Phone : +33 4 72 43 89 41, Fax : +33 4 72 43 89 30

Jean-François Rigal, Professor, Phone : +33 4 72 43 82 72, Fax : +33 4 72 43 89 13

LaMCoS : 18-20 rue des Sciences – F69621 Villeurbanne Cedex – France


A new technique for cutting characterisation and monitoring in milling

Une nouvelle technique pour l’observation de la coupe et la surveillance en

fraisage

Abstract:

The aim of this work is to develop a new technique using standard transducers available on actual

machines for a better observation of cutting process in milling. This method analyses instantaneous

variations in spindle angular speed.

Experimental cutting tests were performed on a milling machine. On one hand, cutting forces were

acquired through common dynamometer. On the other hand, signal from spindle integrated rotary

encoder is acquired using specific angular-sampling methodology. Spindle rotational frequency is

then easily computed using rudimentary signal processing tools. Similarities between cutting force

magnitude and variation in spindle angular speed is noted: when a tooth goes in material, cutting

force suddenly increases, and spindle angular speed starts to decrease until cutting force becomes

low enough. Instantaneous variations in spindle angular speed are shown to be very effective

indicators for tool condition (wear, breakage) in comparison with cutting force. Moreover, by

modeling the behavior of spindle, angular speed and acceleration are shown to be enough for

calculating resistive torque, this is very interesting for cutting force evaluation in order to qualify the

cutting. Advantage of this technique is that no additional sensor is needed; all the information is

coming from build-in rotary encoder.

Keywords: Cutting force, milling, angular speed, monitoring

Résumé :
Le but de ce travail est de développer une nouvelle technique pour l’observation de l’usinage en

utilisant les capteurs standards disponibles sur les centres d’usinages actuels. Cette méthode analyse

les variations instantanées de la vitesse angulaire de la broche.

Des essais de fraisage ont été réalisés en acquérant d’une les efforts de coupe et d’autre part le

signal du codeur angulaire intégré à la broche, en utilisant une méthode spécifique d'échantillonnage

angulaire. La vitesse angulaire de la broche est alors facilement calculée à l'aide des outils

rudimentaires de traitement du signal. On observe alors clairement que quand une dent entre dans

la matière, l’effort de coupe augmente brusquement et la vitesse angulaire baisse. Lorsque l’effort de

coupe redevient suffisamment faible, la vitesse angulaire de la broche augmente à nouveau. Les

variations instantanées de la vitesse angulaire de la broche s'avèrent être des indicateurs très

efficaces de l'état de l’outil (usure, rupture) en comparaison de l’effort de coupe. Par ailleurs, en

modélisant le comportement dynamique de la broche, la vitesse et l'accélération angulaires s'avèrent

suffisantes pour calculer le couple résistant sur la broche, et donc l’effort de coupe en bout d’outil.

L'avantage de cette technique est qu'aucun capteur additionnel n'est nécessaire, toute l’information

provenant d’un capteur implanté nativement dans la machine.

Mots clés : Effort de coupe, fraisage, vitesse angulaire, surveillance


Nomenclature :

ae : engagement radial de l’outil

Fc : effort de coupe total

fcl : fréquence de l’horloge haute fréquence utilisée pour l’acquisition angulaire

Ftan : effort tangentiel à l’outil en fraisage

fz : avance par dent

g: glissement entre le champs statorique de la broche et le rotor de la broche

I: inertie du système tournant (broche + outil)

K1, K2, K3 : coefficients du modèle d’effort de coupe

Km : coefficient régissant la commande du moteur

Na : nombre d’acquisition par tour (1280)

Np : nombre d’impulsion de l’horloge entre deux impulsions délivrées par l’interpolateur TTL

R: rayon de l’outil de fraisage

Tm : couple délivré par le moteur

Tcoupe : couple résistant généré par le fraisage

Vc : vitesse de coupe

Wm, Wcoupe : travail mécanique lié au moteur/à la coupe

i : indice correspondant à l’incrément angulaire considéré

j : indice correspondant au numéro du tour considéré

Δt : intervalle temporel entre deux impulsions de l’interpolateur TTL

Δθ : intervalle angulaire entre deux impulsions de l’interpolateur TTL

Θ: position angulaire de la fraise

ω: vitesse angulaire de la broche

ωs : vitesse angulaire du champ statorique


1. Introduction

L’optimisation des procédés de fabrication est souvent une priorité pour augmenter la productivité

et prévenir les défauts de fabrication. Dans le domaine de l’usinage, la surveillance automatique de

l’usinage (SAU) à pour but de détecter l’usure ou la rupture des outils, afin de protéger l’intégrité des

machines et des pièces fabriquées. Si l’on sait repérer une usure limite sur un outil, celui-ci peut alors

changé seulement s’il a besoin d’être changé, ce qui permet de faire un certain nombre d’économies.

Au lieu de venir mesurer directement les caractéristiques de l’outil plusieurs fois pendant une

opération, introduisant des coupures dans le déroulement du processus d’usinage et perdant du

temps, la tendance est bien sur à l’estimation in-situ de ces propriétés d’outils sans interrompre

l’usinage. Plusieurs signaux peuvent être envisagés pour cette surveillance, comme détaillé dans la

figure 1.

Figure 1 : les différentes possibilités pour surveiller la coupe en fraisage [1].

Dimla [2] décrit les signaux les plus représentatifs de l’usure d’un outil comme étant les émissions

acoustiques, la température de l’outil, les efforts de coupe, ainsi que les vibrations. Tous ces signaux

augmentent significativement avec l’usure. Dans la plupart des cas, les systèmes de SAU établis sur

ces signaux doivent d’abord être validés à partir d’un signal de référence *3+, qui est généralement
l’effort de coupe. En effet, le phénomène d’usure des outils en fraisage est bien connu à partir des

changements dans les efforts de coupe : si une dent est usée, alors elle usinera moins de matière

(recul de l’arête de coupe) et générera des efforts plus faible ; à l’inverse, la dent suivante aura une

surcharge de matière à enlever, et génèrera des efforts plus importants [1]. Altintas a ainsi

développé plusieurs indicateurs à partir de ces observations pour détecter les ruptures de dent, tels

que la différence entre les efforts de coupe moyens générés par les dents successives [4], ou leurs

variations entre deux tours successifs [5]. Ceci introduit le concept de surveillance à la dent en

opposition à une surveillance au tour ou sur un temps moyen. En revanche, l’analyse des efforts de

coupe, comme pour les vibrations, les émissions acoustiques ou la température de l’outil, nécessite

de rajouter un capteur dans l’espace du système usinant, parfois au plus près de la coupe, ce qui est

souvent une contrainte importante. En particulier, concernant les efforts de coupe, l’utilisation de

table dynamométrique est difficile pour des cas industriels, tant la contrainte sur la taille des pièces

usinées est grande, et le coût de la chaîne d’acquisition peut être élevé.

D’autres méthodes ayant pour but l’estimation des efforts de coupe ont donc été développés, avec

plus ou moins de succès. Ces méthodes mettent en jeu en général la mesure du courant [6, 7, 8] ou

de la puissance [9] consommée par les axes de la machine ou de la broche. Ces méthodes sont

rapidement limitées par la bande passante des capteurs, atteignant avec difficultés une bande

passante de l’ordre de 200 à 300 Hz *10+, alors que la bande passante d’un dynamomètre

conventionnel est de l’ordre de 1 kHz *11+. La bande passante ne pose en général pas de problème

pour la surveillance en tournage, pour lequel les efforts de coupe sont relativement constants, mais

ceci est un réel problème pour la surveillance ou l’observation en fraisage, qui génère des chocs à

l’entrée en matière des différentes des de l’outil. A titre d’exemple, une fréquence de 100 Hz

correspond à la fréquence d’entrée en matière d’un outil à quatre dents tournant à 1500 tr/min,

alors que la tendance est plutôt centrée sur l’utilisation de broches à haute vitesse entre 15000 et

40000 tr/min *12, 13+, ou à très haute vitesse, afin d’augmenter la productivité en particulier dans le

domaine de l’aéronautique.
Cet article traite de l’utilisation de la vitesse angulaire instantanée de la broche pour observer le

processus de coupe en fraisage. Cette technique a déjà été utilisée avec succès pour observées

certaines caractéristiques des machines tournantes. Ainsi, Yang *14+ s’est servi de la vitesse angulaire

instantanée pour la caractérisation d’un moteur diesel. Les variations de la vitesse angulaire

permettant de détecter les défauts liés à la pression du gaz dans les pistons, comme les problèmes

de combustion ou d’alimentation en carburant. Stander *15+ a utilisé les fluctuations de la vitesse

angulaire d’un arbre d’engrènement afin de détecter des défauts d’engrènement, en utilisant la

différence de modulation entre un chargement cyclique et un chargement non-cyclique. Rémond et

Mahfoud [16] ont réussi à n’utiliser qu’un seul codeur spécifique sur l’arbre d’entrée d’une boite de

vitesse et un système d’échantillonnage angulaire afin de détecter des défauts sur les dentures de

n’importe quel engrenage de la boite par le biais de différentes moyennes cycliques dans une

représentation angulaire. Ainsi, la vitesse angulaire instantanée semble être vraiment efficace pour

détecter des défauts dans les machines tournantes faisant intervenir des géométries discrètes en

rotation. Les systèmes de fraisage font partie de ces systèmes angulairement discrets, et donc la

vitesse angulaire de la broche – communément appelée dans ce domaine fréquence de rotation –

doit être un bon indicateur du comportement de la coupe en fraisage.

D’après Dimla *2+, les signaux à utiliser dans le cadre d’une SAU doivent être facile à mesurer,

représentatifs de l’usure, et nécessiter peu d’instrumentation périphérique. Les centres d’usinages

actuels présentent tous un codeur angulaire de broche intégré, ce qui présage de peu

d’instrumentation à rajouter pour observer la vitesse angulaire instantanée de la broche. Le but de

cet article est donc de s’attacher aux deux autres aspects de qualification du signal, à savoir la facilité

de mesure et d’estimation de la vitesse, ainsi que sa représentativité de l’usure. La seconde partie de

ce papier présente donc le dispositif d’essai utilisé, ainsi que la technique de l’échantillonnage

angulaire qui permet un calcul instantané de la vitesse angulaire. La troisième partie présente un lien

entre les efforts de coupe et les variations de vitesse angulaire instantanée, démontrant la

supériorité des variations de vitesse sur les efforts pour la surveillance de l’usinage. La quatrième
partie propose l’observation de la rupture des dents d’un outil à partir du signal de vitesse angulaire,

démontrant ainsi le potentiel de surveillance du fraisage lié à cette technique. Enfin la cinquième

partie reprend la modélisation dynamique de la broche en rotation dans le but de calculer

directement l’effort de coupe à partir de la simple observation de la rotation de la broche. Une

application est proposée, mettant ainsi en avant la pluralité d’utilisation du signal angulaire de la

broche, permettant même d’éviter l’implantation d’un dynamomètre pour mesurer les efforts de

coupe.

2. Matériel et installation

2.1 Essais observés

Le modèle étudié montré dans la figure 2. Il concerne le fraisage latéral d'une plaque, de sorte que la

fraise ne travaille jamais avec son extrémité. L'outil utilisé est une fraise APX 3000 de Mitsubishi,

montée avec des plaquettes revêtues VP15TF. L’outil possède quatre dents identiques et également

réparties (fraise à pas constant), et les conditions de coupe ont été choisies telles que l’outil n’usine

qu’avec une seule dent à la fois (engagement radial inférieur au rayon de la dent). De plus, chaque

dent de l’outil s’engage dans la matière en prenant une épaisseur maximale, qui diminue jusqu’à la

sortie de la dent de la matière. L’effort de coupe suit la même évolution, partant d’un maximum et

diminuant jusqu’à s’annuler avant que la dent suivante rentre dans la matière, tel que décrit par la

figure 2. L’effort de coupe considéré pour cette étude est l’effort de coupe total Fc. On notera

également la définition de la position angulaire de la fraise θ.


Figure 2 : modèle géométrique du système usinant et forme typique des efforts de coupe.

La plaque considérée dans cette étude est en alliage de titane (TA6V recuit), avec une épaisseur de 4

mm. Plusieurs essais successifs ont été réalisés suivant le tableau 1, les plaquettes étant neuves au

début du premier essai. Ces essais ont été réalisés sous lubrifiant (huile soluble) et la vitesse de

coupe a été fixée à 120 m/min et à 140 m/min. Ces valeurs sont largement plus élevées que les

valeurs conventionnelles, qui sont données pour environ 50 m/min par le fabricant. Une usure rapide

des plaquettes de l’outil a donc pu être observée.

Tableau 1 : essais successifs de coupe pour une longueur fraisée totale de 150 mm

Essai 1 2 3 4 5 6

Vc (m/min) 120 120 140 140 140 140

fz (mm/tr) 0,1 0,2 0,1 0,2 0,3 0,2

ae (mm) 5 5 5 5 5 10

Pour chaque essai, les efforts de coupe et la position angulaire de la broche ont été acquis de

manière synchrone comme défini dans la suite.

2.2 Matériel

Un centre Huron KX8-five équipé d'une broche haute vitesse (24.000 tour/min) a été utilisé pour les

essais expérimentaux. La broche possède un codeur rotatif intégré semblable au GEL 244 de Lenord

et Bauer [17], émettant 256 périodes pour un tour de broche (A-sinus et B-cosinus) et un signal de

référence R. Ces signaux ont été piqués directement sur la machine par l'intermédiaire d’un Té de
dérivation implanté sur l’entrée du variateur de broche. Les efforts de coupe dans trois directions

orthogonales (Fx, Fy, Fz) ont été acquis en utilisant un dynamomètre Kistler (9250A couplé aux

amplificateurs de charge 5051B). La plaque usinée est fixée directement sur le dynamomètre.

Le système d’acquisition utilisé a été développé spécifiquement pour ce type d’application

tournante : les signaux sinusoïdaux du codeur angulaire sont convertis en un signal TTL dont les

fronts montants vont piloter l’acquisition de signaux externes (les efforts de coupe) ainsi que le

nombre d’impulsion d’une horloge interne à haute fréquence. La chaîne d’acquisition est détaillée

sur la figure 3. Le convertisseur utilisé ici (IBV 101, Heidenhain) permet également d’interpoler le

nombre de pulsation du codeur par 5, générant ainsi Na=1280 acquisitions par tour. Les acquisitions

se déclenchant toujours aux mêmes positions du codeur angulaire, on parlera donc

d’échantillonnage angulaire. La technique est détaillée plus précisément dans le paragraphe suivant.

Figure 3: les deux capteurs et le système d’échantillonnage angulaire.

2.3 Méthodologie liée à l’échantillonnage angulaire

Comme décrit dans la section précédente, le système d’acquisition angulaire compte le nombre

d'impulsions d’une horloge à haute fréquence entre deux fronts montants d'impulsion du codeur

angulaire/convertisseur-TTL. Les espaces entre les fronts montants correspondent à des intervalles

angulaires, que l’on peut considérer comme constants – quel que soit l’intervalle i considéré – et
stationnaires – quel que soit le tour j – ce qui se traduit par l’équation(1.1). Le temps passé à

parcourir cet intervalle i , j peut être défini par l'équation (1.2) en utilisant le nombre d'impulsions

Npi,j acquis entre les deux fronts montant et la fréquence de base fcl de l’horloge haute fréquence.

2
i , j    (1.1)
Na

Npi , j
ti , j  (1.2)
f cl

Il est alors aisé de calculer la vitesse angulaire instantanée sur chaque intervalle i et à chaque tour j

en utilisant l’équation(1.3). La vitesse angulaire calculée est alors filtrée avec un filtre passe-bas pour

réduire le bruit résiduel.


i , j  (1.3)
ti , j

3. Caractérisation de la vitesse angulaire pour

l'observation du fraisage

Le phénomène de la coupe est bien connu du point de vue des efforts de coupe. Cette grandeur est

généralement prise comme référence pour qualifier un signal tiers comme étant représentatif du

déroulement de la coupe. Dans notre cas, l’effort de coupe est comparé à l’évolution de la vitesse

angulaire de la broche, comme le montre la figure 3. En premier lieu, on peut donc observer une

certaine similitude entre les deux signaux :

 lorsqu’une dent de l’outil rentre dans la matière, l’effort augmente subitement et la vitesse

angulaire tend à diminuer,

 lorsque l’effort de coupe est suffisamment faible, la vitesse angulaire augmente,


 si on considère la zone active de la première dent localisée à environ 2.01 s celle de la

quatrième dent à environ 2.05 s, on peut également affirmer que plus l’effort de coupe est

important, et plus la vitesse angulaire diminuera avant que la dent ne ressorte de la matière.

Figure 4 : comparaison entre l’effort de coupe et la vitesse angulaire (essai 1).

En considérant un modèle dynamique très simple de la broche, chargée seulement par le couple du

moteur Tm et le couple d’usinage Tcoupe, il est possible d'écrire le principe fondamental de la

dynamique en rotation appliqué à la broche, traduit par l’équation (2.1). Cette équation confirme ce

qui a été énoncé précédemment : si l’effort de coupe est inférieur au couple moteur, la vitesse

angulaire de la broche augmentera, et vice-versa.

Tm  Tcoupe  I .broche (2.1)

Par ailleurs, en faisant judicieusement apparaître la variation infinitésimale d’angle dans la formule

(2.1), on obtient une relation qui permet de faire le lien entre la variation de la vitesse angulaire et le

travail mécanique fourni par le moteur et consommé par la coupe (2.3).

d d
T m  Tcoupe   d  I 
dt
 d  I 
dt
 d (2.2)
I    d  dWm  dWcoupe (2.3)

Enfin, en supposant les variations de la vitesse angulaire assez faibles autour d’une valeur moyenne

 0 , on peut décrire la variation de vitesse angulaire pour chaque passage de dent ( max  min )

comme étant proportionnelle au travail mécanique (équation (2.4)). Ainsi, la variation de la vitesse

angulaire tient compte à la fois de l'importance de l’effort de coupe et de sa durée et sera plus

importante que la seule amplitude de l’effort de coupe.

Wm  Wcoupe
  (2.4)
I  0

On peut observer cet effet en comparant les variations de la vitesse angulaire et l’amplitude de

l’effort de coupe pour les différentes dents de l'outil. Concernant l’essai tracé dans la figure 4, la

comparaison est présentée par la table 2. Le passage de la deuxième dent est considéré comme la

référence en termes d’amplitude d’effort et de variation de vitesse angulaire. Au maximum,

l’amplitude de l’effort de coupe change seulement de 11 %, ce qui est beaucoup moins que les 57 %

observés pour la variation de la vitesse angulaire. De plus, les amplitudes de l’effort de coupe des

dents 2 et 4 sont exactement identiques, mais les variations des fréquences de rotation diffèrent de

14 %, grâce à un effort de coupe globalement plus élevé correspondant à la deuxième dent.

Tableau 2 : Comparaison entre les variations de l’effort de coupe et la vitesse angulaire.

Dent 1 2 3 4

Effort de coupe (N) 450 405 422 405

Ecart sur l’effort 11 % 0 4% 0

 (tour/min) 22 14 18 12

Ecart sur  57 % 0 29 % 14 %
Pour résumer, le comportement de l’usinage est fréquemment observé à travers les efforts de

coupe, mais la variation de la vitesse angulaire semble être très intéressante pour déterminer une

évolution ou des différences sur l’usinage. En effet, cette variation est proportionnelle au travail des

efforts mis en jeu, et fait donc intervenir non seulement l’amplitude de l’effort de coupe, mais

également son importance dans la durée.

Enfin, comme le maximum de la vitesse angulaire semble être relativement constant (10% de

variation sur les quatre dents observées), il semble que la vitesse minimale atteinte par la broche à

chaque passage de dent est un paramètre suffisant pour observer des variations du comportement

de l’usinage.

4. Détection de rupture d’outil par analyse de la vitesse

angulaire de la broche

4.1 Observation de la rupture de l'outil

L’essai analysé dans cette partie est le dernier essai, qui a conduit à la rupture de toutes les dents de

l’outil, comme illustré par la figure 5.

Figure 5 : plaquettes de l’outil après l’essai 6.

La vitesse angulaire instantanée pour cet essai est tracée sur la figure 6, en regard de la surface

usinée. L'amplitude globale du signal n'est pas constante et quelques irrégularités peuvent être

notées. Conformément aux constations de la partie précédente, on s’intéresse essentiellement à la

vitesse angulaire minimum. Cinq points particuliers méritent alors d’être relevés :
1. la fraise est entièrement engagée dans la pièce,

2. la courbe de vitesse minimale baisse subitement, et une marque est observée sur la surface

de la pièce,

3. la courbe de vitesse minimale baisse subitement, ce qui concorde avec l’apparition d’un

défaut sur la zone supérieure de la surface usinée, témoin de la rupture partielle d’une dent,

4. la courbe de vitesse minimale subit une dernière marche, correspondant à l’apparition d’un

défaut sur toute la largeur de la surface usinée – toutes les dents de la fraise doivent être

cassées,

5. la fraise est sortie de la matière, le signal de la vitesse angulaire est constant.

Figure 6 : correspondance entre le minimum de la fréquence de rotation et les défauts sur la surface usinée

pour l’essai 6.
Les particularités observées sur la courbe de vitesse angulaire correspondent donc à des défauts ou

des commencements de défauts sur la surface usinée, ce qui est vraisemblablement dû à la rupture

des dents jusqu’au stade observé sur la figure 5. Afin de préciser cette observation, une analyse plus

fine de la vitesse angulaire est réalisée, afin de surveiller non plus l’amplitude globale du signal de

vitesse angulaire, mais les ralentissements respectifs dus au passage de chacune des dents.

4.2 Détection des ruptures de dents

D’après Prickett *1+, dans le cas du fraisage, si une dent est plus usée qu’une autre, alors elle coupera

moins de matière et génèrera moins d’effort. A l’inverse, la dent suivante aura plus de matière à

enlever, générant ainsi des efforts plus importants. Concernant les vitesses angulaires, les

développements précédents (§3) nous assurent le même type d’évolution : dent usée / effort

moindre / ralentissement moindre – dent suivante / effort supérieur / ralentissement plus important.

En outre, si une dent est usée et coupe moins de matière, alors son temps de contact avec la matière

sera vraisemblablement réduit, ce qui diminue d’autant le ralentissement de la vitesse angulaire –

d’où la supériorité de la variation de vitesse angulaire sur l’amplitude des efforts de coupe.

Les évolutions des ralentissements de la vitesse angulaire pour chacune des dents sont donc tracées

sur la figure 7. On retrouve bien les deux zones de perturbations principales mises en évidence

précédemment, à savoir à la rotation 93 et autour de la rotation 200.


Figure 7 : évolution du ralentissement dû à chacune des dents (essai 6).

Lors de la rotation 93, on constate que subitement, la dent 1 ralentit moins la broche, et la dent 2 qui

la suit ralentit plus la broche. Compte tenu des remarques précédentes, on peut donc en déduire que

la dent 1 a cassé, prenant moins de matière et donc travaillant moins, tout en donnant du travail

supplémentaire à la dent 2, qui ralentit donc plus. A cet instant, la dent 2 est donc surchargée et va

donc s’user plus rapidement que les autres, se déchargeant progressivement sur la dent 3 jusqu’à la

révolution 130, pour laquelle l’usure des dents 2 et 3 sera coordonnée, subissant apparemment une

surcharge identique.

L’évolution à l’approche de la révolution 200 est plus chaotique et compliquée à démêler :

 lors de la révolution 197, la dent 2, surchargée depuis longtemps, casse brutalement

(ralentissement subitement plus faible), ce qui a pour effet de surcharger massivement la

dent 3 qui subit le même sort. La dent 4 semble récupérer la surcharge laissée par les dents 2

et 3, et le ralentissement que génère son passage est donc très important,

 lors de la révolution 198, la dent 2 casse à nouveau, ce qui explique l’augmentation du

ralentissement dû à la dent 3 qui travaille alors un peu plus,


 lors de la révolution 199, la dent 4 ne supporte plus la charge et casse, son ralentissement

devenant alors plus faible,

 à partir de la révolution 200, la dent 1 récupère finalement toute la charge laissée par les

dents 2, 3 et 4, et on peut donc constater que c’est elle qui fait la majorité du travail jusqu’à

ce que la fraise sorte complètement de la matière.

La surveillance du ralentissement propre à chacune des dents permet donc de mettre en place une

analyse plus fine que la seule vue globale du ralentissement maximal par tour. Elle permet en

particulier de mettre en place des critères mettant en jeu des notions d’antériorité entre les

différentes dents, ce qui est très utile pour la détection des ruptures.

5. Mesure d’efforts en fraisage

5.1 Modélisation dynamique de la broche

La partie 3 présente, à partir du principe fondamental de la dynamique, le comportement dynamique

global en rotation de la broche (équation(2.1)), que l’on rappelle ici :

Tm  Tcoupe  I .broche

On peut aisément détailler le couple d’usinage Tcoupe comme étant le produit du rayon de l’outil par

l’effort tangentiel généré par la coupe, suivant l’équation (4.1).

Tcoupe  Ftan  R (4.1)

Concernant le couple d’entraînement, il faut s’attacher au type de moteur utilisé pour la broche. La

broche utilisée est un moteur asynchrone. Dans ce type de moteur, le stator est constitué de bobines

alimentées en courant alternatif, générant ainsi un champ magnétique tournant à une vitesse

angulaire  s . Le rotor est constitué de conducteur en court circuit qui réagissent au champ

magnétique (courant induit et loi de Lenz) et provoquent la mise en rotation à la vitesse angulaire  .
Si le rotor tourne à la même vitesse que le champ magnétique, alors il n’y a pas de courants induits et

le couple d’entraînement du moteur s’annule. En fonctionnement normal, il existe toujours un

glissement entre le champ statorique et le rotor que l’on peut définir à l’aide de l’équation (4.2).

s  
g (4.2)
s

Le couple d’entraînement varie alors en fonction du glissement suivant une courbe du type de la

figure 8. La plage de fonctionnement de la broche se situe donc dans la plage de glissement de 0 à

gmax. En première approximation, on peut considérer dans cette zone que le couple d’entrainement

est directement proportionnel au glissement [18], ce qui nous donne alors les équations (4.3) puis

(4.4)en utilisant (4.2).

Figure 8 : variation du couple d’entraînement en fonction du glissement (issue de [19]).

Tm  km  g (4.3)


Tm  km  km  (4.4)
s

On peut ainsi réécrire l’équation (2.1) et exprimer l’accélération angulaire en fonction de l’effort de

coupe tangentiel, de la vitesse angulaire, ainsi que de trois constantes dépendant du pilotage du
moteur ( k m ,  s ) et de la constitution mécanique du système usinant (I, R). L’expression de l’effort

de coupe tangentiel est alors rapidement accessible à partir de l’équation (4.7).


I .  km  km   Ftan  R (4.5)
s

  k1  k2    k3  Ftan (4.6)

k1  k2    
Ftan  (4.7)
k3

5.2 Calcul des efforts de coupe à partir des paramètres angulaires

Les constantes dépendant du pilotage du moteur ( k m ,  s ) sont difficiles à obtenir facilement, car ils

dépendent de la manière dont le moteur est piloté, ce qui nous est inconnu. Il a donc été fait le choix

d’évaluer directement les trois paramètres [k1 k2 k3] à partir des essais réalisés. En effet, comme

l’acquisition a été faite de l’évolution du temps et des efforts de coupe en fonction de la position

angulaire de la fraise, tout est réuni pour pouvoir calculer l’effort tangentiel, la vitesse angulaire et

l’accélération angulaire. Les trois paramètres recherchés sont alors optimisés en minimisant l’écart

au sens des moindres carrés entre la courbe de l’accélération angulaire calculée directement à partir

du signal de vitesse et la courbe issue de la modélisation dynamique de la broche (équation (4.6)).

La figure 9 montre le résultat de cette optimisation et la différence entre l’effort directement mesuré

et l’effort reconstruit, dans le cas de l’usinage d’un acier durci. On peut constater une très bonne

corrélation entre ces deux efforts, signe que la technique est efficace et peut permettre la

substitution d’un matériel de mesure onéreux, lourd à mettre en place et de capacité limitée par la

simple observation de la rotation de la fraise.


Figure 9 : reconstruction de l’effort de coupe à partir de données angulaires.

6. Conclusion

La vitesse angulaire instantanée est reconnue comme étant un bon indicateur pour la surveillance

des systèmes à géométrie discrète en rotation, comme les roulements ou les engrenages. Ce papier

démontre que les centres de fraisage font partie de ces systèmes, et que la vitesse angulaire

instantanée peut être utilisée avantageusement pour la détection de la rupture des dents d’un outil

et la surveillance de l’usure. Un autre avantage de cette grandeur provient du fait que les broches

actuelles sont toutes équipées d’un codeur angulaire qui peut être utilisé directement sans ajouter

de capteur sur la machine. De plus, un échantillonnage spécifique du signal du codeur angulaire

permet de calculer instantanément la vitesse angulaire.

Il a été observé que les différences de variations de la vitesse angulaire causées par différentes dents

de l’outil permettaient de détecter les différences d’usure entre les différentes dents. Ainsi, la dent la
plus usée ralentira beaucoup moins la broche que la dent la plus active. De plus, il a été démontré

que les variations de la vitesse angulaire étaient directement fonction du travail des efforts de coupe,

ce qui est un bien meilleur indicateur du comportement en usinage que l’observation de la simple

amplitude de ces efforts. Ainsi, les algorithmes de surveillance développés pour le suivi des efforts de

coupe peuvent être appliqués directement sur les variations de vitesse angulaire, avec un taux de

détection supérieur.

Enfin, si l’analyse fine de l’effort de coupe est recherchée, ce dernier peut être calculé directement

en fonction des paramètres angulaires issus de l’acquisition (vitesse, accélération) à l’aide d’une

modélisation adéquate et relativement simple, ne faisant intervenir que trois constantes à identifier.

Ainsi, l’effort de coupe peut être avantageusement évalué sans l’aide d’aucun capteur extérieur ou à

adapter sur la machine.

La grande force de cette méthode provient donc du fait que le capteur utilisé est nativement

implanté sur la machine, et délivre des informations pertinentes sur le déroulement de l’usinage.

L’utilisation d’une chaîne d’acquisition spécifique permet en outre de calculer la vitesse et

l’accélération angulaire instantanément, ce qui est un atout pour développer un système de

surveillance automatique de l’usinage en temps réel, en s’appuyant sur des critères développer pour

la surveillance des efforts de coupe [3-7].

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