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Renata Enghels
Academiejaar 2004-2005
i
Remerciements
Cette étude a pu se réaliser grâce à l’aide et aux efforts de certaines personnes auxquelles
je veux exprimer ma reconnaissance infinie. En tout premier lieu, je tiens à remercier mon
directeur de thèse, le Professeur Dr. E. Roegiest, pour la confiance qu’il m’a témoignée dès
le tout début de ce travail. Je lui suis très reconnaissante de son intérêt pour cette étude,
de sa lecture attentive du manuscrit, de ses remarques critiques mais éclairantes, ainsi que
d’avoir ‘attisé’ davantage mes intérêts linguistiques. Je remercie aussi le Professeur Dr. R.
Kailuweit, membre de ma commission directrice. Ses remarques au congrès d’Aberystwyth
ont contribué à un remaniement profond du chapitre sur l’aspect lexical des verbes de
perception. Les contacts avec la Katholieke Universiteit Leuven, et en particulier avec Hilde
Hanegreefs, ont contribué à établir les bases de cette étude. Merci Hilde d’avoir relu le
chapitre 4, mais surtout pour la bonne collaboration. Je conserverai avec les meilleurs
souvenirs l’ambiance de travail agréable à l’Universiteit Gent, avec Martine, Astrid, Sara,
Frederic, Mark, An, Luc et Christel. Un grand merci pour Martine Haerens et pour Frederic
Lamsens, qui étaient toujours prêts à résoudre des problèmes administratifs ou
informatiques, et pour Astrid Huygens, qui a pris le temps de relire le chapitre 8. Merci
aussi Elke Weylandt et Anne Vandenberghe, pour les encouragements ainsi que pour les
suggestions concernant l’aspect rédactionnel de ce texte. Je tiens à remercier également
ma famille pour leur support de tous les instants : les visites pendant le week-end étaient
toujours une distraction bienfaisante. Pour terminer, il y a trois ‘individus’ auxquels cette
thèse est dédiée : Cleo et Arthur, merci de rester –littéralement- à côté de moi pendant les
années doctorales ; Frederik, merci pour tes mots réconfortants mais surtout pour ta
confiance infinie !
***
ii
Dit eindwerk is tot stand gekomen mede dankzij de inspanningen en de steun van een
aantal mensen aan wie ik onnoemelijk veel dank verschuldigd ben. Mijn eerste woord van
dank wil ik graag richten tot mijn promotor, Professor Dr. E. Roegiest, voor het vertrouwen
dat hij mij schonk vanaf het begin van mijn onderzoek. Ik ben hem oprecht erkentelijk
voor zijn interesse in dit werk, voor het aandachtig doornemen van dit manuscript, voor
zijn kritische doch steeds verhelderende opmerkingen, en voor het verder ‘aanwakkeren’
van mijn taalkundige interesses. Een woord van dank wil ik ook graag richten tot Professor
Dr. R. Kailuweit, lid van mijn begeleidingscommissie. Zijn opmerkingen tijdens het
congres te Aberystwyth hebben bijgedragen tot een grondige herwerking van het
hoofdstuk over het lexicale aspect van de perceptiewerkwoorden. De contacten met de
Katholieke Universiteit Leuven, in het bijzonder met Hilde Hanegreefs, zijn bijzonder nuttig
geweest voor het leggen van een solide basis voor deze thesis. Bedankt Hilde voor de
goede samenwerking, evenals voor het nalezen van hoofdstuk 4. De aangename
werksfeer aan de Universiteit Gent met Martine, Astrid, Sara, Frederic, Mark, An, Luc en
Christel zal ik met de allerbeste herinneringen bewaren. Een bijzonder dankwoordje voor
Martine Haerens en Frederic Lamsens, die steeds bereid waren om administratieve
problemen of informaticaproblemen op te lossen, en voor Astrid Huygens, die de tijd nam
om een kritisch oog te werpen op hoofdstuk 8. Bedankt ook Elke Weylandt en Anne
Vandenberghe voor de aanmoedigingen, tevens als voor de suggesties betreffende het
redactionele aspect van deze tekst. Verder dank ik ook mijn familie voor hun niet
aflatende steun: de bezoekjes tijdens het weekend waren steeds een deugddoende
ontspanning. Tenslotte zijn er drie ‘individuen’ aan wie deze thesis is opgedragen: Cleo en
Arthur, bedankt voor het -letterlijk- niet wijken van mijn zijde tijdens de voorbije
doctoraatsjaren ; Frederik, bedankt voor je motiverende woorden maar vooral voor je
eindeloos vertrouwen!
***
iii
Remerciements....................................................................................................................................... i
perception ......................................................................................................................... 35
3.1.2 Transitivité syntaxique vs. transitivité sémantique : une relation iconique ?......... 37
3.2.1 Le proto-agent/sujet....................................................................................................... 40
Chapitre 4 Le déroulement interne des processus de perception - L’aspect lexical des verbes
de perception ..................................................................................................................... 71
4.3.4 Les catégorisations aspectuelles des VdPinvolontaire : quelques exemples ............... 101
4.4 Conclusion : l’aspect lexical des VdP et les modalités de perception ................................ 107
Chapitre 6 La structure interne du complément infinitif - Les analyses proposées ................... 141
6.2 L’analyse non propositionnelle du Cinf : SN1 + VdP + [SN2] + [Inf] ................................... 143
6.2.1 La CI en tant que structure simple : l’analyse SN2 objet + Inf attribut de l’objet ................. 143
7.1.3 Hypothèse : la corrélation entre la position du SN2 et sa fonction syntaxique .... 176
7.2.3 Survol des paramètres retenus par d’autres auteurs ............................................... 180
7.8 Conclusion : les facteurs qui gouvernent la position du SN2 ............................................... 250
grammaticale............................................................................................................................... 257
8.2.1 Le datif en tant que marque de l’OI dans la structure incorporée ......................... 261
8.3.1 Les marques ‘exceptionnelles’ du datif : l’accusatif prépositionnel et le leísmo ... 267
9.4 Conclusion : l’accord verbal en tant qu’indice de la structure interne du Cinf................. 312
Bibliographie..................................................................................................................................... 325
Liste d'abréviations
ABSTR abstrait
ABU Association des Bibliophiles Universels (La Bibliothèque Universelle)∗
AC L’acacia (Simon, Cl.)
adj adjectif
ANIM animé
art article
BDS Base de Datos Sintácticos del español actual
Cadv complément adverbial
CDE Corpus del Español (Davies)
CH Les champs d’honneur (Rouaud, J.)
CI construction infinitive
Cinf complément infinitif
compl complément
CREA Corpus de Referencia del Español Actual (Real Academia Española)
déf défini
dém (adjectif) démonstratif
DS Diario Sur (2002)
E événement
EH El Hereje (Delibes, M.)
EM El Mundo (2002)
EN Cosmétique de l’ennemi (Nothomb, A.)
EP El País (1999)
esp espagnol
F Ficciones (Borges, J. L.)
fém féminin
fr français
GLOSSA GlossaNet (2003-2004)
HUM humain
ILP ‘individual level predicate’
INAC inaccusatif
INAN inanimé
INAN DYN inanimé dynamique
INAN NON DYN inanimé non dynamique
indéf indéfini
INERG inergatif
Inf infinitif
INTR intransitif
JP El jinete Polaco (Muñoz Molina, A.)
∗
Les explications en italique réfèrent aux sources de notre corpus.
xi
sémantiques
1
Chapitre 1
Introduction générale
L’acte de perception est tellement prépondérant dans la vie humaine qu’il préoccupe
toutes les sciences humaines. En effet, d’un survol de la bibliographie il ressort que la
psychologie, la philosophie autant que la linguistique s’interrogent sur la notion de
perception. Nous entendons nous concentrer exclusivement sur les propriétés
sémantiques et syntaxiques des verbes de perception (VdP) en espagnol et en français,
et encore serons-nous contrainte à nous limiter à certains aspects linguistiques.
Tout d’abord, quant aux propriétés sémantiques des verbes de perception, il y
a lieu de distinguer plusieurs types en fonction du critère pris en considération.
Premièrement, d’après le degré d’agentivité du percepteur, les verbes de perception
volontaire (VdPvolontaire) (1) s’opposent aux verbes de perception involontaire
(VdPinvolontaire) (2)1. Deuxièmement, à l’intérieur de ces deux catégories, la sémantique
de chaque verbe change suivant la modalité de perception, visuelle (1-2), auditive (3),
gustative (4), olfactive (5) ou tactile (6):
1 Il faut mentionner un troisième type, qui n’entrera toutefois pas en ligne de compte dans cette
étude, dénotant la perception descriptive, comme parecer/paraître (i), sonar/sonner (ii), saber a/avoir le
goût (iii), oler a/sentir (iv):
(i) Cet homme paraît plus vieux que son âge.
(ii) La trompeta suena desafinada.
(iii) La soupe a le goût trop salé.
(iv) Este perfume huele a flores.
2
volontaire involontaire
L’étude actuelle se concentrera sur les VdP représentant les deux modalités de
perception dominantes, à savoir les verbes de perception visuelle (VdPvisuelle) et les
verbes de perception auditive (VdPauditive): ver/voir, oír/entendre, mirar/regarder et
escuchar/ écouter.
Syntaxiquement, la nature complexe de l’acte de perception se traduit par une
gamme étendue de compléments. L’on distingue traditionnellement le complément
nominal (7), la relative (8), le gérondif (9), la complétive (10) et l’infinitif (11). Surtout
les VdPinvolontaire ver/voir et oír/entendre apparaissent dans un nombre élevé de
constructions ; les VdPvolontaire mirar/regarder, escuchar/ écouter et les verbes des autres
modalités semblent beaucoup moins productifs du point de vue syntaxique2 :
Pour des raisons qui seront explicitées au cours de cette étude, nous nous orienterons
essentiellement vers la complémentation dénotant la perception directe d’un
événement, ou la structure infinitive SN1 percepteur + VdP + SN2 participant aperçu + infinitif
événement aperçu.
La Grammaire Cognitive surgit dans les années ’80 comme réaction contre le
paradigme génératif dominant. En tant qu’alternative à la conception autonome de la
langue5, elle avance une grammaire intégrée fondée sur les processus expérientiels et
cognitifs. Les principes fondamentaux de cette théorie se résument en trois concepts :
symbolisation, intégration et observation.
Un des premiers postulats est que la syntaxe, la sémantique, le lexique et la
morphologie d’une langue constituent un continuum de structures symboliques :
« Cognitive grammar, by contrast, claims that lexicon, morphology, and syntax form a
continuum of symbolic units serving to structure conceptual content for expressive
purposes. » (Langacker 1987:35)
4 Le but de la présente section n’est aucunement de donner un survol complet des fondements de
la Grammaire Cognitive, mais seulement de justifier notre choix de travailler à l’intérieur de ce
cadre théorique. Aussi nous limiterons-nous à synthétiser les postulats principaux pour notre
étude.
5 La conception autonome sépare la syntaxe de la composante sémantique de la langue. La syntaxe
est définie comme le domaine du régulier, la sémantique est définie comme la composante
linguistique de l’irrégulier.
5
« Human conceptual categories, the meaning of words and sentences and the meaning of
linguistic structures at any level are not a set of universal abstract features or
uninterpreted symbols but motivated and grounded more or less indirectly in experience,
in our bodily, physical and social/cultural experiences […]. »
6 Plus tard, Jackendoff (1994:186) déniera l’hypothèse d’une relation entre la langue et la cognition :
«So differences in grammar do not reflect differences in the character of thought; the form of thought must be
distinct from the linguistic garb in which it is clothed. » Un des premiers objectifs de notre étude est de
démontrer qu’effectivement, la relation langue/cognition existe.
6
-perception phonétique
-système moteur structure composante structure
-mémoire conceptuelle sémantique syntaxique
-système émotif morphologie
Comment les trois postulats dépeints ci-dessus s’intègrent-ils dans notre analyse des
VdP ? Premièrement, le principe de la nature symbolique de la syntaxe selon lequel la
structure syntaxique n’est pas arbitraire mais représente de façon iconique la
composante sémantique de la langue, nourrit notre thèse que les différences
syntaxiques entre les VdPvisuelle et les VdPauditive font transparaître les différences
sémantiques entre ces deux classes verbales. Deuxièmement, le principe d’intégration
selon lequel les structures langagières calquent l’organisation du système conceptuel
humain soutient notre thèse que les différences sémantiques entre les VdPvisuelle et les
VdPauditive sont, à leur tour, conditionnées par les propriétés conceptuelles des
7 En contraste avec ce que suggère par exemple Willems (1997:23): « […] Der eigentliche Aufgabe des
Wissenschaftlers –und so auch des Sprachwissenschaftlers, versteht er sich nun als Hermeneutiker, Logiker
oder Biologe–, nähmlich dort Unterscheidungen zu treffen und ‘kritisch’ zu sein, wo die Realität auf die
nichtwissenschaftliche Einstellung einen undifferenzierten, verschachtelten Eindruck macht, weil alles mit
allem zusammenzuhängen scheint, dieser Aufgabe kann nicht dadurch eine neue Richtung verliehen werden,
daβ man den Wissenschaftler sozusagen dazu auffordert, kein wissenschaftler im vollen Bewuβtsein der
Metasprachlichkeit seiner Tätigkeit zu sein und statt dessen eine oberflächliche […] Abbildtheorie zu
entwickeln. […] Diese kritische Beobachtung […] impliziert, daβ die kognitive Linguistik angesichts
bestimmter linguistischer Fragestellungen offenbar Gefahr läuft, daβ ihre Grundthese eine aporetische
Gestalt aufweist. »
7
corpus varié Corpus de Referencia del Español Association des Bibliophiles Universels ABU
Actual (Real Academia CREA (La Bibliothèque Universelle).
Española).
Corpus del Español (Davies). CDE
Base de Datos Sintácticos del BDS
español actual.
Spanish OnLine. SOL
De ces bases de données, toutes les phrases avec un complément infinitif ont été
distillées, ce qui revient à un ensemble de 3925 exemples espagnols et 2995 exemples
proviennent pas d’un corpus, mais qui nous sont fournis par la littérature même concernant les
VdP. Nonobstant, nous travaillerons uniquement avec des exemples dont le statut est certain et
dont la grammaticalité ne pose pas de problèmes.
8
« To posit a continuum is not to abandon the goal of rigorous description: we must still
describe the individual structures in explicit detail, even as we articulate their parameters
of gradation. »
Les VdP espagnols constituent le point de départ de notre analyse, mais les
résultats seront comparés avec le français. En effet, afin de découvrir des schémas
cognitifs plus généraux, il s’avère utile d’examiner les mêmes phénomènes
linguistiques dans plusieurs langues. La méthode comparative nous permettra ainsi
de vérifier si la correspondance entre les propriétés des modalités de perception et le
comportement linguistique des VdP n’est pas due aux traits spécifiques d’une langue
mais se manifeste aussi ailleurs, et suggère ainsi des extrapolations.
chapitre sur la transitivité des VdP (chapitre 3), mais sera également invoquée lors de
l’analyse de leur aspect lexical (chapitre 4).
Notre étude comprend deux parties. La première (chapitre 2-4) présentera de
façon critique le champ sémantique des VdP. Il sera démontré qu’une prise en
considération des dissimilitudes conceptuelles entre les modalités de perception
permet de voir certains points chauds relatifs à la sémantique des VdP sous une
nouvelle lumière. Cette partie se veut une approche plutôt théorique des propriétés
des VdP ainsi que des notions telles que la transitivité, l’agentivité et l’aspect lexical.
Bien que la majorité des exemples proviennent de l’espagnol et du français, nous
sommes d’avis que la théorie développée ici s’applique aussi aux VdP dans d’autres
langues. C’est aussi la raison pour laquelle les verbes espagnols et français seront
essentiellement étudiés ensemble. Dans la deuxième partie (chapitre 5-9),
essentiellement empirique, nous partirons à la recherche de phénomènes syntaxiques
qui témoignent de l’influence des qualités sémantico-conceptuelles de la perception
visuelle et auditive sur le comportement grammatical des VdP espagnols, en
comparaison avec les VdP français. L’étude des caractéristiques syntaxiques de la
construction infinitive révélera que la structure interne du complément subordonné
est dans une large mesure conditionnée par le type de VdP principal.
L’objectif du chapitre 2 est de reconstruire la définition de la perception telle
qu’elle nous guidera tout au long de notre analyse. Après avoir insisté sur la
contribution de la littérature interdisciplinaire à cette définition, nous passerons à
l’examen de trois dichotomies qui traversent le champ sémantique de la perception, à
savoir perception directe vs. indirecte, perception volontaire vs. involontaire et perception
visuelle vs. auditive. Nous montrerons que ces notions ‘primitives’ méritent des
définitions plus rigoureuses. Le chapitre 3 offrira une première illustration de
l’influence hypothétique de la composante conceptuelle sur la sémantique des VdP.
La caractérisation des processus de perception visuelle et auditive, volontaire et
involontaire –établie dans le deuxième chapitre– aidera à mesurer le degré de
transitivité des VdP. Après avoir parcouru les traits des deux composantes qui
constituent l’événement transitif prototypique, à savoir le proto-agent et le proto-
patient, nous rangerons les verbes ver/voir, oír/entendre, mirar/regarder et
escuchar/écouter sur l’échelle de la transitivité. Le chapitre 4 proposera une nouvelle
10
analyse pour un deuxième point de discussion, à savoir l’aspect lexical des VdP. Les
tests syntaxiques, avancés dans la littérature, qui distinguent les quatre catégories
vendlériennes ne suffiront pas pour déterminer l’aspect des VdP. Il sera argumenté
que les VdP ne s’insèrent pas dans une seule catégorie aspectuelle mais que leur
classification dépend du contexte d’emploi et de la modalité de perception.
Le chapitre 5 touche au noyau de la partie empirique : la structure interne du
complément infinitif. Dans un premier temps nous passerons en revue les principales
propriétés sémantiques et syntaxiques de la construction infinitive. Dans le chapitre 6
nous discuterons les différentes solutions proposées, à savoir l’analyse
propositionnelle, l’analyse non propositionnelle et l’incorporation. Il sera argumenté
que ces trois analyses ne s’excluent pas mais sont complémentaires. L’ensemble des
constructions infinitives ne constitue pas un bloc homogène, mais leur structure
interne dépend de la modalité du VdP principal et des propriétés sémantiques du
complément infinitif même. Afin de démontrer cette thèse, nous effectuerons une
analyse expérimentale –surtout en espagnol mais également en français– de trois
phénomènes syntaxiques : la position syntaxique du participant subordonné SN2
(chapitre 7), son marquage casuel (chapitre 8) et l’accord verbal entre le VdP et les
constituants subordonnés dans la construction infinitive pronominale (chapitre 9).
11
Chapitre 2
« […] one must mention an initial stimulus coming from the external world and causing
some part of the body to send a message to the owner of that body, thereby causing him to
have some information about the part of the world which acted as the initial stimulus.»
INPUT OUTPUT
Autrement dit, elle étudie la façon dont le cerveau humain transforme les images
sensorielles désordonnées en une perception consciente du monde. Ainsi un nouvel
élément s’ajoute à la définition de base –proposée au début de ce paragraphe– à
savoir, l’importance de l’interprétation des données aperçues. Lors de l’interprétation
des stimuli enregistrés par les sens, des connaissances et des expériences préalables
interviennent. La perception se définit plus rigoureusement comme l’interaction de la
réception de données, de principes innés et de connaissances préalables. De là que
l’acte de perception n’est pas une simple reproduction des stimuli externes, mais qu’il
implique un processus actif d’organisation des données :
1 Pour une définition de la perception du point de vue de la psychologie cognitive, voir par
exemple Bourne (1979), Castanedi (1977), Goldstein (1996), Marcel (1983), Matlin (1983, 1988),
Savage (1978), Van Geert (1983) et Monsell & Driver (2000).
13
« The quality of our perceptual experience depends only in part on the stimuli that impinge
on our sense organs and the signals directly induced by these stimuli. Equally important is
the structure imposed on these peripheral events at more central levels of processing in
accordance with current expectations and the available inventory of perceptual and
interpretive routines. Perception is not a passive phenomenon, but an active process that is
reasonably regarded as a kind of problem-solving activity. » (Langacker 1987:101)
Notre étude ne concerne pas en premier lieu ces questions philosophiques, bien
qu’elles jouent sans doute un rôle important dans l’approche linguistique de la
perception :
« Yet the problems related to perception that philosophers have been addressing themselves
to are to a large extent linguistic: they are, or can be, formulated as questions about
meaning. » (Wierzbicka 1980:99)
« The impression that perception and language are closely related may stem from a feeling
that people use language primarily to talk about the world they perceive.»
Miller & Johnson-Laird (1976:119) justifient le titre de leur ouvrage célèbre Language
and Perception. En effet, le lien étroit entre la perception et la langue dérive du principe
que la langue sert en premier lieu à communiquer des données sur le monde que l’on
aperçoit. Dans le même fil d’idées, Franckel & Lebaud (1990) se demandent si la
phénoménologie de la perception d’une culture donnée est affectée par le
2 Pour une définition plus philosophique de la perception voir entre autres Alva (2002), Austin
(1962), Classen (1993), De Haan (1998), Johansen (1998), Landesman (1993), Merleau-Ponty (1945),
Plomer (1991), Sean (s.d.) et Yolton (1984).
14
« What does the grammatical structure of natural language reveal about the nature of
perception and cognition? »
Il sera démontré que d’une part, l’étude des caractéristiques des modalités de
perception peut éclairer le comportement grammatical des VdP et que d’autre part,
l’étude du comportement syntaxique et sémantique des verbes peut contribuer à la
définition générale de la perception. Langue et perception sont deux notions
profondément imbriquées.
environnement et les stimuli externes lui fournissent directement des informations sur
le monde extérieur. En revanche, lors d’un acte de perception indirecte, le percepteur
obtient ces données par un raisonnement déductif et par des calculs à partir de ce
qu’il aperçoit. La perception directe correspond à une interprétation immédiate et
plus au moins inconsciente de la situation aperçue tandis que la perception indirecte
est le résultat d’une activité déductive à partir des stimuli sensoriels. Cette distinction
entre perception directe et perception indirecte remonte à la philosophie
phénoménologique. C’est en effet Husserl (1913) qui a introduit l’opposition entre la
perception directe de propriétés perceptuelles et la perception indirecte de propriétés abstraites.
Les mêmes notions apparaissent dans presque chaque étude linguistique traitant des
VdP, mais souvent elles se confondent avec d’autres termes. Schüle (1999) par
exemple utilise les couples physique vs. cognitif, concret vs. abstrait et épistémiquement
neutre vs. épistémique pour renvoyer à la perception directe et indirecte. Cependant,
ces concepts ne sont pas des synonymes parfaits de direct et indirect. Le but de la
présente section est de définir plus explicitement cette série de notions.
Willems (1983:155) note déjà que la bifurcation direct vs. indirect ne recouvre
pas entièrement l’opposition physique vs. cognitif. La perception cognitive équivaut à
un acte de connaissance de sorte que voir que quelqu’un a raison revient à savoir que cette
personne a raison. Par conséquent, la perception cognitive est toujours indirecte
puisqu’elle implique une déduction (1). La perception physique par contre, concerne
le monde concret et matériel. Les exemples montrent toutefois qu’elle peut être directe
(2) ou indirecte (3) :
4 Nous verrons dans la suite de cette section que cette affirmation nécessite quelques précisions.
16
Nous n’utiliserons donc pas les termes perception physique et perception cognitive en tant
que synonymes de perception directe et perception indirecte. Cependant, ils nous
permettront de sous-spécifier le type de perception indirecte : perception indirecte
physique ou perception indirecte cognitive.
Barwise & Perry (1983) introduisent les notions épistémiquement neutre vs.
épistémiquement positive pour renvoyer aux deux types de perception. La perception
épistémiquement neutre ne dépend pas de l’état cognitif ni des croyances du
percepteur tandis que la perception épistémiquement positive implique des processus
cognitifs d’inférence. Dans l’anecdote suivante de Barwise & Perry (1983:179) le
premier acte de perception décrit est épistémiquement neutre, le deuxième est
épistémique :
« If you, as special prosecutor, had to convince the jury that Nixon saw Rosemary Woods
erase the crucial part of the Watergate tape, you would have a pretty good idea of the sort of
evidence you would need. You would need to prove that Rosemary Woods did indeed erase
the crucial part of the tape and that Nixon saw it. For example, a film of Nixon watching
Miss Woods erase that part of the tape would be pretty good evidence.
But what if you had to prove that Nixon saw that Rosemary Woods erased the crucial part
of the Watergate tapes? Your old evidence will no longer suffice, since Nixon could claim
that he didn’t know it was the Watergate tape, or that he didn’t know that she was erasing
it, or that he knew she was erasing a part but didn’t know it was the crucial part.
To prove the first (and weaker) claim, one has to show that Nixon had his eyes open and
functioning, and that an event of a certain sort was taking place before him. To prove the
stronger claim, one needs to prove something about what he recognized and what thoughts
were going through his mind. »
et les définit autrement comme perception d’un événement (event perception) et perception
d’un fait (fact perception) :
À première vue ces termes recouvrent le domaine de l’opposition perception directe vs.
perception indirecte. Aussi accepterons-nous la notion de perception épistémiquement
neutre comme synonyme de perception directe et la notion de perception épistémique
comme synonyme de perception indirecte :
Dans l’exemple (4) la perception physique des yeux me permet de conclure que vous
êtes fatigué. Dans (5) la perception physique des yeux me permet de conclure que
vous êtes fatigué et de là que vous êtes probablement rentré tard. Dans les deux cas la
perception directe d’un indice physique me permet de tirer ces conclusions : la
perception est nécessairement indirecte et physique. Néanmoins, le processus
d’inférence est plus élaboré dans (5) : à l’observation que vous êtes fatigué s’ajoutent
mes connaissances préliminaires que quelqu’un qui est fatigué n’a pas assez dormi et
est donc possiblement rentré tard, et comme je sais que vous avez l’habitude de
rentrer tard,… Dès lors, la perception indirecte primaire et la perception indirecte
18
primaire secondaire
et concret comme :
nous sommes apte à conclure que la dichotomie concret vs. abstrait traverse à la fois le
champ de la perception directe et celui de la perception indirecte :
Dans (6) et (8), des stimuli matériels –les enfants (6) et les yeux (8)– causent une
perception directe (6) ou indirecte (8). Dans (7) et (9) aucun référent concret ne peut
être aperçu : dans (7) le percepteur exprime sa pensée de voir apparaître des
problèmes ; dans (9) il aperçoit que quelqu’un d’autre a raison. Compte tenu de ces
exemples, nous introduirons dans la catégorie de la perception directe, à part la
perception directe physique concrète (6), un type de perception directe plus abstraite
(7). La perception indirecte physique recouvre le domaine de la perception indirecte
concrète (8) ; le domaine de la perception indirecte cognitive correspond grosso modo
à la perception indirecte abstraite (9)6. Notons quand même que la perception directe
abstraite est moins directe que la perception directe concrète, vu l’absence d’un
référent réel perceptible par les sens7. Par conséquent, au niveau de la perception
directe abstraite, la frontière entre la perception directe et la perception indirecte est
vague et potentiellement sujet de discussion :
« The most natural sense of ‘hearing indirectly’, of course, is that of being told something
by an intermediary […]. »
Ce type de perception indirecte sera appelé perception réception8. Dans une phrase telle
que J’entends que vous êtes malade (votre sœur m’a téléphoné), l’entité aperçue est de
nature linguistique et il y a une personne intermédiaire (votre sœur) qui fonctionne
comme la source d’information. La perception réception existe également dans le
champ du visuel mais y est beaucoup moins fréquente : Je vois que vous êtes malade (je
l’ai lu dans l’attestation du médecin). La haute fréquence de la perception réception dans
le domaine de l’auditif est due à l’extension sémantique prototypique perception
auditive/communication.
6 Toutefois, cognitif n’est pas un synonyme parfait d’abstrait. La perception cognitive équivaut à un
acte de connaissance tandis que la perception abstraite correspond à la perception d’un stimulus
immatériel.
7 Ce type est quand même introduit dans la catégorie des processus de perception directe parce
Des paragraphes précédents il ressort non seulement que les différentes notions
introduites au départ ne sont pas des synonymes parfaits, mais aussi que la
bipartition entre perception directe et perception indirecte n’est pas toujours
rectilinéaire. À plusieurs reprises l’on éprouve des difficultés à situer une construction
avec un VdP par rapport à cette dichotomie. Afin de faire face à cet embarras, Austin
(1962:16-17) prétend que la distinction entre la perception directe et indirecte n’est
valable que pour le sens visuel. Les autres modalités seraient incompatibles avec ces
notions :
« […] the notion of indirect perception is not naturally at home with senses other than
sight. With the other senses there is nothing quite analogous with the ‘line of vision’. The
most natural sense of ‘hearing indirectly’, of course, is that of being told something by an
intermediary – a quite different matter. But do I hear a shout indirectly, when I hear the
echo? If I touch you with a barge-pole, do I touch you indirectly? Or if you offer me a pig
in a poke, might I feel the pig indirectly through the poke? And what smelling indirectly
might be I have simply no idea. For this reason alone there seems to be something badly
wrong with the question, ‘Do we perceive things directly or not?’ »
« Puesto que todo acto de habla es un metafenómeno, en estos casos se difuma la diferencia
entre la designación del percepto que corresponde a la percepción directa y a la indirecta.»
[+ fiable] [- fiable]
perception indirecte primaire > perception indirecte secondaire > perception indirecte réception
« […] there is often no strict borderline where perception ends and recognition or
realization based on perceptual evidence begins – the two are often mixed to various
degrees and in subtle ways. »
Cette thèse s’oppose à l’idée défendue par Schüle (1999:5) que les processus de
perception et les processus cognitifs se séparent nettement :
Somme toute, nous adhérons au point de vue de Gee (1975) et de Kirsner &
Thompson (1976:8) qui définissent l’opposition sémantique entre la perception directe
et la perception indirecte comme un continuum :
« The contrast between direct perception and deductions from something perceived, is like
other linguistic contrasts a matter of degree. »10
9 Pour d’autres remarques à ce propos voir Cristea (1986:245), De Geest (1970), Holierhoek (1980),
Miller & Lowrey (2003) et Willems (1983).
10 Ce mélange de perception directe et de perception indirecte a des répercussions sur l’étude
sémantico-syntaxique des compléments des VdP. Il expliquera dans une large mesure les
difficultés que nous éprouverons lors de la classification de la construction infinitive comme
structure de perception directe ou indirecte, cf. infra 5.1 La CI : une structure de perception
directe ?, p 114.
22
[+ direct] [- direct]
primaire secondaire
Je vois (à vos yeux) que vous êtes fatigué. Je vois (à vos yeux) que vous êtes rentré tard.
J’entends (à votre voix) que vous êtes fatigué. J’entends (à votre voix) que vous êtes rentré tard.
Dans la suite de cette analyse les VdP seront étudiés dans les contextes de perception
directe. La prise en considération des actes de perception indirecte nous conduirait
vers la problématique de la polysémie des VdP et nous éloignerait trop de l’objectif
central de cette étude qui consiste à démontrer que les différences conceptuelles entre
les modalités de perception influencent les propriétés sémantico-syntaxiques des VdP.
12 Il sera toutefois argumenté plus loin que le percepteur involontaire n’est pas entièrement passif.
24
« […] agentive perception necessarily suggests a more complex and potentially more time-
consuming event than simple perception alone. Two distinct processes are involved: (i) the
directing of attention, (ii) the perceiving. »
« The first example is in fact that blind men are, rather ordinarily said to look at things,
but, of course, do not see them, and generally known they cannot see them, so could not
intend to. » (Rogers 1974:28)
perception involontaire
percepteur stimulus
[expérienceur] perfective [neutre]
perception volontaire
percepteur stimulus
[observateur] imperfective [particulier : familier, attrayant]
13 Cf. supra 2.2 Perception directe et perception indirecte, p 14. Par conséquent, mirar/regarder et
escuchar/écouter semblent moins productifs syntaxiquement et apparaissent dans un nombre de
constructions bien plus limité que ver/voir et oír/entendre. Les VdPvolontaire ne sélectionnent pas le
complément qui dénote des actes de perception indirecte, à savoir la complétive. De plus, les
VdPinvolontaire sont susceptibles d’étendre leur champ sémantique plus que les verbes exprimant la
perception volontaire.
25
14 Aristote a été le premier à synthétiser les distinctions fondamentales entre les cinq modalités
perceptuelles. Le paragraphe s’inspire encore de Miller & Johnson-Laird (1976) et d’Ibarretxe
(1999a).
15 Bien sur, les stimuli de la perception visuelle et auditive ne doivent pas se manifester à distance.
stimulus doit être en contact direct avec le percepteur. L’odorat se trouve entre les
deux extrêmes : d’une part, le stimulus doit être assez proche du percepteur, d’autre
part, le contact n’est pas requis. Le facteur [± distance] range les cinq sens selon la
hiérarchie suivante :
[- distance] [+ distance]
Toutefois, dans notre culture les cinq sens ne sont pas taxés de la même valeur.
Les traditions philosophique, psychologique et linguistique s’orientent
essentiellement vers la perception visuelle et dans une moindre mesure vers la
perception auditive. L’olfaction, la gustation et le toucher sont des modalités de
perception dévalorisées. Quelle est la cause de cette prédominance du visuel dans les
sciences humaines ?
Viberg (1984:136) avance une hiérarchie qui rend compte de l’importance des cinq
sens dans la culture occidentale. La vision et l’audition se trouvent au plus haut de
cette échelle :
[- important] [+ important]
La suprématie de la perception visuelle s’explique par le fait que cette modalité est
notre première source objective d’information relative au monde extérieur : 60% de
toutes les données que notre cerveau reçoit est recueilli par nos yeux. De plus, les
preuves obtenues visuellement sont considérées comme les plus fiables :
«[…] it was noted that the vision modality is probably the most important among the
sensory modalities for obtaining useful information from the environment in our species,
whereas the modalities of taste and smell in particular serve a primarily hedonic function.»
(Cooper 1974:11)
« […] both seeing and hearing function over a distance […]. The distance these two sense
modalities are able to cover is connected with objectivity and intellect, while closeness is
often equated with subjectivity, intimacy, and emotion. » (Schüle 1996:7)16
« […] because of the focusing ability of our visual sense – the ability to pick out one
stimulus at will from many is a salient characteristic of vision and of thought but certainly
not characteristic of any of the other physical senses except hearing.» (Sweetser 1990:38)
« As a result of the strong connection between sight and knowledge combined with
structural properties of the visual and the intellectual domain, i.e. the ability to focus
attention as well as to monitor stimuli visually as well as mentally, physical vision
regularly is mapped onto ’mental’ vision. » (Schüle 1996:38)
16 Cf. aussi Shyldkrot (1989:288) : « Le domaine intellectuel, objectif est compris comme distant alors que le
subjectif est perçu plutôt comme proche. Voir et entendre sont des perceptions qui impliquent une
distance. »
17 La citation suivante de Rousseau témoigne du lien étroit entre la vue et la cognition : « La vue est
de tous les sens celui dont on peut le moins séparer les jugements de l’esprit. » Voir aussi Dretske (1969) et
Wilkins (1996). Sweetser (1990) et Ibarretxe (1999a:96) montrent que le rapport vue/cognition est
même attesté étymologiquement. Sjöström (1999) et Danesi (1985, 1990) argumentent que les
métaphores visuelles telles que in the mind’s eye, thinking is seeing et thinking is sensing sont des
métaphores primitives très productives dans la culture occidentale. Quelques exemples de cette
extension sémantique sont : être aveugle: impossibilité de comprendre, être illuminé: être doué, avoir une
bonne vue: comprendre bien, fermer les yeux: éviter de comprendre, illuminer: expliquer, obscurcir: rendre
l’information inaccessible, lumière: connaissance, obscurité: ignorance, être plus perceptible: dominer, être
transparent: être facilement compréhensible,…
29
1. les VdPvisuelle sont les seuls verbes qui apparaissent facilement dans la
construction verbe + particule : look up, look over ;
2. les VdPvisuelle et les VdPauditive surgissent dans des phrases à l’impératif, avec
la deuxième personne comme objet : look at you, listen to you vs. *feel you,
*taste you, *smell you ;
3. les modalités de perception visuelle et auditive s’expriment par des verbes
copulatifs : he looks tired, it sounds like ;
4. seule la perception visuelle admet les constructions du type adjectif-
substantif : a good-looker.
Plus tard, Cooper (1974b) ajoute que les référents de la perception visuelle sont aussi
sémantiquement plus flexibles. Les VdPvisuelle engendrent plus d’extensions
sémantiques que les verbes des autres sens. En effet, la hiérarchie de Viberg (cf. figure
2.10, p 27) implique que les modalités dominantes admettent plus de sens non
centraux que les modalités inférieures ; la vision et l’audition déclenchent des
extensions sémantiques qui couvrent le domaine des autres modalités18.
À première vue, les modes de perception visuelle et auditive ont beaucoup de
propriétés en commun, si bien que l’étude d’une modalité pourrait suffire pour rendre
compte de ces caractéristiques. Bon nombre d’auteurs (entre autres Barron
1999, Barwise & Perry 1983, Higginbotham 1983, 1984, Rodríguez Espiñeira 2000)
analysent le comportement grammatical des VdPvisuelle et transfèrent effectivement
leurs résultats aux VdPauditive et parfois au champ de perception entier. Or, nous
montrerons dans la section suivante que les modalités visuelle et auditive sont assez
différentes quant aux propriétés du percepteur, du stimulus et de l’acte de perception
même et que par conséquent, les propriétés des VdPvisuelle ne sont pas simplement
transposables aux VdPauditive et vice versa.
18 Sur les extensions sémantiques différentes voir infra note 23, p 32.
30
« Der Mensch kann seine Ohren nicht nach Belieben schliessen oder öffnen, wie das bei den
Augen den Fall ist. Die Ohren lassen sich nicht in dem Masse wie die Augen, richten. »
« […] if people had highly directional ears and an ability to close them with earlids, hearing
would entail listening, […]. »
« The object heard needs to produce some noise to be heard. » (Van Voorst 1988:122)
19 Verspoor (2000:209) souligne le caractère agentif de la perception visuelle en décrivant les phases
constitutives de l’événement : « Simply put, seeing something involves at least some intentional motor
movement (directing my eyes towards an object), attributing value and categorizing it. »
20 En espagnol et en français modernes, escuchar/écouter déclenchent en effet les interprétations
l’origine attirer l’attention de quelqu’un. La perception visuelle combine l’acte mental de faire
attention aux stimuli avec l’acte corporel d’orienter et de diriger les yeux ; d’où le degré de
manipulation plus élevé.
31
Dans par exemple J’entends l’enfant, j’aperçois l’effet de l’activité engendrée par
l’enfant. En revanche, le stimulus de la perception visuelle peut être impliqué dans
une activité (13a-c), mais ne doit pas l’être (13d) :
« […] intuitively, we do not hear objects but sounds (noises), while, on the other hand, we
do see objects. » (Wierzbicka 1980:114)
22 Pour des raisons de simplicité, nous utiliserons au cours de l’analyse qui suit le terme général
stimulus pour désigner la source stimulus ainsi que le stimulus même. Au cas où la distinction
entre les deux notions serait pertinente, nous expliciterons de quel type de stimulus il s’agit : de la
source ou du stimulus même. Sur les différences entre le stimulus de la perception visuelle et la
perception auditive, voir aussi Annexes I.2 Le complément nominal, p 357.
32
« It seems that whenever we see an object we see it somewhere (in a place). Thus the
sentence ‘I see a dog’ seems to be an abbreviation of the sentence ‘I see a dog in that place’.
But when we hear or smell something we do not hear or smell it somewhere. »
(Wierzbicka 1980:153)
Ce qui est entendu ou écouté par contre, est uniquement localisé dans le temps. La
perception auditive implique la saisie de l’effet d’une présence : je n’entends pas un
objet ou un processus, mais le résultat du processus ou de l’action effectuée par la
source. La source du stimulus auditif même se localise dans l’espace. Par exemple,
quand j’entends Jean chanter, je peux localiser Jean dans l’espace mais l’événement de
chanter et les bruits qu’il produit ne sont pas liés à un lieu spécifique. Par conséquent,
le visuel permet des actes de perception répétés et prolongés d’un même stimulus,
alors que l’auditif exprime une expérience unique et plus subjective. Cette distinction
fondamentale entre la nature de l’acte de perception visuelle et celle de la perception
auditive est illustrée par l’anecdote de Miller & Johnson-Laird (1976:42) :
«An observer stands watching a scene. He sees a man and hears the man call to a friend. At
that point the observer turns away momentarily. When he turns back, he sees the man
again, and again hears the man call to a friend. The observer believes that he saw the same
man both times, but he does not believe that he heard the same call both times. The man is
perceived as an object persisting through time, but the call is perceived as an event that
occurs and is gone. »
23 Nous tenons à compléter le panorama des différences en notant que les deux modes de
perception sont liés à des expériences internes différentes. Le visuel s’attache à l’objectif et à
l’intellectuel alors que l’auditif se rapproche du subjectif et de la communication. Le domaine de la
perception visuelle s’étend vers le domaine de la cognition ; la perception auditive donne lieu à des
33
perception visuelle
percepteur stimulus
[± manipulateur] spatiale [neutre]
perception auditive
percepteur stimulus
[- manipulateur] temporelle [+ producteur d’effets]
métaphores concernant la communication humaine : Je vois que tu as raison vs. J’ai entendu (de ta
sœur) que tu es malade. Sur les extensions sémantiques des verbes de perception voir entre autres
Alm-Arvius (1993), Blumenthal (2002b), Caplan (1973), Danesi (1985, 1990), Evans & Wilkins
(2000), Ibarretxe (1999a,b), Holierhoek (1980), Liver (2003), Matthews (1974), Mönnich (1999),
Sabban (1994), Shabanova (2000), Schepping (1985), Schüle (1996, 1999), Shyldkrot (1989), Sjöström
(1999), Sweetser (1990) et Viberg (1984). Pour plus de données, voir aussi Annexes I.5.2 La
complétive : extensions sémantiques et réduction des contraintes syntaxiques, p 369. Une analyse
plus poussée de la polysémie des VdP n’entre toutefois pas dans le cadre de l’étude actuelle.
34
Chapitre 3
1
3.1 La transitivité, une notion fort discutée
« Llamamos transitivos a los verbos que denotan un estado o evento que requiere la
existencia de dos participantes o argumentos. […] Un verbo intransitivo es un verbo que
denota una actividad o evento que requiere semánticamente un solo participante o
argumento. » (Mendikoetxea 1999a:1578)
Autrement dit, du point de vue formel la transitivité est associée à la présence de deux
ou de trois arguments, à savoir le sujet (S), l’objet direct (OD) et l’objet indirect (OI) et
donc à la structure S–V–OD–[OI]2.
Ensuite, la transitivité a été définie en fonction des rôles thématiques que les
participants accomplissent dans la phrase. Elle implique une relation énergétique
entre deux participants, l’agent et le patient :
1 Notre analyse consiste en une approche plutôt théorique de la notion de transitivité. Bien que la
majorité des exemples proviennent de l’espagnol et du français, nous croyons que la théorie
développée ici s’applique aussi aux VdP dans d’autres langues. C’est aussi la raison pour laquelle
les verbes espagnols et français sont étudiés ensemble.
2 Quand le verbe s’accompagne de deux compléments –direct et indirect– la structure est
contient deux types de verbes représentant ou bien une émission d’énergie par un agent, ou bien
une réception d’énergie par un patient, cf. infra 7.6.3.1.2 Les verbes intransitifs : inergatifs et
inaccusatifs, p 225.
37
E1 contact E2 énergie E3 E4 Ex
agent patient
chaîne actionnelle
Dans une dernière étape, les faces syntaxique et sémantique de la définition ont
été fusionnées. Comme l’agent et le patient ont été identifiés comme les valeurs
prototypiques du sujet et de l’objet, le schéma agent–action–patient a été projeté sur la
structure syntaxique S–V–OD. Voici le principe de la sélection des arguments tel qu’il
a été proposé par Dowty (1991:576) :
« […] in predicates with grammatical subject and object, the argument for which the
predicate entails the greatest number of proto-agent properties will be lexicalized as the
subject of the predicate ; the argument having the greatest number of proto-patient
entailments will be lexicalized as the direct object. »
Dès lors, une construction est caractérisée comme transitive quand elle implique un
transfert d’énergie entre deux actants ou participants : l’agent/sujet qui fonctionne
comme l’initiateur de l’action et le patient/objet qui subit l’effet voulu par l’agent.
Dans (1-2) il n’y a pas d’action physique performée par un agent qui cause un flux
d’énergie. La seule activité impliquée est mentale et se caractérise par un niveau
énergétique peu élevé. De même, les VdP (3) ont souvent été cités comme des verbes
transitifs atypiques parce que le sujet/percepteur se profile comme un participant non
agentif.
Deuxièmement, l’OD d’une structure biactancielle ne fonctionne pas toujours
comme le patient affecté par l’action :
Dans (4), l’OD un crayon n’est pas affecté mais manipulé lors de l’action d’écrire. Dans
(5) l’OD ne subit pas l’activité décrite par le verbe, mais fonctionne comme un directif
(5a) ou un locatif (5b). L’OD de (6) ne représente pas une entité individualisée mais
fait partie de la locution prendre peur. Finalement, l’OD d’un VdP (7) ne semble pas
subir un changement d’état interne par le fait d’être aperçu. Voici le deuxième
argument avancé dans la littérature en faveur d’une analyse des VdP en tant que
verbes transitifs atypiques.
Ces contre-exemples ont mené plusieurs linguistes (Cano Aguilar 1981,
Hopper & Thompson 1980, Taylor 1995) à conclure que :
« […], no hay paralelismo completo entre forma y función transitivas. » (Cano Aguilar
1981:22)
et :
« El contenido específico de la relación semántica en que consiste la transitividad puede ser
muy variado. El modelo ‘activo’, […], es importante, pero no exclusivo, por lo que no puede
erigirse como significado general de la transitividad. » (Cano Aguilar 1981:26)
4Il n’est quand même pas toujours possible d’opposer du point de vue formel les verbes transitifs
aux verbes intransitifs. Occasionnellement les verbes transitifs apparaissent sans leur OD et les
39
« Dans la syntaxe de toutes les langues apparemment, les phrases d’action, c’est-à-dire
celles qui expriment une action, exercée par un agent, de préférence humain, sur un
patient, qui en est affecté, jouent un rôle central. Ces phrases comprennent deux actants,
qui représentent respectivement l’agent et le patient. Partout, semble-t-il, elles servent de
modèle à des phrases exprimant des procès autres que des actions : ce modèle syntaxique
est, selon les langues, étendu à un secteur plus ou moins vaste du lexique. La construction
des phrases d’action est la ‘construction biactancielle majeure’.»
verbes initialement intransitifs se construisent avec un OD. Le verbe transitif comer est en emploi
absolu dans (ib) ; (iib) se caractérise par la présence d’un objet interne (cognate object):
(ia) Juan come una manzana.
(ib) Juan está comiendo.
(iia) Juan ha muerto.
(iib) Juan ha muerto una muerte penosa.
García-Miguel (1995:58) propose une échelle représentant les degrés de transitivité syntaxique, qui
s’étend entre les deux extrêmes des verbes obligatoirement biactanciels (dire, donner) et des verbes
monoactanciels (tomber, arriver) en passant par les catégories intermédiaires des verbes
facultativement biactanciels (manger, boire) et des verbes monoactanciels qui acceptent la présence
d’un objet interne (chanter, vivre).
5 Rappelons que la théorie des prototypes (attribuée à Rosch 1973, 1975 et Wittgenstein ; pour une
application linguistique voir aussi Kleiber 1990) postule que les catégories linguistiques ne sont pas
discrètes mais organisées autour d’instances exemplaires, et constituent un continuum. La théorie
aristotélicienne définit les classes en termes de traits binaires, nécessaires et suffisants. Les
catégories se distinguent par des frontières nettes et tous les membres ont le même statut. Une telle
conception s’est avérée problématique parce que tantôt les membres qui appartiennent
intuitivement à une catégorie ne possèdent pas toutes les propriétés requises, tantôt les membres
qui intuitivement n’appartiennent pas à une certaine catégorie présentent les traits prescrits. À ce
modèle d’attribution de critères (criterial attribute model) a été opposée la théorie des prototypes.
Celle-ci pose que les catégories sont organisées autour d’instances centrales. Les prototypes sont
généralement acceptés comme les meilleurs exemples et comme les instances les plus fréquentes et
les plus communes d’une catégorie. En outre, des degrés de prototypicalité peuvent être
distingués, en ce sens que les membres d’une classe n’ont pas tous le même statut, certains étant
plus représentatifs que d’autres. Par conséquent, en accord avec le modèle des prototypes l’on ne
40
Hopper & Thompson (1980) ont été les premiers à définir la transitivité comme un
phénomène linguistique graduel et multifactoriel, qui implique un certain nombre de
paramètres relatifs à deux facettes : le proto-agent/sujet et le proto-patient/objet6. En
précisant les caractéristiques de ces deux composantes, nous espérons atteindre
l’objectif de ce chapitre, à savoir le positionnement des quatre types de VdP ver/voir,
oír/entendre, mirar/regarder et escuchar/écouter sur l’échelle de la transitivité.
L’action verbale transitive prototypique dénote un transfert d’énergie
efficacement réalisé entre un proto-agent et un proto-patient. Le transfert d’énergie est
efficace quand l’agent le réalise volontairement et activement. Toutefois, c’est à juste
titre qu’on se demandera si les traits [+ volition] et [+ activité] suffisent pour attribuer
à un constituant la fonction de proto-agent. Est-ce que le sujet fonctionne comme un
agent au même degré dans Jean ouvre la porte que dans Jean s’est cassé la jambe ? Quel
est le rôle du sujet dans Le vent ouvre la porte ? Toutes ces questions indiquent que la
notion de proto-agent nécessite une définition plus raffinée (3.2.1). Le proto-patient se
distingue par un degré d’affectation élevé : suite au transfert d’énergie, le patient subit
un changement d’état interne. Les traits distinctifs du proto-patient seront étudiés
dans la section (3.2.2).
3.2.1 Le proto-agent/sujet
Bien que la notion de proto-agent soit souvent citée dans les études linguistiques, il
reste difficile de déterminer sa valeur sémantique exacte. Surtout la notion plus
générale d’agentivité n’a pas toujours reçu, de la part de ceux qui l’invoquent,
peut pas simplement étudier les cas extrêmes d’une catégorie sans rendre compte des cas
intermédiaires.
6 Nous n’étudions pas ici les caractéristiques du troisième participant potentiellement présent dans
« L’expérience primaire de l’homme est son ego, c’est-à-dire un être vivant qui se perçoit
lui-même comme agissant intentionnellement et contrôlant ses actions. C’est l’expérience
d’un être actif qui exerce son influence sur le monde qui l’entoure soit sur des êtres
agissant comme lui, soit sur des entités inertes. Il y a donc un clivage primordial, essentiel,
entre l’agentif et le non-agentif. Bien des structures linguistiques reposent sur cette
distinction. »
« […] el agente, ser animado instigador de la acción identificada por el verbo. » (Cano
Aguilar 1981:41).
Foley & Van Valin (1984) et plus tard Van Valin & Lapolla (1997) introduisent deux
macro-rôles, actor et undergoer, qui subsument chacun un nombre de relations
thématiques spécifiques. L’acteur est défini comme :
« […] the entity to which responsibility for the action or event is attributed […]. » (Van
Valin & Lapolla 1997:145)
« […] a wilful, purposeful instigator of an action or event […]. » (Van Valin & Lapolla
1997:85).
À l’exemple de Lakoff (1977), Dowty (1991:572) pose que l’agentivité n’est pas une
catégorie discrète mais continue. De là, l’agent est défini comme un proto-rôle qui se
caractérise par les traits suivants :
Tout d’abord, les traits énumérés ci-dessus entrent dans deux catégories
fondamentalement différentes : celle des traits inhérents et celle des traits contextuels.
Les traits inhérents dénotent les propriétés inaliénables d’un être, les traits contextuels
par contre n’appartiennent pas à l’essence d’une entité mais lui sont assignés par
l’ensemble des circonstances dans lesquelles elle se trouve. La première série de traits
peut être déterminée ‘intuitivement’; la présence de la deuxième série sera mesurée à
l’aide d’un ensemble particulier de tests formels. Afin de structurer l’argumentation
qui suit, nous nous baserons sur un nombre limité de phrases exemplaires :
Dans quelle mesure les sujets de ces phrases fonctionnent-ils comme des participants
agentifs ?
Quatre traits distinctifs sont inhérents au proto-agent : (1) son degré d’individuation,
(2) son autonomie existentielle, (3) sa nature humaine et (4) sa mobilité.
(1) Le premier trait cité dans la littérature (cf. Hopper & Thompson 1980)
caractérisant le proto-agent, est celui de sa [± définitude] ou de son degré de
[± individuation] : l’agent est prototypiquement défini et individualisé.
(2) Le proto-agent existe de façon autonome de l’événement dans lequel il est
impliqué. Dans (8) par exemple, la maison n’existe pas indépendamment du fait de se
trouver de l’autre côté de la rue, en contraste avec Juan dans (9) qui subsiste à
l’extérieur de l’événement d’ouvrir la porte :
(3) Plusieurs chercheurs (Cano Aguilar 1981, Comrie 1977, Fillmore 1968,
García-Miguel 1995) ont affirmé que l’agent prototypique est humain ou du moins
animé. En effet, les positions les plus élevées de l’échelle d’humanitude7 convergent
vers le plus haut degré d’agentivité potentielle. Vu la conception anthropocentrique
de la langue, les humains se trouvent au niveau le plus élevé de cette échelle, suivis
des entités animées et inanimées qu’ils observent dans le monde environnant :
[+ humanitude] [- humanitude]
humains > animaux supérieurs > animaux inférieurs > objets inanimés individualisés > substances
inanimées
amorphes
Par conséquent, le sujet Juan (9) est plus proche du proto-agent que le vent (10), qui
s’en éloigne à cause de sa nature inanimée :
7 Cette échelle a été introduite par Silverstein (1976) et reprise par Lazard (1984), qui traduit
animacy hierarchy par échelle d’humanitude. C’est le terme que nous utiliserons également dans notre
étude.
44
Un deuxième groupe de linguistes (Cruse 1973, Nishimura 1993) s’est opposé à l’idée
selon laquelle la variation entre l’agentif et le non agentif est uniquement valable pour
les sujets animés. Ils posent que les inanimés peuvent, dans le contexte approprié,
acquérir une agentivité temporaire, comme dans (10). Nishimura (1993:490) compare
les exemples (20a-b) où une entité inanimée et une entité animée fonctionnent
respectivement comme le sujet. Dans (20a) il observe un processus de
personnification :
Toutefois, nous ne considérerons pas ces sujets comme des instances du proto-agent.
Ce que ces participants inanimés acquièrent n’est pas un degré d’agentivité plus
élevé, mais un degré de dynamicité plus élevé8. En effet, l’étude des traits contextuels
pointera vers une différenciation primordiale entre les entités animées et les objets
inanimés. Le proto-agent se caractérise par le trait [+ animé].
(4) Finalement, un agent prototypique peut se déplacer sans l’intervention d’un
autre participant. Les entités humaines et animées sont normalement [+ mobiles] en
contraste avec les entités inanimées où ce trait n’est pas nécessairement présent. En
effet, dans cette catégorie-ci l’on observe un clivage fondamental entre les inanimés
immobiles et les inanimés qui auto-contrôlent leur mouvement. Van Valin & Lapolla
(1997:121) caractérisent ces forces auto-contrôlantes de la façon suivante :
« […] they can act and move independently, and they are not under the control of another
effector, animate or inanimate ; in other words, they can serve as the instigators of an
action, event or process. »
8La différence entre les notions d’agentivité et de dynamicité sera précisée davantage, plus loin
dans cette section.
45
Plus tard, d’autres tests ont été ajoutés (Cruse 1973, Holierhoek 1980, Willems 1983)
qui démontrent qu’une entité est agentive quand la prédication :
4. admet l’impératif ;
5. se construit avec les adverbes de volonté tels que deliberadamente/
délibérément ;
6. est à même de fonctionner comme le complément des verbes de demande,
d’ordre ou de persuasion, tels que convencer/convaincre, obligar/obliger à,
persuadir/ persuader de.
Il sera argumenté ci-dessous que le proto-agent défie effectivement tous ces tests
formels, mais que les épreuves peuvent être corrélées aux différents traits contextuels
de l’agentivité.
(1) Premièrement, le proto-agent est la cause directe d’un événement parce
qu’il utilise sa propre énergie et fait quelque chose lui-même pour l’effectuer. Par
conséquent, le trait [± cause directe] peut être mesuré au moyen de la proforme
verbale hacer/faire. Dans l’exemple (9), Juan et María passent ce test, à l’inverse de
9 La fonction de la clé dans (12) a été dénommée instrument : « An instrument is a physical object
manipulated by an agent to affect a patient; it serves as an intermediary in the transmission of energy. »
(Langacker 1991:285)
46
l’exemple (13) où Juan et María ne causent pas directement l’événement, mais ‘font
faire’ quelque chose. Sauf si Juan et María sont des entrepreneurs de construction,
cette phrase signifie qu’ils se sont fait construire une maison. Bien que Juan et María
aient donné l’ordre de bâtir la maison, c’est la personne qui l’a effectivement
construite qui en est la cause directe. De même, dans (14) Juan et María ne
fonctionnent pas comme la cause directe de l’événement puisque le processus de se
casser une jambe est généralement causé par un facteur externe :
« […] is present in a sentence which refers to something which exerts a force […], not by
virtue of an internal energy source, but because of its position, motion, etc. »
Ainsi le sujet inanimé fonctionne comme la cause directe de l’événement dans (10) et
(11), mais pas dans (15) où c’est plutôt le mouvement de l’entité –causé par une force
externe– qui déclenche le changement d’état :
« […] (1) one is held responsible for whatever he intends to result from his own action […]
and (2) one is held responsible for whatever his action (for which he is certainly
responsible) (directly) leads to […]. One is responsible for whatever happens to his
inalienable property (e.g. his leg). »
(14) Juanx se rompió la pierna de tal modo que (él)x nunca más podrá esquiar.
(16a) *Juanx rompió la pierna de María en un accidente de coche de tal modo que (él)x será
sancionado.
(16b) Juanx rompió la pierna de Maríay en un accidente de coche de tal modo que (ella)y
nunca más podrá andar.
(11) *La máquinax destruye una botella de tal modo que (ella)y será sancionada.
Dans (17) Juan casse la fenêtre parce qu’il veut la casser ; dans (19) il fixe d’abord un
certain but –à savoir réveiller María– avant de décider d’agir. Par conséquent, un
participant intentionnel se caractérise toujours par le trait [+ volitif] alors que l’inverse
n’est pas vrai : un participant volitif n’agit pas toujours intentionnellement. Toutefois,
les deux traits sont très proches l’un de l’autre et il ne sera pas toujours simple de les
48
(5) Le proto-agent se caractérise par le trait [+ contrôle] parce qu’il maîtrise ses
actes : il peut initier et arrêter ses actions ainsi que déterminer la manière dont se
déroule le processus. Le contrôle sur le début d’un événement se marque par
l’admission de l’impératif et par la possibilité de fonctionner comme le complément
des verbes de demande, d’ordre ou de persuasion, tels que convencer/convaincre,
obligar/ obliger à, persuadir/persuader de. Le contrôle sur la fin d’un processus se mesure
à l’aide des verbes indiquant la fin, comme parar de/s’arrêter de. Finalement, le contrôle
sur le déroulement d’un événement peut être évalué à l’aide des adverbes indiquant
la vitesse ou la modalité du développement, tels que rápidamente/rapidement et
cuidadosamente/soigneusement. Ces tests dévoilent que dans les phrases (17) et (19), Juan
contrôle ses gestes, en contraste avec (18)10 :
À première vue, le contrôle qu’un participant exerce sur ses actions coïncide avec la
volonté qui les dirige. Dans cet ordre d’idées, Primus (1999) remplace la condition
volitional involvement in the event or state de Dowty (1991:572) par le trait [+ contrôle]. Il
s’observe toutefois une légère différence entre la volonté ou non de réaliser une action
et le contrôle d’une action, surtout dans le domaine des inanimés. Une entité inanimée
–par exemple une machine– ne ‘veut’ pas réaliser un changement d’état, mais par le
fait qu’elle est programmée d’une certaine façon, elle contrôle ses actions. Dans (11)
l’événement d’activer la machine est voulu et contrôlé par un participant extérieur,
mais l’action de détruire la bouteille est contrôlée par la machine même11 :
10 Comme l’événement de casser se termine au même moment d’avoir commencé, ces verbes ne
supportent pas les tests relatifs au déroulement du processus. Ce type d’événement sera analysé
plus en détail dans le chapitre suivant.
11 Notons quand même que le contrôle de la machine n’est pas absolu, il est par exemple
Aussi est-il important de séparer les deux concepts, ce qui s’oublie trop souvent.
Torrego Salcedo (1999) par exemple remarque qu’en espagnol la présence de la
préposition a devant un SN renforce l’agentivité du référent, et elle compare à ce
propos les exemples (21a-b) :
Toutefois, il est difficile de s’imaginer comment l’eau dans (21b) peut ‘se proposer’ de
tomber intentionnellement ou peut contrôler ce processus. À notre avis l’eau acquiert
dans (21b) par rapport à (21a), un degré de dynamicité plus élevé. Les définitions
différentes de l’agentivité et de la dynamicité justifient également notre choix de
décrire les propriétés du percepteur en termes de [± agentif] et du stimulus –ou de la
source stimulus– en termes de [± dynamique]. Ce choix sera commenté davantage
dans la section qui traite du degré de transitivité des VdP. Passons d’abord à la
description du proto-patient.
3.2.2 Le proto-patient/OD
[+ affectation] [- affectation]
créé > modifié > déplacé > manipulé > contact physique
(a) (b) (c) (d) (e)
Suivant cette échelle, l’objet avec lequel l’agent établit un contact mental, comme dans
(23), tombe hors le domaine de l’affectation :
(2) Deux autres propriétés inhérentes ont suscité une controverse, à savoir le
degré d’animation et la définitude du proto-patient. Un premier groupe de linguistes
(Comrie 1977, 1981, Langacker 1991, Primus 1999, Taylor 1995) définit le patient en
fonction de la relation asymétrique qu’il entretient avec l’agent. Le patient se
caractérise de la sorte par les propriétés inverses de celles de l’agent : il est de
préférence inanimé et indéfini, donc non individualisé. Un patient/objet défini et
animé –donc individualisé– réduit le degré de transitivité d’une phrase et rend la
construction dans lequel il entre plus marquée :
« In the transitive construction, there is an information flow that involves two entities, the
A and the P. Although in principle either A and P can be either animate or indefinite, it
has been noted that in actual discourse there is a strong tendency for the information flow
from A to P to correlate with an information flow from more to less animate and from more
to less definite. In other words, the most natural kind of transitive construction is one
where the A is high in animacy and definiteness, and the P is lower in animacy and
definiteness […]. » (Comrie 1981:121)
52
« Our own statistics suggest that, […] there is a marked tendency for O’s to be
individuated, i.e. to have properties associated with referentiality/definiteness and animacy.
[…]. It follows from this that definite/animate O’s may be more, not less, natural O’s than
indefinite/inanimate ones. » (Hopper & Thompson 1980:291)
proto-agent proto-patient
[+ individualisé] [-individualisé]
[+ existence [± existence
autonome] transfert d’énergie autonome]
[+ animé] [- animé]
[+ mobile] [- mobile]
[+ cause directe] [- cause directe]
[+ responsable] [- responsable]
[+ volition] [- volition]
[+ intentionnel] [- intention]
[+ contrôle] [- contrôle]
En espagnol, ainsi qu’en français d’ailleurs, les VdP se caractérisent par la présence
presque obligatoire d’un OD. Ils sont, de ce fait, syntaxiquement transitifs :
13Hopper & Thompson (1980) ajoutent encore des traits relatifs au transfert d’énergie même à
savoir la perfectivité, la télicité et la ponctualité des processus. Pour le moment, nous faisons
abstraction de ces traits, qui seront au centre de l’analyse de l’aspect lexical des VdP.
54
En même temps, les VdP –et surtout les VdPinvolontaire– sont souvent cités comme des
contre-exemples de la transitivité sémantique. Comme l’acte de perception représente
un contact mental plutôt que physique entre l’expérienceur et le stimulus, il s’éloigne
du transfert d’énergie prototypique. L’affirmation de Taylor (1995:208-209), proposée
à l’ouverture de ce chapitre, témoigne de cette idée généralement répandue :
« Even further removed from the prototype are those transitive sentences which do not
describe an event at all, but rather an act of perception on the part of the subject. In these
cases, the role of the subject is better described as experiencer, and the direct object as
stimulus. »
Nous voulons démontrer ici que la transitivité est une notion graduelle, aussi
bien à l’intérieur de la catégorie des VdP. Concrètement, nous proposons de ranger les
VdP représentant les quatre modalités –visuelle, auditive, volontaire et involontaire–
sur l’échelle de la transitivité. En partant des propriétés conceptuelles, établies dans le
chapitre précédent, du percepteur et du stimulus, nous examinerons dans quelle
mesure les deux composantes se rapprochent respectivement du proto-agent et du
proto-patient. La transitivité sémantique des VdP sera étudiée dans un contexte
neutre dénotant, comme dans (26), la perception directe d’un stimulus concret. Nous
ne tiendrons donc pas compte des contextes où le VdP n’est pas syntaxiquement
transitif (27), ni des emplois où le VdP dénote un acte cognitif plutôt qu’un acte de
perception (28) :
Comme la capacité de percevoir est l’une des cinq propriétés du proto-agent avancées
par Dowty (1991)14, la solution la plus simple serait de conclure que toute entité
perceptrice est un participant agentif. La thèse selon laquelle l’implication du
14À savoir la propriété sentience, cf. supra 3.2.1.1 Survol des définitions proposées du proto-
agent/sujet, p 40.
55
percepteur dans l’acte de perception est toujours énergétique est défendue par
Langacker (1991) et par Primus (1999) :
« […] only the subject’s involvement is in any way energetic. As the locus of the mental
experience and the source of energy required to sustain it, the subject is clearly the active
participant. » (Langacker 1991:310)
Toutefois, la majorité des auteurs (entre autres Cano Aguilar 1981, Fillmore 1968,
García-Miguel 1995) affirment que l’agentivité ou non du percepteur coïncide avec
l’opposition entre la perception volontaire et la perception involontaire :
« ‘Ver’ y ‘oír’ no describen acciones, pero existen otros verbos de percepción que sí implican
agentividad por parte del sujeto […].. » (García-Miguel 1995:73)
Les traits inhérents sont identiques pour les quatre types de percepteurs.
(1) Tout d’abord, le participant qui expérience ou observe est généralement un
être individualisé qui existe indépendamment de l’événement de perception.
(2) Quant au trait [± animé], il se note un consensus dans la littérature : tout
percepteur est une entité animée capable de réagir à un stimulus (29a-b). Sinon la
phrase ne dénote plus un acte de perception, mais une orientation (29c)15 :
(3) La contrainte d’humanitude implique que le percepteur est aussi une entité
[+ mobile], bien que sa mobilité ne soit pas invoquée lors d’un acte de perception.
15Notons que si le verbe dénote un acte de perception cognitif, le sujet est nécessairement
humain : Yo veo/ *el gato ve la solución.
56
Les traits contextuels par contre aident à différencier les quatre percepteurs.
(1) Puisque le sujet d’un VdPvolontaire utilise sa propre énergie pour réaliser le
processus de perception, l’on peut conclure qu’il en est la cause directe. Ce trait est
confirmé par le test avec le proverbe hacer/faire :
Ce trait est neutre pour le sujet des VdPinvolontaire. Dans certains contextes l’insertion du
proverbe aboutit à une phrase peu acceptable (30c-d), dans d’autres contextes le
percepteur involontaire utilise nettement son énergie afin qu’il puisse voir ou
entendre (30e-g) :
En effet, les locutions ver la tele et oír la radio peuvent remplacer les structures
homologues avec mirar et escuchar16. En outre, dans (30g), le VdPinvolontaire visuelle
acquiert le sens d’aller voir, visiter. Notons quand même que nous n’avons pas
rencontré de structures correspondantes pour les VdPinvolontaire auditive. Il sera montré
plus loin que la non généralité du trait [+ cause directe] (30c-d) s’explique par le fait
que l’énergie sort aussi du stimulus qui se fait voir ou qui se fait entendre.
(2) Comme l’événement de perception se produit dans la conscience –en tant
que propriété inaliénable– du percepteur, le sujet percevant est [+ responsable] du
processus de perception. En d’autres termes, il est responsable de la sélection de
certains stimuli déterminés dans son champ perceptif :
(31a) Juanx mira/ve la casa de tal modo que (élx) tiene una buena idea de su
arquitectura.
(31b) Juanx escucha/oye la radio de tal modo que (élx) conoce las últimas noticias.
(31c) Juanx ve al médico cada día, de tal modo que (élx) nunca se pone enfermo.
(3) Le trait [± volitif] du percepteur a généralement été avancé comme celui qui
distingue les VdPvolontaire des VdPinvolontaire :
16 D’après Maldonado (1999:59) ceci est surtout le cas dans certains dialectes latino-américains.
57
Le sujet d’un VdPvolontaire dénote une entité qui agit volontairement (32a-b), alors que
l’expérience échappe à la volonté du percepteur involontaire (32c-d). Toutefois, un
percepteur peut également regarder ou écouter un stimulus involontairement –par
exemple quand il est en train de rêvasser, il fixe les yeux sur un objet sans le vouloir
(32e)–, et la perception involontaire peut se produire consciemment (32f) :
(33a) Juan mira la casa para tener una buena idea de su arquitectura.
(33b) Juan escucha la radio para oír las últimas noticias.
Par contre, la perception involontaire ne se réalise pas pour atteindre un but et est par
là négative quant au trait [± intentionnel] :
(33c) *Juan ve una casa para tener una buena idea de su arquitectura
(33d) *Juan oye un coche para identificarlo.
17 En fait, les notions de perception volontaire et de perception involontaire ne couvrent pas entièrement
l’opposition sémantique entre les verbes ver et mirar ou oír et escuchar et devraient être remplacées
58
l’audible, l’écoutable et le regardable sont filtrés par des visées et par des intentions.
Le percepteur volontaire ‘fait’ quelque chose dans l’intention de percevoir un
stimulus tandis que la perception involontaire est plus spontanée. Considérons par
exemple la différence entre voir un film et regarder un film. Un percepteur voit un film
au cinéma, où l’écran est l’objet unique dans son champ perceptif et le film s’impose à
son regard. Un percepteur regarde un film plutôt à la télé, s’il sélectionne la chaîne de
télévision et s’oriente délibérément vers l’écran.
(5) Taylor (1995:208) présume que l’opposition entre la perception volontaire et
la perception involontaire est déterminée par le degré de contrôle du sujet :
« […] the act of watching is still under the control of the subject. In this respect, ‘watch’ is
a more transitive verb than ‘see’ (as in ‘John saw Mary’). »
par perception volontaire intentionnelle et perception involontaire non intentionnelle. Néanmoins, pour
des raisons de simplicité nous continuerons à utiliser volontaire vs. involontaire pour distinguer les
deux modalités.
59
Cette thèse semble se confirmer également par un bref examen du corpus CREA.
Nous avons observé plusieurs phrases où les VdPvisuelle ver (34g), ainsi que mirar (34h),
se combinent avec l’adverbe rápidamente :
(34g) El 4 Norte verá rápidamente el Moai de Isla de Pascua en las afueras del Museo
Arqueológico de la Sociedad Francisco Fonck, casi oculto por los árboles desde
Libertad. (CREA: Lux G. 1997)
(34h) Miró un momento su copa y volvió a mirar rápidamente al pintor, como si con aquel
movimiento de los ojos tan sólo hubiera pretendido poner a prueba la atención de su
oyente. (CREA: Chamorro E. 1992)
Aucun exemple avec les VdPauditive dans ce contexte n’a été récupéré19.
À l’intérieur du champ de la perception volontaire, le percepteur volontaire
visuel a un contrôle physique et mental sur l’acte de perception, alors que le contrôle
est uniquement mental pour le percepteur volontaire auditif. Cette différence entre le
percepteur visuel et le percepteur auditif se reflète linguistiquement –en dehors de la
construction syntaxiquement transitive– dans la possibilité du verbe de se construire
avec un complément prépositionnel exprimant un ‘mouvement perceptuel’. En effet,
d’après la représentation pythagorienne de la vision, il y a une transmission d’énergie
18 Des analyses statistiques plus poussées de l’emploi de l’impératif avec les VdP –ce qui n’entre
toutefois pas dans le cadre de l’étude présente– devront vérifier cette thèse.
19 De nouveau, des recherches plus approfondies devraient permettre d’exprimer cette thèse avec
plus de certitude.
60
émanant des yeux du percepteur qui se dirige vers les stimuli. Dans cette optique,
Gruber (1967) compare les VdPvisuelle aux verbes de mouvement : John sees the cat serait
une extension métaphorique de John goes to the cat. Langacker (1987) postule que seeing
is touching et que la relation entre le percepteur et le stimulus correspond à un
perceptual path. En espagnol ce sens directionnel n’est pas explicite pour ver mais pour
mirar : ce verbe exprime un mouvement des yeux causé par un stimulus extérieur.
Ainsi mirar se construit facilement avec les compléments prépositionnels indiquant
une direction :
« La acción de mirar puede ser (re)analizada como una transición […]: está compuesta por
dos subeventos. Para mirar: (i) primero hay que dirigir la mirada (movimiento,
orientación); (ii) y, segundo, tiene lugar el acto de percepción, el hecho de ver. »
20 Pour plus de données concernant l’accusatif prépositionnel, voir infra Chapitre 8 Le marquage
(36a) alzar, levantar la vista, la mirada/lever les yeux ; bajar la vista /baisser les yeux ;
apartar la vista/écarter les yeux; sostener, clavar la vista/ne pas quitter des yeux,
garder à vue ; suivre des yeux ; dirigir la vista, la mirada ; pasar la mirada en ;
tender, extender la mirada ; ouvrir de grands yeux ; fermer les yeux sur quelque
chose,…
(36b) aguzar, aplicar el oído/tendre l’oreille ; ser todo oídos/être tout oreilles ; fermer
l’oreille ; prêter une oreille attentive.
En outre, comme l’illustrent les locutions sous (37), la perception visuelle peut être
accompagnée d’une activité supplémentaire, telle que manger, dévorer ou avaler23. Nous
n’avons pas trouvé d’exemples semblables pour la perception auditive :
(37) comerse con la vista, devorar con la vista, tragarse con la vista,…
22 Pour le français nous avons utilisé Le Petit Robert, pour l’espagnol le Diccionario de uso del español.
Pour plus de renseignements sur ces ouvrages, voir Bibliographie II. Grammaires et dictionnaires
consultés, p 326.
23 Il s’agit bien sûr d’un emploi métaphorique de ces verbes.
62
De l’étude qui précède, il ressort que le percepteur n’est pas aussi éloigné du proto-
agent qu’il est régulièrement suggéré dans la littérature : il s’agit d’un participant
individualisé, autonome, animé et de préférence humain. De plus, le percepteur
volontaire est la cause directe de l’événement perceptif, ainsi qu’un participant volitif,
intentionnel et contrôlant. Même le percepteur involontaire n’est pas une entité
entièrement passive : dans des contextes déterminés –comme celui de la visite– il peut
à la fois percevoir volontairement et intentionnellement et contrôler son acte de
perception. En effet, il est le locus de l’expérience mentale mais aussi la source
d’énergie indispensable à sa réalisation. Bien que le sujet percevant ne façonne pas
l’objet avec lequel il établit un contact mental, son expérience demeure personnelle et
dépend de sa propre perspective sur le monde. Cette activité mentale du sujet
appréhendeur est décrite par Maldonado (1999:54) de la façon suivante:
« Por otra parte, el experimentante es activo dado que genera la actividad cognoscitiva
necesaria para crear une representación interna del tema o para establecer contacto mental
con un objeto perceptual o mental. »
« […] the ability to search makes perception a useful mode of acquiring information. It is
search more than anything else that makes perception an active process, not a passive
registration of energies impinging willy-nilly on the receptors. When a person is task-
oriented, he searches for things needed in the task; when he is not task-oriented he searches
for things that interest him, that have personal value for him. » (Miller & Johnson-Laird
1976:132)
Le percepteur impose une organisation aux stimuli et leur donne un sens. Ainsi,
comme l’affirme Dupas (1997:179), la perception est un procès mental actif de
vérification d’hypothèses concernant les stimuli, par l’activation de procédures et de
principes cognitifs innés:
« […] le moi envoie périodiquement dans le système de perception des petites quantités
d’investissement grâce auxquelles il déguste les stimuli extérieurs pour après chacune de
ces incursions tâtonnantes se retirer à nouveau. »25
[- proto-agent] [+ proto-agent]
S involontaire auditif < S involontaire visuel << S volontaire auditif < S volontaire visuel
oír/entendre ver/voir escuchar/écouter mirar/regarder
25 Cette observation mène Dupas (1997) à proposer un modèle oscillatoire qui représente un va-et-
vient entre d’une part, l’action du monde qui s’impose au sujet passif et d’autre part, l’orientation
du percepteur vers le monde extérieur. La perception négative (Je n’entends rien), interrogative (Tu
as vu ça ?) et la capacité de perception (Je peux voir la voiture arriver) témoignent d’une certaine
distanciation, d’un engagement et donc d’une agentivité du sujet percepteur.
26 La marque [±] signifie que le trait se présente dans certains contextes sémantiques déterminés,
(3) Le stimulus est neutre par rapport au trait [+ animé] : il ne doit pas
présenter ce trait, et bien souvent il ne le fait pas. En effet, à l’encontre de la définition
du proto-patient, les OD des VdPvolontaire (41a) ou des VdPinvolontaire (41b), des VdPvisuelle
(41a) ou des VdPauditive (41b) peuvent être animés ou inanimés :
Toutefois, comme il a été signalé dans le chapitre antérieur, les objets des VdPauditive
doivent produire un bruit afin d’être aperçus. Par conséquent, ces verbes se
65
Un deuxième groupe (Bossong 1998a, Dowty 1991, Krefeld 1998) attribue au stimulus
la fonction sémantique de cause directe de l’acte de perception et d’autres processus
cognitifs qui en découlent :
« […] the Stimulus causes some emotional reaction or cognitive judgment in the
Experiencer. » (Dowty 1991:577)
Or, l’étude des traits distinctifs du sujet des VdP a dévoilé que le percepteur
fonctionne également comme la cause directe de la perception parce qu’il utilise sa
propre énergie pour la réaliser. D’où notre hypothèse que les processus de perception
se caractérisent par la présence de deux causes potentielles : le sujet/percepteur et
l’objet/stimulus. Lequel des deux participants fonctionne comme cause primaire
dépend de la modalité de perception.
Dans le cas de la perception volontaire, il est clair que le percepteur émet plus
d’énergie que le stimulus. Dans le cas de la perception involontaire, la situation est
moins claire. Dans Jean voit Marie par exemple, l’on pourrait se demander lequel des
deux participants émet le plus d’énergie : Jean, qui s’efforce afin de percevoir Marie,
ou Marie même produit-elle de l’énergie afin d’être vue ? À notre avis, c’est le degré
de dynamicité du stimulus qui conditionne son inclination pour la fonction de cause
27Cette thèse sera confirmée par l’analyse statistique de la nature sémantique des stimuli, voir infra
7.6.2.3 La corrélation type de VdP/nature sémantique du SN2, p 220.
66
Tout bien considéré, l’OD des VdPvisuelle est plus proche du proto-patient que
celui des VdPauditive. Le survol des traits distinctifs dévoile que le stimulus s’éloigne du
proto-patient par le fait d’être non affecté et d’être potentiellement la cause directe,
animée et indépendante du processus de perception29. Qui plus est, les stimuli des
quatre modalités se caractérisent par des degrés différents de prototypicalité :
[- proto-patient] [+ proto-patient]
O auditif volontaire < O auditif involontaire << O visuel volontaire < O visuel involontaire
escuchar/écouter oír/entendre mirar/regarder ver/voir
Les auteurs qui attribuent aux VdP un aspect statique30 assument que la perception se
caractérise par l’absence de kinesis. Cette thèse a été contestée par de nombreux
linguistes qui soutiennent que tout événement de perception implique un transfert
d’énergie. L’analyse précédente a prouvé qu’il n’est pas légitime de citer la catégorie
des VdP comme contre-exemple de la transitivité sémantique sans rendre compte des
caractéristiques propres de chaque VdP. La décomposition en les traits proto-agentifs
du percepteur et les traits proto-patients du stimulus dévoile que les VdP se
caractérisent par des degrés de transitivité. Ce qui détermine la classification des
verbes en premier lieu, c’est l’opposition entre les modalités volontaire et involontaire,
mais l’opposition visuel vs. auditif joue un rôle tout aussi important. C’est la
renonciation à cette dernière dichotomie qui cause, à notre avis, l’image faussée que
les VdP ne sont pas sémantiquement transitifs.
Toutefois, les continua proposés pour le caractère agentif du percepteur et le
caractère [± patient] du stimulus ne pointent pas vers la même échelle. Cette
divergence s’explique par le fait que pour chacune des deux composantes, il y a une
hiérarchie des traits distinctifs : il faut distinguer les caractéristiques dominantes des
propriétés secondaires. Ainsi, ce qui est le plus important pour le caractère proto-
agentif du percepteur, c’est le degré de [± contrôle] qu’il exerce sur l’acte de
perception. Du domaine du proto-patient nous retenons le trait [± dynamique] du
stimulus. Les VdPvolontaire visuelle mirar/regarder se caractérisent par le nombre le plus
élevé de traits positifs : le percepteur contrôle la perception et le stimulus n’est pas
forcément dynamique. Le stimulus des VdPvolontaire auditive escuchar/écouter étant
nécessairement dynamique, ces verbes se trouvent à un échelon de transitivité plus
bas. Dans le cas des VdPinvolontaire visuelle ver/voir, le percepteur contrôle l’événement de
perception mais moins intensivement que lors d’un acte de perception volontaire. Son
contrôle disparaît complètement dans le domaine des VdPinvolontaire auditive oír/entendre.
À cela s’ajoute que le stimulus sonore est toujours dynamique :
Voici l’échelle finale, représentant le degré de transitivité des VdP. La validité de cette
échelle sera vérifiée au cours de cette étude31 :
[- transitif] [+ transitif]
V involontaire auditive < V involontaire visuelle << V volontaire auditive < V volontaire visuelle
oír/entendre ver/voir escuchar/écouter mirar/regarder
Il nous reste quand même encore une question importante à résoudre : quelle
est la direction du transfert d’énergie, du percepteur/sujet au stimulus/objet ou vice
versa ? Langacker (1991) pose que la ‘route perceptuelle’ suit celle du transfert
d’énergie prototypique, donc du percepteur/sujet vers le stimulus/objet. Bossong
(1998a) par contre soutient que le vecteur sémantique verbal des VdP est inverti : le
percepteur/sujet n’est pas le point de départ mais le point d’arrivée du transfert
d’énergie mental. Naturellement, la réponse à cette controverse dépend de quel
participant se profile comme la cause directe de la perception. Il a été argumenté
préalablement que le choix de la cause primaire dépend de la modalité de perception :
le percepteur pour la perception volontaire visuelle, le stimulus pour la perception
involontaire auditive et une compétition entre les deux pour la perception
involontaire visuelle et la perception volontaire auditive. Dans le cas de mirar/regarder,
l’emphase de la construction tombe sur le percepteur/sujet qui se révèle un agent :
c’est le percepteur qui fonctionne comme le point de départ du transfert d’énergie. Par
conséquent, la thèse de Langacker est applicable aux VdPvolontaire visuelle mirar/regarder
(I). Tout au contraire, les VdPinvolontaire auditive oír/entendre remplissent le schéma proposé
par Bossong (II). Les VdPvolontaire auditive escuchar/écouter (III) et les VdPinvolontaire visuelle
ver/voir se situent entre les deux types. Dans le cas de la perception visuelle
involontaire, tout dépend de la nature dynamique ou non du stimulus (IV) :
(I) mirar/regarder
percepteur stimulus
[+ agentif] [± dynamique]
(II) oír/entendre
percepteur stimulus
[- agentif] [+ dynamique]
(III) escuchar/écouter
percepteur stimulus
[+ agentif] [+ dynamique]
(IV) ver/voir
percepteur stimulus
[± agentif] [- dynamique]
percepteur stimulus
[± agentif] [+ dynamique]
Chapitre 4
1
4.1 Définition de l’aspect
Aristote a introduit une classification des événements2 fondée sur leur structure
temporelle interne. Il distinguait les événements energeia atéliques (les activités et les
états : penser, chanter,…) des actions de kinesis orientées vers un point final interne (les
accomplissements : construire une maison, écrire un poème,…). L’opposition entre ces
deux types d’événements a d’abord fait l’objet de nombreuses discussions en
philosophie pour ensuite trouver sa voie jusqu'en linguistique.
Dès le début des études aspectuelles, le verbe a été désigné comme l’unité de
prédication minimale et le corrélatif de l’événement extralinguistique. Des
classificateurs sémantiques tels que la dynamicité, l’agentivité, la durée et la télicité
ont été invoqués afin de pouvoir introduire les verbes dans un nombre limité de
classes lexico-aspectuelles. La classification de Vendler (1967) est la plus connue. À
l’aide de deux traits sémantiques –la progression et la télicité– il distingue quatre
classes : les états, les activités, les accomplissements et les achèvements. Les états
(exister, savoir) ne progressent pas dans le temps et ne s’orientent pas vers un point
final. Les activités (danser, travailler) par contre sont composées de plusieurs phases
temporelles mais, comme les états, elles sont atéliques. Les accomplissements (écrire
une lettre) et les achèvements (reconnaître) se caractérisent par la présence d’un point
final interne. Les accomplissements sont progressifs alors que les achèvements sont
ponctuels. Bien que cette classification ait été fortement critiquée, elle a inspiré de
nombreux auteurs. Elle se résume de la façon suivante :
1 Le terme aspect est utilisé dans le sens d’aspect lexical, Aktionsart ou mode d’action qui renvoie à la
modalité d’exprimer objectivement la manière dont se déroule un processus. L’aspect lexical est
différent de l’aspect verbal ou grammatical qui correspond à la manière subjective d’envisager un
processus ou encore à la perspective temporelle imposée au processus.
2 Il est important de spécifier la portée de la notion d’événement qui dans la littérature n’a pas
toujours reçu la même signification. François (1997) et Rosen (1999) l’emploient pour renvoyer à
n’importe quelle situation dynamique : les événements s’opposent principalement aux états. Dans
les ouvrages de Baudet (1990), Bromberg, Kekenbosch & Friemel (1998), Felser (1999), Marín
Gálvez (2000), Mourelatos (1978) et Verkuyl (1993), la notion couvre les catégories des
accomplissements et des achèvements. Ces auteurs définissent l’événement comme un processus
qui se produit et qui arrive nécessairement à un point final. Van Valin & Lapolla (1997) lui
attribuent le sens le plus restreint d’achèvement. Dans notre étude, événement est utilisé dans son
sens le plus large, c’est-à-dire pour désigner n’importe quelle situation dans le monde, dynamique
ou statique, durative ou ponctuelle (cf. De Miguel 1999, Pustejovsky 1991, Vanhoe 2004).
73
progressif télique
état - -
activité + -
accomplissement + +
achèvement - +
Tableau 4.1 La classification de Vendler
clairs de l’influence des propriétés du sujet sur l’aspect lexical d’une construction. Marín Gálvez
(2000) défend une position contraire en posant que les propriétés du sujet n’influencent pas l’aspect
de base et que de là, elles ne doivent pas être retenues lors du calcul aspectuel.
74
L’opposition sujet spécifique vs. sujet générique joue un rôle tout aussi important. Dans
(2a), l’événement est délimité par le nombre borné d’enfants (accomplissement); dans
(2b) l’on observe une ambiguïté entre la lecture délimitée, renvoyant à un groupe
particulier d’enfants, et l’interprétation non délimitée, renvoyant à tous les enfants du
monde qui mangent des biscuits. Dans ce dernier cas, l’aspect est duratif et
atélique (activité) :
« Es importante subrayar la necesidad de establecer una diferencia entre lo que son los
eventos del mundo real y la forma en la que aparecen codificados en la lengua. »
(Mendikoetxea 1999a:1593)
Or, en même temps les linguistes continuent à parler des propriétés aspectuelles
comme des caractéristiques d’entités out there, in the world (Rothstein 2004:2). En effet,
bien que les classes lexico-aspectuelles s’appuient sur des preuves grammaticales, ce
sont des catégories extralinguistiques qu’elles décrivent.
À cette séparation radicale des événements réels et des événements
linguistiques, s’oppose notre thèse selon laquelle la représentation linguistique des
événements réels passe par des configurations conceptuelles. Aussi la classification
aspectuelle des VdP sera-t-elle amplement conditionnée par les caractéristiques
conceptuelles des événements de perception. Comme nous sommes d’avis que ces
propriétés surmontent l’organisation spécifique des langues, les verbes espagnols et
français seront étudiés ensemble :
6 Pour une liste des auteurs consultés cf. infra le tableau 4.2, p 78.
76
dans une moindre mesure comme des activités et des accomplissements. En outre,
certains auteurs les introduisent dans plusieurs catégories à la fois.
La discussion autour de l’aspect des VdPinvolontaire est née avec la classification
générale des verbes proposée par Vendler (1967). En observant que l’événement de
perception dure un certain laps de temps mais est non dynamique, l’auteur conclut
que to see est un verbe d’état7. Ver/voir et oír/entendre ne représentent pas des actions
faites ou performées mais des états de conscience passifs. Cette analyse est reprise par
Dowty (1979), Rogers (1974), Van Valin (1990) et Van Valin & Lapolla (1997).
Cependant, lorsqu’il parle du spotting sense of seeing, Vendler (1967) prépare le
terrain pour un deuxième type de classification. Il n’insère pas explicitement les VdP
dans la classe des achèvements, bien que son spotting sense se caractérise par les traits
[- progressif] et [+ télique]8. Le philosophe Ryle (1949) avait déjà écrit que percevoir
n’exprime pas une activité ni un état mais une réussite ou un achèvement. Son
argument principal était le caractère ponctuel de la perception : je peux dire j’ai vu X
au moment où je vois X. L’analyse des VdPinvolontaire comme des achèvements se
retrouve dans Van Voorst (1988) et Sanz (2000). Mourelatos (1978) s’inspire de ce
classement lorsqu’il introduit les VdPinvolontaire dans la classe des performances, qui
contient autant les achèvements que les accomplissements. Certains auteurs –tels que
Gisborne (1993)9, Dupas (1997) et Barron (1999)– reprennent l’analyse de Vendler
(1967) et accordent aux VdP le statut mixte d’état/achèvement. L’achèvement
instantané apparaît dans l’ouvrage de Franckel & Lebaud (1990) sous la dénomination
d’aspect inchoatif. Un verbe inchoatif représente un changement d’état conçu dans
7 Un critère important avancé par Vendler (1967:105) pour attribuer le statut d’état aux VdPinvolontaire
est leur comportement par rapport à la modalité du possible. L’équivalence sémantique des
structures pouvoir percevoir et percevoir –étudiée plus en détail par Le Querler (1989)– serait un
indice de la nature statique des VdP : « For the present, it is enough to mention that while to be able to
run is never the same thing as to run or to be able to write a letter is by no means the same as to write it, it
seems to be the case that, in some senses, to be able to know is to know, to be able to love is to love, and to be
able to see is to see. » Rothstein (2004:16) observe la même concordance sémantique: « The non-
agentive relation between a participant and the state that she is in, means that often the ability to be in a state
and actually being in it are indistinguishable. » Dupas (1997) par contre, affirme que la modalité du
possible ajoute un certain degré d’agentivité aux VdP. Ces analyses contradictoires sont
illustratives d’une large partie de la littérature autour de l’aspect des VdP.
8 D’après sa classification, ces traits définissent les achèvements, cf. supra tableau 4.1, p 72.
9 Cf. l’étude de Gisborne (1993:26) sur les nominalisations des VdP: « […] ‘sight’ displays the same
aktionsart phenomena as ‘see’, namely that its aspectual nature is determined by its postdependent :
(4a) The sight of the accident put me off driving ;
(4b) The sight of the Himalayas rooted me to the spot.
In (4a) the sight is a temporally limited event, in (4b) it is a contingent state.»
77
son commencement. La valeur inchoative des VdPinvolontaire est associée à des valeurs
de prise de conscience, d’apparition et de dévoilement de la perception.
Bromberg, Kekenbosch & Friemel (1998) sont les seuls auteurs trouvés qui
attribuent aux VdPinvolontaire l’aspect d’une activité : mirar/regarder et escuchar/écouter
sont caractérisés en tant qu’activités perceptives intentionnelles alors que ver/voir et
oír/entendre sont définis comme des activités perceptives non intentionnelles.
Pour le reste, les VdPinvolontaire sont rarement analysés comme des activités ou
comme des accomplissements, sauf par les auteurs qui insistent sur l’influence du
contexte. Ainsi Mourelatos (1978:423, note 34) classe les VdPinvolontaire de (5a) comme
des activités et ceux de (5b) comme des accomplissements :
Ce caractère multi-aspectuel des VdP est également signalé par De Miguel (1999:3033):
« ‘Ver’ es, por otra parte, un verbo muy polisémico en relación con los contextos en que
entra : puede denotar también un evento durativo delimitado (una realización simple : ayer
vi la exposición de Velázquez), un evento durativo delimitado e iterativo (una realización
habitual : ve muchas películas de terror) y un evento no dinámico habitual (una actividad
caracterizadora del sujeto, que acaba teniendo un valor estativo : ve muy poco de lejos). »
Ce qui saute aux yeux lors de la comparaison de ces classements, c’est que l’aspect
lexical des VdP est souvent –à quelques exceptions près– mentionné en passant, dans
le cadre d’une étude plus générale de l’aspect. C’est comme si les chercheurs
‘craignent’ de se prononcer sur l’aspect des VdP. L’analyse proposée dans la section
suivante révélera le pourquoi de cette réticence.
1. [± dynamique]
2. [± agentif]
3. [± duratif]
4. [± télique]
10[x] signifie que, d’après l’auteur, l’intégration du VdPinvolontaire dans la classe aspectuelle indiquée
dépend du contexte.
79
5. [± changement]
6. [± homogène]
En même temps, il sera évalué quels éléments du contexte influencent l’aspect lexical
de base des VdP. La création de contextes marqués –que l’on obtient en modifiant les
propriétés du sujet et de l’OD, en ajoutant certains adverbes et en transformant
l’aspect grammatical– permettra de mesurer l’influence de l’environnement actanciel
sur l’aspect de base12.
11 Les six traits et les tests formels retenus ici sont le résultat d’une comparaison critique des
nombreuses classifications proposées dans la littérature. Notre point de vue théorique s’inspire en
particulier de François (1990a,b) et de Bromberg, Kekenbosch & Friemel (1998) qui distinguent les
classificateurs de la constitution temporelle et les classificateurs de la constitution participative des
événements. Bien que les tests formels aient d’abord été développés en anglais, ils sont tout autant
applicables aux verbes espagnols et français. La démarche consistera à créer des contenus
sémantiques compatibles ou non avec le sens du verbe ou de la prédication. Le degré de
grammaticalité fournira des indices concernant l’interprétation aspectuelle des verbes en question.
Cependant, comme ces tests empiriques ne sont pas sans faille (cf. Vanhoe 2004:146, Van Valin &
Lapolla 1997:96), il est important de vérifier leur portée dans chaque langue individuelle.
12 Comme les VdP entrent dans un nombre considérable d’environnements syntaxiques, il est
impossible d’étudier leur aspect dans tous les contextes possibles. L’analyse se limitera à une série
de phrases illustratives.
80
Albertuz (1995:330) en conclut que la frontière entre les événements statiques et les
événements dynamiques est inexistante :
« La frontera entre estados y procesos dinámicos es, una vez más, ilusoria. […] la
constatación de la posibilidad general de combinación con el progresivo anula ésta como
criterio para delimitar una clase especial de verbos por su Aktionsart y, en tanto se ha
recurrido a esta prueba para sostenerla, niega la existencia de una oposición entre estados y
procesos dinámicos. »
Rifón (1997) résout le problème en divisant l’ensemble des prédicats non dynamiques
en deux groupes : les stage level predicates (SLP) ou prédicats épisodiques et les individual
level predicates (ILP) ou prédicats permanents14. Les ILP dénotent des propriétés
inhérentes et des états permanents (être grand), tandis que les SLP représentent des
états temporaires et sont compatibles avec le progressif (être assis).
Précédés de la locution hace X tiempo/il y a X temps, les verbes statiques
permanents ne se conjuguent pas au temps perfectif15 : comme les états ne se
déroulent pas, l’on ne peut pas focaliser un moment spécifique dans le passé par
13 Cf. Brinton (1988:40): « First, though they are continuous, they involve no change and hence cannot be
seen as developing or ongoing. Second, they are in a sense complete; […], a state exists as a whole during
each and every instance of its duration. »
14 Cette distinction a été introduite d’abord par Carlson (1977) et reprise plus tard par Dowty (1979)
et Felser (1999). Pour plus de détails, voir infra 5.3.2 La présence de prédicats statiques, p 132. Le
terme état renverra ici aux prédicats permanents.
15 Comme le passé simple est peu fréquent en français contemporain, ce test est moins représentatif
l’emploi d’un perfectif. L’imparfait, qui met en relief le caractère continu d’un
événement, donne un résultat positif :
En revanche, ces tests de dynamicité sont compatibles avec les états transitoires (14a),
les activités (14b), les accomplissements (14c) et les achèvements (14d) :
(15c) Après avoir regardé la maison, Jean est rentré chez lui.
(15d) Qu’est-ce qui s’est passé après ? Il a écouté la radio.
« What happens when we perceive, and what is it that makes it happen? That is the
problem of perception. A sailor on deck looking ahead remarks, ‘It is pitch dark, I don’t see
anything’. After a while, ‘Now I see a star’. We ask him, ‘what has happened?’ ‘The cloud
has gone.’ ‘But what else happened?’ ‘Nothing else.’ Of course many things happened in
the world and in the sailor. But his seeing is not one of them. »
« Besides, we could easily supply a context for ‘I saw him run’ that would make it
appropriate for this sentence to be an answer to the question ‘What happened next?’ a
question that could not envisage a state predication as one of its possible answers. »
Or, il ne nous semble pas difficile de trouver un contexte où nos phrases exemplaires
(9-10) constituent les réponses à la question ¿Que ocurrió ?/Qu’est-ce qui s’est passé ?
Imaginons-nous que trois amis se sont perdus dans un bois. Tout à coup, quand un
des trois garçons se met à courir, le deuxième demande : Qu’est-ce qui s’est passé ? Le
dernier peut répondre : Il a vu une maison et il a entendu une voiture.
Le deuxième test qui distingue les verbes statiques des verbes dynamiques est
la possibilité de surgir dans un contexte progressif. Dostie (1998) et Barron (1999)
écrivent sans apport de nuances que les VdPinvolontaire sont incompatibles avec le
progressif. Jørgensen (1990) par contre pose que les VdP se combinent tous avec le
83
progressif sans modification sémantique. Pourtant, la majorité des auteurs –aussi ceux
qui attribuent un aspect dynamique aux VdPinvolontaire– reconnaissent que ces verbes
n’admettent le progressif que dans certains contextes particuliers. Gruber (1967:954)
(18a), et plus tard Felser (1999:148) (18b), citent comme exemples acceptables :
« […] a suspension of general commitment to the truth or reality of the object of perception
[…]. »
Ainsi l’emploi du progressif serait habituel dans des contextes désignant une
mauvaise perception ou des hallucinations. Van Voorst (1988:43) pose qu’en général,
les VdPinvolontaire n’admettent pas le progressif, sauf quand le contexte signale un
changement dans la visibilité ou dans l’audibilité de l’objet aperçu, comme dans :
Dupas (1997) affirme qu’en emploi progressif, les VdPinvolontaire sont déstabilisés dans
toutes leurs propriétés linguistiques courantes. Suivant Hatcher (1951) et
Adamczewski (1978), elle pose que le progressif met le sujet/percepteur à distance
par rapport à sa perception et lui confère une plus grande agentivité. Nous nous
rangeons du côté de ceux qui attribuent un emploi limité au progressif. Dans notre
histoire des trois amis dans le bois, il est possible de répondre à la question ¿Qué
ocurre? : Está viendo una casa a lo lejos. L’emploi du progressif ajoute néanmoins une
connotation de ‘perception impure’.
Un bref examen statistique du corpus CREA montre en plus que la
construction estar + VdP –ndo surgit beaucoup plus fréquemment dans le champ des
VdPvisuelle que dans celui des VdPauditive, aussi dans le domaine des VdPvolontaire17:
17 L’occurrence généralement plus fréquente des VdPvisuelle ne peut pas être seule responsable de
l’écart entre les VdPvisuelle et les VdPauditive. Le même calcul pour les quatre infinitifs ver, oír, mirar et
escuchar montre effectivement que la différence de fréquence entre les trois derniers verbes n’est
pas aussi grande :
ver 71385
oír 6096
mirar 7612
escuchar 7473
84
VdP occurrences
estar viendo 5851
estar oyendo 1215
estar mirando 7026
estar escuchando 1833
Tableau 4.4 Les VdP au progressif
Nous concluons que –malgré le fait que les épreuves ne donnent pas de
résultats uniformément positifs– les tests de dynamicité signalent que l’aspect de base
des VdPinvolontaire n’est pas statique. Le tableau suivant résume le comportement des
quatre VdP par rapport au premier trait de la constitution participative
[± dynamique] :
d’écouter la radio.
hace X tiempo Hace dos minutos, Hace dos minutos, Hace dos minutos, Hace dos minutos, oyó
il y a X temps miró la casa. escuchó la radio. vio una casa. un coche.
después de Después de haber Después de haber Después de haber Después de haber oído
après avoir mirado la casa, volvió escuchado la radio, se visto una casa, volvió un coche, se asustó.
a su casa. durmió. a su casa.
¿Qué occurió ? Miró la casa. Il a écouté la radio. Vio una casa. Oyó un coche.
qu’est-ce qui s’est passé ?
L’emploi des VdP au temps progressif mérite certainement une analyse plus détaillée, mais n’entre
pas dans le cadre de notre étude.
85
(22a) Il voit.
(22b) Oye mal.
(22c) El perro ve muy bien de lejos.
(23a) Mira.
(23b) Il regarde.
(23b) Escucha bien.
(23d) Il écoute bien.
Les tests avec le progressif et la locution ce qui s’est passé démontrent clairement la
nature statique des VdP dans ces contextes. Ou bien les tests déclenchent des phrases
agrammaticales, ou bien ils annulent l’interprétation de capacité de perception :
Les épreuves formelles qui dévoilent l’implication agentive d’une entité dans un
événement ont été largement décrites dans le chapitre précédent19. Leur application
aux quatre classes vendlériennes aboutit au résultat suivant :
Les états permanents sont clairement non agentifs ; les activités sont agentives. Le trait
d’agentivité permet également de distinguer les accomplissements des achèvements :
quand l’événement est composé d’une activité et d’un changement d’état qui en
découle, le verbe dénote un accomplissement ; les achèvements par contre manquent
le trait d’agentivité.
Il a été démontré dans le chapitre antérieur que, comme le percepteur d’un acte de
perception volontaire est un participant qui agit volontairement, consciemment et
intentionnellement, escuchar/écouter et mirar/regarder répondent positivement aux tests
d’agentivité. Les mêmes tests donnent des résultats négatifs pour les VdPinvolontaire en
emploi de base :
son ami le fait aussi. son ami le fait aussi. hermano lo hace hermano lo hace
también. también.
de (tal) modo que Il regarde la maison de Il écoute la radio de *Ve una casa de tal *Oye un coche de tal
de sorte que sorte qu’il a une bonne sorte qu’il est au modo que la compra. modo que lo compra.
idée de son courant des dernières
architecture. nouvelles.
voluntariamente Il regarde la maison Il écoute la radio *Ve voluntariamente *Oye voluntariamente
volontairement volontairement. volontairement. una casa. un coche.
deliberadamente Il regarde la maison Il écoute la radio *Ve deliberadamente *Oye deliberadamente
délibérément délibérément. délibérément. una casa. un coche.
impératif Regarde la maison ! Écoute la radio ! *¡Ve una casa ! *¡Oye un coche !
convencer/obligar Il m’a demandé de Il m’a ordonné *Lo he forzado a ver *Lo he forzado a oír un
convaincre/obliger regarder la maison. d’écouter la radio. una casa. coche.
parar de/s’arrêter de Il s’est arrêté de Il s’est arrêté *Paró de ver la casa. *Paró de oír el coche.
regarder la maison. d’écouter la radio.
cuidadosamente Il regarde la maison Il écoute la radio *Ve cuidadosamente *Oye cuidadosamente
soigneusement attentivement. attentivement. una casa. un coche.
Il s’en déduit que les VdPinvolontaire en emploi non marqué sont dynamiques mais non
agentifs, ce qui caractérise d’ailleurs les achèvements.
Nonobstant, nous avons également observé précédemment que les
VdPinvolontaire s’adaptent aisément au contexte dans lequel ils apparaissent et peuvent
exprimer l’agentivité du sujet/percepteur envers le monde qu’il aperçoit. Rappelons
les locutions ver la tele et oír la radio ainsi que la phrase où le VdPvisuelle acquiert le sens
d’aller voir, visiter, où les VdPinvolontaire se comportent comme des activités :
Notons que nous n’avons pas rencontré des structures homologues pour les
VdPauditive. Cette observation confirme l’hypothèse d’un degré d’agentivité
potentiellement plus élevé des VdPvisuelle par rapport aux VdPauditive.
88
Le trait [± duratif] distingue les événements ponctuels des événements qui couvrent
une période de temps plus large. Formellement, le trait [+ duratif] se reflète dans la
compatibilité de la prédication avec les adverbes de durée, tels que mucho
tiempo/longtemps (Golian 1986), durante X tiempo/pendant X temps (Rodríguez Espiñeira
1990), y aún (lo) V/et il V toujours (Rifón 1997), a lo largo de/tout au long de (Vanhoe 2004)
et dans l’incompatibilité avec les adverbes ponctuels comme en un momento/en un
instant (Pustejovsky 1991).
Les achèvements –qui se terminent au moment d’avoir commencé– sont
ponctuels alors que les états, les activités et les accomplissements représentent des
événements duratifs. À cela s’ajoute que la combinaison des accomplissements avec
un adverbe duratif fournit une lecture de répétition ou d’itération que l’on n’obtient
pas avec les activités ni avec les états. Dans Jean chante une chanson pendant une heure,
l’interprétation non marquée est celle de Jean qui chante la même chanson plusieurs
fois pendant l’intervalle d’une heure. L’événement atteint sa fin et recommence
plusieurs fois pendant une certaine période de temps20 :
un momento/en un instant montre que la lecture ponctuelle n’est pas exclue, mais moins
naturelle (26b) :
La présence d’un adverbe duratif dans la phrase modifie l’aspect ponctuel des
VdPinvolontaire en un aspect plus duratif. En effet, quand le percepteur ne détourne pas
son attention, il peut voir une maison tout au long d’une heure ou entendre une voiture
pendant dix minutes. Cette observation prolongée augmente en même temps le degré
d’agentivité du sujet qui doit continuer la perception :
21Rothstein (2004) parle à ce propos du paradoxe imperfectif (imperfective paradox) : Jean mange un
sandwich n’implique pas que Jean a mangé un sandwich. Par contre, Jean court implique que Jean a
couru.
90
22 Kailuweit (2003a:244) affirme que la télicité des achèvements n’est pas à dévoiler à l’aide de tests
formels, parce qu’elle consiste en l’atteinte du début d’un état postérieur. La définition de la télicité
des achèvements proposée par Kailuweit est donc assez différente de la nôtre. Conformément aux
analyses de Vanhoe (2004) et de Rothstein (2004), nous croyons que le test en X temps indique à la
fois la ponctualité des achèvements et leur aspect télique, puisque leur nature ponctuelle entraîne
logiquement leur caractère culminant. La définition de l’achèvement proposée par Kailuweit
correspond plutôt à celle de l’aspect ingressif avancée par De Miguel (1999). En effet, il sera
démontré plus loin dans ce chapitre (cf. 4.3.3 La structure interne des événements de perception
involontaire, p 100) que les verbes ingressifs représentent des événements qui culminent en un
point initial et impliquent en même temps une phase postérieure qui est un état ou un processus.
Notre définition ne prend en considération que le point culminant –qui est en même temps initial
et final– de l’achèvement.
23 La période de temps doit être très courte : en une seconde, en un clin d’oeil,…
91
L’étude des propriétés générales des actes perceptifs a montré que la perception
volontaire est imperfective et neutre quant à la réussite. De là qu’en emploi de base
mirar/regarder et escuchar/écouter sont neutres par rapport à la télicité :
(29a) Acompañado por el corredor de fincas, Juan poco a poco miraba la casa.
(29b) En une seconde, il a regardé la maison.
De plus, l’émergence dans le contexte syntaxique d’un OD borné peut avoir un effet
de délimitation sur l’aspect des VdPvolontaire et entraîner la recatégorisation [- télique]
-> [+ télique]. L’interprétation de (30a-b) varie entre celle où le percepteur regarde
simultanément deux maisons et celle où le percepteur regarde d’abord la première
maison et ensuite la deuxième. La première interprétation correspond à l’aspect
d’activité, selon la deuxième mirar dénote un accomplissement répété :
Cette phrase décrit la transition graduelle d’un état de non perception à l’état final de
la perception visuelle de l’entité maison. Cette interprétation est plus difficile à
assigner à la perception auditive (en emploi de base) ; ou bien le percepteur entend un
stimulus, ou bien il ne l’entend pas :
24Par cette affirmation, nous nous distancions de Rothstein (2004) qui soutient que le trait
[± dynamique] est fondamentalement différent du trait [± changement]. Elle pose qu’un
achèvement implique un changement sans qu’il soit dynamique. Toutefois, nous avons démontré
antérieurement qu’un achèvement est dynamique mais pas agentif : il implique un changement
93
initial et un état final, liés à des moments temporels différents. Les états sont des
événements qui couvrent une certaine période de temps sans qu’aucun changement
d’état n’ait lieu : la propriété de rester stable dans un intervalle indéterminé les
oppose aux autres types d’événements. Dowty (1979) démontre qu’une activité établit
ou empêche un changement d’état voulu par un agent. Rothstein (2004) par contre,
affirme que les activités n’impliquent pas de changement d’état. À notre avis une
activité contient incontestablement l’idée d’un changement : l’événement de danser
par exemple implique une transition de l’état d’être immuable à l’état d’être en train
de danser. De plus, l’activité même est composée d’une succession et d’une transition
entre différentes phases de nature identique. L’accomplissement écrire une lettre
implique d’abord un passage de l’état de ne pas écrire à l’activité d’écrire la lettre, et
ensuite des transitions entre les différentes phases de l’écriture. Finalement,
l’achèvement reconnaître correspond au changement instantané de ne pas reconnaître
à reconnaître une entité.
Le trait [± homogène] n’est pas à confondre avec [± changement]. Le critère
[+ homogène] implique que toutes les phases d’un événement sont identiques et que
chaque phase est de la même nature que l’événement complet25. Les états ne sont pas
constitués de phases différentes et sont donc homogènes, jusqu’à leurs composantes
les plus réduites. Les activités correspondent à des transitions entre plusieurs états de
nature identique : son caractère [+ changement] correspond à sa nature
[+ homogène]26. Les accomplissements se composent de phases successives de nature
différente ; ils impliquent un changement et ne sont pas homogènes. Finalement, le
critère d’homogénéité n’est pas valable pour les achèvements puisqu’ils ne
comprennent qu’une seule phase et n’ont pas de structure interne développée.
d’état physique ou mental (et est donc dynamique), mais ce changement n’est pas déclenché
volontairement, intentionnellement ou consciemment (il n’est donc pas agentif).
25 La distinction entre les événements homogènes et les événements hétérogènes a été comparée à
l’opposition entre les noms de masse (eau) et les noms comptables (table).
26 Toutefois, comme le note Rothstein (2004), les activités ne sont homogènes jusqu’à un certain
niveau, à savoir celui des intervalles minimaux. L’activité marcher par exemple contient des parties
–comme celles de lever le pied pour faire un pas– qui ne sont pas de la même nature que l’activité
en soi.
94
(33a) Ve casas.
(33b) Oye coches.
96
Plusieurs auteurs (Bach 1986, De Miguel 1999, Freed 1979, Grimshaw 1990, Fernández
Lagunilla & De Miguel 1999, Pustejovsky 1991, 1995, Rosen 1999, Rothstein 2004,
27Les exemples sous (34) ont été introduits dans le chapitre précédent, cf. 3.3.2 Le percepteur : un
proto-agent ?, p 54.
97
Tenny 1994, Vanhoe 2004 et Van Voorst 1988) ont défendu l’hypothèse selon laquelle
les événements (E) contiennent une configuration sous-événementielle qui est
responsable des propriétés aspectuelles des prédicats. Autrement dit, les événements
dénotés par les prédicats ne sont pas des entités atomiques mais se décomposent en
plusieurs phases successives (ex)28 :
« Suppose it is true that something happened, then in the normal case there are smaller
subevents that make up the big thing that happened that are also happenings. » (Bach
1986:15)
Il a été affirmé plus haut dans cette étude que prototypiquement, la perception
involontaire se complète instantanément tandis que la perception volontaire est plus
durative, imperfective et neutre quant à la réussite. De plus, lors d’un acte de
perception volontaire, le percepteur ne dirige pas seulement intentionnellement son
système perceptuel vers le stimulus, il peut également prolonger l’observation ou
initier une série d’observations. Aussi l’événement de perception volontaire contient-il
prototypiquement trois sous-événements :
mirar
E1 E2 E3
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 ex
escuchar
e1 e2 e3 e4 e5 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 e6 ex
De ce fait, les verbes ingressifs peuvent être modifiés aussi bien par des adverbes
ponctuels que par des adverbes duratifs. Prenons en guise d’illustration le cas du
verbe bouillir. Dans la phrase (36a) le point culminant en tant que début de
l’événement est focalisé ; dans (36b) le locuteur focalise le processus postérieur au
point initial :
32Il en ressort que la perception involontaire diffère de la perception volontaire par l’absence d’une
phase préparatoire de diriger l’attention vers le stimulus.
101
ver
/E/ e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/ …
e1/e2/e3/e4/e5/e6/ex
oír
/E/ e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/e1/ …
e1/e2/e3/e4/e5/e6/ex
Certains OD tels que flash, éclair, son et bruit favorisent la lecture d’achèvement avec
les VdPvisuelle (39a) et les VdPauditive (39b). En effet, la perception d’un événement
instantané consiste elle-même en un processus ponctuel (39c) :
(39a) Ve un flash.
(39b) Oye un ruido.
(39c) Veo a Juan caer.
En effet, les stimuli qui se caractérisent par les traits sémantiques [- duratif, + télique]
opposent les achèvements aux autres classes lexicales :
102
ver un flash
oír un ruido
ver caer
/E /
/ E / e1 / e2 / e3 / e4 / e5 / en/ … /ex/
Dans l’exemple (41a), l’événement de perception reçoit une lecture plus durative34.
Toutefois, contrairement à ce que l’on a observé pour (40a-c), l’OD casas ne mesure pas
l’événement perceptif : l’objet casas ne contient pas de parties plus petites qui
constituent une chaîne incrémentale. Par conséquent, la phase postérieure au début de
la perception est atélique :
34Le contexte non marqué de cette phrase est celui où un percepteur se promène dans une rue et
voit une maison après l’autre. Nous ne tenons pas compte ici de la situation où il ouvre et ferme les
yeux, et voit en une seconde plusieurs maisons à la fois. Dans ce cas-ci, le VdP dénoterait un
achèvement ponctuel.
104
ver casas
/ E / e1 / e1 / e1 / e1 / e1 / en / …
oír coches
oír hablar
/ E / e1 / e1 / e1 / e1 / e1 /en/ …
accomplissement : le percepteur voit d’abord une partie de la maison et finit par voir
la maison entière. Cette organisation n’est pas applicable au VdPauditive dans (31b) : ou
bien le percepteur entend la voiture ou bien il ne l’entend pas, il ne peut pas entendre
en partie la voiture. Autrement dit, le percepteur ne peut pas contrôler sa perception
auditive de sorte à percevoir d’abord une partie et ensuite le tout. La nature inhérente
du stimulus de perception est aussi responsable du degré différent de grammaticalité.
La maison est un objet stable qui existe de façon permanente dans le monde extérieur.
Il est donc possible d’en voir d’abord une partie et de la percevoir ensuite
entièrement. En revanche, on n’entend pas la voiture même mais le bruit qu’elle
produit, et un bruit ne peut pas se percevoir petit à petit : on l’entend et il disparaît
immédiatement36. Notons encore qu’au cas où on accepterait quand même la présence
de l’adverbe progressif dans la phrase (31b), la progression décrirait l’événement
d’approchement de la voiture et non la progression de l’événement auditif (31b’).
Dans le cas de la perception visuelle, la progression a nécessairement trait à
l’événement visuel même, puisque le stimulus –de nature non dynamique– ne peut
pas progresser (31a’) :
/ E / /e1 /e2 / e3 / e4 / e5 / e6 / / ex /
/ E /
36 Cf. supra 2.4.2.2 Différences entre perception visuelle et perception auditive, p 29.
106
L’événement auditif n’étant pas contrôlé, le processus ne peut pas être déterminé par
sa vitesse : il se produit ou il ne se produit pas. Par contre, dans le cas de la perception
visuelle l’état final de voir la maison entièrement peut s’atteindre plus ou moins
rapidement.
De tout ce qui précède, il nous semble qu'il faut retenir deux choses essentielles.
Premièrement, l’Aktionsart des VdP est dans une large mesure conditionné par les
propriétés d’autres constituants de la phrase et surtout par le type de complément qui
suit, donc par le stimulus de perception. Cette observation ne doit pas surprendre
puisqu’en accord avec le principe de la simultanéité40, les événements de perception
directe se caractérisent par une coïncidence temporelle obligatoire entre l’événement
de perception et l’événement aperçu. Cette contrainte implique que lorsque
l’événement aperçu se produit dans le présent, l’acte de perception se déroule aussi
dans le présent ; si l’événement stimulus se produit dans le passé, le processus de
perception se déroule aussi dans le passé,… L’extension de cette contrainte mène vers
la conclusion que la composition interne du stimulus détermine aussi la structure
inhérente de l’événement perceptif : la perception d’un accomplissement est elle-
même un événement progressif, la perception d’un achèvement est elle-même un
événement ponctuel,… Les VdPinvolontaire sélectionnent –à part les compléments non
marqués [- duratif, + télique], qui déclenchent l’aspect d’achèvement– des
compléments contenant les traits sémantiques [+ duratif] et [- télique]. Comme le
montrent les représentations de leur composition sous-événementielle, l’adjonction du
trait [+ duratif] explique la classification en tant qu’accomplissement ; l’adjonction des
traits [+ duratif] et [- télique] déclenche la classification d’activité. En d’autres termes,
la télicité inhérente ou non du stimulus (película, chanson, cruzar la calle vs. casas, coches,
hablar) détermine la classification aspectuelle des VdP.
Deuxièmement, les propriétés conceptuelles des modalités de perception
mêmes influencent également l’aspect lexical des verbes correspondants. L’analyse
Conclusion partie I
involontaire auditif1 < involontaire visuel << volontaire auditif < volontaire visuel
oír/entendre ver/voir escuchar/écouter mirar/regarder
visuel involontaire2 < visuel volontaire << auditif involontaire < auditif volontaire
ver/voir mirar/regarder oír/entendre escuchar/écouter
involontaire auditif < involontaire visuel << volontaire auditif < volontaire visuel
oír/entendre ver/voir escuchar/écouter mirar/regarder
1 Le VdPinvolontaire auditive n’est pas localisé à l’extrême [- agentif] de notre échelle puisque la
perception involontaire n’est pas complètement passive. L’échelle indique simplement que cette
modalité est la moins agentive des quatre types.
2 Le VdP
visuelle involontaire n’est pas situé à l’extrême [- dynamique] de l’hiérarchie, parce que le
stimulus de cette modalité de perception peut être dynamique. L’échelle montre uniquement les
degrés différents de dynamicité potentielle du stimulus.
111
Chapitre 5
construction infinitive
1Le terme construction infinitive ou CI sera utilisé pour désigner la structure entière SN1 + VdP +
SN2 + infinitif. Le complément infinitif, abrégé par Cinf, dénotera uniquement l’ensemble subordonné
SN2 + infinitif. Pour un résumé des propriétés principales des autres compléments des VdP, voir
Annexes I : La complémentation des verbes de perception – Types & propriétés sémantiques et
syntaxiques, p 356.
114
(1a) […] [veía]VdP [agrandarse]Inf (frente a mí) [las bocas de aquellas dos mujeres]SN2
[…]. (JP:353)
(1b) […] pedí un cubalibre y [estuve oyendo]VdP [a Janis Joplin]SN2 [cantar]Inf
(Summertime). (JP:345)
(1c) […] son visage dont on ne [voyait]VdP [apparaître]Inf (au-dessus de la manchette)
[que les deux yeux qui le fixaient avec une sorte de fureur, de reproche et de
vindicative méchanceté]SN2. (AC:236)
(1d) Vous [entendez]VdP [ces ‘ennemis implacables’]SN2 [accuser]Inf (les juifs
d'empoisonner l'eau) […]. (LM:25/12/1998)
2 Pour une définition précise des termes physique et concrète, cf. supra 2.2.1 Définition de la
dichotomie direct vs. indirect, p 14.
3 Cf. supra 2.2.2 Le continuum entre perception directe et perception indirecte , p 20.
4 Pour une description détaillée de notre corpus, voir tableau 1.1, p 7.
5 Phrase traduite de Declerck (1983:31) : I saw John walk(ing) home.
115
En accord avec Declerck nous n’attribuons pas à cette phrase une lecture de
perception indirecte puisque la déduction est inconsciente et se distingue de la
réflexion prolongée du percepteur dans les véritables actes de perception indirecte :
(6) Un vigilante de la zona aseguró ver a unos desconocidos lanzar el cadáver desde un
vehículo carmelita, color rojo. (DS:3/6/2002)
Le statut des exemples (7-10) est plus difficile à déterminer. Le percepteur n’aperçoit
pas un événement physique, mais l’idée d’inférence est également absente :
De tels exemples ont mené Labelle (1996) à postuler que la CI peut désigner un acte de
perception indirecte. Nous considérons ces phrases toutefois comme des cas d’un type
particulier de perception directe, à savoir la perception directe mentale. Bien que
l’événement ne soit pas aperçu physiquement, il est aperçu mentalement sans
inférences, dans les pensées : ou bien le percepteur s’attend à un événement
postérieur (7-8), ou bien il se rappelle un événement antérieur (9-10). Holierhoek
(1980) et Willems & Defrancq (2000) utilisent respectivement les notions de probabilité
et d’éventualité pour désigner le premier type.
Un sondage de notre corpus met à jour que ce type de perception apparaît
régulièrement dans la langue naturelle6 : ou bien les CI dénotent une perception
mentale d’un événement qui doit encore se produire (11), ou bien elles représentent la
perception mentale d’un événement qui s’est produit dans le passé (12). À ces deux
types, cités dans la littérature, nous en ajoutonsun troisième dénotant la perception
mentale d’un événement imaginaire (13)7 :
(11a) […] en los próximos años, oiremos hablar a menudo del laberinto celular y de sus
eficaces hilos de Ariadna. (EP:29/12/1999)
(11b) Nous lui avons soumis l'idée de voir un jour arriver en gare de Saint-Étienne le
célèbre TGV […]. (Glossa:7/11/2003)
(12a) Veo pasar escenas por mi memoria, casi de la misma forma como va corriéndose el
panorama a través de alguna ventanilla de la máquina. (CDE:Karlik S. 2001)
(12b) Madeleine Marion […] se souvient avoir vu le jeune homme arriver à Chaillot il y a
une quinzaine d'années. (LM:7/1/1998)
(13) On croit l'entendre se confesser, et puis il vous échappe. (LM:17/3/1994)
La perception directe mentale se range à un niveau plus bas sur l’échelle qui s’étend
entre les extrêmes de la perception [± directe].
Les constructions de perception directe mentale se caractérisent par une
réduction des contraintes syntaxiques qui caractérisent la CI. Ainsi, en contraste avec
la CI ‘canonique’ –représentant les actes de perception directe physique et concrète–
l’insertion d’adverbes temporels et de prédicats statiques n’est pas défendue8 :
(14) Je ne vois pas encore Marie connaître toute la matière la semaine prochaine.
La phrase (15) se situe à un niveau d’abstraction encore plus élevé. Contrairement aux
exemples (7-14), aucune entité n’a été ou ne sera aperçue physiquement. Cependant,
l’idée d’une déduction reste absente, ce qui nous permet toujours d’invoquer la notion
de perception directe. Dans ce cas-ci, la CI dénote un processus de perception directe
abstraite :
L’analyse de notre échantillon montre que dans les deux langues étudiées, les
VdPinvolontaire visuelle ver/voir se prêtent le plus facilement aux constructions de ce type
(16). Il paraît que leur inclination à de nombreuses extensions sémantiques se produit
également à l’intérieur du champ de la perception directe9. Les lectures de perception
directe abstraite ne sont pas exclues pour les VdPauditive ni pour les VdPvolontaire, mais
remarquablement moins fréquentes (17-19). Le tableau suivant rend compte du
nombre d’exemples rencontrés :
espagnol français
# % # %
ver/voir 175 87,9% 173 76,5%
oír/entendre 13 6,5% 6 2,7%
mirar/regarder 8 4,1% 41 18,1%
escuchar/écouter 3 1,5% 6 2,7%
total 199 100% 216 100%
Tableau 5.1 Les VdP et la perception directe abstraite
(16a) […] uno no cesa de maravillarse al ver tantos hechos oscuros iluminarse de
pronto con tanta claridad […]. (SOL:Prensa 1977)
(16b) Devant le Parlement, la joie se mêle encore à la crainte de voir à nouveau la
situation basculer. (Glossa:24/1/2003)
(17a) […] se oía caer el silencio sobre la multitud como un murmullo que rodaba sobre
las cabezas y que iba a morir a lo lejos a través de las calles del barrio. (CREA:Díaz
L. 1992)
(17b) Une balade au pays des quotidiens, ces corps si vivants, si intenses qu'en y collant
une oreille on entend battre le coeur d'une société. (LM:10/12/1994)
(18a) […] las señoras que siguen a la puerta de la suya mirando pasar el tiempo […].
(CREA:Llamazares J. 1990)
(18b) Mon père à moi ne travaillait pas aux chemins de fer, je ne restais pas dans mon
plumard à regarder passer la vie. (Glossa:16/10/2003)
(19a) Por eso plantamos yedra al pie del muro, para oler las horas, escuchar los meses
luchar con su aliento, oír a los años y sus minutos orar en un lenguaje de hojas
verde oscuro. (CDE:Unk, N. 1998)
(19b) Jacques Lassalle ne veut pas se résoudre à écouter une quelconque Cassandre
pleurer sur les ruines de la cité moderne. (LM:7/7/1994)
Vu l’absence d’un référent concret perceptible par les sens, la perception directe
abstraite est moins directe que la perception directe concrète. Qui plus est, ces
processus se trouvent à cheval sur le champ de la perception directe et celui de la
perception indirecte.
10La notion de grammaticalisation désigne le processus pendant lequel les entités linguistiques
perdent leur complexité sémantique et reçoivent un caractère plus grammatical. Pour plus de
données voir par exemple Detges & Waltereit (2002), Heine, Clausi & Hünnemeyer (1991),
Lehmann (1995) et Traugott & Heine (1991).
119
cas) (23) et moins usuelle –mais encore possible– avec entendre (11,3%) (24)11. Les
VdPvolontaire ne semblent pas se prêter à cette construction de passivisation :
(23a) De peur de se voir voler son rôle de garde-chiourme du PAF, le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA) a fait savoir hier qu'il comptait lui aussi entendre les
responsables de France 2. (Glossa:12/11/2003)
(24a) Jean-Pierre Chevènement, un bon citoyen, s'est entendu promettre une réponse
prochaine à un récent courrier, […]. (LM:29/6/1994)
1. l’OI de la phrase active (lui) est transformé en sujet de la phrase passive (le
Conseil supérieur de l’audiovisuel, Jean-Pierre Chevènement) ;
2. le sujet de la phrase active (on) devient le complément d’agent ou disparaît ;
3. dans la passive, le VdP pronominalisé s’accompagne du verbe principal de
la phrase active à l’infinitif (se voir voler, s’entendre promettre).
Bien que le VdP ait perdu une partie de sa valeur sémantique, le sens du verbe
détermine encore les possibilités syntaxiques12. En effet, afin que la génération du
passif soit possible, le sujet humain doit participer activement à l’événement exprimé
par l’infinitif et l’événement doit être compatible avec le sens de voir. Ceci est le cas
dans (25a) mais pas dans (25b) :
(25a) Cette femme s’est vue offrir la direction du bureau. (Shyldkrot 1981:398)
(25b) *Einstein s’est vu accorder, à titre posthume, le titre de docteur honoris causa.
(Shyldkrot 1981:398)
En outre, l’analyse de notre corpus dévoile que le locuteur utilise quelquefois voir où
l’on attend normalement le verbe entendre :
(26) Le cas Chanal constitue, en effet, un terrible échec pour la Justice qui va se voir
reprocher non seulement sa lenteur, ses atermoiements, mais son incapacité à
protéger l'accusé de lui-même. (Glossa:16/10/2003)
Une fois de plus, le VdPinvolontaire visuelle voir se profile comme le VdP qui admet la
gamme de valeurs sémantiques la plus étendue.
11 Nous avons trouvé respectivement 165 et 21 exemples de la construction se VdP + Inf avec une
interprétation passive.
12 Ce qui soutient notre choix de parler de réduction sémantique plutôt que de désémantisation.
120
(27a) […] un homme et une femme mettant en commun un salaire identique voient ainsi
leur niveau de vie augmenter de 30 % par rapport à leurs homologues
célibataires.(LM:27/1/1998)
(28a) Por su parte, Jospin vio su porcentaje de aprobación caer ligeramente a un 42% en el
sondeo de abril, frente al 43% de marzo. (EM:8/4/2002)
(27b) Le niveau de vie d’un homme et d’une femme mettant en commun un salaire
identique augmente de 30 % […].
(28b) El porcentaje de aprobación de Jospin cayó ligeramente […].
dévoile que l’ordre des constituants dans les deux constructions est
fondamentalement différent :
(29a) La metalurgia también veía abrirse nuevas posibilidades con la electricidad […].
(CREA:Quintanilla M.A. 1997)
(29b) […] sa maison mère, la Compagnie bancaire, a vu sa valeur boursière
augmenter de 78,9%. (LM:8/1/1998)
(30a) Los últimos años de la década vieron acrecentarse la subsidiariedad del cine
folclórico, que además fue sustituido en el favor del público por el llamado ciclo del
‘cuplé’. (CREA: Monterde J.E. 1995)
(30b) […] dans une confuse mais farouche adhésion aux idées qu’avait vu naître et se
développer le siècle en train de s’achever. (AC:65)
(31a) La tierra que vio nacer a Miguel Hernández […]. (EM:22/3/2002)
(31b) La Vendée en particulier, qui s'affirme comme le quatrième département français
producteur de foie gras, voit son agriculture -prospère- réaliser 35% de son chiffre
d'affaires avec la volaille. (LM:25/12/1998)
121
(32a) Un chiffre que les propriétaires espèrent évidemment voir gonfler encore en cette fin
d'année […]. (Glossa:13/11/2003)
(32b) ?Un chiffre que les propriétaires espèrent évidemment que gonfle encore en cette fin
d’année […].
(33a) J’aime mieux qu’il accepte que de le voir refuser. (Shyldkrot 1984)
(33b) ?J’aime mieux qu’il accepte que qu’il refuse.
Par l’insertion de voir, la complétive est réduite à une infinitive sans que pour autant
le sens de la phrase change. De nouveau, le VdP perd une grande partie de son sens
lexical, mais pas entièrement.
L’analyse qui précède montre bien que la catégorie des CI couvre plusieurs types de
perception directe. Prototypiquement, elle dénote des processus de perception directe
physique concrète, mais nous avons également pu distinguer les valeurs suivantes :
En outre, le VdP peut perdre une grande partie de sa sémantique propre (réduction
sémantique). Toutefois, aucun exemple où la CI dénote un acte de perception indirecte
n’a été rencontré.
Les différents types mentionnés ci-dessus se rangent selon leur degré de
perception [± directe]. La catégorie de la réduction sémantique constitue un cas
particulier qui se situe en dehors de cette échelle :
122
réduction
sémantique
Le pays se voit déclarer la guerre.
Puisque notre étude ne traite pas en premier lieu de la polysémie des VdP, la
différenciation sémantique entre ces types de CI ne sera pas mise au premier plan au
cours de l’analyse qui suit. Elle était cependant indispensable à la caractérisation
préliminaire de la structure infinitive.
La négation dans la principale traduit la non perception d’un événement. Comme les
exemples de notre corpus le montrent, la négation peut couvrir deux valeurs
différentes : ou bien il n’y a pas d’événement à percevoir (36), ou bien il y a un
obstacle –temporel (37a) ou spatial (37b)– entre le percepteur et l’événement à
123
percevoir. Dans (36), la subordonnée est affectée par la négation ; dans (37), la
subordonnée n’est pas influencée par la négation de la principale :
Parfois l’on observe une ambiguïté entre ces deux lectures. Dans (38) par exemple, le
percepteur n’a pas vu le chef de l’état ‘faire ça’ ou bien parce que le chef n’a rien fait,
ou bien parce que le chef l’a fait invisiblement :
(38) Sur RTL, Henri Emmanuelli a assuré qu'il ne voyait pas l'ancien chef de l'Etat
‘faire ça’. (LM:10/1/1997)
Dupas (1997:185) ajoute que la négation d’un acte de perception implique toujours
une lacune par rapport à une attente. Quand Jean ne voit pas arriver Paul, le percepteur
Jean s’attend en quelque sorte à l’arrivée de Paul. La négation représente la non
validation d’un repère préconstruit :
« Lorsque nous ne voyons pas quelque chose, nous saisissons une discordance et cette
discordance introduit une scission entre l’attente de la vision et son résultat, entre le
visible et ce qui est vu.»
(40a) Tenía que sepultar el cuerpo de la amada... para siempre. Tenía que resignarse a no
mirarla jamás llorar sobre la tumba. (CDE:Helena Campos, R.)
(40b) On arrivait le dos courbé, en respectant trop notre adversaire. Cette fois, nous
n'allons pas les regarder jouer. (Glossa:10/12/2003)
Aussi la différence entre ne pas voir/ne pas entendre et ne pas regarder/ne pas écouter
correspond-t-elle à l’opposition entre ne pas pouvoir percevoir et ne pas vouloir percevoir.
(41a) Jean voit Marie [ne pas partir] = Jean voit Marie [rester].
(41b) J’ai vu Marie ne pas fumer.
(41c) J’ai vu la voiture ne pas démarrer.
de la principale (42). Cette restriction ne vaut pas pour les constructions de perception
indirecte (43) :
Schüle (1996:4) lie cette contrainte au lien étroit qui existe entre la subordonnée
infinitive et la principale :
« […] such sentences are still highly problematic. To begin with let me point out that, with
verbs denoting perception other than sight, VP negation produces sentences that are
simply grotesque […]. Examples with ‘watch’ are no better: ‘*I watched the baby not eat
his porridge.’ Examples with ‘see’ and inanimate objects are equally impossible: ‘*I saw the
ice not melt.’ »
Elle en conclut que la négation du Cinf est artificielle et n’apparaît pas dans la langue
naturelle :
« […] strike me as at best borderline, denizens of some limbo region between the
grammatical and the deviant. (I might add that in five years of looking out for real-life
utterances of such sentences I have not, to the best of my knowledge, encountered a single
example, not even one meant ironically; they seem to be confined to the laboratory
conditions of linguistic research).»
« […] certain operators are able to cancel the event aspect that was introduced by selecting
a certain verb from the lexicon. […] Negation destroys the event-aspect. »
Or, le même auteur montre que, bien que la négation dans le Cinf ne puisse
porter sur le complément entier, la négation indépendante du participant subordonné
ou de l’infinitif est dans certains contextes possible. Les exemples suivants sont définis
comme grammaticaux :
Dans (48), c’est l’absence de l’événement qui est aperçue directement. Dans (49), le
processus négatif n’est pas directement perceptible en tant que tel, et l’interprétation
de la phrase négative ne peut se faire qu’à partir d’une inférence : le percepteur
s’attend à ce que quelqu’un va sauter mais la personne en question ne saute pas.
En accord avec Miller, nous concluons que dans le contexte approprié, toute
difficulté d’interprétation d’un acte de perception négatif disparaît. Dans (50a) et
(50b), la négation traduit la perception d’un événement négatif. Dans (50c) la locution
être surpris indique que la négation représente le non dégagement d’une attente :
127
(50a) A un punto tallo ganaba aquella asfixia, que el mismo catre de cuartel que lo veía no
dormir, lo escuchaba también ahogarse enredado en su propia tos. (CDE:Saguier R.
1999)
(50b) Dans ‘Le mot du président’ à l'intérieur du programme distribué à l'entrée, il
écrivait : «Nous ne pouvons plus nous permettre de voir nos joueurs actuels ne pas
gagner, et chacun devra prendre et assumer ses responsabilités.» (Glossa:
7/12/2003)
(50c) Tant de ses confrères attaquent son mouvement lent les deux pieds déjà dans la
tombe que l'on est surpris d'entendre le pianiste ne jamais sacrifier son caractère
allant. (LM:2/12/1994)
Comme l’affirment Miller & Lowrey (2003), cette restriction syntaxique est
étonnante pour trois raisons. Premièrement, elle se produit dans plusieurs langues
romanes et germaniques, à savoir en français (Gaatone 1998, Willems 2000), en
espagnol (Fernández Lagunilla 2003, Hernanz 1999), en italien (Guasti 1989), en
anglais (Bennis & Hoekstra 1989, Felser 1998, 1999, Higginbotham 1983, 1984, Kirsner
1977, Mittwoch 1990), en néerlandais (Hoekstra & Moortgat 1979) et en allemand
(Vliegen 1986). Il s’agit donc d’un phénomène assez général qui dépasse les propriétés
particulières de chaque langue. Deuxièmement, les VdP sont passivisables dans leur
emploi transitif direct simple :
Vu qu’un verbe passivisable ne l’est pas nécessairement dans tous ses emplois,
l’absence du passif ne peut pas être due au type de verbe principal. Finalement, une
phrase passive telle que (51b-52b) est parfaitement compréhensible. Aussi la
contrainte sur le passif devrait-elle s’expliquer essentiellement par des facteurs
syntaxiques. C’est exactement ce type de motivation que l’on observe dans la
littérature.
L’explication la plus répandue consiste à considérer le SN2 subordonné et
l’infinitif en tant qu’un seul constituant, fermé et indissociable, si bien que le SN2 ne
pourrait jamais s’extraire de ce complément pour monter seul en position de sujet. Or,
deux arguments contredisent cette hypothèse. Premièrement, la montée en position
sujet du Cinf entier est également impossible (cf. 51c-52c). Deuxièmement, dans
certaines structures, l’extraction du SN2 du Cinf est bien possible, à savoir dans la
relative (51e) et dans l’interrogative (52e) :
cette structure est également soumise à certaines restrictions sémantiques. Le SN subordonné doit
renvoyer à un agent qui participe activement à l’événement exprimé (iia) et dans le cas de la
perception auditive, le bruit doit être associé naturellement au référent du SN2 (iib) :
(iia) ?The flood waters were seen to tear down the bridge.
(iib) ?The branch was heard to snap.
16 Comme dans Nous avons vu François être frappé de terreur à l’annonce de cette nouvelle. (Labelle
1996:93).
17 Pour l’espagnol, nous avons mis notre enquête sur le Foro del hispanista et le Foro del español de
(54) Je vois l’enfant manger. vs. *Je vois l’enfant avoir mangé.
(55) Je vois que l’enfant mange. vs. Je vois que l’enfant a mangé.
« Events can only be perceived while they happen. Hence the complement must be encoded
as temporally simultaneous with the matrix clause if events are expressed. » (Schüle
1999:79)
L’objet de la perception indirecte ne se produit pas et n’est pas localisé dans le temps,
ni dans l’espace. D’où la non pertinence du critère de la simultanéité obligatoire pour
les complétives.
L’hypothèse du contrôle événementiel (event control hypothesis) de Felser
(1999:146) pose que lors d’un acte de perception directe, l’argument événementiel du
complément subordonné entre dans une relation de contrôle impératif avec
l’argument événementiel du VdP principal. Comme l’événement doit être identifié
temporellement, le Cinf reçoit son indice temporel de l’argument événementiel de la
principale perceptuelle :
18 Elle a été observée dans plusieurs langues : en français (Labelle 1996, Miller & Lowrey 2003,
Willems 1983), en espagnol (Rodríguez Espiñeira 2000), en anglais (Bayer 1986, Bennis & Hoekstra
1989, Felser 1998, 1999, Gee 1975), et en néerlandais (De Geest 1970).
19 D’après Willems (1983) la complétive n’exige qu’un rapport de coïncidence dans le temps, dans le
«In direct perception constructions, the perception verb functions as a control predicate in
that its event argument controls the event argument provided by the embedded predicate.
[…] E-Pro receives its T-index via obligatory coindexing with the c-commanding event
argument in the matrix clause. »
Afin d’obtenir une lecture de perception directe, il suffit que l’intervalle temporel du
complément inclut en partie l’intervalle temporel de l’événement principal. La règle
TE aperçu = TE perception est réécrite comme TE aperçu ≥ TE perception : l’événement ne doit pas être
aperçu du début jusqu’à sa fin mais en partie simultanément.
Miller & Lowrey (2003) n’adhèrent pas à cette nouvelle formule de Felser.
D’après leur hypothèse, la contrainte de simultanéité doit être définie en fonction du
type d’événement aperçu et de la granularité (G), ou l’intervalle de temps nécessaire
pour reconnaître la nature d’un processus. Si le stimulus dénote un achèvement (J’ai
vu Jean trouver le livre), l’acte de perception même doit l’être aussi et TE aperçu = TE perception.
Par contre, si le stimulus consiste en une activité (J’ai vu Pierre marcher), un segment
suffisamment étendu de l’événement aperçu doit être inclus dans l’intervalle temporel
de la perception. La formule de Felser TE aperçu ≥ TE perception ne garantit pas que la durée
de la perception suffira pour reconnaître la nature de l’activité. La granularité G
fournit l’intervalle de temps minimal indispensable à la reconnaissance du processus,
au point que la condition de simultanéité doit se formaliser comme TE perception ≥ TGE
aperçu. Si le processus aperçu dénote un accomplissement (J’ai vu Jean traverser la rue), il
doit être aperçu jusqu’à son terme. Le temps de la perception doit inclure la borne
finale du processus télique ainsi qu’une partie antérieure suffisante pour l’identifier. Il
s’ensuit que la nature des différents types de processus décrits par l’infinitif joue un
rôle important. La contrainte de la simultanéité –telle qu’elle a été formulée par Miller
& Lowrey (2003)– confirme notre hypothèse proposée plus haut dans cette étude
selon laquelle les propriétés temporelles du stimulus influencent largement l’aspect
lexical des VdP20.
construction de perception directe est incompatible avec les prédicats d’état (56a-
57a)21. En effet, la perception directe implique toujours la perception d’un changement
d’état et donc d’un événement dynamique. En revanche, la contrainte sur la présence
des statiques n’est pas valable pour la perception indirecte (56b-57b) :
Bayer (1986:2) note toutefois que les infinitifs statiques sit, stand et lie se
comportent dans certains contextes comme des verbes dynamiques. Accompagné
d’un SN2 inanimé, ils dénotent des propriétés permanentes (58a) ; en présence d’un
SN2 animé ou humain par contre, ils dénotent des propriétés temporaires. Ainsi dans
(58b), le Cinf représente un changement d’état, perceptible par les sens :
21 Fernández Lagunilla (1992:400-401) montre toutefois qu’en ancien espagnol, l’apparition dans le
Cinf d’un verbe statique n’était pas encore exclue :
(i) Yo veo otras muchas creer a ti, parlera.
(ii) Veyendo estar con ellos el hombre que fuera sano, non lo podien contradezir.
22 Voir supra 4.2.2.1 Définition du trait aspectuel [± dynamicité], p 80.
134
(61a) On le voyait ressembler de plus en plus à son père. (Miller & Lowrey 2003:182)
(61b) […] on l’avait rarement entendu sonner aussi légèrement. (Miller & Lowrey
2003:186).
Dans notre ensemble des CI, certains verbes statiques –tels que vivir/vivre (62a)
ou sentarse/s’asseoir (62b)– apparaissent régulièrement dans la CI. Pour d’autres verbes
–tels que connaître (62c), éprouver (62d) ou se haïr (62e)– nous n’avons rencontré que
des cas isolés :
(62a) Hay gente a la que nunca le pasa nada. Soy una de ellas. Miro vivir a los otros.
(CDE:López N. 1954).
(62b) Al tiempo que avanzaba hacia la piscina, vio a una muchacha sentarse junto a la que
él había escogido y hablar con ella afectuosamente, pasándole el brazo por los
hombros. (SOL: Marsé J. 1967)
(62c) Une attitude qui dément au passage les espoirs du ministère du travail de voir le CIP
connaître, par ces conventions, ‘un grand développement’. (LM:29/3/1994)
(62d) Il raconte sobrement son Grand Meaulnes fin des années 60, une époque où la
jeunesse se regardait voluptueusement éprouver la naissance d'une certaine liberté,
encore saupoudrée des délicatesses et des clichés appris des parents. (LM:6/3/1998)
(62e) […] Hatzfeld a passé des mois à regarder les êtres humains se haïr, s'écharper, tuer
et se faire tuer dans cette ex-Yougoslavie qu'il a parcourue en tous sens pendant
deux ans, […]. (LM:25/2/1994)
23En d’autres termes, la fonction TG appliquée à un état aboutit à un intervalle de temps non borné
qui ne pourrait jamais satisfaire la contrainte de simultanéité.
135
Notons que seulement les exemples (62a), (62b) et (62e) dénotent des actes de
perception directe. Dans (62c) le VdP est utilisé pour topicaliser le CIP, dans (62d)
pour former un passif. Aussi la modération de la contrainte sur les statiques
s’accompagne-t-elle souvent d’une réduction sémantique du VdP principal. De plus,
nous n’avons rencontré que des exemples où l’infinitif statique est subordonné à un
VdPvisuelle ; les VdPauditive semblent se combiner plus difficilement avec des
compléments moins dynamiques. Cette discordance entre les deux modalités de
perception sera explicitée au cours des chapitres suivants.
Deux caractéristiques sémantiques –qui ont été confirmées par une recherche
empirique dans notre corpus– ne sont mentionnées que très sporadiquement dans la
littérature, à savoir les contraintes sur l’insertion de verbes modaux et d’adverbes de
phrase dans le Cinf.
Premièrement, les verbes modaux indiquant une possibilité/capacité/
permission (63), obligation (64) ou disposition (65), ne peuvent pas modifier le Cinf24.
En revanche, les mêmes verbes apparaissent sans difficulté dans la complétive (66) :
Les auteurs consultés n’avancent que des explications de nature sémantique pour
cette contrainte. Willems (1983:149) affirme que la présence d’un verbe modal dans la
subordonnée infinitive rend l’événement non dynamique, et :
« […] seules les situations dynamiques paraissent compatibles avec la perception directe. »
Dans le même ordre d’idées, Bayer (1986:6) définit les verbes modaux comme des
opérateurs qui éliminent l’aspect événementiel du Cinf, et il ajoute que :
24Schüle (1999) signale toutefois que dans quelques contextes particuliers le verbe modal pouvoir
peut apparaître dans le Cinf : Je ne l’ai jamais vu pouvoir manger tant de bonbons que ce jour-là.
136
implique que l’infinitif ne peut pas être modifié par un verbe modal indépendamment
du VdP principal.
Deuxièmement, les adverbes de phrase expriment l’attitude du locuteur envers
le contenu de la phrase entière (67). La règle générale pose qu’un tel adverbe ne peut
pas modifier le Cinf indépendamment du verbe principal (68). Il surgit sans difficulté
en position initiale de la CI (69) et dans la construction avec complétive (70). Un
adverbe qui modifie l’infinitif plutôt que le Cinf entier est également accepté (71) :
Comme dans le cas des verbes modaux, l’explication la plus évidente est que les
adverbes de phrase infirment l’aspect événementiel du Cinf et le rendent de la sorte
incompatible avec la perception directe.
25 Nous faisons abstraction des perceptions dues au mauvais fonctionnement d’un organe
perceptif (Je vois des taches rouges tournoyer devant mes yeux), ainsi que des perceptions illusions (La
nuit je vois bouger des ombres menaçantes).
138
En effet, percevoir un événement n’implique pas toujours que l’on aperçoit l’entité
responsable de l’événement. Deux cas sont à distinguer. Comme nous l’avons vu dans
la première section de ce chapitre, la CI sous (76) ne dénote pas un acte de perception
directe physique mais un acte de perception directe abstraite. L’objet de perception est
plutôt l’événement dans son ensemble ainsi que les effets qui en découlent, que le
participant subordonné abstrait, imperceptible directement26. Dans (77), la CI
représente bel et bien un processus de perception directe physique mais le percepteur
entend plutôt l’animal que l’homme. Le participant responsable de l’acte de tuer ne
produit aucun bruit et n’est donc pas perceptible auditivement ; il ‘cause’ une
production de bruits de la part de l’animal27. Comme nous verrons plus loin dans
cette étude28, ces exemples ont été invoqués pour défendre la thèse que le participant
subordonné SN2 ne fonctionne pas syntaxiquement comme l’OD du VdP, mais qu’au
contraire, l’OD du VdP est le Cinf entier.
Afin de pouvoir rendre compte des exemples (75-77), nous distinguerons trois
niveaux de perceptibilité. La perception simultanée de l’événement (E) et du
participant-initiateur (P) correspond au degré le plus haut de perception directe (I). À
un niveau plus bas se trouve la perception d’un événement sans perception directe du
participant sujet (II). Quand ni l’événement, ni le participant ne sont perceptibles, la
perception est indirecte et ne se traduit pas par une CI (III) :
26 Pour plus d’exemples, voir supra 5.1.2.4 La perception directe abstraite, p 117.
27 Pour plus de données, voir supra 5.1.2.2 La perception directe causée, p 115.
28 Cf. Chapitre 6 La structure interne du complément infinitif Les analyses proposées, p 141.
139
Dans l’événement décrit par (75), le participant train ainsi que l’événement d’arriver
sont perceptibles. Le Cinf se situe ainsi au niveau le plus élevé de perceptibilité. Dans
les exemples (76-77), le percepteur n’aperçoit pas directement le participant-initiateur,
mais l’événement global ; nous les rangeons de la sorte au niveau (II).
D’après notre hypothèse, le degré de perceptibilité du participant-initiateur est
encore conditionné par la modalité de perception du verbe principal : visuelle ou
auditive. En effet, la relation entre l’événement aperçu et ses participants est différente
dans le champ de la perception visuelle que dans le domaine de la perception
auditive. Comme nous l’avons affirmé lors de l’étude des propriétés conceptuelles des
modalités de perception29, la perception visuelle saisit la présence d’une entité : quand
je vois Jean par exemple, je le vois ‘quelque part’ et je le localise dans l’espace. Par
conséquent, lors d’un acte de perception visuelle, le percepteur aperçoit généralement
le participant-initiateur en même temps que l’événement global dans lequel il est
impliqué : quand je vois Jean arriver par exemple, je vois Jean, impliqué dans
l’événement d’arriver30. Nous appellerons ce type de perception : perception objectale31.
Tout au contraire, la perception auditive saisit l’effet d’une présence : je n’entends pas
Jean directement, mais les bruits qu’il produit. Lors de la perception auditive d’un
événement, le percepteur entend le résultat du processus ou de l’action causée par
l’entité : quand j’entends Jean chanter, je n’entends pas Jean directement mais l’action
qu’il performe en chantant. Par conséquent, le percepteur auditif entend plutôt
l’événement entier produit par le participant que le participant même. Nous
appellerons ce type de perception : perception événementielle32.
Afin d’illustrer davantage cette thèse, considérons la différence entre les
événements Veo pasar un tren et Oigo pasar un tren. Je n’entends le train que par le bruit
qu’il produit en passant ; ma perception auditive du train n’existe pas
indépendamment de l’événement de passer. Cependant, à côté du fait que je peux
voir le train lorsqu’il passe, je peux également voir le train sans que je me rende
compte qu’il passe. La perception auditive se situe au niveau II de l’échelle de
29 Cf. supra 2.4.2.2 Différences entre perception visuelle et perception auditive, p 29.
30 Les CI dénotant la perception directe causée constituent bien sûr des exceptions à cette règle
générale, comme dans Je vois Jean lancer la fusée au sommet de la montagne.
31 Objectal signifie ici ‘ce qui se rapporte à des entités concrètes’ ; le terme perception objectale renvoie
événementielle renvoie donc aussi à la perception de stimuli passagers, localisés dans le temps.
140
perceptibilité (perception d’un événement sans perception d’un participant) alors que
la perception visuelle se situe généralement au niveau le plus élevé de perceptibilité
(perception d’un événement et du participant-initiateur). Par conséquent, comme
nous l’avons déjà affirmé auparavant, la perception visuelle (niveau I) est plus directe
que la perception auditive (niveau II).
L’élucidation des rapports qui existent entre les degrés de perceptibilité des
stimuli visuels et auditifs, la structure interne du Cinf et certaines propriétés
syntaxiques de cette construction est l’enjeu des chapitres suivants.
141
Chapitre 6
L’une des questions les plus provocatrices que la construction VdP + Inf a suscitée est
celle de la composition du Cinf : est-il un complément de nature propositionnelle ou
non ? En général, une proposition est définie :
Toutefois, comme il est généralement accepté, l’une des caractéristiques de base d’un
verbe en mode non fini2 est l’absence d’un sujet grammatical qui dicte l’accord du
verbe. En effet, faute de flexion dans l’infinitif, le sujet logique ne fonctionne pas
comme le sujet grammatical de l’infinitif. Il s’y ajoute que le sujet sémantique est
parfois marqué d’une forme qui correspond à la fonction grammaticale d’un objet –
direct ou indirect3– et non à celle d’un sujet. Ainsi le Cinf a souvent été dénoté par le
nom d’accusativus cum infinitivo. Afin de contourner ces propriétés contradictoires du
Cinf, nous utiliserons plutôt les termes neutres SN2 et complément infinitif au lieu de
sujet de l’infinitif (Sinf) et accusativus cum infinitivo. En effet, il sera démontré au cours
des chapitres suivants que le rôle du SN2 dans le Cinf peut être conceptualisé de trois
façons différentes : comme Sinf, comme OD du VdP ou comme objet du prédicat
complexe VdP + Inf.
En fin de compte, le Cinf présente les caractéristiques logiques mais non les
propriétés formelles d’une proposition. Cette divergence est à l’origine de la vaste
bibliographie concernant la structure interne du Cinf et, plus généralement, de la CI.
Deux points de vue s’opposent. Un premier groupe de linguistes se concentre sur la
discordance formelle entre le SN2 et l’infinitif et en déduit la nature non
propositionnelle du Cinf. Le SN2 est caractérisé comme l’OD du VdP plutôt que
1 Halliday (2004) propose une vue tripartite de la notion de sujet en distinguant le sujet logique, le
sujet grammatical et le sujet psychologique. Il attribue à ces trois catégories des fonctions
différentes : le sujet logique correspond à l’agent ou à l’acteur du verbe, le sujet grammatical dicte
l’accord avec le verbe, et le sujet psychologique correspond au topique de la phrase.
2 Aussi appelé le mode impersonnel ou non conjugué. Trois types sont à distinguer, à savoir l’infinitif,
le participe et le gérondif. Dans les trois cas, le verbe ne varie pas en personne grammaticale.
3 Cf. la présence ou l’absence de la préposition a devant le SN en espagnol : Veo a Juan trabajar vs.
2
Veo llegar un barco. Une analyse plus détaillée de ce phénomène sera effectuée dans le chapitre 8 Le
marquage casuel du participant subordonné SN2, p 254.
143
comme le Sinf (6.2). Le deuxième groupe –plus nombreux– attribue à l’ensemble SN2 +
Inf les propriétés d’une phrase autonome avec un sujet et un prédicat. Le Cinf est
analysé comme un seul constituant de nature propositionnelle (6.3). Finalement, en
dehors de ces deux approches antinomiques se trouve l’analyse de l’incorporation
selon laquelle le VdP et l’infinitif s’unissent en un prédicat complexe ; le SN2
fonctionne comme l’OD de ce prédicat complexe (6.4).
6.2.1 La CI en tant que structure simple : l’analyse SN2 objet + Inf attribut de l’objet
4Nous utilisons cette représentation structurale uniquement à des fins descriptives et n’adhérons
aucunement à une analyse syntaxique (transformationnelle) à plusieurs niveaux.
144
Phrase
SN1 SV
je
V SN
vois
SN2=OD Inf=attribut OD
Jean travailler
5 Rappelons qu’en général, la passivisation de la CI n’est pas possible. Voir supra 5.2.2 La restriction
de passivisation, p 127.
6 À l’exception de Báez Montero (1990) et de Willems & Defrancq (2000).
7 Plusieurs auteurs recourront à l’argument de la perception globale d’un événement pour démontrer
la nature propositionnelle du Cinf, cf. infra 6.3.1 La nature unifocale de la perception, p 147.
145
(7) Je l’ai vu pleurer trois fois. vs. *Je le vois qui pleure trois fois.
(8) Je l’ai vu pleurer de trois à cinq heures. vs. *Je l’ai entendu qui pleurait de trois à
cinq.
Les auteurs qui proposent une analyse non propositionnelle pour le Cinf (Akmajian
1977, Dik 1981, Gee 1975, Rodríguez Espiñeira 2000, Van der Meer 1994) s’appuient
essentiellement sur l’argument de la nature bifocale de la perception. Plus
particulièrement, ils posent que lors d’un acte de perception directe le percepteur ne
projette pas globalement un événement, mais focalise d’abord le participant et ensuite
l’action dans laquelle il est impliqué :
8Pour une description plus détaillée des propriétés de ce complément et les principales différences
avec le Cinf, voir Annexes I.3 La relative de perception, p 358.
146
Dans cette optique, Rosenbaum (1967), Fiengo (1974) et Harbert (1977) posent
que syntaxiquement, le SN2 est l’OD du VdP, mais que sémantiquement il fonctionne
comme le Sinf. Le contrôle du sujet par l’OD9 et l’effacement de SN identiques rendent
compte de ce comportement double. De plus, l’infinitif n’apparaît plus à l’intérieur
d’un SN10 mais fonctionne comme constituant autonome. Le résultat est une analyse
du Cinf en tant que structure à deux constituants :
Phrase
SN1 SV SN2=OD SV
je vois
SN2=Sinf V=Inf
Jean travailler
Toutefois, il n’est pas difficile de formuler des objections à une telle analyse.
Premièrement, le comportement des VdP est assez différent de celui des verbes de
Les auteurs qui analysent le Cinf comme un seul constituant attribuent à l’ensemble
SN2 + Inf les propriétés d’une proposition complète. Jespersen (1937) semble avoir été
le premier à considérer le SN2 et l’infinitif comme une unité ou un dependent infinitival
nexus. Cette unité fonctionne comme l’OD du VdP et, à l’intérieur du nexus, le SN2
fonctionne sémantiquement comme le Sinf. Les arguments proposés en faveur de cette
analyse sont essentiellement de deux ordres : d’une part, les chercheurs s’appliquent à
11 Sur le degré d’autonomie du stimulus, cf. supra 3.3.3 Le stimulus : un proto-patient ?, p 64.
148
démontrer que le SN2 ne fonctionne pas comme l’OD du VdP mais comme le Sinf
(6.3.1.1), d’autre part, ils soulignent que le groupe SN2 + Inf constitue une unité
syntaxique (6.3.1.2)
De Geest (1970), Kirsner & Thompson (1976) et Felser (1999) mettent en relief la
fonction grammaticale du SN2 qui n’est pas en premier lieu OD du VdP, mais Sinf.
Leurs critères, proposés d’abord pour l’anglais et pour le néerlandais, valent aussi
pour l’espagnol (Campos 1999) et pour le français :
2. dans certains cas, le participant ne peut simplement pas être aperçu parce
qu’il est abstrait :
« […] it is not the complement subject but rather the entire complement which must be
considered the direct object of the sensory verb. »
La perception implicite du SN2 est définie comme une conséquence pragmatique des
nombreuses situations où la perception d’une action coïncide avec la perception d’un
agent :
« […] many sensory verb complement sentences do communicate that the referent of the
complement subject is, itself, perceived in the manner specified by the sensory verb. But
this type of message, in our view, reflects not the structure of the language but rather the
language user’s knowledge of the world. » (Kirsner & Thompson 1976:210)
Roegiest (1983) argumente que l’emploi de l’infinitif fléchi est rare quand le VdP et
l’infinitif se juxtaposent, comme dans :
Une deuxième série d’arguments proposés dans la littérature met en relief l’unité
syntaxique entre le SN2 et l’infinitif :
13 L’infinitif reçoit alors la dénomination d’infinito pessoal ; cf. entre autres Kiyosawa (1986).
150
3. le Cinf entier peut être focalisé dans une phrase clivée (16a-b), mais ni le
SN2 (16c-d), ni l’infinitif (16e-f) ne peuvent être extraits du Cinf :
(16a) Fue el barco atracar en el puerto lo que vi. (Di Tullio 1998:202)
(16b) C’était Marie danser que j’ai vu.
(16c) *A quien vi fue a María leer una novela. (Di Tullio 1998:204)
(16d) *Qui j’ai vu c’était Marie danser.
(16e) *Fue leer una novela como/que vi ayer a María. (Di Tullio 1998:204)
(16f) *C’était danser comment/que j’ai vu Marie.
(17a) *Leer una novela, (la) vi ayer a María. (Di Tullio 1998:204)
(17b) *Danser, j’ai vu Marie.
(18a) *¿A quién has visto ? He visto a María leer una novela. (Di Tullio 1998:205)
(18b) *Qui as-tu vu ? J’ai vu Marie danser.
(18c) *¿Cómo la viste a María ? Leer una novela. (Di Tullio 1998:205)
(18d) *Comment as-tu vu Marie ? Danser.
(18e) ¿Qué has visto ? He visto a María leer una novella.
(18f) Qu’est-ce que tu as vu ? J’ai vu Marie danser.
(19a) Vio al ciego bajar por la calle y al perro entrar en la casa. (Roegiest 2003:314)
(19b) J’ai vu Marie danser et Jean travailler.
Toutefois, nous verrons au cours de cette deuxième partie que chaque mode de
perception sélectionne prototypiquement un certain type d’entité. Ainsi les
VdPauditive sélectionnent des entités qui produisent un bruit –donc des SN2
nécessairement dynamiques (21)– alors que le SN2 subordonné à un VdPvisuelle peut
151
être dynamique mais ne doit pas l’être (22)14. Autrement dit, les VdPauditive
sélectionnent principalement des événements dynamiques alors que les VdPvisuelle
sélectionnent ou bien des événements dynamiques ou bien des objets :
Phrase
SN1 SV Cinf=proposition
je vois
SN2=Sinf Inf
Jean travailler
Une fois qu’une partie considérable de linguistes se sont accordés pour attribuer la
nature propositionnelle au Cinf, un nouveau problème s’est annoncé : de quel type de
proposition s’agit-il ? Guasti (1989, 1993) et Bennis & Hoekstra (1989) argumentent
que les Cinf anglais sont des propositions flexionnelles (full inflection phrases) et les
constructions homologues dans les langues romanes, des propositions concordantes
(agreement phrases). Felser (1999) rejette ces deux analyses sur base de l’absence
d’indices temporels propres et du phénomène de l’accord dans le Cinf. D’après cet
auteur, la proposition infinitive se caractérise d’abord par sa nature aspectuelle
(aspectual phrases). L’analyse que l’on retrouve le plus fréquemment (Bosque 1990a, Di
Tullio 1998, Higginbotham 1983, 1984, Keyser & Roeper 1984, Martineau 1992, Safir
1993, Stowell 1983 et Van Voorst 1988) est celle des phrases réduites (small clauses). Les
phrases réduites se définissent comme des unités de prédication sans flexion casuelle
et sans temps propre15.
14 Cf. aussi supra 2.4.2.2 Différences entre perception visuelle et perception auditive, p 29 et 3.3.3 Le
stimulus : un proto-patient ?, p 64.
15 Pour plus d’informations concernant leurs propriétés syntaxiques et la discussion autour du
nombre de constituants qu’elles comportent voir aussi Williams (1983) et Rothstein (1985). Ces
152
« El verbo selecciona temáticamente la cláusula pero le asigna caso a su sujeto (en una
configuración de Marcado Excepcional de Caso).» (Di Tullio 1998:201)
Ce phénomène de ECM montre que de l’une ou de l’autre façon, le SN2 est gouverné
par le VdP. Ainsi en espagnol (23a) et en français (23b) –comme en anglais (23c) et en
néerlandais (23d) d’ailleurs– le cas du SN2 pronominalisé est l’accusatif16 et non le
nominatif et lui est donc nécessairement assigné par le VdP :
auteurs-ci affirment qu’il ne s’agit pas de vrais constituants ; Stowell (1983) et Bosque (1990a)
argumentent en sens inverse. Nous adhérons à cette dernière position.
16 Ou le datif, comme il sera montré dans le chapitre 8 Le marquage casuel du participant
1. la montée du sujet (De Geest 1970, Kirsner & Thompson 1976, Miller &
Lowrey 2003) ;
2. la montée du verbe (Bennis & Hoekstra 1989, Declerck 1982b).
Phrase
SN1 SV Cinf=proposition
je vois
SN2 SV
Jean travailler
18 En d’autres termes, le SN2 fonctionne comme la source stimulus et le Cinf entier comme le
stimulus de perception.
19 Cf. supra. 6.2.2 La nature bifocale de la perception : le contrôle du sujet, p 145.
154
Miller & Lowrey (2003) soulignent que les VdP anglais présentent les particularités
des verbes à montée du sujet tels que to expect (s’attendre à). Premièrement, les
structures à montée se construisent avec le SN impersonnel it (26a). Ce SN non
référentiel apparaît également dans les compléments des VdP et fonctionne
nécessairement comme le Sinf et non comme l’OD du verbe principal (26b) :
De Geest (1970, 1975, 1980), Declerck (1982b) et Bennis & Hoekstra (1989)
argumentent qu’en néerlandais, l’infinitif monte vers la principale et se combine avec
le VdP pour former un prédicat complexe. Par la montée du verbe, le SN2 demeure
seul, en position d’OD du prédicat complexe :
« Verb raising leads to a situation in which the verb of an embedded sentential complement
is adjoined to its matrix verb. Verb raising applies only if the embedded complement is
infinitival. […] If the matrix verb is a modal verb or a perception/causative verb, only verb
raising is possible. » (Bennis & Hoestra 1989:31)
Phrase
SN1 SV Cinf=proposition
je vois
SN2 SV
Jean travailler
« […] by which one semantically independent word comes to be ‘inside’ another. » (Baker
1988:1)
21 Vu la bibliographie extrêmement riche sur l’incorporation, nous nous limitons aux ouvrages
pertinents pour l’incorporation dans le domaine des VdP. L’analyse se fonde sur les études
d’Aissen & Perlmutter (1976), Baker (1988), Clément (1969), Declerck (1982b), De Geest (1980),
Fauconnier (1983), Guasti (1989, 1993), Marantz (1984), Masullo (1992), Moore (1990), Roegiest
(1983, 1985, 1991, 2001a) et Rosen (1989).
156
construction composée dénote un seul événement plus élaboré. Nous verrons dans la
suite de cette deuxième partie que l’incorporation se produit quand deux processus
sont tellement proches conceptuellement qu’ils peuvent être considérés comme les
composantes d’un processus plus complexe. L’incorporation conceptuelle se
manifeste sur le plan syntaxique par un certain nombre de particularités que nous
décrirons à l’aide de la construction factitive.
Danell (1979) et Roegiest (1983, 1985, 1991) ont étudié en détail l’incorporation dans la
construction factitive faire, laisser, voir, entendre + Inf. Ils notent que la cohésion à
l’intérieur de cette structure fusionnée est susceptible de gradations : l’union est
obligatoire en espagnol et en français avec hacer/faire mais facultative avec dejar/laisser
et les VdP. Afin de pouvoir mesurer dans les chapitres ultérieurs le degré
d’incorporation dans la CI, nous parcourons d’abord les incidences syntaxiques les
plus importantes de l’union impérative dans la construction causative hacer/faire +
Inf22.
Premièrement, dans la construction causative incorporée, le SN2 se positionne
nécessairement derrière l’infinitif :
Aucun élément –même pas la marque de la négation- ne s’intercale entre les deux
verbes fusionnés23 :
22 En effet, les structures VdP + Cinf ont souvent étudiées en comparaison avec la construction verbe
causatif + Cinf. Sur la construction causative voir par exemple Guasti (1993) et Treviño (1994).
23 Cf. Declerck (1982b:173): « […] the complex V node resulting from Verb Raising is a lexical island into
Roegiest (1989) note que dans la construction causative espagnole, les clitiques ne
montent pas toujours. Cette observation renforce son hypothèse selon laquelle la
fusion est plus contraignante en français qu’en espagnol :
Toutefois, quand l’infinitif s’accompagne d’un propre OD, le SN2 est marqué comme
l’OI ou comme un complément oblique introduit par par ou par à25 :
Lorsque l’infinitif transitif s’accompagne d’un OI, le SN2 est également exprimé par
par ou pronominalisé par le datif lui :
24Cf. le principe du Highest Verb Clitic Placement proposé par Aissen & Perlmutter (1976:320): « The
rule of Clitic Placement attaches each clitic to the verb of the highest clause of which it is dependent. »
Moore (1990) argumente que l’union peut se produire également quand les clitiques ne montent
pas. S’il y a plusieurs clitiques dans la phrase, ils montent tous ensemble :
(i) Se lo hago escribir. vs. ?Le hago escribirlo.
(ii) Je la lui fais écrire. vs. *Je lui fais la écrire. vs. *Je la fais lui écrire.
Cf. le principe du Multiple Clitic Constraint proposé par Moore (1990:329) : « If a verb has more than
one clitic dependent, then either all clitic dependents of that verb undergo Clitic Climbing or none do. »
25 L’emploi variable de ces deux prépositions dépend selon Roegiest (1983, 1985) du degré
d’agentivité potentielle que l’on attribue au sujet enchâssé. Par s’utilise quand le sujet de l’infinitif
se profile comme un agent secondaire autonome dans le processus factif, alors que la préposition à
introduit des constituants moins agentifs.
158
Finalement, quand l’infinitif s’accompagne d’un OD ainsi que d’un OI, le SN2 est
nécessairement exprimé par un complément oblique :
(33d) Je lui fais écrire une lettre (par Jean)SN2. (lui = mon oncle)
En espagnol, quand l’infinitif est intransitif, le SN2 est marqué comme l’OD du
prédicat complexe, tout comme en français :
Quand l’infinitif s’accompagne d’un propre OD, le SN2 devient l’OI du prédicat
complexe :
Toutefois, comme l’affirme Roegiest (1989, 1991), l’espagnol est plus vulnérable quant
à la collision de deux fonctions grammaticales, vu le rapprochement formel entre l’OI
et l’OD humain26. Par conséquent, la présence d’un SN2 et d’un OD de l’infinitif
humains pose à la construction causative espagnole des problèmes semblables à ceux
de l’infinitif avec un OI en français. Là où le français admet la succession d’un OD
humain et d’un OI humain (34c), l’espagnol doit décomposer un énoncé avec deux
constituants humains (34c’) :
De même, la montée de deux pronoms qui renvoient à des êtres humains n’est pas
acceptable en espagnol ; les clitiques doivent être éloignés l’un de l’autre :
(34d) *Se lo hago castigar. vs. (Le)SN2 hago castigarlo. (le = a Juan ; lo = Pedro)
(35a) Hago salir a María furiosamente. (Marie part furieusement ou moi, furieuse, je
la fais partir)
26 Cf. infra 8.5.2 Les propriétés inhérentes de l’objet et son marquage casuel, p 274.
159
(36) Se hacen construir muchas casas. vs. *Se hace construir muchas casas.27
En français et en espagnol l’ordre des mots dans la CI varie entre (a) et (b)28 :
(37a) Veo aparecer una casa. vs. Veo una casa aparecer.
(37b) Je vois apparaître une maison. vs. Je vois une maison apparaître.
27 Cette phrase ne s’interprète plus comme une construction pronominale passive mais comme une
construction réfléchie, où le pronom se fonctionne comme un datif éthique.
28 En anglais et en néerlandais, l’ordre des mots est plus fixe : le SN se trouve toujours devant
2
l’infinitif.
29 Pour le français, il convient de mentionner Achard (1998), Labelle (1996), Miller & Lowrey (2003),
Roegiest (1985, 1989) et Vet (1987) ; pour l’espagnol, nous avons trouvé des indices chez Di Tullio
(1998), Fernández Lagunilla & López (1991), Fernández Lagunilla (1992), Rodríguez Espiñeira
(2000) et Roegiest (1989, 1998b, 2003).
160
3. quand l’infinitif est intransitif, le SN2 est marqué comme l’OD du prédicat
complexe (39a-b); quand l’infinitif s’accompagne d’un propre OD, le SN2
est marqué comme l’OI ou comme un complément oblique (40a-b):
Or, nous verrons dans le chapitre suivant que l’ordre des mots est plus libre en
espagnol qu’en français. Par conséquent, l’explication de Vet –bien qu’elle se base sur
une thèse acceptable pour le français– ne sera pas nécessairement transférable à la CI
espagnole.
Rodríguez Espiñeira (2000:71) soutient une analyse plus sémantique de
l’incorporation. Quand l’infinitif est intransitif et le complément nominal SN2 a un
référent inanimé, les deux verbes sont facilement intégrables en un seul prédicat
complexe (44a). Quand le référent est animé et l'infinitif est transitif, les deux verbes
se caractérisent par une plus grande autonomie, ce qui empêche la fusion (44b).
Troisièmement, quand un complément animé s’accompagne d’un infinitif intransitif,
l’incorporation est possible mais alterne avec la structure décomposée (44c).
Finalement, la structure incorporée caractérise également les phrases génériques où le
SN2 ne contient pas d’information sémantique importante ou n’est même pas explicité
(44d). La validité de ces principes sera vérifiée au cours des chapitres suivants :
« In VOV, the main participant in the subordinate process and that process as a whole are
both in profile, but the participant has initial salience, and is therefore recognized as the
primary landmark of the profiled relation. The process that participant is involved in is
recognized as a secondary landmark of that relation. » (Achard 1998:89)
162
« […] the particularity of VV is that the construction involves focal ‘readjustment’ of the
elements of the base. The process itself has initial salience, but the participant subsequently
becomes salient. »
Le survol des différentes solutions rencontrées dans la littérature montre que le Cinf a
reçu quatre analyses syntaxiques fondamentalement différentes. De plus, ces quatre
propositions accordent au SN2 les fonctions syntaxiques les plus diverses.
Premièrement, l’analyse de la CI en tant que structure simple attribue au SN2 la
fonction d’OD du VdP et à l’infinitif la fonction d’attribut de l’objet. Le Cinf est défini
en termes d’une structure nominale, donc non propositionnelle. Nous avons écarté
cette analyse sur base de la nature fondamentalement complexe de la CI, composée de
163
Nous avons constaté que chacune de ces quatre analyses est soutenue par une
série de tests sémantiques et syntaxiques mais que chacune est en même temps
contestable à base d’autres. Il s’en déduit que les argumentations traditionnelles ne
suffisent pas pour rendre compte de la structure interne du Cinf et qu’elles ne font
qu’animer une discussion sans fin. À cette incompatibilité entre les quatre analyses
proposées s’oppose l’hypothèse selon laquelle l’ensemble des Cinf derrière les VdP ne
constitue pas un bloc homogène. Autrement dit, les différentes solutions proposées ne
164
s’excluent pas, mais s’appliquent à des contextes différents. Les propriétés sémantico-
conceptuelles des modalités de perception –discutées dans la première partie de cette
étude– déterminent la structure interne du Cinf, en ce sens que chaque modalité,
visuelle ou auditive, sélectionne un type de stimulus particulier. De ce fait, chaque
type de VdP se construit prototypiquement avec l’un des trois types de Cinf discutés
ci-dessus. Dans la suite de ce deuxième volet, nous vérifierons –à l’aide de données
empiriques– les postulats suivants :
30 Rappelons que la notion de perception objectale indique que la perception visuelle focalise des
stimuli localisés dans l’espace ; cf. supra 5.3.5 La perceptibilité du stimulus, p 137.
31 La notion de perception événementielle indique que la perception auditive sélectionne des
événements et des bruits, donc des stimuli passagers, localisés dans le temps ; cf. 5.3.5 La
perceptibilité du stimulus, p 137.
32 Cf. supra 2.4.2.2 Différences entre perception visuelle et perception auditive, p 29 et 5.3.5 La
33 Dans Je vois Jean lancer la fusée il est probable que je ne vois pas Jean, mais je vois certainement la
fusée qui est quand même le participant principal dans l’événement du lancement. La perception
visuelle focalise donc cette entité.
34 Cf. supra 3.1.3 La décomposition de la transitivité, p 40.
35 Cf. supra 3.3.3 Le stimulus : un proto-patient ?, p 64.
166
mais il peut également être aperçu malgré son comportement statique. Par
conséquent, la perception visuelle est perception objectale d’un stimulus neutre quant
à la dynamicité, tandis que la perception auditive est perception événementielle d’un
stimulus intrinsèquement dynamique.
En outre, plus un participant et le processus dans lequel il est impliqué sont
dynamiques, plus l’événement entier est autonome ; moins un participant et le
processus sont dynamiques, moins l’événement est autonome. Dans Jean danse par
exemple, Jean est la source dynamique du processus de danser. L’événement entier
est autonome et ne nécessite aucune intervention de la part d’un participant extérieur.
En revanche, dans l’événement la feuille tombe, le participant inanimé non dynamique
la feuille ne peut pas directement causer l’événement de tomber ; l’intervention d’un
autre participant –le vent par exemple– est requise. Il s’ensuit que l’événement est
moins autonome et dépend d’un autre événement, notamment celui du soufflement
du vent. Par conséquent, le stimulus prototypique de la perception auditive est un
événement dynamique et autonome –qui prendra la forme d’une proposition– alors
que le stimulus prototypique de la perception visuelle est un objet, dynamique ou
non, ou un événement moins autonome, donc moins enclin à la forme
propositionnelle. Avant de passer à la considération des implications syntaxiques
d’une telle analyse (6.5.4), nous examinerons d’abord comment les différences
conceptuelles entre la perception visuelle et auditive rendent compte de la structure à
incorporation.
Or, nous avons déjà affirmé à plusieurs reprises que le percepteur visuel a plus de
contrôle sur l’acte de perception que le percepteur auditif qui se caractérise par un
degré d’agentivité moins élevé36. Parallèlement, il a été démontré que le stimulus
auditif se caractérise par un degré d’activité autonome plus élevé par rapport au
stimulus visuel37. Aussi l’incorporation devrait-elle être plus contraignante avec les
VdPvisuelle qu’avec les VdPauditive. Dans cette optique, le rapport entre les propriétés
inhérentes du participant subordonné SN2 et de l’infinitif d’une part, et le degré de
fusion d’autre part méritera certainement une analyse plus poussée. Les participants
et les infinitifs non dynamiques devraient favoriser l’incorporation alors que la fusion
devrait être moins contraignante avec les participants et les infinitifs plus dynamiques
et autonomes. Nous montrerons dans la suite de cette deuxième partie que dans la
structure incorporée d’un VdPvisuelle et d’un infinitif, le SN2 est conceptualisé comme
l’OD du prédicat complexe. Dans le cas de l’incorporation avec un VdPauditive, le SN2
est théoriquement aussi l’OD du prédicat complexe, mais sa dynamicité inhérente lui
fournit des marques propres au participant plus élevé sur l’échelle de dynamicité
inhérente des fonctions grammaticales (OD < OI < S), à savoir les marques de l’OI.
Afin de vérifier les hypothèses –selon lesquelles le Cinf subordonné à un VdPvisuelle est
de nature non propositionnelle et le Cinf subordonné à un VdPauditive est de nature
propositionnelle– nous devrons vérifier si :
Dans la littérature (Givón 2001, Keenan 1976, Lazard 1998, Primus 1999), trois
phénomènes syntaxiques sont avancés en tant qu’indicateurs formels des relations
grammaticales (S, OD et OI), à savoir :
Keenan (1975) propose une hiérarchie de ces trois indicateurs : le marquage casuel est
précisé comme l’indice le plus fiable de la fonction d’un constituant, la position
syntaxique est présentée comme l’indice le moins fiable. Entre ces deux extrêmes se
trouve l’accord verbal :
[- fiable] [+ fiable]
Autrement dit, si un constituant reçoit les marques casuelles typiques d’une certaine
fonction grammaticale, il est bien probable qu’il présentera aussi les propriétés
formelles de l’accord verbal et de la position syntaxique de cette fonction. Nonobstant,
dans son article datant de 1976, Keenan propose une hiérarchie légèrement différente.
L’accord entre le verbe et le prédicat serait l’indice le plus fiable de la fonction d’un
participant, suivi de son marquage casuel et de sa position syntaxique :
[- fiable] [+ fiable]
38 Givón (2001:197) insiste à ce propos sur la prototypicalité des relations grammaticales : « The
prototype approach to GRs and their universality much like the prototype approach to categorization
elsewhere, is a middle-ground approach between two rather unsatisfactory extremes. Within such a
framework, a subject or object may be a GR in a particular language without necessarily displaying the entire
basket of formal GR properties. […] But this does not necessarily make it loose its status as a GR. Finally, a
small number of constructions –or languages—may display mixed GR properties of their subjects or objects
without necessarily falsifying the universality of GRs. In dealing with complex biologically-based systems
such as cognition and language, one must not only accept but indeed expect universals that accommodate
gradation and non-prototypical minorities. Rather than destroying generalizations, such exceptions merely
testify to the complex, multi-factored nature of cognition and language.» L’abréviation GRs signifie
grammatical relations ou relations grammaticales.
170
vu le mode non personnel de l’infinitif39. Or, cette lacune peut être contournée par
l’examen de l’accord dans le passif pronominal espagnol, qui s’établit tantôt entre le
VdP et le SN2 (47a), tantôt entre le VdP et le Cinf entier (47b) :
L’accord au pluriel entre le VdP et le SN2 pointe vers une unité sémantique entre ces
constituants tandis que l’accord au singulier indique une unité forte entre le SN2 et
l’infinitif et secondairement entre le Cinf entier et le VdP. Dans le premier cas, le Cinf
se comporte comme un complément à deux constituants séparés, dans le deuxième
cas comme une proposition entière. Les conditions qui déterminent l’accord seront
analysées dans le chapitre 9 où nous répondrons aux questions suivantes : l’accord,
est-il plus fréquent avec un certain type de VdP et dépend-il des propriétés
sémantiques du SN2 et de l’infinitif ?
Quant au marquage casuel, le nominatif s’impose généralement au sujet,
l’accusatif à l’OD et le datif à l’OI. Toutefois, nous verrons dans le chapitre 8 que
quand le SN2 se caractérise par un degré de dynamicité élevé, il peut prendre en
espagnol les marques casuelles du participant immédiatement plus élevé que l’OD sur
l’échelle de dynamicité, à savoir l’OI. Nous argumenterons qu’un SN2 au cas accusatif
est conceptualisé comme l’OD du VdP et que, par conséquent, la structure du Cinf est
non propositionnelle. En revanche, le marquage datif pointera vers une
conceptualisation du SN2 en tant que participant agentif –prototypiquement le sujet–
et vers une structure propositionnelle du Cinf.
Finalement, l’ordre des mots prototypique des langues romanes est SVO, avec
un sujet qui se trouve prototypiquement en tête de la phrase –ou est du moins
antéposé au verbe– et un objet postposé. En accord avec nos hypothèses, si le SN2 est
conceptualisé comme l’OD du VdP, il se postposera à ce verbe ; s’il est conceptualisé
comme le Sinf, il s’antéposera à l’infinitif ; s’il fonctionne comme l’OD du prédicat
complexe, il apparaîtra derrière l’ensemble VdP + Inf. La corrélation entre la position
syntaxique du SN2, sa fonction grammaticale et la structure interne du Cinf sera
précisée dans le chapitre 7.
Chapitre 7
L’objectif du présent chapitre est d’élucider les rapports qui existent entre la
position syntaxique du SN2, sa fonction grammaticale, la structure interne du
Cinf et la modalité du VdP auquel il est subordonné (7.1-7.2). Concrètement,
nous proposons de démasquer les facteurs qui gouvernent la position
syntaxique du participant subordonné SN2 en passant des paramètres plus
formels (7.3) aux critères discursifs (7.4), cognitifs (7.5), sémantiques (7.6) et
lexicaux (7.7). Il sera argumenté que ce qui détermine la position du SN2 en
premier lieu, ce sont les propriétés sémantico-conceptuelles des modalités de
perception et notamment le degré de dynamicité du stimulus aperçu.
Dans les langues germaniques telles que l’anglais et le néerlandais, la position du SN2
est fixe. Il se met toujours devant l’infinitif :
Or, une première comparaison avec l’espagnol (2) et avec le français (3) montre que
dans ces deux langues romanes, la position du SN2 varie. Dans (2a) et (3a) le SN2
s’intercale entre le VdP et l’infinitif tandis que dans (2b) et (3b), le SN2 se met derrière
l’infinitif. Nous dirons que dans le premier cas le SN2 est préverbal (prév) par rapport
à l’infinitif, dans le deuxième il est postverbal (po) :
(2b) [….] una de las componentes de la Asociación Comarcal y Cultural Campos Góticos
oyó hablar a su abuela sobre la danza del paloteo de Valdenebro y de lo interesante
que sería su recuperación. (CREA:Prensa 2000)
(3a) […] la personne bègue peut enfin entendre les autres parler de son problème.
(Glossa:20/10/2003)
(3b) À entendre parler l'intéressé, on pourrait imaginer qu'Albert a la bougeotte. (LM:
30/11/1994)
Comme nous sommes d’avis que rien dans la langue n’est arbitraire ni superflu, nous
sommes curieuse de connaître ‘le pourquoi’ et ‘le comment’ de ces ordres syntaxiques
différents. Ce qui a première vue ne paraît qu’une simple variation formelle, nous
mènera à une reconsidération des facteurs qui influencent le comportement
syntaxique des VdP.
Dans notre corpus, il faut établir en premier lieu une distinction entre les SN2
nominaux (4) et les expressions pronominales du participant subordonné (5) :
(4) La mère d'Omar Daf était présente à Bonal pour voir jouer son rejeton. (Glossa:
17/10/2003)
(5) […] y lo miraban acercarse, con los brazos en jarras. (MM:92)
Ensuite, les SN2 nominaux sont classés selon leur position par rapport à l’infinitif :
préverbale ou postverbale (cf. 2-3). Nous distinguons également une catégorie assez
hétérogène (X) qui contient les exemples :
(8) El falso Golem vengador, la máquina que el Rey moro de Granada no consigue
ver funcionar contra las huestes cristianas. (SOL:Prensa 1977)
(9) […] une marque rarissime qu’on ne vit jamais fumer que par lui […]. (CH:9)
174
Pour le moment, nous faisons abstraction de ce groupe hétérogène ainsi que des
formes pronominales du SN2. Cette catégorie-ci sera analysée en détail lors de l’étude
de la corrélation entre la fonction grammaticale du SN2 et son marquage casuel2.
La classification des types de SN2 par type de VdP, donne les pourcentages
suivants en espagnol :
et en français :
Une première comparaison de ces données statistiques nous apprend qu’en espagnol
le SN2 est de préférence postverbal (po : 35,5% vs. prév : 12,2%) tandis qu’en français il
se met le plus souvent devant l’infinitif (prév : 46,9% vs. po : 23,8%). La tendance est
encore plus nette si l’on ne considère que les exemples pertinents3. En effet, 74,4% des
SN2 nominaux en espagnol est postverbal :
prév po total
# % # % # %
ver 213 19% 911 81% 1124 100%
oír 174 32,1% 369 67,9% 543 100%
mirar 15 26,3% 42 73,7% 57 100%
escuchar 77 51,3% 73 48,7% 150 100%
total 479 25,6% 1395 74,4% 1874 100%
Tableau 7.3 Préverbal vs. postverbal (espagnol)
prév po total
# % # % # %
voir 961 65,2% 512 34,8% 1473 100%
entendre 283 85% 50 15% 333 100%
regarder 92 40,5% 135 59,5% 227 100%
écouter 69 80,2% 17 19,8% 86 100%
total 1404 66,3% 714 33,7% 2119 100%
Tableau 7.4 Préverbal vs. postverbal (français)
niveau de CI S V O
« […] a language like French, which has neither syntactic nor prosodic flexibility […]. »
(Lambrecht 1994:321)
En effet, comme l’affirme Lazard (1998), le français est une langue sans déclinaison et
avec une conjugaison réduite. Il en résulte que l’ordre des termes est crucial pour
l’identification de la fonction des participants dans la phrase. L’espagnol par contre
semble s’éloigner de ce schéma canonique, du moins au niveau du Cinf :
176
niveau de CI S V O
La question est de savoir si le SN2 postposé à l’infinitif est conceptualisé comme le Sinf
ou si par contre, le locuteur lui attribue une autre fonction syntaxique.
Dans le chapitre précédent nous avons affirmé que la position syntaxique est un des
trois phénomènes formels qui dévoilent la fonction grammaticale d’un constituant : le
sujet se trouve prototypiquement en tête de la phrase –ou est du moins antéposé au
verbe–, l’OD et l’OI se postposent au prédicat. L’application de ces tendances aux
fonctions hypothétiques du SN2 dans la CI, donne les corrélations suivantes :
Si nos hypothèses –proposées dans le chapitre antérieur et reprises ici pour des
raisons de clarté– sont correctes,
l’antéposition du SN2 (en fonction de Sinf) devrait être la plus fréquente derrière un
VdPauditive ; la postposition du SN2 (en tant qu’OD du prédicat complexe) la plus
fréquente derrière un VdPvisuelle. Le fonctionnement du SN2 comme OD du VdP
coïncide soit avec l’antéposition soit avec la postposition à l’infinitif4.
Une comparaison pour chaque VdP des données proposées dans les tableaux
7.3 et 7.4 (cf. supra p 175), montre effectivement que dans les deux langues en
question, le nombre de SN2 préverbaux est systématiquement plus élevé pour les
VdPauditive (fr : 82,6% - esp : 41,7%) que pour les VdPvisuelle (fr : 52,8% - esp : 22,6%).
Aussi la modalité de perception semble-t-elle jouer un rôle dans le positionnement du
SN2 subordonné. Cette observation statistique est une première indication du bien-
fondé de notre hypothèse, selon laquelle la fonction grammaticale attribuée au SN2 et
l’agencement interne du Cinf dépendent de la modalité de perception visuelle ou
auditive du verbe principal.
Nous tenons à évaluer l’impact des autres paramètres proposés dans la
littérature pour expliquer l’ordre des mots dans la CI (7.3-7.5), ainsi que le pourquoi
de cette corrélation entre la modalité de perception et la position syntaxique du SN2
(7.6-7.7). Avant de passer à cette analyse empirique, nous esquissons brièvement les
principales différences entre l’espagnol et le français quant à l’ordre des mots
canonique, en nous appuyant sur les études de Delbecque (1987) et de Danell (1979).
Delbecque (1987) affirme que l’ordre des mots soulève des problèmes réels en
espagnol, où il semble régner une liberté considérable5. L’ordre variable fait partie
intégrante de la grammaire de la langue et n’est pas à reléguer au domaine de la
stylistique. Plus particulièrement, la position du sujet grammatical obéit à des règles
de probabilité et à certaines contraintes formelles. Du point de vue syntagmatique,
4 En effet, le SN2 doit être postposé au VdP. Cela implique qu’il apparaît ou bien entre le VdP et
l’infinitif, ou bien derrière l’ensemble VdP + Inf.
5 Cf. aussi Vanhoe (2004:34) : « Un fenómeno particular del español, […], es la posibilidad de variar el
orden de las palabras. » Pour plus de données concernant l’ordre des mots en espagnol voir aussi
Bolinger (1954), Contreras (1976), Hulk & Pollock (2001) et Torrego Salcedo (1984).
178
l’auteur étudie les corrélations entre d’une part la position du sujet, et d’autre part les
caractéristiques du sujet même, du verbe, de ses compléments et de la construction
entière. En outre, les paramètres analysés sont de nature sémantique, syntaxique,
morphosyntaxique et discursive. Le sujet antéposé est défini comme
prototypiquement animé, court et connu ; le sujet postposé est décrit comme inanimé
ou abstrait, long et non topique. Voici un survol des paramètres principaux pris en
considération6 :
Figure 7.3 Facteurs déterminant l’ordre des mots espagnol (Delbecque 1987:126)
Bien que Delbecque focalise la position du sujet principal, les dimensions et les
niveaux syntagmatiques distingués pourraient également servir à l’étude de la
position syntaxique du constituant subordonné. Aussi approfondirons-nous les
rapports entre la position du SN2 et :
Danell est le premier chercheur –et à notre connaissance aussi le seul– à énumérer les
paramètres pertinents susceptibles d’influencer la place du SN2 subordonné7. L’étude
de la cohésion dans la structure factitive (faire, laisser, voir, entendre + Inf), le mène à
postuler que des facteurs formels aussi bien que des paramètres sémantiques
interviennent. Danell affirme plus particulièrement que :
1. le type de verbe régissant joue un rôle. D’après ses données statistiques voir
et entendre se caractérisent par l’ordre VdP + Inf + SN2. Cette affirmation
contredit nos propres observations empiriques selon lesquelles l’ordre
prototypique en français est l’ordre inverse, avec un SN2 préverbal8.
2. le type d’infinitif influence l’ordre syntaxique. Avec des verbes qui
annoncent l’entrée en scène d’un personnage –tels que apparaître, venir ou
arriver– l’ordre des mots reflète l’ordre chronologique de la perception.
Comme la perception de l’action précède la perception de l’individu, le SN2
se met derrière l’infinitif.
3. la présence d’un complément d’infinitif ou d’un complément du SN2 joue
un rôle. En général, le locuteur place en position finale de phrase le
constituant le plus lourd, donc le constituant muni d’un complément.
4. le type de prédéterminant influence la position syntaxique du SN2. Vu que
les SN indéfinis représentent des entités nouvelles –donc des rhèmes– ils
tendent à apparaître en position finale de phrase, derrière l’infinitif.
Comme les SN définis dénotent généralement des entités connues ou des
thèmes, ils surgissent en position préverbale.
Un examen plus attentif de ces paramètres dévoile qu’ils sont –comme d’ailleurs dans
l’étude de Delbecque– de nature différente : sémantique, cognitive, morphosyntaxique
et discursive.
7 Danell utilise le terme sujet de l’infinitif (Sinf). Pour des raisons de neutralité, Sinf est remplacé par
SN2 ; cf. supra 6.1 Le Cinf, une proposition ou non ?, p 141.
8 Cf. supra 7.1.2 L’expression du SN2 dans notre corpus, p 173. Il n’est pas exclu que le corpus de
Danell soit essentiellement composé d’exemples avec des VdPvisuelle. Cette non différenciation des
modalités de perception pourrait ainsi causer une image déformée de l’ordre des mots dans le Cinf.
180
Di Tullio (1998:206) affirme qu’en espagnol moderne, l’ordre des termes dans le Cinf
est sensible aux propriétés de l’infinitif subordonné ; avec un infinitif transitif (12a) ou
inergatif (12b) le SN2 est surtout préverbal, accompagné d’un infinitif inaccusatif (12c),
il est postverbal :
« […] reproduce the stages of visual impression as they actually occurred at the moment of
perception. » (Hatcher 1944:279)
« […] with ‘A vit entrer B’ it is the activity which first strikes the attention : A is aware,
first, that someone has made an appearance, that something has suddenly entered his range
of vision — and only then does he recognize the entrant. And, once B is recognized, the
activity ceases to exist. » (Hatcher 1944:284)
Plus tard, Achard (1998) adopte cette thèse en affirmant que les deux constructions
avec un SN2 préverbal ou postverbal reflètent des conceptualisations différentes de la
scène aperçue, de la part du percepteur. La validité de l’hypothèse de l’iconicité de
l’ordre des mots sera évaluée dans (7.5).
Finalement, l’impact des critères morphosyntaxiques et discursifs a reçu peu
d’attention dans la littérature. Afin d’approfondir la portée des facteurs discursifs,
nous recourrons à la théorie sur la structure informationnelle de Lambrecht (1994)
(7.4). Quant aux paramètres morphosyntaxiques, notre analyse distinguera entre les
compléments de l’infinitif et les compléments du SN2 (7.3).
(14) En cuanto vio a aquel teniente tan joven cuadrarse ante él […]. (JP:244)
3. d’une relative :
(15) […] mirando negrear en el suelo y entre las ramas las aceitunas que nadie había
cosechado durante cuatro o cinco años, […]. (JP:107)
4. d’une apposition :
(16) […], Gilles-Marie Tiné, le directeur du Fonds ECO, fut surpris de voir affluer plus
d'une centaine de metteurs en scène, de toutes les générations et de diverses
notoriétés, […]. (LM:12/5/1994)
(17) C'est un Cavaliere rayonnant sous son bronzage irréprochable qui a écouté le
président du plus puissant pays du monde lui délivrer le ‘satisfecit’ tant
attendu au cours d'une conférence de presse conjointe. (LM:4/6/1994)
(18) La France ne doit donc pas avoir à redouter que l'on entende ses officiers ou ses
soldats témoigner librement. (LM:19/12/1997)
Il va de soi que le SN2 qui est l’antécédent d’une relative ne peut guère être mis
sur le même pied que le SN2 accompagné d’un adjectif épithète. La lourdeur du SN
est une notion graduelle qui peut être représentée par l’échelle suivante :
[- lourd] [+ lourd]
Ces degrés de lourdeur différents joueront un rôle primordial lors de l’analyse des
critères morphosyntaxiques. Logiquement, un complément lourd (ou fort) devrait
avoir plus d’impact sur la position du SN2 qu’un postdéterminant léger (ou faible).
(19) […] Forcat la miraba beber la gaseosa sonriendo levemente. (CREA:Marsé J. 1993)
L’OI est relié au verbe indirectement, par l’intermédiaire d’une préposition. Il peut
être le seul complément du verbe (20a), mais souvent il s’accompagne d’un OD (20b) :
(20a) […] c'est la coutume de voir le pouvoir échapper à ses détenteurs légaux.
(LM:12/2/1994)
(20b) Selon la chaîne CNN, sur l'un d'eux, on entendrait le président donner ce conseil à
Monica Lewinsky! (LM:24/1/1998)
(21) No supo moverse de allí hasta que escuchó el motor del coche de Alberto alejarse del
chalé entre los ladridos de Chitón. (CREA:Cohen E. 1993)
10 La définition de ces compléments nous est fournie par Feuillet (1998:2) : « Les actants sont
programmés dans la valence du verbe, tandis que les circonstants sont des membres libres. » Les actants se
caractérisent par leur caractère obligatoire, leur position syntaxique figée et leur limitation en
nombre tandis que les circonstants se caractérisent par leur caractère facultatif, mobile et non limité
en nombre. Notons quand même qu’il n’est pas toujours facile de distinguer les deux types.
Feuillet par exemple propose un continuum qui va des actants centraux jusqu’aux circonstants en
passant par la catégorie intermédiaire des actants périphériques.
11 Pour l’instant, nous faisons abstraction du phénomène espagnol de l’accusatif prépositionnel.
Dans veo al perro par exemple, le SN al perro est l’OD du verbe, malgré la présence de la préposition
a. Cf. infra Chapitre 8 Le marquage casuel du participant subordonné SN2, p 254.
12 D’autres types sont le complément adverbial de mesure, d’opposition, de but, de cause et de
condition.
184
verbe13. De plus, à l’intérieur de la catégorie des actants, l’OI est lié au verbe moins
étroitement que l’OD14. Logiquement, la présence d’un complément étroit de l’infinitif
ou d’un actant devrait avoir plus d’impact sur la position du SN2 qu’un complément
moins étroit ou un circonstant :
[- étroit] [+ étroit]
(22) […] se oyó al jinete apearse y dar tres pasos hacia la puerta de la casa. (EH:396)
13 Sauf dans par exemple Je vais à Paris où le Cadv de lieu est aussi appelé par le verbe principal.
Cependant, le lien V-Cadv est moins étroit que le lien V-OD ou V-OI.
14 Cf. entre autres Grevisse & Goosse (1993:394) ou Roegiest (1990).
15 Il s’agit donc d’une approche probabiliste, en termes de Delbecque (1987:246). Pour plus de
données statistiques et pour des cas illustratifs nous renvoyons aux Annexes II
La position syntaxique du participant subordonné SN2, et plus particulièrement à II.1 Paramètres
morphosyntaxiques, p 373.
185
(23) Apenas vieron los mozos locales aparecer a la pareja, […]. (EP:9/7/1999)
(24) ¿Y con el cristal, qué? -espeta Nina todavía adormilada al oír a los muchachos
apostar. (CREA:Rubio F. 1992)
Le tableau 7.5 montre que la présence d’un postdéterminant faible ou fort du SN2
augmente le pourcentage de SN2 postverbaux. L’espèce de postdétermination joue
apparemment un rôle car le nombre de SN2 postverbaux augmente
proportionnellement à la lourdeur du complément :
prév po total
# % # % # %
postdét zéro 58 13,9% 359 86,1% 417 100%
postdét faible 2 2,5% 79 97,5% 81 100%
postdét fort 3 1% 286 99% 289 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
prév
50,00%
po
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
postdét zéro postdét faible postdét fort
(25a) […] Esa misma noche, los residentes del Hilton Universal despertaron
agradablemente sorprendidos al oír a la vieja dama gritar […]. (CREA:Gómez
Arcos A. 1991)
(25b) Se vio el brazo y el hombro de uno de los nadadores blanquear […]. (SOL:
Sánchez Ferlioso L. 1956)
(26a) […] miraba flotar las partículas brillantes. (CREA:Caso A. 1994)
(26b) […] escuchó gemir a Sultán, el cachorro de Ña Rita, […]. (CDE:Saguier R.
1999)
prév po total
# % # % # %
absence compl 58 13,9% 359 86,1% 417 100%
+actant 90 50% 90 50% 180 100%
+circon 149 37,7% 246 62,3% 395 100%
+actant +actant 10 [100%] - - 10 100%
+actant +circon 46 56,8% 35 43,2% 81 100%
compl > 2 3 [100%] - - 3 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
Les compléments les plus étroitement liés à l’infinitif, les actants, semblent
avoir plus d’influence sur la position du SN2 (27) que les compléments non essentiels,
les circonstants (28)16 :
(27) Una noche vieron a Sartre comerse (un huevo duro)OD Inf […]. (CREA:del Pozo R.
1995)
(28) […] él mismo se quitó el antifaz y vio alejarse (rápidemente)Cadv el coche [...].
(JP:128)
En effet, le lien entre l’infinitif et son actant est tellement étroit que le SN2 s’intercale
plus difficilement entre les deux. Vu l’absence d’une propre lourdeur17, le SN2 se
range plus facilement devant l’infinitif, en position préverbale, que derrière ou entre
l’ensemble Inf + complément, en position postverbale.
Deuxièmement, la corrélation entre la présence de plusieurs compléments de
l’infinitif et la position du SN2 est claire18. La présence de deux actants de l’infinitif
déclenche l’antéposition du SN2 dans tous les cas (29). Il en est de même pour la
combinaison de trois compléments (30) :
(29) Era un lujo oír a Alejo pedirles (a María Jesús Alvarez y Joaquín Ocio)OI Inf (que
repitieran aquello de Directo, directo sólo por el placer de escucharles)OD Inf.
(CREA:Díaz L. 1992)
(30) […] se le oía al comandante decir (medio en serio medio en broma)Cadv (a la
azafata)OI Inf : (Chica, no sabes cómo nos la hemos jugado esta mañana..)OD Inf.
(CREA:Pérez San Emeterio C. 1991)
L’idée généralement acceptée que l’ordre des mots dévoile la fonction grammaticale
des SN pourrait expliquer ce phénomène. La succession de trois syntagmes –ou plus–
sans intercalation d’un prédicat compliquerait le décodage des différentes
fonctions grammaticales, surtout quand à la fois le SN2, l’OI de l’infinitif ou l’OD de
l’infinitif sont précédés de la préposition a (cf. 29). La combinaison actant + circonstant
semble constituer une exception à la tendance générale puisque les données nous
apprennent que dans ce contexte-ci, le nombre de SN2 postverbaux est plus élevé
(43,2%) en comparaison avec la présence de deux actants (0%). Le circonstant étant
moins étroitement lié à l’infinitif, il admet plus aisément l’intercalation du SN2.
16 Nous examinons uniquement la position du SN2 par rapport à l’infinitif et ne tenons pas compte
de la position du SN2 par rapport au complément d’infinitif, à savoir entre l’infinitif et le
complément ou derrière l’infinitif et le complément.
17 Rappelons qu’il s’agit d’un SN à complémentation zéro.
2
18 Le nombre d’exemples qui répondent aux critères mentionnés n’est pas élevé. Il faudra donc de
Dans les paragraphes préalables il a été noté que la postdétermination faible ou forte
du SN2 favorise sa postposition tandis que la présence d’un complément d’infinitif
entraîne souvent l’antéposition du SN2. Lequel des deux types de complémentation a
le plus d’impact sur l’ordre des mots ?
Les statistiques ci-dessous montrent que le nombre de SN2 préverbaux à
postdétermination faible augmente en présence d’un complément d’infinitif :
prév po total
# % # % # %
absence compl 2 2,5% 79 97,5% 81 100%
+actant 16 51,7% 15 48,3% 31 100%
+circon 28 32,6% 58 67,4% 86 100%
+actant +actant 3 [100%] - - 3 100%
+actant +circon 6 60% 4 40% 10 100%
compl > 2 - - - - - -
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
(32) Los navarros verán nacer (el próximo 3 de enero)Cadv una nueva entidad
financiera […]. (EP:12/11/1999)
Par rapport aux données du contexte SN2 (+postdét fort) + Inf (-compl Inf) le nombre de SN2
préverbaux augmente en présence d’un complément d’infinitif. Un examen plus
attentif des exemples montre que c’est surtout la présence d’un actant (43,4%) ou de
plusieurs compléments qui peut contrecarrer l’impact d’un postdéterminant lourd du
SN2, et admettre quand même l’antéposition du SN2. La présence d’un circonstant
n’empêche pas la postposition du SN2 :
prév po total
# % # % # %
absence compl 3 1% 286 99% 289 100%
+actant 23 43,4% 30 56,6% 53 100%
+circon 31 15,1% 175 84,9% 206 100%
+actant +actant 1 [50%] 1 [50%] 2 100%
+actant +circon 7 58,3% 5 41,7% 12 100%
compl > 2 1 [100%] - - 1 100%
100%
90%
80%
70%
60%
50% prév
40% po
30%
20%
10%
0%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
prév po total
# % # % # %
-postdét SN2 299 44,7% 371 55,3% 670 100%
+compl Inf
+postdét faible SN2 53 40,8% 77 59,2% 130 100%
+compl Inf
+postdét fort SN2 62 22,7% 211 77,3% 273 100%
+compl Inf
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00% prév
30,00% po
20,00%
10,00%
0,00%
/-postdét/ /+compl Inf/ /+postdét faible/ /+postdét forte/
/+compl Inf/ /+compl Inf/
(33a) Es muy triste ver a grandes escritores, a grandes poetas auténticos desangrarse
(en una esquina) Cadv a pesar de la edad. (CREA:Prensa 1996)
(33b) […] le dijo que había visto salir (de su boca)Cadv borbollones de fuego envueltos
en humo y olores de piedra azufre. (EH:384)
En fin de compte, quand le SN2 aussi bien que l’infinitif sont munis d’un
complément, l’ordre des mots semble indéterminé. Avec un postdéterminant faible,
c’est le complément de l’infinitif qui paraît l’emporter et qui déclenche l’antéposition
du SN2 ; avec un postdéterminant fort, l’ordre syntaxique est plus variable. Nous nous
essayons quand même à quelques schématisations :
192
(36) Nous entendions passer les voitures autorisées et c'étaient comme des voitures de
la mort. (LM:19/11/1998)
(37) […] puis écoutant refluer ce silence maintenant peuplé d’une vaste rumeur
[…]. (AC:98)
prév po total
# % # % # %
postdét zéro 137 51,5% 129 48,5% 266 100%
postdét faible 14 16,7% 70 83,3% 84 100%
postdét fort 26 10,3% 226 89,9% 252 100%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
postdét zéro postdét faible postdét fort
prév po total
# % # % # %
absence compl 137 51,5% 129 48,5% 266 100%
+actant 223 [100%] - - 223 100%
+circon 349 82,7% 73 17,3% 422 100%
+actant +actant 22 [100%] - - 22 100%
+actant +circon 128 [100%] - - 128 100%
compl > 2 7 [100%] - - 7 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
(39) Je ne supporte pas d'entendre les gens dire (qu'ils s'ennuient chez eux)OD Inf.
(Glossa:27/11/2003)
(40) Et je trouvais ça dingue qu'en plein D-Day, à quelques centaines de mètres des
combats qui allaient changer la face du conflit mondial, des correspondants de guerre
mangent des fraises en écoutant un Français (leur)OI Inf parler. (LM:25/5/1994)
(41) […] Yolande Bessot, impatiente de voir apparaître quelques éclaircies (dans un ciel
bisontin particulier)Cadv. (Glossa:25/10/2003)
(42a) Il fallait voir ces mômes (me)OI Inf dire : (‘Papa, fait ce qu'il te plaît’)OD Inf. (Glossa:
17/10/2003)
(42b) On aurait forcément préféré voir Metz ouvrir (le score)OD Inf (d'une autre
manière)Cadv. (Glossa:29/10/2003)
(42c) […] la Limbourgeoise a accepté le fait de voir Justine Henin (lui)OI Inf ravir (une
deuxième fois)Cadv (la place de première joueuse mondiale)OD Inf à l'issue de sa
qualification pour les demi-finales. (Glossa:9/11/2003)
prév po total
# % # % # %
absence compl 14 16,7% 70 83,3% 84 100%
+actant 63 [100%] - - 63 100%
+circon 76 59,4% 52 40,6% 128 100%
+actant +actant 7 [100%] - - 7 100%
+actant +circon 32 [100%] - - 32 100%
compl > 2 - - - - - -
196
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
(43) Elle fut contente de voir arriver de nouveaux voisins (au milieu des années
90)Cadv. (Glossa:15/11/2003)
(44) Il a donc fallu attendre l’avènement de Platini pour voir le coq français redresser
enfin (sa crête)OD Inf. (Glossa:22/12/2003)
Deuxièmement, par rapport aux chiffres pour le contexte SN2 (+postdét fort SN2) + Inf (-compl Inf)
le nombre de SN2 préverbaux monte considérablement en présence d’un complément
d’infinitif. En effet, la complémentation de l’infinitif semble favoriser l’antéposition du
SN2 :
prév po total
# % # % # %
absence compl 26 10,3% 226 89,9% 252 100%
+actant 96 96% 4 4% 100 100%
+circon 131 45,5% 157 54,5% 288 100%
+actant +actant 15 [100%] - - 15 100%
+actant +circon 66 [100%] - - 66 100%
compl > 2 4 [100%] - - 4 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
absence +actant +circon +actant +actant compl >
compl +actant +circon 2
(45) Son rêve, c’était de voir son collectif de danseurs, les Pockemon de Lyon,
remporter (l’une des compétitions de danse hip-hop les plus prestigieuses)OD Inf […].
(Glossa:28/10/2003)
(46) Lors d'une récente visite à Moscou, Gilles-Marie Tiné, le directeur du Fonds ECO,
fut surpris de voir affluer plus d'une centaine de metteurs en scène, de toutes
les générations et de diverses notoriétés, (à une table ronde organisée sur les
coproductions avec la France)Cadv […]. (LM:12/5/1994)
prév po total
# % # % # %
-postdét SN2 729 90,1% 73 9,9% 802 100%
+compl Inf
+postdét faible SN2 179 77,5% 52 22,5% 231 100%
+compl Inf
+postdét fort SN2 312 66% 161 34% 473 100%
+compl Inf
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
prév
50,00%
po
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
postdét zéro postdét faible postdét fort
et en français :
L’examen de la portée des facteurs discursifs ne peut pas manquer dans notre
approche exhaustive. La Linguistique Fonctionnelle étudie les modalités d’influence
de la structure informationnelle sur l’organisation syntaxique d’une langue21. Cette
structure informationnelle se définit généralement comme :
21 Il nous est toutefois impossible, dans le cadre de l’étude actuelle, d’aborder en détail les
nombreuses théories concernant la structure informationnelle de la langue. Pour une description
des postulats principaux de la Linguistique Fonctionnelle ou Discursive, voir entre autres Horie &
Comrie (2000) et surtout Lambrecht (1994). Rappelons que la Grammaire Cognitive pose également
que l’emploi des structures syntaxiques est conditionné par la fonction linguistique qu’elles
accomplissent dans un contexte pragmatique plus large, cf. 1.2.1 Principes de base de la
Grammaire Cognitive, p 4.
201
Dans la majorité des langues, la disposition informationnelle non marquée est celle
qui correspond à l’ordre thème/rhème, information connue/information nouvelle ou
topique/focus. Notons toutefois que ces trois couples ne constituent pas des synonymes
parfaits. Le thème est ce dont on parle alors que le rhème est ce que l’on dit à propos de
22 Les allophrases sont des phrases avec une structure syntaxique différente qui expriment toutefois
le même contenu sémantique.
202
quelque chose23. Or, ce dont on parle n’est pas nécessairement l’information connue.
Dans (47), le chat est l’entité dont on parle, bien que l’animal constitue un élément
nouveau dans le contexte discursif :
En outre, la dichotomie thème vs. rhème peut être déterminée à l’intérieur de la phrase
même, tandis que pour décider de ce qui est connu ou nouveau, l’on a besoin d’un
contexte plus large. Finalement, la considération des définitions du topique :
« The topic of a sentence is the thing which the proposition expressed by the sentence is
about.» (Lambrecht 1994:118)
et du focus :
« […] focus, which is that element in a pragmatically structured proposition whereby the
assertion differs from the presupposition and which makes the utterance of a sentence
informative. » (Lambrecht 1994:xiv)
« While preverbal position and lack of pitch prominence correlate with topic status and
previous presence of a referent (or its mental representation) in the universe of discourse,
postverbal position and pitch prominence correlate with focus status and previous absence
of a referent in the universe of discourse. » (Lambrecht 1994:43)
Par conséquent, il est possible qu’un SN2 conçu comme le topique du Cinf s’antépose
à l’infinitif alors qu’un SN2 focus se postpose à l’infinitif. De plus, de cette citation, il
ressort que la notion de topique est corrélée à la présence antérieure d’un référent
dans le discours tandis que le focus correspond à l’absence antérieure du référent. La
présence antérieure implique, à son tour, que le référent est connu par les
interlocuteurs alors que l’absence dans le discours antérieur signifie que le référent est
inconnu. Ainsi, bien que les couples topique vs. focus et donné vs. nouveau ne soient pas
des synonymes parfaits, ils se couvrent amplement.
23 Pour une définition détaillée des notions de thème et de rhème et leur rapport avec le couple
donné/nouveau voir Halliday (2004:64-105).
24 Le sujet étant normalement le topique de la phrase, il se met généralement devant le verbe ;
l’objet est souvent le focus et apparaît derrière le verbe. Ces facteurs soutiennent l’ordre canonique
SVO.
203
Il va sans dire qu’un référent connu est déjà identifié dans l’esprit des
locuteurs alors qu’un référent inconnu ne l’est pas encore. Par conséquent, il n’est pas
exclu que le SN2 identifié par le percepteur/locuteur s’antépose de préférence à
l’infinitif alors que le SN2 non identifié s’y postpose prototypiquement. Comment
peut-on mesurer le degré d’identifiabilité des constituants syntaxiques à l’intérieur de
la phrase ?
espagnol français
nom propre Juan, María, Europa, los EEUU,… Jean, Marie, l’Europe, la France,…
adjectif démonstratif ese, esta, aquel,… ce, cette, cet, ces
adjectif possessif mi, su, nuestro,… mon, sa, notre,…
article défini el, la, los, las le, la, les
adjectif numéral tres, mil,… trois, mille,…
article indéfini un, una, unos, unas un, une, des
quantificateur indéfini mucho, algunos, un poco de,… beaucoup de, certains, un peu de,...
article zéro ‘nombre escueto’
Tableau 7.19 Les types de prédéterminants
Les référents représentés par les noms propres sont les plus identifiables. Les adjectifs
démonstratifs indiquent directement la personne ou la chose dénotée par le nom
auquel ils sont joints. L’adjectif possessif établit un lien immédiat entre une entité
possédée et son possesseur, référentiel et connu. L’article défini désigne les entités
présentes dans l’environnement immédiat des interlocuteurs, dans le contexte spatio-
temporel partagé des interlocuteurs ou dans l’univers du discours plus large. Ces
entités sont par définition connues et identifiables par les locuteurs. L’article indéfini,
l’adjectif numéral, les quantificateurs indéfinis et les articles zéro par contre ne
désignent pas un référent particulier d’un ensemble, mais une entité indéfinie, non
identifiée et inconnue. Il en résulte que quant au degré d’identifiabilité des référents,
les SN définis s’opposent aux SN indéfinis :
défini indéfini
nom propre art indéfini
adj démonstratif adj numéral
adj possessif quant indéfini
art défini art zéro
Tableau 7.20 SN définis et indéfinis
prév po
# % # %
nom propre 6 10,7% 50 89,3%
adj démonstratif - - 4 [100%]
adj possessif 9 17% 44 83%
art défini 33 15,8% 176 84,2%
adj numéral - - 4 [100%]
art indéfini 5 9,5% 37 90,5%
quant indéfini - - 7 [100%]
zéro 5 9,5% 37 90,5%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
prév
40,00%
po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
n.propre dém. poss. art num. art q. indéf. zéro
défini indéf.
Or, le nombre de SN2 antéposés définis (82,8%) est beaucoup plus élevé que le nombre
de SN2 antéposés indéfinis (17,2%) :
28Quant aux SN2 introduits par des adjectifs démonstratifs et numéraux, nous disposons de trop
peu d’exemples afin d’obtenir des données représentatives.
206
Ce qui saute aux yeux, c’est le nombre très élevé de SN2 précédés d’un article
défini en position postverbale (84,2% de tous les SN2 avec un article défini). Danell
(1979) explique cette déviation par la multifonctionnalité de l’article défini, et plus
particulièrement par son apparition fréquente devant le nom générique. Celui-ci ne
représente pas une entité connue ou identifiée mais une classe de référents similaires.
Cet emploi particulier déclencherait le nombre élevé de SN2 postverbaux précédés
d’un article défini. Afin de vérifier cette thèse dans le corpus, il nous faut alors établir
une distinction supplémentaire entre les articles définis en emploi référentiel (50) et
les articles définis en emploi générique (51) :
Les chiffres statistiques nous apprennent que les SN2 définis génériques sont plus
fréquemment postverbaux (95,2%) que les SN2 définis référentiels (83%). Cependant,
ce dernier chiffre montre que, même en emploi référentiel, le prédéterminant défini
coïncide souvent avec la postposition du SN2 :
prév po total
# % # % # %
défini référentiel 32 17% 156 83% 188 100%
défini générique 1 4,8% 20 95,2% 21 100%
Tableau 7.23 Défini référentiel vs. défini générique
29 Comme le tableau 7.11 (p 193) l’a montré, il s’agit d’une moyenne de 51,5%.
207
prév po
# % # %
nom propre 8 47% 9 53%
adj démonstratif 5 83,3% 1 16,7%
adj possessif 31 58,5% 22 41,5%
art défini 69 47,6% 76 52,4%
adj numéral 1 16,7% 5 83,3%
art indéfini 17 56,7% 13 43,3%
quant indéfini 1 33,3% 2 66,7%
zéro 5 83,3% 1 16,7%
90%
80%
70%
60%
50%
40% prév
30% po
20%
10%
0%
n.propre dém. poss. art num. art q. indéf. zéro
défini indéf.
Tout comme en espagnol, le nombre de SN2 antéposés définis (82,5%) (52a) est plus
élevé que le nombre de SN2 antéposés indéfinis (17,5%) (52b) :
(52a) Ce qui m'a le plus frappé, c'est de voir Le Pen s'énerver et perdre ses moyens.
(Glossa: 23/11/2003)
(52b) Quand on regarde des enfants jouer, ils sont fascinants parce qu'ils sont en contact
avec quelque chose de vrai. (LM:7/7/1994)
Cependant, un SN2 défini ne s’antépose pas nécessairement à l’infinitif (83,8% des SN2
postverbaux étant définis) (52c), tout comme la présence d’un déterminant indéfini ne
déclenche pas obligatoirement la postposition du SN2 (17,5% des SN2 préverbaux
étant indéfini) (cf. 52b) :
(52c) C'est simple : voir jouer Justine Henin est un régal. (Glossa:20/10/2003)
208
prév po
défini référentiel 52 46,4% 60 53,6%
défini générique 17 51,5% 16 48,5%
Tableau 7.26 Défini référentiel vs. défini générique (français)
(53) Nos grands patrons, convoqués à l'Assemblée nationale, ont cru entendre sonner le
tocsin. (Glossa:27/11/2003)
(54) Je déteste tout simplement voir les hommes s'embrasser. (Glossa:22/10/2003)
Tout bien considéré, nous n’avons pas pu démontrer statistiquement l’existence d’un
lien entre la définitude ou l’indéfinitude du SN2 et sa position syntaxique.
Contrairement à ce qu’affirme Danell, les SN2 indéfinis ne se positionnent pas
prototypiquement derrière l’infinitif et les SN2 définis ne se mettent pas de règle
devant l’infinitif. Nos observations confirment la réserve exprimée par Blinkenberg
(1928:193) :
« Peut-être que la balance penche légèrement pour l’ordre sujet-verbe, quand le sujet est
déterminé, c’est-à-dire défini […] et inversement […]. Mais la différence, si elle existe, est
du moins très faible. »
30 Cf. par exemple la hiérarchie de Lazard (1984:277) : référent identifié complètement par locuteur et
interlocuteur > référence à quelque chose ou quelqu’un connu seulement par locuteur pas par l’interlocuteur
(un certain) > référence non spécifique (n’importe quel) > référence à un individu indéfini (un) > référence
générique.
209
« For example, given the construction of subject-verb inversion, and given the pragmatic
function of introducing a new entity into a discourse, it makes good sense that this
particular structure should be used to express this particular function, since the
corresponding non-inverted structure is conventionally associated with another function,
the topic-comment relation, which is compatible with the introduction of new referents.
Being based on a clear formal contrast, the association between VS order and
presentational function is cognitively motivated. »
Dans le cadre de la Grammaire Cognitive32, la syntaxe d’une langue n’est pas définie
comme un niveau formel autonome mais comme la représentation symbolique et
iconique de la structure sémantique. La configuration syntaxique impose une
structure conceptuelle à un contenu extralinguistique, de là que différentes
constructions syntaxiques représentent différentes structurations conceptuelles d’un
même événement :
«There is a consensus in the cognitive/functional linguistics that the syntactic form of the
complement is not strictly a structural matter, but that it reflects the way in which the
event it codes is viewed. » (Achard 2000:95)
31 Ce point est toutefois difficile à mesurer avec les données empiriques dont nous disposons.
32 Cf. 1.2.1 Principes de base de la Grammaire Cognitive, p 4.
210
33 D’après Hatcher, la construction avec un SN2 préverbal caractérise en premier lieu les relatives
de perception. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle établit également une distinction entre
les Cinf avec un SN2 préverbal et ceux avec un SN2 postverbal.
34 Cf. aussi supra 6.4.3 Les VdP et l’incorporation, p 159.
211
deuxième borne (secondary landmark). En cas d’un SN2 postverbal, l’événement aperçu
serait le plus saillant :
« The difference between the two constructions rests on which entity of the complement
scene is initially salient. In VOV, the main participant in the subordinate process and that
process as a whole are both in profile, but the participant has initial salience, and is
therefore recognized as the primary landmark of the profiled relation. The process that
participant is involved in is recognized as a secondary landmark of that relation. […] the
particularity of VV is that the construction involves focal ‘readjustment’ of the elements of
the base. The process itself has initial salience, but the participant subsequently becomes
salient. » (Achard 1998:89-90)35
Achard pose encore que dans la construction avec un SN2 postverbal, le participant ne
doit pas être aperçu. Je vois courir Marie n’implique pas nécessairement que je vois
Marie alors que Je vois Marie jouer signifie que je vois Marie ainsi que l’événement de
jouer.
À notre avis, l’hypothèse de l’iconicité de la syntaxe telle qu’elle a été formulée
par Achard, ne peut pas rendre compte de l’ordre des mots variable dans le Cinf :
Si nous regardons de plus près les exemples cités par Achard, nous constatons que
l’auteur invoque surtout des cas de la perception visuelle et que le modèle établi pour
cette modalité est transféré aux autres VdP. Nous avons toutefois déjà affirmé que la
relation entre l’événement perceptif et le participant subordonné est différente dans le
champ de la perception visuelle de celle dans le domaine de la perception auditive36.
Un percepteur voit généralement un participant localisé dans l’espace alors qu’il
entend plutôt l’événement produit par le participant que le participant même. En
effet, une entité peut être directement visible mais elle n’est pas directement audible :
elle doit générer des bruits. Il en résulte que l’antéposition du SN2 ne peut pas
coïncider mécaniquement avec la perception primaire du participant. Aussi la théorie
de la saillance initiale est-elle difficile à manier pour expliquer les données statistiques
observées au début de ce chapitre. Nous proposons de démontrer dans la suite de
37 Par conséquent, la notion de propriété sémantique ne fait pas allusion à la distinction entre les
noms continus vs. discontinus, les noms communs vs. les noms propres, les noms individuels vs.
les noms collectifs,… étudiée par entre autres Flaux & Van de Velde (2000) et Herrero Vecino
(1997).
38 Cf. 3.2.1 Le proto-agent/sujet, p 40.
213
« El nombre concreto se emplea para denominar una cosa concreta, es decir, con existencia
individual, material o inmaterial, corpórea o incorpórea, imaginaria o real : la casa, el
sueño. […] El nombre abstracto es aquel que designa cualidades, acciones o un concepto
que la mente extrae de la realización de algo que se repite tomando como soporte cosas
sustantivas; los sustantivos que sólo son comprendidos por la inteligencia: la pequeñez, la
alabanza. »
Comme les SN abstraits opèrent sur des idées et non sur la réalité, ils ne peuvent pas
causer un changement d’état réel et seront de la sorte classés parmi les non
dynamiques. Les SN concrets par contre dénotent des entités dynamiques ou non
dynamiques. À l’intérieur de la catégorie des noms concrets nous distinguons trois
types de SN selon leur nature animée, à savoir les SN humains (HUM), animés non
humains (ANIM) et inanimés (INAN). À première vue, les humains (56) et les animés
(57) sont dynamiques et s’opposent aux inanimés (58) qui sont non dynamiques :
Or, la catégorie des inanimés contient également des entités dynamiques. Les
machines, les voitures et même les ordinateurs40 sont capables de causer un
changement d’état et sont par là potentiellement dynamiques41. En conséquence, la
catégorie des inanimés n’est pas homogène mais contient des SN non dynamiques
(59) et dynamiques (60) :
39 La notion de dynamicité couvre en effet un domaine plus large que celle de l’agentivité. Une
entité est agentive quand elle est animée, quand elle cause un changement d’état consciemment,
volontairement et intentionnellement et quand elle contrôle l’événement. L’agentivité implique
toujours la dynamicité, mais l’inverse n’est pas vrai : une entité peut être dynamique sans qu’elle
soit agentive. Afin de décrire les propriétés du stimulus de perception, nous recourons donc à la
notion la plus large de dynamicité.
40 Cf. Yamamoto (1999:18): « […] computers execute very complicated mathematical tasks for us and are,
(61a) He venido para ver crecer las almendras, para vivir con la arquitectura arcaica.
(SOL: Prensa 1977)
(61b) Après cette période, on pourra les laisser à la lumière et voir s'épanouir des fleurs
multicolores. (Glossa:20/12/2003)
(61c) Mediante tomas de un fotograma por minuto vemos crecer la hierba y abrirse las
flores. (CREA:Rodríguez Delgado R. 1997)
Deuxièmement, les éléments naturels tels que les montagnes (62a), le vent (62b)
ou le soleil (62c) peuvent recevoir dans la CI une lecture dynamique. Cette
dynamisation s’accompagne d’un processus de personnification42 :
(62a) C'est alors que commenceront les vraies difficultés car rien ne serait pire que de voir
la montagne accoucher d'une souris, et le gouvernement, après avoir semé des
espoirs, reculer l'heure des décisions. (LM:5/3/1994)
(62b) Se oye al viento silbar en la mano derecha del piano […]. (CDE:Prensa 1998)
(62c) Mais peut-être faudra-t-il, comme le dit Hajo Bergmann, ‘voir le soleil se coucher
un millier de fois pour comprendre Bali’. (LM:22/2/1994)
Ainsi, le trait [± animé] ne peut pas toujours être directement corrélé à la dynamicité.
Le trait [± animé] dénote une propriété inhérente d’une entité alors que le caractère
[± dynamique] est plutôt une propriété apportée au SN par son emploi dans la phrase.
La lune par exemple est de nature inanimée, mais son caractère [± dynamique] dépend
de son emploi en contexte. Dans (63a) elle est non dynamique ; par son implication
dans l’action de chasser dans (63b), elle reçoit un comportement dynamique :
Notons toutefois que certaines entités sont invariablement de nature inanimée non
dynamique et se prêtent difficilement à des emplois dynamiques. Une clé par exemple
42 C’est-à-dire, l’entité inanimée est représentée sous les traits d’une personne.
215
reçoit plus difficilement une lecture dynamique que le vent, d’où la différence de
grammaticalité entre les phrases (64a-b) :
(65a) Un día oiré decir a su boca suplicante: ‘Enrique, amor mío, […]’. (CREA:Rossetti
A. 1991)
L’on observe dans cet exemple une relation métonymique particulière, à savoir la
synecdoque : la partie du corps bouche est prise pour le tout, donc pour la personne
entière43. Comme le tout représente une entité dynamique, la partie du corps reçoit
également une lecture dynamique. Notons que ces emplois métonymiques sont dictés
par la modalité de perception. Dans le cas de la perception auditive, l’on distingue les
relations la bouche/la voix pour la personne (65b), là où les VdPvisuelle sélectionnent la
tête/le visage pour la personne (65c) et les yeux pour la personne (65d)44 :
(65b) […] même l'aviateur en panne dans le désert qui entendra une petite voix lui
demander de lui dessiner un mouton ne saura plus s'il doit lui donner la réplique !
(LM:22/3/1997)
(65c) […] restant assis sur ses talons, en train de regarder à présent les têtes des petites
grenouilles réapparaître l’une après l’autre […]. (AC:101)
(65d) […] on ne voyait apparaître au-dessus de la manchette que les deux yeux qui le
fixaient avec une sorte de fureur, de reproche et de vindicative méchanceté. (AC:236)
(66a) […] par crainte de voir émerger une organisation concurrente de l'Otan. (Glossa:
18/10/2003)
(66b) […] leur demande de voir l'Iran signer le protocole additionnel, […]. (Glossa:
20/11/2003)
43 D’autres types de synecdoques consistent à prendre la matière pour l’objet (un fer pour une épée),
l’espèce pour le genre (un Ford pour une voiture),… Pour plus de données, voir entre autres Lakoff
& Johnson (1980).
44 La modalité de perception ne détermine donc pas uniquement les extensions métaphoriques des
VdP (voir supra note 23, p 32) mais également les emplois métonymiques dans leurs compléments.
216
(66c) Los aficionados madrileños tuvieron ocasión de ver jugar al Valladolid en el trofeo
de Vallecas. (SOL:Prensa 1977)
(66d) Je crois que Chirac ne serait pas malheureux de voir les Etats-Unis essuyer un échec
en Irak. (Glossa:17/10/2003)
(66e) […] sorprende oír a EEUU decir que ‘no necesita permiso de Naciones Unidas’ para
actuar llegado el caso en Irak, […]. (EM:11/11/2002)
Somme toute, les entités non dynamiques s’opposent aux entités dynamiques
ou aux corps auto-contrôlants (selfcontrolled bodies, Levin & Rappaport 1995) :
SN
concret abstrait
liberté
« […] noun phrases which encode stronger animacy precede less strongly animate noun
phrases […]. Animate subjects are much more likely to be preverbal than inanimate
subjects […]. »
Il s’ensuit que notre hypothèse d’une corrélation entre la nature sémantique du SN2 et
sa position par rapport à l’infinitif n’est pas sans raison. Ci-dessous nous examinerons
217
d’abord les types de SN2 sélectionnés par les VdP (7.6.2.2), et ensuite le lien entre le
type de SN2 et sa position syntaxique (7.6.2.3).
Le dépouillement des types de SN2 dans notre corpus fournit les résultats suivants en
espagnol45 :
et en français :
La CI se caractérise par un nombre peu élevé de SN2 abstraits. En effet, comme il a été
affirmé au départ de cette partie46, la CI dénote par définition un acte de perception
directe d’un événement concret et perceptible. Toutefois, l’apparition d’un SN2
abstrait n’est pas exclue, comme en témoignent les phrases (67) qui dénotent des
constructions de perception directe abstraite47 :
45 Nous ne retenons du corpus que les phrases avec un SN2 préverbal ou postverbal, ce qui revient
à un ensemble de 1874 exemples espagnols et 2119 exemples français. Afin de ne pas trop
restreindre la représentativité de notre échantillon, nous n’excluons pas les exemples avec un SN2
ou un infinitif à postdéterminant. Pour des données statistiques plus détaillées, voir Annexes II.3
Paramètres sémantico-conceptuels, p 389.
46 Cf. supra 5.1 La CI : une structure de perception directe ?, p 114.
47 Cf. supra 5.1.2.4 La perception directe abstraite, p 117.
218
(67b) […] se oía caer el silencio sobre la multitud como un murmullo que rodaba sobre las
cabezas y que iba a morir a lo lejos a través de las calles del barrio. (CREA:Díaz L.
1992)
(67c) […] je ne restais pas dans mon plumard à regarder passer la vie.
(Glossa:16/10/2003)
Cette conclusion n’est pas inattendue puisque afin qu’un événement soit perceptible,
un changement d’état causé par une entité dynamique doit être accompli. Voici les
données statistiques pour l’espagnol :
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% DYN
40,00% NON DYN
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
ver oír mirar escuchar
et pour le français :
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
DYN
50,00%
NON DYN
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
voir entendre regarder écouter
Les données statistiques révèlent aussi un écart important entre les VdPvisuelle et
les VdPauditive. Dans les deux langues étudiées, le nombre de SN2 non dynamiques est
plus élevé avec les VdPvisuelle ver/voir (26,9%-29,9%) et mirar/regarder (32,1%-25,2%) (69)
qu’avec les VdPauditive oír/entendre (15,2%- 6,2%) et escuchar/écouter (10,7%-4,9%) (70) :
(69) […] regardant disparaître peu à peu derrière la chaîne des sommets glacés déjà
couverts par les premières neiges les derniers feux du soleil […]. (AC:205)
(70) Abajo se escuchó abrir la puerta de la librería. (CREA:Mateo Díez L. 1992)
Ce qui saute aux yeux, c’est la prédominance de l’opposition perception visuelle vs.
perception auditive par rapport à la dichotomie volontaire vs. involontaire : la tendance à
sélectionner des SN2 dynamiques ou non n’oppose pas principalement les VdPvolontaire
aux VdPinvolontaire, mais les VdPauditive aux VdPvisuelle.
220
prév po total
# % # % # %
ver 213 19% 911 81% 1124 100%
oír 174 32,1% 369 67,9% 543 100%
mirar 15 26,3% 42 73,7% 57 100%
escuchar 77 51,3% 73 48,7% 150 100%
total 479 25,6% 1395 74,4% 1874 100%
Tableau 7.31 Prév vs. Po (espagnol)
prév po total
# % # % # %
voir 961 65,2% 512 34,8% 1473 100%
entendre 283 85% 50 15% 333 100%
regarder 92 40,5% 135 59,5% 227 100%
écouter 69 80,2% 17 19,8% 86 100%
total 1404 66,3% 714 33,7% 2119 100%
Tableau 7.32 Prév vs. Po (français)
Voici l’arrangement des VdP d’après leur tendance à se construire avec un SN2
préverbal ou postverbal :
[antéposition] [postposition]
Cette hiérarchie, avec l’opposition primaire entre les VdPvisuelle et les VdPauditive,
correspond grosso modo à celle que nous avons établie dans le paragraphe précédent
(cf. figure 7.7, p 219). La ressemblance nous mène à entrevoir une corrélation entre la
tendance d’un verbe à sélectionner un certain type sémantique de SN2 et le penchant
du même verbe à se construire avec un SN2 antéposé ou postposé : plus un VdP
sélectionne des SN2 dynamiques, plus il se construit avec un SN2 antéposé et vice
221
versa. La tendance des VdPauditive à se combiner plus souvent avec un SN2 préverbal
que les VdPvisuelle pourrait s’expliquer ainsi par leur inclination pour les SN2
dynamiques.
Cette hypothèse ne peut être valable qu’à condition que nos chiffres pointent
également vers les corrélations SN2 dynamique/antéposition et SN2 non dynamique/
postposition. L’examen attentif du rapport entre le degré de dynamicité du SN2 et sa
position syntaxique, nous apprend que les SN2 dynamiques se rangent en effet plus
fréquemment devant l’infinitif (esp : 32,1% - fr : 75,7%) que les SN2 non dynamiques,
qui sont plus souvent postverbaux (esp : 90,1% - fr : 47,4%). Voici les données relevées
pour l’espagnol :
prév po
# % # %
DYN 434 32,1% 916 67,9%
NON DYN 38 9,9% 344 90,1%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
prév
50,00%
po
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
DYN NON DYN
et pour le français :
prév po
# % # %
DYN 1013 75,7% 326 24,3%
NON DYN 220 52,6% 198 47,4%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
prév
40,00%
po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
DYN NON DYN
L’échelle suivante range les types de SN2 d’après leur tendance à se mettre en
position préverbale ou postverbale par rapport à l’infinitif :
[antéposition] [postposition]
P1 énergie P2
source récipient
agent patient
Jean manger pomme
P1 énergie
source
agent
Jean danser
P1 énergie
récipient
patient
branche casser
[- dynamique] [+ dynamique]
trois types d’événements distingués, il ressort que le verbe de (71) est transitif tandis
que les verbes de (72a-b) sont intransitifs :
En effet, du point de vue purement formel, danser est un verbe intransitif puisqu’il se
construit sans OD. Or, d’une perspective sémantique, les verbes intransitifs ne
constituent pas un groupe homogène mais dénotent deux types d’événements : ou
bien ils représentent une émission d’énergie ou bien une réception d’énergie. Suivant
le degré de transitivité et de dynamicité qu’ils dénotent, les trois types d’infinitifs se
rangent de la façon suivante :
[- dynamique] [+ dynamique]
Perlmutter (1978) a été le premier à noter que la classe des verbes intransitifs n’est pas
homogène mais comprend deux sous-classes, à savoir la classe des inaccusatifs
(INAC) (tomber, arriver, apparaître,…) et celle des inergatifs (INERG) (danser, travailler,
parler,…). La distinction entre les verbes inaccusatifs et inergatifs a reçu des
interprétations syntaxiques, sémantico-thématiques et aspectuelles.
La définition proposée par Perlmutter (1978), Burzio (1981, 1986) et Rosen
(1984) est d’un caractère essentiellement syntaxique. Ces auteurs posent que les
inaccusatifs et les inergatifs se distinguent par des configurations syntaxiques
profondes fondamentalement différentes. Dans le cas des verbes inergatifs, le sujet de
la structure de surface est également un sujet dans la structure profonde. En revanche,
le sujet superficiel des verbes inaccusatifs fonctionne dans la structure profonde
comme un objet. Autrement dit, un verbe inaccusatif ne peut pas prendre un objet et
226
lui assigner le cas accusatif, d’où l’avancement de l’objet en position de sujet dans la
structure de surface48 :
inaccusatif inergatif
a a
V 2 V 1
1 1
tomber Jean danser Jean
Autrement dit, le sujet syntaxique d’un verbe inergatif fonctionne comme un vrai
sujet tandis que le sujet d’un verbe inaccusatif a les propriétés d’un objet. Grimshaw
(1990), Tenny (1994) et Levin & Rappaport (1995) appellent le sujet unique du verbe
inergatif l’argument externe et le sujet de l’inaccusatif l’argument interne. Celui-ci est
directement gouverné par le verbe alors que celui-là se trouve en dehors de la portée
immédiate du prédicat.
Parallèlement, les deux classes d’intransitifs ont été définies d’un point de vue
sémantico-thématique. Labelle (1990) et Mendikoetxea (1999a) affirment que le sujet
d’un verbe inergatif est l’entité activement responsable du changement dénoté par le
verbe alors que le sujet d’un verbe inaccusatif est le locus du changement d’état : les
inergatifs ont des sujets typiquement agentifs tandis que les inaccusatifs se
construisent avec des sujets moins agentifs. Posé autrement, le sujet d’un inergatif
présente les traits du proto-agent alors que le sujet d’un inaccusatif se caractérise
plutôt comme le proto-patient. De plus, Levin & Rappaport (1995) et Mendikoetxea
(1999a) ont noté des tendances de certaines classes verbales à être associées à
l’inaccusativité ou à l’inergativité. Le tableau suivant fournit quelques exemples :
INERG INAC
-verbes dénotant des processus corporels -verbes dénotant des changements d’état
involontaires (dormir, tousser, rire) physique ou psychique de cause interne
-verbes d’émission de stimuli corporels (puer, (tomber, croître, gonfler)
briller) -verbes non agentifs de mouvement
-verbes agentifs de mouvement (courir, nager, (rouler, sauter)
danser) -verbes de direction (descendre, monter, arriver)
-verbes d’existence (exister, vivre)
-verbes d’apparition (apparaître, surgir)
-verbes de disparition (disparaître)
Notons que si l’on compare plusieurs langues, des verbes ayant un sens similaire
peuvent être classés différemment par rapport à l’inaccusativité. Mendikoetxea
(1999a) mentionne quelques différences entre l’espagnol et le français d’une part, et
entre l’espagnol et l’anglais de l’autre :
INERG INAC
espagnol français
fundir fondre
deteriorar détériorer
espagnol anglais
oxidarse to rust
pudrirse to rot
hincharse to swell
Tableau 7.36 Intransitivité à travers les langues
Bien sûr, ce qui nous intéresse le plus, ce sont les tests proposés pour le français et
pour l’espagnol. Labelle (1990) pose qu’en français :
10. les inaccusatifs admettent des SN postposés sans déterminant : llegan coches
vs. *trabajan personas ;
11. de certains verbes inaccusatifs l’on peut former un adjectif dérivé en -ble ;
les inergatifs ne donnent pas lieu à ce type d’adjectif : variable, recomendable
vs. *nadable, *gritable ;
12. les inaccusatifs s’insèrent dans la périphrase subordonnée à la construction
participiale avec acabar : noticias acabadas de llegar vs. *hombres acabados de
trabajar ;
13. comme en français, les inaccusatifs apparaissent dans la construction
absolue : llegado el ministro vs. *trabajados los hombres ;
14. les inaccusatifs se construisent avec l’adverbe temporel recién : recién llegado
vs. *recién trabajado ;
Il a déjà été signalé précédemment que Danell (1979), Delbecque (1987) et Lambrecht
(1995) écrivent que les verbes qui marquent l’entrée en scène d’un personnage
(apparaître), l’arrivée d’un événement ou la succession de faits (arriver, passer) –des
verbes prototypiquement inaccusatifs– sont propices à la postposition de leur sujet50.
Tortora (1999) présume que cet ordre des mots VS reflète l’ordre de la structure
profonde où le sujet –qui est en réalité un objet– surgit à droite du verbe51.
Finalement, Di Tullio (1998) affirme qu’en espagnol, l’ordre des mots dans la CI est
sensible aux propriétés de l’infinitif : les infinitifs inergatifs sélectionnent souvent des
SN2 préverbaux tandis que les inaccusatifs préfèrent les SN2 postverbaux. La validité
de cette thèse sera vérifiée dans notre corpus.
À part les verbes transitifs et intransitifs, un troisième type d’infinitif surgit dans le
corpus, à savoir les infinitifs pronominaux (PRON) : encontrarse/se rencontrer, lavarse/se
laver, desmayarse/s’évanouir,… Un verbe pronominal se construit par définition avec un
pronom conjoint –la forme du clitique se à la troisième personne– qui est de la même
personne que le sujet. La littérature abondante au sujet des constructions
pronominales52 s’occupe en premier lieu de la multifonctionnalité du clitique se et de
50 Cf. supra 7.5 Paramètres cognitifs : l’iconicité de la structure syntaxique , p 209. Les auteurs cités
étudient respectivement le français, l’espagnol et l’italien. Notons quand même qu’en général, la
postposition est plus fréquente en espagnol et en italien qu’en français.
51 Elle ajoute toutefois que tous les inaccusatifs ne favorisent pas la postposition, avec partir par
pour l’espagnol nous citons les ouvrages de Alarcos LLorach (1970), Cano Aguilar (1981), De
231
son statut par rapport à la structure argumentale. Or, le but du présent paragraphe est
de répondre à la question avancée par Espinosa García (1995:77) :
Les phrases (77b-c) indiquent que se remplit également la fonction syntaxique d’un
OD dans (77a) mais que, contrairement à ce que nous avons observé à propos de (76),
le sujet n’agit pas sur un autre participant mais sur soi-même. Le sujet Jean et l’OD se
sont coréférentiels, d’où la dénomination de construction réflexive53 :
Miguel (1992, 2000), Espinosa García (1995), Maldonado (1999), Martín Zorraquino (1979),
Mendikoetxea (1999b), Moreira Rodríguez & Butt (1996), Nishida (1994), Oesterreicher (1992),
Schmidt-Riese (1998) et Peregrín Otero (1999). Pour des études plus générales des constructions
pronominales, voir Cennamo (1993), Reinhart (1996) et Selig (1998).
53 Waltereit (2000) distingue trois types de constructions réflexives d’après le degré de coréférence
entre le sujet et se, à savoir : la construction réflexive directe dans laquelle les deux participants
sont entièrement coréférentiels (i) ; la construction réflexive partitive dans laquelle le premier
participant est en partie coréférentiel avec le deuxième (ii) ; la construction réflexive
métonymique qui implique une relation partie-tout entre le sujet et une deuxième entité qui y est
liée conceptuellement (iii) :
(i) Jean s’est enfermé dans son bureau.
(ii) Jean se rase. (On ne rase qu’une partie du visage, à savoir le menton)
(iii) Jean se confesse. (Jean confesse ses crimes ou ses péchés)
232
Les propriétés de ces deux constructions seront analysées en détail plus loin dans
cette étude55.
Le schéma suivant résume la classification proposée pour les constructions
pronominales :
se : fonction grammaticale?
/+/ /-/
À notre avis, les infinitifs pronominaux s’introduisent dans les trois classes
d’événements distinguées dans la section antérieure, à savoir :
54 Notons que cet emploi est plus répandu en espagnol qu’en français, où *se prendre peur et *se
tomber n’existent pas.
55 Cf. Chapitre 9 L’accord verbal dans la construction infinitive pronominalisée, p 295.
233
(80) Los vi besarse, no en la boca, qué alivio, sino en las mejillas, […]. (JP:347)
La classification des infinitifs réflexifs est moins évidente. Certains auteurs les
considèrent comme des verbes transitifs (Mendikoetxea 1999b, Peregrín Otero 1999,
Selig 1998), d’autres comme des inaccusatifs (Grimshaw 1982, 199056, Sportiche 1998,
Van Voorst 1988, Waltereit 200057). Nous nous rangeons du côté de Hopper &
Thompson (1980) et de Maldonado (1999) qui situent les verbes réflexifs à cheval sur
les transitifs et les intransitifs. Comme l’action que l’homme effectue sur soi-même est
moins énergétique que l’action dirigée vers d’autres participants, il y a une réduction
du degré d’énergie transmise par rapport aux transitifs prototypiques58. Toutefois,
l’adjonction du clitique se, comme dans lavarse, ne modifie pas radicalement la
structure actancielle du verbe originairement transitif lavar. En outre, ces verbes
s’accompagnent souvent d’un OD explicitant le terme de l’énergie ; ainsi dans la
phrase (81), l’infinitif est clairement transitif :
56 Grimshaw (1990:154): « […] reflexive cliticisation turns a verb with an external argument into a verb
with no external argument: the syntactically expressed argument is the internal argument of the verb. »
57 Waltereit (2000:268): « By its very nature, self-affectedness as related to reflexivity focuses on the result
of the event because self-affectedness is a result of self-directed action. By the same token, the implicature of
self-affectedness fades out the subject participant of the reflexive construction. Only one participant remains
conceptually represented; the reflexive construction resembles therefore an unaccusative intransitive verb. »
58 En effet, les verbes réflexifs n’ont qu’un seul participant et non deux comme les transitifs
prototypiques.
59 Nous avons vu dans 7.6.3.1.2 Les verbes intransitifs : inergatifs et inaccusatifs (p 225) que la
« En primer lugar, […] es bien sabido que en algunas lenguas germánicas los verbos
inherentemente reflexivos se conjugan con el equivalente de ‘haber’, mientras que los
inacusativos se conjugan con el equivalente de ‘ser’, […]. En segundo lugar, existen verbos
inherentemente reflexivos que se comportan como intransitivos inergativos respecto a
algunos diagnósticos […]. En tercer lugar, es bien sabido que la inergatividad y la
inacusatividad son o pueden ser propiedades, no del verbo por sí mismo, sino del
predicado. »
Les tableaux 7.38/7.39 marquant le rapport entre la modalité du VdP et les types
d’infinitifs subordonnés montrent qu’en espagnol et en français, les VdPvisuelle ver/voir
et mirar/regarder sélectionnent principalement des infinitifs inaccusatifs :
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
TR
40,00% INERG
30,00% INAC
20,00%
10,00%
0,00%
ver oír mirar escuchar
et pour le français :
70,00%
60,00%
50,00%
40,00% TR
INERG
30,00%
INAC
20,00%
10,00%
0,00%
voir entendre regarder écouter
L’examen du rapport qui existe entre le type d’infinitif et la position du SN2 qui
l’accompagne (cf. tableaux 7.40/7.41 à la page suivante), dévoile que les inaccusatifs
(86a) sélectionnent généralement des SN2 postverbaux tandis que les infinitifs
transitifs (86b) et inergatifs (86c) admettent plus facilement des SN2 préverbaux :
(86a) […] viendo (aparecer)INAC al viejo en la esquina de la plaza al mismo tiempo que
escuchaba el toque de difuntos en las campanas de Santa María. (JP:139)
(86b) Il entendra Gabriel Marcel, l'existentialiste chrétien, (faire)TR l'éloge du
Réarmement moral et Céline pester contre le ‘trust des martyrs’. (LM:21/2/1997)
(86c) Et il faut attendre les toutes dernières minutes pour enfin voir Kluivert
(égaliser)INERG. (Glossa:22/12/2003)
(86d) El público lo que quiere es ver (ganar)INERG a su equipo sean de donde sean los
jugadores, comentó el veterano técnico. (DS:27/6/2002)
Il s’y ajoute que le lien Inf INAC/SN2 postverbal est plus prononcé en espagnol qu’en
français (86e), où l’antéposition du SN2 est plus fixe :
(86e) Enfin, Freddy Thielemans se réjouit également de voir l'offre culturelle (se
développer)INAC frénétiquement. (Glossa:28/10/2003)
237
prév po
# % # %
TR 209 53,3% 183 46,7%
INERG 139 33,2% 280 66,8%
INAC 131 12,3% 932 87,7%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% prév
40,00% po
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
TR INERG INAC
et pour le français :
prév po
# % # %
TR 663 [100%] - -
INERG 222 65,7% 116 34,3%
INAC 521 46,6% 597 53,4%
100%
90%
80%
70%
60%
50% prév
40% po
30%
20%
10%
0%
TR INERG INAC
La classification des infinitifs selon leur tendance à se construire avec des SN2
préverbaux ou postverbaux donne l’échelle ci-dessous. Elle confirme la thèse d’entre
autres De Miguel (1992), Lambrecht (1995) et Tortora (1999) selon laquelle les verbes
inaccusatifs sont propices à la postposition de leur sujet :
238
[antéposition] [postposition]
L’inclination des infinitifs transitifs à se construire avec des SN2 préverbaux n’est pas
surprenante. En effet, lors de l’examen des critères morphosyntaxiques nous avons
constaté que la présence d’un OD derrière l’infinitif déclenche souvent l’antéposition
du SN260.
L’existence d’un rapport entre la nature sémantique du SN2 et de l’infinitif d’une part,
et la position syntaxique du SN2 de l’autre, a pu être démontrée statistiquement. Les
SN2 dynamiques –humains, animés et inanimés– se mettent de préférence devant
l’infinitif. Les SN2 non dynamiques –nécessairement inanimés ou abstraits– admettent
plus facilement la postposition à l’infinitif. De même, les infinitifs dynamiques –
transitifs et inergatifs– sélectionnent des SN2 préverbaux alors que les infinitifs moins
dynamiques –inaccusatifs– se construisent plus facilement avec des SN2 postverbaux.
Or, ce qui gouverne les propriétés sémantiques du SN2 et de l’infinitif en premier lieu,
c’est le type de VdP principal. Les VdPauditive préfèrent les SN2 et les infinitifs
dynamiques, à l’encontre des VdPvisuelle qui sélectionnent plus fréquemment des SN2
et des infinitifs moins dynamiques. Cette observation confirme notre thèse selon
laquelle le stimulus de la perception auditive est quasi toujours dynamique alors que
celui de la perception visuelle peut être dynamique mais ne doit pas l’être.
Il s’est avéré que les propriétés conceptuelles des modalités de perception
influencent le comportement sémantico-syntaxique des VdP correspondants. En effet,
le SN2 subordonné à un VdPauditive n’est pas principalement conceptualisé comme
l’objet aperçu, mais en tant que source d’énergie de l’événement aperçu. Il en résulte
que le SN2 reçoit les marques syntaxiques d’un vrai sujet de l’infinitif qui est
prototypiquement préverbal. En revanche, le SN2 subordonné à un VdPvisuelle est
conçu comme l’objet de perception et reçoit les marques syntaxiques d’un OD, d’où le
nombre plus élevé des SN2 postverbaux. De tout ceci, nous concluons que la position
syntaxique du SN2 est un indice fiable de la fonction grammaticale que le percepteur
accorde au SN2 et donc également de la structure interne du Cinf. Aussi convient-il
d’assigner aux VdPauditive et aux VdPvisuelle des structures argumentales
240
(87) En sus últimos tiempos, el pobre, venía los domingos a vernos y se paseaba por la
galería mirando a los muchachos jugar en el patio. (CDE:Rodríguez Alcalá, H.
1917)
(88) No sabe por qué, pero ver pasar a esta gente, cargada con su casa a cuestas como el
caracol le pone triste. (SOL:López Pacheco J. 1958)
Cependant, la postposition peut également être due à l’inversion du sujet. Nous avons
constaté plus haut (cf. tableau 7.40, p 237) que les infinitifs inergatifs espagnols
sélectionnent fréquemment des SN2 postposés. Comme le SN accompagnant un verbe
inergatif présente les propriétés d’un proto-agent/sujet61, nous ne sommes pas encline
à attribuer à ce SN2 la fonction d’un OD :
(89a) Cuando éramos niños nos aseguraban que si llegábamos a oír cantar a la Tía
Tragantía la noche de San Juan estábamos perdidos, porque nos llevaría embrujados
tras ella. (JP:572)
l’infinitif. L’auteur propose des exemples pour les VdPvisuelle, mais l’intercalation est
également possible avec les VdPauditive :
Une deuxième preuve contre l’incorporation nous est fournie par Fernández
Lagunilla & López (1991:229) qui notent qu’en espagnol, l’indétermination d’un SN
est plus acceptable en fonction d’OD qu’en fonction de sujet :
« La indeterminación del sintagma nominal parece más aceptable en la posición de
implemento u objeto directo que en la posición de sujeto, donde las posibilidades de que
aparezca un sintagma nominal sin actualizar son más reducidas […] :
(30) a. Compró caramelos de menta.
b. *Caramelos de menta suavizan la garganta.
c. Los caramelos de menta suavizan la garganta. »
Dans (90a), l’infinitif et le VdP forment un prédicat complexe ; le SN2 est l’OD de ce
prédicat complexe, ce qui explique son indétermination potentielle. Il nous semble
que dans (90b), le SN2 est nécessairement déterminé parce qu’il ne fonctionne pas
comme l’OD du prédicat complexe mais plutôt comme le Sinf inversé :
Dans la section suivante nous examinerons plus en détail dans quelle mesure
l’incorporation se produit avec certaines classes lexicales particulières.
Plusieurs chercheurs (Achard 1998, Danell 1979, Di Tullio 1998, Rodríguez Espiñeira
2000, Roegiest 2003) affirment que l’incorporation –et donc la postposition impérative
du SN2 à l’ensemble VdP + Inf– est particulièrement fréquente dans la CI VdPauditive +
Inf de communication/Inf dicendi. Les auteurs ajoutent que l’incorporation est moins
habituelle avec les VdPvisuelle. Cette dernière affirmation va à l’encontre de notre
242
hypothèse62 selon laquelle l’incorporation doit être moins contraignante avec les
VdPauditive, vu la nature autonome et unitaire des événements aperçus auditivement.
Le but de la présente section est de vérifier si l’incorporation est effectivement
plus fréquente avec les VdPauditive qu’avec les VdPvisuelle. Tout d’abord, les différentes
classes lexicales possibles seront discutées (7.7.2). Dans un deuxième temps, nous
évaluerons pour chaque VdP les classes verbales qui favorisent la routine
perceptuelle, et nous examinerons dans quelle mesure cette routine déclenche la
postposition du SN2 (7.7.3). À la fin de la section, nous étudierons la position du SN2
en présence d’autres classes lexicales ‘moins routinières’ (7.7.4).
Sur base de la classification verbale proposée par Levin (1993), les infinitifs rencontrés
dans notre corpus entrent dans 8 classes lexicales63 :
62 Proposée dans 6.5.3.2 Le degré d’incorporation : perception visuelle vs. perception auditive, p
167.
63 Afin d’arriver à un nombre de classes plus réduit, nous avons légèrement adapté la classification
de Levin. Ainsi, les 8 catégories que nous proposons sont plus larges et couvrent plusieurs classes
de Levin. Bien que notre but soit de ranger les infinitifs d’après leur sens lexical de base, il n’est pas
toujours facile de les introduire dans une seule catégorie. Les verbes aproximarse/s’approcher,
alejarse/s’éloigner par exemple contiennent l’idée d’un mouvement suivi d’une apparition ou d’une
disparition. Le verbe caer/tomber peut dénoter un mouvement, mais aussi un changement d’état ou
une diminution de quantité (les prix tombent).
243
C’est à juste titre qu’on se demandera : quelles sont les expériences sensorielles
de base des VdPvisuelle et des VdPauditive ? Si nous partons de l’idée que ces expériences
routinières sont les expériences qui se produisent le plus naturellement avec les deux
modalités de perception, il nous faut mesurer dans un corpus la fréquence
d’apparition des différentes classes lexicales derrière les VdP. De plus, comme il s’agit
probablement d’un principe cognitif général qui surmonte les propriétés des langues
individuelles, il convient de comparer les résultats obtenus pour l’espagnol avec ceux
du français. Rappelons les faits pour l’espagnol64 :
Pour des données statistiques plus détaillées ainsi que pour des exemples supplémentaires, voir
64
Ce qui saute aux yeux, c’est le parallélisme entre les VdPvolontaire et les VdPinvolontaire
pour chaque modalité de perception : les VdPvisuelle ver et mirar se construisent le plus
fréquemment avec les infinitifs de mouvement (44,3% et 42,5%) alors que les
VdPauditive oír et escuchar sélectionnent le plus fréquemment –selon les attentes– les
infinitifs de communication (57,7% et 61,2%).
Les mêmes faits s’observent en français. Les infinitifs subordonnés aux
VdPvisuelle dénotent de préférence des mouvements (21,3%65 et 51,7%), ceux qui
suivent les VdPauditive représentent le plus fréquemment des actes de dire (65,9% et
48,1%) :
Rappelons que dans notre corpus espagnol, 74,4% des SN2 apparaît en position
postverbale alors que dans le corpus français seulement 33,7% est postverbal. Si la
suite d’un VdPvisuelle et d’un infinitif de mouvement favorise effectivement
l’incorporation, le nombre de SN2 postverbaux devra être plus élevé dans ce contexte-
ci que la moyenne. C’est ce que nous observons dans les deux langues étudiées ;
65Voir constitue une exception et sélectionne le plus fréquemment des infinitifs d’activité.
Toutefois, si nous mettons ensemble les données pour les deux VdPvisuelle, les infinitifs de
mouvement se rangent en premier place.
246
83,3% des SN2 espagnols et 63,8% des SN2 français subordonnés à un VdPvisuelle et
accompagné d’un infinitif de mouvement se range derrière l’infinitif66 :
La situation est très différente pour la combinaison d’un VdPauditive et d’un infinitif de
communication. Contre toute attente, c’est le taux de SN2 préverbaux qui augmente
par rapport à la moyenne : de 26,6% à 48,5% en espagnol et de 66,3% à 94,5% en
français. Aussi la présence d’un infinitif de communication ne semble-t-elle pas
favoriser l’incorporation et la postposition du SN2 :
66 Nous étudions les VdPinvolontaire et les VdPvolontaire pour chaque modalité ensemble.
247
(94a) En este momento, mientras [escucho hablar] a periodistas como Martín Liberman,
pienso que la responsabilidad la tenemos todos. (LN:14/6/2000)
(94b) Il y a vingt ans qu'il n'a plus exercé de fonction ministérielle, mais à [entendre
parler] certains des membres de sa majorité, on se surprend à en douter.
(LM:2/4/1994)
(95a) Llevaba todo el invierno [oyendo] a Rahola [hablar] en las tertulias de radio, como si
fuera íntima amiga mía y no me conoce de nada, declaró De la Rosa. Europa Press.
(CREA)
(95b) On ne sera donc pas surpris d'[entendre] les uns et les autres [parler] souvent
d'une même voix. (LM:5/4/1994)
Les données statistiques indiquent que l’incorporation d’un VdPvisuelle et d’un infinitif
de mouvement est plus contraignante que l’incorporation d’un VdPauditive et d’un
infinitif de communication. La perception visuelle directe d’un mouvement focalise
essentiellement le participant qui meut (1) alors que la perception auditive se
concentre sur l’acte de communication entier (2). Dans ce dernier cas, le participant
67Par conséquent, la tendance est générale et n’est pas due à l’interférence de certains verbes –en
particulier des verbes transitifs comme decir/dire– qui déformeraient les résultats. Hablar/parler est
un verbe intransitif, donc il n’y a pas d’OD postposé qui peut déclencher l’antéposition du SN2. Cf.
supra 7.3 Paramètres morphosyntaxiques : la complémentation du SN2 et de l’infinitif, p 181.
248
68 La catégorie des verbes météorologiques ne figure pas dans cette liste parce que, par définition,
ils ne peuvent pas se construire avec un SN2.
249
(96a) Juan Pérez, desde abajo, [vio aparecer] a Adriano Gomara en lo alto de la escalera,
seguido por Mauro, y por sus guardias. (CDE:Donoso J. 1978)
(96b) Longtemps par la suite il (le brigadier) devait se rappeler cet homme debout, le
journal déployé cachant son visage dont on ne [voyait apparaître] au-dessus de la
manchette que les deux yeux qui le fixaient avec une sorte de fureur, de
reproche et de vindicative méchanceté. (AC:236)
Les infinitifs dénotant un état ou l’existence d’un participant n’apparaissent pas –du
même pas dans notre corpus– derrière les VdPauditive. Cette observation confirme la
tendance générale des VdPauditive à sélectionner des événements dynamiques. Notons
toutefois qu’aucune classe lexicale particulière n’augmente le taux de SN2
postverbaux. Les VdPauditive semblent moins portés à fusionner avec l’infinitif qui suit.
MODALITÉ DE PERCEPTION
FONCTION SN2
POSITION SN2
STRUCTURE INTERNE Cinf
La validité des critères discursifs n’a toutefois pas pu être démontrée statistiquement :
Troisièmement, l’hypothèse de l’iconicité de l’ordre des mots –du moins telle qu’elle a
été formulée par Achard– a été rejetée sur base de l’argument que la structure avec un
SN2 antéposé n’implique pas nécessairement la perception primaire du participant et
que l’ordre VdP + Inf + SN2 ne focalise pas nécessairement l’événement aperçu. En
revanche, l’étude des propriétés sémantico-conceptuelles des modalités de perception
et plus précisément des propriétés sémantiques du SN2 et de l’infinitif subordonné qui
en découlent, nous a mené vers les conclusions suivantes :
Étant donné les propriétés conceptuelles des modalités de perception, les VdPauditive
sélectionnent surtout des SN2 et des infinitifs dynamiques ; les VdPvisuelle se
construisent plus fréquemment avec des entités moins dynamiques. Nous n’avons
toutefois pas pu démontrer le rapport entre la présence d’un infinitif de
communication derrière un VdPauditive, l’incorporation de ces deux verbes et la
postposition du SN2. En revanche, l’incorporation s’est révélée plus fréquente avec les
VdPvisuelle :
Il est probable que les paramètres sémantico-conceptuels dominent les autres critères,
morphosyntaxiques et lexicaux. Les infinitifs dynamiques par exemple sont
prototypiquement transitifs donc suivis d’un complément, ce qui entraîne souvent
l’antéposition du SN2.
N’oublions toutefois pas d’insister sur le fait que l’espagnol et le français se
caractérisent par deux ordres des mots de base différents. En espagnol le SN2 est plus
fréquemment postposé à l’infinitif alors qu’en français, le SN2 est plus souvent
antéposé à l’infinitif :
Le SN2 subordonné à un VdPauditive est plus fréquemment préverbal, ce qui pointe vers
son fonctionnement sujet. Par conséquent, la structure interne du Cinf est unitaire et
de nature propositionnelle. La propriété formelle de la position syntaxique du
participant subordonné confirme notre thèse selon laquelle la perception auditive est
principalement perception d’un événement global, causé par une entité dynamique.
Le SN2 subordonné à un VdPvisuelle est prototypiquement postverbal, ce qui dévoile
son fonctionnement d’objet. La perception visuelle est donc perception primaire d’un
objet. Il en résulte que la structure du Cinf est non unitaire et non propositionnelle.
Cependant, nous avons constaté que l’antéposition d’un constituant n’indique pas
uniformément son fonctionnement sujet et que la postposition peut également
correspondre à une structure à inversion du sujet. Ainsi, en accord avec la hiérarchie
établie par Keenan (1975, 1976)69 nous concluons que la position n’est pas un indice
sans faille de la fonction grammaticale d’un constituant. Voici la schématisation des
organisations internes possibles :
69 Cf. supra 6.5.4 Les indices syntaxiques des fonctions grammaticales, p 168.
254
Chapitre 8
Le marquage casuel du SN2 est la deuxième propriété formelle qui peut être
mise en rapport avec la structure interne du Cinf. D’après notre hypothèse, le
cas accusatif ou datif du participant subordonné SN2 s’établit en fonction du
rôle grammatical que le locuteur lui attribue dans la phrase. Après avoir
esquissé la portée de la catégorie du cas dans les deux langues romanes en
question (8.1), nous examinerons d’abord le marquage casuel du SN2 dans la
structure infinitive incorporée (8.2). Ensuite, nous passerons à l’étude de deux
phénomènes espagnols –l’accusatif prépositionnel et le leísmo– qui témoignent
d’une certaine complexité des rapports formels entre les fonctions
grammaticales de l’OD et de l’OI (8.3-8.6). Le chapitre se terminera par
l’élucidation de la corrélation qui existe entre les propriétés sémantiques du
Cinf, le marquage casuel du SN2 et sa fonction grammaticale (8.7).
Les cas stipulent morphologiquement les rapports syntaxiques qui existent entre les
participants d’une proposition et leur prédicat : en général, le nominatif s’impose au
sujet, l’accusatif à l’OD et le datif à l’OI. Le système casuel complexe du latin classique
a disparu dans les langues romanes1 et a été remplacé tantôt par la fixation de l’ordre
des mots, tantôt par l’emploi délexicalisé des prépositions. Comme il a été indiqué
dans le chapitre précédent, la grammaticalisation de l’ordre des mots s’observe
1 Sur cette évolution voir entre autres Banniard (1997), Geckeler (1996) et Reinheimer & Tasmowski
(1997).
255
clairement en français moderne. En espagnol, l’ordre des mots est plus libre2. De plus,
dans les deux langues, l’OI est normalement précédé de la préposition a/à. Ce n’est
que dans le paradigme des pronoms personnels que la distinction casuelle s’est
maintenue dans l’ensemble des langues romanes3. Les personnes du discours
distinguent le nominatif et l’accusatif ; la troisième personne distingue encore le datif
à côté de ces deux cas :
Tableau 8.1 Pronoms personnels français Tableau 8.2 Pronoms personnels espagnols
Dans le présent chapitre nous envisageons d’examiner les ressorts qui agissent
sur le cas du SN2. Nous partons de l’idée que les SN2 sans préposition a/à ou
pronominalisés par lo(s)/la(s) ont le cas accusatif alors que les SN2 précédés de la
préposition a/à ou pronominalisés par le(s) sont dotés du cas datif. Comme notre
corpus français ne contient guère d’exemples avec un SN2 au cas datif, l’étude se
concentrera essentiellement sur l’espagnol. Le SN2 se pronominalise toujours à
l’accusatif (1a) et n’est pas précédé de la préposition à (1b) :
(1a) Mister V. est épargné en dépit de son ‘crime’ et dans l'espoir de le voir révéler de
grands talents à la course que Luigi avait prédit avant l'accident.
(Glossa:12/11/2003)
(1b) À voir les acteurs s'amuser pleinement de leur art comme des gamins, on se dit que
ce film, au-delà de son histoire, a capté le temps d'un bonheur.
(Glossa:12/11/2003)
marque du datif a dans 54,8% des cas (2a) et pronominalisé par le datif le(s) dans
30,7% des cas (2b)4:
(2a) Doce días tremendos, de preso en capilla, esperando el momento terrible; esperando
ver entrar a un doctor joven y atrevido que le diría, sencillamente: ‘Vamos’.
(SOL:Palomino A. 1971)
(2b) Desde esa casa rodeada de jóvenes que le veían tomar café con leche a media tarde
con todos los amigos que le veían aquí como si aún estuviera en el Trastevere enviaba
Rafael Alberti esos artículos excedidos que luego fueron sus memorias vertebradas
con la generosidad incesante de la poesía. (EP:30/10/1999)
-a 847 45,2%
+a 1027 54,8%
total 1874 100%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
-a +a
et pour la pronominalisation :
4 Nous verrons plus loin dans ce chapitre que, comme l’accusatif prépositionnel est
institutionnalisé dans la grammaire espagnole et la pronominalisation par le(s) est un phénomène
dialectal, le décalage entre ces deux pourcentages ne doit pas surprendre. Nous ne retenons du
corpus avec les SN2 pronominaux que les exemples où le participant subordonné est à la troisième
personne, car c’est la seule personne où la variation casuelle accusatif vs. datif est encore visible.
Nous excluons donc les exemples du type :
(i) Me descubro desde lejos en el escaparate de una tienda de cuartos de baño, me veo caminar
con la cabeza baja y un poco ladeada y las manos en los bolsillos del chaquetón a cuadros […].
(JP:547)
(ii) Ibas muy raro, te vi cruzar entre los coches tirando de las riendas de la yegua, […]. (JP:477)
Du corpus avec les SN2 nominaux nous ne retenons –comme dans le chapitre précédent– que les
cas avec un SN2 préverbal ou postverbal.
257
70,00%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
pronom accusatif pronom datif
« […] proto-agent rather than proto-patient properties are crucial for dative assignment.»
(Primus 1999:73)
-a +a total
# % # % # %
ver 659 58,6% 465 41,4% 1124 100%
oír 126 23,2% 417 76,8% 543 100%
mirar 36 63,2% 21 36,8% 57 100%
escuchar 26 17,3% 124 82,7% 150 100%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% -a
40,00% +a
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
ver oír mirar escuchar
Ce qui saute aux yeux, c’est la haute fréquence de a avec escuchar (82,7%) et oír
(76,8%), et la fréquence plus basse avec les verbes mirar (36,8%) et ver (41,4%). Les
mêmes conclusions peuvent être tirées à partir du SN2 pronominalisé. La
pronominalisation dative du SN2 est plus commune avec les verbes oír (60,9%) et
escuchar (45,9%) qu’avec mirar (18,2%) et ver (20,3%) :
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% pronom accusatif
40,00% pronom datif
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
ver oír mirar escuchar
L’échelle suivante range les VdP selon leur inclination pour le cas datif :
[- a] [+ a ]
les VdPvisuelle doivent se conformer plus aux règles du marquage casuel dans la
structure à incorporation que les VdPauditive, c'est-à-dire : cas accusatif quand l’infinitif
est intransitif, cas datif si l’infinitif est transitif. Notre analyse prend le départ avec la
vérification de cette dernière hypothèse.
7 La première indication étant l’antéposition plus fréquente du SN2 derrière les VdPauditive en
comparaison avec les VdPvisuelle.
8 Cf. 6.4.2 L’incorporation dans la construction factitive, p 156.
261
En effet, dans la structure incorporée, le prédicat complexe VdP + Inf régit tous les
arguments du prédicat enchâssé, donc de l’infinitif. Le SN2 fonctionne comme l’OD de
ce prédicat composé, sauf si l’infinitif même s’accompagne déjà d’un OD. Autrement
dit, si le locuteur ressent les deux verbes comme un seul prédicat, il évitera d’y faire
figurer deux OD, de sorte que le SN2 deviendra l’OI de la structure biprédicative.
Danell (1979:45) affirme qu’en français ce sont surtout les locutions voir faire et
entendre dire qui favorisent le datif :
(5a) Sa toilette était neuve puisque je ne (la)OD (lui)OI [avais jamais vu porter].
(5b) […] afin de leur faciliter (les démarches)OD qu’on souhaite (leur)OI [voir
entreprendre] auprès des entreprises.
L’étude du corpus français ne nous a toutefois fourni aucun exemple avec un pronom
datif. La fréquence élevée de le(s) et de la préposition a dans la combinaison
oír/escuchar + verbe de dire en espagnol a également été observée par Di Tullio (1998),
Roegiest (1989, 1998b, 2003) et Rodríguez Espiñeira (2000). Le cas datif du SN2 dans la
structure incorporée avec ver/mirar par contre est décrit par Di Tullio (1998:215, note
32) comme causant :
-a +a total
# % # % # %
+Inf TR - - - - - -
+Inf INTR 419 64,5% 231 35,5% 650 100%
Tableau 8.7 VdPvisuelle + Inf de mouvement – marque prépositionnelle
l’exemple suivant le SN2 postposé sans a est marqué casuellement comme un vrai OD
du prédicat complexe ver pasar :
(6) Rosaura [vio pasar] muchas veces (aquel mozo elegante)OD. (CDE:Güiraldes R.
1927)
(7) El presidente de la Sociedad del Titanic del Ulster, John Parkinson, recordó que tenía
cinco años cuando su padre le llevó al puerto de Belfast para [ver zarpar] (al
monumental barco)OD hacia el punto de partida del trágico viaje, Southampton.
(EM:3/4/2002)
(8) […] (lo)OD [veo aproximarse] despacio y sin voluntad ni nostalgia hacia el cuartel y
detenerse al oír ya muy cerca el toque de oración en un anochecer de noviembre o
diciembre, […]. (JP:24)
11L’infinitif subordonné dénote un mouvement et les pronoms clitiques sont attachés au prédicat
complexe.
264
Or, la présence d’un infinitif transitif ne déclenche pas nécessairement le cas datif.
Dans 70,4% des exemples, l’infinitif transitif sélectionne un pronom accusatif (9a),
contre seulement 29,6% des cas où il se construit avec un pronom datif (9b)12:
(9a) […] si ahora imagino una mañana de hace dieciocho años en que (la)OD ? [vi cruzar]
con su padre (la puerta encristalada del bar Martos)OD […]. (JP:194)
(9b) Le había abandonado por entero la tarea de educarme y nunca (le)OI [vi traspasar] (el
límite que voluntariamente se imponía)OD. (SOL:Goytisolo J. 1954)
Finalement, 16,2% des infinitifs intransitifs est également accompagné d’un SN2 au
datif :
(9c) Ahora (le)OD [vio separarse] de la ventana, cerrar las maderas y coger su chaqueta,
colgada en una silla. (LA:13)
-a +a total
# % # % # %
total 3 1,5% 199 98,5% 202 100%
+Inf TR - - 141 [100%] 141 100%
+Inf INTR 3 4,9% 58 95,1% 61 100%
Tableau 8.9 VdPauditive + Inf de communication – marque prépositionnelle
12Une certaine réserve lors de l’interprétation des résultats est requise, vu le nombre restreint
d’exemples.
265
Dans le corpus, tous les infinitifs transitifs s’accompagnent d’un SN2 marqué par a (cf.
10a), surtout la séquence oír decir a SN2 est très fréquente13. Dans ces cas-ci, le
marquage datif peut s’expliquer par la fonction d’OI du SN2 :
(11) La última vez, aunque no estoy seguro de que fuera la última vez, que le [oí decir] (a
Pepe Hierro)OI (sus versos)OD fue en la Universidad de Granada, […].
(EP:19/10/1999)
Dans l’ensemble des SN2 pronominalisés, 27,5% reçoit le cas accusatif, 72,5% le
cas datif :
De plus, le cas accusatif n’est pas à expliquer uniformément par la nature intransitive
de l’infinitif (13a), car la majorité des intransitifs (64,4%) est accompagnée d’un
pronom datif (13b) :
13 La séquence apparaît dans 71,6% des infinitifs transitifs accompagnés d’un SN2 marqué par a.
14 La séquence apparaît dans 86% des infinitifs intransitifs accompagnés d’un SN2 marqué par a.
266
(14a) Yo (lo)OD ? [he escuchado contar] con una voz caudalosa y dramático (el sacrificio de
un batallón entero de guardias de asalto)OD […]. (JP:82)
(14b) (Les)OI [oíamos comentar] (los sucesos)OD, […]. (CREA:Adelcoa J.R. 1994)
De nouveau, ce sont les séquences oír decir (15a) et oír hablar (15b) qui l’emportent
pour le cas datif15 :
(15a) (Le)OI [he escuchado decir] varias veces en los últimos días (que tiene pocos amigos y
que se da cuenta de que hay personas que sólo se acuerdan de usted cuando le van
bien las cosas)OD. (DS:5/6/2002)
(15b) Desde el jardín, (les)OD ? [oí hablar]. (CREA:Prensa 1996)
15 Elles couvrent respectivement 44,6% et 22% de l’ensemble des occurrences du pronom datif.
267
Afin d’expliquer le marquage datif du SN2 non OI, nous recourrons à deux
phénomènes particuliers en espagnol, où il existe une certaine complexité des
rapports formels entre l’OD et l’OI : certains OD sont précédés de la même marque
prépositionnelle a que l’OI et la pronominalisation de l’OD se fait parfois par les
mêmes pronoms personnels clitiques que ceux de l’OI. Ces deux phénomènes sont
connus respectivement sous les noms d’accusatif prépositionnel et de leísmo.
Le phénomène de l’accusatif prépositionnel16 ou le marquage différentiel de
l’objet est connu dans de nombreuses langues du monde et en particulier dans
plusieurs langues romanes. En espagnol le phénomène est institutionnalisé dans la
grammaire et –comme il sera démontré plus loin dans ce chapitre– essentiellement
dicté par des paramètres sémantiques. L’accusatif prépositionnel est inexistant en
français, où l’ordre des mots plus fixe assure la distinction entre les fonctions
grammaticales17. Le leísmo fait partie d’un phénomène plus général qui consiste à
note que chaque système langagier exploite la marque prépositionnelle à sa façon. Primo, le
phénomène est très fréquent en espagnol et en roumain, contrairement au portugais et au catalan.
Secundo, en espagnol, en portugais et en roumain, l’accusatif prépositionnel est institutionnalisé
dans la grammaire alors que dans les autres langues, il est rejeté comme dialectal. Finalement, là où
l’espagnol se laisse guider par des motivations sémantiques, le marquage est dicté en portugais par
des facteurs syntaxiques (la cohésion verbe/objet) et en roumain par des facteurs pragmatico-
discursifs (la thématicité de l’objet).
268
utiliser une forme pronominale pour l’objet qui ne correspond pas à sa fonction
grammaticale :
« […] existen en el español empleos de los pronombres átonos de tercera persona en los que
la selección del pronombre no viene determinada por la posición (o función) sintáctica del
antecedente. Estos usos han recibido tradicionalmente la denominación de ‘leísmo’, ‘laísmo’
y ‘loísmo’. » (Fernández Ordóñez 1999:1319)
Plus précisément, le leísmo se définit comme l’emploi des pronoms datifs le/les au lieu
des pronoms accusatifs lo/los/la/las pour renvoyer à un OD.
Jusqu’à un certain niveau, le leísmo est un phénomène parallèle à l’emploi de a
devant l’OD, de sorte qu’en général les mêmes paramètres explicatifs sont invoqués18.
Toutefois, là où l’accusatif prépositionnel se présente quasi uniformément dans le
domaine linguistique espagnol, le leísmo est traité comme un phénomène dialectal.
D’après nos sources19, la pronominalisation dative est plus fréquente en Espagne
qu’en Amérique latine, mais même à l’intérieur de la péninsule l’on observe des
différences de fréquence considérables. Aussi convient-il de distinguer des zones
leístas (p.ex Las dos Castillas et la province de Madrid) et no leístas (p.ex l’Andalousie),
ainsi que des auteurs leístas (p.ex Carmen Martín Gaite) et no leístas (p.ex Antonio
Muñoz Molina). À cela s’ajoute que l’emploi des pronoms dans la langue parlée est
assez distinct de l’emploi dans la langue écrite, où l’on observe une tendance à
renoncer en partie aux caractéristiques propres des dialectes en faveur de la norme.
En effet, comme l’affirme Fernández Ordóñez (1999:1365) :
« […] siempre fuera el leísmo personal masculino y singular el único empleo abiertamente
presente en la lengua escrita. »
Finalement, comme l’emploi du pronom datif est lié à des paramètres de nature très
variée, il est toujours possible que quelqu’un rompe la norme d’une zone dialectale.
Quoi qu’il en soit, une analyse empirique sans différenciation des exemples selon leur
provenance mènerait vers une distorsion des résultats statistiques. Dans cette optique
18 C’est aussi à cause de ce parallélisme qu’il y a de nombreux auteurs qui considèrent l’accusatif
prépositionnel comme la cause du leísmo : la structure nominale a + SN déclencherait la
pronominalisation dative.
19 Les paragraphes concernant le leísmo s’inspirent des ouvrages de Delbecque & Lamiroy (1996),
Fernández Ordóñez (1999), Huygens (2002), Roegiest (1989, 1996a, 1998b) et Vázquez Rosas (1995).
269
–bien que nous n’ayons pas en vue une étude dialectale du phénomène– l’ensemble
des SN2 pronominaux sera divisé comme suit20 :
Type de corpus #
(I.1) auteurs leístas -C. Martín Gaite 39
(I) corpus littéraire -M. Delibes
(I.2) auteurs no leístas -J.L. Borges 83
-A. Muñoz Molina
(II.2) langue standard espagnole -El País 50
-El Mundo
(II) corpus journalistique (II.3) zone Amérique latine -La Nación (Argentine) 8
(III) corpus varié bases de données électroniques -Corpus de Referencia del Español 1120
Actual
-Corpus del Español
-Banco de Datos Sintácticos
-Spanish OnLine
Les auteurs consultés fondent leur étude des conditions d’emploi de l’accusatif
prépositionnel et du leísmo sur l’hypothèse de l’iconicité : l’apparition d’une marque
formelle particulière formalise une valeur sémantique supplémentaire. Dans ce fil
d’idées, le schéma syntaxique Snominatif V ODdatif représente une configuration
sémantiquement déviée par rapport à la construction biactancielle non marquée
Snominatif V ODaccusatif. En général, la construction où l’OD est précédé de a ou
pronominalisé par le(s) est définie comme dénotant une transitivité plus basse que la
construction avec accusatif :
« Given the fact that in canonical transitive clauses the nominative or absolutive occurs as
a default, different degrees of transitivity can be defined on the basis of the case of the
second argument, as formulated in (11): (11) Morphosyntactic transitivity : Given any
predicate with a nominative or absolutive argument and a second distinct case argument in
any language L : the higher the rank of the case of the second argument is in the case
hierarchy of L, the higher the transitivity of the predicate. Corollary: the transitivity of a
predicate with a nominative or absolutive and an accusative or ergative argument is higher
than that of a predicate with a nominative or absolutive and a dative or other oblique
argument. » (Primus 1999:28)
« [...] el sujeto de las cláusulas con CIND, a diferencia de lo que sucede con las que
presentan un CDIR, puede caracterizarse como carente de control sobre la situación. »
(Vázquez Rosas 1995:234)22
Les sigles CDIR et CIND renvoient respectivement aux cas accusatif et datif.
22
23Pour plus de données concernant les verbes psychologiques voir entre autres Fernández
Ordóñez (1999), Huygens (2002), Roegiest (1996a) et surtout Vanhoe (2004).
271
En effet, dans (17) le cas du pronom dépend du degré d’agentivité que le locuteur
attribue au sujet principal : le cas accusatif (17b) est lié à un degré d’agentivité élevé
du sujet los niños (ses enfants lui causent, pour l’instant, vraiment des ennuis), le cas
datif (17c) est corrélé à une agentivité plus basse (elle n’aime pas les enfants parce
qu’en général, ils l’ennuient).
En outre, Roegiest (1996b:87) note à l’intérieur de la deuxième catégorie des
verbes psychologiques, une hiérarchie d’accessibilité au datif suivant le degré
d’interprétation agentive de ces verbes. Comme apetecer implique un degré de
contrôle plus bas de la part du sujet que par exemple asustar, le premier verbe se
construit plus fréquemment avec le pronom datif que le deuxième :
[- datif] [+ datif]
[- datif] [+ datif]
Un sujet sous forme d’une proposition (18a) est intrinsèquement non agentif et
engendrera presque toujours le alors que le cas varie plus avec les SN animés (18b) :
272
[- proto-agent] [+ proto-agent]
S involontaire auditif < S involontaire visuel << S volontaire auditif < S volontaire visuel
oír ver escuchar mirar
Une deuxième analyse (défendue surtout par Roegiest 1989, 1990, 1998a, 1998b,
1999, 2003) ne lie pas la dynamicité potentielle de l’OD datif au sujet mais à la fonction
de l’OI. Cette approche se base sur le principe de l’isomorphisme, selon lequel un
code formel et une valeur conceptuelle sont associés d’une manière univoque :
l’identité formelle entre l’OD prépositionnel et la pronominalisation dative d’une part,
et les marques de l’OI de l’autre, reflète une similitude sémantico-fonctionnelle entre
ces deux relations grammaticales.
En effet, la construction transitive se caractérise quelquefois par la présence
d’un troisième participant, le proto-récipient/OI. Celui-ci se définit comme le
participant sur lequel retombe indirectement l’action verbale. Formellement, il est
précédé de la préposition a ; sémantiquement, il fonctionne comme l’adressé d’un
verbe de communication (decir algo a alguien) ou comme le bénéfactif d’un verbe de
transfert (dar algo a alguien). Quant aux traits distinctifs, le proto-récipient combine les
propriétés du proto-agent et du proto-patient. Premièrement, en tant que participant
La théorie pose que –comme le proto-patient/OD se caractérise par les traits [- animé]
et [- défini]– ce sont surtout les OD individualisés donc humains, définis et singuliers
qui sont marqués. Ci-dessous, les règles les plus fréquemment citées dictant
l’apparition ou non de la préposition a sont reprises :
26La notion d’humanisation renvoie au procédé d’attribuer, par l’emploi de la préposition a, une
propriété particulière d’un humain, notamment sa capacité d’auto-contrôle, à une entité non
humaine. Ainsi cette humanisation s’accompagne habituellement d’une dynamisation.
275
L’ensemble des facteurs d’individuation donne lieu à une échelle combinée qui
nous rappelle la hiérarchie d’humanitude proposée par Lazard (1984:3)29 :
[+ humanitude] [- humanitude]
personnes > pron 3e pers > humain > non humain > inanimé > non > générique
du discours nom propre comptable comptable
27 À l’intérieur de la catégorie des définis, les définis référentiels s’opposent aux définis génériques.
Les premiers se construisent avec a (cf. 23a), les deuxièmes ne le font généralement pas :
(i) Me gusta mirar el tren.
28 Avec un article indéfini, a peut également apparaître si le nom commun est suivi d’une
détermination supplémentaire, sous forme d’un adjectif ou d’un complément du nom (ii). Quand
le nom commun indéfini est suivi d’une relative, l’emploi varie. La présence de a renvoie à une
personne concrète ; l’absence, à une personne hypothétique (iii) :
(ii) Veo a un hombre grande, gordo y viejo.
(iii) Busco (a) una secretaria que pueda (puede) ayudarme.
29 L’échelle présentée ici est une variante du continuum proposé dans la figure 3.2, p 43 et prend en
considération l’opposition entre les pronoms déictiques et non déictiques et la différence entre les
noms référentiels et génériques.
276
En effet, les traits d’animation et de détermination ne sont que des aspects d’une
propriété plus fondamentale qui caractérise les OD prépositionnels en espagnol, à
savoir celle d’une dynamicité en puissance.
8.5.2.2 Le leísmo
[- leísmo] [+ leísmo]
30Ainsi le leísmo est souvent invoqué comme phénomène qui marque l’opposition entre le caractère
humain (le/les) et le non humain (lo/los/la/las), cf. Marcos Marín (1978:17): « ‘Le’ se utiliza como
sustituto de persona, tanto en función de objeto indirecto (dativo) como de objeto directo (acusativo,
antietimológico como tal). Este uso de ‘le’ como objeto directo (leísmo, en la terminología tradicional y
general) opondría el rasgo (+persona) a (-persona) en vez de la función. »
277
-a +a total
# % # % # %
HUM 145 13,2% 957 86,8% 1102 100%
ANIM 38 49,4% 39 50,6% 77 100%
INAN DYN 155 90,1% 17 9,9% 172 100%
INAN NON DYN 367 96,3% 14 3,7% 381 100%
ABSTR 142 [100%] - - 142 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% -a
40,00% +a
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
HUM ANIM INAN DYN INAN NON ABSTR
DYN
(25a) Ver a Woody Allen, 20 años después, abrir en persona el Festival, parece un
acontecimiento inimaginable, un espectáculo casi sobrenatural, afirmó el presidente
del certamen, Gilles Jacob. (EM:4/4/2002)
(25b) […] duerme como ella no ha visto dormir a nadie […]. (JP:473)
(26a) Poco después de la siesta, los vecinos vieron pasar por la calle del 14 de mayo el
caballo moro del Dictador […]. (CDE:Lamas de Rodríguez Alcalá T. 1955)
(26b) Dio media vuelta entre la hojarasca y vio al caballo saltar con las manos trincadas.
(EH:407)
(27b) Ha estado en Parellada esperando ver llegar al coche de Clara, un 1.100 morro alto
pintado de verde claro, tal vez el único que hay en ese color. (SOL:Romero L.
1952)31
(28) […] el año que viene la Unión Europea verá crecer el número de parados hasta
alcanzar la cifra de 12 millones de desempleados, medio millón más que este año.
(EP:2/12/2001)
Secundo, il y a une légère différence entre les SN2 [± humains définis] et les SN2
[± humains indéfinis]. Les définis déclenchent plus fréquemment la marque
prépositionnelle que les indéfinis, bien que la différence ne soit pas grande :
-a +a total
# % # % # %
défini 609 42,8% 815 57,2% 1424 100%
indéfini 238 52,9% 212 47,1% 450 100%
Tableau 8.14 Définitude SN2 – accusatif prépositionnel
Tertio, en accord avec Delbecque & Lamiroy (1996) nous observons que
l’impact négatif du pluriel sur la présence de a a été exagéré32, tout comme l’impact du
collectif. Nonobstant, rappelons qu’il a été souligné dans la littérature que
l’humanitude, la définitude et le nombre du SN sont des paramètres qui interagissent.
Ainsi le trait [+ pluriel] a plus d’impact sur le blocage de a avec les SN2 humains
indéfinis (-a : 33,8%) qu’avec les définis (-a : 19,8%) :
-a +a total
# % # % # %
singulier 516 40,1% 772 59,9% 1288 100%
pluriel 290 58,1% 209 41,9% 499 100%
collectif 85 64,9% 46 35,1% 131 100%
Tableau 8.15 Nombre SN2 – accusatif prépositionnel
Or, les traits inhérents du SN2 ne motivent pas toujours l’emploi de la marque
prépositionnelle : leur présence ne garantit pas toujours l’emploi de a, tout comme
leur absence ne bloque pas nécessairement son apparition. En effet, certains SN2
(30) En principio el interés en evitar pegar el tiro sobre cualquier árbol, anulan la
atención sobre el blanco disparando por un claro de vegetación por el que vemos
pasar la becada. (CREA:Gracia Monterde C. 1996)34
Tout au contraire, en présence d’un infinitif qui cause une humanisation et une
dynamisation du SN2 –par exemple l’inergatif rugir– le SN2 naturaleza,
intrinsèquement peu individualisé, reçoit la marque du datif :
(31) […] el día de autos escuchó rugir a la naturaleza en su casa del litoral, en
Tanaguarena. (EP:27/11/1999)
Voici les premiers indices de l’impact potentiel sur le cas du SN2 de la structure
argumentale dans laquelle il entre.
Une première comparaison des cinq sous-corpus montre que le pronom datif est
effectivement plus fréquent dans le corpus des auteurs leístas (I.1) (58,9%) que dans
celui des auteurs no leístas (I.2) (7,2%). La fréquence élevée du leísmo dans les corpus
journalistiques confirme la tendance de la langue écrite à se conformer à la norme
grammaticale35. Cependant, le phénomène du leísmo est plus fréquent dans les
journaux espagnols (II.1) (62%) que dans les journaux américains (II.2) (50%) :
(32) Cipriano seguía con su cabeza levantada para que su tío no escapara de su campo
visual. Le vio vacilar, empalidecer. (EH:460)
(33a) Cipriano miró a doña Ana, cuyo largo cuello emergía de la galera ornado con un
collar de perlas, y la vio reclinar la cabeza y entrelazar devotamente los dedos de las
manos. (EH:324)36
(33b) […] ya estaba dicho, a quien bastaba con verle menear las nalgas de potranca […].
(CDE:García Márquez G. 1967)
(34a) Allí no se hablaba de otra cosa que no fuese de trenes, nunca los oí charlar sobre
mujeres […]. (CREA:Tusquets Blanca O. 1998)
(34b) Ese fosforillo no es... por ahí al... a unas dos personas les oí decir ‘fosforillo’.
(CDE:Habla culta siglo 20)37
35 En effet, dans le corpus journalistique ce sont presque uniquement les SN2 masculins singuliers
humains qui se pronominalisent par le.
36 Le VdP
visuelle et l’infinitif exprimant une activité peuvent s’incorporer ; le cas accusatif du SN2
serait d’autant plus remarquable vu la nature transitive de l’infinitif.
37 Dans l’exemple (34b), l’occurrence du pronom datif peut s’expliquer par l’incorporation du
Les statistiques dénoncent aussi que le pronom datif ne peut pas se substituer
au SN2 abstrait ni au SN2 inanimé non dynamique. Il est plus habituel avec les
référents animés, inanimés dynamiques et surtout humains :
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00% pronom accusatif
30,00% pronom datif
20,00%
10,00%
0,00%
HUM ANIM INAN INAN ABSTR
DYN NON
DYN
(35a) Piense que no soy yo quien se lo pide, sino la ciudad que le vio nacer. (MM:25)
Dans le corpus des auteurs leístas et dans le corpus varié, le leísmo se présente aussi
avec les autres référents dynamiques, donc animés (35b) et inanimés
dynamiques (35c) :
282
(35b) Ese día el cerdo y yo nos conocimos. […] Cada martes le di comida, hablaba con él y
le veía crecer. (CDE:Omar H. 1994)
(35c) El sol había soplado los candiles, había dicho ‘buenas noches’ ; dejaba esperanza de
verle alzarse mañana. (LA:37)38
Le pronom pluriel masculin les remplace quasi uniquement des SN2 à référents
humains. L’exemple (35d) –issu du corpus varié– avec un référent inanimé
dynamique constitue la seule exception :
(35d) Los autos eléctricos pasaban velozmente junto a él, casi rozándole, como si
desafiaran al osado peatón. Guillermo les veía surgir y desaparecer como fuegos
fatuos, mientras intentaba reprimir la ira y el desprecio que le producían las
asépticas máquinas […]. (CDE:González Real O. 1980)
L’étude de la corrélation entre le cas du SN2 et ses propriétés sémantiques montre que
le cas datif est habituellement sélectionné par les SN2 qui occupent une position élevée
38Notons comment les actes de souffler (había soplado los candiles) et de parler (había dicho ‘buenas
noches’) contribuent à la dynamisation du soleil.
283
sur l’échelle de dynamicité, alors que les SN2 non dynamiques sélectionnent de
préférence le cas accusatif :
[+ datif] [+ accusatif]
HUM > ANIM > INAN DYN >> INAN NON DYN > ABSTR
39Un autre exemple de l’influence potentielle de la structure argumentale sur le marquage de l’OD
est celui des verbes normalement suivis d’OD animés, tels que amar et adorar. Ces verbes entraînent
souvent la préposition a devant les OD inanimés, ce qui cause une ‘humanisation’ de ces entités (i).
En revanche, les prédicats qui s’accompagnent normalement d’OD inanimés –tels que tener et
buscar– omettent souvent le a devant les OD humains (ii). Vanhoe (2004) parle à ce propos d’une
‘chosification’ :
(i) Amo a mi coche.
(ii) Tengo un hijo.
284
De la même façon, les verbes obligar et mandar expriment une force coercitive et
présupposent une certaine résistance de la part du participant subordonné qui, à
cause de cette dynamicité potentielle, se pronominalise de préférence au datif :
Finalement, avec un verbe tel que invitar la réalisation de l’action subordonnée n’est
pas certaine –à cause de l’intention moins impérative du sujet principal à faire réaliser
l’action manipulée– ce qui aboutit à une fréquence plus basse du leísmo :
Dans l’optique de cette hypothèse, il est possible que l’infinitif subordonné influence
le degré de dynamicité du participant subordonné SN2 et de là aussi son marquage
casuel. En accord avec la classification établie en fonction du degré de transfert
d’énergie qu’ils impliquent, trois types d’infinitifs se distinguent40 :
Les données statistiques –représentées dans le tableau 8.21– dénoncent que les
infinitifs transitifs engendrent le plus fréquemment la marque prépositionnelle devant
le SN2 (95,4%)41 (38a), suivis des infinitifs inergatifs (77,6%) (38b) et des inaccusatifs
(30,9%) (38c) :
(38a) No pudo concluir sus oraciones: incrédulo, abatido, anonadado, oyó a las brasas
exhalar un gemido siseante y vio cómo se teñía de gris el santuario y el dios
desaparecía envuelto en humo por el alcabor. (CREA:Trías C. 1990)
(38b) […] cerca del estanque, para que oigamos croar a las ranas… (CREA:Moncada S.
1993)
(38c) De pronto veo la cara de Andrés crisparse y siento que algo insólito está por
venírsenos encima. (CDE:Ventanas M. 1997)
-a +a total
# % # % # %
(TR) 18 4,6% 374 (95,4%) 392 100%
INERG 94 22,4% 325 77,6% 419 100%
INAC 735 69,1% 328 30,9% 1063 100%
100,00%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% [-a]
40,00% [+a]
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
TR INERG INAC
(26a) Poco después de la siesta, los vecinos vieron pasar por la calle del 14 de mayo el
caballo moro del Dictador […]. (CDE:Lamas de Rodríguez Alcalá T. 1955)
41Il nous faut de la précaution lors de l’interprétation du cas datif avec un infinitif transitif, car il
peut être déclenché par l’incorporation.
286
(26b) Dio media vuelta entre la hojarasca y vio al caballo saltar con las manos trincadas.
(EH:407)
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
pronom accusatif
40,00% pronom datif
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
TR INERG INAC
Le SN2 est effectivement plus fréquemment pronominalisé au datif quand il est suivi
d’un infinitif transitif (52,3%) (39a)42. À un échelon plus bas se trouvent les infinitifs
inergatifs (33,4%) (39b) et finalement les inaccusatifs (17,9%) (39c) :
(39a) Le oyó tragar saliva. ¡Era humano, humano!, pensó súbitamente aliviada.
(CREA:García Sánchez J. 1991)
(39b) Le oí correr, mientras me alejaba. (SOL:García Hortelano J. 1962)
(39c) La ira de Dios no quedó cumplida con el accidente; por eso ahora lo mata.Y no se
detendrá hasta que lo vea quemarse en el profundo abismo. (CDE:Márquez J.
1995)
[+ datif] [+ accusatif]
Avant d’achever cette partie empirique, il nous reste à vérifier lequel des deux
paramètres prédomine lors de la détermination du cas : le degré de dynamicité
inhérente du SN2 ou la dynamicité de l’infinitif qui l’accompagne ? Afin de répondre à
cette question, il faut examiner la présence de la préposition a devant le SN2 dans
chaque combinaison possible des cinq catégories sémantiques du SN2 et des trois
types d’infinitifs :
-a +a total
# % # % # %
HUM TR 5 1,4% 364 98,6% 369 100%
HUM INERG 17 4,5% 291 94,5% 308 100%
HUM INAC 123 28,9% 302 71,1% 425 100%
ANIM TR 2 40% 3 60% 5 100%
ANIM INERG 14 35% 26 65% 40 100%
ANIM INAC 22 68,7% 10 31,3% 32 100%
INAN DYN TR 3 75% 1 25% 4 100%
INAN DYN INERG 13 72,2% 5 27,8% 18 100%
INAN DYN INAC 139 92,7% 11 7,3% 150 100%
INAN NON DYN TR 4 40% 6 60% 10 100%
INAN NON DYN INERG 46 93,9% 3 6,1% 49 100%
INAN NON DYN INAC 317 98,4% 5 1,6% 322 100%
ABSTR TR 4 [100%] - - 4 100%
ABSTR INERG 4 [100%] - - 4 100%
ABSTR INAC 134 [100%] - - 134 100%
Tableau 8.23 Accusatif prépositionnel par type de Cinf
Si nous faisons abstraction des Cinf avec un infinitif transitif, les pourcentages
montrent une tendance décroissante du SN2 à sélectionner la marque du datif à partir
du Cinf le plus dynamique (HUM INERG) (40a) jusqu’au Cinf le moins dynamique
(avec un SN2 abstrait) (40b) :
(40a) ¿Y con el cristal, qué? espeta Nina todavía adormilada al oír a los muchachos
apostar. (CREA:Rubio F. 1992)
(40b) Si se hubiesen basado en una anécdota menor, también menor sería el grado de
exigencia por parte del espectador, que se siente frustrado al ver desinflarse
secuencia a secuencia el desarrollo de una historia enormemente atractiva.
(SOL:Prensa 1977)
288
(41a) Rufi mantenía cerrados los ventanales de las habitaciones de abajo con las persianas
echadas. Le oí cantar en el piso superior y me volví a la veranda. (SOL:García
Hortelano J. 1962)
(41b) El sol se ponía lentamente y el silencio volvía a posesionarse de todo, incluidas
nosotras dos, que lo veíamos crecer como una tregua. (CREA:Egido L.G. 1995)
La hiérarchie représentant la dynamicité inhérente du SN2 –HUM > ANIM > INAN
DYN > INAN NON DYN > ABSTR– prédomine. À l’intérieur de chacune de ces
catégories l’on observe la tripartition (TR) > INERG > INAC, bien que la hiérarchie
interne de ces classes varie44 :
43 En outre, à l’intérieur de la catégorie des entités abstraites, le type d’infinitif qui suit le SN2 n’a
aucun impact sur la sélection du cas : il est toujours accusatif.
44 Par exemple, d’après les données statistiques, en combinaison avec des entités inanimées
dynamiques, les infinitifs inaccusatifs sélectionnent plus fréquemment le cas datif que les infinitifs
inergatifs.
289
Quoi qu’il en soit, ce qui semble jouer un rôle primordial lors de la sélection du
cas du SN2, c’est la dynamicité globale du Cinf entier, donc du stimulus de
perception : le SN2 impliqué dans un Cinf peu dynamique reçoit de préférence le cas
accusatif, le SN2 inclus dans un Cinf dynamique est prototypiquement marqué par le
datif. Le dévoilement du pourquoi de ces corrélations est l’objectif de la section
suivante.
L’étude empirique des facteurs qui conditionnent le cas du SN2 a dévoilé que dans la
CI, le cas datif surgit dans deux situations extrêmes :
doit correspondre une valeur sémantique supplémentaire. À notre avis, le cas datif
indique que le SN2 qu’il marque n’est pas conçu comme le simple but ou patient de
l’action principale –donc de l’action perceptive– mais comme le protagoniste d’un
deuxième événement autonome. Les marques propres à l’OI présentes dans le SN2
révèlent ses propriétés agentives dans l’événement subordonné.
Ainsi, l’introduction de la préposition a devant le SN2 ou sa pronominalisation
au datif rompt la continuité normale de la structure transitive et montre qu’il y a plus
dans la phrase qu’une simple relation unidirectionnelle causative. Delbecque
(1998:533) argumente à ce propos en faveur d’un système espagnol à deux types de
constructions transitives :
« […] estamos ante un sistema que ha desarrollado dos construcciones transitivas : por una
parte, la que pone en escena una simple relación de dependencia entre la entidad objeto y la
entidad sujeto, y, por otra parte, una doble relación de dependencia, en que el lazo de
dependencia se concibe como reversible, con la entidad objeto asumiendo una participación
más extensa al evento. »
La relation transitive prototypique dénote un transfert d’énergie qui passe d’un proto-
agent/sujet à un proto-patient/objet ; le premier participant est au nominatif, le
deuxième à l’accusatif. En revanche, la relation transitive où le deuxième participant
est marqué par le datif attribue une certaine autonomie à ce participant. Le cas datif
signale une réorientation de l’axe transitif en ce sens que le sujet principal est présenté
comme réagissant à l’activité de l’objet subordonné au lieu de seulement agissant sur
lui.
L’application de cette thèse au cas dans la CI implique que :
VdP
SN1 SN2 (Inf)
nominatif accusatif
VdP Inf
SN1 SN2
nominatif (iii) datif (i)
(ii)
-a +a total
# % # % # %
préverbal 94 19,6% 385 80,4% 479 100%
postverbal 753 53,9% 642 46,1% 1395 100%
46 L’hypothèse d’une corrélation entre le marquage datif du SN2 et son fonctionnement comme Sinf
contredit la thèse de Fernández Ramírez (1986), reprise par Di Tullio (1998:207), selon laquelle
l’absence de a devant le SN2 serait un indice de sa fonction subjective : « No deben llevar a porque no
funcionan como complemento directo sino como sujeto de los verbos respectivos. » (Fernández Ramírez
1986).
292
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00% préverbal
40,00% postverbal
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
[-a] [+a]
SN2 DYN SN2 NON DYN total Inf DYN Inf NON DYN
# % # % # % # % # %
VdPvisuelle 1658 78,3% 460 21,7% 2118 100% 616 29,1% 1502 70,9%
VdPauditive 948 89,8% 108 10,2% 1056 100% 894 84,7% 162 15,3%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
SN2 DYN
50,00% SN2 NON DYN
40,00% INF DYN
30,00% INF NON DYN
20,00%
10,00%
0,00%
VdP visuelle VdPauditive
(I)
VdPvisuelle
SN1 SN2 (Inf)
percepteur stimulus
nominatif accusatif
(II)
VdPauditive
(iii) Inf
SN1 SN2
percepteur datif (i)
nominatif (ii) stimulus
faut pas dissimuler que dans un nombre non négligeable de cas, la correspondance
entre la modalité de perception, le marquage casuel du SN2 et sa fonction
grammaticale n’a pas pu être établie. Le cas accusatif apparaît aussi dans le domaine
des VdPauditive tout comme le cas datif n’est pas exclu pour les VdPvisuelle. Cette
observation trahit une fois de plus la complexité des facteurs qui interviennent lors du
marquage casuel en espagnol.
295
Chapitre 9
pronominalisée
1 Cf. supra 7.6.3.1.3 Les infinitifs pronominaux : transitifs, inaccusatifs ou inergatifs ?, p 230.
296
(3a) Il se vend beaucoup d’articles anglais à Paris. (De Kock & Gómez Molina
1990:92)
(3b) Le traité de paix s’est signé. (Oesterreicher 1992:250)
2 Il nous est impossible de mentionner tous les ouvrages qui ont été publiés et se publient toujours
à son sujet. L’analyse que nous effectuons ici s’inspire essentiellement de la bibliographie
mentionnée dans la note 52, p 230 et en particulier des ouvrages de Alarcos Llorach (1970), Cano
Aguilar (1981), Cennamo (1993), De Kock & Gómez Molina (1990), De Kock & DeMello (1997),
Delbecque, Masschelein & Vanden Bulcke (1995), DeMello (1995), De Miguel (1992), García
González (1996), Jordán (1973), Maldonado (1999), Mendikoetxea (1999b), Moreira Rodríguez &
Butt (1996), Oesterreicher (1992), Roegiest (1993, 2004), Roegiest & Spanoghe (1993), Sánchez López
(2002), Schmidt-Riese (1998) et Selig (1998).
297
Le point de vue adopté dans notre étude est celui des chercheurs qui distinguent les
constructions passives des constructions impersonnelles sur base, non seulement de
paramètres formels, mais aussi de critères sémantiques (cf. entre autres Alarcos
Llorach 1970, Cano Aguilar 1981, De Miguel 1992, Roegiest 1993, 2004, Sánchez López
2002)4. Sont définies comme impersonnelles, toutes les constructions qui manquent un
sujet explicite et dont l’interprétation implique que le prédicat renvoie ou bien à une
pluralité non spécifique de personnes –tout le monde, l’on (4a)– ou bien à un sujet
existentiel indéfini –quelqu’un (4b)– :
3 Selig (1998:36) affirme qu’en français le passif pronominal a subi un rétrécissement fonctionnel.
La cause directe en est l’ordre des mots fixe dans cette langue : les sujets grammaticaux ne peuvent
apparaître que très rarement derrière le verbe. L’antéposition d’un sujet/patient est possible à
condition que la construction dénote une propriété générale du patient, comme dans Cette porte
s’ouvre sans aucune difficulté. En espagnol, ainsi qu’en italien d’ailleurs, la postposition du sujet
grammatical n’est pas exceptionnelle et la pronominale passive n’est pas réduite à l’expression de
propriétés génériques. Pour une analyse détaillée des constructions pronominales en français, voir
aussi Melis (1990).
4 En adoptant ce point de vue nous nous distancions d’une part de l’idée que l’opposition passif vs.
impersonnel est due uniquement à des paramètres formels (Mendikoetxea 1999b), et d’autre part de
la thèse que les constructions passives et impersonnelles assument la même fonction syntaxique et
sémantique (Jordán 1973).
298
construction passive est la confusion possible avec les constructions réfléchies ou réciproques. En
effet, une phrase telle que Se mataban los cristianos peut recevoir trois interprétations : les chrétiens
se sont tués eux-mêmes (réfléchi), les chrétiens se sont tués l’un l’autre (réciproque), ou les
chrétiens ont été tués (passif).
7 Maldonado (1999) explique cette différence formelle entre les passives et les impersonnelles par
leur sémantique différente. Comme l’agent implicite fonctionne comme le sujet syntaxique dans
l’impersonnelle, le SN ne peut pas occuper la position préverbale. La position préverbale est libre
dans la construction passive. La condition nécessaire pour admettre l’antéposition est la nature
définie du déterminant :
(i) Los coches se venden vs. *Coches se venden.
Toutefois, l’antéposition d’un SN défini dans la construction passive est parfois questionnable :
(ii) Se visitaron las familias vs. ?Las familias se visitaron.
300
« Con la frase en singular y con sustantivo [-animado] hay un sincretismo total de ambos
valores, de modo que no se pueden distinguir las ‘pasivas reflejas’ de las ‘impersonales
activas’: ‘Se inauguró una nueva facultad’. » (Cano Aguilar 1981:297)
(13) Desde aquí, se ven dos torres. (≅ D’ici, deux tours sont vues.)
« Con el verbo ‘ver’, por ejemplo, la fórmula reflejo-pasiva suele realizar una total
objetivación, remueve de nuestras representaciones la idea de un sujeto que percibe: ‘se
ve(n)’ equivale muchas veces a ‘aparece(n)’ […]. »
Maldonado (1999) pose qu’afin que l’antéposition soit possible, le degré d’agentivité du verbe
pronominalisé doit être assez bas, comme dans Las gafas se quebraron.
301
Le manque d’accord entre oír et le SN las sirenas par contre, pourrait signaler que la
phrase (14) doit recevoir une lecture impersonnelle8 :
(14) Desde aquí, se oye a las sirenas. (≅ D’ici, l’on entend les sirènes.)
Pour des raisons évidentes, l’accord ne se produit pas entre le verbe principal et le SN
postposé dans la pronominale impersonnelle. Le sujet grammatical (et notionnel) de la
phrase est l’agent implicite –nécessairement humain et de la troisième personne du
singulier– alors que le SN explicite fonctionne comme l’OD et ne peut donc pas
déclencher l’accord :
Tout au contraire, la recherche empirique de De Kock (1990, 1997) montre que l’accord
entre le verbe principal et le SN s’établit dans environ 89% des constructions passives
pronominales. La construction sans accord est minoritaire9 :
8 Dans l’ouvrage de Sánchez López (2002:67-68), les phrases (13) et (14) sont définies comme
respectivement medio-pasiva et medio-impersonal. Une construction media dénote un processus
dynamique causé par la propre initiative d’un participant inanimé en position de sujet.
L’intervention d’un agent extérieur n’est pas présupposée. Une telle sous-classification des passifs
et des impersonnels n’entre toutefois pas dans le cadre de l’étude actuelle.
302
« Mientras tanto la construcción sin concordancia sigue siendo muy marginal y lo es desde
largo tiempo. » (De Kock & Gómez Molina 1990:49)
Les seules exceptions admises par les grammaires (cf. entre autres Bello &
Cuervo 1970) sont les constructions pronominales avec un SN défini et postposé :
De Kock (1990, 1997) signale la haute fréquence du non accord dans le cas d’une
coordination de plusieurs SN singuliers (17b) et avec les SN collectifs pluriels (17c) :
Mendikoetxea (1999b) ajoute que le non accord est possible si le SN est postposé au
verbe (17d), si l’aspect verbal est imperfectif (17e) et s’il y a une certaine distance
formelle entre l’élément verbal et le SN (17f) :
Finalement, plusieurs sources (Mendikoetxea 1999b, Moreira Rodríguez & Butt 1996,
Roegiest 2004, Sánchez López 2002) font remarquer que la construction sans accord,
aussi avec les objets inanimés, est en pleine expansion10. Cette évolution pourrait
indiquer d’une part que la construction avec se est en voie de transitivisation, et d’autre
9 Le non accord a été défini comme un cultisme qui s’est généré à la fin du 19ième siècle parmi les
auteurs espagnols qui voulaient imiter l’emploi français du on impersonnel (Vidal de Battini 1964),
ainsi que comme un phénomène typique de la langue plus populaire (DeMello 1995).
10 Diachroniquement, la construction impersonnelle provient de la construction passive et servait à
l’extension de la construction pronominale aux verbes intransitifs et aux verbes transitifs avec des
OD humains. La transitivisation et dépassivisation de la construction pronominale est un processus
linguistique en marche dont la vitesse dépend de facteurs géographiques ainsi que de facteurs
individuels. Roegiest (2004) argumente par exemple que l’italien standard a évolué plus vers la
conceptualisation impersonnelle centrée sur l’agent que l’espagnol, qui maintient mieux le
caractère passif orienté vers le processus. Pour une analyse diachronique des différents emplois de
se dans les langues romanes et le processus de grammaticalisation qui a donné lieu aux
constructions passives et impersonnelles, voir entre autres Cennamo (1993) et Selig (1998).
303
part que le statut du SN subordonné en tant que sujet grammatical n’est pas sans
faille.
Aussi convient-il de se demander si le SN qui déclenche l’accord dans la
passive mérite effectivement la dénomination de sujet grammatical. Il a été argumenté
non seulement que sémantiquement le SN fonctionne comme le patient de la phrase,
mais aussi que syntaxiquement il se comporte plutôt comme un OD que comme un
sujet (Roegiest 1993, 2004) :
Par conséquent, bien que l’on attribue sur la base de l’accord avec le verbe le statut de
sujet syntaxique au SN subordonné, ce SN possède beaucoup de propriétés non
subjectives11. Aussi est-il également justifié de se demander dans quelle mesure
l’accord peut encore être considéré comme un indice suffisant du fonctionnement
sujet d’un constituant. Keenan (1976) range l’accord verbal au plus haut de la
hiérarchie de fiabilité des propriétés formelles12. Or, Martín Zorraquino (1979) et
Roegiest (1993) proposent une liste considérable de cas où l’accord ne s’établit pas
entre le verbe et un constituant sujet. En effet, l’accord s’établit quelquefois entre le
verbe et un SN introduit par a, marque de l’objectivité (18). De plus, l’intransitivité du
verbe n’empêche pas nécessairement l’accord avec le SN qui ne peut être ni le sujet, ni
l’OD de la construction pronominalisée (19)13 :
11 Le clitique se ne peut pas non plus s’approprier le statut de sujet. Les arguments principaux
avancés par Roegiest & Spanoghe 1993 sont : (1) Le clitique se ne reçoit jamais l’accent tonique ; (2)
Il est impossible d’intercaler un élément entre se et la forme verbale (*Se no busca empleo vs. Juan no
busca empleo) ; (3) On ne peut pas supprimer se sans changer le sens de la phrase (Se busca empleo ≠
Busca empleo) ; (4) Le clitique ne peut pas se transformer en complément d’agent (*Mi padre fue
matado por se) ; (5) L’on ne peut pas le supprimer dans une proposition coordonnée (Se martirizó a
los cristianos y después les mató) ; (6) Se ne peut pas être coordonné avec un autre sujet (*Se y Juan
mataron a mi padre).
12 Cf. 6.5.4 Les indices syntaxiques des fonctions grammaticales, p 168.
13 Pour plus d’exemples voir Martín Zorraquino (1979) et Roegiest (1993:446-448).
304
Ces observations suggèrent que l’accord verbal n’est pas un indice univoque
de la subjectivité d’un constituant. L’accord peut être déclenché par la simple
présence d’un SN, peu importe sa fonction grammaticale. En effet, l’absence d’un sujet
notionnel est ressentie comme irrégulière et est, de là, compensée par l’accord avec le
seul actant présent. Ce qui joue un rôle important, c’est le lien sémantique étroit que le
locuteur aperçoit entre le verbe et le SN. Si cette cohérence n’est pas présente, l’accord
ne s’établira pas. C’est dans l’optique du rapport sémantique qui existe entre le verbe
et le SN postposé que nous examinons l’accord verbal entre le VdP et le SN2 dans la CI
pronominalisée.
Di Tullio (1998) pose que l’accord dans (20a) ne peut s’expliquer que par
l’incorporation : le VdP et l’infinitif fusionnent en un prédicat complexe dont le SN2
est le sujet. Cependant, l’accord entre le SN2 et le VdP ne doit pas se produire. La
phrase (20b) dénoterait ainsi une construction impersonnelle avec le SN2 en fonction
d’OD :
14 Nous sommes bien consciente de l’agrammaticalité d’une telle structure en français ; elle est
ajoutée ici uniquement pour mettre en relief l’interprétation passive de la phrase.
305
également indiquer que c’est le Cinf entier –dans notre exemple volar las gaviotas– qui
fonctionne comme le sujet grammatical dans la CI passive :
15La remarque à propos de l’agrammaticalité de cette phrase en français, proposée dans la note
précédente, est également valable ici.
306
Mendikoetxea (1999b:1691) par contre présume que l’alternance entre les structures
avec et sans accord est libre :
Or, une telle affirmation va à l’encontre de l’hypothèse centrale de cette étude selon
laquelle les modalités de perception imposent des structures différentes aux stimuli
qu’elles sélectionnent. En effet, nous avons déjà démontré à plusieurs reprises que
l’organisation interne du Cinf est imposée par la modalité du VdP. Ainsi, si nos
hypothèses centrales sont correctes :
la structure (II) –dénotant l’accord entre le SN2 et le VdP– devra être plus fréquente
avec les VdPvisuelle qu’avec les VdPauditive. En effet, le stimulus dictant l’accord des
VdPvisuelle doit être le participant subordonné SN2 alors que celui des VdPauditive doit
être le Cinf dans son ensemble. De plus, si l’incorporation est effectivement plus
contraignante avec la perception visuelle qu’avec la perception auditive, la structure
(IV) –dénotant l’accord entre le SN2 et le prédicat complexe– devra être plus habituelle
avec les VdPvisuelle qu’avec les VdPauditive. Afin de vérifier ces postulats, nous passons
ci-dessous à l’examen plus détaillé de chaque structure proposée. Nous commençons
l’étude empirique par la description de la composition du corpus.
(22) En la oscuridad se le oía respirar muy afanosamente, por la nariz, porque mantenía
los labios apretados en un rictus de dolor. (MM:13)
(23) Sonó la puerta y luego se oyeron las fuertes pisadas de Federico perderse por el largo
corredor del hotel. (SOL:de Lera A.M. 1967)
307
(24) Mientras la Modesta bajaba a la botica de Custodio, se oyeron pasar caballerías por
la calle […]. (EH:68)
Pour des raisons évidentes dans le cadre de cette analyse, nous faisons abstraction de
cette dernière catégorie. Quant à l’accord dans les trois autres catégories,
nous constatons les faits que voici :
(27) […] los pájaros se han ido y ya no se oye cantar a los grillos ni brillar a las
luciérnagas. (EM:8/8/2001)16
(28) Cientos de miles de personas viven en los cementerios mientras que en la isla de
Zamalek se veían circular cada vez más Mercedes. (CREA:Leguineche M. 1995)
Seuls les faits sous (2) et (3) nous intéressent ici puisque les faits sous (1) ne
permettent pas de dévoiler si l’accord s’établit entre le VdP et le SN2 ou entre le VdP
et le Cinf entier.
Tout d’abord, dans les CI pronominalisées où le SN2 subordonné s’antépose au
VdP, l’accord s’établit de règle au pluriel. L’antéposition contribue effectivement à
l’interprétation subjective du SN2, qui déclenche ainsi toujours l’accord17. Notre
corpus contient cinq exemples de ce type :
16 Comme cet exemple l’illustre, nous n’excluons pas a priori les phrases où le SN2 est marqué par la
préposition a. Bien que dans la littérature la présence de la préposition soit définie comme un
indice certain du caractère impersonnel de la construction et donc du non accord, il sera argumenté
plus loin dans ce chapitre que la préposition peut être invoquée pour d’autres raisons. De plus,
comme l’affirme DeMello (1995:75), la préposition n’exclut pas toujours l’accord : « Sin embargo,
construcciones del tipo ‘se ven a las personas’, aunque de frecuencia muy rara, sí se encuentran a veces en el
habla culta. »
17 Notre observation confirme l’affirmation de DeMello (1995:59) : « […] la concordancia entre un
verbo pronominal y su sujeto ocurre consistentemente en español en oraciones en las que el orden es de
sujeto-verbo. »
308
(29a) Entonces los trenes se veían venir desde muy lejos por el borbollón de humo que iban
dejando en la raya del atardecer. (EP:7/10/1999)
(29b) […] los nuevos vehículos entregados recientemente a la policía se ven circular sin
cesar, hasta por barrios y zonas relativamente apartadas en ciudad de la Havana.
(CDE:Noticias 16/07/1998)
Notons encore que le VdPvisuelle volontaire mirar ne semble pas se prêter à une
construction passive, parce que notre corpus ne contient aucun exemple du type se
miran X. Hanegreefs (sous presse) légitime cette absence par le caractère très agentif
du verbe :
« La pasiva refleja, por su parte, es una construcción muy poco frecuente con mirar. Esta
observación tampoco sorprende mucho: el carácter agentivo del verbo es difícilmente
compatible con una construcción que denota todo lo contrario. »18
Notre étude prend le départ avec la structure qui apparaît le plus fréquemment dans
le corpus, à savoir la CI pronominale incorporée. Dans les exemples suivants, le VdP
et l’infinitif fusionnent en un prédicat complexe ; l’accord au pluriel entre ce prédicat
et le SN2 postposé démontre qu’il s’agit d’une construction passive. Notons que dans
l’exemple (30), le SN postposé dictant l’accord est humain. La pronominale passive
n’est donc pas restreinte aux SN inanimés :
(30) Por la calle que cruza algo más allá se ven pasar los transeúntes […]. (SOL:Romero
L. 1952)
[≅ *Les passants sont vus passer.]
(31) Se oían sonar las fichas sobre el mármol. (SOL:Sánchez Ferlioso R. 1956)
[≅ *Les fiches étaient entendues sonner.]
Une analyse plus détaillée montre que l’incorporation est surtout fréquente
avec ver : des 17 occurrences dans le corpus, 11 se situent dans le champ de la
perception visuelle. À cela s’ajoute que la nature lexicale de l’infinitif joue un rôle
important. Dans le champ de ver, l’incorporation se produit uniquement avec les
18Sur le haut degré d’agentivité du verbe mirar, voir supra 3.3.2 Le percepteur : un proto-agent ?, p
54. Rappelons aussi que lors de notre enquête sondant l’acceptabilité de la passivisation en
espagnol, certaines personnes ont affirmé que les variantes pronominales des VdPvolontaire étaient
moins évidentes, cf. supra 5.2.2 La restriction de passivisation, p 127.
309
infinitifs de mouvement, tels que pasar (cf. 30), venir (32a), circular (32b) ou bajar (32c) ;
avec les VdPauditive, l’incorporation est limitée aux infinitifs d’émission de stimuli, tels
que sonar (cf. 31), cantar (33a) ou gemir (33b) :
(32a) Se veían venir los atropellos, los abusos, los lios. (CREA:Sánchez-Ostiz M. 1995)
[≅ *Les violations, les abus, les embrouillements étaient vus venir.]
(32b) Cientos de miles de personas viven en los cementerios mientras que en la isla de
Zamalek se veían circular cada vez más Mercedes […]. (CREA:Leguineche M.
1995)
[≅ *De plus en plus de Mercedes étaient vus circuler.]
(32c) Por el camino de Villa nubla se veían bajar reatas de mulas, pordioseros y algún que
otros caballero apresurado. (EH:163)
[≅ *Des attelages de mulets étaient vus descendre.]
(33a) Todavía no se había hecho de día y ya se oían cantar los pipitejos […].
(CREA:Gracia Monterde C. 1996)
[≅ *Les grives étaient entendues chanter.]
(33b) […] mientras aquí se oyen gemir las radios en los balcones abiertos, […].
(SOL:Marsé J. 1967)
[≅ *Les radios sont entendues gémir.]
Il sera argumenté plus loin dans ce texte que l’interprétation de cette phrase varie
entre celle d’une impersonnelle (l’on entend chanter les coqs) et celle d’une passive (*les
coqs chanter est entendu). Nous passons d’abord à l’analyse d’un deuxième type de
structure où l’accord s’établit entre le VdP et le SN2 subordonné.
Quatre exemples de notre corpus témoignent d’un accord verbal entre le VdP et le
SN2 antéposé à l’infinitif :
(35a) […] enfrente se veían sus siluetas recortarse a lo largo del dique. (SOL:Sánchez
Ferlioso R. 1956)
[≅ *Ses silhouettes étaient vues se découper.]
(35b) […] se veían sus bultos desplazarse a flor de agua. (SOL:Sánchez Ferlioso R. 1956)
[≅ *Ses silhouettes étaient vues se déplacer.]
(35c) Se ven hojas caer sin que el amarillo otoño presagie guadañas invernales porque
nunca habrá granizo o nieve en las templadas calles de Santurce. (CDE:Bou A.
1999)
[≅ *Les feuilles étaient vues tomber]
(35d) Sonó la puerta y luego se oyeron las fuertes pisadas de Federico perderse por el largo
corredor del hotel. (SOL:de Lera A.M. 1967)
[≅ *Les pas forts de Frédéric étaient entendus se perdre.]
310
Dans la littérature, l’absence d’accord entre le VdP et le SN2, comme dans les
exemples ci-dessous, est motivée par la nature impersonnelle de la construction :
(36) […] ciudad católica, pero por cuya bulliciosa y comerciante Pelikaanstraat se ve
pasear a judíos de cuento ; […]. (CDE:Prensa 1999)
(37) Dio voces el Rey y se vio a dos hombres huir por una escalerilla oscura […].
(EP:12/9/ 1999)
(38) […] se oye a los grillos beber. (CDE:Ruy Sánchez A. 2002)
(39) ‘El norte es el destino’, se oía murmurar a las mujeres con azoramiento.
(CDE:Ferrer R. 1944)
Or, d’après notre hypothèse, ces phrases sont ambiguës : elles peuvent recevoir à la
fois une analyse impersonnelle et une analyse passive. Le manque d’accord pourrait
alors s’expliquer de deux façons :
19Ce n’est pas par hasard que dans 3 des 4 exemples, l’infinitif inaccusatif est en plus pronominal.
L’intercalation du SN2 entre le VdP pronominalisé et l’infinitif s’explique ainsi par la défense en
espagnol de faire suivre deux éléments pronominaux. La postposition du SN2 pourrait favoriser
une incorporation, et le prédicat complexe porterait alors deux se (se Vcomplexe –se), ce qui est
agrammatical.
311
(40) Se oía cantar a los vecinos cuando estaban alegres. Y se oían quejidos cuando estaban
enfermos. (CREA:Carrión I. 1995)
[≅ *Les voisins chanter était entendu quand ils étaient heureux. Des plaintes
étaient entendues quand ils étaient malades.]
Ce qui saute aux yeux, c’est que la majorité de ces structures ambiguës se
présentent avec les VdPauditive oír/escuchar : des 43 constructions rencontrées, 36 se
situent dans le champ de la perception auditive, contre seulement 7 pour la
perception visuelle. La seule interprétation impersonnelle ne pourrait pas expliquer ce
décalage entre les deux modalités de perception : pourquoi la structure impersonnelle
serait-elle plus fréquente avec les VdPauditive qu’avec les VdPvisuelle ? L’analyse en tant
que passive avec le Cinf comme sujet grammatical par contre, permet de motiver les
données statistiques : comme les VdPauditive sélectionnent des Cinf dynamiques –de
nature propositionnelle– le locuteur aperçoit un lien sémantique étroit, d’abord entre
le SN2 et l’infinitif, et dans un deuxième temps entre le Cinf entier et le VdP. Il s’en
déduit que ce n’est pas le participant subordonné qui est conçu comme le sujet
grammatical mais la proposition subordonnée entière. En revanche, les VdPvisuelle
sélectionnent des Cinf moins dynamiques avec des participants moins agentifs. Ainsi,
le Cinf n’est pas conçu comme une proposition complète. Le participant subordonné
fonctionne dans la phrase active prototypiquement comme l’OD du VdP, et donc dans
la phrase passive comme le sujet grammatical. Voici les configurations prototypiques
pour les deux modalités de perception :
sémantiques et syntaxiques de la CI, il a été observé que cette structure n’admet pas la
passivisation. Rappelons les cas illustratifs21 :
Conclusion partie II
structure interne du Cinf est non propositionnelle ; si le SN2 fonctionne comme l’OD
d’un prédicat complexe, l’infinitif est incorporé dans le VdP principal.
Parallèlement, l’analyse empirique a montré que ces trois types de Cinf
n’apparaissent pas d’une manière équitable derrière les VdP : les VdPvisuelle
sélectionnent prototypiquement des Cinf de nature non propositionnelle, les
VdPauditive des Cinf de nature propositionnelle, et la structure incorporée est plus
habituelle avec ver/voir et mirar/regarder qu’avec les verbes oír/entendre et
escuchar/écouter. En effet, l’antéposition du SN2, le cas datif et le non accord sont plus
fréquents dans le domaine des VdPauditive tandis que la postposition, le cas accusatif et
l’accord caractérisent le comportement syntaxique des VdPvisuelle.
Au stade actuel de notre recherche il est difficile de hiérarchiser les trois
propriétés formelles : pour chacune nous avons observé certaines tendances
principales, mais non des règles absolues. Quoi qu’il en soit, les observations
empiriques confirment nos hypothèses proposées au départ de cette deuxième partie :
De l’étude qui précède il est apparu que les propriétés sémantiques et syntaxiques des
VdP espagnols et français ver/voir, oír/entendre, mirar/regarder et escuchar/écouter sont
loin d’être uniformes. Cette observation met en cause l’approche traditionnelle qui
déduit le profil général des VdP de la seule analyse des VdPvisuelle. En outre, il s’est
avéré que souvent, l’opposition primaire ne se situe pas entre ver/voir, oír/entendre
d’un côté et mirar/regarder, escuchar/écouter de l’autre, mais entre ver/voir, mirar/regarder
d’une part et oír/entendre, escuchar/écouter d’autre part. Face à cette observation, il n’y a
pas d’autre option que de mettre en cause aussi l’approche classique qui part
uniquement de la bifurcation perception volontaire vs. perception involontaire. La
perspective adoptée dans cette étude focalisant les deux dimensions –horizontale et
verticale– du champ sémantique de la perception, à savoir celle de l’opposition
volontaire vs. involontaire et celle des différentes modalités de perception, nous a
permis en effet de considérer un certain nombre de controverses, esquissées dans la
première partie, sous un jour tout nouveau ainsi que d’expliquer une série de données
statistiques, proposées dans la deuxième partie. Ci-dessous, nous les alignons une
dernière fois.
Premièrement, les VdP –et notamment les VdPinvolontaire– ont souvent été cités
dans la littérature comme des cas atypiques de la transitivité sémantique. Comme
l’acte de perception représente un contact mental plutôt que physique entre un
expérienceur et un stimulus, il s’éloignerait du transfert d’énergie prototypique. Or, la
décomposition des rôles de l’agent et du patient en plusieurs traits distinctifs a
dévoilé que la transitivité est une notion graduelle, aussi bien à l’intérieur de la classe
des VdP. L’application des traits proto-agentifs au percepteur et des traits proto-
patients au stimulus a démontré que les VdP se caractérisent par des degrés différents
de transitivité. Ce qui commande la classification des verbes en premier lieu, c’est la
dichotomie entre les modes volontaire et involontaire, mais l’opposition visuel vs.
auditif joue un rôle tout aussi important. Comme le sujet/percepteur des VdPvisuelle
volontaire mirar/regarder contrôle l’acte de perception et sélectionne des stimuli pas
forcément dynamiques, ces verbes se rangent au plus haut de la hiérarchie de
transitivité. Étant donné que le sujet/percepteur des VdPauditive involontaire oír/entendre
n’a aucun contrôle sur son expérience et n’aperçoit que des stimuli dynamiques, ces
320
ver/voir.
Ce discernement des degrés de transitivité des VdP n’aurait pas pu se faire si
nous n’avions pas résolument opté pour une approche basée sur les propriétés
conceptuelles des modalités de perception. En effet, le dépouillement des
caractéristiques extralinguistiques des actes de perception visuelle, auditive,
volontaire et involontaire –effectué au départ de cette étude– a mis à jour que les
quatre modalités sont différentes quant aux traits du percepteur, du stimulus et de
l’événement de perception même. Premièrement, l’expérienceur d’un acte de
perception volontaire est plus agentif que celui d’un processus de perception
involontaire, visuelle ou auditive. En outre, le percepteur visuel a plus de contrôle sur
l’événement perceptif que le sujet de la perception auditive, qui par là est moins
agentif. Deuxièmement, l’analyse des propriétés du stimulus de perception a dévoilé
que le stimulus de la perception auditive est potentiellement plus dynamique que
celui de la perception visuelle. En outre, le percepteur génère et maintient un acte de
perception volontaire quand un stimulus attire son attention et que celui-ci est alors
dynamique. Le stimulus de la perception involontaire n’est pas nécessairement
attirant, donc moins potentiellement dynamique. Finalement, quant aux propriétés de
l’événement de perception même, la perception volontaire est plus imperfective que la
perception involontaire qui est plus ponctuelle. À cela s’ajoute que la perception
auditive est toujours instantanée alors que la perception visuelle est potentiellement
plus durative et répétitive.
La prise en considération de ces différences cognitives nous a également
permis de prendre position dans la longue discussion autour de l’aspect lexical des
VdP. À la question de savoir si les VdP représentent des états, des activités, des
achèvements ou des accomplissements, nous avons répondu que leur classification
dépend non seulement de leur environnement syntaxique, mais aussi de la structure
interne des événements perceptifs qu’ils représentent. La perception volontaire est
prototypiquement composée de trois phases : la phase préparatoire d’orienter
l’attention vers le stimulus, le point culminant où la perception a lieu et une phase
postérieure pendant laquelle l’observation continue. La perception involontaire par
321
compléments anglais sont projetés sur les langues romanes. Dans cette perspective, il
conviendrait d’évaluer dans quelle mesure le gerundio espagnol derrière les VdP (Oigo
a Juan cantando) est à comparer avec la forme en –ing de l’anglais (I hear John singing),
et dans quelle mesure il correspond au participe présent français ( ?J’entends Jean
chantant). Une comparaison avec le portugais est aussi souhaitable, parce que les
compléments de perception mentionnés ci-dessus y entrent en compétition avec une
sixième structure possible, à savoir l’infinito pessoal (Vi os cavalos correrem ; Je vois les
chevaux courir). Il s’impose encore une comparaison avec le roumain, où le gérondif (L-
aud cîntînd ; Je l’entends chantant) et la complétive (L-au văzut că se duce ; Ils ont vu qu’il
est parti) sont les constructions les plus fréquentes et remplacent la CI.
En guise de conclusion, notre étude se veut également un plaidoyer en faveur
d’un approfondissement futur de la thématique des VdP ainsi que de la thématique
de la perception en tant que faculté cognitive humaine.
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Annexes
356
Annexes I
Notre étude des compléments des VdP se base sur le principe de la Grammaire Cognitive
selon lequel le comportement syntaxique d’une expression est motivé par son
organisation sémantique et vice versa. En outre, la forme superficielle d’une expression
linguistique reflète une organisation cognitive particulière, si bien que les différences
formelles entre les constructions reflètent des différences sémantico-conceptuelles1. Dans
la syntaxe des VdP, les compléments correspondent à des unités symboliques
conventionnelles, qui imposent une structure différente sur le stimulus aperçu.
1 Sur le rapport entre les propriétés sémantiques et syntaxiques des types de compléments voir par
exemple Berman (1996, 1998), Dik & Hengeveld (1991), Dirven (1989), Girard (1998), Horie (1993,
2000), Kopytko (1985, 1990), Mönnich (1992, 1999), Mulder (1992), Schüle (1996, 2000), Subirats-
Rüggeberg (1987), Van der Leek & Jong (1982), Van der Meer (1994) et Verspoor (1990, 2000).
357
De plus, une interprétation de perception directe abstraite est également possible. Dans la
phrase (3) le percepteur perçoit le stimulus directement, sans inférence, mais l’entité
aperçue n’est pas un objet physique concret mais abstrait :
(3) Si sólo ves el resultado, claro que es una pequeña decepción. (EP:17/12/1999)
distinguons des personnes (4), des animaux (5), des objets ou des forces dynamiques (6),
des bruits (7), des informations (8), des éventualités (9) et des notions abstraites (10) :
(4) El sábado, a las once de la noche, cuando estaba tomándome un güisqui y oyendo a Dinah
Washington en una de mis canciones preferidas […]. (EP:4/8/1999)
(5) Oigo al perro.
(6) […] ahora se oyen motos de agua todo el día. (EP:24/7/1999)
(7) Pero mientras todo esto sucedía, en las 24 calles que se engalanan este año se oía aún el
sonido de los martillos. (EP:15/8/1999)
(8) Pensaba todo esto cuando oí por la radio la noticia sobre la decisión de ETA de romper la
tregua. (EP:30/11/03)
(9) Oímos la lectura del acta anterior, […]. (EP:27/10/1999)
(10)Demasiadas veces se oyen los mismos conceptos, mientras está ausente la realidad
concreta valenciana. (EP:9/7/1999)
La relative de perception2 apparaît en espagnol et en français avec les quatre types de VdP
que nous étudions :
2Pour plus de données sur la construction VdP + relative voir Barron (1999), Blumenthal (2002a),
Cadiot (1976), Cinque (1995), Guasti (1993), Hatcher (1944), Kleiber (1988), Labelle (1996), Muller
359
En général, la structure A perçoit B qui impose une lecture de perception directe. Son statut
syntaxique, et plus particulièrement son rapport avec le complément infinitif (Cinf)
(Guasti 1993, Hatcher 1944, Labelle 1996), avec la complétive (Schwarze 1974, Suñer 1978),
avec la structure nominale (Labelle 1996, Willems 1983) et avec la structure adjectivale
(Muller 1995, Van der Auwera 1985) a intrigué de nombreux linguistes. Plusieurs
chercheurs ont mis l’accent sur les nombreuses restrictions auxquelles la relative de
perception est soumise (Blumenthal 2002a, Muller 1995, Van der Auwera 1985) et l’ont
comparée avec la relative normale (Barron 1999, Cinque 1995, Guasti 1993). Finalement, la
relative a été analysée comme une structure à un constituant (Cinque 1995, Guasti 1993)
ou à deux (Labelle 1996, Muller 1995).
Nous commençons notre étude de la relative par un survol de ses propriétés syntaxiques
et sémantiques principales :
1. le verbe subordonné ne peut pas renvoyer à un état permanent : *Je le vois qui
est petit ;
2. l’événement aperçu est simultané à l’acte de perception même : Lo veo que viene
vs. *Lo vi que viene ;
3. le processus aperçu est nécessairement imperfectif : Je l’ai entendu qui pleurait
vs. *Je l’ai entendu qui pleurait de trois à cinq ;
4. la négation ne peut pas porter sur le VdP, ni sur le verbe de la relative même :
*No la oigo que llora vs. *La oigo que no llora. Elle est donc exclue ;
5. la relative de perception correspond à la perception unique d’une entité : *Je l’ai
vu trois fois qui allait au cinéma3.
(1995), Schwarze (1974), Suñer (1978), Van der Auwera (1985), Willems (1983), Willems & Defrancq
(2000) et Wilmet (1988).
3 Cependant Blumenthal (2002a) cite un exemple où l’interprétation de perception réitérée est
Une deuxième série de traits syntaxiques distingue la relative de perception des relatives
normales. Guasti (1993), Cinque (1995) et Barron (1999) introduisent à ce propos la
dénomination de pseudorelative :
6. les pronoms des relatives de perception peuvent être cliticisés, ce qui est
impossible dans la relative normale : Lo oigo que toca la guitarra vs. *Lo conozco
que tiene siete hijos ;
7. la relative normale ne se construit pas avec des entités individualisées. Ceci ne
pose aucun problème pour la relative de perception : Vi a Juan que jugaba al
ajedrez vs. *Conozco a Juan que jugaba al ajedrez ;
8. le que dans la relative de perception ne peut remplir que la fonction de sujet.
Dans la relative normale plusieurs fonctions sont possibles : *Je la vois qu’on fait
pleurer vs. Je la connais qu’on fait pleurer ;
9. contrairement à la relative de perception, le temps du verbe dans la phrase
relative n’est pas conditionné par celui du verbe principal : Ayer conocí al señor
que tiene siete hijos ;
10. l’insertion de verbes pseudo-modaux est restreinte dans la relative de
perception, mais pas dans la relative normale : *La miro que puede levantarse a las
seis vs. Me presentaron un guía que puede llevarnos al lugar exacto ;
11. contrairement à la relative normale, la relative de perception n’est pas
appositive parce qu’elle manque l’intonation de pause (et la virgule).
Bien que cette liste procure une image assez claire du comportement sémantico-
syntaxique des relatives de perception, leur statut syntaxique demeure indécis. Schwarze
(1974) propose une analyse transformationnelle qui dérive la relative de perception de la
complétive : la phrase Oigo a Juan que toca la guitarra aurait la même structure profonde
que Oigo que Juan toca la guitarra. Dans des études postérieures, cette hypothèse a été
rejetée. Suñer (1978) insiste sur le fait que la relative de perception est une structure de
perception directe tandis que la complétive représente un acte de perception indirecte. Les
exemples (15) et (16) illustrent cette non synonymie. La relative de perception n’est
possible qu’avec une lecture de perception directe, ce qui est le cas dans (16) mais pas
dans (15) :
(15) Oí que el presidente había muerto. vs. *Oí al presidente que había muerto.
361
Des analyses plus récentes traitent les relatives de perception comme des structures
autonomes. Willems (1983) et plus tard Labelle (1996), les définissent comme des
constructions proches de la structure nominale. La relative serait un type particulier de
complémentation nominale qui met en jeu des actants au premier degré. Les auteurs
parlent à ce propos d’une relative attributive. Parallèlement, Van der Auwera (1985) et
Muller (1995) affirment que les relatives de perception fonctionnent comme des adjectifs,
et plus particulièrement comme des épithètes détachées. Guasti (1993) s’oppose à cette
analyse des relatives comme des structures nominales ou adjectivales et les rapproche de
la CI.
En effet, plusieurs auteurs insistent sur le rapport qui existe entre la relative de
perception et la CI. D’après une telle analyse, les deux structures correspondent à des
processus de perception directe et partagent un certain nombre de propriétés sémantiques
et syntaxiques, telles que les restrictions aspectuelles (17) et temporelles (18) et les
contraintes sur l’insertion de la négation (19) :
(17) *Je vois Marie être petite. vs. *Je la vois qui est petite.
(18) *Veo a María llegar ayer. vs. *La veo que llegó ayer.
(19) ?*La oigo no llorar. vs. *No la oigo que llora. vs. *La oigo que no llora.
Hatcher (1944) note en effet que la relative de perception a été une rivale de la CI dès le
latin, mais que les deux structures imposent des perspectives différentes à la scène
aperçue. Dans A voit B qui, B serait aperçu au milieu de l’activité qu’il génère : le
percepteur A apercevrait d’abord le participant B et passerait ensuite à une considération
de son activité. Dans la CI par contre, le percepteur apercevrait d’abord l’activité et ne
reconnaîtrait l’actant que secondairement4. De plus, la relative de perception présenterait
l’activité comme étant en progression tandis que le Cinf renverrait à une activité
perfective. Labelle (1996:101) ajoute encore d’autres arguments qui distinguent la relative
de perception de la CI :
4 Or, un des premiers postulats de notre étude est que l’emploi d’un Cinf derrière les VdP
n’implique pas toujours la perception primaire de l’activité.
362
Une telle analyse implique que la phrase introduite par qui/que est de nature prédicative et
que le SN fonctionne comme le sujet de la prédication. Le SN ne doit pas toujours être
directement perceptible : dans Il a vu le vent qui bougeait les feuilles le percepteur n’aperçoit
pas le vent mais plutôt l’événement global du vent qui fait bouger les feuilles.
Un deuxième groupe d’auteurs soutiennent que la relative de perception se scinde
en deux constituants. Suñer (1978) prétend que le SN de la relative fonctionne comme
l’OD du VdP. L’argument principal que cet auteur avance est qu’en espagnol, ce SN peut
être précédé de la préposition a qui marque habituellement les OD humains (20a). De
plus, ce SN peut être remplacé par un pronom OD (20b) :
Dans la même ligne de pensées, Muller (1995) pose que la relative de perception introduit
séparément le nom et la prédication constituée de la seule relative. Son argument
principal est que la passivisation du complément sépare l’antécédent de la relative :
(21) Paul a été vu qui réparait son vélo vs. ?*Paul qui réparait son vélo a été vu.
Finalement, Labelle (1996:100) affirme que le SN et la relative peuvent être séparés par un
complément locatif. Ainsi, le SN ferait plutôt partie de la phrase principale et la relative
de perception serait composée de deux constituants :
La structure VdP + gérondif est le troisième type de complément qui mérite notre attention.
Le complément gérondif apparaît dans plusieurs langues et correspond uniformément à
un acte de perception directe5 :
Dans les paragraphes suivants nous nous concentrerons essentiellement sur le gérondif
espagnol et français7 et ses différences avec le Cinf, différences qui se situent
5 Par conséquent, le processus décrit par le gérondif est simultané à celui du verbe principal. En
outre, comme l’affirme Reese (1991:63) une phrase telle que Veo una muchacha cogiendo manzanas
peut être paraphrasée par Veo una muchacha que coge manzanas mais pas par Veo que una muchacha
coge manzanas, qui correspond à un acte de perception indirecte.
6 Comme l’affirme Chocheyras (1968), en français la construction VdP + gérondif appartient à un
Di Tullio (1998), Felser (1998, 1999), Rodríguez Espiñeira (2000), Roegiest (2003) et Tunstall (1994).
Comme l’affirment entre autres Reese (1991) et Porras (1984:198-199), le gérondif espagnol est assez
différent des structures correspondantes en d’autres langues et plus particulièrement en anglais :
« This is crucially the case of Spanish where, among other things, the term ‘progressive’ itself cannot have
the same acceptance as in other languages (particularly English) and precisely because its use cannot be
equated with that of its counterpart in other languages. » Cependant, nous n’excluons pas a priori les
364
données sur la structure anglaise puisqu’elles peuvent éclairer certains aspects des gérondifs
espagnol ou français, jusqu’à présent étudiés moins fréquemment.
365
Plus récemment (Fernández Lagunilla 2003, Roegiest 2003), l’aspect de l’infinitif a été
défini comme neutre au lieu de perfectif. L’infinitif serait non marqué aspectuellement et
temporellement parce qu’il ne focalise non seulement le point culminant de l’événement
mais aussi son début et son déroulement.
Plusieurs auteurs s’opposent à cette différenciation aspectuelle du complément
gérondif et du Cinf en termes de imperfectif vs. perfectif. Porras (1984) part d’une
distinction entre deux types de progressifs en espagnol : les vrais progressifs et les
pseudo-progressifs. Les vrais progressifs correspondent à des processus qui avancent
graduellement vers un point final, ils ne sont pas statiques mais dynamiques (30), tandis
que les pseudo-progressifs représentent des processus statiques (31) :
L’auteur postule que le gérondif derrière les VdP est un pseudo-progressif de caractère
statique :
« […] the situation reported by the speaker in a gerundial perception verb complement is said to
be statively interpreted because it is conceived as the perception of just a portion of the whole
situation which is supposed to be expanded backwards as well as forwards and thus there are
previous and subsequent segments of the same situation which are not captured by the
experiencer because of the nondurative condition of the perception. » (Porras 1984:282)
l’emploi du gérondif (32b) lui permettrait d’affirmer uniquement qu’il n’a jamais été vu
effectuant le procès de fumer, bien qu’il fume :
À part ces analyses aspectuelles, les constructions avec gérondif et avec infinitif ont été
différenciées du point de vue de leur structure syntaxique. D’une part, la coordination
possible d’un infinitif et d’un gérondif pointe vers une similarité structurale de ces deux
compléments8 :
Cette dernière position a été renforcée par l’observation que le gérondif peut apparaître
dans le Cinf en tant que constituant optionnel (35a), alors que l’infinitif n’est jamais
subordonné au gérondif (35b) :
8 Cf. Declerck (1982a:3): « As is well known, constituents that can be conjoined are necessarily of the same
type. »
367
Ces trois analyses ont mené Di Tullio à conclure que le complément gérondif se distingue
du Cinf par le nombre de constituants qu’il contient : toujours un pour le Cinf, souvent
deux pour le gérondif9. Cette structure interne différente est démontrée par les tests
suivants :
9 Notre propre analyse pointera toutefois vers la conclusion que le nombre de constituants que le
Cinf comporte varie en fonction du type de VdP principal et de la nature sémantique du stimulus
aperçu.
368
Roegiest (2003) met en relief l’accord différent dans le passif pronominal et la réduction
propositionnelle (a)grammaticale :
À ces preuves syntaxiques s’ajoutent des arguments concernant la nature sémantique des
SN subordonnés. Di Tullio (1998) affirme que dans la construction avec gérondif, le SN
subordonné est en réalité l’OD du VdP et doit, de là, être un élément référentiel. Le SN
accompagné d’un infinitif n’est pas directement contrôlé par le VdP et ne doit pas obéir à
ces restrictions de sélection :
Finalement, Fernández Lagunilla (2003:93) pose que l’emploi du Cinf implique que ce qui
est aperçu est toujours l’événement, tandis qu’avec le gérondif il y a une ambiguïté
possible entre la perception d’un événement et la perception d’une entité. En effet, dans
(36a), nous voyons l’événement de Marie en train de partir d’un bar ; (36b) s’interprète ou
bien comme nous voyons Marie qui est en train de partir d’un bar, ou bien comme en partant
d’un bar nous-mêmes, nous voyons Marie :
En guise de conclusion, les observations qui précèdent montrent qu’une étude plus
poussée des différences entre le Cinf et le complément gérondif derrière les VdP vaudrait
certainement la peine. Seulement, elle n’entre pas dans le cadre de l’étude actuelle.
I.5 La complétive
Aussi la complétive apparaît-elle naturellement derrière les VdPinvolontaire mais non derrière
les VdPvolontaire, qui représentent toujours des actes de perception directe.
Cependant, comme l’opposition entre la perception directe et la perception
indirecte n’est pas nette, il n’est pas toujours facile de décider de la nature directe ou
indirecte de la complétive. Par exemple, quelle est la différence entre la phrase avec
complétive J’entends que le bébé respire et la CI J’entends le bébé respirer ? Dans les deux cas il
370
s’agit d’un processus de perception directe car le percepteur aperçoit directement que le
bébé respire. Holierhoek (1980) pose que l’emploi de la complétive rend la description de
la perception plus objective et plus réservée tandis que la CI décrit la scène aperçue d’une
manière plus animée. Dans la même ligne d’idées, Willems (1983) conclut que la
complétive impose une lecture d’éloignement par rapport à l’activité aperçue tandis que
l’infinitif établit un lien entre les deux événements perceptif et aperçu10. L’auteur conclut
que la complétive est neutre par rapport à l’opposition perception directe vs. perception
indirecte et lui attribue quatre interprétations différentes :
Autrement dit, la complétive peut également dénoter des actes de perception plus directe
et de là recouvrir partiellement le domaine du Cinf11. Toutefois, les deux constructions ne
peuvent pas constituer des synonymes parfaits parce qu’une telle redondance
fonctionnelle éliminerait le Cinf ou la complétive de la liste des compléments à sens
propre. Ainsi, la différence entre les deux structures ne se définit pas en premier lieu par
rapport à la distinction direct vs. indirect mais plutôt par rapport à la notion de factivité.
La factivité se définit comme la présupposition de la part du locuteur que ce qu’il
dit est nécessairement donné et vrai. En effet, par l’emploi de la construction VdP +
complétive, le locuteur se prononce sur la vérité de la situation aperçue et exprime son
point de vue concernant le statut factuel des faits représentés dans le complément. Selon
Willems (1983), la complétive ajoute à la phrase la dimension supplémentaire d’un actant
extérieur qui juge, constate ou extériorise la situation aperçue. C’est la notion de factivité
qui sépare la construction complétive du Cinf.
10 Pour des différences plus générales entre l’infinitif et la complétive, voir aussi Lemhagen (1979).
11 Ce domaine est spécifié dans 5.1 La CI : une structure de perception directe ?, p 114.
371
visuel Æ connaissance
auditif Æ attention Æ obéissance
Æ communication
gustatif Æ préférence/aversion
tact Æ sentiments
olfactif Æ sentiments négatifs
Il ressort de ce schéma qu’il existe un rapport bien établi entre la perception visuelle et les
activités cognitives d’une part, et la perception auditive et le champ de la communication
de l’autre. Les autres sens s’étendent vers le domaine de l’émotif. Sweetser (1990:35)
définit la corrélation :
12Pour plus d’informations voir entre autres Danesi (1985, 1990), Hava Bat-Zeev (1989), Ibarretxe
(1999), Sjöström (1999) et Sweetser (1990). Pour plus de références, voir la note 23, p 32.
372
1. elle admet la présence de prédicats statiques permanents : Je vois que Marie est
intelligente (vs. *Je vois Marie être intelligente) ;
2. la négation indépendante du complément est possible : J’entends que Marie n’est
pas contente (vs. ?Je vois Marie ne pas arriver) ;
3. la simultanéité temporelle de la principale et de la subordonnée n’est pas
nécessaire : J’entends que Marie a écrit un livre (vs. *J’entends Marie avoir écrit un
livre).
Annexes II
Exemples supplémentaires
type Compl
exemple VdP OD OI Cadv #
SN2 SN2
Celles-ci, inquiètes à l'idée de voir les fonds belges prendre le chemin du voir PRÉV épithète + - - 39
retour, […]. (Glossa:20/10/2003)
Mais les pays donateurs accepteront-ils de perdre tout contrôle sur leurs aides voir PRÉV épithète - + - 1
et, surtout, de voir un tel marché échapper à leurs industriels ?
382
type Compl
exemple VdP OD OI Cadv #
SN2 SN2
(LM:21/4/1994)
Un régal de voir ce grand enfant s'amuser dans un pays merveilleux qui était voir PRÉV épithète - - + 57
son imaginaire. (Glossa:22/10/2003)
[…] voit des femmes maghrébines lui lever le voile […]. voir PRÉV épithète + + - 1
(Glossa:16/12/2003)
Etonné de voir le futur lauréat descendre l'obstacle sur son vélo, […]. voir PRÉV épithète + - + 21
(Glossa:26/11/2003)
[…] les Magyars vont voir un gouvernement démocratique succéder à un voir PRÉV épithète - + + 1
autre après les élections législatives des 8 et 29 mai. (LM:6/5/1994)
Faut-il dès lors s'attendre à voir débarquer un nouveau renfort à Wegnez? voir PO épithète - - + 42
(Glossa:13/11/2003)
J'aimerais entendre le président Izetbegovic dire, lui aussi, qu'il préfère voir le entendre PRÉV épithète + - - 17
départ de la FORPRONU... (LM:5/11/1994)
Entendre une jeune femme tête nue argumenter avec passion contre le voile entendre PRÉV épithète - - + 8
est bien; […]. (LM:14/11/1994)
Ce dernier, qui assistait au débat de la tribune, a pu entendre un député entendre PRÉV épithète + + - 5
conservateur l'accuser de complot criminel […]. (LM:4/11/1994)
On aurait également aimé entendre le premier ministre déclarer plus entendre PRÉV épithète + - + 7
fermement, comme l'a fait son ministre des affaires étrangères, le rôle essentiel
que la France doit jouer dans le renouveau du dialogue en Algérie.
(LM:16/8/1994)
Viviane lui a montré le chemin, elle a trouvé le courage d'écouter son âme de entendre PRÉV épithète - + + 1
midinette, pour entendre un jeune Polonais lui parler d'amour.
(LM:2/6/1994)
Il y a bien sept cents personnes dans la salle polyvalente de Grand-Charmont, entendre PO épithète - - + 1
d'où l'on pourrait presque entendre tourner les usines Peugeot, en contrebas.
(LM:26/3/1994)
[…], à regarder les troupes américaines monter des tentes, manoeuvrer des regarder PRÉV épithète + - - 2
bulldozers, ranger leurs engins, prendre position derrière des sacs de sable...
(LM:30/9/1994)
A onze contre dix, ils ont regardé leur fol espoir de finale s'effilocher au fil des regarder PRÉV épithète - - + 6
minutes. (LM:29/4/1994)
[…] le combattant bosniaque regarde les casques bleus français prendre regarder PRÉV épithète + - + 1
position sur un pont enjambant la Milacka, […]. (LM:12/2/1994)
En regardant circuler ces petits bonshommes sur l'écran de l'ordinateur, […]. regarder PO épithète - - + 8
(LM:30/7/1994)
Mais si, de ce côté-ci de la Méditerranée, on écoute avec sympathie les laïques écouter PRÉV épithète + - - 4
arabes dénoncer la ‘ menace’ que représentent les partis religieux pour la
démocratie, […]. (LM:7/5/1994)
Est-il plus choquant, par exemple, d'écouter, à l'antenne d'une radio privée, écouter PRÉV épithète - - + 5
un jeune homme parler de ses problèmes d'éjaculation précoce, […].
(LM:4/3/1994)
Eperdus de reconnaissance, ils tournent et retournent leur béret entre leurs écouter PRÉV épithète + + - 1
mains en écoutant le premier ministre leur expliquer qu'il ne leur promet
rien... (LM:1/9/1994)
Et venir écouter trois musiciens finlandais chanter Noël à la lumière […]. écouter PRÉV épithète + - + 1
(Glossa:15/12/2003)
[…] et écoutent la poétesse Maya Angelou demander, avec des mots écouter PRÉV épithète + + + 1
poignants, aux centaines de milliers de personnes venues l'écouter de relever
la tête […]. (LM:27/2/1997)
Au lycée Louis-le-Grand, deux cents enseignants ont été conviés par Luc écouter PO épithète - - + 1
Ferry pour écouter pérorer les grands patrons français sur le thème […].
(Glossa:27/10/2003)
383
prédétermination SN2
type type
exemple VdP #
SN2 prédét
[…] sufría viendo a los Pata Negra actuar todos los días. (CREA) ver PRÉV déf 16
[…] a lo mejor vemos algún día a Felipe González gobernar como Suárez. (SOL) ver PRÉV NPR 3
[…] yo veía tus cabellos agitarse de indignación […]. (CREA) ver PRÉV poss 4
[…] allá cerca de los árboles, vi una sombra moverse. (BDS) ver PRÉV indéf 2
[…] vi gente correr y no estabas tú. (JP:434) ver PRÉV zéro 4
[…] se pone en pie al ver entrar al director. (SOL) ver PO déf 108
El conejo se había asustado al ver moverse a Amadeo. (SOL) ver PO NPR 29
Al ver entrar a sus dos ayudantes, alza la cabeza y les pregunta: ¿Qué pasaba en el ver PO poss 35
tercero? (SOL)
[…] ve llegar a estas frondosas ahogándola con la sombra de sus copas o con sus potentes ver PO dém 4
sistemas radicales. (CREA)
[…] que vean aterrizar uno o dos Hércules con lo que sea, y que eso de la madre patria no ver PO num 4
sea un cuento, […]. (EP:30/12/1999)
Aunque con esto sucede que resulta un poco como levantarse para ver pasar un desfile ver PO indéf 23
[…]. (SOL)
Vemos nacer ciertas libertades sin saber siempre qué hacer con ellas y corriendo a menudo ver PO quant. 6
el riesgo de abusar de ellas. (EP:2/10/1999) indéf
[…] le pareció ver moverse algo al dar la vuelta al recodo. (SOL) ver PO zéro 23
387
prédétermination SN2
type type
exemple VdP #
SN2 prédét
[…] cuando el caballo se detuvo, se oyó al jinete apearse y dar tres pasos hacia la puerta oír PRÉV déf 14
de la casa. (EH:396)
[…] oigo a Roberto jadear. (CREA) oír PRÉV NPR 2
Marina, al oír a su madre gritar, va a su encuentro. (CREA) oír PRÉV poss 2
[…] oí a un muchacho exclamarse, deteniendo por el brazo a su compañera: «Mira, oír PRÉV indéf 1
Baudelaire». (CDE)
Se oye abrir el cerrojo. (CREA) oír PO déf 46
[…] pues los japoneses han tenido que pagar 70.000 pesetas para poder cenar oyendo oír PO NPR 18
cantar a Julio Iglesias. (CREA)
Claro que, por otra parte, nos encantaba ir al teatro a oír cantar a mi madre. (CREA) oír PO poss 6
[…] oyó abrirse y girar una portezuela y desplegarse un estribo. (JP:41) oír PO indéf 13
[…] entonces oigo entrar otro tren y me vuelve el miedo. (BDS) oír PO quant. 1
indéf
[…] sin oír hablar a nadie. (LN:12/9/1999) oír PO zéro 10
Sonreía con su dentadura larga y miraba la llama aparecer y desaparecer. (CREA) mirar PRÉV déf 2
Paulina miraba a Tito alejarse y decía con pena : […]. (SOL) mirar PRÉV NPR 1
En siniestras pantallas miran nuestras siluetas abrazarse en las sombras de nuestros mirar PRÉV poss 2
dormitorios. (CREA)
Una tarde, sentado en Cocales mirando caer el sol con una cerveza en la mano. […] mirar PO déf 15
(CREA)
¿Qué te parece? -le dijo a su esposa Julián, el violinista, mirando pasar a Mary. (CDE) mirar PO NPR 1
Escuchaba a la niña cantar y carcajearse; […]. (CREA) escuchar PRÉV déf 1
Escuchó a su amigo alejarse […]. (CREA) escuchar PRÉV poss 1
Así es que cuando se escuchó una puerta abrirse […]. (CREA) escuchar PRÉV indéf 2
Di ‘salud’ cada vez que escuches a alguien estornudar. (LN:14/1/2000) escuchar PRÉV zéro 1
[…] abre el grifo del lavabo y escucha caer el agua... (CREA) escuchar PO déf 7
En Madrid, escuchaba cantar a Carlos Álvarez […]. (CREA) escuchar PO NPR 2
Con ella en la mano y con el pensamiento de « escuchar saltar y oír tu sangre » […]. escuchar PO poss 3
(CREA)
Hoy se prende fuego a automóviles y se agrede a la gente en la calle en villas donde antes escuchar PO indéf 1
no se escuchaba caer ni un alfiler. (LN:15/6/2000)
[…] hasta el punto que no escuchó preguntar a nadie, hasta el punto que ninguno dijo escuchar PO zéro 4
nada. (CREA)
prédétermination SN2
type type
exemple VdP #
sujet prédéter
Tous, donc, ont intérêt à se reprendre dimanche s'ils ne désirent pas voir le doute voir PRÉV déf 47
s'installer. (Glossa:15/11/2003)
Ce qui m'a le plus frappé, c'est de voir Le Pen s'énerver et perdre ses moyens. voir PRÉV NPR 6
(Glossa:23/11/2003)
[…] voir leur rêve se concrétiser. (Glossa:22/10/2003) voir PRÉV poss 30
Voir ces efforts s’émousser, parce que là -bas leur moral ne vole. (Glossa:25/11/2003) voir PRÉV dém 3
J'ai vu deux hommes s'approcher. (LM:6/1/1998) voir PRÉV num 1
[…] voir des gens pleurer. (LM:20/11/2003) voir PRÉV indéf 10
L'Ukraine sera obligée d'utiliser la force, sous peine de voir tout le pays se désintégrer, voir PRÉV quant 1
388
prédétermination SN2
type type
exemple VdP #
sujet prédéter
[…]. (LM:24/5/1994) indéf
Et vous savez qu’ils ont ordre de tirer s’ils voient quelqu’un s’enfuir. (RBR:345) voir PRÉV zéro 5
[…] voir triompher les Français (Glossa:14/11/2003) voir PO déf 31
C'est simple: voir jouer Justine Henin est un régal. (Glossa:20/10/2003) voir PO NPR 6
[…] voir naître son enfant, […]. (Glossa:12/11/2003) voir PO poss 17
La plupart des structures classiques d'hébergement voient passer ces jeunes sans pouvoir voir PO dém 1
leur offrir toutes les possibilités dont ils ont besoin, […]. (LM:19/1/1998)
L'Etat ne devrait voir entrer dans ses caisses que 3,7 milliards de dollars alors que son voir PO num 4
budget pour 1994 a été fixé à 5,2 milliards de dollars. (LM:26/4/1994)
Voir se concrétiser une promesse, c'est toujours une bonne chose. (Glossa:18/11/2003) voir PO indéf 7
[…] voir arriver d'autres véhicules. (Glossa:3/12/2003) voir PO quant 2
indéf
[…] voudraient bien voir disparaître tout cela. (Glossa:20/10/2003) voir PO zéro 1
On entend soudain le public huer (LM:13/1/1997) entendre PRÉV déf 5
[…] entendre ce moteur crachoter puis vrombir, […]. (LM:26/3/1994) entendre PRÉV dém 1
[…] entendre des gens parler, regarder des images fixes ou qui bougent, lire des textes. entendre PRÉV indéf 6
(LM:10/11/1994)
Nos grands patrons, convoqués à l'Assemblée nationale, ont cru entendre sonner le entendre PO déf 6
tocsin. (Glossa:27/11/2003)
On craignait d’entendre craquer ses os. (CH:108) entendre PO poss 1
Je suppose que tout doit être de la folk-music, parce que je n'ai jamais entendu chanter un entendre PO indéf 3
cheval. (LM:9/1/1997).
[…] qui affirment avoir vu "des officiers de police regardant les assaillants agir et ne regarder PRÉV déf 15
réagissant pas". (LM:4/2/1998)
Il regarda Colombe dormir puis avisa l’amas de toile près du bord […]. (RBR:84) regarder PRÉV NPR 2
L'écrivain est d'autant plus fertile qu'il est transparent, médium, imaginaire, ‘un homme regarder PRÉV poss 1
mort’, qui regarde ses personnages exister. (LM:24/6/1994)
[…] je me mis à regarder tous ces gens défiler (ABU). regarder PRÉV dém 1
Quand on regarde des enfants jouer, ils sont fascinants parce qu'ils sont en contact avec regarder PRÉV indéf 1
quelque chose de vrai. (LM:7/7/1994)
Mon père à moi ne travaillait pas aux chemins de fer, je ne restais pas dans mon plumard regarder PO déf 39
à regarder passer la vie, etc. (Glossa:16/10/2003)
L'étau brisé, Leïla Piccard regarde descendre Karin Roten […]. (LM:11/2/1997) regarder PO NPR 2
Louis veut « regarder grandir » ses six petits-enfants. (Glossa:20/10/2003) regarder PO poss 3
[…] il arriva que je m'arrêtais devant la porte fermée d'une vieille mosquée, pour regarder PO num 1
regarder se battre deux cigognes. (ABU)
[…] il est pourtant d'une étonnante richesse quand les images portées par Ellington regarder PO indéf 3
regardent naître une toile […]. (LM:7/12/1998)
Capitale d'un pays où les paysans prospères écoutaient l'herbe pousser, […]. écouter PRÉV déf 2
(LM:6/6/1994)
[…] Jacques Delors prit des notes en écoutant parler Bill Clinton. (LM:25/5/1994) écouter PO NPR 1
[…] elles sont devenues des champignonnières où les garçons de votre âge, même les écouter PO poss 1
moins dissipés, s'aventurent en écoutant battre leur cœur. (LM:14/3/1994)
389
dynamicité SN2
type
exemple VdP nature sujet #
sujet
[…] vieran a un pasajero ayudarles a llenar de carbón la compresora […]. (CDE) ver PRÉV HUM 161
¡Qué espectáculo ver un pez debatirse a cuatro mil metros! (SOL) ver PRÉV ANIM 11
[…] los comerciantes de indias veían los barcos llegar a la ciudad […]. (EM:2/4/2002) ver PRÉV INAN 12
DYN
[…] se vio la bodega iluminarse, a través de la arpillera que servía de cortina. (SOL) ver PRÉV INAN 24
NON DYN
[…] veía la posibilidad alcanzar unas ventas de 8.000 unidades, el sexto año después de ver PRÉV ABSTR 5
entrar en el mercado. (CREA)
Al ver entrar a sus dos ayudantes, alza la cabeza y les pregunta: ¿Qué pasaba en el ver PO HUM 395
tercero? (SOL)
En una ocasión, al salir de una curva, vieron huir un sarrio brincado de piedra en ver PO ANIM 35
piedra. (EH:391)
Ha estado en Parellada esperando ver llegar al coche de Clara, […]. (SOL) ver PO INAN 108
DYN
Desde la cumbre del Monte Carmelo y al amanecer hay a veces ocasión de ver surgir ver PO INAN 242
una ciudad desconocida bajo la niebla, […]. (SOL) NON DYN
Alfredo, ¿tú veías venir la paz? (CDE) ver PO ABSTR 131
Ya oigo a los regresistas acusarme de machismo neo-liberal […]. (CREA) oír PRÉV HUM 154
Me paso toda la noche oyendo los perros ladrar a la luna ; […]. (CREA) oír PRÉV ANIM 4
[…] oigo los coches aproximarse y alejarse en el pavimento regado. (CREA) oír PRÉV INAN 6
DYN
Se oye la verja chirriar […]. (CREA) oír PRÉV INAN 9
NON DYN
[…] se oiga el vacío resonar. (CDE) oír PRÉV ABSTR 1
[…] al oír anunciar al portero el nombre de madame de Camaran, […]. (CREA) oír PO HUM 251
[…] no se oye cantar a los grillos ni brillar a las luciérnagas. (EM:8/8/2001) oír PO ANIM 19
Debajo de la gruta se oía pasar el agua goteante que iba a caer al abrevadero […]. (CDE) oír PO INAN 23
DYN
La noche de San Blas de 1645, estando ya el Rey acostado, oyó abrir la puerta del oír PO INAN 73
dormitorio. (EP:12/9/1999) NON DYN
[…] oyendo resonar en nuestro espíritu la promesa del Señor:[…]. (CREA) oír PO ABSTR 3
[…] mirando a los trabajadores recoger las frutas maduras para llevarlas a las casas mirar PRÉV HUM 10
[…]. (CDE)
[…] mirando los pájaros volar sobre el paisaje extendido desde la colina del parque. mirar PRÉV ANIM 2
(CREA)
Sonreía con su dentadura larga y miraba la llama aparecer y desaparecer. (CREA) mirar PRÉV INAN 3
NON DYN
[…] mientras miraba alejarse nuevamente a aquella mujer de los pies descalzos como mirar PO HUM 12
flores. (CREA)
Probablemente sí, pero el viejo miraba pasar las golondrinas. (CREA) mirar PO ANIM 1
Me senté allí un rato, en una piedra que había, mirando asomar madreselvas por encima mirar PO INAN 13
de una verja alta que tenía enfrente. (LA:137) DYN
390
dynamicité SN2
type
exemple VdP nature sujet #
sujet
Recuerdo aquellos días mirando caer la lluvia tras los cristales de la cocina. (CREA) mirar PO INAN 15
NON DYN
[…] mirando pasar el tiempo […]. (CREA) mirar PO ABSTR 1
[…] pues escuchaba al verdugo abrir la puerta con el enorme llavero […]. (CREA) escuchar PRÉV HUM 71
No supo moverse de allí hasta que escuchó el motor del coche de Alberto alejarse del escuchar PRÉV INAN 3
chalé entre los ladridos de Chitón. (CREA) DYN
De repente, se escuchan unos cristales romperse y un fuerte viento. (CREA) escuchar PRÉV INAN 2
NON DYN
Por eso plantamos yedra al pie del muro, para oler las horas, escuchar los meses luchar escuchar PRÉV ABSTR 1
con su aliento, oír a los años y sus minutos orar en un lenguaje de hojas verde obscuro.
(CDE)
[…] escuchando cantar a Julio Iglesias ese I can't help falling in Love […]. (CREA) escuchar PO HUM 48
[…] menos mal que también escucha cantar a los ruiseñores; […]. (CREA) escuchar PO ANIM 5
Cada vez que escucha alejarse el coche de Javier siente una alegría otra vez adolescente. escuchar PO INAN 6
(CREA) DYN
Hasta que (¡al fin!) escuchan resonar los adoquines de la calle De las Palmas. (CDE) escuchar PO INAN 14
NON DYN
dynamicité SN2
type nature
exemple VdP #
sujet sujet
Il a fallu attendre l'arrivée du DVD enregistrable pour voir les consommateurs délaisser voir PRÉV HUM 561
la VHS. (Glossa:12/11/2003)
[…] il eut l'honneur de voir un cerf et quatre chiens excellents se précipiter dans la Seine voir PRÉV ANIM 9
du haut d'un rocher de cent pieds de haut, et le troisième jour il était de retour à Paris.
(ABU)
[…] en attendant de voir le plus grand paquebot du monde quitter les eaux de Saint- voir PRÉV INAN 32
Nazaire, au moment de Noël. (Glossa:20/1/2003) DYN
[…] le risque est grand de voir le pays sombrer dans le chaos. (Glossa:13/11/2003) voir PRÉV INAN 194
NON
DYN
Voir l'amour s'éteindre dans le coeur d'un époux qu'on adore est le plus grand de tous voir PRÉV ABSTR 165
les malheurs pour une jeune personne […]. (ABU)
J'éprouve un besoin impérieux de voir agir un autre vicomte de Malivert. (ABU) voir PO HUM 165
[…] comment Marin, un poisson-clown qui a perdu sa femme, tuée par un squale en voir PO ANIM 8
défendant sa famille, va voir lui échapper le petit Nemo, né avec une nageoire atrophiée.
(Glossa:26/11/2003)
Là aussi, quelques milliers de spectateurs, dès 14 h, s'étaient gentiment postés pour voir voir PO INAN 27
voguer le beau bateau. (Glossa:13/11/2003) DYN
[…] le plaisir de voir quadrupler la fortune de mon père […]. (ABU) voir PO INAN 148
NON
DYN
[…] voir se matérialiser la création d'un Etat palestinien en Cisjordanie. voir PO ABSTR 164
(Glossa:12/11/2003)
Appuyé à la barre, il entend le président du tribunal décliner les accusations portées entendre PRÉV HUM 259
contre lui. (LM:19/1/1994)
On entendrait, là-haut, sur les tuiles du toit du lycée, une guêpe marcher. entendre PRÉV ANIM 5
(LM:23/7/1997)
391
dynamicité SN2
type nature
exemple VdP #
sujet sujet
Entendre ce moteur crachoter puis vrombir, ’mûrir’ comme l'écrit Saint-Exupéry, […]. entendre PRÉV INAN 8
(LM:26/3/1994) DYN
Celle de Fabien Barthez qui entend le ballon s'écraser sur la barre, […]. entendre PRÉV INAN 9
(Glossa:18/12/2003) NON
DYN
[…] ça ferait du bien à vos enfants d'entendre la vérité sortir de votre bouche. entendre PRÉV ABSTR 2
(Glossa:20/11/2003)
Nous avons entendu passer les gardiens du cimetière qui hâtaient les retardaires. (E:53- entendre PO HUM 16
54)
Je suppose que tout doit être de la folk-music, parce que je n'ai jamais entendu chanter un entendre PO ANIM 3
cheval. (LM:9/1/1997)
Nous entendions passer les voitures autorisées et c'étaient comme des voitures de la entendre PO INAN 14
mort. (LM:19/11/1998) DYN
[…] entendre retentir une fois encore la Marseillaise. (Glossa:10/11/2003) entendre PO INAN 11
NON
DYN
[…] c'est comme si on entendait jouer le silence […]. (LM:7/2/1997) entendre PO ABSTR 6
Le gardien, Marziano n'avait rien à faire, si ce n'est de regarder ses coéquipiers buter sur regarder PRÉV HUM 58
la défense adverse. (Glossa:17/11/2003)
Regarder les poissons manger à l'aquarium du Grand Lyon Nourrissages publics trois regarder PRÉV ANIM 4
fois par semaine, […]. (Glossa:16/10/2003)
[…] elle traversait les rues sans regarder les voitures venir, injuriée par les cochers […]. regarder PRÉV INAN 10
(ABU) DYN
[…] comparable à ce qu'éprouverait un homme qui, couché à terre sur le dos au pied du regarder PRÉV INAN 15
clocher de Strasbourg, regarderait l'énorme aiguille s'enfoncer au-dessus de sa tête dans NON
les pénombres du crépuscule. (ABU) DYN
A onze contre dix, ils ont regardé leur fol espoir de finale s'effilocher au fil des minutes. regarder PRÉV ABSTR 5
(LM:29/4/1994)
Louis veut « regarder grandir » ses six petits-enfants. (Glossa:20/10/2003) regarder PO HUM 44
[…] il arriva que je m'arrêtai devant la porte fermée d'une vieille mosquée, pour regarder regarder PO ANIM 8
se battre deux cigognes. (ABU)
Des arbres arrêtés sur le coteau, comme des dames qui, sous leurs ombrelles, regarder PO INAN 30
regarderaient se coucher le soleil. (ABU) DYN
Dans la chaloupe, ils regardèrent silencieux approcher la petite île, solitaire et vulnérable, regarder PO INAN 37
au milieu de l’immense baie et de ses menaces. (RBR:181) NON
DYN
Mon père à moi ne travaillait pas aux chemins de fer, je ne restais pas dans mon plumard regarder PO ABSTR 16
à regarder passer la vie, etc. (Glossa:16/10/2003)
Pourquoi ne pas y croire? Et venir écouter trois musiciens finlandais chanter Noël à la écouter PRÉV HUM 65
lumière. (Glossa:15/12/2003)
[…] en écoutant le vent frotter les toits avec bruit, faire battre quelque part un volet. écouter PRÉV INAN 2
(AC:379) DYN
[…] j'écoutais les longs chuintements passer très haut dans le ciel. (LM:11/11/1998) écouter PRÉV INAN 2
NON
DYN
Il a souvent raconté que son intérêt pour les arts s'est révélé en écoutant chanter Maria écouter PO HUM 9
Callas à la radio, quand il avait quatorze ans. (LM:25/5/1994)
[…] même les moins dissipés, s'aventurent en écoutant battre leur coeur. écouter PO INAN 2
(LM:14/3/1994) DYN
[…] écoutant dans le silence se refroidir l’un après l’autre avec de légers craquements ses écouter PO INAN 2
organes de métal, […]. (AC:347) NON
DYN
392
dynamicité SN2
type nature
exemple VdP #
sujet sujet
[…] écoutent ‘battre le pouls du temps’. (LM:27/6/1997) écouter PO ABSTR 4
dynamicité Inf
type
exemple VdP Inf #
sujet
Ver a Woody Allen, 20 años después, abrir en persona el Festival, […]. (EM:4/4/2002) ver PRÉV TR 58
Aturdidos, hipnotizados, el juez y el secretario veían a la niña-mujer aletear como un ave ver PRÉV INERG 51
[…]. (CDE)
Mientras tanto veremos a Petri aparecer, detrás del mostrador, mordiendo un trapo y ver PRÉV INAC 104
mostrando las manos de sangre a su madre. (CREA)
Cubas permaneció en silencio hasta que vio echar humo a sus amigos por boca y narices. ver PO TR 14
(SOL)
[…] quieren ver jugar a su equipo en terreno ajeno […]. (SOL) ver PO INERG 107
Al ver entrar a sus dos ayudantes, alza la cabeza y les pregunta […]. (SOL) ver PO INAC 790
Ya oigo a los regresistas acusarme de machismo neo-liberal […]. (CREA) oír PRÉV TR 94
¿Y con el cristal, qué? -espeta Nina todavía adormilada al oír a los muchachos apostar. oír PRÉV INERG 63
(CREA)
Mientras me visto, oigo a mi madre entrar en casa. (CREA) oír PRÉV INAC 17
[…] al oír anunciar al portero el nombre de madame de Camaran […]. (CREA) oír PO TR 138
Y existe interés en oír hablar a las mujeres sobre ellas mismas. (CREA) oír PO INERG 142
[…] miraba las agujas fosforescentes del despertador cuando oía abrirse la verja […]. oír PO INAC 89
(JP:280)
[…] mirar a tía Alicia empujar contra sus labios fresas y más fresas azucaradas […]. mirar PRÉV TR 4
(CREA)
[…] mirándonos a los más jóvenes trabajar en el campo con desgana, con torpeza, con mirar PRÉV INERG 7
irritación […]. (JP:202)
Sonreía con su dentadura larga y miraba la llama aparecer y desaparecer. (CREA) mirar PRÉV INAC 4
[…] mirando bailar a las parejas. (SOL) mirar PO INERG 7
[…] mientras miraba alejarse nuevamente a aquella mujer de los pies descalzos como flores. mirar PO INAC 35
(CREA)
[…] pues escuchaba al verdugo abrir la puerta con el enorme llavero […]. (CREA) escuchar PRÉV TR 53
[…] escuché a la abuela y a tía Victoria discutir a cuenta de la señorita Adoración. (CREA) escuchar PRÉV INERG 18
Así es que cuando se escuchó una puerta abrirse […]. (CREA) escuchar PRÉV INAC 6
[…] un niño escuchando contar a su abuelo lo sucedido en cualquier país de maravillas. escuchar PO TR 31
(CREA)
[…] menos mal que también escucha cantar a los ruiseñores […]. (CREA) escuchar PO INERG 24
Abajo se escuchó abrir la puerta de la librería. (CREA) escuchar PO INAC 18
393
dynamicité Inf
exemple VdP type sujet Inf #
[…] voir la commission annuler une décision. (Glossa:18/11/2003) voir PRÉV TR 389
Et Jeanne rit de voir Georges rire. (ABU) voir PRÉV INERG 113
[…] si anxieux de voir leurs pouvoirs disparaître au profit des grands pays. voir PRÉV INAC 459
(Glossa:18/11/2003)
J'éprouve un besoin impérieux de voir agir un autre vicomte de Malivert. (ABU) voir PO INERG 45
[…] voir se matérialiser la création d'un Etat palestinien en Cisjordanie. voir PO INAC 467
(Glossa:18/11/2003)
[…] l'on pouvait entendre les manifestants scander «Liberté pour Ocalan». entendre PRÉV TR 194
(Glossa:18/11/2003)
Or, après avoir entendu le maire disserter longuement, […]. (LM:21/11/1994) entendre PRÉV INERG 76
[…] ça ferait du bien à vos enfants d'entendre la vérité sortir de votre bouche. entendre PRÉV INAC 13
(Glossa:18/11/2003)
Une horreur dont ne veut pas entendre parler le directeur de l'Opéra-Comique qui entendre PO INERG 36
joue lui-même le rôle de Raymond, le père de Marie. (Glossa:18/11/2003)
Encore plus d'y entendre monter de grands éclats de rire […]. (LM:13/1/1994) entendre PO INAC 14
[…] regarder Shenzhou sillonner le ciel de Pékin, à 2 h 59 et 4 h 35 du matin regarder PRÉV TR 31
précisément. (Glossa:18/11/2003)
[…] il y avait sur le toit environ trois mille personnes, hommes et femmes, qui regarder PRÉV INERG 19
regardaient Samson jouer. (ABU)
A onze contre dix, ils ont regardé leur fol espoir de finale s'effilocher au fil des regarder PRÉV INAC 43
minutes. (LM:29/4/1994)
[…] en regardant courir son poulain qui, entre temps, aura perdu plus de dix kilos. regarder PO INERG 23
(LM:5/9/1994)
Mon père à moi ne travaillait pas aux chemins de fer, je ne restais pas dans mon regarder PO INAC 111
plumard à regarder passer la vie, etc. (Glossa:18/11/2003)
Et venir écouter trois musiciens finlandais chanter Noël à la lumière. écouter PRÉV TR 49
(Glossa:18/11/2003)
[…] dix heures à écouter le jeune s'exprimer sur ce qui ne va pas chez lui. écouter PRÉV INERG 14
(Glossa:18/11/2003)
[…] j'écoutais les longs chuintements passer très haut dans le ciel. écouter PRÉV INAC 6
(LM:11/11/1998)
[…] en écoutant chanter Maria Callas à la radio […]. (LM:25/5/1994) écouter PO INERG 12
[…] puis écoutant refluer ce silence maintenant peuplé d’une vaste rumeur […]. écouter PO INAC 5
(AC:98)
DeMello, 296, 302, 307 García-Miguel, 37, 39, 41, 43, 51, 55, 65, 267,
Demonte, 65 274
Den Hertog, 143 Geckeler, 254
désémantisation, 118, 119 Gee, 21, 131, 145
voir réduction sémantique Geisler, 37, 38
Di Tullio, 17, 149-152, 155, 159, 160, 162, 167, Gili y Gaya, 299
180, 230, 241, 261, 291, 304 Gisborne, 76, 78
Dik, 41, 124, 145 Givón, 167, 168, 169
Dik & Hengeveld, 17, 19, 124 Goldsmith, 83
Dostie, 82 Goldstein, 12
Dowty, 37, 40, 41, 48, 52, 54, 65, 76, 78, 80, 93 Golian, 73, 88
Dupas, 14, 62, 63, 76, 78, 83, 123 Grammaire Cognitive, 1, 4, 6, 14, 155, 200,
[± duratif], 73, 74, 77, 78, 83, 88, 89, 94, 95, 209
101, 104, 107, 110 grammaticalisation, 118
[± dynamique], 3, 49, 50, 66-69, 72, 73, 76, 78, Grevisse & Goosse, 184
79, 83-85, 92-95, 105, 110, 133, 135, 151, 166, Grimshaw, 96, 226, 233
212-225, 236, 239, 248, 251-253, 281, 283, Gruber, 22, 24, 45, 60, 83
285-289, 306, 311, 313, 320 Guasti, 124, 127, 151, 155
dynamicité, 40, 44, 50, 65, 68, 72, 79-81, 84,
85, 110, 111, 166, 168, 170, 172, 212-216, H
221-225, 236, 238, 258, 262, 270-274, 276,
Halliday, 142, 202
282-284, 287-289, 292, 313, 316
Hanegreefs, 60, 308
Harbert, 146
E
Hatcher, 83, 180, 181, 210
échelle d’humanitude, 43 Hernanz, 127, 129
effacement de SN identiques, 146 Herrero Vecino, 212, 213
Espinosa García, 231 Higginbotham, 29, 124, 127, 144, 151
état, 16, 72, 73, 76-81, 85-101, 125, 133, 134, Hoekstra & Moortgat, 127
201, 227, 229, 243, 250 Holierhoek, 21, 24, 33, 45, 116
événementielle (perception), 139, 164-166, Hopper & Thompson, 35, 36, 38, 40, 43, 52, 53,
176, 250, 258, 316, 317, 322 233
expériences sensorielles de base, 244, 262, 264 Horie & Comrie, 200
extensions sémantiques, 29, 33, 117 Husserl, 15
Huygens, 268, 270, 271, 284
F
I
Fauconnier, 155
Felser, 72, 80, 82, 83, 127, 128, 131-133, 137, Ibarretxe, 5, 25, 28, 33
148, 151 iconicité, 5, 6, 181, 209- 211, 251, 269, 289
Fernández Lagunilla, 71, 96, 97, 127, 129, 133, identifiabilité, 200, 201, 203, 204, 208
155, 159, 160, 180 impersonnel (pronominal) , 296-314
Fernández Lagunilla & López, 144, 159, 160, 241 inaccusatif (verbe), 180, 225-239, 250, 279,
Fernández Ordóñez, 268, 270 283-289, 295,310, 311, 313
Fernández Ramírez, 291, 300 incorporation, 10, 141, 143, 155, 156, 159-168,
Feuillet, 183 176, 240-248, 252, 257, 260-266, 280, 285,
Fiengo, 146 286, 289, 304-306, 308, 309, 313
Fillmore, 31, 43, 55 'individual level predicate', 80, 133
Foley & Van Valin, 41 [± individualisé], 43, 49, 51-55, 62, 63, 67, 275
Franckel & Lebaud, 13, 76, 78 inergatif (verbe), 180, 225-240, 250, 279, 283-
François, 72, 73, 79, 129 289, 311, 313
Freed, 96, 97 'infinito pessoal', 149, 324
[± intentionnel], 45, 47, 49, 53, 57, 62, 63, 66,
G 274
intransitif (verbe), 36, 52, 60, 157-161, 180,
Gaatone, 118
224, 225, 229, 247, 260, 261, 264, 266
García González, 296
401
Primus, 42, 48, 51, 52, 55, 168, 258, 269 'stage level predicate', 80, 133
[± progressif], 73, 76, 80-85, 89-92, 95, 105, 107 Stowell, 151, 152
pronominal Sweetser, 28, 33
pseudo-réflexif, 232, 233
réciproque, 231, 295, 296 T
réflexif, 231
Taylor, 35, 37, 38, 51, 54, 55, 58
proto-agent/sujet, 9, 22, 35, 37, 40-57, 62, 63,
[± télique], 73, 76-78, 88-91, 94, 95, 101, 104,
85, 86, 96, 99, 106, 165, 167, 212, 224, 226,
107, 132
240, 258, 269, 272, 273, 290, 308
Tenny, 73, 75, 97, 226, 227
proto-patient/objet, 9, 35, 37, 40, 50-54, 64-68,
Tesnière, 183
147, 151, 165, 168, 224, 226, 258, 269, 273,
thème incrémental, 102
274, 290, 293
théorie des prototypes, 39
proto-récipient/OI, 40, 273
théorie du liage, 167
Pustejovsky, 72, 73, 88, 90, 96, 97
Torrego, 50, 267, 273
Tortora, 230, 237
R
transitivité, 8, 9, 34-40, 50-54, 67-69, 111, 165,
réduction sémantique, 118-121, 135, 174 224, 225, 264, 269, 271, 272, 293, 319, 320
Reinheimer & Tasmowski, 254 Traugott & Heine, 118
[± responsable], 45, 46, 49, 53, 56, 63, 66, 274 Travis, 75
Rifón, 80, 88
Rodríguez Espiñeira, 17, 20, 29, 55-57, 64, 73, V
88, 131, 145, 159, 160, 161, 167, 180, 241,
Van der Meer, 145
255, 261
Van Geert, 12
Roegiest, 30, 52, 53, 149, 150, 156-162, 180, 184,
Van Valin, 227
241, 255, 261, 267, 268, 270-274, 284, 296-
Van Valin & Lapolla, 41, 44, 51, 72, 76, 78, 79
299, 302-304
Van Voorst, 30, 76, 78, 83, 97, 151, 227, 233
Rogers, 22, 24, 76, 78
Vanhoe, 72, 79, 88, 90, 97, 177, 229, 270, 283
Rosch, 39
Vázquez Rosas, 267, 268, 270
Rosen, 72, 73, 75, 96, 155, 225, 226, 228
Vendler, 13, 72, 73, 76, 78, 82
Rosenbaum, 146
'verba dicendi', 162
Rothstein, 75, 76, 89, 90, 92, 93, 96, 97, 102, 151
verbes de contrôle, 146, 147
Rousseau, 28
verbes psychologiques, 270, 271
routine perceptuelle, 162, 242-244, 249, 262
Verkuyl, 72, 73
Ruwet, 230
Verspoor, 30
Ryle, 76, 78
Vet, 118, 155, 159-161, 180
Viberg, 27, 29, 33
S
Vliegen, 30, 92, 106, 127
Safir, 124, 151 [± volitif], 41, 45, 47, 49, 53, 56, 62, 63, 66, 274
Sánchez López, 296-302, 314
Sanz, 75, 227 W
Savage, 12
Waltereit, 230, 231, 233
Schmidt-Riese, 231, 296
Wehrli, 230
Schüle, 15, 21, 28, 33, 124, 125, 127, 128, 131,
Wierzbicka, 12, 13, 32
135, 136
Willems, 15, 21, 22, 45, 77, 78, 92, 116, 123, 126,
Schwarze, 124
127, 131, 135, 143, 144
'secondary landmark', 161, 211
Williams, 151
'selfcontrolled bodies', 216
Wittgenstein, 39
Selig, 231, 233, 296, 297, 302
Shyldkrot, 24, 28, 30, 33, 118, 119, 121 Y
Silverstein, 43
simultanéité temporelle, 131, 132 Yamamoto, 213, 216
Sjöström, 28, 33 Yolton, 13
source d’énergie, 62, 239, 274, 305, 311-313
Spears, 114 Z
Sportiche, 233 Zaenen, 227-229