Confidentiel avocat
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Document de travail Dossier : FIDH - Conseils droits d'auteur
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D19077
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Note juridique à l’attention de la FIDH
U
tilisation d’extraits de films
ou de séries pour une campagne de communication ;
Emmanuel Daoud, Avocat associé au cabinet Vigo.
Vous m’avez sollicité afin de savoir s’il serait possible, dans le cadre d’une campa
gne de communication
initiée par la FIDH en France, d’utiliser des extraits de films ou de séries connus dans une vidéo
sans
autorisation de la part des auteurs, notamment au regard de l’exception prévue par le code de la
propriété intellectuelle (ci-après «
CPI
») sur les reproductions à but pédagogique (article L. 122-5 du CPI).
Il est nécessaire d’évoquer dans un premier temps
la loi qui sera applicable en cas de litige
(1)
, puis de se concentrer sur le
régime de protection du droit d’auteur
en droit français
(2)
.
(1)
Sur la législation protégeant les droits d’auteur des extraits de films et séries
En premier lieu, il convient de souligner qu’une telle situation présente un caractère international, puisqu’il s’agirait d’utiliser des extraits de série ou de
films vraisemblablement produits et protégés aux Etats-
Unis, pour l’édition d’une vidéo en France.
En conséquence
, la Convention de Berne de 1886 est applicable à l’espèce. L’article 5
-2 de cette convention
prévoit que la loi applicable est la loi de l’E
tat où la protection est
réclamée. Il s’agit de la loi où ont eu lieu les potentielles atteintes aux droits d’auteur.
Lorsque le contenu est diffusé sur Internet. Plusieurs lois
sont applicables car l’atteinte peut avoir lieu sur différents
territoires. La
jurisprudence précise que dans cette hypothèse, la loi de l’Etat où est situé le fait générateur de la supposée atteinte aux droits d’auteurs (en l’occurrence, la loi française) serait applicable dans le but d’obtenir l’indemnisation de l’entier préjudice
, tandis que la loi du lieu de diffusion est applicable pour
percevoir l’indemnisation du préjudice du fait de la diffusion dans cet Etat en particulier
1
.
Ainsi, dans votre cas d’espèce,
si les sociétés de production américaines demandent une indemnisation en raison du préjudice subi aux Etats-Unis du fait de la diffusion de la vidéo, la loi américaine serait applicable
; l’indemnisation ne pourrait cependant couvrir que le préjudice subi du fait de la diffusion de
la vidéo aux Etats-Unis.
Dès lors, si votre campagne de communication est diffusée sur internet, plusieurs lois sont susceptibles
d’être appliquées. Il est indispensable de nous indiquer votre mode de communication afin de pouvoir
avancer plus avant sur la détermination du public visé et des terri
toires sur lesquels l’indemnisation
d
’
un éventuel préjudice des auteurs pourrait être réclamée (cf. Annexe 1 sur « Le parcours de
l’utilisateur d’un contenu
»,
Etape 1 : « Je détermine les utilisations que je souhaite faire du contenu
»).
1
Cass. civ. 1
ère
, 5 mars 2002, n° 99-20.755 :
« Mais attendu qu'aux termes de l'article 5.2° de la convention d'Union de Berne, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après
la législation du pays où la protection est réclamée
; que la cour d'appel a exactement considéré que cette loi désigne non pas celle du pays d'origine ou celle du juge saisi mais
celle du ou des Etats sur le territoire desquels se sont produits les agissements délictueux
; qu'il en résulte qu'en présence
de la pluralité des lieux de commission de ceux-ci, la loi française, en tant que loi du " lieu du préjudice ", n'a pas vocation exclusive à régir l'ensemble du litige
en l'absence d'un rattachement plus étroit, non démontré, avec la France
[…]
»
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(2)
Le régime de pro
tection du droit d’auteur en droit français
En droit français, le droit d’auteur est une composante du droit de la propriété littéraire et artistique et
est protégé aux articles L. 111-1 et suivants du CPI. Ces droits
d’auteur protègent d’une part,
les droits
patrimoniaux des titulaires, c’est
-à-dire leur droit de reprod
uction et de représentation, et, d’autre part,
les droits moraux, soit leurs dro
its de paternité et au respect de l’intégrité de l’œuvre.
A titre liminaire
, la reproduction d’extraits de fi
lms et de séries peut porter atteinte au droit moral de
l’
auteur,
prévu à l’article L. 121
-1 du CPI, notamment
au regard du droit à l’intégrité de l’œuvre. Ainsi, il a
été jugé que
lorsque la publication d’extraits d’un ouvrage déforme la «
pensée générale du créateur
», il y a atteinte au droit moral
(Cour d’appel de Paris, 10 octobre 1957
: Gaz. Pal. 1958.).
En l’absence de demande d’autorisation, ce point nécessitera d’effectuer une vérification détaillée de la
version finale de vos vidéos afin de ne pas se heurter à une contestation des auteurs ou de leurs ayants droit.
S’agissant de l’obligation d’autorisation de diffusion afin de ne pas porter atteinte aux droits patrimoniaux des auteurs, les développements qui suivent reprennent le principe d’une au
torisation
(2.1)
et les exceptions limitatives à ce principe
(2.2)
.
2.1 La sanction de la reproduction sans consentement d’une œuvre protégée
L
’article L. 122
-3 du CPI prévoit que :
«
La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre par tou
s procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. Elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. »
Le LamyExpert,
Droit des médias et de la communication
, conclut donc :
« Il convient de retenir que toute numérisation faite sans droit constitue une reproduction illicite
au sens de l’article L. 122
-3 précité et en conséquence un acte de contrefaçon ; les sanctions attachées à la contrefaçon étant prévues par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle »
. La première affaire ayant consacré ce principe
visait la numérisation d’
une
œuvre de Jacques Brel par
les
élèves d’une gr
ande école. Les défendeurs avaient été condamnés pour contrefaçon au motif que :
«
Toute reproduction par numérisation d’œuvres musicales protégées par les droits d’auteurs susceptibles d’être mis à la disposition de personnes connectées
au réseau Internet doit être autorisée expressément par les titulaires ou cessionnaires de droits. »
2
Par ailleurs, l
’autorisation peut aussi être matérialisée par le fait que l’auteur a placé l’œuvre sous licence libre, puisqu’il s’agit d’une autorisatio
n donnée par avance pour le monde entier. Dans un Cahier pratique élaboré
par le Ministère de l’économie
3
, il est précisé que
« cette autorisation doit être écrite (notamment
2
Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance de référé du 14 août 1996
. Accessible à l’adresse suivante
: https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-grande-instance-de-paris-ordonnance-de-refere-du-14-aout-1996/
3
Cahier pratique, « Droit d’auteur, droit à l’image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu », accessible à l’adresse
suivante : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/apie/propriete_intellectuelle/publications/utiliser_contenu_etapes_essentielles.pdf
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pour des raisons de preuve) et comporter tous les éléments permettant de s’assure
r que le titulaire des droits a accepté les utilisations qui seront faites (types, modalités, durée, territoire) »
.
Ainsi, en principe, toute reproduction sans le consentement de l’auteur est sanctionnée et peut être
qualifiée de contrefaçon. Toutefois, da
ns certains cas limitativement énumérés par l’article L. 122
-5 du
CPI, l’autorisation de l’auteur pour la divulgation de son œuvre n’est pas impérative.
2.2 Les exceptions à l’exigence de consentement prévues à l’article L. 122
-5 du CPI
Ces exceptions so
nt d’interprétation stricte
et la doctrine a coutume de parler du test
« en trois étapes »
réalisé par le juge
pour obtenir le bénéfice de l’exception au principe d’autorisation.
Ces trois étapes sont : -
entrer dans une des exceptions prévues à l’article L
. 122-5 du CPI, -
ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre,
-
ne pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
Vous évoquez l’exception d’œuvre
à vocation pédagogique prévue au 3°, e),
de l’
article L. 122-5 du CPI. En
premier lieu, il est à noter que dans l’extrait de communication que vous nous avez transmis, il apparaît la mention du titre du film et de l’année, sans plus de précision.
Cet extrait ne respecte donc pas la réserve supplémentaire du 3° qui nécessite
« que soient indiqués
clairement le nom de l’auteur et la source
»
.
En second lieu, le texte prévoit :
e) La représentation ou la reproduction d'extraits d'oeuvres, sous réserve des oeuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions de musique et des oeuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit, à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés, que l'utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L. 122-10 ;
(…)
»
Dès lors, aux termes de l’article, il est expressément prévu que cette exc
eption ne vise que le cadre de
l’enseignement et de la recherche et pour un public visé
: d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de
chercheurs directement concernés.
Par conséquent, vous ne pouvez vraisemblablement pas bénéficier de cette exception prévue à
l’article
L. 122-5, 3°, e) du CPI.
En revanche, le 3° de cet article prévoit
également que l’auteur ne peut interdire
:
« a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'
œuvre
à laquelle elles sont incorporées ; »
L’article 10.1 de la Convention de Berne précise que l’exception de citation s’applique uniquement
« dans la mesure justifiée par le but à atteindre ».
Dans la célèbre affaire
Microfor
, la Cour de cassation a consacré
un régime dérogatoire au profit des œuvres secondes présentant un
«
caractère d’information
»
(Cass., Ass. Plé., 30 octobre 1987, n°86-11.918).
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