2
3
4
5
Des dialogues
de cinéma
Version de travail non définitive
Jean Samouillan
Préface
Guy Chapouillié
INTRODUCTION 14
15 DES DIALOGUES DE CINEMA
Introduction
1
M. Pagnol. Cinématurgie, P. 13. Œuvres complètes. Éditions de Provence.
2
J. Capelle, in le Figaro littéraire, 9-15 sept. 1968.
3
Dictionnaires Robert.
4
Idem
INTRODUCTION 16
5
Dictionnaires Robert et Littré.
6
M. Pagnol. Cinématurgie. Page 19. Œuvres complètes. Éditions de Provence.
17 DES DIALOGUES DE CINEMA
7
Hitchcock Truffaut. Page 20 et 47. Editions Ramsay.
8
Le bal. Ettore Scola. Italie 1983.
9
Michel Chion. Cinéma parlant. Encyclopaedia Universalis
INTRODUCTION 18
10
Epstein. Esprit de cinéma. Page 22. Éditions Jeheber.
19 DES DIALOGUES DE CINEMA
11
Idem. Pages 72 et 73.
12
Triumph des Willems. Leni Riefenstahl. Allemagne 1936.
13
Titanic. James Cameron. USA 1998.
INTRODUCTION 20
14
Amin Maalouf. Léon l’Africain. Le livre de poche.
21 DES DIALOGUES DE CINEMA
15
« L’auteur » est un concept à géométrie variable. Il peut signifier l’auteur des
dialogues ou l’auteur du film. L’auteur du film doit être pris ici dans un sens
abstrait. C’est un collectif et une instance imaginaire pour le spectateur.
Chapitre 1
La métamorphose des mots
16
Platon. Le Phèdre. 275d-276a . GF Flammarion.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 24
j’emploie, qui sont tués sur pellicule mais qui, placés dans un
certain ordre et projetés sur un écran se raniment comme des
fleurs dans l’eau. » 17
Là réside la grande difficulté de la fabrication des dialogues :
insuffler la vie à chaque nouvelle étape, alors que les mots
renaissent métamorphosés. On emploie souvent l’expression
« l’écriture des dialogues », alors que les dialogues de cinéma sont
d’abord rêvés, fantasmés, puis écrits, ensuite lus, dits, enregistrés,
montés, projetés, diffusés et enfin vus et entendus. Ils sont, au
final, des sons et des images, donnés à voir et à entendre à des
spectateurs de cinéma. Que reste-t-il de ce périple ?
L'écrit scénario
Pour faire un film, outre les tâtonnements préalables et la
montée du désir, on commence souvent, la plupart du temps, par
écrire ce qu’il est convenu d’appeler un scénario. Celui-ci se
présente comme une pile de feuilles de papier imprimées et reliées
par une baguette en plastique, souvent noire. Et c’est tout. C’est
une chose, un objet. Le parcours en librairie de certains scénarios
est une autre affaire qui n’intéresse pas notre propos.
Il est aberrant de dire d’un film qu’on a aimé son scénario,
même si ce mot s’immisce parfois dans la conversation. Une fois le
film terminé et projeté, il ne reste que le film. Le texte du scénario
n’est pas sous-jacent au film, même s’il en a été l’échafaudage : on
l’enlève au fur et à mesure que l’on construit le film. Une « erreur
de scénario » est une erreur du film, qui s’est peut-être produite
lors de la conception, certes, mais qui n’a pas été corrigée lors des
étapes suivantes. Ce qui peut apparaître comme une lourdeur
scénaristique peut être aussi dû au découpage car ce qui semblait
valide à l’écrit tombe mal dans le film. L’erreur de conception
écrite est souvent invoquée, mais ce n’est peut-être pas seulement
là que le bât a blessé.
L’écriture du scénario n’est donc qu’une étape dans la
construction du film. Le scénario est de papier grisé alors que le
17
Robert Bresson. Notes sur le cinématographe. Page 25. Folio.
25 DES DIALOGUES DE CINEMA
18
Qui peut être d’ailleurs influencée par les réactions d’autres spectateurs. Le
public de cinéma est un « égrégore », mot utilisé jadis par les hermétistes,
désignant « un groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des
individus qui le forment ». (Encyclopaedia Universalis)
LA METAMORPHOSE DES MOTS 26
25
Descartes, Le Monde, dans Oeuvres philosophiques, éd. Alquié. t. I. pp315 et
suivantes ; puis Les principes de la philosophie, IV ème partie, t. III, p.511 et s.
Cité par Philippe Ducat. Le langage. Page 10. Editions Ellipse.
26
René Clair. Cinéma d’hier cinéma d’aujourd’hui. Page 254. Idées NRF.
29 DES DIALOGUES DE CINEMA
L’écrit dialogue
Ainsi, les mots des personnages figurent dans le scénario écrit
et semblent parfois valides à la seule lecture mentale, silencieuse,
alors que les étapes suivantes vont souvent contribuer à les
modifier. Ils vont subir, au sens littéral, une transmutation, un
changement de matière. Cela se vérifie lorsque l’on veut tenter de
rejouer une séquence d’un film en utilisant les sous-titres écrits de
la traduction. On s’aperçoit vite que l’on doit remanier ces textes
qui paraissaient « valides » et que l’on attribuait facilement aux
personnages quand on les lisait mentalement au bas de l’écran.
La confrontation inévitable des dialogues écrits, quand on les a
conçus, est donc d’abord celle de l’oralité et de l’affectivité. La
lecture à haute voix, si elle n’est pas la panacée, a au moins
l’avantage de confronter à un matériau oral. Ainsi, une réplique qui
semble lourde et difficile à dire, apparaît correcte à l’oral. Lors
d’une lecture mentale, je n’avais pas imaginé le ton, les silences,
les pics énergétiques, les sentiments sous-jacents. La réplique se
révèle être le résultat d’un processus que je ne m’étais pas
approprié. Mais c’est très souvent l’inverse qui se produit.
Anne Roche et Marie Claude Taranger émettent un conseil
judicieux : « Quand vous aurez écrit un dialogue, nous vous
suggérons de « l’oraliser », c’est-à-dire de le lire à haute voix,
seul ou avec des amis : vous verrez très vite ce qui « passe » et ce
LA METAMORPHOSE DES MOTS 30
27
Anne Roche et Marie Claude Taranger. L’atelier de scénario. Page 12. Dunod.
28
Jean-Claude Carrière interviewé par Christian Salé. Les scénaristes au travail.
Page 123. Éditions Hatier.
29
Michel Bernardy. Le jeu verbal. Page 20. Editions de l’aube.
31 DES DIALOGUES DE CINEMA
30
Louis Jouvet. Le comédien désincarné. Page 162. Flammarion.
31
Claire Blanche-Benveniste. Approches de la langue parlée en français. P. 11.
Editions OPHRIS.
32
Conférence à l’ESAV. 1998.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 32
33
Le chanteur de jazz. Alan Crosland. USA 1927.
34
Jean-Paul Sartre. Situations, II. Page 75. Gallimard.
35
Ces temps sont très prisés par les politiciens et les prêtres qui utilisent le temps
de réverbération pour amplifier l’autorité de leurs dires. Leurs voix parcourent et
occupent encore la salle lors des pauses qu’ils aménagent après leurs sentences.
33 DES DIALOGUES DE CINEMA
36
Jean Mitry. Esthétique et psychologique du cinéma. Page 102. Editions
Universitaires. Tome 2.
37
Robert Bresson. Notes sur le cinématographe. Page 51. Folio.
38
Gérard Legrand. Cinémanie. Page 74. Stock.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 34
39
La promesse. Luc et Jean-Pierre Dardenne. Belgique 1996.
35 DES DIALOGUES DE CINEMA
40
Photogénie : « Se dit de ce qui produit, au cinéma, en photographie, un effet
égal ou supérieur à l'effet produit au naturel. Un visage, un acteur photogénique,
qui est plus beau, plus expressif, etc., en photo ou au cinéma qu'au naturel. »
(Dic Robert) La « phonogénie » concerne l’enregistrement sonore dans les mêmes
termes.
41
M.Pagnol. Cinématurgie. Page 18. Œuvres complètes. Éditions de Provence
42
Idem. Page 19.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 36
43
Pier Paolo Pasolini. L’expérience hérétique. Page 38. Ramsay Poche Cinéma
37 DES DIALOGUES DE CINEMA
45
Hôtel du Nord. Marcel Carné. France 1938
46
Les enfants du paradis. Marcel Carné. France 1945
47
René Clair. Cinéma d’hier cinéma d’aujourd’hui. Page 254. Idées NRF.
39 DES DIALOGUES DE CINEMA
48
La notion de « contrepoint », notée pour la première fois en 1398, d’après le
Dictionnaire Robert, est elle-même issue du vocabulaire musical. C’est « l’ art de
composer de la musique en superposant des dessins mélodiques. L'harmonie
combine des notes disposées verticalement (accords), et le contrepoint des notes
qui se succèdent suivant un dessin horizontal soumis à des règles ». Par
extension, elle signifie « simultanément, et indépendamment, mais comme une
sorte d'accompagnement. » Au cinéma, le contrepoint signifie que ce qui est
donné à voir n’est pas « bruité » d’une façon naturaliste par ce qui est donné à
entendre.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 40
Littré, exemple : « L'harmonie étudie seulement les sons en tant qu'ils peuvent ou
ne peuvent pas aller correctement ensemble. Le contre-point s'occupe en outre de
la valeur des notes et du dessin qu'elles forment. Supposons une note telle que
ut,accompagnée, en quatre notes égales, par ces quatre-ci ut mi sol mi ou par
celles-ci ut sol mi sol, ce sera la même harmonie, parce que ce sont les mêmes
notes qui entrent dans l'accord ; ce seront deux contre-points différents, parce que
les notes ne sont pas dans le même ordre. »
49
Jean Cocteau. Entretiens sur le cinématographe. Page 73. Editions Belfond.
50
Idem. Page 114.
41 DES DIALOGUES DE CINEMA
51
Guy Chapouillié. Rente foncière et représentation paysanne. L’efficace
audiovisuelle. Doctorat d’état. 1989. Université Toulouse-le-Mirail.
52
bhttp://www.campus.bt.com/CampusWorld/pub/FranceALC/arts/cinema/cine100
/fr/guide6.html
LA METAMORPHOSE DES MOTS 42
53
Nicholas Ray. Idem. Page 266.
54
Nicholas Ray. Action. Page 266. Editions Yellow now. Femis.
55
L’éternel retour. Jean Cocteau, Jean Delannoy. France 1943.
56
Idem. Page 143.
43 DES DIALOGUES DE CINEMA
des images et des sons enregistrés. C’est cela aussi qui emplit le
chutier. Le créateur dispose alors des fragments dialogués, mais
également d’un tout autre matériau expressif : si c’est tout le corps
de l’acteur qui communique lors d’une conversation, c’est le film
comme totalité articulée qui est la finalité.
57
Jean Aurel. Le scénario au pluriel. L’enjeu scénario. Page 52. Cahiers du
cinéma.
58
Jacky Brown. Quentin Tarantino. USA 1998.
59
Opuscule Gaumont.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 44
60
Syd Field. Scénario. Page 42 et suivantes. Les Éditions Merlin.
61
A part bien sûr s’il s’agit d’une « bible » pour une série d’épisodes. Ce texte
indique de façon précise les éléments récurrents d’une série afin de guider les
scénaristes.
62
L’exorciste. William Friedkin. USA 1973.
45 DES DIALOGUES DE CINEMA
63
Louis Jouvet. Le comédien désincarné. Page 145. Flammarion.
64
Stanislavski La formation de l’acteur.. Page 264. Éditions Pygmalion.
65
P.Glaudes et Y.Reuter. Le personnage. Page 97. PUF. Que sais-je.
66
C'est pour cette raison qu’il est difficile de faire parler les personnages à partir
de l'écriture d'un synopsis, texte sec s'il en est.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 46
âmes (Dante), dans ces limbes où ils sont. (…) C’est en somme un
passage, un transit des personnages, à l’état de fantômes chez
l’auteur, qui prennent corps dans le comédien. » 67
Parfois, au cours du processus d’écriture, les personnages font
un coup de force : « Les personnages vraiment vivants obéissent
quelque temps à l’auteur puis se révoltent, démolissent l’intrigue,
et rien de plus heureux ne peut arriver à un romancier. » 68 Il faut
alors reconsidérer toute la construction.
Cette connaissance intime, ou cette possession physique, n’ont
pas simplement valeur de description de l’état dans lequel se
trouve l’auteur : c’est une méthodologie possible qui passe par la
recherche de ces états. Un personnage qui reste abstrait ne réagit
pas à l’intérieur de l’auteur, il demeure fade et ennuyeux tant que
l’auteur n’a pas le clavier émotionnel et tonal, les différentes
modalités affectives du personnage.
L’auteur finit par créer un monde imaginaire dans lequel le
personnage prend sa place, mais pas le « vrai monde », plutôt un
cosmos, avec des règles, une tonalité directrice, des rapports
particuliers entre les personnes, un rythme, une pulsation, un
tourment. Que l’on considère les personnages d’Angèle 69, par
exemple, leur différenciation. Clarius porte sa colère brute, sa
souffrance: « Si je les rattrape, je les tue ! Attèle le cheval, nom de
Dieu, toi ! » Albin, pour sa part, semble tombé tout droit d’une
chanson lyrique provençale : « Tu sais, toi, combien j’ai langui
d’elle, et puis maintenant c’est le matin, et me voilà en face d’une
bonne route avec un soleil bien clair… » Amédée est le bon sens
terrien, prosaïque : « Je me sens couillon comme un toupin… Alors
ça c’est beau ! Y a de quoi se taper le cul dans un seau. » 70
Chacun d’eux porte l’empreinte de sa vision du monde et l’on ne
pourrait intervertir leurs répliques.
Quelle que soit la singularité du cosmos, l’auteur construit
affectivement son personnage, il commence à en créer l’odeur, puis
67
Louis Jouvet Le comédien désincarné. Page 147. Flammarion.
68
P. Glaudes et Y. Reuter. Le personnage. Page 97. PUF. Que sais-je.
69
Angèle. Marcel Pagnol. France 1934.
70
Un toupin est « un fromage cylindrique à pâte cuite, à croûte levée (Haute-
Savoie) » Dic Robert.
47 DES DIALOGUES DE CINEMA
Primauté de l’émotion
Connaître un personnage, c’est éprouver ses émotions.
L’essentiel de l’écriture du détail des dialogues se résume alors en
peu de mots : l’auteur entendra d’abord le ton du personnage, la
modulation, la partie affective du langage, le rythme. Ensuite, il y
accrochera les mots qu’il faut. Le ton, le rugissement ou la plainte,
le sentiment, sont prédominants et premiers, comme si la genèse
d’un personnage refaisait la genèse de l’humanité parlante. « Il
faudrait donc chercher les premières ébauches du langage dans la
gesticulation émotionnelle par laquelle l’homme superpose au
monde donné le monde selon l’homme. » 71 Avant de savoir les
mots avec lesquels ils vont dire les choses, il faut savoir la façon
par laquelle les personnages vont se les dire et les vivre,
l’émotionnel. Bien évidemment, ce ne seront pas des
mots quelconques, l’émotion les trouvera et ils la porteront,
l’émotionnel deviendra signifiant.
71
M. Merleau-Ponty. Phénoménologie de la perception. Page 219. Tel/Gallimard.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 48
72
Idem. Page 218.
49 DES DIALOGUES DE CINEMA
73
La vérité. Henri-Georges Clouzot. France 1960.
LA METAMORPHOSE DES MOTS 50
« (…) je ne sais si les cris qui se pressent en cet instant à mes oreilles
sont le rappel de ce que j’ai vraiment entendu alors, ou bien l’écho
des mille récits qu’on m’en a faits depuis. »
Amin Maalouf, Léon l’Africain.
La diégèse
Le spectateur de cinéma voit des images et entend des sons à
l’écran à partir desquels il construit mentalement une diégèse (dia,
à travers, dans la durée, et aigesis, l’action), c’est-à-dire un cosmos
imaginaire, dans lequel évoluent des personnages à qui il arrive de
parler. La diégèse, c’est ce qui se passe d’après celui qui regarde.
« Le plan spectatorial est pour Étienne Souriau celui où se réalise
en acte mental spécifique l’intellection de l’univers filmique (la
« diégèse ») à partir des données écraniques. » 74 D’après Gardies
et Bessalel, la diégèse « est le monde fictionnel, fonctionnant à
l’image du monde réel, que le lecteur/spectateur construit à partir
de données signifiantes d’un texte ». 75 Ou d’un film.
L’élément « personnage », que je prends éventuellement pour
un sujet parlant, est en fait un mobile audiovisuel que je perçois à
l’écran et que je complète, construis et produis par mon activité
mentale. Le personnage est un objet mental, qui m’appartient
même si le film m’a fortement aidé à le construire. Il se présente
74
Cité par Vanoye. Esthétique du film. Page 167. Éditions Nathan Université.
75
A. Gardies et Jean Bessalel. 200 mots-clés de la théorie du cinéma. Cerf.
PAROLES DIEGETIQUES 54
79
L’homme qui ment. Robbe-Grillet. France 1968.
PAROLES DIEGETIQUES 56
Grillet, j’entends le son d’un pic, ce n’est pas parce que le volatile
est entré dans la pièce. Je sais qu’il s’agit d’un contrepoint : le son
cesse de bruiter « le réel des images ». Il s’agit, non pas d’un hors-
champ, mais d’un montage vertical images/sons contrapuntique,
donné à apprécier comme tel, d’une construction visant à rompre la
phono-photographie du réel, afin d’induire autre chose que ce qui
est généralement perçu comme une représentation naturaliste. Mais
il pourrait en être autrement pour un autre spectateur et pour moi-
même car, suivant mes dispositions, je peux construire des
certitudes toutes différentes et être ému à ma façon.
On ne peut donc légitimement parler d’élément qui serait
« diégétique » en soi, en dehors de la perception d’un spectateur, et
surtout pas d’une qualité diégétique qui préexisterait et que tous les
spectateurs découvriraient, comme un seul homme. Si au moment
de la création, l’auteur construit lui-même une diégèse, dans son
imaginaire, le spectateur est convié à la reconstruire. Selon ce
qu’il est, ses dispositions du moment, ses données culturelles,
l’époque, la diégèse qu’il construit est sujette à bien des
variations : « Il y a dans chaque film une zone d’ombre, une
réserve invisible, soit qu’elle s’y trouve à dessein, voulue et placée
là par les auteurs, soit qu’elle y soit apportée pendant la
projection par un spectateur particulier, un spectateur solitaire qui
ce jour-là ne veut pas, ne peut pas tout voir, ou par ce groupe
bizarrement cohérent, aux réactions souvent communes même
quand elles sont imprévisibles, qu’on appelle aujourd’hui comme
hier un public. » 80 Il y a donc une diégèse par spectateur.
L’action de consommation du film est une action de production,
par laquelle chaque spectateur complète, imagine, déduit, finalise
le film, à sa façon. Pour reprendre Althusser, le spectateur ne
« découvre » pas le film. Il n’y a pas un « couvercle » que l’on
pourrait ôter et qui permettrait de découvrir « l’histoire » . Chaque
spectateur invente un film, le produit. 81 Tout dépend alors de la
qualité et l’esthétique de l’œuvre et aussi de la capacité de chacun
à se hisser à son niveau. « Comme tout autre produit, l’objet d’art
80
J.C Carrière. Le film qu’on ne voit pas.. Page 10. J.C Editions Plon.
81
Christophe Colomb et sa suite ont cru re-découvrir les Indes parce qu’ils
n’avaient pas encore inventé l’Amérique.
57 DES DIALOGUES DE CINEMA
« Il » parle.
Les paroles diégétiques sont les paroles que les personnages
sont censés proférer dans le temps présent de l’action et dans la
profondeur fictive de l’écran et ses alentours. L’exemple du film
82
Karl Marx. Introduction aux fondements de la critique de l’économie politique.
Page 21. Editions Anthropos.
83
« Cette attitude, nous la baptisons (par convention) de naturelle parce qu’elle
nous semble commune non seulement à tous les hommes quelle que soit leur
civilisation, mais aussi à l’homme et à certains animaux » . Pierre Schaeffer.
Traité des objets musicaux. Page 120. Seuil
84
Idem. Page 121.
PAROLES DIEGETIQUES 58
85
Singin’ in the rain. Gene Kelly et Stanley Donen. USA. 1952. Si le personnage
a une voix « déplorable », soulignons que l’actrice est excellemment choisie et que
sa voix « convient » parfaitement au film.
86
« Acousmatique, nous dit le Larousse : nom donné aux disciples de Pythagore
qui, pendant cinq années, écoutaient ses leçons cachés derrière un rideau, sans se
voir, et en observant le silence le plus rigoureux. (...) Le Larousse continue :
Acousmatique, adjectif : se dit d’un bruit que l’on entend sans voir les causes
dont il provient. » Cité par Pierre Schaeffer. Traité des objets musicaux. Page 91.
Seuil.
59 DES DIALOGUES DE CINEMA
87
Michel Chion. Le son au cinéma. Page 62. Collection essais. Cahiers du cinéma.
88
Cette expression me semble faible ; il suffirait de décider de ne plus croire pour
regarder et entendre sans frémir certaines choses au cinéma. Il s’agit davantage
d’implication émotionnelle que de croyance. Si l‘émotion est trop forte, alors le
déni entre en jeu, mais ce n’est ni aisé ni immédiat.
PAROLES DIEGETIQUES 60
89
Cité par René Clair. Cinéma d’hier et cinéma d’aujourd’hui. Page 191. Idées
NRF.
90
La dernière tentation du Christ. Scorsese. USA 1988.
91
Et emprunt à Diderot, Les joyeux indiscrets.
61 DES DIALOGUES DE CINEMA
92
Dominique Chateau. Diégèse et énonciation. Page 126. Communications. Seuil.
PAROLES DIEGETIQUES 62
devinés sur son visage sont produits par ce qu’il entend. Le son
transforme donc la perception de l’image, et dans ce cas, il occupe
l’intérieur de la tête des personnages qui écoutent. C’est
certainement là une évidence pour beaucoup de monde mais elle
est liée aux premiers émerveillements de la pratique du montage et
il ne s’agit surtout pas de les oublier. Non seulement on s’aperçoit
que « ça marche », mais on touche de façon tangible que ce que
l’on prenait pour un donné est le résultat d’une construction, et
qu’il en faudrait peu pour que « ça ne marche pas » .
Le canal de communication oral des personnages est donc
également une construction diégétique. Pour le spectateur, l’espace
sonore dans lequel vibrent les paroles est l’espace diégétique et
non l’espace de la salle de cinéma. Pourtant, en réalité, c’est le
contraire qui se produit, puisque la profondeur de l’image est
fictive et que rien n’y existe. Même si un personnage parle « à la
caméra », le son de sa voix n’a pas l’air, dans les deux sens du
terme, de sortir de l’espace représenté. Il y est, mais n’en sort pas.
Je l’entends mais ne partage pas le même air. L’espace de la salle
de cinéma n’existe pas dans ma représentation. L’écran 93 joue son
rôle : il « fait écran », et c’est pour cela qu’on l’a nommé ainsi. Il
sépare radicalement le lieu du spectateur du lieu de l’histoire, le
présent du spectateur et celui des personnages.
On peut comparer, même si cette comparaison a ses limites, le
spectateur à un témoin indiscret et silencieux d’une conversation, à
un épieur dont les participants ignorent la présence. « L’échange
verbal a lieu entre les protagonistes de la scène et je n’en suis que
le témoin. Plus précisément, chaque personnage prend celui qui lui
fait face comme allocutaire et ignore ma présence. Les paroles
qu’il prononce sont destinées à l’autre, pas à moi. » 94 Ainsi, le
spectateur n’est pas un récepteur secondaire des conversations à
l’intérieur du monde qui lui est présenté car il ne participe pas de
ce monde. Il capte des paroles qui ne lui sont pas destinées.
Que se passe-t-il lorsque au restaurant ou au café, deux
personnes se disputent et veulent prendre la galerie à partie ? Elles
93
L’étymologie de « écran » est révélatrice de sa fonction : « Fin XIIIe, escren ;
du moyen néerlandais scherm «paravent, écran ». Dictionnaire Robert.
94
André Gardies. Le récit filmique. Page 119. Éditions Hachette.
63 DES DIALOGUES DE CINEMA
95
Roland Barthes. R. Barthes . Page 152.
96
Le pacte des loups. Christophe Gans. France 2001.
97
A moins d’un cas particulier. Quand César dit « Tu me fends le cœur ! », il force
sa voix pour signifier que son dire est sibyllin. C’est alors la grossièreté de la
tricherie qui est comique. Mais ce haussement de voix est lié à la situation entre
les personnages.
PAROLES DIEGETIQUES 64
98
Qui est davantage un lac qu’un canal, car il n’est relié à rien, le spectateur ne
pouvant répondre à l’auteur.
99
Jean Mitry. Esthétique et psychologique du cinéma. Page 101. Tome II.
Editions universitaires. Page 101.
65 DES DIALOGUES DE CINEMA
yeux une image animée d’une réalité qui a été filmée 100 , mais un
monde qui s’élabore dans un « ici et maintenant » relatif. Lors de la
diffusion, c’est l’ultime renaissance des images et des sons,
l’espace renaît dans le temps du film. J’ai beau revoir vingt fois le
même film, c’est toujours du présent relatif que j’ai devant les
yeux, des personnages agissant dans l’instant et sur place. Ma
perception audiovisuelle et les émotions qu’elle fait naître en moi
disposent mon corps dans ce présent. Quand un personnage dit
« Aujourd’hui », c’est de son aujourd’hui qu’il s’agit, pas du mien.
Quant à l’acteur, son aujourd’hui du tournage s’est perdu dans le
passé, à la différence des deux « aujourd’hui » du comédien de
théâtre. Lorsque je vois Intolérance, je peux trembler pour la vie
d’un personnage alors que je le sais mort et en poussière dès que le
film me bascule dans une autre époque.
La production diégétique concerne donc, non seulement
l’espace, mais également le temps de l’action. Les personnages
évoluent dans leur propres époques, qui ne sont pas les mêmes que
la mienne. Cela concerne éminemment l’élaboration immédiate de
leurs discours et leur marquage par cette situation de
communication orale immédiate. Ce marquage apparaît dans le
choix des mots, dans la syntaxe, dans des phénomènes de clivages
et dans l’emploi de déictiques que nous examinerons plus loin.
Dans certains récits historiques, les personnages émettent des
phrases qui portent à la fois la marque d’une élaboration immédiate
qui serait de leur fait, mais également celle d’une élaboration
différée qui est du fait du narrateur, quel que soit son statut. La
double énonciation est affichée. Ce marquage peut être également
coloré par un effet stylistique, c’est le moins que l’on puisse dire.
Le personnage acquiert donc, dans l’imaginaire du spectateur (si
toutefois les choses se passent comme le réalisateur le désire), une
existence autonome dans son espace-temps.
100
Ce point de vue est cependant à nuancer lors des fictions qui se présentent
comme des documentaires : dans C’est arrivé près de chez vous, la dissociation
technique du son et de l’image est ostensiblement affirmée quand on entend des
bruits parasites sur le microphone séparé de la caméra par l’action. (C’est arrivé
prés de chez vous, R. Belvaux, A.Bonzel, B.Poelworde. Belgique 1992.)
PAROLES DIEGETIQUES 66
103
Si tout se passe « comme si », cela ne veut pas dire que la voix est la révélation
absolue de « l’âme », quasi mystique. C’est un phénomène de perception et de
construction. La morphopsychologie n’est pas une science exacte et la
« vocopsychologie » non plus. Il s’agit davantage de psychoacoustique. Une voix
jugée « déplaisante » lors d’une première rencontre peut se révéler agréable si
cette rencontre devient une amitié.
104
Toto le héros. Jaco Van den Brugge Dormael. Belgique 1991.
PAROLES DIEGETIQUES 68
Chapitre 3
Les attributs des personnages
L’agent narratif
Le film Qui veut la peau de Roger Rabbit 107 compare d’une
façon humoristique les pouvoirs des « Toons » à ceux des
personnes humaines. Les Toons, personnages de dessins animés,
peuvent recevoir des coups de marteaux sur la tête, rebondir, faire
des trous dans le sol à l’aide de disques noirs, s’allonger
démesurément et sont quasiment immortels. Mais les Toons sont
confrontés et comparés non pas à des personnes humaines
véritables mais à des personnages de cinéma... qui eux aussi ont
des pouvoirs singuliers.
106
Jean Renoir. La double méprise. Page 92. Les éditeurs français réunis.
107
Qui veut la peau de Roger Rabbit. Robert Zemeckis. USA 1988.
71 DES DIALOGUES DE CINEMA
108
La rose pourpre du Caire. Woody Allen. USA 1984
109
John Hill. Leçon de scénario n°17. Synopsis n° 21. Septembre/Octobre 2002.
110
Spartacus. Stanley Kubrick. USA 1960.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 72
114
Gilles Deleuze. L’image-temps. Page 167. Les Editions de Minuit.
75 DES DIALOGUES DE CINEMA
115
Le silence des agneaux. Jonathan Demme. USA 1990.
116
Les définitions sont extraites du Dictionnaire Robert.
117
Confidential report. Orson Welles. France/Espagne. 1956
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 76
118
Diderot. Paradoxe sur le comédien. Page 310 Bordas. Classiques Garnier.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 78
La caractérisation psychologique
Les attributs psychologiques sont de l’ordre des modalités et
des moyens d’action des personnages. Ainsi, Manon des sources a
119
En principe… mais parfois, répétons-le, il s’en moque. Il faudrait prendre la
même précaution chaque fois que l’on parle du « spectateur » ce qui deviendrait
fastidieux, mais il faut rappeler qu’en matière de réception, rien n’est acquis, rien
n’est sûr. La conviction inverse conduit à de graves dérives, du genre « le
spectateur n’aime pas les fin ouvertes », « préfère les happy end »…
79 DES DIALOGUES DE CINEMA
120
Aristote. La poétique. Page 95. Le livre de poche.
121
Un petit aperçu sur une liste d’adjectifs pouvant qualifier un caractère montre
que l’action de parole peut être affectée de bien des façons. Quasiment tous ces
attributs peuvent se déceler lors de la prise de parole : abrupt, acariâtre,
accommodant, accrocheur, acerbe, acrimonieux, actif, affable, affectueux,
agressif, aigre, aliéné, altruiste, amer, amorphe, apathique, âpre, ardent, arrogant,
atrabilaire, attentionné, audacieux, autocratique, avare, aventureux, avide,
bagarreur, batailleur, bavard, belliqueux, bilieux, boudeur, bougon, bouillant,
bourru, brave, brusque, brutal, buté, calculateur, capricieux, casanier, chagrin,
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 80
122
La promesse. Luc et Jean-Pierre Dardenne. Belgique 1996.
123
La parole tient une grande importance dans ce film, d’autant qu’Igor s’est
engagé : il a promis à Amidou de s’occuper de la femme et de son fils, il a donné
sa parole, il s’est lié.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 82
128
Quai des Orfèvres. H.G Clouzot. France 1947.
129
Le bon, la brute et le truand. Sergio Leone. Italie 1968.
130
Il était une fois dans l’ouest. Sergio Leone. Italie 1969.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 84
131
Le samouraï. Jean-Pierre Melville. France 1967.
132
Jean-Michel Peterfalvi. Introduction à la psycholinguistique. PUF.
133
Idem. Page 156.
134
Idem. Page 156.
85 DES DIALOGUES DE CINEMA
La caractérisation sociale
Les différences sont nombreuses, entre les régions, les classes
et les personnes. Si les animateurs des radios FM parlent
effectivement comme tous les animateurs de radio FM, quelle que
soit la région dans laquelle ils opèrent, c’est parce que, désirant
être une marchandise orale prisée, ils se standardisent eux-mêmes,
renient leurs ancêtres et la musique de leur langue. La réalité est
plus riche, plus détaillée, malgré l’uniformisation due au mode de
consommation de masse. Le tableau doit donc être plus fin et les
dialoguistes attentifs au monde. De ce point de vue, les œuvres
radiophoniques de Yann Paranthoën, notamment Le tour de la
France 135, démontrent que, si l’on est vraiment à l’écoute, on
s’aperçoit que personne ne parle comme tout le monde.
Le niveau d’études et les fréquentations d’une personne
déterminent en général son parler, bien que cela ne soit pas une
règle générale, loin s’en faut. D’abord, on peut faire des études
supérieures qui ne comprennent pas des cours de « bon français »
et cela dépend des personnes. Il y a des diplômés en médecine qui
parlent mal et des ouvriers autodidactes qui manient très bien la
langue. D’autres, ni diplômés ni autodidactes, ont retenu de leurs
années de scolarité la façon de parler correctement alors que les
autres matières se sont évanouies.
La caractérisation sociale d’un personnage pourra impliquer
globalement un niveau de langue, l’utilisation d’un certain registre,
de certains effets de langue et l’adoption par le personnage d’un
langage parlé supposé propre à sa classe. Il n’est pas vrai qu’un
directeur de banque parle comme un charretier. Par contre, il se
peut que l’auteur se trouve plus à l’aise pour faire parler un
directeur de banque, qu’il fréquente davantage. Quant au
charretier, si l’auteur n’y prend garde, il le fera parler comme un
directeur de banque ou le calquera sur un stéréotype, c’est-à-dire le
fera « jurer comme un charretier » . Il y a cependant des
professions qui « marquent » le parler plus que d’autres,
notamment celles qui ont un rapport à la parole ( psychanalyste,
135
Le tour de la France. Yann Paranthoën. Ateliers de création radiophonique de
France Culture. France 1992.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 86
jouent « aux poils », les « poils à » ceci ou à cela, ils révèlent aussi
leur métier. On ressent chez eux ce même goût du verbe qu’ils
tiennent de leur père. Au delà de la stricte décalque sociale, le style
émerge et ouvre, non pas une société, mais un vision du monde.
La caractérisation individuelle
Ce dernier type de caractérisation participe de la singularité
d’un personnage, que cela influe ou non sur son devenir. Ainsi,
certaines personnes parlent d’elles-mêmes à la troisième personne
du singulier. La mère de Freddy dans La vie de Jésus 138 dit :
« Maman, elle est pas contente... » C’est une particularité
langagière. Le social, la psychologie et le physiologique se mêlent
aux influences diverses et variées, comme la géographie, le génie
propre de la langue maternelle, des tics de langage, la récurrence
de certains faits de langue.
Le personnage peut entretenir un rapport particulier à
l’émission de la parole. S’il est laryngectomisé ou bègue, cela peut
avoir une influence sur le développement du récit. Savoir chanter
(Joselito dans L’enfant à la voix d’or 139), ou au contraire en être
incapable, zozoter (Singin’ in the rain), pouvoir par un cri briser du
verre à distance (Le crabe tambour 140, La blonde et moi 141) , ou
paralyser des gens (Le cri du sorcier 142) sont des attributs
importants qui peuvent orienter les destins des personnages. Il en
est de même pour le pouvoir de se faire obéir des hommes (Le
parrain 143), celui de se faire entendre de Dieu (Les dix
commandements 144 ), généralement celui de faire respecter sa
parole, ou au contraire de ne pouvoir parler (La loi du silence 145).
138
La vie de Jésus. Brunot Dumont . France 1997.
139
L’enfant à la voix d’or. Antonio del Amo. Espagne 1957.
140
Le crabe tambour. Pierre Schonendorffer. France 1977.
141
La blonde et moi. Franck Tashlin. USA. 1956.
142
Le cri du sorcier. Jerzy Skolimowski. Grande-Bretagne 1979.
143
Le parrain. Francis Ford Coppola. USA 1972.
144
Les dix commandements. Cecil B Demille. USA 1956.
145
La loi du silence. Alfred Hitchcock. USA 1952.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 88
146
Jean Séguy. Le français parlé à Toulouse. Page 17. Editions Privat.
147
Idem Page 17.
148
Pierre Bourdieu. Ce que parler veut dire. Page 27. Fayard.
149
Maine Océan. Jacques Rozier. France 1985.
89 DES DIALOGUES DE CINEMA
150
André Bazin. Le cas Pagnol . Dans : « Qu'est ce que le cinéma ? » page 181.
Éditions du Cerf.
151
Ma cité va craquer. Jean-François Richet. France 1998.
152
Il serait étonnant que ce réseau en toile d’araignée ayant Paris pour centre ne
soit pas à la fois le théâtre de cette confrontation des accents et celui de la
normalisation linguistique.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 90
153
Greystock. Hugh Hudson. USA 1982. Je me réfère à la version française, ne
pratiquant pas suffisamment l’anglais pour savoir si le phénomène est perceptible
dans la version originale.
154
Le retour de Martin Guerre. Daniel Vigne. France 1982.
155
Délivrance. John Boorman. USA 1972
91 DES DIALOGUES DE CINEMA
156
Le diable par la queue. Philippe de Broca. France 1968.
157
Le choix des armes. Alain Corneau. France 1981.
158
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, 16 déc. 1861. Dictionnaire Robert.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 92
159
Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. II, p. 21. Dictionnaire Robert.
160
Manon des sources. C. Berri. France 1986.
93 DES DIALOGUES DE CINEMA
161
La Rochefoucauld, Maximes, 342. Dic Robert.
162
Jean Séguy. Le français parlé à Toulouse. Page 10. Editions Privat.
163
Idem. Page 78
164
Suite à la lecture de l’ouvrage de Seguy, j’ai fait part de la disparition de ce
mot à des villageois qui m’ont alors assuré qu’ils l’employaient toujours. Les
mœurs toulousaines ont fait disparaître le terme alors qu’il est encore vivant à 30
kilomètres de là, où l’on prend encore le temps de plumer la volaille et de la
« flambusquer ». On doit donc rester prudent quand on parle de la disparition d’un
mot.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 94
165
Jean Renoir. Ma vie et mes films. Page 53. Champs contre-champs.
Flammarion.
166
Remy de Gournont, cité par R.Amossy et A.Herschberg Pierrot, Stéréotypes et
clichés. Page 9. Éditions Nathan Université.
167
A. Jarry Critique de théâtre, Le cochon, Dictionnaire Robert.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 96
168
Jean Renoir. Ma vie et mes films. Page 53. Champs contre-champs.
Flammarion.
169
Max Jacob, cité par Jean Cocteau. Entretiens sur le cinématographe. Page
116. Editions Pierre Belmont.
170
Jean Renoir. Idem.
97 DES DIALOGUES DE CINEMA
175
Claude Brémont. La logique du récit. Page 137. Seuil.
176
La femme du boulanger. Marcel Pagnol. France 1938.
177
M le maudit. Fritz Lang. Allemagne 1931.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 100
178
La guerre des étoiles. George Lucas. USA 1977.
179
Cette formulation est à mon avis contestable : le niveau de description peut
varier d’une forme de récit à l’autre, mais s’il y a des attributs, c’est forcément
dans le récit qu’on les a dénichés. On pourrait ainsi penser que le film Topaze qui
utilise Fernandel et celui qui utilise Jouvet exposent le même récit. C’est très
discutable, car ce sont deux récits filmiques différents : il n’existe pas de récit sans
mise en œuvre d’un matériau et sans modalités.
180
Jean Mitry. Esthétique et psychologique du cinéma. Tome1. Page 145.
101 DES DIALOGUES DE CINEMA
Le chaos et le hasard
Dès qu’il y a acteur, il y a « personne », qui va au-delà du
personnage défini sur le papier. La personne relève du chaotique,
par son apparence physique et sa voix. Même dans les dessins
animés, où tout peut être décidé, on utilise de « vraies » voix. On
choisit des voix dans le monde ; on ne les fabrique pas, même si on
182
Jean George Auriol. Faire des films. Page 43. La revue du cinéma. Anthologie.
TEL. Editions Gallimard.
183
Spartacus. Stanley Kubrick. USA 1960.
103 DES DIALOGUES DE CINEMA
184
Les oiseaux. Alfred Hitchcock . USA 1963.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 104
Reservoir's dogs
185
L’introduction de systèmes chaotiques dans le calcul informatique des images a
donné à ces dernières plus de désordre : le bouillonnement d’une chute d’eau et
les arborescences végétales ont pris plus de vérité.
105 DES DIALOGUES DE CINEMA
186
Reservoir’s dogs. Quentin Tarantino. USA.1992.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 106
des unités qui semblent leur appartenir en propre, des paroles qui
sont de l’ordre du seul bruit, de la scorie, de l’accent, des mots
proférés « comme ça... », qui semblent aussi superflus que la
queue d’un renard... mais qui font le renard 187. Bresson tire de ses
modèles « la preuve qu’ils existent avec leurs bizarreries et leurs
énigmes ». 188 Pierre Schaeffer a justement exprimé ce que doivent
être les dialogues, c’est-à-dire « la rumeur des personnages et non
comme un texte qu’ils ont à dire ». 189
Une difficulté majeure de l’écriture des dialogues réside dans
le fait qu’ils participent à la fois d’un récit, c’est-à-dire proviennent
d’un personnage, entité réglée et épurée, et de l’imitation d’une
personne, chaotique par essence. Dans L’amie de mon amie 190,
Blanche semble s’embrouiller en expliquant qu’elle n’a pas eu le
temps de manger parce qu’elle a dû passer à la poste. Elle s’excuse
presque de ce manque de maîtrise sur les détails de sa vie. Elle
termine en disant : « Alors heu... » Ainsi, cette discussion à
caractère essentiellement phatique, qui ne vise qu’à établir le
contact avec Léa, simplement à échanger des paroles de tous les
jours, ne semble pas être liée immédiatement à une intrigue mais
être de l’ordre de la conversation ordinaire, si ordinaire que les
détracteurs de Rohmer se demandent pourquoi on devrait
s’intéresser à ses personnages. S’il y a des détails qui donnent la
vie, c’est justement parce qu’ils n’ont pas de fonction
immédiatement décelable dans le développement du récit. Certains
auteurs enrichissent parfois des personnages d’attributs qui n’ont
absolument rien à voir avec la structure du récit (une manie, une
minerve). Ces différenciations, par cela même qu’elles ne se
justifient absolument pas, rendent les personnages plus crédibles,
participent de l’effet de réel, témoignent d’une préexistence des
187
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue ? Il faut qu'on se la coupe.
Jean de La Fontaine (Le renard ayant la queue coupée).
188
R.Bresson. Notes sur le cinématographe. Page 3. Folio.
189
La revue du cinéma. Pierre Schaeffer. Anthologie. TEL. Editions Gallimard.
190
L’ami de mon amie. Eric Rohmer. France 1987.
107 DES DIALOGUES DE CINEMA
191
Le cuirassé Potemkine. Eisenstein. URSS 1925.
192
Jean Cocteau. Entretiens sur le cinématographe. Page 90. Editions Belfond.
193
L’impasse. Brian de Palma. USA 1993.
109 DES DIALOGUES DE CINEMA
L’histoire antérieure
Un élément qui a toute son importance dans la construction du
personnage est l’histoire antérieure, le passé du personnage au
194
Syd Field. Comment reconnaître, identifier et définir les problèmes liés à
l’écriture de scénario. Page 176. Editions DIXIT.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 112
195
Retour vers le futur. Robert Zemeckis. USA 1985.
113 DES DIALOGUES DE CINEMA
196
La tentation est grande de dire que la théorie des quanta convient au cinéma
parce qu’il est lui-même composé de petits fragments photographiques. Ce serait
un import épistémologique suspect. Mais par la fragmentation de l’univers, la
possibilité de passer instantanément d’un photogramme à l’autre, de passer le
film à l’envers, fait que le cinéma convient bien au quantique, ou plus exactement
à son extrapolation fantastique.
197
Gilles Deleuze. L’image-temps. Page 172. Les Editions de Minuit.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 114
198
Etienne Souriau. Les deux cent mille situations dramatiques. Flammarion.
1950.
199
Souriau précise à plusieurs reprises dans son ouvrage qu’il ne croit pas en
l’astrologie. Il s’agit d’un mode d’exposition original et symbolique.
200
Idem page 249
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 116
201
Idem page 147.
202
L’ange bleu. Joseph von Sternberg. Allemagne 1930.
203
Un cœur en hiver. Claude Sautet. France 1992.
117 DES DIALOGUES DE CINEMA
Identification au comédien
Le stade de la conception, qui est généralement de l’ordre de
l’écrit, a pour vocation d’être dépassé, car un acteur est sollicité et
le film va être tourné. Le choix de l’acteur, sa direction et son
interprétation lors du tournage, déterminent la prise en charge des
attributs du personnage par certains attributs de la personne.
L’acteur, c’est la peau que l’on a filmée au tournage, et cette peau
est supposée contenir à l’écran une autre totalité organique qui est
censée à son tour vivre et parler. C’est la personnification du
personnage, ou plus exactement, c’est avec le corps d’une personne
que l’on construit cinématographiquement un mobile audiovisuel
qui se transforme en personnage lors de la réception des
spectateurs. Il se peut que ce choix intervienne en retour sur la
conception des dialogues.
Une faiblesse très répandue est celle qui consiste à en faire dire
trop aux personnages. Si l’on confie la caractérisation des
personnages aux seuls mots écrits, ils vont souvent aller trop loin,
car dans le film l’image et la voix de l’acteur vont aussi peser de
tout leur poids. De même, les accessoires et les costumes vont
prendre en charge une partie du personnage. Jean Carmet disait
justement que l’on n'interprète pas un rôle de curé de la même
façon selon qu’on a ou non une soutane sur le dos. Si on la porte,
« c’est toujours ça de moins à jouer ». Par contre, une
caractérisation très forte peut être sauvée de la caricature par
l’acteur lui-même, sa singularité. Francis Vanoye fait remarquer
que les acteurs de La règle du jeu ont « des voix très personnelles
qui sauvegardent leur individualité ». 204 Le matériau sonore et
visuel des dialogues ne se met en œuvre que dans le film, d’autant
que la caméra et le magnétophone sont des appareils à « filmer la
pensée » car il y a effet loupe. Ils ont enregistré, mécaniquement, et
le phénomène s’est produit : « Ta caméra non seulement attrape
des mouvements physiques inattrapables par le crayon, le pinceau
ou la plume, mais aussi certains états d’âme reconnaissables à des
204
Francis Vanoye. La règle du jeu. Jean Renoir. Page 50. Éditions Nathan.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 118
205
Robert Bresson. Notes sur le cinématographe. Page 106. Folio.
206
Cité par Raymond Castans. Marcel Pagnol, biographie. Page 267. Editions
Jean-Claude Lattès.
119 DES DIALOGUES DE CINEMA
207
Audiard par Audiard. Page 174. Éditions René Chateau.
208
Jean Gruault interviewé par Christian Salé. Les scénaristes au travail. Page
100. Éditions Hatier.
209
Michel Audiard. Cité par Alain Layrac. Les scénaristes français. Page 106.
Cinémaction.
LES ATTRIBUTS DES PERSONNAGES 120
210
Mimologie : Imitation de la voix, de la prononciation et du geste d'un autre.
(Encyclopédie); art de l'imitation par le comportement corporel : geste, et, plus
spécialement, voix. Il m’arrive de soupçonner certains acteurs d’en imiter d’autres,
vivants ou morts.
211
Daniel Beshenard.. Inspiratrices… « Acteurs, des héros fragiles ». Page 209.
Autrement. N°70. Mai 1985.
212
Michel Bouquet. Acteurs, des héros fragiles. Propos recueillis par Samra
Bonvoisin. Page 120. Éditions Autrement.
213
Audiard par Audiard. Page 174. Editions René Chateau.
121 DES DIALOGUES DE CINEMA
215
Entretien téléphonique avec Bruno Dumont, le 8 mars 1999.
123 DES DIALOGUES DE CINEMA
216
Idem.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 124
Chapitre 4
Naturel, vraisemblance, style
217
Gérard Betton . Esthétique du cinéma. Page 46. « Que sais-je ? » PUF.
218
M. Martin. Le langage cinématographique. Page 207. Éditions Cerf. 7ème Art.
125 DES DIALOGUES DE CINEMA
219
Dictionnaire Robert.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 126
224
Le diable au corps. Marco Bellochio. France Italie 1986
225
Passe ton bac d’abord. Maurice Pialat. France 1978.
226
Francis Vanoye. Idem. page 64
227
Y. Lavandier. La dramaturgie. Editions Le clown et l’enfant.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 130
230
Haut, bas, fragile. Jacques Rivette. France 1994.
231
Il convient à ce sujet de rappeler l’étymologie du mot « émotion » . Lat.
emotionem, de emotum, supin de emovere, émouvoir. Du latin emovere, de e,
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 132
234
Un héros très discret. Jacques Audiard. France 1996.
235
Préparez vos mouchoirs. Bertrand Blier. France 1977.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 134
237
Dominique Château. Diégèse et énonciation. Page 127. Communications.
Enonciation et cinéma. Seuil.
238
Philippe Blanchet. La pragmatique. Page 49. Editions Bertrand-Lacoste.
« Référence ».
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 136
239
Un,deux, trois soleil. Bertrand Blier. France 1993.
240
Buffet froid. Bertrand Blier. France 1980.
137 DES DIALOGUES DE CINEMA
241
Searle. Cité par P. Blanchet. Idem. Page 121.
242
Quand passent les cigognes. M. Kalatozov. URSS 1957.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 138
244
Vertigo/Sueurs froides. Alfred Hitchcock . USA 1958.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 140
245
Conférence filmée à la FEMIS.
246
E.T. Steven Spilberg. USA 1983.
141 DES DIALOGUES DE CINEMA
247
Ordet/La parole. Karl Dreyer. Danemark 1955.
248
Quand un « témoin » vient raconter à l’ONU et à la télévision que des soldats
irakiens ont évacué des prématurés de leurs couveuses, l’émotion, qui est une
disposition corporelle qui perdure, a toutes les chances de l’emporter sur
l’interrogation de l’information elle-même. Emotion et désinformation font bon
ménage.
249
A mon humble avis, Dieu n’a jamais été autre chose qu’un personnage de récit,
et c’est un personnage exceptionnel. Père terrible, il a du pouvoir, de la
compassion et un caractère difficile. Il est à la fois destinateur, destinataire,
adjuvant et opposant. De plus, il est récurrent et c’est pour cela qu’il a autant de
succès, malgré son absolu manque d’humour. Il n’est pas fortuit que la
propagande religieuse s’opère par la diffusion de récits que sont l’Ancien et le
Nouveau Testament. A une certaine époque, dans les lycées, le curé était le seul à
passer des diapositives aux élèves en racontant des histoires bibliques alors que
les professeurs de français laïques faisaient « réciter » les œuvres classiques,
parfois même en guise de punition. Les élèves disaient des textes magnifiques sans
émotion, raides comme des piquets, figés et les mains dans le dos.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 142
250
Don Camillo, Monseigneur. Carmine Gallone. France/Italie 1961.
251
Dogma. Kevin Smith. USA 1998.
252
Une chambre en ville. Jaques Demy. France 1982.
253
Themroc. Claude Faraldo. France 1973.
254
La vieille qui marchait dans la mer. Laurent Heynemann. France 1990.
143 DES DIALOGUES DE CINEMA
dans les trois cas, c’est l’œuvre. Le cinéma détient cette capacité
d’éblouissement et d’illusion qui fait que c’est le sujet représenté
qui prend généralement le pas sur la perception de l’œuvre en tant
qu’œuvre. Le spectateur de cinéma est un être cavernicole, au sens
de Platon, qui confond les ombres et la réalité au point de ne plus
saisir qu’il ne s’agit pas seulement d’une histoire mais d’un film.
Lié à des enjeux économiques colossaux, le cinéma répond à la
demande (ou la crée) de l’identification la plus prégnante, au
besoin de diégèse sans distance. Seuls quelques films entretiennent
avec les spectateurs non plus un rapport d’assujettissement mais
une relation de proposition artistique et critique. Le film de
Cavalier, Libera me 256, pour ne citer que lui, parvient à
m’émouvoir par ce qu’il raconte et par l’épuration de son style
affirmé qui amplifie le propos.
256
Libera me. Alain Cavalier. France 1993.
257
Par « phonographie », nous entendons l’action de graver par un procédé
quelconque des événements sonores. Curieusement, le mot phonographe existe
mais désigne l’objet, l’appareil, alors que photographe désigne celui qui fait la
photographie. Pagnol utilise le mot « phonogénie » comme équivalent sonore de
« photogénie » .
258
Dominique Chateau. Diégèse et énonciation . Communications. Seuil.
145 DES DIALOGUES DE CINEMA
259
Mais cette opération, comme le fait remarquer Mitry, implique la mise en place
d’une mini-ellipse, car la coupe absorbe un peu de temps. Pour donner
l’impression d’une continuité, on doit pratiquer la discontinuité. Pour que les faits
semblent se raconter eux-mêmes, cela nécessite une intervention technique, ce qui
oblige parfois à des manipulations sur le son qui assure la continuité temporelle.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 146
260
Jean Cocteau. Notes sur le cinématographe. Page 122. Editions Belmont.
261
Michel Marie A bout de souffle. Jean-Luc Godard. Par. Page 66. Nathan.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 148
265
Il en est de même pour le silence. Construire le silence, c’est paradoxalement
déposer de légers bruits sur une moindre épaisseur sonore. « (…) le silence
répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui
rend les perceptions plus claires, nous ouvre le monde ignoré des infiniment petits
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 152
Dialogues et style
Les dialogues d’un film sont un point stylistique sensible, car
ils sont le fait des personnages et de la façon dont l’auteur traite
cette singularité humaine qu’est le langage. Le traitement des
dialogues est donc un paramètre très orientant de l’esthétique et de
la vision du monde proposée par le film.
268
Interviewé par Christian Salé. Les scénaristes au travail, de Christian Salé.
Page 28. Éditions Hatier.
269
Anne Roche et Marie-Claude Taranger. L’atelier de scénario. Page 12.
DUNOD.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 154
270
Merleau-Ponty. Phénoménologie de la perception. Page 378. Tel. Gallimard.
271
Voltaire. Dict. philosophique, Genre de style.
272
Denise au téléphone. Hal Salwen. USA 1994. La légende prétend que les
acteurs ne se connaissaient pas, comme les personnages dans le film.
273
« L'amplification consiste à développer les idées par le style, de manière à leur
donner plus d'ornement, plus d'étendue ou de force. » (Albalat, L’art d’écrire)
155 DES DIALOGUES DE CINEMA
274
Ou presque, mais il faut vraiment le guetter et la voix est inaudible.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 156
Dialogue et narration
Michel Marie et Francis Vanoye lient la tenue littéraire des
dialogues à la prise en charge du récit par un narrateur 276. Cela
pourrait s’expliquer de la façon suivante : plus le récit se pose
comme récit, moins les personnages apparaissent comme
participant d’une réalité immédiate, d’un fait brut et non d’un fait
rapporté. Qu’ils soient ostensiblement des personnages construits
permet de les concevoir épurés, plus proches de leur quintessence
que chaotiques. Lorsque le récit est globalement pris en charge par
un narrateur, on ne peut imaginer que ce dernier entre dans les
détails « inutiles », les scories. On peut trouver des contre-
exemples à cette remarque (tout à fait pertinente) de Vanoye et
Marie car il s’agit là de nouveau d’une affaire de style et de genre.
Dans Usual Suspects 277, une grande partie du film est un récit
(flash-back) du témoin interrogé par la police et pourtant les
dialogues sont argotiques et peu châtiés.
C’est quand il s’agit de narrateurs lettré- ils le sont souvent-
que les dialogues d’un flash-back paraissent écrits. Au contraire, si
un témoin est interrogé par la police et fait partie « du peuple », le
récit en flash-back adopte le même ton que le « présent » du film.
Le récit d’un témoin est en général du même métal que son
275
Mikel Dufrenne. Encyclopaedia Universalis. Article « Style » .
276
M. Marie et F. Vanoye. Comment parler la bouche pleine. Page 53.
Communications. Enonciation et cinéma. Seuil.
277
Usual suspects. Bryan Singer. USA 1995.
157 DES DIALOGUES DE CINEMA
278
Les visiteurs. Jean-Marie Poiré. France 1992.
279
L’allée du roi. Nina Companez. France 1995.
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 158
280
Audiard par Audiard. Page 171. Editions René Chateau.
281
Le capitaine Conan. Bertrand Tavernier. France 1996.
282
Le nom de la rose. Jean-Jacques Annaud. France 1986.
159 DES DIALOGUES DE CINEMA
283
Claire Blanche-Benveniste remarque que le futur (« il descendra ») a tendance
à s’effacer au profit du futur périphrastique : « il va descendre » . Approches de la
langue parlée en français. Page 56. Editions OPHRYS.
284
Aoriste : temps verbal du grec ancien (de aoristos, « non délimité ») qui
caractérise un procès passé indépendant de la durée et de l’énonciation. L’aoriste
s’oppose au parfait (accompli) et au présent (non accompli). Le passé simple
français peut être considéré comme un aoriste car il ne tient pas compte de la
durée du procès et il est également indépendant de l’énonciation. (Extrait du
Dictionnaire didactique de la langue française. Armand Colin)
NATUREL, VRAISEMBLANCE, STYLE. 160
285
E. Benveniste. Problèmes de linguistique générale. Page 244. Tel. Gallimard
286
Idem.
287
Idem.
161 DES DIALOGUES DE CINEMA
Chapitre 5
L'action de parole
Paroles et actions
Le dialogue (dia : entre) est ce qui se passe entre les
personnages par la parole. C’est une inter-action verbale, la façon
dont les hommes agissent les uns sur les autres et également sur
eux-mêmes en parlant. La parole est une action comme les autres
actions et doit être traitée comme telle. Elle a ceci de particulier
qu’elle est un des centres de gravité du comportement humain et
celui qui lui est le plus singulier. L’homme, c’est celui qui parle.
La parole peut constituer une arène d’actions quasiment autonome
même si elle débouche souvent sur d’autres actions. Deux hommes
peuvent se parler à distance, sans jamais s’être rencontrés, s’aimer
ou se détester pour cela, et même en venir aux mains suite aux
seules paroles qu’ils ont échangées.
La parole comme action physique, comme exercice de la
bouche, des mimiques, de la respiration et des gestes, est visuelle.
Elle est également sonore, donc captable par un microphone. En
tant que phénomène sonore, elle provoque un déplacement
d’énergie dans l’air : elle peut donc passer d’un personnage à
l’autre, les relier, entrer dans l’espace de l’image et en sortir,
L’ACTION DE PAROLE 164
comme un regard. Elle est donc une action à distance reliant les
espaces fragmentés par le cadre de l’image. Enfin, elle est
mentale, constitue pour le personnage locuteur un déploiement
émotif, un vecteur d’intention, et pour le personnage récepteur, une
atteinte. Elle est donc un vecteur des actions et réactions des
personnages.
L’expression « film d’action » a vite pris une certaine
connotation péjorative. S’il faut simplement que « ça remue », cela
peut demeurer creux. Certains films pourraient être
économiquement remplacés par le hublot d’une machine à laver,
d’où l’établissement très fréquent d’une « sous-intrigue »
psychologique, alimentée généralement de paroles et fournissant
elle-même l’intrigue dite principale de motivations. Cette sous-
intrigue ajoute un supplément d’âme (dont le caractère ajouté
abuse parfois difficilement) et permet surtout de créer un
mouvement interne des personnages quand elle est bien menée. Ils
se meuvent, mais pour des raisons autres que le résultat physique et
visuel des actions elles-mêmes. Robert Bresson définit le
mouvement du film comme étant celui de l’intérieur des
personnages : « Seuls les mondes qui se nouent et se dénouent à
l’intérieur des personnages donnent au film son mouvement, son
vrai mouvement ; c’est ce mouvement que je m’efforce de rendre
apparent. » 288 Cela explique que l’action physique et le
mouvement pour le mouvement, comme ils sont montrés dans les
films dits « d’action », laissent souvent sur une impression de
« sur-place ». L’action pour l’action sert illusoirement de garde-
fou : on imagine à tort que, s’il y a suffisamment d’images très
mouvementées, les spectateurs seront satisfaits, ce qui, même pour
le public américain, est certainement faux. La fin du film
Diabolique 289, pâle reprise américaine du film de Clouzot, où les
personnages se plantent des râteaux dans la tête, m’a
personnellement laissé indifférent.
Bresson a exprimé ce mouvement intérieur des personnages
avec des images qui sont étonnamment statiques, où l’immobilité
288
Cité par Henri Hagel. Esthétique du cinéma. « Que sais-je ? » 1957. Page 109.
289
Diabolique. Jeremiah Chechick. USA 1996.
165 DES DIALOGUES DE CINEMA
290
René Clair. Réflexion faite (1924), G. PICON, Panorama des idées
contemporaines. p. 437. Dic. Robert.
291
Etienne Souriau. Les deux cent mille situations dramatiques. Page 258.
Flammarion.
292
Le trésor de la Sierra Madre. John Huston. USA 1948.
L’ACTION DE PAROLE 166
293
Antoine Cucca. L’écriture du scénario . Page 175. Éditions Dujarric.
294
Rosetta. Luc et Jean-Pierre Dardenne . Belgique 1999.
295
Il était une fois en Amérique. Sergio Leone. USA 1983.
167 DES DIALOGUES DE CINEMA
La promesse
Lors du conflit, parler avec son père est un acte qu’Igor redoute
puisque l’harmonie est cassée. Le père exerce sur son fils une
grande autorité (en paroles et en actes) et le jeune homme préfère
ne pas se confronter à lui. Quand Igor, en fuite, passe un coup de
téléphone à son père, il reste d’abord silencieux, alors que son père
lui demande de revenir et lui pose des questions. Igor lui signale
tout juste et très rapidement que la camionnette est à tel endroit et
que les clés sont dans le pare-choc. Et il raccroche instantanément,
pour fuir tout autre échange verbal.
Lors de la confrontation finale avec le père, ce dernier tente de
le raisonner (par la parole puisqu’il est attaché à une chaîne). Il
tente d’exercer une pression afin de modifier son comportement :
« Tout ce que j’ai fait, c’est pour toi que je l’ai fait. J’aurai jamais
pensé qu’à toi. Tu es mon fils… » La réponse d’Igor est tout à fait
intéressante : « Ta gueule !… Ta gueule !… Ta gueule ! » C’est à la
L’ACTION DE PAROLE 168
fois une façon d’agir sur son père (pour qu’il se taise) mais aussi
une façon d’agir sur lui-même, pour tenter d’éloigner la culpabilité
vis-à-vis de son père, qui cohabite mal avec celle de porter une part
de responsabilité dans la mort d’Amidou. Cette réplique tient du cri
qui souligne et accompagne l’effort de ne plus écouter son père :
Igor s’extrait de sa sphère d’autorité, détache ses liens alors que
son père reste enchaîné. C’est un cri de révolte. L’émotion ici est
un déplacement de l’être « hors de lui » . Igor se trouve dans le
cas d’espèce où la réaction qu’il doit avoir est trop difficile pour
qu’il la maîtrise totalement et cela engendre un désordre organique
qui se manifeste par une perte de contrôle, la répétition de la même
phrase et l’élévation du niveau de la voix. Cette libération de
l’énergie a pour but de recouvrer un semblant d’équilibre. L’action
de parole vers l’autre se réalise par un geste de parole qui est aussi
une action sur soi, autant par les significations émises que par la
libération corporelle qu’elle implique et nécessite. Le ton dépend
de la direction de cette action et de son intensité.
Menaces, chantages, mensonges, déclarations de tous ordres,
intimidations, participent également des actions, ainsi que toute
parole de séduction, l’émission orale d’un interdit, d’un ordre ou
d’une permission, dans la mesure où ils vont contraindre à un
certain choix devant une éventualité ou permettre un déblocage de
l’action. Il s’agit là d’actions conscientes, visant à agir par le verbe
en vue d'une certaine finalité.
Austin montre que certaines paroles sont « performatives » 296
dans la mesure où leur énoncé constitue une action. Quand, dans
La promesse, le jeune Igor promet à Amidou de s’occuper de sa
femme et de son enfant, cet acte de parole l’engage. Quand je dis
« Je promets », par exemple, ou « Je lègue », « Je jure », je
commets les actes de promettre, de léguer ou de jurer. Suivant
Roland Barthes, « Je t’aime » est un performatif.
Benveniste remarque justement qu’il y a une différence entre
« je jure », qui m’engage, et « il jure » qui est de l’ordre de la
description. « L’énonciation s’identifie avec l’acte même. Mais
cette condition n’est pas donnée par le sens du verbe ; c’est la
296
To perform, en anglais, signifie agir.
169 DES DIALOGUES DE CINEMA
297
E. Benveniste. Problèmes de linguistique générale. Page 264. Tel. Gallimard.
298
J.L. Austin. Quand dire, c’est faire . Page 58. Points.
L’ACTION DE PAROLE 170
299
Denis Vernant. Du discours à l’action. Page 45. PUF.
300
Idem. Page 150.
301
Idem. Page 110.
302
Idem. Page 45.
171 DES DIALOGUES DE CINEMA
Il faut noter aussi que le gamin alterne les moyens. Après avoir
attendri Solange par des paroles, il l’excite physiquement. Quant
au discours de la jeune femme, il relève plus de réactions que
d’actions, puisqu’elle est manipulée par le gamin. Quand elle le
prend dans ses bras, elle murmure : « Mon petit garçon... » Elle ne
dit pas cela au gamin, mais à elle-même, sous le coup de l’émotion.
En fait, nous manipulons des mots, nous les envoyons, mais ce
faisant, nous les recevons aussi, et ils relèvent de l’idéologie, de la
représentation, de l’imaginaire, et dans ce cas, du fantasme. Dire
des mots, c’est être mus par eux. Nous exprimons moins notre
pensée par des mots que ces mots font notre pensée. Nous en
sommes donc dépendants ; ils sont notre pensée plus qu’ils ne la
« traduisent », et parfois, ils pensent pour nous, comme des corps
constitués de la représentation, des monuments difficilement
contournables.
Ainsi, l’expression « sortir ensemble », prise au sens strict, ne
veut rien dire, si ce n’est éventuellement aller au cinéma et au
restaurant ensemble. S’il s’agit de sortir de chez soi avec
quelqu’un, c’est très peu impliquant, mais l’expression elle-même
structure les rapports. Dans La vie de Jésus, Marie dit bien :
« Moi je veux pas être avec un mec dont on dit que c’est un
salaud. » Que signifie « être avec un mec » ? Cette formule
constitue les rapports davantage qu’elle ne les décrit. A partir du
moment où l’on dit « on est avec », cela implique d’autres actes,
une nouvelle façon de se représenter à soi et aux autres, et c’est
souvent à partir de cet instant que les ennuis commencent... « Les
sentiments et les conduites passionnelles sont inventés, comme les
mots. » (Merleau-Ponty) La formule délimite, borne, établit, fonde
les rapports de deux personnes. La deuxième partie de la réplique
montre également le poids des mots dans l’idée que l’on se fait de
sa vie. C’est le « dire » supposé des « on » qui fait que Marie
rompt le rapport qu’elle entretient avec Freddy. Tout repose sur le
mot de la fin, « salaud », avec un arrière-plan de jalousie. Il y a
donc des mots qui font mouche, et le sens dont ils sont investis à
l’intérieur d’un système de valeur repose également sur des mots.
Ainsi, le mot « cocu » trimbale avec lui toute une culture relative
175 DES DIALOGUES DE CINEMA
305
Le facteur. Michael Radford. USA 1995.
L’ACTION DE PAROLE 176
306
Vladimir Propp. Morphologie du conte. Page 31. Éditions du Seuil.
307
Roland Barthes. Poétique du récit. Éditions du Seuil.
308
C. Brémont. La logique des possibles narratifs. Page 66.Communications 8.
309
Idem.
L’ACTION DE PAROLE 178
310
Claude Brémont. La logique du récit. Page 131. Seuil.
179 DES DIALOGUES DE CINEMA
Pour agir, il lui faut acquérir des informations. Elle trouve alors
en la personne de Finette un agent prestateur. Finette dit à Manon :
« Écoute, si tu veux ta vengeance, je te la donne. » Manon ne
refuse pas la donation mais demande à en vérifier la valeur, la
validité. Elle le dit à Finette d’une façon détournée car elle
s’étonne de ce qui lui apparaît comme une invraisemblance : « Si
tu pouvais faire crever ce village, pourquoi tu l’as pas fait plus
tôt ? » Cela prend la forme d’une question qui pourrait presque être
un reproche, donc d’une intervention verbale affective. En fait,
l’auteur se doit également de répondre à cette question. En effet,
pourquoi Finette n’a-t-elle pas agi plus tôt, elle qui prétend en
avoir le moyen ?
Quel est donc l’élément déclencheur du passage à l’acte de
Finette ? Pour cela, l’auteur avait préparé antérieurement un
élément clé et le moment est venu d’en recueillir le fruit, le
paiement : le maire du village a fait « jeter » la tombe du mari de
Finette. Ce rejet de la terre est cruellement ressenti par Finette car
il s’agit d’un effacement de la dernière trace. Le mari n’est même
plus enterré quelque part, ce qui équivaut à une deuxième
disparition.
Finette a la motivation pour se venger ; elle a les moyens par le
secret qu’elle détient, mais jusqu’à présent elle n’a pas pu passer à
l’acte car son mari a dressé un interdit, un obstacle intérieur
(obstruction) : il a fait jurer Finette (action de parole) de ne pas se
servir du secret de la source. C’est l’intervention du maire (agent
involontaire de neutralisation d’obstruction) qui lève l’interdit,
l’obstacle intérieur de Finette. Il n’y a plus de mari, même mort :
« Puisqu’ils ont jeté Giuseppe, ils ont jeté le serment . » Finette se
déclare donc prête à passer à l’acte en proposant le secret à Manon.
Nous n’avons vu ni le serment, ni les travaux au cimetière. C’est
Finette qui les a rapportés à Manon par la parole. Ce sont des
éléments du passé, que Pagnol a jugé bon, pour des raisons de
priorité, d’économie, de concentration dramatique, de ne pas
montrer. Mais ces éléments, rapportés par le dialogue, servent à la
levée d’un verrou de l’intrigue principale.
Manon accepte, et nous la voyons suivre Finette dans la
montagne (visuel). Elle lui délivre le secret, lors d’une ellipse. La
L’ACTION DE PAROLE 180
Inform ation:
Virtualité
Virtualité de Finette: Virtualité de
du m aire:
révélation du s ecret Manon:
jeter la
de la s ource Boucher le
tom be
s ource
Elém ent
déclencheur
+
Levée de
l'obs truction
Les placèmes
Quand parler signifie se battre ou se défendre, les mots
deviennent des projectiles ou des coups de poings. On assène à
l’autre des arguments imparables ou des menaces, des
intimidations. Les séquences relatives à l’interrogatoire de
Martineau dans Quai des Orfèvres nous offrent un exemple du
concept de « place » au sein de la conversation.
Martineau (Blier), accusé de meurtre, est sur la « sellette » . Au
sens propre, la sellette est un « petit siège bas sur lequel on faisait
asseoir les accusés pour les interroger » 311. Au figuré,
l’expression « être sur la sellette » signifie « être accusé ; par
311
Dic Robert.
L’ACTION DE PAROLE 184
312
Dic. Robert.
185 DES DIALOGUES DE CINEMA
313
La mise en places dans Décrire la conversation. C.Kerbrat-Orecchioni. Sous
la direction de J.Cosnier et C.Kerbrat-Orecchioni. PUL.
On pourra très avantageusement se reporter à cet ouvrage.
314
Idée développée entre autres par François Flahault, 1978, précise C.Kerbrat-
Orecchioni.
L’ACTION DE PAROLE 186
position de donner des ordres. Dans le film The servant 315, les
places sociales sont très marquées, mais quand le valet dit à son
maître : « Va me chercher un cognac ! », il est évident qu’un
renversement s’est opéré.
Les placèmes
suivant le tableau de C. Kerbrat-Orrechionni.
Placèmes
(ou taxèmes)
Indicateurs
ou donneurs
de places
Signes
Signes cinétiques Prosodique
statiques:
lents ou rapides: (ou vocal)
stature, vêture, Verbal
proxémiques, Intonations,
parure etc. (syntaxe et lexique)
postureaux, mimo- pause, débit,
Le look dans
gestuels. accents d'intensité
son ensemble.
Choix de
Choix de l'acteur, jeu,
l'acteur, interprétation,
maquillage, direction Les mots des
costumes et d'acteurs, personnages
accessoires actions
315
The servant J.Lausey. Grande-Bretagne. 1963.
187 DES DIALOGUES DE CINEMA
316
Idem. Page 339.
L’ACTION DE PAROLE 188
319
Scène non conservée d’un scénario non abouti de X.
L’ACTION DE PAROLE 190
Fred : Attends...
Marie : Mais non... Arrête...
Fred : Mais qu’est ce qu’y a ?
Marie : Rien...
Fred : Eh ben alors, qu’est-ce qu’y a ?
Marie : Rien...
Fred : Ça va pas ?
Marie : Ben je suis crevée, c’est tout...
Il faut que je me repose...
Fred : Mais non mais non... Qu’est-ce qu’y a ?
Marie : C’est quoi que cette histoire avec ces majorettes ?
Fred : Comment tu sais ça toi ?
Marie : On habite dans la même rue, Fred...
Fred ne trouve rien à dire.
Marie : Vous êtes vraiment cons... vraiment une bande de cons
tous ensemble...
Fred : Si on peut plus s’amuser quand on est jeune...
Marie : T’appelles ça s’amuser ?... Tripoter une fille ; t’en as
plus assez avec moi ?...
Fred : Ça a rien à voir...
Marie : Rien à voir ? Ben moi j’ai plus envie d’être avec un mec
dont on dit que c’est un salaud...
Fred : Mais arrête, merde...
Marie : T’en as pas assez de faire l’amour avec moi ? Mon
corps il te suffit plus ?
Fred : Mais putain, arrête !...
Marie : T’es malade ? !...
Les deux dernières répliques sont quasiment superposées.
Mais Marie enchaîne les questions, qui sont aussi des menaces
sur la pérennité de leurs rapports (double position haute).
Marie : T’en as pas assez de faire l’amour avec moi ? Mon
corps il te suffit plus ?
À la fin, le conflit porte sur les tours de paroles, d’où la légère
superposition.
Fred : Mais putain arrête !...
Marie : T’es malade ? !...
La conversation se termine sur un désaccord total, juron contre
injure.
Au cours de l’échange, Marie a émis des jugements
métalangagiers. Elle reprend les termes de Fred et les critique :
« T’appelle ça t’amuser ? », « Rien à voir ». Les insultes sont
nombreuses : « Cons », « salaud », « malade ». Elle fait plus que
menacer Fred d’une rupture, elle annonce la rupture, l’énonce. La
conversation se termine donc sur un échange d’invectives, au cours
duquel Marie occupe le terrain quantitativement et qualitativement,
même si Fred ponctue ses interventions par des jurons : « Merde »,
« Putain ».
Cette séquence est un conflit durant lequel chacun tente de
prendre le pas sur l’autre. Ceci est très proche de la conversation
ordinaire, notamment par la période du début, l’hésitation de Marie
à engager le combat. Nous n’avons pas l’alternance respectée des
tours de paroles, mais parfois, notamment pour Marie, une
consécution de plusieurs répliques, séparées par des silences ou
s’enchaînant logiquement. Elle peut faire sauter le tour de parole
de Fred. Elle use même d’une formule relativement savante et
correcte : « Ben moi j’ai plus envie d’être avec un mec dont on dit
que c’est un salaud... » Ils sont donc différenciés.
Sur le plan lexical, il n’y a aucune rareté. Certains mots
familiers ou argotiques sont employés. Beaucoup de répétitions, y
compris des répétitions expressives comme : « Mais non, mais
non ... »
Sur le plan syntaxique, certaines tournures du cru sont à noter,
comme « C’est quoi que cette histoire avec ces majorettes ? » ou
encore des formes syntaxiques expressives : « vraiment une bande
de cons tous ensemble... » ou « Comment tu sais ça toi ? »
L’ACTION DE PAROLE 196
325
Jean Cocteau. Entretiens sur le cinématographe. Page 87. Editions Belmont.
LA SITUATION 200
Chapitre 6
La situation
326
Marcel Martin. Le langage cinématographique. Page 208. Cerf.
201 DES DIALOGUES DE CINEMA
Complexité de la situation
La situation est un faisceau très fourni de déterminations.
« N’importe qui ne fait, ne pense et ne dit n’importe quoi,
n’importe comment, à n’importe qui (c’est l’interaction : ce qui est
dit dépend de l’interlocuteur, du récepteur auquel on parle),
n’importe quand, n’importe où (contexte et situation) à n’importe
quelle fin (ce qu’on dit dépend des objectifs que l’on souhaite
atteindre) avec n’importe quel effet (tous les discours n’ont pas la
même efficacité…). » 328 Cette complexité est bien sûr à prendre en
compte ; c’est le lot quotidien du scénariste.
Dans La règle du jeu, le garde-chasse manque de peu de
surprendre la soubrette dans les bras du braconnier. Ce dernier a
juste le temps de se dissimuler. En premier plan, le garde-chasse
est assis et boit un verre que lui a donné sa femme. Il lui annonce
qu’il a pris la décision de l’emmener en Alsace avec lui. La
soubrette, debout, légèrement en retrait, ne le contredit pas et vante
au contraire les qualités de cette région, de la neige et des
cigognes. Pendant ce temps, dans la profondeur du champ, nous
voyons le braconnier tenter de s’éclipser, encouragé en cela par les
327
Le scénario au pluriel. Page 54. L’enjeu scénario. Cahier du cinéma.
328
Uli Windisch. Le K-O verbal. La communication conflictuelle. Editions L’Age
d’Homme. Page 65.
LA SITUATION 202
La règle du jeu
329
Pierre Jenn. Techniques de scénario. Éditions La FEMIS. Page 145. Pierre
Jenn cite Paul Schrader, qui insiste sur la nécessité de mettre les personnages en
situation.
LA SITUATION 204
Le sous-texte
La connaissance par le spectateur et par les personnages des
tenants de la conversation peut conférer aux répliques un éclairage
particulier. Les répliques se chargent de sens, et même les silences,
en fonction de la situation. C’est l’effet « sous-texte ».
Pierre Jenn cite le très bref échange entre E.T. et Helliot lors du
départ de l’extra-terrestre. L’un dit « Reste », l’autre répond
« Viens » . Dans ces deux simples répliques, c’est l’amour
impossible qui est posé. Le sous-texte permet donc des répliques
ou des échanges d’une grande économie puisque c’est la situation
dramatique qui charge les paroles. Point n’est besoin de longs
discours pour que les personnages expriment ce qu’ils ont à dire.
L’expression du personnage qui se contente d’écouter, c’est-à-
dire ce que l’on lit ou ce qu’on croit lire sur son visage, est donc
largement déterminée par le « sous-texte » . Cette notion de sous-
texte relève du montage, puisque le jaillissement du sens vient du
choc entre ce qui se dit et ce que l’on a vu ou compris
205 DES DIALOGUES DE CINEMA
330
Pierre Jenn. Techniques de scénario. Page 147. Éditions La FEMIS.
LA SITUATION 206
331
Stanislavski. La construction du personnage. Page 137. Editions Pygmalion.
LA SITUATION 208
Runner est à cet égard très éloquente : la voix off constitue une
clôture à mon trouble et à mes supputations. Je ne vais plus vers le
film ; c’est le texte qui explicite, qui m’empêche d’investir moi-
même les pensées et sentiments des personnages. Le film est livré
avec son mode d’emploi et sa posologie.
Le lieu
Quentin Tarantino, dans Reservoir’s dog met dans la bouche
d’un de ses personnages la corrélation étroite entre le jeu, le
dialogue et la situation dans un lieu. Un policier apprend à un autre
policier comment « infiltrer » un gang. Il lui explique que c’est
comme tenir un rôle :
« - C’est une scène, apprends-la. Pour infiltrer, faut être
Marlon Brando, faut être un grand acteur, faut être naturel, super
naturel. Si on n’est pas un grand acteur, on est mauvais et c’est
foutu.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une anecdote pour un deal de drogue, un truc drôle qui t’est
arrivé sur un coup.
- Apprendre tout ça ? Plus de 4 pages ?
- Dis-toi que c’est une blague ; apprends ce qui compte
improvise le reste. Tu sais dire une blague ?
- Non …
- Pense que t’es un comique et dis la blague, rappelle-toi des
détails ; c’est les détails qui vendent ton histoire. L’histoire se
passe dans les toilettes pour hommes. Il faut connaître tous les
détails, s’il y a des serviettes en papier, ou une machine, si les
cabines ont des portes ou pas, si c’est du savon liquide ou de la
poudre comme à l’école, s’il y a de l’eau chaude, si ça pue, si une
ordure d’enculé a arrosé la cuvette de diarrhée, savoir tous les
détails sur ces chiottes. Donc tu dois t’approprier tous les détails
sur ces chiottes. Et rappelle-toi que tu es au centre de l’histoire et
comment tu as perçu les événements. Et la seule manière d’y
arriver c’est de répéter, de répéter, de répéter… »
Ainsi, suivant ce policier, ou suivant Tarantino, le lieu participe
également du jeu de l’acteur, qui doit savoir où il est, de façon
LA SITUATION 210
336
Les années de plomb. Margarethe Von Trotta. Allemagne 1981.
211 DES DIALOGUES DE CINEMA
(…)
337
Le langage dramatique. Page 108. Pierre Lathormas. PUF.
213 DES DIALOGUES DE CINEMA
340
Le troisième homme. Carol Reed. Grande-Bretagne. 1949.
215 DES DIALOGUES DE CINEMA
341
Jean Renoir. Ma vie et mes films. Page 116. Champs contre-champs.
Flammarion.
342
Paris-Texas. W.Venders. RFA/France 1984.
LA SITUATION 216
343
Litré, Dict., art. Approcher
344
En 1534, esmotion; de émouvoir, d'après motion «mouvement», XIIIe. -
Motion, émouvoir.
345
Marc-Alain Descamps. Le langage du corps et de la communication
corporelle. Page 126. PUF
217 DES DIALOGUES DE CINEMA
346
ITW téléphonique.
LA SITUATION 218
347
Chant guerrier maori, adopté par les « All Blacks » néo-zélandais.
219 DES DIALOGUES DE CINEMA
Chapitre 7
Emploi et suremploi des
dialogues
351
Michel Chion. Écrire un scénario. Cahiers du cinéma/INA.
352
La poison. Sacha Guitry. France 1951.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 222
353
Conférence à l’ESAV, mai 2000.
223 DES DIALOGUES DE CINEMA
354
Le vieil homme et l’enfant. Jules Berry. France 1966.
355
On peut en conclure, un peu trop rapidement peut-être, que les pétainistes
étaient finalement des braves gens dans l’erreur qui n’auraient jamais fait de mal à
un lapin… Il reste au cinéaste, et à chaque spectateur, la responsabilité de cette
extension emblématique.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 224
361
Jean-Claude Carrière. Le cercle des menteurs. Pocket.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 228
362
Gilles Deleuze. Conférence à la FEMIS. Deleuze prend l’exemple d’Antigone
de Straub et Huillier, où il est aussi question de cadavres sous la terre.
229 DES DIALOGUES DE CINEMA
363
Michel Ciment. Entretiens avec Jean Renoir. Positif N° 173. Cité par Célia
Bertin. Jean Renoir. Éditions Perrin. 1986.
364
Jean Renoir. Ma vie et mes films. Page 123. Champs contre-champs.
Flammarion.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 232
Dialogues et montage
Le cinéma ne fait parler personne. Un entrelacs de fragments
visuels et sonores est projeté sur un écran même si on a dû, pour
fabriquer ces fragments, faire parler du monde. L’important, ce
n’est pas seulement la façon dont on filme la personne qui parle, ni
ce qu’elle dit, c’est aussi ce que l’on fait des fragments ainsi
constitués, à leur ordonnancement. Nous sommes tout
naturellement renvoyés à la question du montage
cinématographique.
André Bazin dit de la comédie américaine qu’elle est souvent
« bâtie sur le comique de mots et de situation, elle n’a souvent
recours à aucun artifice proprement cinématographique ; la
majorité des scènes sont en intérieur et le découpage use presque
uniquement du champ et du contrechamp pour mettre en valeur le
dialogue » 365 . Ainsi l’expression cinématographique (ce que
Bazin nomme « les artifices ») peut-elle être réduite à son
minimum. L’introduction du parlant dans le cinéma a souvent
provoqué l’usage abusif du pouvoir narratif de la parole au
détriment de celui des images et des autres sons, ce qui a parfois
réduit le montage à sa plus simple expression. Le champ-
contrechamp participe du montage, et il peut être utile et expressif
lors d’une opposition systématique de deux personnages, par
exemple, mais s’il se généralise, le cadre et la durée des plans sont
365
André Bazin. Qu’est-ce que le cinéma ? Page 131. 7ème art. Éditions du Cerf.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 234
366
Jean Cocteau. Notes sur le cinématographe. Page 163. Editions Pierre
Belmont.
235 DES DIALOGUES DE CINEMA
refaites un autre film. » 367 Ecrire des dialogues suppose donc une
vue d’ensemble et détaillée du film, encore à l’état de projet.
L’auteur voit et entend mentalement le film comme totalité
articulée ; il pense cinéma, montage. Une des maladresses les plus
répandues, l’explicite des dialogues, montre qu’on leur en demande
souvent trop, qu’on néglige la part des autres fragments et surtout
des intervalles entre les fragments, là où le spectateur construit lui-
même son film.
Nous pouvons illustrer l’articulation images/sons avec un
exemple extrait à dessein d’un film très classique. Dans Le nom de
la rose, Frère Guillaume regarde par la fenêtre de sa cellule et voit
un corbeau gratter la terre d’une tombe encore fraîche, alors que
les autres sépultures sont couvertes de neige. Je peux en conclure
qu’il y a eu récemment un décès au couvent. Cette information
m’est donnée par deux indices visuels, la terre fraîche et la
présence du corbeau qui gratte la terre, stimulus vivant, mouvant
et signifiant, sans lequel je n’aurais peut-être pas distingué cette
tombe des autres. Ce n’est que par la suite, une fois que cette
information visuelle est donnée, que j’en aurai la confirmation, que
les dialogues entre les personnages aborderont ce sujet. Mais la
tombe m’a été montrée d’abord.
De la même façon, Guillaume cache des instruments
métalliques quand il entend frapper à sa porte (action visuelle) et
déclare par la suite éprouver de l’admiration pour le moine décédé,
qui faisait des enluminures proches de la mise à l’index (indice
verbal). Ces deux indices, de nature différente, s’accumulent pour
caractériser Guillaume, qui sera bientôt lui-même aux prises avec
la Sainte Inquisition.
Il y a donc dans ce début de film un entrelacs entre les
informations visuelles, sonores et les informations purement
verbales. Dans les répliques, il faut distinguer la fonction de
confirmation des informations visuelles, la fonction de
caractérisation du personnage de Guillaume et la fonction de
présentation de l’énigme, c’est dire l’apport de l’information.
Ainsi, la parole, l’image et les autres sons se conjuguent,
367
Daniel Boulanger, interviewé par Olivier Assayas et Vincent Ostria. Le bon
Dieu dans la bouche. L’enjeu scénario. Cahiers du cinéma. 4ème trimestre 1985.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 236
Montage verbal/audiovisuel
La parole peut également générer du comique ou plus
généralement de l’émotion, quand elle est en relation de montage
horizontal ou vertical avec l’image et les autres sons.
Le verbe peut aussi participer à une action visuelle, donc
audiovisuelle. Dans Les vacances de Monsieur Hulot, les haut-
parleurs de la gare émettent des messages parfaitement
incompréhensibles, promenant les voyageurs d’un quai à l’autre.
La locomotive arrive du côté opposé à ce qui a été compris par
tout le monde. C’est ici l’absence de sens clairement
compréhensible de l’annonce qui génère le comique proprement
audiovisuel. Cet exemple contredit les propos qui affirment que
les paroles des personnages doivent être dans tous les cas
compréhensibles.
Soit le sens du verbe se suffit à lui-même, et nous ne nous
éloignons pas du théâtre, soit il est mis en perspective par l’image
et les autres sons. Dans Quand passent les cigognes, Veronica
vient de sauver un enfant alors qu’elle était sur le point de se
suicider. Comme elle lui demande son nom, il répond « Boris »,
mais cette parole subit un effet de masque provoqué par le sifflet
d’une locomotive hors-champ, comme s’il s’agissait d’un cri
provoqué par une douleur vive.
Jean Mitry cite La cavalcade 368 de Franck Lloyd (1933), où
l’on voit deux amoureux sur le pont d’un navire. La jeune fille est
au comble du bonheur. « S’il m’arrivait de mourir demain, dit-elle,
il me semble que ma vie m’aurait donné le meilleur de ce que
j’attendais d’elle. » Ce n’est là, bien sûr qu’une idée gratuite ; or,
au cours de cette conversation, la caméra recule lentement et le
champ, s’élargissant au fur et à mesure, laisse voir, à l’instant
368
La cavalcade. Franck Lloyd. USA 1933.
237 DES DIALOGUES DE CINEMA
369
Jean Mitry. Esthétique et psychologique du cinéma. Tome II. Page 97. Editions
universitaires.
370
Idem
371
Mitry distingue le montage vertical du montage horizontal à l’inverse
d’Eisenstein, évoquant la conformation physique des tables de montage,
différentes en URSS et en Occident. C’est finalement la dénomination
d’Eisenstein qui a pris, car les images et les sons se superposent sur la table, alors
que les images se succèdent.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 238
372
Le festin de Babette. G.Axel. Danemark 1986.
239 DES DIALOGUES DE CINEMA
Le festin de Babette
Dialogue et contrepoint
Nous sommes en présence d’un contrepoint verbal/audiovisuel
quand des paroles de dialogues sont données à entendre alors que
sont donnés à voir et à entendre des images et des sons évoquant
un autre lieu, voire un autre temps 374.
D’une façon très classique, ce contrepoint verbal/audiovisuel
est utilisé pour les explications que donne un personnage sur la
façon dont se sont déroulés des événements, s’il s’agit d’un
détective ou autre. C’est l’heure de vérité. La réplique, qui est alors
un récit, accompagne un continuum visuel et musical (souvent
dénué de tout autre son) à la façon d’un commentaire. C’est le cas
dans Le nom de la rose, quand Guillaume de Baskerville démonte
le mécanisme d’un crime. Les fragments visuels déjà vus (ou
reprenant des actions sous un autre angle, un autre point de vue)
sont réagencés. L’évocation verbale (le récit) entretient une
relation très pléonastique avec le continuum visuel ; il l’épaule sur
le plan explicatif, le dramatise sur le plan sonore, à l’instar d’un
commentaire rugbystique. C’est le contrepoint verbal/audiovisuel
le plus classique mais parfois il ne manque pas de saveur, comme
373
Kandahar. Mohsen Makhmalbaf. Iran 2001.
374
Ce n’est pas la seule figure possible de contrepoint.
241 DES DIALOGUES DE CINEMA
375
Usual Suspects. Bryan Singer. USA 1995.
376
Cf. l’ouvrage de Michel Chion, La voix au cinéma. Cahiers du cinéma.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 242
Dialogue et contre-action
Raconter une histoire présuppose la mise en place d’éléments
informatifs préalables nécessaires. Sur ce point, Le manuel du
scénario américain 380 reprend les recommandations classiques
« qui ? », « quoi ? » « quand ? », « où ? » . Les auteurs
recommandent la plus grande prudence quant aux informations
apportées par le dialogue. Si la prudence doit être de mise, les
raisons qu'ils invoquent sont parfois douteuses. « Exposition veut
dire discours. N’importe quel discours, n’importe quelle
conversation dérangent dans un film. Ceux d’entre vous qui sont
amenés à faire acte de présence lors des dîners d’Ambassades ou
de réceptions mondaines savent de quoi il en retourne. Quelque
fois vous souhaiteriez que votre voisin - un véritable moulin à
paroles - tombe raide mort sur-le-champ. Et vous n’êtes pas mieux
disposés lorsqu’une scène d’exposition se met à ressembler à un
discours télévisé. » 381 C’est certainement parce que ces auteurs
fréquentent trop les dîners d’ambassade qu’ils assimilent toute
parole à du verbiage ennuyeux. Ils ont perdu le goût du verbe parce
que le verbe qu’ils côtoient n’a plus de goût, comme leurs tomates.
Ce discours relève d’une certaine idéologie du cinéma et du
rapport que l'œuvre doit entretenir avec son spectateur, qui est de
l’ordre de l’assujettissement hypnotique. Les auteurs traitent les
spectateurs comme ils pêchent le black-bass, au leurre visuel qui
s’agite : « Ce que FAIT un personnage est toujours important
pourvu que ce soit visuel = filmique. (…) il FAUT que
l’impact visuel soit suffisamment important pour soutenir
379
. G. Deleuze. L’image-temps. Page 364. Les Editions de Minuit.
380
Manuel du scénario américain J.W.Bloch, W.Fadiman, L.Peyser. Editions
CIAM. Bruxelles 1992.
381
Idem. Page 231.
247 DES DIALOGUES DE CINEMA
382
Idem.
383
Les trois jours du condor. Sydney Pollack. USA 1975.
384
Mortelle randonnée. Claude Miller. France 1982.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 248
385
Manuel du scénario américain J.W.Bloch, W.Fadiman, L.Peyser. Editions
CIAM. Bruxelles 1992.
386
Annie Hall. Woody Allen. USA 1977.
249 DES DIALOGUES DE CINEMA
387
Manuel du scénario américain.
388
« Les dialoguistes dans le cinéma français ». Les scénaristes français. Page
104. Cinémaction.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 250
389
Jacques Audiard. Propos recueillis par Isabelle Jenny. Les scénaristes français.
Cinémaction. Page 149.
390
Francis Weber interviewé par Christian Salé. Les scénaristes au travail.
Bibliothèque du cinéma. Page 123. Éditions Hatier.
391
Le président. Henri Verneuil . France/Italie. 1960.
392
« Les dialoguistes dans le cinéma français ». Les scénaristes français.
Cinémaction. Page 105.
251 DES DIALOGUES DE CINEMA
393
Éric Rohmer. « Pour un cinéma parlant » dans Le goût de la beauté. Champs
contrechamps. Flammarion.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 252
Explicite verbal
Dans La règle du jeu, Octave dit : « Christine, ça aussi c’est un
truc de notre époque. On est à une époque où tout le monde ment,
les prospectus des pharmaciens, les gouvernements, la radio, le
cinéma, les journaux, alors pourquoi veux-tu que nous autres, les
simples particuliers, on mente pas aussi ? » Dans la mesure où
l’émission de sens du personnage est immédiatement comprise
comme celle de l’auteur, les spectateurs se trouvent en position de
réception directe d’un discours alors qu’ils étaient venus voir un
film. Dans cette séquence, Octave est un « personnage craché » . Il
est difficile de ne pas voir ici une appréciation de Renoir lui-
même, son propre « discours », identifié comme tel parce qu’il est
une généralité produisant immédiatement du sens pour qui veut
bien l’entendre, et aussi par les notations « notre », « on est », qui
signifient la communauté d’époque de Christine, d’Octave et de
Renoir. Cette impression est bien évidemment renforcée par le fait
que Renoir joue lui-même le rôle d’Octave et que les spectateurs
sont de simples particuliers. Le personnage du film sert de porte-
voix à l’auteur.
Le « je » subjectif de l’auteur se manifeste comme émetteur lors
d’énonciations de maximes, de vérités, d’opinions générales, que
l’on ne peut confondre avec les marques stylistiques formelles qui
sont parties intégrantes de l’œuvre, travail sur le matériau. Le mot
d’auteur est un « texte » qui signifie, en tant que texte élaboré
ailleurs, émanant d’un autre temps, produit d’une instance
supérieure qui communique des concepts et non les paroles des
personnages. « Dans la mesure où il est un art, en effet, le cinéma
n’a pas à enregistrer des significations, mais à créer les siennes
propres. » 394 Le cas s’aggrave, ajoute Mitry, quand le propos est
relativement naïf et se réduit à de la philosophie de bas étage, d’où
le caractère insupportable de certaines sentences généralisantes et
bien tournées, censées asseoir le sentiment de sympathie à l’égard
d’un héros plein d’esprit et par lesquelles l’auteur nous transmet
394
Jean Mitry. Esthétique et psychologique du cinéma. Editions Anthropos. Mitry
écrit « de la philosophie de bonne femme », expression politiquement incorrecte et
tombée en désuétude.
253 DES DIALOGUES DE CINEMA
Redondance
La crainte de l’auteur de ne pas être compris le conduit parfois à
redoubler l’information, à pratiquer la redondance. Le verbal
explicite le visuel. Supposons que dans E.T., Eliot annonce :
« Demain, je vais me mettre à la recherche d’un extraterrestre que
j’ai aperçu dans mon jardin. » et que lors de la séquence suivante,
nous le voyions, le lendemain, prendre son vélo et partir fouiller les
collines. De quoi serions-nous privés ? De la compréhension par
nous-mêmes du passage de la décision à l’action, c’est-à-dire de
notre participation active à l’ellipse. Pour cette raison, la
redondance apparaît souvent comme une faiblesse majeure des
dialogues.
255 DES DIALOGUES DE CINEMA
396
R.Bresson. Notes sur le cinématographe. Folio. page 116.
397
Le caporal épinglé. Jean Renoir. France 1961.
398
Gilles Deleuze. L’image-temps. Page 305. Les Editions de Minuit.
EMPLOI ET SUREMPLOI… 256
399
Carrière et Bonitzer. Exercice du scénario. Page 38 Éditions La Femis. Un
contre-exemple suit immédiatement le conseil, ce qui devrait être un réflexe, toute
« règle » devant être infléchie.
400
The mood for love. Wong Kar Wei.
257 DES DIALOGUES DE CINEMA
EMPLOI ET SUREMPLOI… 258
Chapitre 8
Gestes, mimiques, intonations
« Il n’y a pas moins d’éloquence dans le ton de la voix, dans les yeux,
et dans l’air de la personne, que dans le choix des paroles. »
La Rochefoucauld, Maximes.
401
On peut reprocher à ce concept de mettre le mot au centre, avec des
manifestations corporelles tout autour, comme si sa dimension mentale et son
splendide isolement en Ecriture le séparait radicalement des autres manifestations
plus triviales du corps et s’il n’était pas lui-même une émanation sonore de ce
corps. Ce concept de la linguistique participe d’un verbocentrisme plutôt que d’un
vococentrisme et pérennise la sempiternelle séparation entre l’âme et le corps.
402
Gribouille. Marc Allégret. France 1937.
259 DES DIALOGUES DE CINEMA
sens des mots qui est infléchi, mais l’acte de langage. « La fonction
dite « expressive » ou émotive, centrée sur le destinateur, vise à
une expression directe de l’attitude du sujet à l’égard de ce dont il
parle. Elle tend à donner l’impression d’une certaine émotion,
vraie ou feinte. » 405 Catherine Kerbrat-Orecchioni souligne que
« les données paraverbales et non-verbales sont des indicateurs
très éloquents de l’état affectif des participants : les intonations,
les regards, les mimiques, et surtout la voix, sont des vecteurs
privilégiés pour l’expression des émotions ». 406 Le texte des
dialogues d’un scénario ne peut s’appuyer aussi sûrement sur le ton
ou le contexte visuel, d’où les nombreuses didascalies qui précisent
ce que l’on regroupe sous le vocable de « jeu » .
Les spectateurs reçoivent des informations audiovisuelles
susceptibles de les instruire sur les états d’âme des personnages et
notamment des traits expressifs. Un « trait expressif » est un
moyen syntaxique, morphologique, prosodique qui permet de
mettre une emphase sur une partie de l’énoncé et suggère une
attitude émotionnelle du locuteur. Une des plus fameuses
illustrations de l’emploi des traits expressifs nous a été donnée par
Chaplin dans Les temps modernes 407 . Engagé comme chanteur, le
personnage se trouve bien en peine de dire les mots de la chanson
qu’il ne connaît pas. Il effectue alors ce numéro mémorable qui
consiste à chanter des paroles incompréhensibles en modulant son
chant et en variant ses mimiques et ses gestes pour exprimer un
sentiment. L’effet est saisissant, Chaplin se moquant par cette
trouvaille géniale du cinéma « parlant », puisqu’il arrive à faire
saisir les états d’âme sans le recours au contenu verbal, mais de ce
fait il démontre aussi toute l’efficacité du paraverbal sonore, du
ton, car il ne s’exprime pas simplement à l’aide de mimiques.
405
Roman Jakobson. Essai de linguistique générale. Page 214. Editions de
Minuit.
406
Catherine Kerbrat-Orecchioni. La conversation. Page 26. Seuil.
407
Les temps modernes. Charlie Chaplin. USA 1936.
261 DES DIALOGUES DE CINEMA
Du paraverbal au cinéma
Soulignons l’essence culturelle des éléments paraverbaux, variant
avec le temps et l’espace. Le geste et la mimique ne sont pas des
expressions « naturelles » des émotions : « On ne pourrait parler
« de signes naturels » que si, à des « états de conscience donnés »,
l’organisation anatomique de notre corps faisait correspondre des
gestes définis. Or en fait la mimique de la colère ou celle de
l’amour n’est pas la même chez un Japonais et chez un Occidental.
Plus précisément, la différence des mimiques recouvre une
différence des émotions elles-mêmes. Ce n’est pas seulement le
geste qui est contingent à l’égard de l’organisation corporelle,
c’est la manière même d’accueillir la situation et de la vivre »,
écrit Merleau-Ponty. Comme les mots, les gestes et les mimiques
varient suivant le lieu et l’époque, mais également les émotions.
Il faut aussi distinguer les gestes effectués consciemment pour
émettre un message et les gestes attenant à la parole, sans pour
autant que l’émetteur ait une claire conscience de les effectuer.
Ainsi, le signe qui consiste à demander le silence en portant le
doigt à sa bouche est volontaire et conventionnel. L’utilisation de
l’ accessoire revolver ajoute du sens au sens déjà institué, celui de
la menace. Non seulement cet ajout est conscient, réfléchi, mais il
dénote un certain humour du personnage.
408
C’est arrivé près de chez vous, R. Belvaux, A.Bonzel, B.Poelworde. Belgique
1992.
409
Journal d’une femme de chambre. Luis Bunuel. France 1963.
263 DES DIALOGUES DE CINEMA
415
L’erreur de Descartes. Antonio R.Damasio. Page 186. Editions Odile Jacob.
265 DES DIALOGUES DE CINEMA
416
Hitchcock Truffaut. Page 92. Ramsay Poche Cinéma.
GESTES, MIMIQUES, INTONATIONS. 266
tout le corps , les traits figés, qu’il dit à Dany qu’il n’y a rien dans
la chambre 237, « absolument rien ». L’émotion commande alors
la fixité absolue du visage, provoquée par la stupeur, l’absence
totale d’une volonté de paraître, quasiment une tétanisation. Le
cuisinier reprend peu à peu le dessus et intime l’ordre à Dany de ne
pas aller dans la chambre 237. Pour insister, il se remet alors à
effectuer des mimiques ponctuant l’énoncé de l’interdit. L’acteur a
ici interprété, par l’abandon de toute expression volontaire et
contrôlée par les mimiques, la perte de contrôle du corps par le
personnage. La surprise engendre cette modification organique.
Dans le film Breaking the waves 417, l’héroïne interprète tour à
tour ses propres répliques et celles qu’elle attribue à Dieu. Elle
prend à la fois les mimiques de Dieu le Père (froncement de
sourcils, air sévère et grondeur) et les siennes (plus naïves et
craintives) quand elle s’adresse à Dieu. Il y a là un très curieux
dédoublement : c’est bien le personnage de Bess qui interprète les
deux rôles, comme un enfant joue à être quelqu’un d’autre et lui-
même (Shining). Les mimiques exagérées cadrent donc
parfaitement avec le personnage puisqu’il s’agit d’un personnage
qui joue un autre personnage. Il y a là une mise en abyme du jeu.
Le film E.T. 418 comporte un exemple d’une « bonne mauvaise
interprétation » d’un rôle. Le jeune Eliot, pensant que son ami
extra-terrestre est mort, pleure à chaudes larmes. Mais E.T. revient
à la vie et Eliot mime alors le désespoir afin de dissimuler cette
résurrection aux agents de la NASA. Il fait semblant de pleurer et
effectue des gestes « que l’on fait dans ces cas-là », en tapant des
poings notamment. La différence d’interprétation est flagrante car
il en rajoute. Il fait là des « sauts de carpe » tout à fait volontaires.
Et c’est très bien joué. L’exagération de la mimique n’est donc pas
obligatoirement à proscrire car le jeu fait partie de la vie, mais
encore faut-il l’utiliser justement et que l’interprète soit capable de
jouer juste et de jouer juste faux... Il est remarquable combien le
dispositif audiovisuel révèle ces exagérations.
417
Breaking the waves. Lars von Trier. Danemark. 1996.
418
E.T. Steven Spielberg. USA 1982.
267 DES DIALOGUES DE CINEMA
Les oiseaux
419
R. Bresson. Notes sur le cinématographe. Page 21. Folio.
420
Idem. Page 46.
421
Idem. Page 81.
GESTES, MIMIQUES, INTONATIONS. 268
422
Idem. Page 83.
423
Idem. Page 77.
269 DES DIALOGUES DE CINEMA
Chapitre 9
Le langage parlé au cinéma,
usage et écart
L’oralité
L’oralité implique une élaboration immédiate de la phrase, « en
direct », à moins que l’on ait appris un texte par cœur. Si l’on veut
donner cet effet, de non-récitation, on doit s’attacher à imiter les
phénomènes liés à l’oralité.
- Une certaine simplification lexicale est généralement de mise. On
ne se promène pas avec un dictionnaire des synonymes dans la
poche et on ne passe pas du temps à chercher. Les répétitions, si
elles sont redoutées à l’écrit, ne gênent pas à l’oral. En principe,
les mots savants sont évités, à moins que l’on veuille « en mettre
plein la vue » ou se moquer, ou en avoir réellement besoin.
- Une syntaxe appropriée à l’oral facilite à la fois la construction
et la réception, toutes deux devant être effectuées dans un temps
limité. Citons entre autres les phénomènes de clivages, d’élisions,
les libertés syntaxiques, les « fautes » de grammaire. Les mauvais
accords des participes passés, les concordances des temps
bancales, les « que » pour les « donc » , les « malgré que »
foisonnent.
273 DES DIALOGUES DE CINEMA
427
Raymond Queneau. Bâtons, chiffres et lettres. Folio/Essais.
428
Claire Blanche-Benveniste. Approches de la langue parlée en français. Page
69. Editions OPHRYS.
LE LANGAGE PARLE… 274
431
Françoise Gadet. Le français ordinaire. Page 34. Armand Colin.
432
ITW par Aline Desjardins.
433
Catherine Kerbrat-Orrecchioni. La conversation. Page 24. Seuil.
434
Explétif (1865, Littré). Ling. (en grammaire traditionnelle). Qui sert à
«remplir» la phrase sans être nécessaire au sens. Le ne explétif. - N. Un explétif.
La langue parlée use beaucoup des explétifs. Certains explétifs renforcent l'idée ou
ajoutent une nuance particulière. Dictionnaire Robert. « Nous nous en tirons, les
grammairiens, à qualifier ce vous-là d'explétif. A vrai dire, c'est une simple
défaite (...) On dit d'un mot qu'il est explétif pour s'en débarrasser, quand on n'a
pas élaboré de théorie qui rende compte de son entrée en scène. » Louis Aragon.
Dictionnaire Robert.
LE LANGAGE PARLE… 276
courant: «T’as d’beaux yeux, tu sais… » 435 Enfin, certains tics, sur
lesquels le locuteur s’appuie, montrent qu’il navigue constamment
dans le flou et éprouve le besoin d’interpeller le vis-à-vis et de le
mettre à contribution: « Tu vois, tu vois ?... »
435
La bête humaine. Jean Renoir. France 1938.
436
Claire Blanche-Benveniste, C. Jeanjean. Le français parlé. Page 87. INALF.
437
Cité par Claire Blanche-Benveniste et Colette Jeanjean. BERRENDONNER,
Leguern et Puech, Principes de grammaire polylectale, 1983, page 18.
277 DES DIALOGUES DE CINEMA
438
Cité par Windish. Le K.O verbal. P 98. Le langage et la vie. Bally.
439
Scénario non tourné de X.
440
Henri Godard commente Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline. Page 199.
Folio.
LE LANGAGE PARLE… 278
« Un tel veut péter plus haut que son cul. » Des commentateurs
d’un match de rugby accumulent les expressions pour décrire le
cours d’une partie : « Le sanglier est dans le maïs », « Les mouches
ont changé d’âne » 441 ou encore « Ce n’est pas la queue qui remue
le chien ! » 442 De nouvelles expressions apparaissent tous les
jours, prenant à leur compte les nouveautés de la vie quotidienne.
Le comique vient alors de ce détournement de sens d’un objet
technologique nouveau qui se trouve ainsi intégré au langage parlé.
Ce fut à l’époque : « Change de disque » et c’est maintenant :
« T’as le disque dur enrayé » . Les concepts de la psychanalyse ont
été largement adoptés par le langage parlé. On dit de quelqu’un
qu’il est « parano » ou encore « refoulé », confondant la pulsion et
le sujet. Dans les conversations courantes, le diagnostic
psychanalytique est rapidement effectué : « T’es complètement
schizo, mec... » On ne doit pas non plus sous-estimer l’importance
de la moquerie, le plaisir à rire d’autrui par le verbe.
- Une comparaison sera d’autant plus appréciée qu’elle renverra à
un concret immédiat et quotidien, dont on était loin de se douter
qu’il puisse acquérir un sens nouveau, le comique venant de cet
écart : « Il marche comme un chat qui porte des tripes », « couillon
comme un toupin », « attiré comme des mouches par le cul d’un
âne » . Ce sont des figures rapides et économiques qui évoquent
plus qu’elles ne sont. Le locuteur veut ainsi traduire joliment son
humeur. Les figures imagées participent aussi de l’humour des
conversations, des jeux avec les mots, du plaisir du verbe, des joies
de l’échange. Il existe aussi un certain maniérisme du langage
parlé, pour les « branchés », toujours à l’affût de la dernière
nouveauté à la mode, qui se démode en quelques mois. De
nombreuses métaphores, argotiques ou pas, enrichissent le langage
familier. « M’emmerde pas! », « Il faut te faire un dessin ? »,
« s’envoyer en l’air », « se saigner aux quatre veines », « jouer la
fille de l’air », « attacher un chien avec des saucisses »…On
atteindra davantage l’autre si la phrase est jolie, le trait juste et
441
Pierre Albaladéjo. Les mouches ont changé d’âne. J.C. Lattès.
442
France-Nouvelle-Zélande. 11.11.2000.
LE LANGAGE PARLE… 280
443
Eliane Girard et Brigitte Kernel. Le vrai langage des jeunes expliqué aux
parents qui n’y entravent plus rien. Albin Michel.
281 DES DIALOGUES DE CINEMA
Les déictiques
Au cinéma, même lors des flash-back, c’est toujours un concret
présent qui est avéré. Les paroles doivent donc renvoyer à cette
situation spatio-temporelle, en portent les marques, puisque, pour
se situer, le personnage y fait référence, la désigne : « Donne moi
ça ! » Le personnage parle donc en fonction de sa deixis. Du grec
deixis 444, le terme déictique désigne ce qui sert à montrer,
localiser, situer dans le temps. Cette question est essentielle, car les
déictiques dépendent de l'instance du discours, autrement dit de
celui qui parle. Les répliques portent les marques d’énonciation du
444
Déikticos : propre à démontrer, démonstratif. Deiknumi : je montre, je
démontre/ Déixis : action de désigner. Deïxis : exposition publique d’un objet/
Exhibition d’un texte, citation, Exhibition d’une œuvre littéraire, lecture
déclamation/ Qualité d’un pronom démonstratif : qui montre/ La preuve, dans la
rhétorique d’Aristote.
Déictique : Qui sert à montrer, à désigner un objet singulier. «Ceci» est un mot
déictique. - Par ext. Tout élément d'un énoncé qui renvoie à la situation (spatiale,
temporelle, etc.) ou au sujet parlant. (Ex. : démonstratifs, pronoms personnels,
adv. de lieu, de temps). - N. m. Les déictiques dépendent de l'instance du discours,
de l'énonciation ; ils «embrayent» l'énoncé sur la situation (- Embrayeur). Situation
de l'énonciation liée à un déictique. Dictionnaire Robert.
LE LANGAGE PARLE… 282
448
De même, lorsque Tarzan porte Jane jusqu’à son abri dans l’arbre, il lui montre
cet abri d’un geste déictique de la tête. Cela peut être interprété comme une
invitation à ce qui va se passer dans l’ellipse, censé échapper aux enfants. La
réponse de Jane est également gestuelle puisqu’elle enfouit sa tête dans le cou de
Tarzan en signe d’acquiescement.
LE LANGAGE PARLE… 284
449
Denis Vernant. Du discours à l’action. Éditions PUF.
285 DES DIALOGUES DE CINEMA
désignant l’enfant qu’elle tient dans ses bras. C’est une façon de
dire, avec ses mots et sa pudeur, qu’il accepte finalement son petit-
fils et qu’il est heureux que lui et sa mère soient là.
Dans La neuvième porte 450 , Corso frappe à la porte d’une
maison pour s’entretenir avec le propriétaire ; la fille qui
l’accompagne lui dit qu’il n’est pas là. Comme Corso lui demande
où il est, la fille lui répond simplement : « Là-bas… » et elle
indique un endroit de sa main. La saveur du déictique « là-bas »
provient précisément du fait que le gars n’est plus et que son corps
se trouve dans un bassin. Ce « Là-bas » paraît anodin et quotidien,
mais il participe en fait d’un drame. C’est tout son charme.
En résumé, les déictiques (à la différence des anaphores qui
renvoient à une autre partie du discours) désignent un élément de la
réalité extralinguistique. Ils peuvent être référencés par le film qui
met le spectateur en contact visuel et sonore avec la réalité
environnante des personnages. Le fragment sonore constitué par la
phrase joue donc avec les autres fragments audiovisuels et en cela
peut être ambigu, incomplet, humoristique, elliptique, comme l’est
le langage parlé qui, se référant au contexte, est sujet à l’économie
et à l’affect.
Les anaphores
Le personnage parle à un autre personnage, précis, avec lequel
il partage une certaine connaissance du monde, de longue date ou
récente. L’anaphore est un procédé qui permet la reprise d’une idée
(ou d’un thème donné) en vue de son développement. Les éléments
anaphoriques représentent un segment antécédent du discours. Cela
peut être un pronom, « T’as vu Manon ? » « Non, je l’ai pas vue »
ou un substitutif, quel qu’il soit. « J’aime les Québécois. Ce peuple
a le sens de l’hospitalité. » L’usage d’une anaphore peut participer
de l’économie de langage et évite les répétitions. « Tu vas à la
pêche dimanche ? » « Non, j’y vais samedi . » C’est un raccourci
qui permet d’embrayer sur ce que l’interlocuteur vient de dire,
450
La neuvième porte. R.Polanski. France 1998.
LE LANGAGE PARLE… 286
451
Ces répliques abondent dans les scénarios et les films.
289 DES DIALOGUES DE CINEMA
saurons plus tard qu’ils en sont les piliers. A part cela, nous ne
savons pas grand-chose.
Le film ouvre sur une conversation déjà entamée ; on saisit
donc les personnages en pleine action de parole et au moment
précis de l’établissement de l’enjeu d’un conflit, ce qui évite une
laborieuse mise en place et a toute les chances de susciter un
intérêt immédiat pour que l’on se demande de quoi il s’agit. C’est
le jeu de l’énigme.
L’implicite
La pratique de l’implicite est majeure dans l’élaboration de
dialogues cinématographiques car elle place les personnages dans
le contexte du monde représenté. Il y a un écart aménagé entre le
sens strict de la phrase et le message lui-même. Celui à qui le
discours s’adresse est invité à faire lui-même la relation. De ce fait,
il participe lui-même à la production du sens que celui qui parle
veut lui communiquer. L’utilisation d’une formule implicite a donc
valeur d’argument. L’implicite est ce qui, « sans être exprimé en
termes formels, résulte naturellement, par déduction et
conséquence, de ce qui est formellement exprimé. » 452 Anne
Reboul illustre cette différence par un exemple tout à fait
savoureux. Il s’agit d’une conversation radio en mer entre
Américains et Canadiens.
« Américains : veuillez vous dérouter de 15 degrés Nord pour
éviter la collision. A vous.
Canadiens : Veuillez plutôt vous dérouter de 15 degrés Sud
pour éviter une collision. A vous.
Américains : Ici le capitaine d’un navire des forces navales
américaines. Je répète : veuillez modifier votre course. A vous.
Canadiens : Non, veuillez vous dérouter je vous prie.
Américains : Ici le porte-avions USS Lincoln, le deuxième
navire en importance de la flotte navale des Etats-Unis
d'Amérique. Nous sommes accompagnés par trois destroyers et un
nombre important de navires d’escorte. Je vous demande de vous
dévier de votre route de quinze degrés Nord ou des mesures
contraignantes vont être prises pour assurer la sécurité de notre
navire . A vous.
452
Dictionnaire Littré.
LE LANGAGE PARLE… 294
456
Philippe Blanchet. La pragmatique. Page 123. Editions Bertrand-Lacoste.
457
Les 400 coups. F. Truffaut. France 1959.
LE LANGAGE PARLE… 296
458
Un singe en hiver. Henri Verneuil . France 1962
301 DES DIALOGUES DE CINEMA
459
Catherine Rouayrenc. Les gros mots. Page 110. Collection « Que sais-je ? ».
LE LANGAGE PARLE… 302
462
Jean Renoir. Ma vie et mes films. Page 111. Champs contre-champs.
Flammarion.
305 DES DIALOGUES DE CINEMA
CONCLUSION 306
Conclusion
465
Il serait intéressant de tracer un diagramme émotionnel d’un film sur un public
donné, dont les composants (es) seraient munis de capteurs de tension, de
battements cardiaques, de température, d’humidité de la peau et des muqueuses, et
de tout ce qui peut présenter les symptômes d’une déstabilisation émotionnelle.
466
Maurice Merleau-Ponty. Phénoménologie de la perception. Page 273.
Tel/Gallimard.
309 DES DIALOGUES DE CINEMA
467
Sans que leur responsabilité soit engagée par la version finale de cet ouvrage, je
tiens à remercier ici les personnes qui m’ont accompagné de leurs lectures
critiques, et notamment André Blanchard, Nicolas Canivenc, Guy Chapouillié,
Boris Claret, Soraya Daigre, Sophie Labonne, Catherine Rouayrenc, Gérard
Samouillan, Inès Samouillan, Robert Scarpa et Cécile Verdier.
CONCLUSION 312
Bibliographie, filmographie
Ouvrages cités
André Bazin. Qu’est-ce que le cinéma ? 7ème art. Éditions du Cerf. / André Gardies
et Jean Bessalel. 200 mots-clés de la théorie du cinéma. Cerf. / André Gardies Le
récit filmique. Éditions Hachette. / Anne Reboul. Aux sources du malentendu.
Dans la revue Sciences Humaines hors série n°27. Le langage. Décembre
1999/janvier 2000. / Anne Roche et Marie-Claude Taranger. L’atelier de
scénario. Dunod. / Anne Ubersfeld, Lire le théâtre III. Le dialogue de théâtre.
Editions Belin. / Antoine Albalat. L’art d’écrire. Armand Colin. / Antoine Cucca.
L’écriture du scénario . Éditions Dujarric. / Aristote. La poétique. Le livre de
poche. / Audiard par Audiard. Editions René Chateau. / Aumont, Marie, Bergala.
L’esthétique du film. Vernet. / B.Traven Le trésor de la Sierra Madre. Éditions
10 18. / Carrière et Bonitzer. Exercice du scénario. Éditions La Fémis.
/ Catherine Kerbrat-Orrecchioni. La mise en places dans Décrire la conversation.
Sous la direction de J.Cosnier et C.Kerbrat-Orecchioni. PUL. / Catherine
Kerbrat-Orrecchioni. La conversation. Seuil. / Catherine Rouayrenc citée dans
Henri Godard commente Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline.
Folio. / Catherine Rouayrenc. Les gros mots. Collection « Que sais-
je ? » / Christian Metz. L’énonciation impersonnelle ou le site du film. Editions
Méridiens Klincksieck. / Claire Blanche-Benveniste et Colette Jeanjean.
Berrendonner, Leguern et Puech, Principes de grammaires polylectale, 1983
/ Claire Blanche-Benveniste. Approches de la langue parlée en français. Editions
OPHRYS. / Claude Brémond. La logique des possibles narratifs.
Communications 8. / Claude Brémont. La logique du récit. Seuil. / Claude
Gauteur. Dans Jean Renoir, la double méprise, Les éditeurs français
réunis. / Daniel Beshenard.. Inspiratrices… In Acteurs, des héros fragiles.
Autrement. N°70. Mai 1985. / Daniel Boulanger, interviewé par Olivier Assayas et
Vincent Ostria. Le Bon Dieu dans la bouche. L’enjeu scénario. Cahiers du cinéma.
4ème trimestre 1985. / Denis Vernant. Du discours à l’action. PUF. / Descartes,
Le Monde, dans Oeuvres philosophiques, Ed.Alquié. ; puis Les principes de la
philosophie, IVème partie. Cité par Philippe Ducat. Le langage. Page 10.
Editions Ellipse. / Diderot. Paradoxe sur le comédien. Bordas. Classiques
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Enonciation et cinéma. Seuil. / E.Benveniste. Problèmes de linguistique générale.
Tel. Gallimard. / Eliane Girard et Brigitte Kernel. Le vrai langage des jeunes
expliqué aux parents qui n’y entravent plus rien. Albin Michel. / Emile
Vuillermoz. 1928. Cité par René Clair, dans Cinéma d’hier, cinéma
d’aujourd’hui. Idées NRF. / Epstein. Esprit de cinéma. Éditions Jeheber. / Éric
313 DES DIALOGUES DE CINEMA
Luc Godard. La politique des auteurs. Editions Champs Libres. / Michel Marie A
bout de souffle. Jean-Luc Godard. Nathan. / Mikel Dufrenne. Encyclopaedia
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Lattès. / Nicholas Ray. Action. Editions Yellow now. Femis. / P.Glaudes et
Y.Reuter. Le personnage. PUF. Que sais-je. / Philippe Blanchet. La pragmatique.
Editions Bertrand-Lacoste. « Référence » / Philippe Ducat. Le langage. Editions
Ellipses. / Pier Paolo Pasolini. L’expérience hérétique. Ramsay Poche
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Bourdieu. Ce que parler veut dire. Fayard. / Pierre Jenn. Techniques de scénario.
Éditions La FEMIS. / Platon. Phèdre. 275d-276a . GF Flammarion. / Problèmes
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A.Herschberg Pierrot, dans Stéréotypes et clichés. Éditions Nathan
Université. / Raymond Castans. Marcel Pagnol, biographie. Editions J-C.
Lattès. / Raymond Queneau. Bâtons, chiffres et lettres. Folio/Essais. / René Clair.
Cinéma d’hier cinéma d’aujourd’hui. Idées NRF. / René Clair. Réflexion faite
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structurale des récits. Communications 8. Éditions du Seuil. / Roland Barthes.
Poétique du récit. Éditions du Seuil. / Roman Jakobson. Essai de linguistique
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Editions Pygmalion. / Syd Field. Comment reconnaître, identifier et définir les
problèmes liés à l’écriture de scénario. Editions DIXIT. / Syd Field. Scénario.
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les bois du roman et d’ailleurs. Le livre de poche. / Vladimir Propp. Morphologie
du conte. Éditions du Seuil. / Yann Paranthoën Le tour de la France. Ateliers de
création radiophonique de France Culture. France 1992. / Yves Lavandier. La
dramaturgie. Editions Le clown et l’enfant.
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France 1934 / Annie Hall. Woody Allen. USA 1977 / Ben Hur. Fred Niblo. USA
1926. William Wyler USA 1959 / Buffet froid. Bertrand Blier. France 1980 /
Confidential report. Orson Welles. France /Espagne. 1956 / Chaos. C.Serreau.
France 201/Cyrano de Bergerac. Jean-Paul Rappeneau. France 1990 /
Délivrance. John Boorman. USA 1972 / Denise au téléphone. Hal Salwen. USA
1994 / Diabolique. Jeremiah Chechick. USA 1996 / Dogma. Kevin Smith. USA
1998 / Don Camillo, Monseigneur. Carmine Gallone. France /Italie 1961 / E.T.
Steven Spilberg. USA 1983 / France-Nouvelle-Zélande. 11.11.2000 / Full Metal
Jacket. Stanley Kubrick. USA 1987 / Greystock. Hugh Hudson. USA 1982 /
Gribouille. Marc Allégret. France 1937 / Haut bas fragile. Jacques Rivette.
France 1994 / Hôtel du Nord. Marcel Carné. France 1938 / Il était une fois dans
l’ouest. Sergio Leone. Italie 1969 / Il était une fois en Amérique. Sergio Leone.
USA 1983 / Jacky Brown. Quentin Tarantino. USA 1998 / Journal d’une
315 DES DIALOGUES DE CINEMA
femme de chambre. Louis Bunuel. France 1963 / L’allée du roi. Nina Companez.
France 1995 / L’ami de mon amie. Eric Rohmer. France 1987 / L’ange bleu.
Joseph von Sternberg. Allemagne 1930 / L’argent de la vieille. Luigi Comencini.
Italie 1972 / L’argent. Robert Bresson. France 1983 / L’enfant à la voix d’or.
Antonio del Amo. Espagne 1957 / L’éternel retour. Jean Cocteau, Jean Delannoy.
France 1943 / L’exorciste. William Friedkin. USA 1973 / L’homme qui ment.
Robbe-Grillet. France 1968 / L’impasse. Brian De Palma. USA 1993 / La bête
humaine. Jean Renoir. France 1938 / La blonde et moi. Franck Tashlin. USA.
1956 / La cavalcade. Franck Lloyd. USA 1933 / La dernière tentation du
Christ. Scorcese. USA 1988 / La femme du boulanger. Marcel Pagnol. France
1938 / La guerre des étoiles. George Lucas. USA 1977 / La loi du silence. Alfred
Hitchcock. USA 1952 / La maison du Docteur Edwards. Alfred Hitchcock . USA
1945 / La promesse. Luc et Jean-Pierre Dardenne. Belgique 1996 / La neuvième
porte. Polanski. France 1998 /La règle du jeu. Jean Renoir . France 1939 / La
rose pourpre du Caire. Woody Allen. USA 1984 / La société du spectacle. Guy
Debord. France 1973 / La vérité. Henri-Georges Clouzot. France 1960 / La vie de
Jésus. Brunot Dumont . France 1997 / La vieille qui marchait dans la mer.
Laurent Heynemann. France 1990 / Lancelot. Jerry Zucker. USA 1999 / Le bal.
Ettore Scola. Italie 1983 / Le bon, la brute et le truand. Sergio Leone. Italie 1968
/ Le capitaine Conan. Bertrand Tavernier. France 1996 / Le caporal épinglé.
Jean Renoir. France 1961 / Le chanteur de jazz. Alan Crosland. USA 1927 / Le
choix des armes. Alain Corneau. France 1981 / Le crabe tambour. Pierre
Schonendorffer. France 1977 / Le cri du sorcier. Jerzy Skolimowski. Grande-
Bretagne 1979 / Le cuirassé Potemkine. Eisenstein. URSS 1925 / Le déclin de
l’empire américain. Denys Arcand. Québec 1985 / Le diable au corps. Marco
Bellochio. France Italie 1986 / Le diable par la queue. Philippe de Broca. France
1968 / Le diable probablement. Robert Bresson. France 1977 / Le facteur.
Michael Radford. USA 1995 / Le festin de Babette. G.Axel. Danemark 1986 / Le
nom de la rose. Jean-Jacques Annaud. France 1986 / Le pacte des loups.
Christophe Gans. France 2001 / Le parrain. Francis Ford Coppola. USA 1972 /
Le patient anglais. Anthony Minghella. Grande-Bretagne. 1996 / Le président.
Henri Verneuil . France /Italie. 1960 / Le retour de Martin Guerre. Daniel Vigne.
France 1982 / Le samouraï. Jean-Pierre Melville. France 1967 / Le silence des
agneaux. Jonathan Demme. USA 1990 / Le tour de la France. Yann Paranthoën.
Ateliers de création radiophonique de France Culture. France 1992 / Le trésor de
la Sierra Madre. John Huston. USA 1948 / Le troisième homme. Carol Reed.
Grande Bretagne. 1949 / Les 400 coups. F. Truffaut. France 1959 / Les années de
plomb. Margarethe Von Trotta. Allemagne 1981 / Les dix commandements. Cecil
B Demille. USA 1956 / Les enchaînés. Alfred Hitchcock. USA 1946 / Les
enfants du paradis. Marcel Carné. France 1945 / Les oiseaux. Alfred Hitchcock .
USA 1963 / Les temps modernes. Charlie Chaplin. USA 1936 / Les trois jours du
condor. Sydney Pollack. USA 1975 / Les visiteurs. Jean-Marie Poiré. France
1992 / Libera me. Alain Cavalier. France 1993 / M le maudit. Fritz Lang.
Allemagne 1931 / Ma cité va craquer. Jean-François Richet. France 1998 /
Maine Océan. Jacques Rozier. France 1985 / Manon des sources. Marcel Pagnol.
France 1951 / Manon des sources. C. Berri. France 1986 / Mortelle randonnée.
Claude Miller. France 1982 / Nelly et monsieur Arnaud. Claude Sautet. France
1995 / Ordet /La parole. Karl Dreyer. Danemark 1955 / Paris Texas. W.Venders.
RFA /France 1984 / Pas de printemps pour Marnie. Alfred Hitchcock . USA
BIBLIOGRAPHIE, FILMOGRAPHIE. 316
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mouchoirs. Bertrand Blier. France 1977 / Quai des Orfèvres. H.G Clouzot.
France 1947 / Quand Harry rencontre Sally. Rob Reiner. USA 1989 / Quand
passent les cigognes. M. Kalatozov. URSS 1957 / Qui veut la peau de Roger
Rabbit. Robert Zemeckis. USA 1988 / Reservoir’s dogs. Quentin Tarantino.
USA.1992 / Retour vers le futur. Robert Zemeckis. USA 1985 / Rosetta. Luc et
Jean-Pierre Dardenne . Belgique 1999 / Singin’ in the rain. Gene Kelly et Stanley
Donen. USA. 1952 / Spartacus. Stanley Kubrick. USA 1960 / Suture. Scott Mc
Gehee. Wdavid Siegel. USA 1994 / Tarzan l’homme singe. WS.Dann Dike. USA
1932 / The servant J.Lausey. Grande-Bretagne. 1963 / Themroc. Claude Faraldo.
France 1973 / Topaze. Louis Gasnier. France 1932. / Toto le héros. Jaco Van den
Brugge Dormael. Belgique 1991 / Triumph des Willems. Leni Riefenstahl.
Allemagne 1936 / Un cœur en hiver. Claude Sautet. France 1992 / Un deux trois
soleil. Bertrand Blier. France 1993 / Un héros très discret. Jacques Audiard.
France 1996 / Un singe en hiver. Henri Verneuil . France 1962 / Un taxi pour
Tobrouk. Denys de la Patellière. France 1960 / Une chambre en ville. Jaques
Demy. France 1982 / Une si longue absence. Henri Colpi. France 1961 / Usual
Suspects. Bryan Singer. USA 1995 / Vertigo. Alfred Hitchcock . USA 1958 /
317 DES DIALOGUES DE CINEMA
TABLE DES MATIERES 318
Préface ..................................................................................... 7
Introduction .......................................................................... 15
La métamorphose des mots ................................................. 23
L'écrit scénario................................................................... 24
L’écrit dialogue .................................................................. 29
Les dialogues, fragments audiovisuels............................... 35
Les dialogues et les autres fragments ............................... 39
Transcription, écriture et possession ................................. 43
Primauté de l’émotion ........................................................ 47
Paroles diégétiques ............................................................... 53
La diégèse........................................................................... 53
« Il » parle. ........................................................................ 57
Le monde des personnages................................................. 61
Les attributs des personnages ............................................. 70
L’agent narratif .................................................................. 70
Les attributs à l’œuvre....................................................... 74
La caractérisation psychologique ...................................... 78
La caractérisation sociale.................................................. 85
La caractérisation individuelle .......................................... 87
Les défauts de caractérisations .......................................... 94
Le changement des attributs du personnage ...................... 98
Le chaos et le hasard........................................................ 102
Descriptions, caractérisations et actions......................... 107
L’histoire antérieure ........................................................ 111
Complexité du processus créatif ...................................... 114
Identification au comédien ............................................... 117
Naturel, vraisemblance, style ............................................ 124
Le naturel des dialogues .................................................. 124
Vraisemblance et crédibilité des dialogues...................... 131
Le réalisme des dialogues ............................................... 144
Dialogues et style ............................................................. 152
Dialogue et narration....................................................... 156
L'action de parole............................................................... 163
Paroles et actions ............................................................. 163
319 DES DIALOGUES DE CINEMA