Cull erre A.
Magnétisme et hypnotisme.
JB. Baillière
Pari s 1887
Symbole applicable
pour tout, ou partie
des documents microfilmés
' j
....
'·.
'
1
V
..'
"
. ,.
' !
1 t
·~
.....>
,~:
' '
l
·.'
-
;~ .
. .
.
. '*'
.
.·
.
,
SIOL .IOTH !QUE SCIE NTIF IQUE CONT EMPO RAIN C:: ,
...
.....·-·....... ·, ~··
MAGNÉTISME
I
ET
\ ..
lIY P N 0 T I S 1\1 E
' . I ..
'·
'
'
." .
... :r,
j
. . ,.., '
- . .. ' \..
., .. .
., ...
/•
1
·.I •
. ~
. :.. :. ' . . .
.: ...
..
'
--r '"
MAGNÉTISA1E
ET
t
~'
,
HYPNOTISME
,, ..
EXPOSÉ DES P llÉN OMÈN ES OBSERVÉS
. '#
PKNDA·NT
"
.! LE SOMMEIL NERVEUX PROVOQUÉ
i' • Au point da vue Clinique,
Psychologiq11e, Thèrapeuttq11e et Mécifco-léga.J,
1•
.. ..
f
\
'
.r, 1
1
VN
•
l\ÉSUMÉ HISTORIQUE
AVEC
PAR
DU MAGNÉ1'ISME ANIMAL
t •.
~
LE Dr A. CULLERRE
~·. Membre correspondant de la Société mëdico-psychologiqu~.
~·
~
~ ~.
... ·;,
... ,.,, DEUXIÈME ÉDITION
~""t
\
... '.
..
'j,
,, ..
•
f• PARIS
LIDRAIRIE J.-B. BAILLIERE ' ET FILS
• .s to, aua JIADrJlll.BUJLt.B, .PlÙ!S DO DODLEVAIID SAIM1'-GIUWAlll
•, . -
. ,
,,
!887
"
,. Tous droits réservés,
'.
'
~
"
"
.. '
'
. "·.
,·,
--- ---- - ~~~--~~---:"..-----------
\, .,
., ·i
l . 1
i
,.
;'
l .
"
181 /,
, .
.;.
f·'1
. ',.1
.,
;
.l "·;,
...
: 1
. , '
•,
1'
'"
l .{
~
'
..·•
-- ---
!
1•. 1
,
·-. . 'l
.. ..
-~- J. -l
...~
li
1
.t '
~
\ : '
,. ~
~;>·
fi~
L
~
t.
j
tI
,),
"~
1
.. \·'
:1
- - ...
•
PRÉFACE
•.
' .
Vlll PRÉFACE
d'en être troublés, qu'ils v~uillent bien faire appel à
leur jugem ent, et se souvenir que, pour l'examen
· d'une questi on scientifique, la. seule attitud e qui
convienne est une disposition d'esprit âussi éloi·
gnée de la foi aveugle que du scepticisme de 'parti
•
pris.
A. OuLLEnnE.
H Y P N 0 T ·I S 1\1 E
CI-IAPITRE PREMIEl-t
, ~
MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
...
· La production de ces prodiges est due à un agent
non moins merveilleux ' désigné sous le nom de
Fluide magnétique, qui s'échappe du corps de
l'homme et qu,il a le pouvoir de diriger soit par des
pratiques extérieures, soit par la puissance de la
volonLé ; car, dit un disciple de l\iicsn1er, l'à1ne peut
agir médiatement sur le fluide magnétique vivifiant,
et par sa propre volonté le déterminer à se porter
vers telle ou telle partie du corps par la pensée et
l'attention (1).
Voilà des dons bien étonnants. Le magnétiseur
qui les tienL dans sa main, quoique ce ne soit que
de te1nps en temps seulement, car on nous prévient
que toutes les somnambules n1agnétiques ne sont
pas lucides, n'aurait qu'à l'ouvrir pour bouleverser
le monde, accon1plir le rêve des Titans, et faire de
l'humanité une société de dieux. Il ne le fait pas et
:pour cause; pas plus que tous ceux qui, depuis qu'il
existe des sociétés hun1aincs, ont élevé les mêmes
prétentions, car les manifestations hypnotiques et
les illusions magnétiques sont aussi vieilles que le
monde.
c·cst d'ailleurs l'opinion des adeptes du magné-
tisn1c, qu'il a été connu de tot1t temps.
, La puissance de cet agent, alternativement oubliée et re ..
trouvée, recherchée d'àge en âge, a été, dit Du Potet (2),
II
III
les vues à dis tan ce, les délires ext ati que s, les con
-
vulsions, que les magné~iseurs att rib uen t au magné-
at
tism e, devinrent, aux yeux des chr éti ens , le rés ult
d'interventions diaboliques.
des
Du xno siècle au xv1a siècle, le cul te du diable fait
si bien
progrès rap~des. Sorciers et sorcières se multiplient,
. Le
qu'en i600 il y en a. près de trois cent mille en France
mt:eurs,
diable est dépeint, décrit, étu dié ; on con naî t ses
ses habitudes, ses goûts, ses an lipathies; on sait
comment
il vient han ter les cor ps des malades, on connait
les for-
yens
mules qu'il faut employer pour Je chasser, on a des mo
caces
sûrs pour reconnaître les sorcières, des procédés effi
pour
pour les faire parler, et des btichers bie n flan1bants
les punir (i ).
On croyait à la vertu ma giq ue de cer tai nes for-
mules, de cer tai ns ong uen ts, de cer tai nes pla nte s,
con1me la man<lL'agore. Les lam ies (2), en se frottant
le co1·ps d'uue pommade de leur composition, tom-
bai ent en cat ale psi e et res tai ent plusieurs heu res
dan s un coniplet éta t de rai deu r et d'immobilité,
don nan t ain si un e épr euv e ava nt la lettre, de la ca-
talepsie pa r suggestion.
Le moine De lép ine par le d'u ne sorte de léthargie
don t éta ien t parfois atteints quelques sorciers, qu
i,
s
bie n que demeurés engourdis et comme morts dan
leu r lit ou dans quelque coi n de leu r ma iso n,
croyaient eh se rév eil lan t qu'ils ven aie nt d~assister
au sabbat.
Certains lycanthropes restaient parfois pendant
plusieurs 11eures .en état de mort app are nte . Ils sor·
i88-i.
(i) Ch. Ricbet, L'4omme et l'ùitelligence, Par is,
(2) De la1nia, vam pire fabuleux, mangeur d'enfants, sorcière.
·'
..,._ ___
f 6. MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
'
,1
; JLo .. C.. ~~ :f)~ jj\l~OWL
1
1 Û;\A cA ~ ~Jt.. ei'\ll. r ~ U 4' .
0
-~
'
.
.1 ,
'
,'' v.·tra.vaJJ...:4 . y~~ ·
'! l.....: ~ -11 ,_,.. !,
LB MAGNÉTISME A TBAVERS LES SI~:CLES 17
nesses àe Cambrai entraient en d'étranges accès
d'agitation pendant lesquels elles devinaient les
,.
.·
~----·-·
/ _...... .__ ____
/'.--··
(' I
·• ). f/
-~~.
Fig. 3. - Période des contorsions.
(Dessin fait par M. Paul lU~hel", d'après uo croquis de M. Charcot.) t
.1
· Chez beaucoup de ces convulsionnaires et de ces
..
• :. .J
., _,../
VI
(i) Louis Figuier, llùdofre du, 1ne1·veilleu:c dans les temps mo-
denies, Paris, 1881, t. 111, I>· !28 et suiv. · ·
j
1
' .
. - - - - - - - - i
'
•
1
1
• • j
1 ;
.L' .....,.j'ix·.·.,..
• < ' ? t !~.
,1
,
·a.,~ ~k~ ~ f~
, v.·1~~v. 11,·~~ tj!j
clft- ~
d~ !
f
1
f
!· \
1' . j
l ;
"'
'·
'·
.,
'
1~...
1:~,~-
. '
LE l\IAGNÉTISl\lE A TU.AVERS LES SIÈCLES 3f
Un siècle plus tard, en Souabe, Gassn.er produ i-
..
sait aussi des crises , mais par un procédé moiris
·. ~.imple. Etant prêtr e, il oe pouva it se condu ire
on', !1n1e un simpl e touch eur laïque . Aussi mèla- t-il
<J
ClJLLBltRB. 3 /;,
1
..
.l
,,
38 MAGNETJSME ET HYPNO'rl&MB·
CIIAPITR E II
t
DE MESMER A BRAID
. . laIl théorie
soutenu des pôles, qu'on retrouve chez
.
Més111er croyait à la vertu des substances magné-
tisées et conseillait l'emploi de talismans et d'on-
guents magnétiques.
Un peu avant lui, Ficin et Pomponace admettaient
que certains hommes sont doués de propriétés puis·
santes dont le pouvoir peut s'exerce r non seulement
sur leur propre corps, mais sur celui de leurs sem-
blables.
, Agrippa de Nettesheim prétend ait que tous les
corps de l'univers sont liés par des sympath ies ou
des antipathies naturelles.
Jér.ôme Cardan soutena it que le soleil est en har-
monie avec le cœur et l'air, la lune avec les humeur s
et l'eau.
L'étude du magnétisme minéral donna une grande
impulsion à ces idées, et quand le physicien anglais
Gilbert eut publié son livre : «Du magnétis1ne », on
crut reconnaître dans cet agent le principe universel
de toutes choses.
Au xv1e siècle, Goclenius écrivait un traité de sa
cure magnétique des plaies.
Van Helmont, son élève, professa les mêmes idées,
publia un livre sur le n1ême sujet, et défendit avec
génie la cause de la médecin e magnétique.
En Angleterre, Robert Fludd (1638) soutint avec
. , êclat la doctrine du magnét isme dont il admetta it
de nJmbreu ses catégori es, positives, négatives, spi-
rituelles, corporel les.
Lejésui te l{ircher, savant pbysicient tout en.con-
damnan t la ·médecin e magnétique de son époque (1)
.
,, (~) l'our guérir les plaies avec l'onguent vuln~raire de Para-
. celse,.il sufilsait de se procurer du sang du blessé. d'en enduire
DE MESMER A BRA.ID 45
qui ne reposa it que sur des faits merve illeux abso-
lumen t hypoth étique s, comme la cure des plaies
opérée par les vertus sympa thique s des ongue nts
dont nous avons parlé, ou encore la transp lantati on
des maladies, consid érait l'unive rs corn me un tout
« dont les parties sont liées et entraîn ées par une
puissa nce attract ive et répuls ive, sembla ble à celle
de l'aiman t (1) ».Il admettait de nombr euses espèces
de magné tisme, celui du soleil, de la lune, des pla-
nètes, des éléments, des métaux , des plante s, des
anima ux. Ce dernie r reçut même de lui en gr~c, le
nom de Magnétisme animal longte mps avant que
Mesmer songeât à ressus citer l'expre ssion et à se
l'appro prier.
Wirdig , profes seur de médec ine à Rostock, géné-
ralise encore en la modifiant la doctrin e de ses de-
vancie rs. Tout est soumis à la puissa nce du magné ·
· tisme. Par lui s'expli quent tous les phéno mènes , la
vie et la mort. Toute la nature est peuplé e d'espri ts,
et le magné tisme résulte de le.urs rappor ts de sym-
pathie ou d'antip athie. Il dévelo ppa (2) cette doctrin e .
.qui fait encore de nos jours les délices de quelqu es
illumi nés.
On le voit par le court exposé qui précèd e, Mesme r,
II
iJ
gnéLisn1e animal en le prenant par les mains ;je le fis ensuite '
'I
II I
~·.,
1
'
S4 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
IV
V )
'
Une fois Mesmer disparu dans sa retraite, des
schismes nombreux se produisirent et plusieurs
écoles magnétiques se forn1érent.
A côté de la théorie orthodoxe du fluide, qui con-
serva toujours la prééminence, se dressa la "théorie
spiritual.istc du chevalier de Darbarin, qui préten-
dait opérer des cures merveilleuses par les seules (
forces de l~âme, et par le moyen de la prière.
On vit aussi fleurir à Lyon la théorie de l'électri-
cité animale, inventée par le Dr Pétetin à laquelle
il attribuait la production des symptômes observés
chez les personnes magnétisées. De Puységur avait
découvert le somnambulisme, PéteLin découvrit la
catalepsie ou plutôt les symptômes cataleptiformes.
DB MESMER A Bl\AID 59
Il signala chez plusieurs de ses malades le phéno·
mène connu sous le nom de transposition des sens,
dont la réali té, plus· que problématique, aux yeux
du plus grand nombre des hommes de science, est
cependant acceptée encore aujourd'hui par quel-
ques-uns.
La Révolution vint arrêter l'essor du magnétisme
animal, et disperser toutes les Harmonies et tous les
fidèles du fluide.
Mais dés 1815 on le voit rena itre; un savant cons-
ciencieux, partisan de la doctrine, Deleuze, pu-
blia cette année même un livre qui fit honneur à sa
prudence et à sa réserve, mais que de plus fougueux.
adeptes regardèrent comme une faiblesse et une hé-
résie; il y avait condensé tout ce qui avait été écrit.
à la fin du siècle dernier sur le magnétisme ani-·
mal (1 ).
En 1815, quelques adeptes échappés à la tour-
mente révolutionnaire se retrouvèrent, entre autres
le marq uis de Puys égur qui fonda à Paris une nou-
velle société.
Mais les dissidences doctrinale8 persistèrent. A
Paris , l'on vit un prêtre étranger, l'abbé Faria, pro·
duire le somnambulisme par suggestion, et d~ter-·
miner à son gré chez les somnambuliques des illu-
sions sensorielles analogues à celles qui sont
aujourd·hui de pratique courante en -bypnotisn1e (2).
Son procé dé consistait à engager le sujet soun1is à
ses expériences, a 1:>e recueillir et à fermer les yeux.
Puis , d'une voix de commanden1cnt, il s>écriait:
(i) Deleuze, Ilistoire critique du magnétiS1ne animal, Paris, i813.
3 vol. in-s.
(2) Voyez Bcaunis, le Somnambulisme pr·ovoqué, Paris, l886.
60 MAGNtTISMB E'l' HYPNOTISME
u Dormez! » et l'état magnétique était prod uit.
L'abbé. Fari a rejet ait toute s les théories r~gnantes;
il ne croyait ni au fluide, ni à la puissance de la vo-
lonté, ni à l'efficacité de la prièr e des spi:i tuali stes.
Tout comme un hypnotiste de 1885, il proclamait la
' ... nature subjective des phénomènes magnétiques,
plaça nt la cause du somineil lucide, ainsi qu'il dési-
gnait le somnambulisme provoqué, dans le sujet lui·
même. Fari a tomba soua le ridic ule,
'
i l Des hommes série ux, des médecins, des savant~,
.. se livrèrent à leur tour à l'étude du magnétisme•
t
En 181~, le nr A. Bertr and, ancien élève de
l'École pclytechnique,inauguradevant un non1breux
auditoire un cours des plus brilla nts sur le magn é-
·tisme et le somnambulisme. Quelques anné es plus
tard, il publ iait son Traité du somnambulisme, qui,
suivant la remarque de Husson, fut le prem ier ou-
vrage ex professo sur ce sujet.
Avant Dert rand , Georget avait fait connaitre (1)
ce qu'on savait alors sur le som.'Ueil magnétique.
Y
•\
i" l l •
De nombreuses expériences furent entreprises à
!'Hôt el-D ieu et à la Saipêtrière pour dé1no11trer la
. : réali té du sommeil somnambulique et des phén o-
mènes qui l'accon1pagnent, tels que l'ane sthés ie.
', Récamier posa plusi eurs moxas sans que les pa-
tient s endo1·n1is donn assen t le n1oindre sign e de
douleur. Claq uet fit une amputation du sein pendant
le somn1eil 2nagnétique. Cl1ez Cath erine San1son,
son1nambulisée par Du Potet, on put cons tater non
'I
seulement l'ane sthés ie, mais encore rabs ence de
perception pour toute exyitation sensorielle pro-
(1) Gcorgct De lapliysiolo9ie du système nerJJew;, Paris, 1821,
2 vol. in-8.
..
..
'!'
"1·.
1.\ .
il
r~:
DE .MESMER A BRAID 61
duite par d'autres que le n1agnétiseur : lui seul pou-
vait entrer en communication avec elle et éveiller
ses sens indifférents au monde extérie~r. Ces expé-
riences convainquirent un grand nombre de méde ..
cins de la réalité des phénomènes magnétiques.
VI
II
III
.
"
DE DRAID A L'ÉPOQUE ACTUELLE 79
IV
1
:t) Charcot et Ricber, Archives de neuro/,ogie, t. 11, ·p. 33.
(2) P. Richer, Étude descriptive de la grande attaque hystmque.
Thèse de Paris, i879. - Études cliniques sur l'nystéro-dpilepsie,
2° édition, Paris, 1885. - Bour11eville et Regnard, .Iconographie
photographjque de «i Salpdtrihe, i879-i880. - Regnard, Revue
scientifique, iSSi. - Ch. Fe1·é, Archives de neitrologie et Annales
ml.dico-psychologiques, :1883. - Société de biologie et P1·og1·ès nié-
dical, i~Si, etc., etc.
s.
82 MAG~ÉTISi\fE ET HYPNOTISME
V ,, .
. ~
·SU JET S ET PR OC ÉD ÉS
Il
••
f1(i)fl MAGN·ÉTISME ET HYPNOTISl\IE
III
IV
.' ~
•
, ,
SUJE'l'S ET PROCE 111
DES
VI
•
SUJETS ET Pl\OCJID:4S !t7·
VII
Un mot pour terminer sur les procédé s par les·
quels on peut provoquer, ehezlesanimaux, certaines
manifestations de nature hypnotique. Quelques ani-
maux sont bien manifestement suscepti bles d'être
iniluencés de diverses manières.
Tout le monde connaît la fascination qu'exercent
les reptiles sur les crapaud s, les grenouilles et quel-
ques oiseaux ; celle des grands oiseaux sur leur
proie; celle du chien de chasse sur le gibier qu'il
tient en arrêt. On raconte des charmeurs de serpents
d•orient, des choses étonnantes (i ).
M. Azam a vu, dans les foires du midi, des bate•
leurs charmer des coqs en leur plaçant le bee s~r
une planche, et en traçant uno ligne noire sur le
prolongement de la crête. Au bout de quelques. ins-
tants, le coq tombe en catalepsie et reste dans l'atti-
tude où on l'a mis (2).
En 1646, le Père Kircher faisait connaître un
moyen analogue de rendl·e les poules catalept iques.
On leur lie les pattes, on les pose sur le sol, et quand.
après s'être débattues en vain, elles ent1·ent de guerre
lasse dans une immobi lité complète, il suffit de tirer
sur le sol avec de la craie une ligne droite qui parte
de l'œil de l'oiseau. On peut ensuite le délier, il sera.
incapable de sortir de son immobilité.
Ozermak a obtenu les mêmes résultats sur d'au-
tres petits animaux, notamment sur des écrevisses.
,·
l) Voyez Science et nature, 1881, tome I, p. 166, et Brebm,
Merveilles de la nature, lea Reptiles, édition Sauvage. Paris, 1886.
12) L. Figuier, loc. cit., p. 396.
1.
' .
."
·120 MAGNi:TISME ET HYPNOTISME
(t) BêrUlon;
.. ' .
·awnoti8me e:cpérimental. Thèse de Paris, !88i.
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYP1110TISME 123
tisme) est produit par un bruit intense · et subit,
l'éclaf·a'une vive lumière , la fixation d'un objet
brillant, ou tout autre procédé . On peut le produire
encore chez un sujet en état de léthargi e en lui ou-
vrant les yeux dans un lieu éclairé.
Le trait le plus saillant de l'état cataleptique, dit 1\1. Char-
cot, c'est, on peut le dire, l'immobilité. Le sujet eataleptisé,
alors même qu'on l'a placé debout, dans une attitude forcée,
se maintient en parfait équilibre et semble comme pétriflé.
Les yeux sont ouverts, le regard fixe, la physionomie im-
passible.
Par suite de l'immobilité des paupières,~les larmes
s'écoule nt sur les joues. La respirat ion l'evient plus
rare et moins profonde.
Les membres soulevés ou fléchis par l'opérat eur
n'offren t aucune résistance et semblen t d'une légè-
' reté extraordinaire ; ils prennen t et gardent .: fort
longtemps (tj les attitudes même les plus bizarres
et les moins naturelles dans lesquell es on les :place
(t) l\f. P. Richer conclut de ses expérienc es que les catalep-
tiques ne gardent guère plus longtemps les attitudes communi-
quées que ne pourrait le faire un homme vige>ureux et très bien
musclé, ce qui, fait-il remarquer , pour des hystériqu es peu mus-
clées et parfois amyosthéniques est déjà considéra ble. « Au ;bout
de dix à quinze minutes, le membre étendu commence à des-
cendre, et au bout de vingt à vingt-cinq mi11utes au maximum
il est retombé dans la verticale. »
L'espace de temps penùant lequel le cataleptiq ue garde l'atti-
tude ùounée n'est ùonc pas le criterium de la. simulation. Il faut
le chercher ailleurs: chez le cataleptiq ue, la contraction muscu-
laire ne donne lieu à aucune oscillation, la respira.tio1.. n'est pas
modifiéé. Chez le simulateur, un tremblem ent de·plu,.,·· en plus
acccntll' envahit le membre étendu, et la respiration s'ac~êlère et
devient irrégulière . Le cataleptique ne connait pas la fatigue : le
simulateu r au contraire la subit manifestement ainsi que l'indl...
quent les tracés myographiques et pneumograplliq11es. (Éluclea
cliniques s~r. l'hystdro-tlpilfpsie, 20 édition,.. p. 61.5.)
f 24 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
..
.
<
. .•
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYPNOTISME 125
L'hystérique en catalepsie est une statue. mais
une sta.tue à qui l'opérateur peut communiquer une
sorte de vie. Si, en effet, la peau est frappée d'insen- ·
sibilité absolue, les sens gardent un certain degré
rl'impressionnabilité, de telle sorte qu'en les exci-
tant par suggestion, on peut transformer la statue en
automate, lui inspirer certaines idées et lui fai:re
exécuter des mouvements plus ou moins complexes
en r~pport avec elles·. Abandonné à lui-même le
sujet cataleptique retombe dans son immobilité
••
prem1e1·e.
Nous verrons tout à l'heure que la caractéristique
de la période léthargique est l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire. Dans · la catalepsie, M. P. Ri-
cher (f) a observé le phénomène absolument inverse,
c'est~à-dire la possibilité de pr~voquer pendant l'é- ·
tat cataleptiqne, le relàcheme ft musculaire et la
paralysie. Dans les cas les plus favorables, la para-
lysie peut être localisée à un seul muscle ou à· un
groupe musculaire. Au début des expériences, le
phénomène se montre plus diffus, et une excitation
portée sur un seul point d'un membre détermine la
paralysie de ce membre tout entier. L'effet de cette
paralysie, étant donné l'état spécial du système
musculaire dans la eatalepsie, produit une simple
modification dans l'attitude du membre et non sa
flaccidité. Par exemple, le bras étan ~ fléchi, si on
provoque la paralysie des fléchisseurs, l'action an-
tagoniste àes extenseurs mettra le membre en ex-
tension. Cependant, par une excitation prolongée,
l'état de flaccidité peut être obtenu, et la paralysie,
/)
.: t J
Il
CUJ.J.SRl\8. 8
i 34 MAGNÉTISME .ET HYPNOTISMB
J.
Seulement, les procédés qui i·éussissent dans un
état ne réussissent pas dans l'autre. Ainsi, dans la
léthargie, c'est la pression des masses musculaires
ou un choc sur le nerf : ces moyens sont impuis-,
sants dans la catalepsie, mais le vent d'un soumet,
une goutte d'éther dans la gouttiè1·e. épitrochléenne,
par exemple, réussissent à déterminer la griffe cu-
bitale. L'applicati on de ces mêmes agents, renou-
velée, défait les contractures produites. Dans une
phase intermédiaire, catalepto-l éthargique , les deux
01·dres de m·oyens sont capables d'agir et même de se
!'emplacer pour faire et défaire la contracture (1).
Un de ses élèves, M. Magriin, a soutenu les mêmes
idées. Nous allons résumer quelques.u nes des expé-
riences relatées dans son travail (2).
Chez une hystéro .. épileptique en état somnam-
bulique, l'attouchement léger d'une zone cutanée
de la . jambe détermine la contracture du muscle
~ cor.respondant, et le pied, fléchi et renYersé en de-
dans, se trouve immobilisé dans cette position.
On déter1nine à volonté, par le même procédé, la
contracture des muscles des bras et de la face.
Des excitations encore plus légères, le bruit pro-
duit par le tic tac d'une montre, par exemple~ déter-
minent le même pl1énomêne. On se sert d'un t.ube
de caoutchouc long de huit à dix mètres et dont l'un
des bouts est inuni d'un porte-voix. On approche
l'extrémité libre du tube de telle ou telle région du
corps du sujet mis préalablement eu élat de som-
nambulisme, tandis que la montre est approchée
{i) Dumontpa11i~r, Socit!lt! de Diolo,qic, séance du 4 marf' t8S2.
(2) P. ~1 nguiu, Elude ctinique et c.1:pt!rimenlale suJ• l'/ivpnolisme,
Paris, i.8S•.
j
J,
PHÉNOMÈNES GÉNJtRAUX DE L'HYPNOTISME 135
du porte-voix. La contracture apparaît aus$itôt dans
.les muscles sous-jacents à la zone cutané~ excitée,
et cela par mouvemen ts saccadés, isochrones au tic
tac de la montre. Des expériences de même genre
ont été faites à l'aide du téléphone et du micro·
phone; et les vibrations si peu intenses de ces ins• •,
truments ont déterminé des contractions muscu·
!aires.
Avec la lumière d'une lampe de Drummond, ou
la lumière solaire réfléchie par un miroir, les expé-
rimentateu rs ont obtenu des résultats identiques .
En dirigeant un rayon lumineux sur telle ou
telle région musculaire , ils en ont immédiate ment
déterminé la contractur e.
La chaleur agit de même. Une goutte d'eau tiède,
déposée sur la peau au niveau d'un muscle, le fait
immédiate ment se contracturer.
M. Magnin conclut de ces expériences que aans
la pé1•iode de somnambulisme, « des excitations infi-
niment faibles peuvent donner naissance à des con-
tractures intenses et localisées (1). »
De même, dans l'état cataleptique, il a toujours
pu produire chez ses malades des contracture s in-
tenses et localisées. Des divers agents physiques
employés, le soufile, le plus léger courant d'air,
semble avoir l'action la plus efficace : dirigé sur un
point du tégument détern1iné, on voit aussitôt se
produire la contracture du muscle ou du groupe de
muscles sous-jacents.
Enfin, dans la période léthargique, la contractur e
s obtient non seulen1enL par des excitations vives
.
;.,.
PHÉNOMÈ NES GÉNÉRAU X DE L'HYPNOTJSl\CE f 39
tienne, et la friction ou le massage des muscles pro-
.duit toujours la résolutio n du membre ainsi con..
tracturé .
L'état cataleptoide se manifeste également dans
le somnam bulisme , comme nous l'avons vu en étu-
diant cette période du sommeil provoqué : il ne dif-
fère du précédent qu'en ce qu'il coexiste chez le
sujet avec les symptôm es ordinair es de l'état .som-
nambul ique ( 1).
· Les états mixtes sont admis également par
MM. Dumont pallier et Maguin (2).
Ce ne sont 1à, dit le dernier de oes auteurs, que des
phases interméd iaires, les traits d'union entre les précé-
dents, et, en somme, tous les états différents décrits dans
l'hypnose ne sont que des degrés d'une même affection, de-
grés entre lesquels il ne saurait y avoir de transition
brusque. L'hypnot.isme doit être envisagé., comme un pro-
cessus essentiell ement progressi f, et depuis l'état de veille
jusqu'à la léthargie qui nous semble être le degré le plus
profond du sommeil provoqué , on observe tous les inter-
médiaire s; soit du moins au plus et sans parler des périodes
mixtes, le somnamb ulisme et la catalepsie. Cela est si vrai
qu ·on peut, au moyen d'une même excitation suffisammen,
prolongé e, faire passer le sujet de l'état de veille à l'état
somnamb ulique, puis insensibl ement à l'état cataleptiq uet
et de là, enfin, à rétat léthargiq ue (3).
Ces idées, comme on le voit, diffèrent notable-
ment de celles des observa teurs précédents. M. Du-
montpal lier a insisté à plusieur s .reprises sur l'exis•
,
(f.) P. Ric!ler, loc. cit. ·
(2) Dumontpa llier et !tlagnin, Co"!-ptea rendus de la Soci~ld de
Biologie, i882. ~· " ·
(3) P. l\fagnio, É~ude clinique ete~périmentale sur l'hvpnotisme,
Paris, !88~. · ·
f40 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
tence de;nombreuses phases intermédiaire~ entre
les trois états tranchés décrits par M. Charco\. Dans
ses communications à la Société de Biologie, il a
cherché notamment à établir les rapports, suivant
lui très directs, qui unissent le somnambulisme et
la catalepsie. Ainsi, sur une malade somnambu-
lique, une pression légère exercée sur le vertex
amène la catalepsie: et la même pression répétée
· quelque temps après fait apparaître de nouveau
l'état somnambulique (1). Ainsi la même cause fait
et.défait son œuvre qui, dans les deux cas, ne peut
évidemment différer que par de simples nuances.
Quoi qu'il en soit, nous croyons que pour l'étude,
la classification du professeur Charcot doit être con-
servée, quand bien mème elle ne s'appliquerait qu'à
un petit nombre de cas seulement. On peut dire
qu,eUe a fait faire un grand progrès à l'élude de la
somniation provoquée, et jeté une vive lumière sur
beaucoup de faits obcurs et fugitifs dont la connais-
sance jusqu'alors purement empirique n'avait été
d,aucune utilité pour les progrès de la science.
IV
En dehors de ces symptômes somatiques en quel-
que sorte fondamentaux de l'hypnose provoquée
chez les hystériques, les expérimentateurs, pour ..
suivant le cours de leurs reche1·ches, en ont signalé
d'autres.encore plus surprenants.
C'est d'abord la possibili~é d;influencer le cerveau
·.chez les sujets hypnotisés, soit directement à tra-
..
(t) Socitt4 de 1Jiolo9ie, 25 février 188~.
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYP.NOTISM'B f 4f
vers la boîte crânie nne, soit indirectement. par une
action réflexe dont le mécanisme n'est par connu.
Par exemp le, l'excitation de certaines parties du
crâne Ott simple ment du cuir chevel u, chez les P,ys-
tériqu es hypnotiques, réagit sur le système muscu - .
laire du corps, de façon à détermine1· des contra c-
tions en rappor t avec la région excitée.
M. Charcot s'est servi du courant galvanique pour
faire ses expéri ences. Le tampon positif était placé ·
sur le crâne, au niveau des régions motrices, et:le
négati f sur le sternu m; ou bien encore le positif était
mis en rappor t avec la partie supéri eure de la zone
motric e, et le négatif soit devant, soit derrièr e l'o·
reille. Si pendant l'état létharg ique on faisait pas·
ser le couran t dans ces conditions, il se produisait,
sans réveil du sujet, soit à rinterr uption , soit à l'ou-
verture, une secous se très nette, le plus souvent
dans la partie opposée du corps à l'application du
tampo n positif ; quelqu efois dans le même côté.
Che~ quelques malade s, ce mode de galvanisation
céphal ique a pu provoque~ les mêmes phénom ènes
à l'état de veille. M. Charcot avait d'abord pensé,
pour expliq uer ces faits, à invoqu er l'hyper excita•
bilité des région s motric es du cervea u; mais le fait
que les contra ctions galvaniques peuvent se pro-
duire du même côté que l'excitation est contraire à
cette maniè re de voir (1), ce qui l'a détourné d'ac-
cepter cette explication. Peut-ê tre s'agit-il d'une
action réflexe provoquée par l'excitation de la d:ure. .
mère cérébr ale. ·
~ ·' G . '
1
V
Un deuxième ordre de faits nouveaux sont ceux
0
.1
f 48 MAC:rNÉ'rlSME ET HY!>NOT1Sà1E
VI
mènes hypn otiq ues pris isolément peuv ent être auss i l
tran sfér és, com me les cont ractt ires de la péri ode lé·
t
1) ,
...t~
thargique~ les attit udes de la péri ode cata lepti que, ;·
ou les désordres fonctionnels, hallu cina tion s, impu l- . ,~
(t) Ch. Féré et A. Binet, Note pour servir lt t•histofre du trans- l'
.. '
fert che~ les hypnotiaues (P1·oorès médical, i2 juillet i.884.) f
,•.
· 150 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
·tisme de se produire. M. Dumontpallier a remarqué
que l'application d'un métal approprié empêc:Jlait la
production des phénomènes hypnotiques. Si Ji. ma-
lade était endormie, l'application métallique la l'é-
veillait et ramenait la sensibilité (1).
VII
•
1. - Objet <lu chapitre. - Etat des sens et Je l'intelligence dans la léfbargie.
1. - Dans la catalepsie la sensibilité gônéralo est abolie, la sensibilité spé-
ciale est en partie conservée. - Persistance du sens musculaire. -
Suggestions p1·ovoquécs par son intermédiaire: attitudes passion-
nelles suivies d'un jeu de la physionomie approprié, et inversement. (
Il
Dans l'état cataleptique, la sensibilité générale
est encore complètement abolie; quant à la sensibi. .
lité spéciale, elle est très variable, suivant les sujets.
Ceux chez qui elle est supprimée ne peuvent être
influencés; un certain nombre de ceux dont les sens
restent au moins partiellement ouverts aux impres ...
sions extérieures, peuvent recevoir des suggestions
par leur entremise.
Le sens musculaire étant conservé, c'est par son ·
',_
intermédiaire qu'il est généralement le plus facile 1
·--).
.," -
~
t56 MAGNÉ'l'JSME ET HYPNOTISME
l
PHÉNOMÈNES GgNÉRAUX DE L'HYPNOTISME 159
ces de ce fait sont importantes, si l'on veut bien
observer que le sujet ne conserve aucun souve-
nir de ce qu'on lui a fait faire pendant le som-
meil cataleptique.
La musique semble avoir une grande action sur
!'hypnot isé cataleptique qui prend ~ussitôt l'attitud e
en rapport avec son geilre a•expression, dansant si
c'est une musique joyeuse , se jetant à genoux dans
une pose de prière. si c'est un air religieux, passant
soudain ement d'une attitude à l'autre, si la musique
cl1ange elle-même brusquement de caractè1·e. .
On peut encore dans ce même état provoqu er une
série d'actes automatiques qui relèvent de l'imita-
tion. Si l'on exécute devant le ~ataleptique en état
de fascination un acte quelcon que, on le verra le
répéter ponctuellement, quelle qu'en soit la nature.
On le fera rire, siffler, montrer la langue, faire un
pied de nez. Bizarre, ridicule ou dangere ux, l'acte
suggéré n'en sera pas moins exécuté avec une pono-
tualité, une précision absolue s.
Nous ne croyons pas devoir insister sur la des-
cription de ces manifes tations hypnoti ques, qui
n'ont rien de bien spécial, et que nous retrouverons
un peu plus tard avec tous les développements né--
cessaires.
III
.IV
Dans le somnambulisme provoqué, l'insensibilité
à la douleur, l'analgésie, est la règle. Cependant il
y a de fréquentes exceptions : quelquefois elle est
seulement partielle, ou bien on la constate dans
une expérience et elle manque dans une autre chez
le même sujet. Dans quelques cas, la sensibilité à
la douleur causée par une piqûre, un pincement,
peut être considérablement exaltée comme les au·
tres modes de sensibilité.
Braid (1) a constaté chez un grand nombre de
(1) Braid, Trait~ du sommeilnerveu:c ou hypnotisme, traduction
Jules Simon, Paris, 1883.
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYPNOTISME f63
ses sujets d'expérience une excitation extrême des
sens à l'exception de la vue. Les mensurations aux-
quelles il s'est livré lui ont permis de constater
que l'ouïe est environ douze fois plus sensible
qu'à l'état normal,
L'odorat, dit-il, est également exalté à un
point extraor-
dinaire; une dame put suivre une rose que l'on tenait éloi-
gnée d'elle de quarante-six pieds. Ceci n'expliquerait-il pas
Je fait que rapporte le or Elliotson de son sujet Okey, qui
pouvait reconnaitre l'odeur particulière des malades in m·-
ticulo mortis?
L'hyperesthésie tactile est si considérable que le
contact le plus léger est ressenti, et fait entrer aus-
sitôt les muscles en action. Les sensations de cha-
leur, de froid et de résistance sont aussi exaltées à
un degré suffisamment élevé pour permettre au sujet
de sentir quoi que ce soit sans contact immédiat.
Qu'on répande, par exemple, sur une table un par-
fum pénétrant, le patient s'approchera pour le res-
pirer, mais il reculera avant d'arriver au contact du
froid du meuble. Si l'on met sur la table un mou-
choir imprégné du même parfum, il s'approchera le
plus possible; il s'éloignera de nouveau si l'on en-
lève le mouchoir, et ainsi de suite; ce phénomène
d'attraction et de répulsion pouvant être renouvelé
à volonté.
Pour M. Azam (1), l'hyperesthésie sensorielle est
extrême dans l'hypnotisme, sauf aussi pour la vue.
L'ouïe devient tellement fine qu'une conversation
peut être entendue à un étage 'infé1'Ïeur; le bruit
d'une montre est entendu à huit mètres de dis..
{i) Azam, Archives géndral,es de médecine, i860.
164 MAGNÉTISME ET HYPNOTISl\fE
V
Comme exemple authentique d'hyperesthésie sen·
· sorielle dans le somnambulisme, nous citerons le
fait que notre ami, le nr Tague t, a présenté à la
Socié té médico-psychologique, sous ce titre : « Hyp-
notisme avec hype1·esthésie de la vue et de l'odo-
rat (2). »
11 s'agit d'une jeune fille qui, dès son enfance,
avait présenté les caractères habit uels de l'hys térie
constitutionnelle. A dix-neuf ans, elle eut pour la
première fois de~ attaques franches d'hys téro-é pi..
lepsie. Après de nombreuses tentatives iufru c-
tue1:lses, on parvint à l'hypnotiser. C'est alors que
(t) Chambard, loc. cit.
(2) Annales m~dico-psyr:hologiques, t. Ior, t884.
PHtNCMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYPNOTISME 169
M. Taguet fit, au point de vue de l'hyperesthésie
sensorielle dans le somnambulisme, les curieuses
observat.ions qui vont suivre.
Voici d'abord ce qui concerne l'exaltation de l'a-
cuité visuelle :
Pendant que Noëlie est en crise convulsive, en catalepsie
ou en léthargie, que nous déterminons à volonté et succes-
sivement par la pression, à des degrés divers, de la même
zone ou de zones différentes, nous imprimons sur son vi-
sage un certain nombre de taches au crayon ou à rencre,
les unes très nettes, les autres à peine perceptibles. Cela
fait, nous l'endormons par la compression des opercules de
l'oreille. Après avoir placé devant ses yeux un des objets
dont nous venons de parler pour opérer la prise du regard>
un carton si l'on veut, nous réveillons (t) la malade par
le procédé indiqué. Ses~ 1eux ont à peine rencontré le
plan du carton qu'elle s'étonne d'avoir la figure sale et ef-
face une à une toutes les taches dont nous avons maculé
son visage, se servant dù corps opaque comme d'une vérita-
ble glace. Les e1npreintes qui ne viennent pas se réfléchir
directement dans un point déterminé du miroir ne sont pas
perçues, à moins que celui-ci ne soit élevé ou abaissé, ou
que l'on ne porte la tète de la malade soit à droite, soit
à gauche, suivant le cas, le regard restant attaché sur
l'écran. Nous tenons au-dessus ou bien en arrière de sa.
tête, mais de telle sorte qu'ils se trouvent dans le champ du
carton, divers objets, tels qu'une bague, une montre, une
pipe, de petits bonshom1nes en papier, un crayon, une pièce
de n101111aie, etc.; elle ne tarde pas à les apercevoir, elle
et1 décrit la forme, la couleur. Nous ferons remarquer qu'il
existe toujours un certain retard dans la perception des ob-
jets : c'est ainsi que si nous subsLituons brusquement une
tO.
. t74 MAGNÉTISME ET HYPNOTJS~IE
les objets dont elle ne trouve pas les propriétaires et va en-
suite à leur recherche lorsque sa distribution est terminée.
Cette répartition, il faut le reconnaitre, laisse parfois à. dé-
sirer, et si elle arrive, le plus souvent, à corriger son erreur
en allant reprendre un objet indûment donné, il lui arrive
.également de ~e tromper d'une manière complète, ou de
{.?arder l'objet ne sachant plus à qui le remettre, après avoir
flairé à plusieurs reprises tout le monde. Dans ces moments,
elJe n'oppose aucune résistance et ne fuit aucune difficulté
à nous abandonner un bien qui ne lui appartient pas, se
con~entant <le nous prier de le remettre à qui de droit, si
nous ne tenons pas à engager notre conscience.
Cette distribulion sera d'autant plus facile que les objets
seront moins non1breux, que les personnes lui seront plus
familières. L'hyperesthésie de l'odorat, tout comme celle de
la vue, a ses Jimites, et après un te1nps variable excédant.
rarement une demi-heure, il survien_t une fatigue excessive~
des tremblements et <les nausées.
Au réveiJ, Noëlie n'a conservé aucun souvenir <les expé-
riences auxquelles elle a été soumise. Elle ne manifeste
aucune surprise de se trouver à moitié habillée sur son lit~
entourée d'étrangers qu'elle tutoie. A l'état de sommeit
comme à l'état de veille, l'anesthésie des membres du tron~
et de la tête reste complète.
Il y a lieu de re111arquer que cette double hyper-
esthésie sensorielle ne marche jamais de front~
l'une fait place à l'autre; et pendant qu'elles exis-
tent tous les autres sens paraissent abolis. Il semble
que toute la puissance d'action dont est susceptible
le système nerveux soit accaparée momentanément
par les sens dont l'acuité est exaliée à un degré si
extraordinaire.
VI
Dans l'état de son1nambulismc parfait, le sujet
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYPNOTISME
175
n'a aucune conscience des lieux où il. est, . ni des ,,
..
personnes et des objets q11i l'entou1·ent, et il ne con·
serve au réveil aucun ; souvenir des expériences
auxquelles il a été soun1is. Comme nous le verrons
dan s un chapitre ulté rieu r, cet état de somnambu-
lism e parfait est loin d'ê tre toujours atteint, chez
les hypnotisés, ce qui explique les divergences des
auteurs sur ce point. Admettons que des deux parts
on puisse avoir raison, les uns basant leu r opinion
sur l'observation qu'ils ont faite de cas types, dans
lesquels tout souvenir de la période somnambulique
est absent, les autres se fondant sur ce que, dans
certains états mixtes, ils ont constaté qu' au réveil,
les suj ets avaient affirmé s'être rendu compte d'u ne
façon plus ou moins confuse de ce qu'ils avaient
éprouvé.
Bien que sa conscience soit plus ou moins obs -
curcie, et qu'il ait per du la notion de son pro pre
état, au point de ·ref use r énergiquement de se sou-
mettre aux pratiques hypnotiques alors qu'il est.
plongé dans une somniation profonde, l'individu
en éta t de somnambulisme provoqué a conservé le
souvenir de sa vie·n~rmale, et même de ses accès
de somnambulisme antérieur. La ~émoire est par-
fois surexcitée d'une façon extraordinaire; et
comme dans le rêve, les impressions, les images,
les idées, enfouies dep uis un temps ind éfin i dan s
les profondeurs du souvenir, émergent en foule et
. se pressent, confuséip.ent parfois, dans la pensée du
malade. Il suffit de lire une fois devant cer tain es
fiomna1nbules hystériques de longs passages d'u n
livre pour qu'elles les répètent ene uite avec une
sùreté de mémoire pa1'faite.
,
176 MAGNETISME ET HYPNOTISME
Un jeune homme en état de somnambulisme provoqué, à
, ·"-" · · qui on avait dicté u~e page d'écriture en ayant soin de lui
soustraire, au fur et à mesure qu'il écriv~it, les feuilles de
papier placées devant lui, ponctuait et relisait imperturba-
blement le texte entier, n'ayant à la main qu'une feuille
blanche, qu'il croyait couverte de son écriture(!).
Une malade de M. Ch. Richet, qui chantait l'air du
deuxième acte de l'Af1•icaine pendant son sommeil, fut in-
capable d'en retrouver une seule note une fois réveillée.
Les autres facultés peuvent être excitées égale-
ment ou même perverties. On a observé chez les
hypnotisés somnambules, non seulement des rêves
analogues au rêve physiologique, mais de véritables
accès de délire.
M. Bernheim rapporte l'observation d'une jeune
fille hystérique qu'il hypnotisa pendant longtemps,
avec laquelle il ne put jamais se maintenir en rap-
port et qui se montrait indifférente aux suggestions
qu'il voulait lui donner en dehoFs d'un certain ordre
d'idées. A peine endormie, elle se mettait à rêver.
Ainsi, par exemple, elle se croyait chez sa mère, et
dès ce moment s'organisait dans son esprit un rêve
tout entier dérivé de cette idée principale. L'opéra-
teur pouvait intervenir par suggestions dans cette
direction, mais dans toute autre, ses tentatives res-
taient infructueuses. Si on l'abandonnait à elle-
même, son rêve continuait à dérouler ses péripéties,
et la malade à son réveil le racontait non seulement
avec les particularités suggérées, mais avec celles
qui s'étaient spontanément développées dans son·
esprit. ~
MM. Charcot et Richer citent l'observation d'une
1
.i
(t) Bottey, Magnétisme animal.
PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX DE L'HYPNOTISME 177
hystérique chez qui les pratiques d'hypnotisation
déterminaient des accès de délire. Oe délire était
parfois incohérent, d'autres fois roulait sur des
sujets variés se rapportant aux incidents qui ont
marqué la vie de la malade; mais il pouvait en outre
être provoqué et conduit dans la direction qu'il plai-
sait à l'observateur de lui donner.
Une de nos malades, épileptique non habituelle-
ment aliénée, mais présentant à des intervalles très
éloignés des accès de délire consécutif à des séries
d'accès convulsifs, hypnotisée un jour par nous, ne
tarda pas à tomber dans un état de somnambulisme
léger. Pendant quelques instants nous essayâmes
sans trop de succès de lui imposer diverses sugges-
tions. Peu à peu, on vit se manifester chez elle une
certaine excitation ; un rire spasmodique la secoua,
des paroles incohérentes sortirent de ses lèvres ;
elle se mit à nous tutoyer, à nous apostropher de la
façon la plus incon,renante ; enfin un véritable accès
maniaque se déclara. C'était un spectacle singulier
que cette fille qui délirait, étendue sur une chaise,
les membres flasques, les paupières closes et frap-
pées d'un spasme tel que, lorsque après une rheure
environ d'hypnotisation nous la réveillâmes, il fallut
pour les empêcher de se contracter de nouveau les
maintenir ouvertes quelques instants avec les doigts.
Cependant, malgré le réveil, le délire persista spon.
tanément jusqu'au soir.
· Le6 lendemain, la malade revenue à elle-même,
s'excusan• de ses incivilités de la veille, nous
raconta qu'elle avait eu une interminable alterca-
tion avec une personne qu'elle prenait pour son
frère et qui n'était autre que nous, ce qui expliquait
f 78 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
II
,..c:.
.Fig. f3. - Suggestions chez UDleune sw.jet, ballucÏnations provoquées.
>.
0
c!::
Q)
"'::
0
0
~
•O
'd
4>
' :.d
Q.
d
S..
en
....:.
Q
.c:
a.
«>
d •
=1=
°',.. ,dc2
4) Q;>
a. ()
~ 0
;, ~
.. oQ:I
.1 Q
s= 4)
))
e- .ci
o.
œ
~
0$
-N .0,
"'
~
Q) 0
.c:~
~ i:lc
4>
c:I
....ces
-"'
'G>
CIS
-.,
'd
>
CIS
4>
....
~
r:l
1
11')
•
~
.
....~eo
1
Fig. 16. - Ivresse (alcool de vin), d'après une photographie de M. Gode t>OJ•
photographe à Rochefort.
·.
IV
•,,
LA SUGGESTION HYPNOTIQUE 217
quoi je viens, dit-elle, il fait un temps horrible. J'avais du
monde chez moi. J'ai couru pour venir ici etje n'ai pas le
te1nps de rester; il faut que je reparte dans quelques
instants. C'est absurde ; je ne comprends pas pourquoi je
suis venue (i ). »
De nombreux exemples de ce genre se trouvent
dans le travail du même auteur et dans ceux que
nous avons précédemment cités.
A une dame en somnambulisme, 1\1. Liégeois dit: «Dans
quatre jours, vous irez chez Mme S... , vous la trouverez
dans sa salle à manger, vous irez à telle armoire, ivous y
prendrez un verre de liqueur, puis vous vous moquerez de
sa petite fille qui sera bizarrement vêtue. » A son réveil, le
sujet n'a conservé aucun souvenir de cette suggestion. Au
jour et à l'heure dits, elle met ponctuellement à exécution
les actes qui lui ont été ordonnés et elle éclate de rire,
.·
en voyant l'enfant de Mille S.•. qui, vêtue de gris, lui sem-
blait affublée d'une robe rouge et d'une toque verte.
Enfin il est ],)Ossible dans l'état somnambulique
de suggérer des idées fixes, des impulsions irrésis-
tibles auxquelles le sujet, après son réveil, obéira
avec. une précision absolue. Le nr Taguet raconte
ce qui suit dans l'observation de la malade dont
nous avons parlé dans un chapitre précédent:
« Nous lui ordonnons un jour de se rendre à la préfec-
ture, de monter au deuxième étage, de forcer la première
porte qu'elle rencontrera et de décharger un revolver sur
les personnes présentes; au moment où nous allions la
réveiller, elle nous arrête et nous dit qu'il lui sera in1pos-
sible d'accomplir l'ordre donné; qu'elle attend l'arme
annoncée, et nous prie de lui indiquer le jour eL l'heure.
Notre ordre imprudent, s'il avait été complet, aurait pu
~t ', ,,· • 1
l
"• ~~.. ~ r '
"~:
'"'.f. -·~-'li
it... .
'
~
'
~' )<' ..'~
··~: :.. .
.1 dfr_..,,'
. . .
:;
1 • ' .... ~ ••
I ·:- 1)''
I~- . ·: ~~~· ~,f:/
.
.
- .•
.
.
. .. \~~
f\
,. ~
··-...\.• ;t;',•,...;,
y·'
. .. - .
.• .
''
'
···~·
... .
-. ...'. '
-
_, ' .
....
. 1 ,I'
,.• ',,
,, ·
.~
!·
~·
.•
I 'J • '
l~
,.,
i ' "
: . l
\,
/
) • ·' .. ,j
...
CIIAPITRE VIII
•
LA. SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE
, L'ÉTAT DE FASCINATION
'!
I
·I
!
Dans le chapitre p~écédent nous avons montré 1
1
220 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
la mémoire, leur procurer des hallucinations de
tous les sens.
Chez quelques sujets, ce léger degré d'hypnose
n'es t mêm e pas nécessail'e. Beaucoup d'individus
qui ont été hypnotisés d'avance, ne fût-ce qu'u n
très pet it nombre de fois, peuvent, à l'état de veille,
recevoir les mêmes suggestions, et, sous leur
infl uen ce; réagir au moins en partie comme dans la
péri ode so~nambulique. Bien plus, certaines per -
son nes se sont montrées susceptibles de recevoir des
sug gest ions san s hyp noti sati ons préa labl es, san s
JD.ême être sensibles aux procédés hypnogéniques.
Le nombre
., des suggestions dont sont passibles ces
derniers est, on le comprend, très rest rein t; il l'es t
moins déjà chez les personnes qui ont sub i deux .ou
trois hyp noti sati ons ; il devient très considérable
chez les indi vidu s don t le système nerv eux a été
profondément modifié par la prat ique répété~ de
l'hy pno tism e. · ·
Quelque·s fait s analogues aux phé nom ène s sug -
gérés pendant l'éta t de veille ont été recu eilli s par
la pathologie. En 1869, Russel Reynolds (1) appelait
l'att enti on sur les para lysi es causées par la seule
ima gina tion . Une jeun e dame, q·ui avait eu à sup-
por ter de grands reve rs et qui s'était épuisée à soi-
gne r un père para lysé , éprouva des douleurs dans
les jambes et s'im agin a qu'elle allait €t1·e para lysé e
à- son t-0ur : elle ne tarda pas, en effet, à contracter
une para lysi e totale, qui gué rit au bout de quelques
jour s sou s l'influence ·des toniques, des frictions,
( i) Russel Reynolds, Remarks on pa1·alysis and otker disorder1
of motion and seMation.dependent on idea. (B1·itish. med.journ.,
nov. i869.) . · ..
LA SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE 221
de la faradisation, et de l'assurance donnée par le
médecin que la guérison allait survenir.
Erb \1), en 1878, signalait aussi certains phéno-
mènes nerveux, paralysies , contractur es, douleurs,
qui peuvent se développe r spontaném ent sous l'in- '
'
iluence d'une idée ou d'une émotion. · i
M. Bernheim a traité, avec de nombreux détails,
de la possibilité de produire, chez l'hypnotique
éveillé, des phénomèn es en tout semblables , quoi-
que moins variés peut-être, à ceux qui sont obtenus
chez les somnambu liques.
M. Dumo~tpallier (2), étudiant l'effet des sugges-
tions à l'état de veille, a reconnu que les expé;;-
rien.ces de M. Bernheim étaient exactes, et qu'on
pouvait obtenir à volonté des transferts de la sensi-.
1
II
. . ..
.
..
,.., '
!.' j
i •••
·:·i"
' -
l
,
228 ~IAGNETISME ET HYPNOT ISME
III
,;
1 Ces phéno mènes pourro nt parattr e bien ext.raor-
dinaire s. Cepen dant qu'on veuille bien observer que
1 .
'l
1.
1
"
de l'entra îneme nt produi t par l'habit ude de l'hypno-
tisation ; ou bien il est modifié par un état névropa-
thique préexi stant, tel que l'hysté rie par exen1ple.
'
Certain s délires partiel s se dévelo ppent par un mé-
1:
canism e qui, n'est pas sans rappor t avec celui de la
sugges tion à l'état de veille. Au lieu de venir de
l'ext~rieur, comm e dans ce cas, une idée singuli ère
·naît sponta nén1en t dans l'espri t : elle s'y trouve
'~
A A '
/
\ •
i .,l
i
coup de bonne volonté pour trouver dans quelqu es- ·•
c
IV
V
Empruntons à l'auteur, en les résumant, quelques·
uns de ses exemples :
M·. z... est fasciné par le regard : les phénomènes physio-
., LA. SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE 239
logiques annoncés se produisent; ses yeux sont rivés sur .
ceux de l'opérateur. Ce dernier recule, il le suit, la tète
projetée en avant, les ép~ules remontées, les bras pendanLs
et immobiles. Sa physionomie est sans expression, ses
yeux sont fixes, ses traits figés; pas un mouvement, pas un
geste. «Parlez-lui, il ne vous répondra pas; insultez-le, pas.
une fibre de son visage ne tressaillira; frappez-le, il ne sen-'
tira pas la. douleur. » Cependant le sujet a conscience de
son état, il ne perd rien de ce qui se dit ou se passe autour
de lui, et, revenu à l'état normal, il rendra. compte de tout
ee qu'il a éprouvé.
Cet état rappelle la catalepsie, dont il est d'ailleurs .
très voisin, et qui le suit immédiate ment, pour peu
que l'excitation visuelle qui l'a produit augmente
un peu d'intensité. Si on dirige l'œil d'un sujet mis
en fascination par le regard vers une lumière vive,
l'état se modifie immédiate ment; la face, d'empour-
prée qu'elle était, devient pâle, l'œil demeure fixe,
perdu dans une véritable extase; les membres, im-
mobiles le long du corps, peuvent recevoir et con-
server les positions qu·on voudra leur donner.
Mais, tout en rappelant la ca.talepsie, il n'est pas
non plus sans analogie, au point de vue psychique ,
avec le degré de somnambulisme imparfait a·ans
lequel, bien que la conscience soit conservée, le
sujet obéit automatiquement aux injonctions de
l'opérateur. Citons encore les expériences sui-
vantes (1):
Je prie M. C... de fermer vigoureusement le poing, et,
rélevant au-dessus de sa tête, de le faire tomber violem..
ment sur n1on épaule; tant que je ne le regarde pas, il
exécute ce mouvement avec une force qui fait honneur à sa
VI,
Il existe, à l'état spontané, une maladie du sys-
LA SUGGESTION A L'ÉTAT DE VEILLE 2~1
téme nerveux, connue sous diflërents noms, selon ·
les pays, et qui présente avec ces phénomènes d'imi-
. tation les analogies ,les plus curieuses.
Dans le l\ilaine (Etats-Unis), on désigne sous lP
nom de Jumping une affection qui se caractérise par
un automatisme de ce genre. L'excitabilité du pa.::.
tient est telle qu'à la moindre excitation, il fait un
saut, répète à haute voix l'ordre qu'on lui donne et
l'exécute irrésistiblement. - « 14,rappe, »dit-on à un
patient de ce genre, et il frappe en répétant l'ordre:
« Frappe! » - « Jette.! » u Jette! »dit-il, et se met
à jeter tout ce qu'il a à la main. Peu importe la lan-
gue employée; il répétera aussi bien du grec que du
latin ou toute autre langue, pourvu que l'ordre soit
donné d'un ton bref, et en quelques mots.
« En Malaisie, une des classes de névropathes dé·
signés sous le nom de latahs imitent les mots, sons
ou gestes de ceux qui les entourent, tout en jouis·
sant diun état mental parfaitement régulier dans
l'intervalle des accès. Un exemple entre autres.~.
Le cook d'un steamer était un latah des plus corsés. Il
berçaiL un jour, sur le pont d'un navire, son enfant dans
ses bras, lorsque survint un malelot qui se mit à 1:msLar
du cook, ù. be1·cer dans ses bras un billot de bois. Puis ce
1nateloL jeta son billot sur un tendelet, et s'amusa à le faire
rouler sur la toile, ce que fit immédiatement le cook avec
son enfant. Le matelot lâchant alors la toile laissa retom-
ber son billot sur le pont: le cook en fit de même pour son
petit garçon qrai se tua sur le coup.
En Sibérie, cette curieuse affection nerveuse est
connue également et désignée sous le non1 de My·
'l'iachit. Le Dr Han1mond (1) rapporte l'histoire d'un
(1) HammonJ, T1·ail1J des nialadies du .système nerveu:c, trad.
par Labadie Lagrave• .Paris, 1879...
Ccr.r.Enfl E.
(
'242 MAGNÉTJSME ET HYPNOTISME
VII
PHYSIOLOGIE DE L'HYPNOTISME
II
III
Pfg. 13. - Zone motrice, d'après Ferrier. - RR' sclsSUl'e de Rolando. Les
circonvolutions motrices sont marquées par les rates noires et les hachures
Terticales S, centre de la vision marqué par des hachures horizontales. -
s• centre de l'audition marqué par de nouvelles hachures 'fertlcales. (Fl·
gure empruntée à Lucas Championnière.)
c A
..fr
s,r ..
.F
E
pfo"
G
fig. 25, - Face externe du cerveau du singe ma~ot, d'ap1•ës Broca et Gro-
mier. Situation des centres moteurs d'après les expériences de Ferrier. -
ss, scissure de Sylvius. - sr, sillon de Rolando. - sef, sillon courbo fron-
tal. - spe, ~cissure · perpendiculaire ~sterne. - sp, scisSW'O parallèle. -
pfa, pli rrontal ascendant. - f, 2 et 3. premier, deuxième et troisième pli
frontal, - ppa, pli pariétal ascendant. - lppa, lobule du pli pariétal as-
cendant, - pmi, pli marginal inférieur. - pc, pli courbe. - lo, lobe occipi-
tal. - lor. lobe orbitaire. -A, centres pour les mouvements volontaires du
membre antérieur. - B, centres pour le membre postérieur. - C, mouve-"
ments de rotation de la tète et du cou. - D, mouvements des muscles de
· la face. - E, mouvements· de la langue, des mâchoires. - F, certains
mouvements des yeux, vision. - 'O, centre en rapport avec les mouvements
des oreilles et de l'audition.
F-
Fig. 26. - Situation probable Jcs centres moteurs chez l'homme. - F, lobe·
front11J. - 1>. lobe pariétal. - O, Jobe occipilal. - T, lobe temporal. -
t, centre des mouvements de la. laoguo et des mâchoires (langage articulé),
- 2, centre des mouvomcofs d11 membre supérieur. - 3, centre pour le
membre inférieur. - 4, centre pour les mouvements de la tête cl du: cou. -
5, centre pour les mouvements des lèvres (facial}. - 6 1 centre pour. l~s , )
mouvements des yeux.
,
Nous avons dit que dans le son1nambulisme et l.
•
les états encore plus avancés de l'hypnotisme la con- •
i
science était abolie. L'expression n'est pas absolu- f
"1
ment vraie, comme nous l'avons indiqué presque ·'!
'
i
· (l) D. }~errier, loc. cit.
t5.
i
J
262 MAGNÉTISME ET HYPNOTISME
'
VI
Comment doit-on considérer l'hypnotism e? Oomme
une maladie ou simplemen t comme une modifica-
tion passagère de l'organism e analogue à certaines
modifications physiologi ques, comme le sommeil,
par exemple? Les opinions sont, à ~ce sujet, assez
partagées.
Le professeur Charcot considère l'hypnotisme
comme une névrose expérimen tale (1).
D'après I\I. Paul Richer, l'hypnotism e est un
trouble du fonctionnement régulier de l'organism e
qui se confond avec la pr~disposition hystérique .
Etant admis que les phénomènes hypnotiqu es les
plus marqués se développen t chez les hystérique s
les plus hystérique s, il est légitime de faire de
l'hypnotisme une dépendance de la grande névrose.
Et de même que l'hystérie, dans ses formes atté·
nuées, se rencontre chez beaucoup de femmes et
quelques hommes, de même s'y rencontrer a l'hyp·
(i) Charcot, Acad~1nie des sciences, séance du 13 février i88J.
PHYSIOLOGIE DE L'HYPNOTISME 269
notisme, mai s dans ses formes imparfaites et plus
ou moins atté nuée s ( 1).
Pour M. Dum ontp allie r et ses élèves, l'hy pno -
tisme peut être considéré comme une névr ose expé ·
rin1entale à plusieurs degrés. M. Magnin dit en pro-
pres termes que les différents degrés de ·l'hy pno se
ne sont que des degrés d'une mêm e affection (2).
Pour MM. Ball et Chambard, il y a trois catégo-
ri~~ <le somnambules :
·10 Ceux qui jouissent, au moins en apparence, d•une
excellente sant é; 20 ceux qui sont manifestement névropa-
thiques; 3° ceux chez qui le somnambulisme n'est qu'u ne
manifestation symptomatique d'une maladie du cerveau ou
cle ses enveloppes. Chez ceux des deux dernières catégories,
il n'y a pas de doute qu'il ne s'agisse de véritables manifes-
tations pathologiques. Quant aux sujets de la première, en
ne considérant que les apparences, on pourrait hésiter, mais .
l'étude de leurs antécédents de famille vient. lever tous les
doutes: ce so~tdes névropathes, par conséquent des mala des.
Nous concluons donc, ajoutent les aute urs, en én1el-
tant celle proposition, que la plupart des sujets atteints de
son1nambulisme idiopathique ou remarquables par leur
grande sensibilité à l'action des agents hypnogéniques,
sont des névropathes, ainsi que. le montrent leurs antécé-
dents héréditaires, leurs antécédents personnels et une ana-
lyse soigneuse de leur état au moment n1ême où on les
soumet à l'observation (3).
Cette man ière de voil· n'est pas unanin1ement
partagée. San s qu~il se soit caLégoriquen1ent expli-
qué sur ce point, on peut pcnsc1· que l\I. Bernhein1
(1) P. Richer, Ilysléro-épilepsie, loc. cit.
<2) Magnin, Étude clinique et expt!riment..?le su1· l'Jiypnotisnle
déjà cité.
(3) Dict. encyclop. des sciences mt!d., 3° si•r., t. X, p. 335.
270 MAGNÉTISME ET HYI>NOTISME
l:
PHY SIOL OGI E DE L'HY PNO TISM E 271
Tel les sont, sur la nat ure de l'hy pno tism e, .les
vue s des auteurs qui se son t plu s spé cia lem cn t oc-
cup és de cette quest.ion.
C'est une loi aujourù'hui bien établie, font observer
MM. Charcot et Richer, que les manifestations pathologi-
ques ne sauraient comporter en elles-mêmes· aucun élé-
ment nouveau; qu'elles ne sont que des déviations, des
-
modifications plus ou moins profondes des conditions phy
siologiques ( i). Par tan t de ce principe, nous admett.rjons
volontiers, quant à nous, qu'il y a quelques distinctions
à
établir entre les nombreux. individus susceptibles d'êt re
hypnotisés.
Beaucoup ne dépassent jamais un degré léger ou moyen
d'hypnoUsation. Peut-être même n'y a-t- il pa.s de suj et ab·
solument réfractaire aux manœuvres hypnogéniques. f,a
somnolence hypnotique, et les quelques phénomènes psy
-·
t
chiques et somatiques dont elle s'accompagne ne peuven
donc, à aucun titre, il nous semble, être considérés comme
d'or dre pathologique.
. Qu ant aux grands somnambules, bie n qu' il n'y
ait pas entre eux et ceux dont nous venons de par -
ler de différence fondamentale, nous croyons que,
en sui van t le con seil de MM. Ball et Ch am bar d, on
trouverai.t facilen1ent chez eux des tra ces cer tain es
de la diathèse név rop ath iqu e. To ut en adm etta nt
enc ore qu'ils sont d'o rdr e phy sio log iqu e, les phé ·
nom ène s hyp not iqu es, chez ces suj ets , nou s sem -
ble nt fris er la pathologie et y tom ber mê me par foi s,
s'il est vrai, ain si que ten den t à le dém ont rer que l..
que s observations, que les per son nes longtemps
hyp not isé es peu ven t plu s tard tom ber en som nam ·
bul ism e pas sag er
(i) Charcot et Richcr, An:ltit:. de 1u:u r., l. Il, p. 33.
•
OHAPITRE X
JI
~c.
I
Ill
IV
Tels sont les faits. Ils permetten t de conclure,
d'une façon indubitabl e, que pendant l'hypnotism e:
t 0 L'activité psychique d'un hémisphère peut être sup.
primée sans détruire la conscience du moi et les facultés in-
tellectuelle s; 2° que les deux hémisphère s cérébraux peu-
vent êti.·e mis simultanément dans un degré différent
d'activité; que, jouissant d'une activité égale, ils peuvent
être concurremm ent le siège de manifestations psychiques
de nature et de caractère différents.
En un mot, dans toutes les expériences précé-
dentes, le cerveau paraît double; chaque hémi-
sphère semble constituer un organe complet pou-
vant fonctionner séparément et indépenda mment
l'un de l'autre.
La dualité cérébrale, avant de recevoir cette dé ..
monstration nouvelle, était déjà défendue par de
nombreuse s preuves de divers ordres.
O'est, par exemple, un fait d'observat ion vulgaire
(t) Bêrillon, loc. cit., ·et Comptes rendus de la Soc. de Biot.,
sénuce du 21 juin l88i.
L HÉMI•HYPNOTISME 287
et que relèven t tous les aliéniste s, que la population
des asiles consacr és à la folie fournit un . nombre
considé rable d'indivi dus dont le crâne est asymé-
trique et déformé . Il y a une asymétr ie correcte,
qu'on rencontre chez beaucou p d'individus sains;
mais celles que portent les aliénés semble~t échap·
per jusqu'ic i à toute classification régulière.
11 est égaleme nt démontré que les deux hémi-
sphères sont en général de poids et de d&veloppe·
n1ent inégaux . Broca soutient que l'hémisphère
droit, dans son ensemb le, pèse plus que le gauche,
bien que le lobe frontal gauche l'emporte sur le
droit d'une quantité très notable (1).
De nombreuses pesées opérées sur des cerveaux
d'aliéné s nous ont presque toujours donné un poids
supérieur. pour l'hémisp hère droit.
Boyd (2) et Luys (3) ont trouvé qu'à l'état normal
l'hén1is phère gauche l'empor te d'une certaine
quantité.
Pour Bra (4), l'asymé trie est également la règle,
mais l'élévati on de poids est tantôt en ,favew· de
l'un, 'tantôt en faveur de l'autre hémisphère.
Charlton Bastian a trouvé que le poids spécifique
de la substan ce grise des circonvolutions gauches
était plus élevé que celui des droites.
L'asyméLrie ne porte pas seuleme nt sur l'en.
semble, mais encore sur les détails de structure et
de texture des deux cerveaux. La disposition des
circonvolutions de l'hémisp hère droit et de l'hé1ni·
VI
11.
·,
CI-IAPITRE XI
II
III
IV
\
\
'<
J
... j
'
.,J
1
}
d
'
·I
:1
l
,1
li
if
11 ..
• .:l
J,
I· .
'
1
1
1
'
.
\.!i:
/"
\ ~
1 ·.
"':
...
'•· .
., '
..
•. ' ~1
.. .
'' . ' ~' ::. ' .' . t.'-J.
~ ~.
,,..
\p . .J
.' '
•••
~
..
. ', '."'
,;:'.
~. '~
.....
•• t •
.. .. .. - -- ----· ................ -~ ·- __ . . . _.. ---- - . -~·~' .. _ . . . ~-=--'"'~ ·~·
·!'
• 1 ~· • )t ·.' ~ •
l .
.. ~ . .
1
,.,,;
.. 1 '
.
•. •'
1
" ,,
' •1 •
. '
' ~1
.~ 1.
. ' \·
f
• ·, 1
1/
. , .• "D''
.
.r.~·
·., . . _:; .
· 1 ,· ~ .
. .. "j 'f ·
· l~
,t ~ f ~
.. j <t'
!~ :-J.
.·l .·.:,. 'It
,, .
-, \
!'i!~ \
t; "·,,
F ,,
1
APPLICATIO NS A LA THÉRAPEUT IQUE 31S.
' 1'_;, ~
••
les pieds courbés et fixes dans la position d'un varus- .
I ' •
~.quJfn .••.
·.. · Jel la mis, dit-il, en hypnotisme et j'essayai alors' de· ré.:. ·
1~. , gµ)ariser l'actiop. ·morbide des muscles et la mauvaise posi:..
f.~;·::t.io~. ld~s piè.ds,· et, ·.des jambe~·· Cinq· .m~~utes nprès~ je .Ja.
'j. ;:;· -r4vellla1; elle se m1t·..à-,.r~erc1er ·l~:Giet· ·de ce· qu'elle sett•
.~t:.-.~~f·tnaintënant .qÎi'èll~· avait' ·des piedg, de. èé. 4li'éllê1sen.C.
·.t~it 1~· planche~ sous· elle e.t de ce qu~ll Iui"ét~it ·l>'O.ssiblë:.de-
.• ,~em~e.r. ses orteils. Je la fis lever; et, so'tltenue· par· ·son
maril d'un côté, par moi· de l'autre, elle put traverser. la
1 cbainil>ré (t). - . · ·
1
1
Elt~ 'iut
hypnotisée quotidiennement pendant ux;\ : ·
ce~a~11 ~~m.Ps; l'améliora tion fut constant~. ~u_ bout
)
de qtlinze jours elle marchait seule ; p,eu de temps
1 .aprà~ elle-· .~tait gutrïe. .
Le$ contracture~onsécutives aux attaques d'hys- ·
~ér9-4pilepsie cèdent fréquemm ent à l'emploi de
l'hyp*otisn ie. M. Magnin fait observer qu'on ne
dew~.t jamais négliger ·d'essayer ce moyen aussitôt
. 1. • .
.V
On serait en droit d'atte ndre d'excellent.s résul -
tats de l'hypnotis1ne et de la sugge stion hypno tique
dans diYcrses forme s de folie, s'il n'étai t à peu prés
avéré que les tentat ives d'hyp notisa tion écliou ent
d'une façon :persistante chez ce genre de malades>-
Chez les h}·pocondriaques, les lypémaniaques, les
monomanes in1pulsifs, on pourrait combattre les
idées fixes, soit en suggé rant des idées opposées~
soit e.n affirmant rinan ité de celles qui existent~
(i) Prog. ->néd., 4 oct., iSSi.
APPLICATIONS A LA THÉRAPEUT IQUE 3f 9'
mais nous sommes encore à attendre une.expéri ence
de ce genre~
Cependant, M. Aug. Voisin, médecin de la Salpê·
trière, a rapporté une ob3ervatio n qui sen1ble dé~
montrer qu'il ne faut pas se décourager , et que
l'hypnotisa tion chez les aliénés n'est pas impos-
sible (1).
Il s'agit d'une fille âgée de vingt-deux ans qui,
séquestrée à Saint-Laza re à la suite de vols et
d'abus de confiance, fut reconnue aliénée et en-
voyée a la Salpêtrière . O'esL une fille grande et.
forte, d'un intelligenc e peut· être au-dessus de la.
moyenne, pensive et sournoise. Le front est bas,,
mais on ~e remarque chez elle aucune. co.nforma ·
tion défectueuse. Indocile, paresseuse , ordurière,
elle manifeste toujours de la mauvaise humeur, et
récrimine à propos de tout. Quand elle est inoccu-
pée, elle prononce des paroles incohérent es qui
annoncent l'existence d'un délire maniaque. Bientôt
elle a des accès d'agitation, devient furieuse, et on
ne peut la maintenir qu'avec la camisole de force. ·
Elle a aussi, de temps en .temps, des attaques sous
forme de perte de connaissan ce, sans convulsion s.
M. Aug. Voisin pensa à l'hypnotis me pour cal-
•
mer cette violente agitation. Etant un jour venu à.
l'improvist e dans son service, il trouva la malade
camisolée, assise dans la salle des douches, le bon-
net d'irrigation d'eau froide sur la tête. 11 essaya
de l'hypnotise r en lui faisant fixer des yeux le
doigt placé au-dessus de son nez; mais, à cause de
la difficulté de lui faire regarder fixement un objet,
fi) Communication à la Soc. médico-psycbo1041?ique. In Anna-
/,es m~d. -psych., 1884, t.11 1 p. 289 et suiv.
.S20 'MAGNÉTISl\IE ET HYPNOTISME
il n'obtint. le sommei l qu'en la regardan t de très
près, à..nuelqu es centimè tres de son visage et en
suivan\. tous les mouvements de ses yeux. Au bout
de dix minutes , survint un strabism e convergent
auquel succéda bientôt 11n sommei l stertoreux.
Après cinq minutes de ronflement, elle se mit à ha·
varder d'une façon incohérente.
Les jours suivants, nouvelle s tentatives d'hyp-
nose, plus difficiles que la première, mais cepen
dant suivies aussi de succès; à la suite des séances,
on constate un peu de calme. Voici un échantil lon
des difficultés que rencontr a M. A. Voisin dans ses
expérie nces :
Elle rêsiste, se débat, lui crache au visage; la grande
difficulté est de lui faire fixer un objet. M. A. Voisin est
obligé de lui tenir les paupières entr'ouve rtes et de suivre
ses yeux ; après sept ou huit minutes, elle se débat, de-
vient somnolen te, prononce quelques mots puis s'endort.
VI
En dehors des bons effets de l'hypnotisa tion, l'ob-
servation précédente nous montre ceux de la sug·
gestion pendant le sommeil provoqué. Est-il donc
possible, par des suggestion s méthodiqu ement pra...
tiquées, de modifier d'une façon permanent e le
cours de >idées, les penchants acquis ou instinctifs,,
la sensibilité, en un mot le caractère d'un individu
hypnotisab le·? En d'autres termes, peut-on espérer
appliquer efficacement l'hypnot~sme à l'orthopédi e
morale ou à l'éducation ? De bons esprits l'ont.
pensé.
APPLICATIONS A LA THÉRAPEUTIQUE
323
dans le .
L'éducation et la médecine de l'âm e tro uve nt
ctio n d'u ne
1>raidisme, dit Du ran d, de Gros, des moyens d'a
ouverte de
puissance inouïe qui, à eux seu ls, porLent lo. déc
de l'esprit
Braid au ran g des plu s glorieuses conquêtes
!humain (t).
No us
. La ng ag e d'apôtre, pré ten tio ns tém éra ire s!
itio n
ne les rep ou sso ns pas abs olu me nt, à la co nd
.toutefois qu'eII·es se fas sen t plus modestes.
Nous
a·
.ajoutons qu 'il ne suffit pas de .répéter des affirm
ts
tions de ce ge nre poul' pe rsu ad er; qu elq ue s fai
pe ut
bie n ob ser vé s ser aie nt au tre me nt élo qu en ts, on
mê me dir e suggestifs.
va-
Le de gré de sug ges tib ilit é de ch acu n est trè s
riable.
notions et.
L'éducation de l'enfant, diL M. Bernheim, les
par ole et par
les principes inculqués à son cer vea u pâr la
uses dan s
l'exen1ple, les doctrines philosophiques et religie
, ·n'est-ce pas
lesquelles il est bercé dès son plu s jeu ne âge
rdéjà une suggestion à. l'état de veille?
ue
Ou i, san s doute. Mais ces suggestions, qu oiq
t loi n
1
égales po ur toutes les j cu ne s int ell ige nc es, son
sit é,
·d'agir su r ch acu ne d'elles av ec la mê me int en
rac -
et les int ell ige nc es qu i s'y mo ntr en t les plu s réf
ait le
tai res son t pré cis ém en t cel les po ur qu i il ser
où l'é-
·plus né ces sai re d'y êtr e trè s sensibles. Et là
oti qu e
·ducation est im1Juissante, la sug ges tio n hy pn
L'a-
·ré uss ira it? Il est iu mo ins permis d'e n douter.
isé e
lié né e de M. A. Vo isi n sem ble a vo ir été mo ral
pa r l'h yp no tis me ; ma is il fau dra it pouvoir la
suivre
.après sa sor tie de la Sa lpê tri ère ; car le suc
cès ne
n de s
:sera co mp let qu 'au tan t qu e cet te am éli ora tio
'1
étrangers à la médecine se prétendant posse:::;seurs .
de remèdes secrets, ou doués d'un pouvoir surnatu-
rel de guérir, n'ont pas d'autre origine. Chez les il
aliénés de la classe rurale) on calme bien des dou~
leurs par l'en1_ploi d'emplâtre de diachylon, on ob-
tient souvent le sommeil avec du sirop simple; on
supprime ou prévient des crises avec des doses insi-
gnifiantes de médicaments.
J'ai en ce mon1cnt parmi mes n1alades une per-
sonne d'un ce1·tain âge atteinte de troubles nerveux
hystériques survenant par crises, et suivis d'accès c
de délire, d'hallucinations , de loquacité, de pleurs,
de rêvasseries. Dans les premiers temps de sa ma- 1
ladie, je lui avais administré une potion contenant 1
quelques gramn1es de bromure de potassium. Un
mieux sensible s'étant produit, je la supprimai.
'l'ous les accidents reparurent aussitôt avec .l'inten-
sité du début ; il fallut la prescrire de nouveau.
L'amélioration. revint : nouvelle suppression du
remède, nouvelle rechute. Habitué à prescrire le
bromµre de potassium et à en reconnaître los .effets, ,
je ne pouvais me persuader que ce.médicament éta~~
AP:PLICATIONS A LA THÉRAPEUTIQUE 327
•
pour une part importante dans les phéno mène s. que
j'obse rvais. ·Au lieu de le suppr imer, je me conte n-
tai, à l'insu de la malade, d'en dimin uer la dose au
point de la rendr e insign ifiant e et absol umen t pri·
vée de toute efficacité. Les bons effets furen t les
mêm·es; ils persis têrent longte mps. Un Jour, jevou ·
lus enfin savoi r si l'amé liorat ion que· je constatais
chez ma malad e était stable ; je la prévi ns qt1e j 'al-
lais dimin uer la dose de son remèd e pour arriv er
peu à peu à la suppr ession . Je ne dimin uai rien,
bien enten du, car il n'y avait rien à din1i nuer. TJne
rechu te ne s'en dessin a pas moins imn1édiatement
et éclata a.près la suppression défin itive de l'inof-
fensive potion .
On doit avant tout s'efforcer non seule ment de ne
pas affaiblir, mais encor e de cultiv er la confi ance
du malad e. C'est pourq uoi la prem ière mesu re à
prend re est de l'isole r du milieu dans leque l il a
jusqu 'alors vécu et où son mal a pris naiss ance et
s'est d'auta nt plus enrac iné qu'il a trot1v é plus d'in-
crédu lité et de contra dictio n. Au lieu de discu ter la
réalit é de ses souffrances, de le chica ner sur leur
nomb re ou leur intens ité, on devra les adn1ettre .
sans réflexions oiseuses, affirmer q·u'elles rentr ent
dans les cadre s de la pathologie commune, qu'ell es
sont curab les et qu'il n'y a aucun doute d'une gué-
rison proch aine et radica le. La presc riptio n qui
viend ra ensui te impor te assuré n1ent beauc oup
moins . Que de remèd es qui guéri ssent non pas tant
par leurs propr iétés physi ologiq ues que par leurs 0
~'HYPNOTISME ET LE CODE
t de sa liberté
1. - La suggestion hypnotique a pour effet de priver le suje rents états hyp-
moralt>. - L'automatisme où Je réduisent les diffé crimes, ou
notiques peut faire de lui l'instrument de délits ou de
la victime de divers attentats.
Questions de droit civil: billets, quittances, actes divers,
testaments,
Il. -
donations, consentements,
111. - Faux témoignages. s, attentats &
IV. - Crimes dont peuvent être victimes les hypnotiques : viol
la pudeur. .
meu rtre s, empoisonne-
V. - Crimes dont ils peuvent être l'instrument; otique.
ments, otc., pendant ou après la période de sommeil hypn
et du somnambu-
VI. - Analogies au point de vue légal de l'hypnotisme ce. - La ques-
lisme naturel. - Le somnambulisme devant la justi
tion par l'hypnotisme est-elle licite?
ir à l'a.ccomptisseœent
VI 1. - Dans quelle mesure l'hypnotisme peùt-il serv
de projets criminels 'l
III