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Le salon de coiffure :

Il était seulement neuf heures quand je suis arrivé chez le coiffeur. J’y vais toujours aussi tôt car je
travaille de nuit et il y a beaucoup moins de monde à cette heure-ci, à vrai dire il n’y a jamais
personne à part moi. Mais ça, c’est d’habitude… Ce jour-là je n’étais pas seul, une femme était déjà
présente et lisait un magazine, je l’ai aperçu à travers la vitrine. Alors que la cloche teintait au-dessus
de ma tête, je saluais la coiffeuse au fond de la boutique et observais cette étrange femme venue
troubler mon passage chez le coiffeur. D’évidence elle ne travaillait pas la nuit. Nous, les travailleurs
nuptiaux, on pourrait se reconnaitre entre mille. Et j’étais prêt à parier que cette femme n’en était
pas une. Que pouvaient bien faire les gens de leur journée pour venir se coiffer à neuf heures du
matin ? Sûrement une chômeuse… Elle lisait un magazine étrange dont la page de couverture était
encore une de ces femmes retouchées à qui les femmes ordinaires essaient désespérément de
ressembler, par exemple avec des coupes chez le coiffeur valant la moitié de mon salaire… Alors que
je nourrissais un mépris profond pour cette conformiste du matin, elle leva ses yeux vers moi.

Il était barbu et avait d’énormes cernes, sûrement un de ces pauvres hommes qui travaillent la nuit,
ce qui expliquait sa présence si tôt… Heureusement que des gens comme lui s’occupent de faire ce
que personne ne veut faire, sans quoi notre société serait bien embêtée. Alors que je posais mon
magazine de sciences (certes parsemé de pubs étranges) je me mis à me demander ce que je
pourrais faire pour mon métier (je suis responsable d’une association qui lutte contre les maladies
des enfants) pendant la nuit. A part distribuer des tracts de prévention dans les discothèques, je
n’imaginais rien. Cette pensée me fit sourire et me rappela qu’il faudrait que je sois parfaite et
souriante à la séance de onze heures, le financement de ma campagne en dépendait, et ceci valait
bien un petit passage chez le coiffeur.

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