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HISTOIRE DE BFR - BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT

Gestion

De la réduction à l'optimisation permanente du besoin en fonds de roulement

Que reste-t-il des progrès accomplis en matière de cash quelques années après la première
initiative de réduction du BFR ? Pas grand-chose, semble-t-il, si l'on en croit les conclusions
d'un groupe de travail réunissant 13 grands groupes fortement mobilisés à l'occasion d'un
benchmark consacré aux bonnes pratiques d'optimisation permanente du BFR. Dans le cadre
d'une réflexion animée par l'Institut du Benchmarking, l'AFDCC et le cabinet ENODIA, de
grands groupes ont souhaité mettre en commun leurs expériences d'initiatives d'optimisation
du BFR, avec une préoccupation commune : comment éviter l'effet d'essoufflement constaté
peu de temps après les premières embellies de cash ?

Par Jean-Philippe Perbost,

Rapporteur du groupe de travail mené dans le cadre de l'Institut de Benchmarking et associé


du cabinet ENODIA

Premiers constats :

Le principal écueil à éviter est bien l'effet d'essoufflement décrit par une majorité de groupes.
Avec un niveau de liquidités retrouvé et une pression devenue mécaniquement moins forte sur
le besoin de cash, les efforts se relâchent peu à peu, les progrès réalisés stagnent avant de
décliner et les bonnes pratiques, appliquées de manière moins systématique, n'apportent plus
l'efficacité escomptée. Le changement de priorités au sein de l'entreprise, le manque de
capitalisation entre les équipes en charge de la phase projet et celles qui prennent la suite, la
dispersion des compétences, liée à la mobilité des ressources, sont les trois
principales raisons identifiées comme étant à l'origine du retour aux habitudes du passé, et
qui accentuent l'effet d'essoufflement. Avec pour conséquence de devoir relancer les
initiatives BFR de manière cyclique, au fil des difficultés de trésorerie.

Vers une optimisation permanente du BFR :

Le groupe de travail a identifié, au fil des travaux, deux démarches d'optimisation du BFR
relevant de contextes d'entreprises bien distincts.

Faire face aux crises de liquidités :

La première démarche, dite « ponctuelle », s'apparente à un contexte d'urgence, lorsque


l'entreprise fait face à une crise de liquidités à court terme. Il devient alors vital pour elle de
réagir et de prendre au plus vite des mesures d'urgence pour dégager des liquidités. La
mobilisation est alors brutale, impliquant bien souvent un nombre limité d'intervenants,
groupés autour du contrôle de gestion, faute de pouvoir organiser largement la manoeuvre
dans un délai nécessairement court. Des « quick wins », mesures à forte valeur ajoutée à court
terme et pour un coût faible, sont privilégiées, sans chercher une vision à moyen ou long
terme à ce stade.
Faire du cash une préoccupation quotidienne :

La deuxième démarche, dite d'« optimisation » permanente, passe au contraire par la mise en
place d'un projet fédérateur de conduite du changement, centré sur la prise en compte du cash
dans les processus de l'entreprise au quotidien. Lancer une telle démarche est le signe d'une
volonté de développement d'une culture « cash » dans l'entreprise associant l'ensemble des
acteurs intervenant sur la variable BFR.

C'est cette dernière approche que le groupe de travail a choisi d'approfondir, avec pour
principale préoccupation la mise en commun des pratiques qui vont pérenniser et maintenir
sous tension la mécanique d'optimisation dans le temps, bien plus que les leviers de réduction
de BFR qui sont largement connus de tout groupe ayant mené une première initiative réussie
de réduction du BFR.

Pourquoi d'ailleurs s'intéresser au management du BFR lorsque l'on s'appelle Total, France
Télécom, Schneider Electric, Lafarge ou Sodexho, quelques-uns des grands noms participant
au groupe de travail ? Tout d'abord, parce que la communauté financière et les actionnaires
surveillent de près les performances des groupes cotés, y compris le niveau de cash dégagé,
signe d'une financiarisation progressive de l'économie. À côté de la croissance du chiffre
d'affaires, de la rentabilité, le niveau de cash dégagé s'est fait peu à peu une place parmi ces
indicateurs de tout premier plan. Également parce que les grands groupes réalisent en
permanence des opérations de croissance externe et que, pour saisir des opportunités, il est
préférable d'avoir des liquidités plutôt que de recourir systématiquement à l'emprunt, d'autant
que le taux d'endettement est également suivi de près par les marchés et analystes financiers.

Trois registres de bonnes pratiques :

Les travaux du groupe ont permis d'identifier les bonnes pratiques d'optimisation permanente
du BFR et de les ordonner selon trois registres : la mobilisation durable des acteurs, le
pilotage et les moyens pour agir. Dans le cadre de cet article, nous avons privilégié ci-après
quelques exemples de bonnes pratiques identifiées par les membres du groupe de travail pour
illustrer chacun de ces registres.

Mobilisation durable des acteurs :

Le soutien de la direction générale : un impératif - Sur le thème de la mobilisation durable


des acteurs, s'assurer du soutien de la direction générale est le facteur clé de succès cité en
premier et de manière unanime par les participants. En effet, mener une initiative
d'optimisation permanente nécessitant une implication lourde de toute l'entreprise requiert une
impulsion de la direction générale.

Quelques exemples vécus de techniques citées par les membres du groupe de travail pour
obtenir ce soutien :

- hisser le BFR au rang des préoccupations stratégiques de la direction générale, notamment


en montrant en quoi le cash contribue à l'amélioration des grands agrégats de pilotage ;

- avoir une démarche chiffrée mettant en perspective les enjeux et les gains pour le groupe
grâce à la démarche d'optimisation ;
- réaliser des comparatifs (internes et externes) permettant de situer la performance du
groupe ;

- mener des audits de processus de gestion du poste « Clients », « Fournisseurs » ou des


« Stocks » de manière à identifier les dysfonctionnements de manière objective.

Optimisation permanente du BFR : projet d'entreprise et non projet de financiers - C'est


bien là le premier écueil à éviter, car pour mobiliser durablement les acteurs, encore faut-il
susciter l'intérêt et parler un langage compréhensible. Car faire du BFR un sujet très financier,
avec son jargon particulier, ses indicateurs (DSO, DPO...) bien peu accessibles aux non-
spécialistes que sont les opérationnels, c'est s'assurer un échec probable. Là encore, les
membres du groupe de travail sont formels et unanimes : il convient de mobiliser les
directions opérationnelles, en mettant en place une « filière BFR », comprenant un ensemble
de correspondants en charge du BFR dans les unités, choisis parmi les directions
opérationnelles et fonctionnelles. Autre mesure largement reconnue : communiquer sur des
valeurs repères et les replacer dans le contexte des populations à mobiliser. Par exemple,
s'agissant du délai moyen de règlement client exprimé en jours de chiffre d'affaires (DSO), il
est conseillé de rapporter le DSO en prime ou commission moyenne par commercial, pour
donner du relief au discours et faciliter l'appropriation des enjeux.

La performance du BFR intégrée dans la rémunération - En effet, et c'est là l'autre mesure


unanimement reconnue par le groupe de travail : la nécessité d'adosser la rémunération au
niveau de BFR obtenu. À l'occasion de l'entretien individuel notamment ou dans les plans de
performance des unités, les objectifs de niveau de BFR à atteindre sont définis. D'un constat
partagé, la pratique qui consiste à indexer la part variable de la rémunération sur la variable
BFR devient largement répandue. Il est vrai que si la rémunération est impactée, la
mobilisation des personnes concernées sur le sujet sera d'autant plus forte et durable.

Le pilotage

Une nouvelle instance de pilotage : le comité BFR - Selon la taille des groupes, la
composition et le rôle de ce comité sont variables. C'est avant tout une équipe
pluridisciplinaire, composée en général d'un représentant de la sphère commerciale, des
achats et de la production, mais aussi parfois d'un contrôleur de gestion. Ce comité est en
charge du pilotage du BFR. Il prépare les plans d'actions d'amélioration, conseille les unités
pour les aider à atteindre leurs objectifs et contrôle régulièrement l'état d'avancement des
plans d'actions. C'est notamment à travers le contrôle et le suivi des plans d'actions qu'il
contribue à la mobilisation durable des acteurs. Constitué aux différents niveaux de
l'entreprise, il vise également à développer une communication interne plus efficace, par
exemple entre les commerciaux et les financiers, de manière à définir les priorités de manière
collégiale. Le cas échéant, selon la culture des groupes, ce comité peut également procéder à
des arbitrages entre la direction commerciale, toujours fortement motivée par la croissance du
chiffre d'affaires, et la direction financière, plus prudente et sensible à l'analyse du risque
client.

L'émergence d'une nouvelle responsabilité : Monsieur (Madame) BFR - Les leviers


d'optimisation du BFR étant dispersés dans les différentes directions opérationnelles, la
responsabilité d'améliorer le BFR était de fait répartie entre plusieurs acteurs : à la direction
commerciale pour le poste « Clients », à la direction achats pour le poste « Fournisseurs », à
la production pour les stocks.
Pour autant, la tendance rapportée par les participants est la montée en puissance d'une
responsabilité unique en matière de BFR. Sous l'appellation de Monsieur (Madame) BFR, une
unique personne est de plus en plus souvent en charge du pilotage du BFR. Pourquoi une
seule personne ? Pas seulement par souci de simplification, mais surtout pour disposer d'une
vision transverse des mesures prises au sein des différentes directions, et pour assurer une
cohérence d'ensemble. Pour piloter l'initiative de BFR, Monsieur (Madame) BFR s'appuie
notamment sur la filière BFR décrite précédemment et constitue le comité BFR pour l'épauler.
Mener à bien la mission d'optimisation du BFR dans le groupe devient un impératif pour
Monsieur (Madame) BFR, dont la rémunération est de plus en plus souvent lourdement
indexée sur le niveau de BFR atteint.

Les moyens pour agir

Un reporting commun et partagé - Le reporting fait partie des moyens incontournables pour
mesurer, rendre compte et prévoir. Le BFR n'échappe pas à la règle, et le reporting du BFR
est largement répandu dans les entreprises représentées au sein du groupe de travail. Sur ce
thème, quelques conseils à retenir :

- intégrer le reporting BFR dans le reporting périodique, pour ne pas en faire un reporting à
part, susceptible de tomber aux oubliettes ;

- standardiser le reporting, en définissant des indicateurs uniques, applicables sans distinction


à l'ensemble des unités ;

- privilégier des indicateurs simples, rapides à déployer dans un premier temps plutôt que des
indicateurs sophistiqués, mais difficiles à mettre en place ou nécessitant des retraitements
laborieux au sein des unités pour garantir une homogénéité du reporting ;

- décliner les indicateurs BFR aux différents échelons du groupe, de manière à ce que
chaque unité dispose d'objectifs en matière de BFR, à décliner ensuite en objectifs
individuels pour les membres de la filière BFR.

Les nouvelles technologies au service de l'optimisation permanente du BFR - L'expérience


des experts du groupe de travail montre que rien n'est jamais acquis en matière de BFR, et les
progrès en matière de technologie peuvent se décliner au profit du BFR : la dématérialisation
des flux augmente la productivité des services comptables, l'envoi des factures par e-mail
réduit le coût et le délai d'émission des factures, les plates-formes d'enchères inversées
réduisent les coûts d'achat. Autant de pistes à ne pas négliger pour dégager toujours plus de
liquidités.

L'Institut du BenchmarkingL'Association Française des Credit Managers et Conseils Le


cabinet ENODIA Les membres du groupe de travail

L'Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières

Présidée par William Nahum, la vocation première de l'Académie des Sciences et Techniques
Comptables et Financières et de l'IPAO (Institut des Professionnels Associés à l'Ordre des
Experts Comptables) est de développer les compétences des professionnels par l'échange
d'expériences, la production doctrinale et technique ainsi que la diffusion de savoirs, en
France et à l'étranger. En rassemblant les talents des professionnels de la comptabilité, de
l'audit, de la gestion et de la finance, elle cherche également à élargir le champ
d'expérimentation et les thèmes de réflexion pour renforcer l'excellence de la filière et son
rayonnement à l'international. Lancée en septembre 2004 par Nicolas Sarkozy, alors ministre
de l'Économie et des Finances, l'Académie compte aujourd'hui près de 60 000 membres, dont
un tiers réparti dans 25 pays francophones (http://www.lacademie.info).

Avec plus de 90 grandes organisations, l'Institut du Benchmarking anime depuis 1996 un


réseau d'entreprises ouvertes à l'échange dans le cadre d'une éthique partagée, afin de
conduire des actions de benchmarking mettant en évidence le savoir-faire et les meilleures
pratiques de nature à faire progresser les entreprises. Tout en préservant son identité et ses
valeurs, l'Institut du Benchmarking a rejoint en 2005 l'Académie des Sciences et Techniques
Comptables et Financières. De ce fait, l'Institut inscrit son ambition dans le développement
d'actions de benchmarking également avec les instances professionnelles de tous horizons
(http://www.ibenchmark.org/).

Créée en 1970, l'AFDCC est en France l'unique association professionnelle des Credit
Managers et le seul référentiel métier. Elle regroupe et anime un réseau de 1 000
Credit Managers, issus des plus grandes entreprises internationales ou de PME, dans tous les
secteurs et toutes les régions. Membre de la FECMA (Fédération Européenne des
Associations de Credit Managers), elle donne accès à un réseau de 20 000 Credit Managers en
Europe (http://www.afdcc.com).

Conseil privilégié de la direction financière, ENODIA apporte son expertise sur l'ensemble
des opérations de transformation de la fonction gestion-finance. ENODIA intervient sur un
plan opérationnel dans la conduite des projets liés au management de l'information financière,
à l'optimisation des flux financiers, au déploiement du contrôle interne et à l'évolution du
système d'information (http://www.enodia.fr).

Le groupe de travail « Optimisation permanente du BFR : les bonnes pratiques » a été animé
par André Foissey et Alain Ricateau-Pasquino de France Télécom, Jean-Philippe Perbost du
cabinet ENODIA, David Leclercq, vice-président de l'Institut du Benchmarking, avec le
soutien de Jean-Louis David, secrétaire général de l'AFDCC. Les membres du groupe de
travail : Arkema, Bayer, Carbone Lorraine, EDF, Eurocopter, Europcar, France Télécom, La
Poste, Lafarge, Schneider Electric, Sodexho France, Total, Veolia Eau.

En synthèse

Plusieurs mots d'ordre se dégagent de la réflexion du groupe de travail.

 Opportunité : l'initiative d'optimisation s'inscrit dans un projet d'envergure,


dont l'opportunité doit être clairement établie au préalable pour espérer
bénéficier du soutien durable de la direction générale. Et comme tout projet
d'envergure a un coût, c'est bien à la direction générale d'arbitrer le ratio
« coût/opportunité » d'une telle initiative.

 -> Changement : ce type de projet est bien un projet de conduite du


changement, qui renvoie à la modification des comportements des acteurs de
l'entreprise ainsi qu'au développement d'une culture « cash » et qui ne peut
s'ancrer dans les pratiques que si ces acteurs comprennent leur intérêt collectif
et individuel à le faire.

 -> Processus BFR : la démarche d'optimisation permanente souligne la


nécessité de considérer le BFR comme un processus à part entière, à organiser
comme tel : un responsable, des objectifs à atteindre, un reporting à animer,
des acteurs à fédérer et à faire travailler ensemble.

 -> Mode projet : c'est le constat fait par certains participants du groupe qui
ont mené la démarche d'optimisation avec succès ; mettre en place une
démarche d'optimisation permanente, c'est ancrer le mode projet dans les
pratiques au quotidien : pilotage d'objectifs, conduite de plans d'actions,
animation d'une démarche, points d'avancement réguliers sont autant
d'éléments caractéristiques du mode projet.

Autant de points d'ancrage qui doivent empêcher le retour aux habitudes du passé :
un cercle vertueux du BFR en quelque sorte.

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