1. NIRÉE. Ah ! tiens, voici Ménippe ; il va juger qui de nous deux est le
plus beau. Parle, Ménippe ; ne me crois-tu pas plus beau que lui ? MÉNIPPE. Qui êtes-vous ? avant tout, il faut que je le sache. NIRÉE. Nirée et Thersite (50). MÉNIPPE. Qui des deux est Nirée, qui des deux est Thersite ? Ce n'est pas facile à voir. THERSITE. J'ai déjà un avantage, celui de te ressembler ; nous ne sommes pas si différents que le prétendait, pour te flatter, cet aveugle d'Homère, quand il t'appelait le plus beau des hommes ; si bien qu'avec ma tête chauve et pointue, notre juge ne m'a pas trouvé inférieur à toi. Vois maintenant, Ménippe, lequel des deux tu trouves le plus beau. NIRÉE. C'est moi, sans doute, le fils d'Aglaïa et de Charops : Le plus beau des guerriers qui sont venus à Troie (51). MÉNIPPE. Oui, mais non pas, je pense, Le plus beau des mortels qui sont venus sous terre. Tes os sont les mêmes, ton crâne ne diffère de celui de Thersite que parce qu'il est plus facile à briser, étant plus mou et n'ayant rien de viril. NIRÉE. Demande donc à Homère qui j'étais, quand je vins me joindre à l'armée des Grecs. MÉNIPPE. Visions ! je vois ce que je vois et ce que tu es : ce que tu étais, ceux de ton temps le savent. NIRÉE. Ainsi, je ne suis pas plus beau que lui ? MÉNIPPE. Vous n'êtes beaux ni l'un ni l'autre ; l'égalité règne aux enfers ; vous vous ressemblez tous ! THERSITE. Cela me suffit.