Vous êtes sur la page 1sur 12
MARGOLIN LA FILLE AU BIKINI JAUNE Depuis que sa femme Ta quitté, il trompe son Phillip M. obsession : il 'épie désormais, la file, surveille ses MARG Oo Li N fréquentations. LA FILLE AU BIKINI JAUNE Mais le jour od elle est assassinée, il n'a rien vu. cafard en lorgnant a la jumelle sa jolie voisine quia la délicieuse habitude de prendre des bains de soleil en Bikini. Le passe-temps va tourer Phillip M. Margolin, un des grands mattres du suspense, est auteur de-La Rose noire, Les Heures noires, Le Demier Homone innocent et Justice barbare (Spécial Suspense - Albin Michel). II ne quittait pas sa voisine de ses jumelles. Mais le jour de son assassinat, i n’a rien vu ! Un Margolin mené a un train center UNE NOUVELLE INEDITE ALBIN MICHEL EI I i Ne peut étre- vendu séparément ALBIN MICHEL LAFILLE AU BIKINIJAUNE Je ne dirai pas que le sexe n'y fut pour rien. G’était so tout, qui m’avait d’abord attiré. Je me souviens encore du Bikini. Il était jaune. As bas minuscule aux deux parties reliées par une bande de plastique transparent qui laissait voir la peau bronzée de la hanche. corps, aprés un Invésistible. Mais tout de méme, ce n’ pas le plus important. L’ennui et Ia solitude y avaient aussi leur part. Ma femme venait de s'en aller aprés six années de mariage, Ma démission © Phillip M. Margolin and HFA, 2002, 3 | PHILLIP M. MARGOLIN avait précipité la rupture définitive, mais je ‘rois qu'elle serait partie méme si j'étais resté dans ce cabinet. Cette question lui avait seulement fourni un prétexte com- mode. La perte de Kathy avait sérieusement ébranlé ma confiance en moi-méme. Recommencer courir Vaventure me fai- sait peur et je n’avais pas un travail qui m'aurait distrait de mes problémes person- nels. Et on était en plein été. Je restais donc chez moi a trainasser, avec pour seule compagnie la télé et quelques livres de poche. Et Cest ainsi que tout a com- Je ne I'ai pas vue emménager, car jétais ce jourla a Los Angeles pour un entretien d’embauche. Ma maison est batie sur une colline et domine de toute sa hauteur celles qui se trouvent de autre c6té de la rue. La maison des Evans était inoccupée depuis un mois. Elle était petite, séparée 4 PHILLIP M. MARGOLIN ce premier jour: Pallais de temps a a faire un tour dans la maison, mais j'étais irrésistiblement ramené vers la fenétre, Le moindre de ses gestes me troublait Chaque fois qu'elle s’étirait, qu'elle se retournait, je sentais les battements de mon coeur s’accélérer, Je me rappelle encore, douloureusement, ma déception quand elle a fini par rentrer Le lendemain, je n’ai cessé daller et venir fébrilement devant la fenétre du living-room, Je me souviens de excitation qui m’a saisi quand ma vigilance a été enfin récompensée. Au début, j'ai tenté d'imposer des limites a ce voyeurisme. Je quittais intentionnellement la maison dans Vaprés-midi, ou installais une chaise Tongue dans la cour arriére, d’od je ne pouvais pas la voir. (C'est ainsi que j’ remarqué pour la premiére fois la Volkswa- gen grise garée sur la route qui passait der- rigre ma maison, mais sur le moment je ne 6 LAPILLE AU BIKINI JUNE. de la chaussée par un joli carré de pelouse qu'une haie d’arbustes protégeait de tous les regards sau du mien. Il est certain que Ie fait ePhabiter une maison située en ha teur représente un réel avantage quand la voisine d’en face est une jeune et jolie fille habituée a prendre des bains de soleil dans un minuscule Bikini jaune. Jé { ma fenétre quand elle est sortie de cher elle. Elle semblait ealme et sire delle. Si elle m’avait vu, je ne crois pas que ca Vaurait génée, Elle te grande serviette de bain et un flacon Whuile a bronzer d'une main, et un maga- ine de Vautre. Elle a secoué plusieurs fois la serviette, d'un geste nonchalant, pour bien 'étaler. Puis elle s'est enduite d’huile 4 bronzer. Puis elle s'est allongée sur le dos en rejetant ses longs cheveux bruns en arriére, et a fermé les yeux. Elle semblait un calme impressionnant. Jai di observer pendant une heure, deva LAFILLE AU BIKINIJAUNE me suis pas posé de questions.) Puis renoncé a me discipliner, et ma surveillan- ce quotidienne est devenue routine, Si je me souviens précisément du pre~ mier jour o@ jai vu Irene, je ne sais plus trés bien & quel moment je suis passé de la surveillance a la filature. Je sais que était une a deux semaines aprés qu'elle eut emménagé, mais c'est tout. Un brusque changement dans ses habitudes qui a piqué ma curiosité. favais pu, au cours de cette premiére période, me assez précise de son emploi du temps. Elle Ie suivait avec une certaine régularité et j'avais acheté une puissante paire de jumelles, Levée vers HI heures (je la voyais par la fenétre de la cuisine), elle prenait son bain de soleil de 3 a 5 heures de Vaprésmidi, Elle sortait rarement le soir et personne ne venait la voir. Elle allait de temps en temps faire des courses, mais méme ces une idée PHILLIP M. MARGOLIN; sorties 1a étaient réguliéres : le jeudi a 1Sheures. Puis, un mardi, elle est sortie de chez, elle a 10 heures apercu par hasard, en passant de la chambre & la cuisine. Et le jeudi matin, ne chose. Avec, chaque fois, un retour 4 midi, Au bout de quelques jours, j'ai va qu'elle portait un grand carton a dessin de teinte rougeatre. Kathy ayant elle-mé suivi des cours de dessin pendant un an, tout de suite compris de quoi il Slagissait. Peutétre cette fille étaitelle une étudiante ? Les cours d°6té venaient sans idé den matin. Je m’en suis m do de commencer. J’ai de avoir le coeur net. ‘A ma premiére tentative pour la suivre, fai de ma fenétre, caché derriére le rideau, jusqu’a ce qu'elle sorte. Puis je s ‘chercher ma voiture. Calmement, pour ne pas attirer son attention. Trop calmement. entablement échoué. Je lai épiée 8 PHILLIP M. MARGOLIN pas attirer son attention. J'ai attendu de la voir franchir la porte, puis je suis entré a ‘mon tour, je suis monté sans me presser, et {fai jeté un coup d’xil dans la vaste salle de cours, Les étudiants étaient assis & des tables avec leur matériel de dessin devant eux. Irene discutait avec le professeur. Cétait un jeune type qui, je Vai appris par Ja suite, enseignait pour la prem année, Il s'appelait Miles J. Bradford, était marié, pere de deux enfants et spécialiste de I'art de la Renaissance. En repartant, jai vu Brunelle pour la premiére fois. Un type tout en muscles, qui devait faire plus de deux métres. Il avait visiblement passé la quarantaine, et sa présence détonnait dans cet endroit. Son visage, surtout, aux traits trop marqués, était celui d'un boxeur ou d'un docker plutot que celui d'un étudiant. Ilse tenait dans un renfoncement abritant une fontai- ne d'eau potable. C’était un peu a lécart 10 LA FILLE AU BIKINI JAUNE Le temps de sortir la voiture du garage, elle n’était plus La fois suivante, je m’y suis mieux pris. Drabord, jai laissé la voiture dehors, devant la maison. Puis je m'y suis installé pour attendre un quart d’heure a Vavance. Le reste n'a été qu’un jeu. Elle a pris la voie rapide jusqu’a la sortie Université et s'est garée au parking. J’ai trouvé une place un peu plus loin et j'ai attendu qu'elle sorte de sa voiture. Je portais un jean et une chemisette & carreaux. Voila une dizaine d’années que j'ai quitté la fac, mais j'ai un visage assez poupin, et la pra- tique du handball me maintient en forme. En outre, je continue a porter les cheveux Tongs. Je ne crois pas que mon allure tranche particuliérement sur celle des autres étudiants. Son cours se donnait au troisiéme étage un batiment ancien @ la facade couverte de lierre. Je I'ai suivie d’assez loin pour ne LA FILLE AU BIKINIJAUNE, dans le couloir conduisant a la salle ot se trouvait Irene, et je suis certain que per sonne ne pouvait le voir en longeant ce corridor. Je ne Vaurais pas apercu moi- méme s'il n’avait pas bougé au moment oi {je passais, Et si je Vavais remarqué, c’était ‘uniquement parce qu’il était si différent des gens qu’on voyait 13. La pensée d’Irene ne me quittait plus, mais cette obsession s’était développée si progressivement que je n’en mesurais pas vraiment la gravité. Je m’étais mis a organi- ser mes journées autour d’elle, Quand elle sortait le soir, je ne pouvais pas m’endor- mir avant d’étre certain qu’elle était ren- trée sans encombre, Si elle ne venait pas a $ heures de l'aprésmidi prendre son bain de soleil, je m'inquiétais pour sa santé. Je tenais désormais un journal dans Jequel je notais tout ce qu'elle faisait. Jéprouvais un sentiment de toute-puissan- ce chaque fois que jy mentionnais un now

Vous aimerez peut-être aussi