Annales.

Economies, sociétés,
civilisations

Alexandre Marshack, Les racines de la civilisation

Annette Laming-Emperaire

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Laming-Emperaire Annette. Alexandre Marshack, Les racines de la civilisation. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations.
28ᵉ année, N. 5, 1973. pp. 1316-1317;

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COMPTES RENDUS
complexe marqué par la culture et les
déesses-mères ; 8) le calendrier
traditionnel européen et ses grands cycles
(Carnaval, Ier mai, Moissons) reflète ce
stade néolithique, ces fêtes sont des
échanges de fécondité de type pot-
latchique entre hommes et dieux ou
déesses accueillis dans le village.
Conclusion : la musculature humaine
domine jusqu'à l'apparition du moteur
qui impose son rythme. « Et déjà, la
révolte des jeunes est le prix imprévu
dont nous payons notre prodigieuse
révolution énergétique. »
Nous avons tenté de suivre l'expression
d'une pensée qui « bondit par-dessus les
siècles ». L' archéocivilisation a rencontré
et rencontrera encore l'opposition de
préhistoriens « qui n'utilisent l'ethnologie
qu'avec prudence », et de folkloristes (qui
s'émerveillent lorsque Du Cange ou un
concile leur offrent, au xine siècle, un
parallèle précis, si toutefois ils n'estiment
pas le problème des origines oiseux).
Quant aux propositions sur l'actuelle
orientation de la recherche folklorique,
ce n'est pas ici le lieu d'en débattre.
Signalons, pour ceux qui voudraient
étoffer le débat, que M. Franck Bourdier
a tenté ces dernières années des jonctions
folklore-préhistoire par l'intermédiaire de
la linguistique (basque en particulier) ; et
pour ceux qui voudraient des travaux
plus récents que ceux de Frazer sur les
« deux sortes de feux », qu'il faudra se
reporter à la presque totalité de l'œuvre
de M. Lévi-Strauss.
Claude Gaignebet.
Alexandre Marshack, Les racines de
la civilisation, Pion, 1972, 415 p.,
225 fig., bibl.
Il s'agit de la traduction d'un ouvrage
publié à New York en 1971 par Me Graw-
Hill Book Company. L'auteur est un
journaliste. Il nous raconte dans son
premier chapitre intitulé « Histoire d'une
intuition » comment, à propos d'un livre
qu'il devait écrire sur le programme
scientifique de l'année géophysique
internationale, il fut amené à se poser
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des questions sur les origines des
découvertes scientifiques et sur le pourquoi de
la civilisation. Artifice d'auteur,
ignorance ou naïveté, une partie de
l'introduction est consacrée à la critique de la
notion de « soudaineté » dans l'histoire
des acquisitions scientifiques : « L'art,
l'agriculture, la science, les
mathématiques, l'astronomie, le calendrier,
l'écriture, la naissance des cités, toutes ces
choses qui composent la civilisation ne
pouvaient, me semblait-il, s'être
produites ' soudainement '. Elles devaient
être l'aboutissement de milliers et de
milliers d'années de préparation. » On ne
peut s'empêcher de se demander quelles
sources a bien pu consulter Alexander
Marschak, qui lui aient caché que toutes
les recherches des préhistoriens et des
archéologues depuis des dizaines
d'années ont justement tenté de retrouver les
étapes progressives de la longue
évolution culturelle de l'humanité.
Qu'importe, le lecteur pardonnera bien
volontiers cette naïve découverte d'un non-
spécialiste, tout au plaisir d'une
hypothèse qui sans doute ne conduira pas
à « récrire une grande partie de l'histoire
de la science, de l'art, de la religion et de
la civilisation », mais qui n'est pas sans
intérêt.
L'ouvrage en effet revêt plusieurs
aspects dont on peut retenir surtout
une analyse des incisions et marques
gravées sur des os, des ivoires et des
pierres du Paléolithique supérieur, une
interprétation de ces incisions et de ces
marques, enfin des considérations
générales sur les cultures préhistoriques et
l'histoire de la pensée humaine.
Le premier aspect qui montre une
grande virtuosité technique est, pour
nous, le plus intéressant, et en tout cas
le plus indiscutable. L'ouvrage comporte
de très nombreuses macro-photographies
de gravures sur os du Paléolithique
supérieur d'Eurasie dont certaines sont
inédites, beaucoup peu connues et qui sont
pour la première fois réunies en un très
bel ensemble. La qualité de ces photos
est parfaite et la lecture en est
généralement beaucoup plus facile que celle des
pièces originales. On regrette seulement
que les échelles ne soient données ni dans
les légendes ni dans le tableau récapitu-

latif de la fin. Le lecteur qui n'a pas vu
l'original ne peut guère se rendre compte
s'il s'agit d'une photo grandeur nature,
d'un agrandissement ou d'une réduction.
Ces très belles reproductions forment
la documentation de base d'une
hypothèse originale de l'auteur, connue déjà
à travers diverses publications
préliminaires, selon lesquelles les marques et
incisions des os gravés paléolithiques ne
sont pas des « marques de chasse »
comme on l'a quelquefois suggéré, mais
des notations en rapport avec les phases
de la lune. On serait là en présence des
plus anciens calendriers jusqu'alors
connus. La démonstration repose sur
deux séries de faits inégalement
convaincants. Grâce à un examen
microscopique de nombreuses gravures sur os et
ivoire, Marshack a découvert que la
plupart des séries d'incisions n'ont pas été
gravées par le même instrument ni peut-
être par la même main. Il ne s'agit donc
pas de traits exécutés plus ou moins
automatiquement pour décorer un objet,
mais de marques intentionnelles, de
notations faites successivement et ayant
servi à compter ou à noter. Les objets
ou les phénomènes ainsi notés sont
groupés par séries assez constantes pour
être mises en rapport avec des phases de
la lune, des mois lunaires ou des portions
d'année. Le dénombrement des marques
constituées par de simples incisions est
complété par l'étude des représentations
animales et végétales et de leur insertion
dans des saisons particulières : saison du
rut ou de la mise bas, saison de la
remontée des saumons le long des rivières,
saison de la chute des bois de cervidés,
de la mue des bisons, etc. L'art mobilier
et quelquefois l'art rupestre paléolithique
auraient ainsi enregistré non seulement les
grands phénomènes rythmés de la nature
replacés dans leur saison propre, mais
aussi le compte exact des jours et des
périodes de ces saisons.
Cette intéressante hypothèse débouche
sur de trop longues et trop ambitieuses
considérations sur l'origine de la
civilisation qui n'apportent rien de réellement
nouveau à notre connaissance des temps
préhistoriques. Une terminologie un peu
lourde dans laquelle des termes tels
que dramatico-narratif, chrono-factorisé,
INTER-SCIENCES
tiennent une place prédominante sans
que l'on voie très bien ce qu'ils apportent
de nouveau aux concepts courants de
l'histoire de la pensée. L'ouvrage aurait
gagné à plus de simplicité.
J'aimerais profiter de cette brève
analyse pour m' élever contre une
attitude d'esprit que l'on retrouve souvent
dans les ouvrages contemporains de
préhistoire en Amérique du Nord ou
ailleurs. Elle consiste à exposer comme
actuel un certain état de la pensée
dépassé depuis longtemps puis à
démontrer son inanité. Il ne sert à rien de
fermer les portes pour les rouvrir avec
fracas. Il ne sert à rien de critiquer une
notion de soudaineté (pp. 12-13), ou de
primitif (p. 25), etc. que personne ne
défend plus depuis longtemps. Quand on
a une hypothèse intéressante à présenter
comme c'est le cas ici, il n'est pas
nécessaire de réduire à néant les humbles
pensées de ses prédécesseurs — car même
dans le domaine de l'archéologie, il n'y a
pas de brusques innovations, mais la
lente accumulation d'acquisitions
successives.
Annette Laming-Emperaire.
André Jolles, Formes simples, Paris,
Éditions du Seuil, 1972.
Le livre d'André Jolles, paru à Halle
en 1930 et aujourd'hui traduit en
français, apporte une contribution originale
à l'analyse des genres littéraires : il
entreprend de décrire les réalisations,
qui ne sont plus proprement linguistiques
et pas encore tout à fait littéraires, d'une
zone d'activité où le langage, en travail
sur lui-même, devient construction sans
cesser d'être signe : « Je pense à ces
formes qui ne sont saisies, ni par la
stylistique, ni par la rhétorique, ni par
la poétique, ni même peut-être par
Г ' écriture ', qui ne deviennent pas
véritablement des œuvres quoiqu'elles
fassent partie de l'art, qui ne constituent
pas des poèmes bien qu'elles soient de la
poésie, bref, à ces formes qu'on appelle
communément Légende, Geste, Mythe,
Devinette, Locution, Cas, Mémorable,
Conte ou Trait d'esprit » (p. 17).
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