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Les conflits d’intérêts dans la société anonyme – Dans une dynamique de gouvernance d’entreprise –

Vers une consécration légale

- De nos jours, le conflit d’intérêts est fréquemment évoqué et dénoncé, ce n’est pourtant pas une situation
nouvelle, ce qui est relativement nouveau en revanche c’est l’intérêt porté à la notion, et la problématique tenant à
sa consécration juridique.

- Son champs d’application est aujourd’hui sans limite : le droit patrimonial, le droit financier, le droit pénal, le droit
du travail, le droit des sociétés, le droit de la santé, etc.

- Les conflits d’intérêts, dans le cadre des sociétés, touchent toutes les sociétés, mais heurtent surtout : la bonne
gestion des sociétés anonymes, encore plus celles dont les titres sont dispersés sur les marchés.

- Car, dans les sociétés familiales, l’intérêt du dirigeant se trouve, en général, plus en phase avec
l’intérêt social.

- En effet, bien que la notion ressorte depuis longtemps de certaines dispositions du code civil français, la
problématique des conflits d’intérêts fait une irruption remarquée en droit français des sociétés au cours des années
90. Deux illustrations parmi de multiples :

- l’une jurisprudentielle avec l’arrêt vilgrain de 1996 ;


- l’autre, doctrinale avec l’ouvrage du professeur Dominique Schmidt consacré aux conflits
d’intérêts dans la SA.

- Dans le droit marocain, l’expression n’y fait son entrée qu’en 2011, avec la Constitution marocaine qui dispose
dans son article 36 que « les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié et toutes infractions d’ordre
financier sont sanctionnées par la loi ».

- Mais elle ne donne aucune définition de ce qu’il faut entendre par conflit d’intérêts.

- Comme nous le savons, le conflit d’intérêts est chose usuelle dans le quotidien de tout un chacun, mais il devient
problématique lorsqu’un intérêt est privilégié, notamment de par la loi, l’éthique ou la morale, et se trouve contrarié
par un autre intérêt. Par conséquent, tous les conflits d’intérêts ne sont pas à prohiber.

- En effet, il est nécessaire de reconnaitre que c’est naturellement l’intérêt qui gouverne les décisions, les
stratégies, la gestion quotidienne.

- Autrement dit, il y a les bons et les mauvais conflits d’intérêts. Seule l’identification précise de ces derniers permet
d’envisager un encadrement juridique pertinent.

- Ainsi, il s’avère indispensable de s’arrêter sur ce qu’il faut entendre par les termes : « conflit » et « intérêt ».

- La signification du terme « conflit » ne soulève pas de difficulté, il s’agit d’une « rencontre


d’éléments qui s’opposent ».
- Pour ce qui est du terme « intérêt », la définition la plus proche du sens commun renvoie à «
l’utilité matérielle ou morale, actuelle ou future, qu’une personne entend retirer d’une
situation ».

- Il n’y a pas une définition des conflits d’intérêts. Le conflit d’intérêts est multidisciplinaire et ne peut se résumer
en une seule et unique définition.

- La majorité des définitions concernent le conflit d’intérêt dans le secteur public, pourtant, ce phénomène existe
aussi dans le domaine privé.

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- Dans la recherche d’une définition large qui embrasserait tous les types d’acteurs, on s’arrête sur celle retenue par
le service central français de prévention de la corruption :

- « Un conflit d’intérêt naît d’une situation dans laquelle, une personne employée par
un organisme public ou privé, possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient
influer ou paraître influer sur la manière dont elle s’acquitte de ses fonctions et
des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organisme ».

- De manière plus simple, le conflit d’intérêt désigne, « la situation dans laquelle une
personne voit ses intérêts personnels entrer en conflit avec des intérêts dont elle a
la charge ».

- Il y aurait, ainsi, conflit d’intérêts dès lors que l’agent aura un lien avec un autre intérêt qui viendrait en conflit ou
en opposition avec celui dont il a la charge.

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 Les cas de conflits d’intérêts prohibés :

- A l’origine du conflit d’intérêts, il y a le pouvoir. Et les intérêts sont fréquemment en conflits dans les relations
d’affaires où les parties sont égales, ce qui est tout à fait normal.

- Les conflits d’intérêts qui nous préoccupent en droit des SA sont plutôt ceux qui se manifestent dans un contexte
où : une partie dispose d’un pouvoir ou d’une influence susceptibles d’être le théâtre de conflits verticaux et
horizontaux préjudiciables pour l’intérêt social.

- En droit des sociétés, les pouvoirs « organiques » constituent la forme la plus importante de pouvoirs propres.

- Ces pouvoirs se rattachent aux organes de la société, et se manifestent sous la forme de :


pouvoirs de décision, de gestion ou de contrôle.
- Les pouvoirs organiques viennent soutenir la mise en œuvre des activités ou des buts visés par la
société.
- Ils tireront leur source de la loi, de l’acte constitutif, des règlements ou des conventions.

- Toutefois, les pouvoirs des organes d’une société, à savoir : les organes d’administration, de direction et de
responsabilisation ou de contrôle, auront fréquemment une double nature : pouvoirs propres et pouvoirs de
représentation.

- Que ce soit sous l’angle de l’autorité décisionnelle ou de responsabilisation, le pouvoir occupe une place centrale :

- D’un côté, le pouvoir vient donner corps à l’exercice de l’autorité décisionnelle destinée à
coordonner la production.

- D’un autre côté, il soutient la responsabilisation en permettant d’influer sur les titulaires de
l’autorité décisionnelle pour endiguer le détournement ou l’abus de pouvoir.

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 Les grands types de conflits :

- L’exercice des pouvoirs des administrateurs et des dirigeants de manière détournée de leur finalité (qui est en
principe l’intérêt social) peut donner lieu à 2 grands types de conflits :

 Les conflits verticaux


 Les conflits horizontaux

A. Les conflits d’intérêts verticaux :

- En effet, les administrateurs disposent de pouvoirs décisionnels qui leur permettent de gérer les affaires de la
société. L’octroi de ces pouvoirs comporte les germes d’un conflit d’intérêts.

- Ce conflit potentiel tient au fait que : les administrateurs ont des intérêts personnels qui ne concordent pas
nécessairement avec l’intérêt de la société. => Ils sont donc susceptibles de privilégier leurs intérêts personnels
plutôt que celui de la société.

- Ainsi, les conflits verticaux opposent les intérêts personnels des administrateurs à l’intérêt de la société.

- Les administrateurs usent de leurs vastes pouvoirs pour promouvoir et privilégier leurs
intérêts personnels.
- Ce type de conflit d’intérêts mène à des abus du patrimoine de la société dont la valeur est
détournée en faveur des administrateurs.

 Quelques formes d’abus résultant des conflits verticaux :

- On retrouve dans la première décennie du 21e siècle une longue liste d’exemples d’abus résultant des conflits
verticaux.

- Ces abus peuvent consister en :

1) Des décisions et manœuvres de dirigeants destinées à :


 maximiser les bénéfices pécuniaires (rémunérations excessives)
 ou à maximiser les bénéfices en nature (voiture de luxe, voyages, siège social prestigieux, …)

2) L’appropriation d’occasions d’affaires qui appartiennent à la société :


 Un dirigeant qui est en charge de la stratégie peut mener l’entreprise à réaliser une série d’investissements
visant à accroître ou à augmenter son pouvoir et sa rémunération personnelle, mais qui ne génèrent
aucune valeur pour les actionnaires.

- Ces conflits verticaux ont ceci en commun : les dirigeants ou les administrateurs en sont les principaux
bénéficiaires.

- La société subit les conséquences par un appauvrissement de son patrimoine qui a des effets pour les actionnaires
(baisse de la valeur de leurs actions) et les autres parties prenantes (précarité financière de la société).

- Les conflits d’intérêts verticaux portent donc atteinte à l’intérêt de la société en tant qu’entité.

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B. Les conflits d’intérêts horizontaux :

- Afin d’appréhender ces conflits horizontaux, il conviendrait de constater la diversité des intérêts qui coexistent
dans la société : actionnaires, employés, fournisseurs, créanciers, ...

- A certains égards, les intérêts de ces parties prenantes convergent :

- A titre d’exemple, elles souhaitent toutes protéger le patrimoine de la société contre les abus
résultant des conflits verticaux.

- Elles partagent aussi l’objectif général d’une pérennité de la société.

- Mais à d’autres égards, dans le contexte d’opérations particulières, les intérêts des parties prenantes divergent :

- Conflits d’intérêts entre les membres d’un groupe de parties prenantes, tels que les
actionnaires.

- Comme le note le professeur MITCHELL, les conflits horizontaux surviennent en raison du pouvoir des
administrateurs qui leur permettent de privilégier l’un des intérêts au détriment des autres.

- En effet, force est de reconnaître que les parties prenantes, incluant les actionnaires, disposent de peu de pouvoir
d’initiative au sein des sociétés.

- Au final, les conflits horizontaux mettent en présence :

 Les dirigeants sociaux prenant des décisions en fonction de l’intérêt d’un groupe
 Et les autres parties prenantes

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 La Corporate Governance – Gouvernance d’entreprise :

- En principe, les pouvoirs individuels ou organiques au sein de la société sont destinés à servir l’intérêt social, et le
protéger contre la réalisation de ces deux types de conflits d’intérêts.

- Le concept de conflit d’intérêts en droit des Sociétés Anonymes est apparu avec la Corporate Governance. Il s’agit
d’une « Gouvernance d’entreprise » que le professeur Charreaux a définie comme :

- « Ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et
d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et
définissent leur espace discrétionnaire ».

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 Le lien entre la corporate governance et les conflits d’intérêts :

- La corporate Governance :

 Renouvelle l’analyse de la fonction de direction via le risque d’agence


 Insiste sur les devoirs fiduciaires du dirigeant
 Repose sur une problématique d’identification des risques tels que : le conflit d’intérêts
 Propose des solutions préventives (transparence, information et contrôle), et des solutions curatives
(réflexion sur les sanctions).

- La régulation des conflits d’intérêts en droit des sociétés apparaît, en effet, comme un défi de la gouvernance
d’entreprise.

- La réflexion sur les conflits d’intérêts, sous l’angle de la corporate governance vise à : assurer la croissance des
Sociétés Anonymes, spécialement celles cotées en bourse.

- Elle leur permet de gagner, par leur crédibilité, la confiance des investisseurs nationaux et
étrangers, dans un marché des capitaux de plus en plus compétitif.

- Or, une meilleure intégration des marchés de capitaux et la réalisation d’un rapport de confiance sain supposent
de : donner à ces investisseurs l’assurance que les sociétés dans lesquelles ils investissent sont régies par des
règles de gouvernement d’entreprise fiables, constituant un barrage face à la réalisation des conflits d’intérêts
nocifs.

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 La corporate governance au Maroc :

- En effet, les pouvoirs publics et professionnels ont beaucoup œuvré pour encadrer l’activité des mandataires
sociaux. Cependant, l’examen du dispositif mis en place révèle rapidement les limites de son effectivité.

- Les principes directeurs de la corporate governance, ne font pas encore partie intégrante de la culture de tous nos
dirigeants sociaux, ni d’ailleurs de l’esprit du législateur, du moins de manière à réaliser une certaine cohésion,
développant les bonnes pratiques auxquelles peuvent adhérer les Sociétés Anonymes marocaines.

- Les Sociétés Anonymes marocaines sont désarmées contre les risques d’abus, surtout en l’absence d’un système
de veille permanent qui permet de détecter les conflits d’intérêts dont les conséquences sont néfastes pour la
bonne marche de la société.

 Est-ce que le législateur marocain mise sur la modernisation du Droit Des Sociétés Anonymes comme arme de
défense face à la réalisation des conflits d’intérêts au sein de ces entités commerciales ?

-> La modernisation du droit des Sociétés Anonymes marocaines est tributaire (dépendant) de
l’harmonisation entre régulation étatique et autorégulation. Mais cette harmonisation peine à se
concrétiser.

-> En effet, des sources multiples sont à l’œuvre, révélant l’importance attachée au traitement des conflits
d’intérêts dans les Sociétés Anonymes, vue sous l’angle d’un nouveau dynamisme.
- Sont sollicitées, dans ce cadre, tant le droit dur que la Soft Law, le droit étatique ou le droit
produit par les professionnels eux-mêmes.

- Le défi que soulève leur compromis de coexistence et d’harmonisation étant, ainsi, garant de la
pérennité de l’intérêt social.
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 Ce compromis entre régulation étatique et autorégulation a-t-il vocation à favoriser le traitement des conflits
d’intérêts pouvant surgir suite à la défaillance des systèmes de contrôle des Sociétés Anonymes ?

-> De nature, le traitement des conflits d’intérêts s’insère dans un arsenal juridique important, entre droit des
sociétés, droit financier et droit comptable.

-> Cependant il semble inapproprié d’insérer toutes les dispositions de ce traitement dans la loi pour les faire
passer de la catégorie de Soft Law à celle de Hard Law et endurcir ainsi le droit souple.

-> Ceci agirait comme un frein pour l’investissement.

- Après avoir pris connaissance de cela, il y a eu une multiplication des actions en faveur d’un traitement souple
(mais élargi) des conflits d’intérêts par des règles de bonne gouvernance.

- Adoptant une approche disciplinaire de la gouvernance, les bonnes pratiques préconisent d’encadrer en
permanence les décisions des dirigeants afin d’éviter que ceux-ci ne s’écartent de l’objectif de création de valeur
pour les actionnaires.

- Ces pratiques visent à prévenir les conflits d’intérêts des dirigeants et placent le Conseil d’Administration au cœur
du débat sur lesdits conflits.

- A ce titre, dans sa conception des conflits d’intérêts, la doctrine de la corporate governance :

 Recherche un meilleur équilibre entre les intérêts en jeu par le biais d’une multitude de principes et de
normes
 Tente d’atténuer les risques de déviance des dirigeants d’entreprise par la mise en place de mécanismes
d’équilibre et l’instauration d’instances de contrôle.

- En somme, ces conflits d’intérêts se trouvent imbriqués (mélangés) dans le cadre d’un système de régulation
commerciale et financière qui est : la corporate governance – gouvernance d’entreprise.

- Toutefois, comment cette gouvernance d’entreprise pourrait-t-elle faire en sorte que les titulaires de l’autorité
décisionnelle « résistent à la tentation » de privilégier leurs intérêts personnels ou de privilégier les intérêts d’un
groupe au sein des sociétés au détriment de l’intérêt social ?

- Le débat est pragmatique et porte sur les moyens de faire fonctionner les SA au mieux des
intérêts de la communauté des actionnaires, et par là au mieux de l’intérêt général.

- La prévention et la neutralisation des conflits d’intérêts constituent le grand défi de la gouvernance d’entreprise.

- En droit marocain des Sociétés Anonymes, la prévention des conflits d’intérêts est loin de constituer un système
cohérent piloté par des principes généraux appuyés par des pratiques de bonne gouvernance.

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 Les solutions proposées face au conflit d’intérêts :

- En effet, lorsque la prévention échoue, le conflit d’intérêt réalisé appelle à des sanctions essentielles pour le
rétablissement du dysfonctionnement dû à la décision dictée par le conflit d’intérêts.

- La sanction pénale des conflits d’intérêts en droit des sociétés se limite à deux délits :

 l’abus de biens sociaux


 le délit d’initié

- D’autres infractions couvrant des situations de conflits d’intérêts se réfèrent au statut de la fonction publique et
s’appliquent donc aux seules Sociétés Anonymes dans lesquelles l’Etat est actionnaire.

- Outre cela, la prévention des conflits d’intérêts veut que l’intérêt personnel ne triomphe pas sur l’intérêt
supérieur qu’un membre des organes de gouvernance ou qu’un actionnaire est chargé de soigner.

- Cette prévention a, normalement, pour objet :

 d’imposer à l’intéressé de révéler la situation conflictuelle dans laquelle il se trouve


 d’empêcher celui-ci de réaliser un acte au détriment de l’intérêt social.

- Une Société Anonyme saine est tributaire d’une gouvernance basée sur la prévention des risques, y compris les
conflits d’intérêts.

- Une fois révélé, ou détecté en temps opportun, le conflit d’intérêts doit être géré de manière à entraver sa
réalisation.

- La loi n’est pas restée muette à ce sujet, et met en place des mécanismes :

 Le régime des conventions réglementées :


-> Interdiction d’exercer le droit de vote et de participer à la délibération sur laquelle porte le conflit.
-> Cette interdiction constitue une mesure de gestion adéquate.

 La dynamique liée à la corporate governance :


-> Elle révèle comment les normes et mécanismes de bonne gouvernance peuvent constituer un système
de veille permanent pour l’autorégulation des conflits d’intérêts.

- Souvent, l’échec des mécanismes préventifs entraine la réalisation du conflit d’intérêts, faisant intervenir de la
sorte les tribunaux pour rétablir l’équilibre au sein de la société.

- En ce sens, les solutions jurisprudentielles se rapportant aux abus de droit de vote, et le délit d’abus de biens
sociaux ne couvrent pas toutes les situations de conflits d’intérêts redoutables, légitimant ainsi la réflexion sur une
infraction qui sanctionnerait en termes généraux les conflits d’intérêts.

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