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les interactions
rythmes au sein d’une chaîne, dont les opérations tendent à être Au-delà du suivi (pour s’assurer du bon déroulement de la chaîne
déclenchées juste à temps de façon à éviter les ruptures comme les logistique), la logistique doit pouvoir réagir en cas de problème (gui-
engorgements ». dage, pilotage). La réduction des stocks, la généralisation des flux
tirés souvent tendus et l’augmentation de la vitesse de circulation
Ce pilotage des flux suppose un suivi/guidage du flux physique des flux physiques rendent les chaînes logistiques réactives et agi-
grâce au flux d’information [ce que Colin et Paché appelaient la les, mais aussi vulnérables. Il est donc intéressant pour la logistique
rétroaction logistique (figure 1)], ce qui suppose d’établir un cou- d’améliorer sa capacité à faire des diagnostics de circulation à partir
plage entre les flux physiques et les flux d’informations associées, du suivi des flux et des activités, et d’améliorer sa capacité à envisa-
mais aussi avec les activités concernées par les flux. Notons que, ger des actions correctrices à court terme pour faire face aux aléas
dans le domaine des services, la notion de flux physique pourra uti- et/ou dysfonctionnements, mais aussi à moyen terme pour amélio-
lement être remplacée par la notion de flux d’entités (entité au sens : rer ses processus et ses compétences.
résultat d’un processus [cf. norme ISO 9000 : 2000 en Ajoutons que la logistique, comme toute fonction d’entreprise, a
[Doc. TR 300]]). Dans les activités immatérielles, le couplage pourra aussi besoin de « rendre compte » des activités logistiques (responsa-
donc concerner des flux d’information entre eux. bilité) quasiment en temps réel, de mesurer précisément la perfor-
mance logistique (pour l’améliorer) et la capacité de la logistique à
Ce principe de couplage relativement simple à mettre en place créer de la valeur [10]. Rappelons que la formule de performance logis-
lorsqu’une entreprise est totalement intégrée est plus difficile à met- tique repose sur un ensemble d’objectifs associant la maîtrise/réduc-
tre en œuvre dès lors que la chaîne logistique est distribuée entre tion des coûts (C), la qualité des flux physiques (Q), la fiabilité des
plusieurs acteurs et se déroule sur un espace élargi. C’est le cas des services (F), la flexibilité organisationnelle et stratégique (F), les délais
chaînes logistiques contemporaines dont l’exécution repose très lar- (respect et rapidité) (D), l’information associée (qualité, pertinence) (I),
gement sur une externalisation des opérations logistiques [25] [26] et le respect de l’environnement (E). Système de performance com-
et dont les flux circulent entre de nombreux acteurs (fournisseurs, plexe, qui suppose d’opérer des arbitrages, que nous résumons sou-
sous-traitants industriels, partenaires de distribution, de mainte- vent par la formule mnémotechnique suivante : CQF2DIE (qui, on le
nance, etc.), le tout à une échelle mondiale. Par conséquent, le suivi notera, va au-delà du classique triangle C-Q-D – coût, qualité, délais).
« à distance » des flux physiques et des activités est pour les logisti- Le suivi des flux et des activités, la mémorisation des informations de
ciens à la fois une nécessité et une difficulté. ce suivi, permettent d’alimenter le système de mesure de la perfor-
mance logistique, à la fois au niveau de chaque acteur d’une chaîne
Par ailleurs cette distance (évaluée en termes d’espace et de logistique, mais aussi au niveau global de la chaîne. Il aide aussi à pro-
temps) grandit du fait de l’élargissement de la perspective logisti- céder aux indispensables arbitrages entre objectifs contradictoires
que. Les principaux élargissements concernent le développement (par exemple, le classique arbitrage coûts/service).
des démarches de type SLI (soutien logistique intégré [27]) et ELI Enfin, les traces des flux et des activités sont utiles à la démarche
(écologistique intégrée) avec, notamment, les flux de la reverse d’amélioration continue des processus logistiques ainsi qu’à toute
logistics (supply chains en boucle [28] [29]) et le durcissement des démarche de gestion des connaissances logistiques (qui peut s’ins-
réglementations (exigences plus fortes sur une plus longue durée). crire dans un programme plus large de Knowledge Management
[11]) et de développement des compétences et capacités organisa-
La multiplication des références industrielles et commerciales, le tionnelles. Les traces d’activités sont en effet utiles à l’élaboration
raccourcissement des durées de cycles (cycle de conception, de pro- des prévisions concernant les flux et les activités logistiques, à la
duction, de vie…), la réduction de la taille des lots de production de conception des dispositifs logistiques, à la planification et à la réali-
produits finis, le fractionnement des envois physiques, la multiplica- sation des opérations, ainsi qu’à leur suivi, au contrôle et à l’évalua-
tion des circuits possibles (réseau logistique dynamique) rendent tion de l’activité. Les traces sont donc potentiellement un
aussi le suivi des flux physiques et des activités plus complexe. Il intéressant support d’apprentissage individuel et collectif.
convient, à ce propos, de démystifier la notion de chaîne telle qu’elle Le système de traçabilité est donc, du point de vue de la logisti-
est souvent présentée. Les chaînes logistiques ne ressemblent pas à que, un système d’information inscrit dans une boucle de rétroac-
ces images de pipelines linéaires aux opérations stables et tion pour le pilotage des processus logistiques et, plus globalement,
séquencées ! Les chaînes logistiques contemporaines s’apparentent l’aide à la décision, comme le résume la figure 2.
plus à des réseaux de flux présentant des boucles, des processus
alternatifs ou parallèles, et des arrangements temporaires parfois Un système de traçabilité est donc « indispensable » en logistique.
qualifiés d’éphémères (pour une discussion sur ce point cf. [8] et Définissons-en les caractéristiques « idéales ».
[9]).
1.2 L’idéal type de la traçabilité Encadré 2 – Tracking et tracing : deux fonctions liées
en logistique et ses conséquences d’un système de traçabilité logistique
— celles basées sur des choix propriétaires qui s’imposent à — adopter une approche par les flux, par les processus ;
l’ensemble de la chaîne (généralement ceux des firmes-pivots — envisager les processus pilotés par l’aval, centrés « clients » ;
d’entreprises réseaux [15]) ;
— celles fondées sur des standards interorganisationnels (secto- — combiner vision globale (la supply chain) et vision locale (les
riels ou intersectoriels). opérations élémentaires au sein de chaque entreprise) ;
— décrire les acteurs, leur rôle et leur responsabilité dans les
Exemple : dans le secteur automobile en France, les différentes processus ;
solutions coexistent dans les systèmes de traçabilité : des solutions
fondées sur les standards Galia-Odette [cf. site web de ces associa- — décrire les opérations, leur localisation, leur enchaînement, la
tions en [Doc. TR 300]] (souvent entre constructeurs et équipemen- temporalité de la transformation des flux (production, transforma-
tiers de rang 1), des dispositifs spécifiques (souvent avec les tion, assemblage, groupage/dégroupage…) ;
équipementiers de rang 2 ou plus), mais aussi, comme dans le cas de — décrire les composants du flux physique (des entités), du flux
Toyota, des choix propriétaires imposés à leur réseau. d’information associé (par exemple, documents, messages) ;
Au-delà des questions spécifiques à la dimension interorganisa- — articuler acteurs-activités-ressources-flux (qui fait quoi sur
tionnelle d’un système de traçabilité, la mise en œuvre d’une traça- quel flux avec quelles ressources ?) ;
bilité totale suppose de répondre aux principales questions — identifier les interfaces clés (points risqués dans les processus)
suivantes : qui s’accompagnent de changement de responsabilité logistique
— faut-il suivre, en temps réel et en permanence, les composants, intra et interorganisationnelle.
produits, unités logistiques et diverses entités tout au long du cycle
La modélisation se fera généralement à plusieurs niveaux imbri-
de vie du produit ?
qués (figure 3), avec des effets de zoom sur les points critiques des
— quel principe de responsabilité par rapport à la production
processus.
d’informations de traçabilité mettre en place ?
— faut-il centraliser les informations de traçabilité ? Faut-il un La modélisation intraorganisationnelle mais surtout interorgani-
unique responsable du système de traçabilité ? sationnelle suppose un dialogue entre les partenaires des chaînes
— qui pourra accéder à quelle information de traçabilité et logistiques et une identification lucide des points de rupture poten-
comment ? tiels de la traçabilité. L’élaboration d’un système de traçabilité com-
— faut-il informatiser (capacité de traitement, vitesse) ? Faut-il plet doit à la fois tenir compte des moyens de traçabilité existants
standardiser (au niveau local et/ou global) pour identifier les entités mais aussi des solutions que les partenaires sont prêts à mettre en
à tracer ? place (choix d’investissements).
— faut-il automatiser la capture des informations ?
— faut-il automatiser le traitement des données ? Dans certains cas, une entreprise désireuse de développer un sys-
— comment contrôler la coordination entre les flux d’information tème de traçabilité totale devra réaliser un diagnostic des capacités
et les flux physiques (la bonne information associée à la bonne de traçabilité de ses fournisseurs et de ses clients (cf. thèse
entité) ? C. Lemaire en [Doc. TR 300]).
— comment s’assurer de la véracité des informations ?
En matière de choix d’outils de modélisation, indiquons que le
On le voit, la mise en place de la traçabilité logistique totale n’est domaine de la logistique n’a pas produit d’outils spécifiques (et cela
pas simple. Au-delà des principes, identifions les questions posées nous semble une bonne chose !). Les logisticiens adoptent généra-
par la concrétisation de la traçabilité en logistique et proposons une lement les outils de modélisation utilisés en la qualité [17], en génie
démarche générale de travail. industriel (comme les réseaux de Pétri), dans le champ du Business
Process Management [18] et de l’approche processus [19] et [20], ou
des systèmes d’information [formalismes de type MERISE [16],
SADT (Structured Analysis Design Technics), XML, etc.]. Ces outils
2. Concrétiser la traçabilité sont parfois combinés de façon « ad hoc » en fonction des besoins
et des cultures en présence.
logistique : éléments
de méthode
2.2 Définir la maille de couplage
L’objectif de cette seconde partie est de passer d’une vision flux physique/flux d’information
« idéale » d’un système de traçabilité logistique à une vision
« praticable » en définissant les étapes clés de la démarche et en
identifiant les principales questions à se poser. Compte tenu de ce À partir de la modélisation des processus, il convient ensuite de
qui a été exposé au paragraphe 1, nous parlerons indifféremment définir la maille de traçabilité :
dans cette seconde partie de traçabilité et de traçabilité logistique, — à quel niveau saisir les informations ?
considérant que la traçabilité logistique est une bonne base d’un
système de traçabilité « général » et que les principes pour élaborer — à quelle fréquence [tracing continu ou discontinu (cf. § 1.2)] ?
un système de traçabilité logistique s’appliquent au système de tra- — avec quelles techniques ?
çabilité « général ». — quelles informations mémoriser [mémorisation exhaustive ou
partielle (cf. § 1.2)] ?
— sur quels supports ?
2.1 Modéliser les processus, identifier sachant que, comme nous l’avons évoqué, les choix de techniques
les interfaces clés et les risques peuvent avoir une importante influence sur le choix des lieux et fré-
quences de saisie ainsi que sur la mémorisation des informations
saisies.
La modélisation des processus est un préalable pour définir un
système de traçabilité logistique satisfaisant. Quelques principes Rappelons que la notion de traçabilité des flux physiques (qui fait
classiques en modélisation des processus logistiques [16] peuvent référence à une logistique industrielle et commerciale classique)
être rappelés : doit être élargie. Il convient en effet de tracer des entités. Une entité
peut être un objet physique (produit, contenant, véhicule), une per- — il faut raisonner en termes de couplage flux physiques (enti-
sonne, un document ou même une information. Selon les entités, les tés), activités et flux d’informations (sur cette notion de couplage, cf.
questions précédemment posées trouveront des réponses différentes. thèse de C. Lemaire en [Doc. TR 300]).
Exemple : dans le domaine de la logistique hospitalière, la traçabi- Exemple : dans le cas de la supply chain du fromage étudiée par
lité concerne les patients, les médicaments, les dispositifs médicaux, C. Lemaire, la maille de traçabilité varie selon que l’on trace des por-
les prélèvements, les résultats des analyses, les demandes de repas, tions de gruyère conditionnées sous film (le numéro de lot sera celui de
les repas. La traçabilité doit être couplée aux activités, en particulier, les la matière première, qui permet un retrait ciblé) ou du gruyère râpé.
actes médicaux et paramédicaux. Dans le cas du gruyère râpé, le numéro de lot correspondra à une jour-
née de production, sachant que, en une journée, plusieurs lots de
Quelques principes sont à retenir : matière première auront été mis en œuvre (il s’agit de chutes récupé-
— réaliser une traçabilité au niveau le plus fin est souvent irréa- rées lors de la découpe des meules pour réaliser les portions). Le sys-
liste, coûteux et inutile ; tème de traçabilité fait le lien entre les numéros de lot de matière
première et les numéros de lot de production de râpé. En cas de pro-
— il n’est pas nécessaire d’avoir une traçabilité uniforme. Il
blème sur un lot de râpé, il conviendra de retirer tous les sachets de
convient donc d’identifier les niveaux satisfaisants de traçabilité en
râpé de ce lot (soit une journée de production de râpé), mais aussi tous
fonction des risques et des coûts, sachant que certaines réglementa-
les produits relatifs aux lots de la matière première utilisés pour la fabri-
tions (et certains clients) imposent un certain niveau de traçabilité. Il
cation de râpé de ce jour (donc le retrait de portions). Le choix de la
convient ensuite de définir comment naviguer entre les différents
maille de traçabilité a donc une incidence importante sur l’ampleur des
niveaux de traçabilité retenus ;
rappels et retraits et donc sur leur impact potentiel.
— il est nécessaire d’identifier une responsabilité de « production
d’information de traçabilité », point d’autant plus important que l’on Définir les niveaux de traçabilité suppose une dialectique locale/
raisonne à l’échelle de la chaîne logistique globale (le système com- globale au sein de la chaîne à l’échelle individuelle (de chaque entre-
plet de traçabilité) et que la véracité des informations est prise) et collective (de la chaîne logistique). Les exigences de la
importante ; réglementation, les exigences des partenaires de la chaîne, les
caractéristiques des produits et surtout des risques sont à consi- Par ailleurs, le problème de l’informatisation des systèmes de tra-
dérer au même titre que les exigences internes de chaque entreprise çabilité de chaque entreprise pose, à l’échelle de la supply chain, un
vis-à-vis du système de traçabilité. Nous recommandons d’adopter problème d’interconnectivité et d’interopérabilité des systèmes
une « vision hypertexte » de la traçabilité logistique ! « locaux » entre eux.