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Les Alains pal LES ALAINS Cavaliers des steppes, seigneurs du Caucase T-XV° sitcles apr. J.-C. Illustration de couverture: Cavalier alain des VII-IX: sigeles : reconstitution de V. Kaminski Remerciements Les auteurs souhaitent exprimer leur plus chaleurcuse reconnaissance aux responsables de I’Association osstte en France, Thérese Naskidachvili-Bitaroff et Lora Arys-Djanaléva, pour les avoir mis en contact, il ya de cela presque dix ans, et avoir favorisé leurs échanges. Ce travail commun de présentation des Allains au public fran- Nicéthore Basilakes, Panégyrique d’Adrien Comnéne; v. 1140. « La noble race des Alans, qui some augue hue ples grand et le pus noble peuple du monde ; plus beaux et pls braves que tos sont ews hommes,» Jean de Marignoli, évéque de Pekin; 1342. Avant-propos AVANT-PROPOS Le livre sur es Alains,cauairs des steppes, signs du Caucase publié en 1997 par les editions Exrance avait sofest de ses conditions de préparation en Ruse, puis en France, et présentait un cestain nombre de lacues Cette édition tés augmentse et complétement refondue ext Toceasion d'y remédier et ausi de présenter les résultats des recherches les plas récentes sur le sujes. Le théme alain suscite en effer un intérétcenissant et consti- tue un terrain privilésié de collaboration entre les spéciolstes de différents pays —et de différentes disciplines. IL ext aus dans le contexte apité du Cauca, Vubjet de manipulations politico-nacionales qui appellenc de rigoue reskes mises point Pourquoi les Alans? Liinuéréc pour les Alains va de soi dans les pays qui conespondent 2 leur ancien territoire, et particulitre- ment au Caucase du Nord, of leur empreinte est profonde. Mis il débonde largement les limites des anciennes « Alanias », rant ce peuple fascine par de multiples aspects de son évolution et de st culture Au début de leur histoire connie, parcir du F sigcle de notre ée, les Alains apparaissent comme les ultimes hritiers dr monde nomade iranophone qui avait dominé les steppes eurastaciques depuis le dehue df mill traire av. JC, done comme les succeseurs des Scythes et Saces, Saurimates et Sarmates, Massagétes... Leurs traditions religieuses, guerrignes, artistiques prolongent particuliérement celles des Sarmates et de cervaines populations saco-mmassauges, dont ils descendent prubablement Leur defaite devant les Huns, au début des années 370, inaugura une nouvelle phase d'histoire des steppes ~ celle de Ihégémonie des nomades non indo-européens ~ mais ne mit pas fin 2 la leut. Les Alans ont eu une place qui reste a définir dans I'« empire » hunnique des !V°-V" siécles, mais ils ont surtout été des acteurs majeurs des Grandes Invasions. Si leur rble militaire est bien connu, d'Andrinople aux Champs Catalauniques, leur influence culturelle sur ke monkle romain tani et « barbare » ou romano-barbare est progressivement redécou- verte, Malgré la grande dispersion consécutive aux invasions hunniques, des populations d’Alains nombreuses étaient maintenues et sédentarisées en Europe orientale, principalement au nord du Caucase. C’est la que se developpa une Alante gus fu d'emblée un faeteurstratégique important, d'abord dans le conic permanent entre |a Perse sassanie et Fempire POrient (VE-VIF sigcles), ensuite dans le cadre de Pempite khazar et de sa lutte contre expansionnisme arabe au Caucase (VII-IX: sidcles). Liberée de la tutelle khazare, PAlanie caucasienne devint un grand royaunne, chifstianisé au début da X° sigele et marqué par Finfluence culturelle byzantine. Il subsiste de cet apogée des témoignages urbains, archi- tecturan et attistiques impressionnants. D&s le XIF sigele, cependant, PEtat alain <éeait désapréné et Cest dive 368 que les Alains subirent le choc des invasions mongoles des années 1220-1240. Ces invusions enttinérent une seconde dispersion des lains, des Balkans 2 la Chine, dans des vetoes ct ils conservérent plus ou moins longtemps leur identité. Au Caucase, la population alaine affaiblie subit la fin du XIV* siecle les ravages de Tamerlan, et cette fois, le coup fut fatal pour Pancienne Alanie. Apres la su- née démographique et Vasimilation de nombreux groupes par autres peuples, la seuke partie des Alains & conserver sa langue et Pessentiel de ses traditions cultures se mura dans les vallées de ln Ciscaucasie centrale ~ ec y devine Te peuple osere modeme Le méme nom d'« Alans» a ainsi désigné, entre le F et le XIV®sigele, des entités ethniques et culturelles ase diférentes: nomads iranophones de la steppe, proches des Sarmates et des Saces; guerriers eras de la période des Invasions, intimement liés aux Germains et aux Huns; sédentaires enracinés au Caucase du Nord ct mélés aux peuples indigenes de langue caucasique. On pourrait ajoute: patens endures, puis chrétiens de rte ‘Les ALAINS ‘ec, puis « pagano-chrétiens » et adeptes de syncrétismes fort itnaginatifs. Pourtant, la langue et certains tra- ditions ont survéeu 3 ces transformations, ces avatars successifs du peuple alain, et sont encore vivantes dans TOssétie actuelle, Ces fils conducteurs justifient que Pon étucie les Alains sur toute la durée de leur histoire et de leur évolution. Inversetnent, les destins divergents de groupes alains émigrés comme les Insses de Hongrie ou Tes Asud de Mongolie, en dehors de la curiosté historique quis représentent, posent des problemes intéressants et pourraient nourtir des recherches ethnoculturelles approfondies. ‘Voici donc un. peuple gui, durant un millénaire ec demi, a fait parler de lui en Europe, en Asie etjusgu’en Afrique du Nord (avec les Vandales), et a laissé en divers endroits de eet immense espace un hétitage divenitié dlont V'inventaire n'es¢ Galleurs pas werming. En dehors des Osstues, de leur langue qui est le dernier vestige vivant du + seythigue » européen, et de leur tiche culture, cet hétitage comprend des éléments aussi divers gue des topomymes éparpillés de PEspagne au Kazakhstan, le prénom occidental « Alain », des mythes et du voca: bhulaire slaves et hongrois, les eyeles Gpiques « martes » et autres traits culturels communs aux peuples du (Caucase du Nord, peut-érre certains éléments de la culture mérovingienne du haut Moyen Age. Cest la meilleu- re raison pour étudier et comprencre Paventure de ce peuple Organisation de Pouvrage Apts une introduction consaerée aux sources, 3 Uhistoie de la recherche et aux éléments de continuié eth- roculturels de ensemble alain, Pouvrage est organisé en quatre grandes parties chromologiques, dent chacune contient le récit des événements et la description de la culture alaine de la phase correspondante. La premiere porte aur lorigine des Alains et leur existence nomale dans les steppes d'Europe orientale aux I-IV" sidcles. La seconde est consacrée a la période chamiére des Grandes Invasions, avec un développement particulier sur le fle et les traces des Alains en Qaule. La troisiéme correspond au haut Moyen Age, et a quaeritme & Tapogée cet au déclin de lAlante caucasienne. Littude historique et culturelle aurait pu étre prolongge jas/aux actucls sss; mais comme cela sera expliqué en son temps, les Ossétes ne sont pas exactement les Alains et ila para préférable dese limiter aux populations qui ont effectivement porté ce demier nom ~ méme si dans une certai- ne mesure, ily a moins de diffrence entre les Ossstes et les Albins caucasiens méiigvaux quentre ces demiers et leurs ancétres nomades des steppes ‘Vladimir Kouznetsov et moi-méme nous sommes partagé le travail en fonction de nos compttences et de nos champs d'étude respectfs [lest le spécialiste incontescé de l'Alanie caueasiene, done il a arpenté le tert- toire, visité les monuments, fouillé les nécropales, durant sa longue catridre Phistorien et darchénlogue. Ia spé- cialement étudié la conversion des Aluins au christianisme, done ila précis la chronologie et les conditions, et les vestiges architecturaux de I'Alanie chrétienne. Les données présentées ici dans ces donnaines sont une syn these, malheureusement trop breve, de recherches qui font autorité dans la science russe. Pour ma part, je me suis phis particuligzement attaché & la période antique, au rSle des Alains en Occident durant les Grandes Invasions, qui est un domaine que j'ai souvent abordé dans le cadre di cerele de recherche Giallia-Sarmtia en France, et 2 des themes spécifiques comme ki langue ou les traditions guerrires. Comme il s'est revenu de mettre en forme ec livre destiné avant tout au public frangais ct occidental, j'assume la pleine responsabilité des erreurs que aurais pu commetre dans la présentation des travaux de mon colléguc. Lhistoite ancienne des Alains est inséparable de celle des Sarmates, auxquels jai consacsé un volume ches le meme &diteur (Les Sarmates, 2002). a dds lors fallu choisir entre deux inconvéntents: soit répéter un certain ‘sombre eléments dé exposés clans ce livre précéent, sic ofr au lecteur une vislon incomplete dusujettrai- té et le renvoyer, pour lessentiel des données concemant les IV" sigeles, a Pouvrage sur les Sarmares. Cette dleuxitice solution a pany de loin la plus mauvaise, et diverses informations historiques et archéologiques dudit ouvrage ont done été reprises ici ~ sous unc forme d'ailleurs modifiée et adaptée. Au demeurant, sur ces ques- tions qui sont, comme je Mexpliquais en 2002, en perpétuelle évolution, il y a toujours des éléments comple mentaires A présenter Avant-propos ‘A. Alemany termine introduction & sa remarquable compilation critique des sources anciennes sur les Alains (2000) par des considerations pessimistes sur les problemes que posent des données (tant historiques quiarchéologiques ou autres) & la fois trés nombreuses, trés diverses et trés lacunaires: « C'est notre opinion, tow- tefis, au dre we histoire des Alains es, 2 Vhevwe acwelle, une tiche au dépasse nos capaciés e celles de wut wni= tersitaire gui vndait aiter objectivement le sujet. » Nous relevons le défi, Des pans entiers de ce livre seront peut- tre périmés d'ici dix ou vingt ans par le jeu normal des dscouvertes et du progrés scientifiques, mais rien n'in- cendit de renter une synchise des connaissances actuelle et de donner un cacte général 3 Térude ce Phistoire et de la culture (plutit: des cultures successives) des Alains. Noms et transcriptions Les noms géographiques sont habituellement indiqués sous bi forte aujourhut officielle dans 'Etat don ils relévent. Toutefbis, lorguil existe une forme francaise traditionnelle de noms bien connus (Dniepr, et.) elle a été préférge. Les noms géographiques nord-caucasiens (osséees, tchetchénes, ete.) apparaissent principalement seus leur forme nase, telle quelle figure sur les atlas, Pour ceux c'Osétic, la forme indigene est donnée dans in- dex. Des précsions slimposent & propos de quelques noms qui apparaisent continuellement dans le texte Listhme caucasien est divisé en deux par la chaine principale du Grand Cauecase, qui s'étend du nord-ouest ut sales entre met Noire et met Caspienne. Les teritoites situés au nor! de cette chaine forment ce que lon appelle le = Cavease dy Nord » ou « Ciscaueasie »; ils appartiennent actuellement a la Fédération de Russe. CCoux situés au sud composent ka « Transcaucasie », partagée aujourdhui entre les «rois Eras de Géoni, Anménie et Azerbaidjan. L' Ihérie » caucasienne est la désignation occidentale ancienne dune partie de la Georgie, dont le nom indigne est « Karte ». Les « steppes européennes » sont celles d'Likraine et Russie méridionales, entre le Danube et POural. « Asie centrale » désigne ici généralement l'ensemble formé par les actuels Kazakhstan, Turkménistan, Ouchékistan, Kisghise et Tadjikistan ‘Compte tenis du grand aombre de noms et de rermes isus de langues aussi diverses qu’enoriques i a para preferable pour faclitr la lecture de les transerre, en régle générale, «& la frangaise »,cest-a-dire de ba fagom a plus immédiatement compréhensible par un lecteur francophone. On a cependant donné, pour le chinois, les formes du systme officiel pinyin. Dans les développements linguistiques oft une plus grande rigueur est néeessaire, on a employé les trans: iptions scientifiques généralement admises pour les différentes langues, au besoin adaptées ou simplifies; nous nnotons ainsi partout les voyelles longues par un accent citconflexe, au liou du tiret suserit, et en essite, nows avons préféré la lettre -2- au signe -at-. Toujours en osséte, certains mots sont indiqués sous une double forme (ruxs)roxs « lumigre »); la premigre est celle de Fosséte oriental ou iron, base de la Tangue littémaire, la seconde celle de Tosstte cecidental ou digo, souvent utilisée par les linguistes car plus archiique. 1. Lebedynsky CARTES DE REPERAGE L« ALANIE » CRIMEENNE: VILLES ET PRINCIPAUX SITES ANTIQUES ET MEDIEVAUX 1 Ghersonése; 2- Tehornaia-Retchka; 3- Eski-Kermen: 4- Mangoup: 5- Tchoufout-Kalé: 6- Skolistoié: 7- Bakla: B- Droujnoid: 9- Perevalircié; 10- Lowrtchistoié; 11- Alouchta (Aloustor); 12- Gourzouf (Gorzoubites); 13- Neizats: 14- Soudek (Scugddia): 15- Théodosie (Ardavda): 16- Kertch (Panticapée, Bosporas). BB Monts de crimée. | fe amie fai 1th ‘9u6ods3 “sBuow 9p pny
sont tombés dans loubli, mais aucun chercheutséricux na jamais temis en cause léquation Ossétes = Asses = Alains de Klaproth. Les comséquenices de cette découverte sur Pétude des anciens Alains ont été énormes. La langueosséte offait la clef du déchifftement de nombreux noms propres alains, et méme du seul texte sulvi conn ce jour (la stele du Zélentchouk, cf chap. Il). Les archaismes de son vocabulaire otvraient des perspectives souvent passion- nantes. Mais il ya bien plus. Par suite des circonstances historiques, les Ossétes étaient demeurés murés dans leurs montagnes des X[V"-XV° sitcles la conquéte muse, 2 I'écart des changements ethniques et culeurels inter- ‘venus plus au nord dans les steppes. Leur culture, ts conservatrice, permettait des comparaisons avec les infor- mations des textes antiques cu médigvaux, puis (au XX’ sidcle) avec le matériel archéologique. Dans certains ddomaines, comme celui des coutumes funéraires, la comtinuité est frappante. En outre, les Ossétes ont préservé des variantes partculiérement riches et pures des cycles €piques communs& la plupart des peuples nonl-cauca- siens et consierés au mythique peuple des Nartes, Ces éléments seront présentes dans le demier chapitre Les Osétes sont done devenus pour Pétude des Alains (et ensuite de tout Yensemble « seythigue ») ce qu'éraient les Bretons armoricains ou les Gallois pour celle de Pancien monde eeltique continental, Parmi les principaux travaux qui leur ont é€ consacrés, il faut citer ceux de V. Miller & la fin du XIX siete, et au XX* sécle ceux de G. Dumésil et de V. Abaiev. Ces grands savants ont aujourd?hui de nombteux continuateurs, en. Occidene er en Russie ~ tout particuligrement, bien sir, at Cancase du Nor Problémes actuels de la recherche sur les Alains Avec la fin de "Union soviétique, la libéralisation des échanges scientifiques intemationau, le désir des pauples de Pancienne URSS de retrouver leurs acines et de régcrre leur vai histoire, ont entrain€ un regain aineéeée pour les Alains. De nombrenses publications ont vu le jour ses expositions ont ait une large place aux ‘Alains, une coopération intemationale s'est mise en place dans le domaine archéologigue. Tout cela est ts positif mais ne va pas sans dificules. Les unes sont — il faut lespeérer ~ conjoncturelles: ee sont le manque d'argent et de mioyens des chercheurs susses ec ukrainiens, et aussi le pillage des sites archéolo- siques en Europe orientale. Lapparition sur le marché cecidental d'un nombre eroissant objets en provenan ce de pays qui interdsent théoriquement lesporcation des antiquités, Texstence dans ces m&mes pays de riches collections privées 4 Potigine obscure, en sont des symptiimes révélarcurs. 4 Introduction a l'étude des Alains Ilya aussi des problemes de nature théorique ou idologique. Réprimés durant des décernies voire des siécles (par le pouwoi russe impérial puis saviérique), les patriotismes des peuples ce la région se doonent libre cours et dégénérent parfois en mégalomanie nationaliste. Uhistoire, Parchéologie, la linguistique, Vanthropologie phy: sique, sont manipulées au service de théories délirantes qui veulent toujours prouver gue le peuple consider ‘existe depuis la Préhistoite sinon depuis la création duu monde, oecupait son terriroire actuel avant Varrivée de tous ses voisins, est fondé& revendiquer d’sucres terres quiil dominées & un moment ou un autre, era déve- loppé la plus billante de toutes les civilisations. Lone les preuves manquent & Pappui ambitions aussi éle- ‘vées, les auteurs les plus imaginatfs n’hésitent pas & annexer histoire de peuples plus connus (avec une fixation caurieuse, souvent, sur les Exrusques) (Ces debordements n'ont pas épargné les Alains, et il est a craindre, compte tent des tensions au Caucase, que la situation ne Sameéliore pas avant longtemps. IL n'est done pas inutile de mettre en garde le lecteur contre les erreuns ct les falsifcations les plus patentes (cf. A ce sujet V; Kourmetsow et I. Tchetchenov, 2000), Iya d'abord les exces denthousiasme des Ossétes eux-mémes. Il faut insister sur le fait qulavant le XIX’ Stele, les Osstes a’avaient absolument aucine notion de leuts liens avec les anciens Alains (le pom méme <'Abbins avait disparu de leur langue, n'y lnissant que des termes fosiles devenus incompréhensibles); ce passé avair été remplacé par des légendes généalogiqes. Ce sont les savants russes et occidencaury qui leur ont permis de retrouver, ou plutdt de réinventer, cette mémoire, qui cecupe aujound hui une place précominante dams leur conscience nationale. Depuis le XX" siécle, la classe cultivée osséte @ pris la teléve avec un séle parfois excessif. Certains auteurs, contre toute évidence historique, archéologique, linguistique ou anthropologique, veulent faite des Ossénes unt ‘peuple purement iranien ou « atyen » et minorent ou nient le ble des éléments caucasiens indigenes dans leur ethnogensse. D'autres idéalisent & Texts les anciens Alains, gonflent démesurément leur eile historique qu ren anul besoin, ce qui débouche parfois sur de pures aberrations; il sulficde mentionner ici les « découvertes » de V. Khamitsey ct A. Balaiev sur Vorigine alano-asite de Frédéric Barberousse (s Barbare-Osse! »), des Germains en général... et de Jésus-Christ. Inversement, des porte-parole de la « science patrioique » d'autres peuples di Cauease Sefforcent de rattar cher les Alain a leur propre passé. La nouvelle capitale de la république dIngouchie s'appelle Magas, ce qui était le nom de la capitale des Alains mécliévaux (qui ne se situat absolument pas fil), au monif qu’« Alains » était tune appellation générale recouvrant aussi, au Moyen Age, les ancétres des Tchétchines et Ingouches. la ‘Vagapoy peéeend momcrer, au moyen arguments pseudo-linguistiques, que les Alains appartenaient en fait au groupe ethnolinguistique vainakh (tchetchéne-ineouche) et réussit méme: A lire une phrase en vainakh dans THistoire des Goths écrite au VI sigcle par Jordans. (Ge sont surtout les peuples de langue marque qui revendiquent des ancétres alains (et cimmériens, scythes, sarmmates, saces... sans parler des Sumériens ou Etrusques), Ces conceptions ont notamment été développées a propos des Karatchat-Balkars par [. Misiev, des Tatars par M. Zakiev, etc. On werra dans les troisiéme et quae trigme parties de cet cuvtage que les Alains ont cu, & partir du VI sitcle au moins, des rapport étroits et constants avec des populations turcophones, et que certains dientre eux ont été assimilés par le monde ture (les ancétres des Karatchai et Balkars du Caucase sont en bonne partie dss Alains tardivement torquisés). Mais pré- tendre que les Aluins originels éraient turcophones est en totale contradiction avee toutes nos informations sur leur identiré ethnolinguistique En dehors de ces excés caricaruraux, les demnicrs dix ou quinze ans ont vu fleurir de nouvelles theories ~ ou, plus souvent, de nouvelles versions de théories anciennes ~ sur certains aspects le Phistoire et de la culture des Alans. Divers auteurs ont ainsi prétendu réglr le probléme complexe entre tous de Forigine ou du processus de formation de ce peuple. La diversité méme des résultats auxquels tls aboutissent recommande une grande pru- dlence en attendant des vérifications, notamment archéologiques. Nous nous sommes efforés, dans cette sy these, de toujours distinguer les (rares) certitude les hypotheses les plus vraisemblables, et la masse des ides sons fondement démontrable 15 Les ALAINS II- CONTINUITE ET RUPTURES Comme on Va signalé en avant-propos, histoire des Alains et leur évolution cultueélle se dcomposenc en phases asses différentes, que Pexstence de certains fils condueteurs permet cependant de suivre comme un tout On présentera ici les différents indicateurs dh dogré de continuité ethnoculturelle des Alains a travers leurs étamorphoses suecessves: les noms qu’s ont portés, leur langue iranienne, leurs eypes physiques, la pérenni- 1€de certaines traditions et Fadoption de certaines autres. ‘Les noms ethniques Le groupe hunnait qui nous intéresse a porté le nom d'« Alains »,artesté dis le F* sidcle, tour au long de wn existence. A partir du VII sigcle environ, une partie au moins des Alains a été connue scus l'appellation d= Asses ». Labandon de ces ethnonymes (au XVI sigele?) coicide avec la fin de Phistoire des Alain. [Le notn des Alains nous a été transmis, sous des formes trés voisines, par diverses langues européennes et asiatiques. Les formes principales sont: prec ‘Aiavof} Alamo’; lacin [H[Alani, avec parfois un H.- initial purement graphique; al‘Allan, a-Lén avec fausse coupe, dans les textes arabes; chinois “Alan. (ielén-), Ce nom est conser- vvé au Caucase dans le mingrélien dlani « heros, brave », peut-etre aussi lingouche ali « prince » et certains termes asses sur lesquels on reviendta plus bas. La grande proximnté de routes ces variantes permet de restiner avec une quasi-certitude la forme originelle *Alax- ou *Aldn-. Il est probable, bien que des doutes soient régu- libvement émis& ce sujet, qu'il s'agic La un sutoethnonyme, cest2-cine de Pappellation que se donnaient eux- mémes les Alains, ‘Crest aussi ce que sugaére son étymologie. Ammien Marcellin affirme que les Alains tient leur nom « de dears montagnes ». A afin du XIX‘ siecle, Neumann et Millenhoff avaient rapproché ce nom du mandchou Alin = montagne ». Alen serait le not mandchou de Altai (N. Lysenko, 2002). La resemblance est 6videmment curieuse, mais il est totalement exclu que les Alains aient parlé une langue toungouse (|e rameau altaique auguel appartient le mandchou), ct vraiment peu vraisemblable quiils aient cmprunté ou laissé leur nom a 'Altai. Et comment les sources classiques d’Ammien auraient-elles eu vent de Lappellation donnée a des montagmes dont elles ignoraient juyqu’s Pexistence? Il-est bien plus probable que les montagnes visées par Ammien sont les « Monts Allains » deja cits par Proléinée au IF sitcle (Akavbv Ogos; Il, 5, 5), et que certains identifient au Caucase et d'autres aur hayteus «hi Donets dans la steppe ukraino-russe Er cest, contrairement a ce qu'il eroit, le peuple gui a donné son nom aux montages Il ne fait aujounhui aucun doute, pour Himmense majorité des linguistes, ue ce nom dérive de celui d'Aiyer, qu fut Ie « super-ethnonymie » des Indo-traniens, et pourrait méme remonter & Tunité indo-européenne du Nelichique. Il est abonglamment attesté tant ches les Indiens (sanscrit Aryas) que che: les Iraniens, chez gui il st daillcurs toujours en usage. Herodote note que les Meds étaient autrefois appelés A pat/Anaii. Dans leurs inscriptions, les souverains petses achéménides Darius et Xena se proclament chacun « Arya de souche aryen ne» (Ariya Aviyuciga). Ama de Avesta est le « bon » Arya, celui qui suit les préceptes de Zoroastre. empire achéménide comprenait une province d’« Arie», entre Perse et Buctciane. Pour les aéogeaphes grecs, le pays da Ariane » groupait sur le plateau iranien plusieurs peuples apparentés par la langue. A Pépoque sassanide, la Perse se nommait Brénsahr « Etat des Aryas » (< *Aaydndm xiafram), et cst Vorigine du nom modeme de Mran (Ind), repris en 1935 sous la dynastie des Pahlavi. ‘Chez les peuples iranophones des steppes (le groupe « scythique »), ce nom était également en usage: On le retrouve dans plusieurs anchroponymes scytho-sarmates, comme APIAPAMNHY/Ariararanés ou API@APNHS/Anfamés, Au I* sitele, Pline (Histowe naturelle, IV, 41) mentionne « les Sarmates Arraci, que l'on appelle Areauas ». 1 'agit du méme nom, sous une premiere forme latinisée (Araei) et ume seconde qui compor- te une désinence sarmate du plutiel (arya-ta). Au IF sidcle, Prolémée (VI, 14) situe des Ariakai (*Arya-ka) sur 16 Introduction a l'étude des Alains lative gaiche du [axatte (Syr Daria); is sont connus de Pine (Histone naturelle, VI, 19) sous le nom dPAriceae AwV* sicle, Epiphanius cite une tribu pontique des Ari Le nomdes Alains drive de la méme source, plus préciséinent d'un ancien génitif pluriel *Arydndim ou d'une forme adjectivale *arjarne (cf, avestique airyana- « aryen »). Le passage de n>, 2% A +> est carcetétistique da stoupe de parlersiraniens guia donne naissunce & Vosséce: Tl ese actesté par exemple dans le nor des Roxolans (chp. 33). Ammien Marcellin insiste& deus reprises sur le fait que Le nom dAlains est une appellation générale Sap pliguant a diverses populations, notamment 3 celles conquises et domines par kes « vrais» Alains originels. Le sens de cette information seta examiné & propos du déhat sur la formation de lensemble alain au début de notre exe (chap. IV) "Nous jgnorons les noms des diverses trihus qui composnient cor ensemble dans tAntiquité. Ammien Marcellin, qui semble en avoir connu certains (méme si st formulation n'est pas parfaitement clair, cf. chap. V), ne les énumére malheureusement pas ‘Une appellation concurrente des Alains ~ou au moins d'une partie d’entee eux ~est celle d'Asses ou lasses. Sa premitre attestation se trouve apparemment dans la Came du monde aeménienne, dont le texte remonterait au VIF sicle (Agxathac‘oy'; les historiens russes Vappellent habituellement Caéographie arménienne). On ¥ trax ve mentionné un peuple ou tribu des A®Digor, Aitgor. On reconnatt dans la seconde painie de ce terme Teth- rronyme modeme des Ossétes occiddentaun ou Digors, et la premiére correspondrait au nom des Ases. En tout as, a Moyen Age, cette appellation était couramment employée pour désigner des Alains, et au moins trois sources occidentakes assimilent formellement les deux noms. Jean de Plan Carpin (1247) évoque les « Alains ou ‘Asses » (Alani sive Assi); Guillaume de Rubroucg (1254) les » Alains, que l'on appolle ici Aas »; et Josaphat Barbaro (1436) le « peuple des Alans, lesquelsen leur lagues'appellent As » Les sources atabo-persanes connaissent des As ou Ag, et [es Mongols des Asud (avee pl. mongol -d). On. trouve dans les textes slaves la forme Jasy « lasses +, avec un j- prothétique. Les Alains-Asses émigrés en Hongrie ‘au XIIL sidcle ont é1€ désignés par cette variante shave de leur om: Jas, pl. Js, « les lasses » Les différentes graphies permettent de resticuer une forme originelle *As-. On la rapproche, sans certitude, de la racine de Pavestique ésu- « rapide » (la comparaison avec Peséte as « ge taille » est peu probante) ‘Ona cherché des protstypes de ce nom — ot peut-Gtre certains ancétres des Alains ~ parmi des populations rromades citées par divers auteurs antiques. Prolémée mentionne une teibu des °AoloyAsaoi en Sarmacieasia- tique, Cestricdire 8 Vest du Don. Etienne de Byzance les appelle “Aooaou/Assaloé et en fait le habitants dune ville d'Assa, Parmi les nomades d Asie centrale qui conquirent la Bactriane au Il etcle ay. J-C., Serbon (Xl, 8, 2) connait les“Anow/Asioi, que Tiogue Pompée (chez Justin, XLI) appelle Asiani, et des Tamerva(/Pasianof qui ppouraient étre des *Ap-asian,, des « Asiens de Veau ». Les Asions de Strabon et Trogue Pompée sont peut-&tre Je peuple nomade que les chroniques chinoises appellent Wan: la pronemeciation antigue de ce nom aura pa **Asuen. Les Wusun sont signalés 8 est du lac Balkhach aux driers sitcles avant, et aux premiers les aps, J-C. Ils étaient europotdes et parlaient vraisemblablement une langue iranienne. La resemblance des noms des Asses (Alains) médiévausx et des Asiens antiques ne prouve évidemment pas aque les premiers descendent des seconds. Les rapports éventuels entre les deux: peuples seront discutes & propos des thories sur es origites es Aluins Des rapprochements encore plus osés ont aussi été proposés avec la tribu sarmate des Aorses, aver les Ani, Jocuteurs dune langue indo-curopéenne non iranfenne (« tokharienne ») du Turkestan oriental, les Az ou Assn tutes de Sibéric, les Antes slaves des IV'-VIIt stele... et, bien si les liewx Ases de la mythologie germanique lis ne reposent, le plus souvent, que sur des ressemblanees ailleurs un peu forcées Le nom des Asses apparait dans les appellations de Dohsés et Tyiés qu'lln-Rusteh (X’ sitcle) docine & des tribusalaines, et que lon restitue en *Rdns-As- « Asses humineux » sur le modele des Roxolans de ’Antiquité, ‘ot *Tuwal-As « Dvales-Asses » ou « Touals-Asses », avec un nom tribal arcesté ensuite ches les Ossdees (ef. fia). La géographie persane dite Régions du monde (fidtad al-‘alam) connait elle aussi une région ce Pils, sinxée dans 7 Les ALains Vempire des Khazars. On a encore cru retrouver des Asses dans le nom du mystérieux peuple des Rourtasses (arabe Buotas, persan Pons chez Necarni, signalé sur la Volga, mais les étymologies avancées sont contradic- toires er peu convaineantes, et les Bourtases catalogués par la plupart des historiens comme un peuple finnois. Sur les rapports entre les ethnonymes « Alans » et = Asses » existe trois points de vue. Selon le premier, **As- etait la veritable appellation de tous les Alains (leur autoethnonyme). DYapris le second, *As- désignait une fraction partiulére ~ laquelle? dun ensemble alain plus lange. A en croire le woisitime, Alains et Asses formaient& Forigine (dans 'Antiquité) deux peuples distinets, et ce nvest que tardivemnent quiils ont été identi- figs. Le lecteur pourra se faire sa propre conviction sur la base des éléments qui seront présentés au fil des cha- pitres suivants. Dans tous les cas, les populations appelées « Asses » & partir du haut Moyen Age doivent ére considerées comme appartenant a Vensemnble « alain » au sens lage. On notera aussi que dans les sources qui font une distinction terinolegigue entre < Asses » et « Alain » au sens sit, elle ne semble pas recoupe la viele difference quia longtemps existé entre un bloc alin occidental (Crimée, bas-Don, région du Kouan) et un auare oriencal (région du Térek). Certains Alaine Asses ont été turquisés, probablement & partir du XTV* siécle, et des populations tureo- phones comprenant des substratsalains plus ou moins importants oceupent aujourd'hui des partes de ce qui fut T'Alanie occidentale (les Karatchat en Karatchai-Teherkessie et les Balkares en Kabardino-Balkarie). Ainsi s'ex- plique le fait en apparence curieux que les Ossétes ne portent pas eux-mémes le nom d’ Asses » mais lappli- quent leurs volsins les Balkars= ss. Asy/Ad(s|i« Balkars, Balkarie », Asiay/Assom « un Balkar », « balkar > (adj) expression digore dsom nimided désigne la numération (nimidea) décimale dorigine iranienne en usage en Ossétie occidentale et Balkarie, et qui soppose au systéme viessimal de style caucasien, traditionnel en Ossétie ottienrale. [Le nom des Asses a cependant da ingpirer ceux par lesquels la plupart des langues étrangéres dsignent les (Qsetes: [lest gnéralement admis que ces appellations éerangéres remontent au géorgien Oluls « Alain-Asse », puis « Ossete », doi Ovseti » Ossétic », avec le suffixe géographique -eti, d’oit cnsuite les noms russe et occi- dentaux basés sur ce-nam géorgien chu pays; Olujs, et labkthare Wags qui a le méme sens, proviendraient de la racine *As-, Ainsi, le nom des Asses médiévaux, oublié par leurs héritiers linguistiques, aurait été conservé pour les désigner par autres peuples, de méme que les Grecs ou les Bretons appellent toujours les Frangais « Gaulois ». Cette dérivarion a éré contestée (notamment par V. Abaiev, 1958), mais une coincidence phoné- ‘aque parait peu vraisemblable. ‘A.une date et dans des conditions indéverminées, la partie des Alains-Asses du Cauease qui avait conser’ 4 Langue iranienne a done perdu ou abandonné ses noms traditionnels au profit du nouvel ethnonyme fr « Osséte » et de diverses appellations régionales plus ou moins anciennes, comme celle des Digots. Le nom PAses, comme on vient de le voir, a éétransféré sux Balkars. Celi Alans oa lassé en ostte que des traces incertaines. Dans les récits épiques ossétes apparatt ~ rarement - le terme allon, parfois associé ou opposé 8 bilon. Il semble, daprés le contexte, qui pusse gir un qualificaifethnique. Allon pourrait étre le prexluit de Févo- lution phonétique c*Alan-. Mais rien n'indique que ce terme ait été compris comme sappliquant cue Ossetes ‘ow ) Hours ancétres; et que faire de bilan, qui n’a aucune étymologie claire (V. Goussalov le rattache & *4in- «homme ») Les récits « nartes » fourmillent de toponymes et ethnonymes fantaisstes ou inrémédiablement e€ assimilés plus ou moins rapidement par autres peuples. Au Cavease, il a subsists jusqu’a la fin du XVIIF sigcle une région dAlania pris du col de K’loukhori en Georgie (cf. chap. XVI). Hors du Caucuse, lappellation d'« Asses » est demeurée attachée 2 deux populaions alaines séparées du trome commun fors des invasions morigoles: les asses cle Hongrie et les Asie de Chine et Mongol (ef. chap. XIV). Lest possible que le nom d'une tribu turkméne dAsie centrale, celle des Olam ov Ulam, profonge celui des Alains (B. Kalotes, 1999; cf chap. II) Encce qui conceme 'autoethnonyme actuel des Osstes, Inf (ad iron), on le rapproche traditionnellement Arye, ou plundr de la variante Airy attestée en avestique: On aurat alors Aina > *B- > by, le méme que Yon a Sawa > *2u- > oss. lew « un ». Or, certains anthroponymes sarmati-alains de PArstiquité suggerent que cette évolution s'état effectivement produice dans une partie des parler iraniens au nord de ka mer Noire: HPAKAS [Frakes = “Erak-, “Irake], nom de l’« interpréte en chef des Alains » sur une sttle de Panticapée, POPHPANOE [Foréranos = *Funérin-, Furindn-| et [PTANOE [Irganos = *Irgdn-] a Tanais (J. Harmarta, 1970). Le premier de ces noms est particulidrement intéressant, puis la fonction de son porteur suggée quil ait lui-méme précisément un Alain. Cette thése de Vorigine « aryenne » du nom d'fen] a été vigourcusement contestée par le linguiste ostte V. Abaiey (1958) pour les raisons suivantes: + fe groupe iranien *al- produit bien i- en osséte oriental, mais e- en osséve occidental (igor): "alu > iulew “un ». Si lr provenaie de Airy, on aurait en digor no pas Ini, mais “Ex; + le groupe iranien -ry- passe en osstte, comme dans *manya- > malyn « mourit >. En fit, le produit régu- lier de Arya- dans les parlers qui ont engendeé Posséte n'est pas hr, mais AL-, comme dans le nom historique des Alains qui déxive de la variante sufixée *Arya-na- Aba‘ey ajoute un troisiéme argument, moins imporcant, sur la place de accent tonique. Cette refutation, fautant plas convaincante quelle Sappuie sur une connaissance intime de Fosstte que rnfont pas la plupart des linguistes occidentaux, nous laisse devant une alternative difficile: 1- Soit Info] n’a rien 2 voir avec Alifya-; sa resemblance avec le nom de Uran est un mirage phonétique (Quant aux anthroponymes sarmato-alains antiques en *Br-, *1r-, is appartiennent un groupe dialectal dis tinct du proto-ossete, et d’ailleurs, explication de leur racine par un produit de Alifrya- est hypothétique. Dans ce cas, ot provient autcethnonyme des Osséres? V. Abatev le croit dorigine caucasique. Il le rapproche du nom géographique de Hered (« pays des Her =?) «qui appara dans les sources géongiennes, et note que es Tehetchénes et Avars appellent les Ossétes Hiri ‘Une région d’Alanie orientale portait au Moyen Age-le nom d'ikkran (*Inkhan ? ef. chap. XV). Comme les notes de divers groupes trihaux osetes (cf. inj), Tr serait un terme local, yemoncant au substratindigene assimilé par les Alains 2. Soit le nom d'fr est un produit régulier d’Alijya- en sarmato-alain. Pour réponade aux objections d’Abatew, ‘on peut envisager une double évolution Arya-{na-] > ALfan-] et Airya > *Ea{al > dl, qui expliquerait la coexistence des ethnonymes « Alain » et I. Les formes 2 -r- non iodisé *Enfa), Ina, seratent celles repré- sencées dans ?Antiquité par les anthroponymes du type HPAKA3)Erakas. Le fait que Pom ait en dligor Ir au licu de la variante réguliére attendue "Eré peut stexpliquer par un emprunt inteme tardifde Possete ovei- dental Posseee oriental Mais estil vaisemblable que les ancétres des Ossétes aient porté simultanément deux roms phorétique- iment res différents, mais de méme origine, et quls se soient appelés la fois *Alon- et “Er-,Ir-? Pourrende compte de cette érange dualitg, il faudrait imaginer soit que les noms d < Alains » et lr aient é€ portés pa des tibus diferentes au sein d'un méme ensemble iranophone, soit encore que les Osséres ent « néem- prunté + le nom dlr < *Alihya-A une autre population qui les aurait ésignés ce kr sorte 19 Les ALAINS Tl faut enfin mentionner la théorie A. Nagler (1996) sur le lien possible entre Pautoethnonyme oss Ir at le nom des Sarmates Siraques (S-a-ak; mais que représente 5-2) Les diverses étymologies proposées peuvent en curre servi 3 tayer plus ou moins honngcement des théories sur Pauto-idontification des Osstes et leur degré dle conrinvité avec les Alains ct autres ancien peupls ira- ppophones: dans un cas, ils ont conservé un métne nom ~ et done, prétendent gaillardement certains vulgarisa- reurs, une méme conscience « aryenne » — depuis lige du Bronze au moins. Dans Vautre, leurs aneétres ont, 3 Pssue du processus de fusion entre Alains iranophones et indigenes caucasophiones, abandonné lethnonyme des premiers au profit Pune appellation rirée ce ks tradition onomastique des seconds La question a, bien si, un certain intér8t, mais il faut souligner que Vethnonyme ne refléte pas mécanique- ment Porigine ou la composition ethnolinguistique dune population. Dans tous les cas la disparition des eth- nnonymes « Alains » ct « Asses » chee les Ossétes manifeste une niprure ce la continuité dentitaie, une perte dela mémoire historique, qui se vérfie ailleurs dans d'autres domaines de la radition orale sete. (On nate a ce sujet que les noms des principales « tribus » ou groupes sub-ethniques castes se rartachent plu- 15t au substrat caucesigue local quia fond iranten. Dyga/Digor (« Digors, Osstes occidentoux: ») na srement rien 3 voir avec les Tokhariens (TeyagoyTécharvi), peuple nomade de VAnciquité asocié aux Asiens et & des ‘Seces pour la conquéte de la Bactriane au I sigcle av. J-C. et fondateur, dans la région, du grand empire kou- chane; le parllélisme entre Asiens ~ Tokhariens et Asses + Digors (les Astigo de la Came di mende arménien- ne!) est pure illsion. Ce nom des Digors serait plutt, selon V. Abaiev (1958), lointainerment apparenté celui des Adiyghes (Tcherkesses) avec un suifie de pluriel de type eaucasique Hest tout aussi fantaisiste de vouloi faire dériver Vappellation des Koudars (K’udar) de celle des Scythes (K'udar < *shaua-; théorie de lou, Dzittsoity): il ‘vaut micux le rapprocher des Koudétes (K’udit'k’) de la Carte du Monde et de la région géorgienne de Kudaro, Les Tous (Twal-u) conservent le nom de Pancien peuple (de langue cavcasique ) des Deals, dans la région di ‘cours supérieur de Andon, que les Alains-Ossétes nauraient fini d'absorber qu’au XV" sidcle (cf. p. 241). Les types physiques Liappore de la paléo-anchropologie aux disciplines historiques a été consicérablement augmenté pat les now: velles techniques d'études génétiques (travail sur ADIN). Sous réserve que ces méthodes puissent etre employées avec les précautions et dans les conditions de rigueur scientifique qui simpcsent, elles pourtaient théoriquement répondre A de nombreuses questions sue Pevolution de Pensemble alain, Les comparaisons wéné- tiques entre des restes humaitis supposes alains et les Ossétes et d'autres popullations modemes de Ciscaucasie, ‘ow entre les Ossttes et les descendants encore identifiables de groupes alains vardivement séparés comme les lasses de Homgrie ou les As de Mongolic,seraient res intéressantes. En attendant qu'elle puissent étre effec: tuées 2 grande échelle il faut nous contenter de données plus traditionnelles: descriptions et représentations anciennes, et examen des squelettes. Les Alans étaient europoxdes: ils appartenaient 8 la race blanche » (A. Alemany, 2000, fait de curiewses réserves 3 ce sit, mas ignore tout le volet archéologigue de ka question). On décele, dans des tobes de la culture « sarmate tardive » des IU-1V* sles, sureout dans la région cle POural métidional, une petite proportion environ 2 % de mongoloides, et jusqu’s 10 % de métis eurasiens (Stepi..., 1989). Mais il n'est pas certain qu sagise de Sarmates ou c?Alains, car il semble ressortr du témoignage de Jordans que des tribus asiatiques, peut ire une sorte davant-gande des Huns, résidoient dans cette zone avant méme le grand choc hunnique des années 370. D’autres éléments mongoloides furent ensuite inzroduits chez les Alains au fil de leurs contacts avec les Huns puis divers peuples turcophones (eux-mémes trs mélangés), mais restérent trés minotitares. Seuls les sud, indissolublement associés aux Mongols finirent par se méler 8 eux, au point que leurs descendants sont aujount hui peu distinets du reste de la population de la Mongolie Tl existe peu de représentations antiques que l'on puisse associer & des Alains (sur les repeésentations de ‘Sarmates, cf 1 Lebedynsky, 2002; E. Isvidinavies et V. Kulesér, 2001), et aucune ne présente de traits physiques 20 Introduction a l'étude des Alains remarquables. C'est le cas du plat d'argent dit d'Ortebello (Italie, V" sitcle ; ef. p. 124), qui comporte un portrait

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