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A.

Salomon

Des garçons et des filles vis-à-vis des animaux.


In: Enfance. Tome 36 n°4, 1983. pp. 337-350.

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Salomon A. Des garçons et des filles vis-à-vis des animaux. In: Enfance. Tome 36 n°4, 1983. pp. 337-350.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1983_num_36_4_2821
Abstract
Many have written on the significance of animals in the life of the child and the reciprocity of interest on
the part of the child for the animal. The psychological meaning of animals could have a variety of
aspects. In that perspective, 214 children were tested in Montreal on Bour' s Animal Affinity Test or
Zazzo's Bestiaire. Results were analysed in terms of age and sex. In their choice of being such or such
animal or not being, boys and girls differ on two points. Boys, specially in age group 6-6 1/2 years, value
strength and the power of defending themselves against danger. Girls in the same age group
emphasize physical and dactile qualities, specially touching, in being beautiful and soft.
The situation becomes more diversified in respect to act without constraint. Girls as well as boys, in age
group 9-9 1 /2 years assert their need of indépendance. But whereas boys in age group 11-11 1/2 years
go further in that sense, girls decline.
Questions remain as to the presence of these differences in still larger samples and the influence of
socio-cultural background in variations of sexual role.
These results make a case for a wider prospective study.

Résumé
Divers auteurs soulignent l'importance de l'animal dans la vie de l'enfant et l'intérêt de l'enfant pour
l'animal. La signification psychologique de l'animal pourrait revêtir des aspects multiples. Dans cette
perspective, les réponses de 214 enfants montréalais au Test des Affinités Animales de Bour ou au
Test du Bestiaire de Zazzo sont analysées, en tenant compte du sexe de l'enfant et de son âge. Il
apparaît ainsi que les filles et les garçons, dans leur choix d'être ou de ne pas être tel ou tel animal,
diffèrent sur deux points.
Pour les garçons, et surtout les jeunes (groupe des 6 ans 1/2-7 ans), le fait d'être fort et de pouvoir se
défendre contre le danger revêt une très grande importance alors que chez les filles du même groupe
d'âge l'accent est mis sur les caractéristiques physiques et tactiles (être doux, être beau). La situation
est plus complexe en ce qui concerne le pouvoir de faire toutes sortes de choses sans contraintes. Si
les filles et les garçons de 9 ans-9 ans 1 /2 affirment ainsi leur besoin d' indépendance, si les garçons
de 11 ans-11 ans 1 /2 s'expriment de plus en plus dans ce sens, c'est un déclin qui se produit chez les
filles.
On peut se poser des questions quant aux différences notées, à leur présence éventuelle dans un plus
grand échantillon, à l'influence du milieu socio-culturel quant aux rôles sexuels.
Les résultats actuels nécessiteraient donc des vérifications.
ENFANCE, N° 4-1983, pp. 337-350.

Anne SALOMON

Des garçons et des filles

vis-à-vis des animaux

RÉSUMÉ

Divers auteurs soulignent l'importance de l'animal dans la vie de


l'enfant et l'intérêt de l'enfant pour l'animal. La signification psycholo
gique de l'animal pourrait revêtir des aspects multiples. Dans cette perspect
ive, les réponses de 214 enfants montréalais au Test des Affinités Animales
de Bour ou au Test du Bestiaire de Zazzo sont analysées, en tenant compte
du sexe de l'enfant et de son âge. Il apparaît ainsi que les filles et les gar
çons, dans leur choix d'être ou de ne pas être tel ou tel animal, diffèrent
sur deux points.
Pour les garçons, et surtout les jeunes (groupe des 6 ans 1/2-7 ans),
le fait d'être fort et de pouvoir se défendre contre le danger revêt une très
grande importance alors que chez les filles du même groupe d'âge l'accent
est mis sur les caractéristiques physiques et tactiles (être doux, être beau).
La situation est plus complexe en ce qui concerne le pouvoir de faire toutes
sortes de choses sans contraintes. Si les filles et les garçons de 9 ans-9 ans 1 /2
affirment ainsi leur besoin d' indépendance, si les garçons de 11 ans-11 ans
1 /2 s'expriment de plus en plus dans ce sens, c'est un déclin qui se produit
chez les filles.
On peut se poser des questions quant aux différences notées, à leur
présence éventuelle dans un plus grand échantillon, à l'influence du milieu
socio-culturel quant aux rôles sexuels.
Les résultats actuels nécessiteraient donc des vérifications.

SUMMARY

Many have written on the significance of animals in the life of the


child and the reciprocity of interest on the part of the child for the animal.
The psychological meaning of animals could have a variety of aspects.
In that perspective, 214 children were tested in Montreal on Bour' s Animal
Affinity Test or Zazzo's Bestiaire. Results were analysed in terms of age
and sex. In their choice of being such or such animal or not being, boys
and girls differ on two points.

(*) Département de psychologie. Université de Montréal, Canada. 337


Boys, specially in age group 6-6 1/2 years, value strength and the
power of defending themselves against danger. Girls in the same age group
emphasize physical and dactile qualities, specially touching, in being
beautiful and soft.
The situation becomes more diversified in respect to act without cons
traint. Girls as well as boys, in age group 9-9 1 /2 years assert their need
of indépendance. But whereas boys in age group 11-11 1 J2 years go further
in that sense, girls decline.
Questions remain as to the presence of these differences in still larger
samples and the influence of socio-cultural background in variations
of sexual role.
These results make a case for a wider prospective study.

L'animal semblerait avoir une grande importance dans la vie de


l'enfant comme le soulignent Bridger (1976), Heiman (1956, 1965),
Levinson (1969, 1972), Mouren et Soulayrol (1980), Salomon (1980,
1981, 1982). Freud, déjà en 1913, écrivait : « II y a une grande ressem
blance entre les relations des enfants avec les animaux et celles qu'entre
tenaient les hommes primitifs. Les enfants ne montrent pas l'arrogance
des adultes civilisés qui tracent une démarcation nette entre leur propre
nature et celle des animaux. Les enfants n'ont aucun scrupule à traiter
les animaux comme leurs égaux. Sans inhibition à l'égard de l'expression
de leurs besoins corporels, ils se sentent, sans doute, plus proches des
animaux que de leurs aînés».
L'intérêt pour les animaux serait ainsi général de la part de l'enfant,
que l'animal soit fortement attirant ou fortement craint (Sherick,
1981). La signification psychologique de l'animal pourrait revêtir des
aspects multiples, en fonction des étapes de développement de l'enfant
ou des situations particulières de sa vie tel que le suggèrent Heiman
(1965), Mouren et Soulayrol (1980), Ryder (1973), Sherick (1981).
Analysant le cas d'une fillette de 9 ans, Sherick indique que la
relation de Laura avec les animaux a permis à cette dernière de trouver
des «objets d'identification, d'extériorisation, de déplacement... à
travers lesquels elle a pu exprimer ses conflits et tenter de les résoudre
d'une manière favorable».
Au cours d'une enquête effectuée à Montréal au début de 1980
(Salomon, 1980, 1981) auprès d'enfants de 5 à 13 ans, l'importance de
l'animal comme compagnon a été clairement exprimée par les enfants
plus âgés. L'animal vient combler des besoins non satisfaits, il fait
appel aux attitudes responsables et protectrices de son propriétaire.
Le Test des Affinités Animales de Bour (Salomon, 1982), donné au
cours du premier trimestre 1981 à 124 enfants âgés de 6 ans 3 à 13 ans 8,
a été l'occasion d'étudier les choix et, par là, les relations que l'enfant
semble entretenir avec l'animal.
Si le chat et le chien sont en tête de liste pour le compagnonnage
et ce, à tous les âges, d'autres animaux paraissent aussi pouvoir assumer
cette tâche. Par contre, certains animaux semblent caractéristiques d'un
âge plutôt que d'un autre et les besoins exprimés par ces animaux varier
338 en fonction du développement de l'enfant. L'importance du besoin
d'amour et de sécurité a été ainsi notée chez les enfants de 6 ans 1 /2,
besoin exprimé par l'intermédiaire des animaux d'identification choisis,
chat, lapin, chien, mouton. Les besoins d'autonomie et d'indépendance
sont, quant à eux, prépondérants pour les groupes d'enfants de 9 ans
1 /2 et de 11 ans 1 /2. L'oiseau, le cheval, le goéland, le singe, l'aigle ou
le dauphin sont là pour traduire les désirs d'indépendance tandis que
l'affirmation de soi s'exprime par le lion, l'ours et l'éléphant chez les
plus jeunes pour le faire ensuite par l'intermédiaire du cheval ou de
l'aigle, du tigre ou de la panthère.
Le chien, souvent mentionné dans la littérature comme le compa
gnonidéal de l'homme, n'a pas recueilli les suffrages qu'on aurait pu
escompter. Beaucoup d'ambivalence s'exprime à son égard et c'est
à la première place, immédiatement avant le serpent, qu'il figure, parmi
les animaux «qu'on aime le moins, qui font horreur». Le chien peut
mordre, il fait peur, il est méchant disent les enfants, surtout les plus
jeunes.
Cette étude a paru intéressante à poursuivre, notamment en fonc
tion du sexe. Zazzo (1960), dans l'épreuve du Bestiaire appliquée à des
enfants de 3 ans 1 /2 à 9 ans, épreuve proche du Test des Affinités Ani
males, remarque des différences liées au sexe. Alors que l'identification
au chien serait « à peu près indépendante du sexe et de l'âge», le lion
et l'éléphant seraient choisis spécifiquement par les garçons à tous
les âges et le chat, par les filles.
Les mêmes constatations n'ont pas semblé pouvoir se faire à tra
vers les réponses des enfants au Test des Affinités Animales. Le petit
nombre d'enfants montréalais (124 contre 327 pour le Bestiaire) expli
quepeut-être, pour une part, les quelques divergences. L'âge peut aussi
entrer en ligne de compte puisque le groupe montréalais des 9 ans 1 /2
ne peut se comparer exactement au groupe des 7-9 ans du Bestiaire.
Or, chez les enfants montréalais de 9 ans 1 /2 le lion et le chien ne sont
mentionnés qu'une seule fois comme animaux d'identification (le lion
par un garçon et le chien par une fille) et l'éléphant n'apparaît pas.
Au groupe des 124 enfants montréalais va donc se rajouter un
deuxième groupe de 90 enfants auxquels a été donné le test du Bestiaire.
Ce sont les divers résultats, en fonction du sexe des enfants, qui sont
présentés ici.
Les enfants du deuxième groupe sont issus, comme ceux du premier
groupe, d'un milieu socio-économique moyen de Montréal et suivent une
scolarité normale au niveau primaire ; les deux groupes se répartissent
comme suit :

339
1er Groupe
(Test des Affinités Animales)

Groupe /âge 6 ans 1/2 9 ans 1/2 11 ans 1/2 Total

Nombre de garçons 26 19 21 66

Nombre de filles 20 22 16 58

46 41 37 124

2e Groupe
(Test du Bestiaire)

Groupe /âge 7 ans 9 ans 11 ans Total

Nombre de garçons 15 15 15 45

Nombre de filles 15 15 15 45

30 30 30 90

Chat, chien, cheval, oiseau ou lion?

Les choix des enfants à l'égard des animaux comme sujets d'identi
fication sont relativement limités au test du Bestiaire puisque neuf
animaux regroupent deux tiers des réponses (67 réponses sur 90 possi
bles) alors qu'au Test des Affinités Animales, les deux tiers des réponses
s'orientent vers quatorze animaux (92 réponses sur 124 possibles).
La diversité moindre au Bestiaire pourrait trouver une part d'explication
dans la manière de passer le test. Il semble, en effet, important de noter
qu'au Bestiaire la première question porte immédiatement sur l'iden
tification à l'animal (l'enfant est invité à dire « quel animal il voudrait
être, et pourquoi») ; la question peut prendre l'enfant au dépourvu
alors qu'au Test des Affinités Animales, différentes étapes portant sur
les préférences de l'enfant à l'égard des animaux précèdent cette ques
tion.
Globalement, la plus haute fréquence des choix se retrouve pour
le Test des Affinités Animales à 1) l'oiseau (19 choix), 2) le chat (14),
3) le cheval (13), 4) le chien (9) et 5) le lapin (8).
Au Bestiaire, c'est le cheval qui est en première ligne (21), suivi
d'une manière beaucoup plus lointaine par le chat (14), le chien (12) et le
lion (6).
Si cheval, chat et chien occupent relativement une bonne place,
il y a lieu de s'interroger sur les différences entre les sexes impliqués.
340 Or, il ne semble pas possible de conclure ici qu'ils soient choisis par un
sexe plutôt que par l'autre puisqu'une différence constatée au test des
Affinités Animales ne l'est pas ou Bestiaire et vice versa, comme on
peut le voir en consultant le tableau 1.

TABLEAU 1
Nombre du choix à l'égard du chat, du chien et du cheval

Chat Chien Cheval

Le Test des Affinités Garçons = 6


14 Filles
Garçons = 7 Filles = 3 3 Garçons
Filles = 76
Animales
(G = 66
F = 58)

Le Bestiaire Garçons = 3 Garçons = 3 Garçons = 12


14 Filles = 11 Filles =9
(G = 45 Filles =9
F = 45)

Ce manque de constance dans les résultats pour des groupes d'âge


relativement équivalents attire l'attention sur la prudence à exercer à
l'égard de conclusions qui pourraient être trop hâtives. Par contre,
dans un cas comme dans l'autre, le lapin prend une signification nette
ment féminine et le lion, une signification nettement masculine.
Se rattachant comme le lion aux animaux carnivores, le tigre,
le guépard, l'aigle, le lynx et l'ours revêtent une certaine importance pour
les garçons. Quant à l'oiseau, il est plus choisi par les filles ou les garçons
selon l'âge du groupe.
L'âge paraît, en effet, jouer un rôle de regroupement (ou de diversit
é). C'est dans les groupes des enfants de 6 ans 1 /2 et 7 ans que l'iden
tification au chat est la plus importante et dans les groupes des 11 ans et
11 ans 1 /2 qu'elle est la plus basse. L'identification au cheval est parti
culièrement forte chez les 11 ans, 11 ans 1 /2. Celle du lapin se note nette
ment chez les petites filles. L'oiseau et le goéland globalement dominent
dans le groupe des 9 ans, 9 ans 1 /2 mais les filles les plus âgées choisissent
l'oiseau préférentiellement. Le Tableau II résume les différents choix
d'identification obtenus au Test des Affinités Animales et au Bestiaire
et permet de noter les caractéristiques.
Les raisons données par les garçons et les filles pour expliquer leurs
choix peuvent, sans doute, apporter un complément d'information.

Pourquoi je veux être un chat ou un lion

Les explications des enfants sont regroupées en « catégories » de


réponses afin de permettre une lecture plus rapide et synthétique, tel
qu'il est proposé au Tableau III.

341
Tableau II
Le Vouloir Etre
Nombre de choix exprimés â l'égard des animaux
Garçons Filles (N
6 ans 1/2-7 ans 9 ans-9 ans 1/2 11 ans-11 ans 1/2 Total 6 ans 1/2-7 ans 9 ans-9 a
N=41 N.34 N.36 N-35 N-37
Cheval 7 X 2 9 18 (16%) 1 5
Chat 6 2 2 10 (9%) 8 8
Chien 6 0 3 9 (8.10%) 3 4
Oiseau 0 7 1 8 (7%) 1 5
Lapin 0 1 0 1 (0.9%) 8 2
"
Lion 4 2 3 9 (9%) 0 0
Ours 2 4 0 6 (5.4%) 2 0
•Aigle ou fau 0 2 3 5 (4.5%) 0 0
con
*Singe 1 2 0 3 (2.7%) 0 0
*Dauphin 0 0 3 3 (2.7%) 1 0
«Goéland Q l 0 1 (0.9%) 0 2
•Tigre 2 0 0 2 (1.8%) 0 0
♦Eléphant 2 0 0 2 (1.8%) 0 0
•Guépard 0 2 0 2 (1.8%) 0 0
*Lynx 0 2 0 2 (1.8%) 0 0
*Mouton 0 0 0 0 2 0
TOTAL" 81 (72.9%)
• animal nommé uniquement au Bestiaire
♦animal nommé uniquement au Test des Affinités Animales
X ce chiffre Indique la fréquence par rapport au nombre total de réponses, soit ici 41;seules n'apparaissen
a un 5ge quelconque
Les catégories, au nombre de sept, (excluant celle de « refus »
dans laquelle ne figure qu'un seul enfant sur un total de 214) ont été
choisies après avoir pris connaissance des réponses de tous les enfants.

Quelques exemples peuvent illustrer ces catégories :

caractéristiques physiques : ici entrent toutes les réponses telles


que : « un lapin, j'aime ça, c'est
doux» ou, «j'aime les chiens, c'est
fin, c'est beau» et celles qui font
référence à des aspects tactiles :
« je pourrais me faire flatter, cares
ser ».

être bien traité : (un chien), je serais aimé, bien


nourri, bien traité.

être petit, pouvoir être pris * : «faire


un chat,
prendre».
parce que je pourrais me

absence de contraintes, indépen- : « un oiseau, je pourrais voler, j'au-


dance (pouvoir faire toutes sor- rais plus de liberté» (ou) « un cheval,
tes de choses) c'est être sauvage».

vivre dans la solitude : (un ours) : « il vit dans les montagnes


où il n'y a pas de bruit, pas de pol
lution et où c'est calme».

pouvoir se défendre contre le dan- : « un lion, je l'aime beaucoup. C'est


ger, fort, agressif fort et on le considère comme le
roi»; «l'ours, il pourrait protéger
contre les méchants I ».

aimer (sans explication) ici l'enfant dit vouloir être tel ou tel
animal mais se contente de dire « je
l'aime» ou «c'est mon animal pré
féré» sans de plus amples explicat
ions.

Telles que définies ces catégories peuvent, certes, sembler arbi


traires. Dans un travail antérieur (1) les réponses des enfants avaient
été réparties en trois groupes qualifiés selon leurs caractéristiques
particulières, soit Amour et Sécurité, Autonomie et Indépendance,
Affirmation de soi et Agressivité. Amour et Sécurité comprenait les
réponses mentionnant le fait d'être soigné, pris, aimé, admiré, apprécié,
caressé, Autonomie et Indépendance, celles en rapport avec le fait d'être
libre, de pouvoir courir, d'aller où l'on veut, enfin Affirmation de soi
et Agressivité faisait référence aux caractéristiques de force et à la
capacité de se défendre.

(1) A. Salomon (1982). Des enfants montréalais face au Test des Affinités
imales. Annales Médico-Psucholoqiques. Sous presse. 343
Le présent regroupement est ici plus détaillé afin de ne pas négliger
les différences qui pourraient apparaître entre filles et garçons. Mais
Caractéristiques physiques et tactiles, Etre bien traité, Etre petit
pourraient constituer la catégorie Amour et Sécurité, Pouvoir faire
toutes sortes de choses et Vivre dans la solitude celle d'Autonomie et
d'Indépendance. Etre fort, agressif représenterait à elle seule la catégor
ie Affirmation de soi et Agressivité. Le peu de poids en soi de Etre bien
traité, Etre pris ou de Vivre dans la Solitude ne peut manquer d'être
noté dès que l'on analyse le Tableau III. En fait, 186 réponses sur 214
possibles (soit 86,9 % des réponses) se regroupent autour de Caractéris
tiques physiques et tactiles, Pouvoir faire toutes sortes de choses,
être sans contraintes, et Pouvoir se défendre contre le danger, être fort,
Mais, alors que pour Caractéristiques physiques, le pourcentage des
réponses des garçons n'est que de 18,9 %, celui des filles atteint 39,8 %
(ou 24 % contre 47 % si l'on considère le groupement proposé Amour et
Sécurité). La différence entre les fréquences des filles et des garçons est
largement significative au seuil de .001 (épreuve de signification du
chi carré).
C'est l'inverse qui se produit pour Pouvoir se défendre contre le
danger. Les réponses des filles n'atteignent qu'un pourcentage de 9,7 %
alors que celui des garçons est de 27,9 %. Là encore la différence est
significative à ,001.
Ce sont aux âges les plus jeunes, soit 6 ans 1 /2-7 ans que les pour
centages sont les plus forts, 48,5 % chez les filles pour les Caractéris
tiques physiques, 46,3 % pour les garçons en ce qui concerne Pouvoir se
défendre.
La situation est plus complexe pour « Pouvoir faire toutes sortes
de choses, absence de contraintes» (ou Autonomie et Indépendance).
Les deux groupes ne diffèrent pas significativement (un seuil de .10
peut être considéré comme comportant une trop grande marge d'erreur).
Les filles et les garçons de 9 ans-9 ans 1 /2 se rassemblent en grand nombre
pour s'exprimer en un langage similaire (51 % des filles et 47 % des
garçons). Mais, alors qu'avec l'âge les garçons s'expriment de plus en
plus dans ce sens (66 % des 11 ans-11 ans 1 /2), chez les filles, c'est un
déclin important qui se produit (32 % à 11 ans-11 ans 1 /2, chi carré =
9,25, significatif à .01, si l'on compare garçons et filles de cet âge).
Comme il a été déjà mentionné antérieurement, le facteur âge semble
jouer un rôle important, soulignant les ressemblances ou au contraire
accentuant les différences, même celles entre enfants d'un même sexe
mais d'âges différents tels les garçons de 6 ans 1 /2-7 ans et ceux de 11
ans-11 ans 1/2 à l'égard de Pouvoir se défendre (chi carré = 8,05,
significatif à .01).
Qu'en est-il à l'égard de l'animal qui fait horreur, qu'on ne vou
drait pas être ?

Je ne suis pas toi, tu me fais horreur

Les réponses au Test des Affinités Animales et au Bestiaire sont


analysées ici bien qu'il y ait une différence dans la formulation de la
344 question posée ; en effet, au T.A.A., il s'agit de l'animal qui rebute le
Tableau 111
Le pourquoi Etre
Garçons F
groupe des groupe des groupe des groupe des groupe
Catégories 6 ans 1/2-7 ans 9 ans-9 ans 1/2 11 ans-11 ans 1/2 Total 6 ans 1/2-7 ans 9 ans-9
Nr41 N=34 N=3
Caractéristiques
physiques et 9 X 8 21 17 13
tactiles: c'est (21.9%) (23.5%) (11X) (18.9%) (48.5%) (35%
beau, c'est doux
Etre bien traité, 2 1 2 5 2 1
bien nourri
Etre petit -
pouvoir être 1 0 0 1 2 0
pris dans les
bras
Pouvoir faire
toutes sortes de
choses, sans 9 16 24 49 19
contraintes: (21.9%) (47%) (66%) (44%) (14%) (51
être libre et
voler, courir,
sauter etc.
Vivre dans la
solitude, la 0 2 1 3 0 0
forêt, les
grands espaces
Etre fort, a-
gressif, pou
voir se défen 19 7 5 31 2
drecontre le (46%) (20.5%) (13.8%) (27.9%) (14%) (5%
danger, se pro
téger
Aimer (sans 1 0 0 1 3 2
explication
Refus 0 0 0 0 1 0
X ce chiffre indique la fréquence par rapport au nombre total de réponses, soit ici 41.
plus, qui provoque le plus de répulsion tandis qu'au Bestiaire, l'enfant
indique l'animal qu'il ne voudrait pas être. Dans un cas comme dans
l'autre, la question est posée immédiatement après celle portant sur
l'identification à l'animal.
Il faut noter qu'au Bestiaire, et pour seulement les garçons des
groupes de 7 et 9 ans, il n'y a pas de regroupement dans les contre-
identifications ; c'est dire que les «Ne pas vouloir être» sont très dis
persés. Mais d'une manière générale, les regroupements sont moindres
chez les garçons comparativement aux filles puisque quinze animaux ne
réunissent que 57,6 % des réponses contre 71,8 % chez les filles.
Si chez garçons et filles, le serpent, le chien, le lion sont en première
ligne (mais avec des pourcentages supérieurs chez les filles), il n'en est
pas de même pour le rat et le tigre qui semblent plus spécifiquement
rejetés par les filles, comme on peut le constater en consultant le Tableau
IV.
Les rejets des filles à l'égard du serpent, du rat ou du tigre, com
parativement à ceux des garçons, ne sont cependant pas significative-
ment plus importants au seuil de .05. Le cheval et la souris ne sont
rejetés que par les garçons mais les pourcentages sont faibles.
L'âge intervient pour centraliser les rejets à une période donnée.
Le rat, le serpent, l'araignée, le cochon, le chat et la moufette n'appar
aissent qu'aux âges de 9 et 11 ans (une seule réponse serpent dans
le groupe des 6 ans 1 /2-7 ans), le lion et l'éléphant sont surtout présents
chez les enfants jeunes, soit les groupes de 6 ans 1 /2-7 ans ou de 9 ans-
9 ans 1/2.
Si le chien, le lion et le tigre ont été choisis comme animaux d'iden
tification parce qu'ils permettent «d'être fort», de «protéger contre
les méchants», c'est apparemment pour les mêmes motifs qu'ils sont
rejetés, la force et l'agressivité attribuées à ces animaux étant perçues
dangereuses pour soi-même : le chien mord, le lion peut manger des
personnes et est méchant, le tigre a de grosses dents et fait peur etc.
Mais, alors que le lion et le tigre sont choisis par les garçons comme
animaux d'identification (voir Tableau II), ce sont surtout les filles
qui les désignent comme animaux de contre-identification.
L'aspect physique, le mode de vie du rat, du serpent, de l'araignée
ou de la moufette sont mentionnés, à partir de 9 ans-9 ans 1 /2, pour
expliquer le rejet : la moufette sent mauvais, le serpent n'est pas beau à
voir, le rat provient des égouts et est malpropre, l'araignée est bien
laide. Ces animaux ne font pas partie de ceux choisis pour l'identification,
garçons et filles réagissant à ce niveau de la même manière. Il faut
tenir compte, cependant, des exceptions qui, par leur caractère parti
culier, attirent l'attention sur une problématique probablement spéciale.
Un seul garçon du groupe des 6 ans 1 /2-7 ans (soit 1 sur 41) nomme
le serpent comme animal d'identification car «je piquerais le monde».
Une fillette sensiblement du même âge (6 ans 3) s'écarte notablement
des réponses des enfants de son âge. Son animal préféré est le cochon
«parce qu'il est gros et fort» et comme bête sauvage, c'est le crocodile
qu'elle préfère « parce qu'il mange des poissons». C'est, d'ailleurs, dans
la peau d'un crocodile qu'elle aimerait être. Mais elle a peur de l'aigle
346 «qui peut nous blesser, mordre». Les renseignements obtenus et l'ob-
Ne pas Etre
Nombre de rejets exprimés 3 l'égard des animaux
Garçons (N.I 11) Filles
6 ans 1/2-7 ans 9 an»-» ans 1/2 11 ans-11 ans 1/2 Total 6 ans 1/2-7 ans 9 ans-9
N«41 N.34 N.36 N.35 N.3
Serpent 1 X 2 7 10 (9%) 0 9
Lion 6 1 0 7 ( 6.3%) 5 5
Chien 4 1 3 8 (7.2%; 6 2
Rat 0 2 1 3 (2.7%) 0 2
Tigre 2 1 0 3 (2.7%) 6 1
Elephant 4 0 0 4 (3.6%; 3 2
Araignée 0 1 3 4 (3.6%) 0 4
Singe 2 1 1 4 (3.6%) 1 1
Loup 1 0 1 2 (1.8%) 3 0
Cochon 0 2 2 4 (3.6%) 0 2
Haringouin ■] 2 0 3 (2.7%) 0 1
Chat 0 0 3 3 (2.7%) 0 1
Moufette 0 3 1 4 (3.6%) 0 0
Souris 0 0 3 3 (2.7%) 0 0
Cheval 2 0 0 2 (1.8%) 0 0
TOTAL 64 (57.6%)
X ce chiffre indique la frequence par rapport au nombre total de réponses, soH ici 41.
servation en classe indiquent que la fillette a des difficultés scolaires
et présente des problèmes de comportement.

Que conclure?

Si à travers l'animal l'enfant peut exprimer ses besoins, combler


ceux qui sont insatisfaits, si les sentiments de sécurité, d'importance
personnelle peuvent être acquis par sa présence, il est intéressant de
s'interroger sur les projections que font les enfants, leurs préoccupations
et leurs besoins tels qu'ils semblent apparaître à travers leurs identifica
tions ou contre-identifications et leurs propos.
Sans doute faut-il tenir compte des objections que formulait Zazzo
lui-même en commentant son test du Bestiaire (2) : « ... toutes les raisons
peuvent ne pas être données et celles qui le sont, nous n'en connaissons
pas avec certitude l'importance et la validité».
Dans cette perspective, l'analyse des raisons données par les enfants
peut être considérée très fragile. Il a paru, cependant, intéressant
de constater que les choix et les rejets, de même que les raisons apportées
pour justifier ces choix et ces rejets, n'étaient pas les mêmes d'un âge
à l'autre ou d'un sexe à l'autre. Déjà antérieurement, par l'étude du
Test des Affinités Animales, l'importance du facteur âge avait été
notée dans les réponses des enfants. Le présent échantillon de 214 en
fants âgés de 6 ans 1 /2 à 11 ans 1 /2 permet d'analyser les ressemblances
et les différences également en fonction du sexe.
Filles et garçons, dans leurs choix d'être ou de ne pas être tel ou
tel animal, diffèrent ainsi sur deux points principaux.
Pour les garçons, et surtout les garçons jeunes, le fait d'être fort
et de pouvoir se défendre contre le danger revêt une très grande impor
tance alors que les filles, au lieu de s'identifier avec l'agresseur hypothéti
que, vont le rejeter loin d'elles dans le « surtout Ne pas être» : « surtout
pas le tigre, il peut faire mal aux chiens et aux enfants» (Jacinthe, 7
ans 1). Cette dynamique n'est d'ailleurs- pas totalement exclue des
garçons, si l'on tient compte en même temps des choix d'identification
et de contre-identification. Ainsi François (7 ans 1) choisit d'être un
lion car il « aurait des griffes et serait fort pour se défendre » mais il
ne voudrait pas être un requin car « il mord souvent ».
L'importance accordée aux caractéristiques physiques et tactiles
est le deuxième point sur lequel diffèrent filles et garçons puisque, chez
les filles et notamment les plus jeunes, l'accent est mis sur le fait« d'être
doux comme un chat» (Geneviève 6 ans 10), ou d'être «beau et les
autres viendraient me caresser (Chantai, 7 ans 4).
On peut, certes, se poser des questions quant à ces différences.
Sont-elles réelles, se retrouveraient-elles dans un plus grand échantillon ?
Ne pourrait-on pas voir une manière différente d'exprimer les mêmes
besoins, manière fortement influencée par le milieu socio-culturel et

(2) Zazzo R. et Mathon T. (1960). L'épreuve du Bestiaire, dans Manuel pour


348 l'examen psychologique de l'enfant, p. 382. Éditions Delachaux et Niestlé
que l'on pourrait supposer en voie de changement du fait de la modificat
ion actuelle des rôles féminins et masculins ?
Roberts (1980), dans son étude sur l'apprentissage sexuel de l'en
fant, note que les jeux des garçons font appel à la puissance, l'agression,
la rapidité, l'habileté et tendent à donner une connaissance du corps
comme un instrument opérationnel. Les filles, quant à elles, sont en
traînées à être attrayantes et désirables. Elles ont aussi plus l'occasion
de développer des «habiletés d'empathie», d'apprendre à exprimer
leurs sentiments et à apprécier l'intimité.
Ces commentaires prennent une signification particulière dans ce
contexte. Permettent-ils de comprendre également la baisse notée chez
les filles de 11 ans-11 ans 1 /2 par rapport à celles de 9 ans-9 ans 1 /2 ou
des garçons de 11 ans-11 ans 1 /2 en ce qui concerne le « Pouvoir faire
toutes sortes de choses sans contraintes» ?
Les résultats actuels nécessiteraient sans doute des vérifications.
Les quelques divergences qui ont pu être notées dans « l'identification»
entre les résultats au Bestiaire et au Test des Affinités Animales rappel
lent l'importance de l'instrument utilisé, la forme des questions, les
étapes qui précèdent et suivent (3). Il y a les animaux que je préfère
mais avec qui je ne voudrais pas forcément m'identifier... ceux qu'on
rêverait d'avoir...
Des centralisations de réponses, des recoupements ont pu aussi
être notés et ils amènent à s'interroger sur les désirs et les craintes
des filles et des garçons, tels qu'exprimés par l'intermédiaire de l'animal,
sur le rôle imaginaire et réel qu'assume cet animal dans le développe
ment de l'enfant. Compagnon, acteur de nos désirs et de nos fantaisies,
expression d'une spontanéité non encore étouffée par les contraintes
sociales, l'animal est-il là pour protéger l'homme (et l'enfant) contre
ces désirs instinctuels qui font partie de la nature humaine mais non
acceptables dans un monde civilisé... ? (Heiman, 1965).

(3) Au Test des Affinités Animales, cinq questions sont posées, soit : 1 —
Quel est l'animal que vous préférez ? ; 2a — et parmi les animaux à l'état sauvage,
en liberté dans la nature, lequel préférez-vous ? ; 2b — et comme animal domest
ique? ; 3 — Maintenant, si vous pouviez choisir d'être un animal vous-même,
dans la peau duquel aimeriez-vous être ? ; 4 — et comme animal qui vous rebute
le plus, qui provoque en vous le plus de répulsion ? ; 5 — dans vos rêves, la nuit
quel genre d'animaux voyez-vous le plus souvent ?
Au Bestiaire, il y en a six : 1 — quel animal voudrais-tu être ? ; 2 — pourquoi
tu voudrais être un... Pourquoi c'est bien d'être un... ? ; 3 — quel animal tu ne veux
pas être, pas du tout, du tout ? ; 4 — pourquoi... ? ; 5 — maintenant tu vas me
dire tous les animaux que tu aimes bien (on cherche à obtenir trois animaux) :
6 — maintenant tu vas me dire tous les animaux que tu n'aimes pas (trois animaux).
Il faut noter qu'au Bestiaire, le « pourquoi » compte comme une question, alors
qu'il est impliqué dans chaque question du T.A.A.
Enfin, au Bestiaire, l'examinateur essaie de mettre l'enfant dans une perspective
de jeu et fait intervenir une « fée » qui pourra transformer l'enfant en animal qu'il
voudrait être... 349
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