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Travaillant depuis plusieurs années sur les documents sonores authentiques, j'ai toujours eu pour objectif
également estimé que pour travailler avec des apprenants sur ces documents, il fallait préalablement à
comprendre le fonctionnement de ces derniers. Cette analyse ne prétend pas toutefois résoudre tous les
problèmes posés par l'emploi des documents sonores en classe ce qui m'a conduit à proposer une
démarche pédagogique, en relation avec la méthode d'analyse. Je rappellerai dans un premier temps les
principes de cette méthode et de cette démarche. Dans un second temps, prenant appui sur une
expérience menée avec des apprenants de niveau avancé et élémentaire, je m'interrogerai sur les apports
les expressions de français parlé et de français écrit renvoient à des registres de langage, qui ne tiennent
pas compte de la variété des productions langagières écrites et orales, j'ai opté pour l'opposition plus
neutre de français oral et de français scriptural qui permet d'inclure différentes situations orales.
Le second mot-clé est celui de cohérence 3. Je pose en principe que toute production, fût-elle la plus
spontanée, repose sur une cohérence interne mettant en jeu les niveaux prosodique, syntaxique et
"il faut essayer justement de recréer ce petit village les gens bon ben vous avez besoin moi / les gens sont
étonnés des fois parce que euh les nouveaux arrivants hein / vous voyez ils ils viennent ils me disent où
c'est que je pourrai trouver du lait où c'est que je pourrai trouver un morceau de beurre bon ben je leur dis
je vous le donne je l'ai moi hein aller chercher le dimanche bon ben il me dit combien je vous dois : / ben je
dis c'est un dépannage de voisins / bon on donne un bout de beurre et puis vous me le rendrez dans deux
ou trois jours / c'est pas / hein et ben ça ça se faisait beaucoup et c'est des choses qui ne / hein c'est ce
qu'on fait à la campagne/ c'est ce qu'on fait / et ça ça se faisait avant mais ça se c'est des choses que les
Ainsi dans ce passage, peut-on remarquer en dépit des "erreurs de français" ou de marques d'un français
familier du type "les gens sont étonnés des fois" que le discours tenu est néanmoins cohérent : on peut y
dégager au plan macro-textuel différentes séquences soulignant : 1. les prémisses d'un raisonnement (le
nécessaire retour à une vie de village) 2. les arguments (la demande des nouveaux habitants du quartier,
leur étonnement et la réponse à cette demande) 3. le développement d'une thèse sur le quartier (autrefois
une vie de village vs. aujourd'hui la disparition de ce type de vie). A l'intérieur de chacune de ces
- au niveau prosodique, sur les différents rôles des pauses qui soulignent parfois le découpage syntaxique
(ex : c'est un dépannage de voisins/) soit la présence du locuteur-énonciateur (ex : moi / les gens) soit la
- au niveau syntaxique, sur la présence simultanée de phrases juxtaposées (ils viennent ils me disent) et
de phrases complexes (vous savez pas où ce que je pourrai trouver du lait) sur celle de phrases
inachevées (les gens sont étonnés des fois parce que) et de constructions segmentées (les nouveaux
- au niveau discursif d'un point de vue énonciatif, sur l'opposition des formes de la non-personne (ils) aux
marques personnelles (moi) à celles du "moi" et du "vous" (désignant soit l'interviewer soit les nouveaux
commenté" (présent) et sur les incises d'énoncés rapportés qui sont simultanément l'indication d'un
Ces relations font alors apparaître dans ce passage des noyaux sémantiques : un noyau central " dans un
village bon / on donne un bout de beurre " sorte de métonymie de la vie villageoise, plus trois autres
noyaux " ça se faisait beaucoup", "ça se faisait avant" désignant le passé (l'autrefois) et un autre noyau
"des choses que les gens ne comprennent plus maintenant" signalant à l'opposé ce qui se passe
aujourd'hui. Dans cette opposition, on montre la disparition du village ce qui renvoie à l'affirmation de
départ " il faut essayer de recréer ce petit village ". On pourrait également y adjoindre " ben " et " hein " qui,
outre leur valeur phatique, contribuent à renforcer soit l'affirmation d'un raisonnement (cas de " hein ") soit
un lien "logique " (cas de " ben "). Tous ces points contribuent à la cohérence du discours tenu.
Par ailleurs, la présence de nombreuses hésitations, d'adresses à l'interlocuteur sous la forme de " vous "
ou de "mots du discours", tendent à donner des indications sur les conditions de réalisation du discours
(discours improvisé, locuteur peu habitué à parler devant un auditoire) et sur sa situation de
communication (réponse à une question dans un interview). Cette adaptation du discours à des conditions
de production et à une situation donnée relève de ce que j'appelle la cohérence externe du document qui
met en évidence les relations entre le discours tenu et ses conditions de réalisation (réalisation technique,
Le troisième mot-clé est celui d'énonciation pris dans le sens d'acte d'élaboration du discours opposé au
produit du discours qu'est l'énoncé Cette perspective est très importante dans une analyse de l'oral parce
qu'elle conduit non seulement à prendre en compte l'aspect déictique du langage mais également à tenir
pour important toutes les "scories" langagières telles que hésitations ou mots du discours considérés
souvent comme "marginaux" mais qui, dans une perspective énonciative, permettent de rendre compte de
l'élaboration des productions orales. Une étude de l'oral au niveau énonciatif conduit également à mettre
en évidence l'hétérogénéité de toute production dans la mesure où l'on distingue dans chacune d'elles "ce
qui est dit et le fait de le dire" (Ducrot, 1980). Cette bi-dimensionnalité du langage conduit aussi à
Plus encore que la présence d'autres voix dans un discours, ce qui m'importe, c'est la relation entre le
dialogisme bakhtinien me paraît fondamental pour la compréhension des discours oraux 6. Ainsi, dans le
premier exemple donné ci-dessus, serait-il intéressant de confronter le discours de la locutrice avec des
productions d'autres locuteurs où il serait question de la comparaison du quartier avec un village et des
Ce dialogisme, qui s'ajoute à la prise en compte dans l'analyse des discours oraux non seulement de leur
aspect référentiel mais également de leur acte d'élaboration, induit une autre dimension de ces
productions. Je pose à la suite de Recanati (1979) que toute production, fût-elle la plus quotidienne,
contient sa part d'opacité et une dimension polysémique. Ainsi dans notre premier exemple, peut-on
entendre le regret d'un passé perdu, mais également un plaidoyer sur les relations entre habitants,
Dialogisme et polysémie entraînent que ce qui est important dans les productions orales, c'est non
seulement le dit mais également le "non-dit". La prise en compte des implicites discursifs et des non-dits
discours produit sur autrui, essayant d'expliquer ce que Ducrot (1980) appelle les " manœuvres
Pour terminer cette présentation de la démarche d'analyse, j'évoquerai un travail de comparaison que j'ai
eu l'occasion d'effectuer à plusieurs reprises sur des documents oraux et scripturaux de référent similaire
et que j'ai appelés pour cette raison des "doublets". J'en donnerai divers exemples : l'étude d'une allocution
présidentielle et la présentation de la même allocution dans un journal du soir, celle d'une émission
radiophonique et sa publication sous forme de livre, celle d'un fait divers à la radio, dans un journal et dans
des agences de presse, une tentative d'expulsion racontée par la victime et le tract rédigé par elle. Etant
donné que l'aspect référentiel est le même, on peut dégager plus facilement ce qui fait la spécificité des
La démarche pédagogique 8
J'en viens maintenant aux caractéristiques de la démarche pédagogique. Le premier aspect important est
apprenants mais on débouche sur une production enregistrée. Je propose une unité ternaire comprenant
les parties suivantes : Ecouter pour repérer, Ecouter pour s'informer, Ecouter pour réfléchir et produire,
motivation à l'écoute des apprenants. Dès la première partie, on place les apprenants en situation d'écoute
active en leur faisant réaliser de mini-tâches : choisir parmi plusieurs documents visuels celui qui
Ecouter pour s'informer : identification de l'objet référentiel des documents sonores, de l'organisation de
leurs champs sémantiques, et compréhension de leur contenu socioculturel. En dehors des activités
habituelles de mise en tableau, de Qcm, de discrimination en vrai / faux, une grande partie des tâches
proposées consiste dans la mise en relation du document entendu avec des documents visuels et / ou
écrits se rapportant au même référent. Il n'est pas question, à cette étape, de faire comparer l'organisation
linguistique de ces documents mais de comparer les informations données par les différents documents.
Cette mise en relation facilite la compréhension des documents sonores, l'écrit et le visuel n'ayant pas, à la
différence de l'oral, un déroulement linéaire. Ce va-et-vient proposé dans la deuxième partie s'apparente
au principe du dialogisme des discours dont il a été question à propos de l'analyse. Le document entendu
est replacé dans un univers sémiotique plus large, visuel et écrit, permettant de faire comprendre aux
Ecouter pour réfléchir et produire : réflexion des apprenants sur les spécificités linguistiques des
- au plan syntaxique : · celles qui sont caractéristiques des discours spontanés : ruptures de construction,
· celles qui sont fréquentes à l'oral : énoncés juxtaposés, constructions segmentées, utilisation des
- au plan discursif :
· les unités macro-textuelles telles que le découpage en séquences dans un récit ou l'organisation
conversationnelle ;
- d'un point de vue énonciatif : · les marques indiquant directement l'énonciateur et l'énonciataire (marques
· les hésitations
· les marques anaphoriques : répétitions, les anaphores lexicales, les pronoms, les constructions
segmentées
En ce qui concerne les productions finales, on fait en sorte qu'elles soient placées dans un contexte précis
Le contenu de la troisième partie est en relation directe avec l'analyse évoquée dans la première partie.
Elle suppose de la part de l'enseignant une analyse prépédagogique des documents. Elle repose aussi sur
l'intime conviction de l'importance des activités métalinguistiques en compréhension orale. De même qu'on
sensibilise les apprenants aux spécificités discursives de l'écrit, on doit les former à reconnaître les
perspective qui est la mienne, sont inséparables de la proposition d'une démarche pédagogique sur
l'utilisation des documents authentiques sonores en classe de langue. Toutefois, pour pouvoir juger de la
fiabilité de cette dernière, il était nécessaire de la mettre en pratique avec des apprenants étrangers. C'est
ce que j'ai fait pendant quatre ans avec des apprenants de niveau élémentaire et avancé au Dulf (Diplôme
Le public du Dulf
Le public concerné est hétérogène par l'âge et la nationalité, avec une tendance depuis deux ou trois ans à
une dominante asiatique d'origine chinoise, coréenne ou japonaise. Les âges sont variables : de vingt à
plus de cinquante ans, la majorité ayant la trentaine. Tous ces étudiants ont au moins le niveau du
"baccalauréat". Ils ont généralement une compétence langagière importante (ils connaissent plusieurs
langues) et sont assez souvent déjà engagés dans la vie professionnelle en tant qu'économistes, juristes,
ingénieurs…Certains peuvent avoir une profession artistique : peintres, cinéastes, comédiens 10…Il s'agit
Avant d'émettre quelques hypothèses sur les apports et les limites de cette démarche, je vais faire
quelques commentaires sur les contenus proposés tant au niveau avancé qu'élémentaire. En ce qui
concerne les premiers, le premier semestre a été consacré à l'étude d'extraits d'interviews et de récits
oraux relativement brefs, de une à deux minutes alors qu'au cours du second semestre, nous avons
abordé une thématique particulière : "l'étude d'un quartier de Paris" avec des séquences qui dépassaient
les quinze minutes. Par ailleurs, en 97-98 et en 99-2000, au cours du second semestre, les apprenants ont
recueilli des témoignages sur le terrain. À la suite de demandes d'étudiants chinois qui s'intéressaient à la
vie de leur communauté dans le troisième arrondissement de Paris, les apprenants sont allés interviewer
des étrangers de diverses origines (des chinois, des portugais, des japonais, des grecs), projet qui reçut le
nom de "Des étrangers à Paris". Au cours de l'année suivante, au second semestre, les apprenants ont
également réalisé des interviews sur le terrain pour un projet plus modeste : l'interview d'une ou deux
personnes sur leur quartier ce qui conduisit à la réalisation d'interventions sur le 5e, le 13e, le 16e et le 18e
arrondissement.
En ce qui concerne les apprenants de niveau élémentaire, je n'ai travaillé qu'avec des documents brefs.
Par ailleurs, j'ai dû adapter le choix des documents à la progression du manuel et les organiser en fonction
d'actes de parole tels que "se présenter", "aimer, ne pas aimer", "porter un jugement", "se situer dans
Le point de départ du travail est un document sonore situé dans le temps et dans l'espace, produit dans
des conditions de réalisation et une situation de communication particulières, la production demandée aux
apprenants l'est également. Pour que celles-ci soient le plus vraisemblables, j'ai opté pour l'enregistrement
de ces dernières.
Cela m'a conduite à une organisation un peu particulière : je disposais en classe de quatre magnétophones
différents. Par ailleurs, tous les documents de départ étaient enregistrés en quatre exemplaires, activités
de groupe obligent, et chaque apprenant recevait en début d'année une cassette personnelle pour
Ces enregistrements réalisés par groupes de deux ou de trois ont, non seulement été bien acceptés par
les apprenants, mais ont été un facteur d'émulation. Ils ont parfois aidé des étudiants qui n'osaient pas
prendre la parole en grand groupe à s'exprimer par l'intermédiaire du micro. Le fait non seulement de
réaliser une production mais d'en garder la trace, a donné à cette dernière un caractère moins scolaire. Les
cassettes enregistrées m'étaient remises, et je les rendais la semaine suivante, accompagnées de
commentaires sur les erreurs à corriger. Les apprenants pouvaient me remettre une correction papier ou
réenregistrer les passages erronés 12. J'ai très vite constaté également que ces productions ne devaient
pas être écoutées par le seul enseignant mais devaient être présentées (du moins pour les meilleures
d'entre elles) à l'ensemble classe en vue d'une évaluation collective, au risque de devenir des "travaux"
Ces productions enregistrées relèvent pour la plupart de simulations de situations radiophoniques du type :
"dans le cadre d'une émission radiophonique sur les grandes capitales, un journaliste vous demande vos
impressions sur votre ville préférée". Ce peut être aussi des simulations plus précises comme la réalisation
de micro-trottoirs, la présentation de faits divers avec un journaliste en studio et le second sur place pour
Dans de très nombreux cas, elles reposent sur une transformation discursive. La production de départ a le
même référent que celle demandée aux apprenants, mais relève d'un genre différent. Exemple : les
apprenants écoutent une anecdote où il est question d'une personne agressée dans le métro et doivent
présenter à la radio un fait divers concernant l'agression d'un conducteur de train en s'aidant d'un article de
Les deux projets présentés ci-dessus : "Des étrangers à Paris" et celui sur des quartiers parisiens reposent
également sur de nombreuses transformations discursives. Le premier impliquait tout d'abord la recherche
d'une documentation écrite sur le domaine dont la lecture pouvait enrichir les entretiens prévus et
préparés. La seconde étape consistait à réaliser les interviews, la troisième à faire un montage à partir des
documents sonores et exigeait des apprenants une écoute et une compréhension orale. Ces montages
reposent sur une comparaison implicite ou explicite avec d'autres discours. Cette remarque conduit
naturellement à nous interroger sur les retombées dans la classe du dialogisme des discours évoqué en
première partie.
Ainsi que je l'ai indiqué dans la première partie, la confrontation du document sonore avec des documents
écrits et visuels permet de mieux comprendre le référent en l'absence de toute image, de situer le
document dans son contexte socioculturel et de faire apparaître certains des implicites langagiers. Les
documents utilisés dans la première partie, en particulier tous les supports visuels permettant une
L'utilisation des documents visuels et écrits dans la partie d'écoute plus détaillée (écouter pour informer)
est également intéressante mais plus délicate. Elle impose nécessairement une lecture des images
proposées qui ne va pas de soi principalement au plan culturel. Toutefois, elle déclenche des prises de
paroles qui sont en soi pertinentes. L'emploi de textes écrits de même référent ne peut être valable que si
on emploie de mini-textes scripturaux, sinon on court le risque de travailler en compréhension écrite et non
plus en compréhension orale. Il m'est également apparu, une fois la compréhension de ces documents
acquise, que la mise en relation du document sonore et des documents visuels et écrits se réalisait plus
facilement dans des activités collectives qu'en petits groupes. Ces précautions prises, ces activités se sont
révélées fructueuses.
Je me bornerai ici à quelques remarques concernant les principaux traits contribuant à la cohérence des
productions orales. J'évoquerai en premier les apparents ratés langagiers que sont les hésitations et les
mots du discours 14. Le simple relevé de ces marques est sans grand intérêt ; en revanche, un
questionnement sur les raisons de leur apparition peut conduire à évoquer les conditions de réalisation du
document, à parler de la personnalité du ou des locuteurs. On peut également interroger les apprenants
sur les occasions où ils hésitent non seulement dans la langue étrangère mais également dans leur langue
maternelle. En ce qui concerne les phatèmes, la comparaison entre les mots employés à cet effet et ceux
utilisés dans leur langue maternelle entraîne toujours des discussions tant au niveau avancé qu'au niveau
élémentaire.
à la condition de ne pas se borner à un simple relevé 16. L'évocation de leur rôle argumentatif l'est
beaucoup plus.
J'insisterai maintenant sur la mise en évidence du système anaphorique des productions orales avec le
rôle des reprises, des pronoms et plus particulièrement de "ça", du présentatif "c'est" et des constructions
segmentées. L'utilisation de schémas lacunaires qui présentent l'organisation des documents et les
relations entre éléments avec des "trous" permettant de faire figurer les éléments importants dans ce
système permet de faire comprendre aux apprenants la cohérence des documents ; ils peuvent même être
Une des difficultés les plus importantes pour des apprenants, y compris avancés, est de reconnaître à
l'intérieur d'une production orale les moments où le locuteur relate des paroles que ce soit celles d'autrui ou
les siennes. Repérer les énoncés rapportés, même au style direct c'est-à-dire percevoir derrière la voix du
locuteur la présence d'autres "voix" existant n'est pas une tâche aisée. Toutefois, c'est un travail auquel les
étudiants se prêtent facilement d'autant que c'est un problème qui se présente fréquemment à eux dans
leur parler quotidien et que la production de récits oraux passe par la distinction et l'intégration de ces
énoncés
Un des autres points fondamentaux dans cette sensibilisation est celle concernant la mise en évidence des
différences entre documents oraux et scripturaux. J'ai déjà indiqué dans les productions réalisées par les
des comparaisons au plan linguistique de textes écrits et oraux de référent similaire 17.
Dans la problématique présentée, l'accent est mis très fortement sur la cohérence / cohésion des
productions orales. La perspective sociolinguistique y est présente dans le rôle joué par les conditions de
dialogisme des discours inscrit les productions orales dans une perspective sociale où les différents
"textes" se répondent. Toutefois, le désir de ne pas confondre les différentes productions orales avec "le
français parlé" qui réduit les productions langagières à un seul niveau de langue a conduit à omettre
quelque peu les variations langagières et la sensibilisation des apprenants à ce problème. Le travail avec
des apprenants, qu'ils soient de niveau élémentaire ou avancé, conduit très vite à réintroduire cette
dimension.
L'étude des erreurs commises par les apprenants avancés dans leurs productions enregistrées pose
d'autres problèmes que je me contenterai de constater ici. Il y a peu d'erreurs concernant "la mise en
contexte" des productions sauf parfois des confusions entre vouvoiement et tutoiement. Le genre du
mise au point d'une pièce de théâtre…) est généralement bien respecté. Le maniement des marques
personnelles et des modalités ne pose pas problème. Le système anaphorique (y compris le maniement
des constructions segmentées) est généralement acquis. Les connecteurs logiques sont bien utilisés.
L'emploi des formes temporelles et le maniement des énoncés rapportés pose encore problème. Il reste
qu'une grande part de ce qui relève des phénomènes qui vont "au-delà de la phrase" sont acquis.
Est-ce à dire pour autant qu'il faudrait revenir dans les activités de compréhension orale à une perspective
qui consisterait à utiliser des documents authentiques sonores comme point de départ et prétexte à des
activités grammaticales qui ne prennent pas en compte les spécificités des documents sonores ? Je
persiste à penser que non, qu'il vaut mieux dans ce cas utiliser des documents fabriqués dont la vocation
est le travail sur ces points. En revanche, les productions réalisées par les apprenants peuvent très bien
servir à des activités de conceptualisation portant sur les erreurs réalisées et servir de point de départ pour
une présentation et /ou une révision des points de grammaire rappelés ci-dessus.
En dernier lieu, je voudrais faire remarquer que le public avec lequel j'ai travaillé est un public habitué à
manier, dans sa langue maternelle et / ou dans d'autres langues, certains des problèmes discursifs
rencontrés et qu'il serait intéressant de s'appuyer davantage que je ne l'ai fait sur les acquis dans ce
Conclusion
J'ai rappelé, dans cette présentation, les principes théoriques et didactiques sur lesquels je m'appuie
depuis quelques années. J'ai esquissé également une expérience de terrain qui m'a permis de mettre à
l'épreuve ces principes et d'en questionner les résultats. Parmi les acquis positifs de ce travail, j'insisterai
en dernier lieu sur une très forte conviction qui m'a été confirmée par les activités de classe. La
confrontation de différents discours (oraux, écrits et visuels) permet de sensibiliser les élèves aux
spécificités discursives de chacun d'eux, en l'occurrence en ce qui nous concerne ici, à celles des
spécificités discursives de l'oral. La prise en compte de ces différences, de ce que Peytard appelait
1. Ces différents principes ont abouti à la mise au point de fiches signalétiques permettant aux
enseignants de faire une synthèse sur les caractéristiques des documents entendus.
2. Je reprends ici une distinction posée à plusieurs reprises par Peytard de 1971 aux années 90.
3. Je m'appuierai ici plus particulièrement sur les travaux de Charolles dans le domaine ainsi que sur
ceux de Mouchon.
4. Les constructions segmentées jouent également un rôle dans les relations entre phrases et sont
des phénomènes qui relèvent de la syntaxe et du discours.
5. On prendra soin de distinguer à la suite de Jakobson, ce qui n'est pas toujours le cas en
didactique, entre " situation de communication " et " situation d'énonciation ".
6. " L'énonciation monologue est déjà en elle-même une abstraction qui à vrai dire va de soi. Toute
énonciation-monologue, même s'il s'agit d'une inscription sur un monument, constitue un élément
inaliénable de la communication verbale. Toute inscription prolonge celles qui l'ont précédée,
engage une polémique avec elles, s'attend à des réactions actives de compréhension, anticipe sur
celles-ci " (Bakhtine, 1929 : 105).
7. Ce travail d' altération discursive, pour reprendre l'expression de Peytard, s'est révélé
particulièrement fructueux avec des élèves et on y reviendra dans la seconde partie.
8. Telle qu'elle est présentée, elle vise des apprenants de niveau avancé. Toutefois, ces parties ont
une certaine autonomie et l'on peut très bien avec des apprenants de niveau élémentaire ou
intermédiaire, modifier le contenu de la troisième partie.
9. Ces différents principes méthodologiques ont conduit à la fabrication de diverses sortes de
matériel pédagogique qui ont été testés en classe de langue.
10. Quelques-uns peuvent avoir pour objectif de devenir enseignants de français dans leurs pays
respectifs et poursuivre leurs études dans les filières nationales de la mention français langue
étrangère de la licence, de la maîtrise de français langue étrangère voire au- delà.
11. On aurait sans doute pu, pour la partie "enregistrement", envisager l'utilisation des laboratoires de
langue (du moins ceux permettant des travaux de groupes) et il y aurait certainement à réfléchir du
côté de l'utilisation du multimédia. J'ai, pour ma part, tout simplement opté pour une organisation
du travail en groupes.
12. Pour l'évaluation, je tenais compte du respect de la consigne et des efforts faits pour respecter la
mise en contexte de la production (ex : différence entre une production médiatique et un échange
entre amis sur une mésaventure personnelle), de la cohérence textuelle, des erreurs morpho-
syntaxiques, lexicales et phonétiques.
13. Pour un enseignant bénéficiant d'un plus grand nombre d'heures par semaine, il serait tout à fait
intéressant d'exploiter dans des activités de conceptualisation les erreurs des apprenants et
d'avoir ainsi à disposition les éléments d'une grammaire d'apprentissage.
14. Pour sensibiliser les apprenants à leur présence, le mieux est de leur faire comparer soit une
transcription "truquée" sans ces phénomènes avec le document sonore qu'ils entendent, soit
l'inverse c'est-à-dire un document sonore avec disparition de ces phénomènes et une transcription
non retouchée.
15. Elle peut se faire là encore par comparaison entre des textes sans implication et l'audition du
document de départ, soit sous forme de tableau où sont opposés les moments où le locuteur
donne de simples "informations" et ceux où on sent fortement sa présence.
16. On peut également sensibiliser les apprenants à la différence entre locuteur et énonciateur, sans
utiliser de métalangage particulier, lors des activités de production en leur demandant, par
exemple, de simuler différentes manières de présenter à la radio le programme d'un spectacle en
1. lisant simplement le programme 2.en faisant précéder la lecture d'un commentaire sur le lieu et
les activités présentées 3.en faisant les mêmes commentaires en y insérant un court interview
d'un des interprètes.
17. Je citerai l'exemple d'un travail proposé dans "Des Parisiens ont la parole" où on invite dans un
premier temps à écouter le récit d'une habitante du quartier racontant les problèmes qu'elle vit
avec son propriétaire qui tente de l'expulser, à lire ensuite le tract qu'elle a rédigé sur le sujet et à
comparer les deux "textes". Dans le même document, il est question de l'expulsion d'une
concierge. Un tract (rédigé sur le mode du "il") concerne cet événement. On fait comparer les deux
tracts et on demande aux apprenants de rédiger un tract sur le problème du premier locuteur à
l'aide du deuxième, et on leur demande de fabriquer un document sonore (la concierge vient d'être
expulsée, des habitants s'émeuvent, un journaliste se rend sur les lieux) en utilisant les
informations données dans le deuxième tract.