Vous êtes sur la page 1sur 6

1.

Physique Moderne : Devoir à la Maison

Modèle d’Ising du ferromagnétisme


"Magnetism, as you recall from physics class, is a powerful force that causes certain items to be
attracted to refrigerators." Dave Barry
Exercice 1.1 Un des modèles les plus simples pour décrire certaines propriétés des matériaux
paramagnétiques et ferromagnétiques est le modèle d’Ising (que vous avez déjà rencontré dans
l’exercice sur le système de N spins !). Dans celui-ci, chaque spin d’un système, noté ~S, ne peut
prendre que deux états, notés "up" (↑) ou "down" (↓), soit , correspondant à +1 et -1. On attribue
alors à chaque spin un moment magnétique défini par ~µ = µ~S qui ne pourra prendre que les
valeurs ±µ. On affecte ensuite à chaque spin une énergie qui regroupe plusieurs termes. Dans
l’étude qui suit, nous nous limiterons aux termes suivants :
• L’énergie Zeeman : il s’agit de l’énergie liée à l’effet d’un champ magnétique ~B sur un
spin :
EZ = −~µ.~B
• L’énergie d’échange ou d’interaction : il s’agit d’une énergie d’origine purement quantique
entre les spins qui prend la forme suivante, où J est appelée la constante d’échange :
J
Eint = −J ∑ ~Si .~S j = − 2 ∑ ~µi .~µ j
(i, j)
µ (i, j)

On peut alors distinguer 3 cas :


1. Dans le cas où J = 0, les spins sont indépendants. On parle alors de matériaux parama-
gnétiques.
2. Dans le cas où J est positif, ce terme énergétique favorise ainsi un alignement parallèle
entre les spins. On parle alors de matériaux ferromagnétiques.
3. Dans le cas où J est négatif, il favorise ainsi un alignement antiparallèle. On parle dans ce
cas de matériaux antiferromagnétiques.
Dans la pratique de nombreux autres termes énergétiques interviennent : les énergies d’aniso-
tropie, l’énergie magnétostatique, l’énergie magnétoélastique, l’interaction antisymétrique de
Dzyaloshinskii- Moriya. . .
Au cours de cet exercice, nous allons mettre en évidence certaines propriétés des matériaux
magnétiques à l’aide de ce modèle. Nous allons en particulier montrer l’existence d’une transition
de phase dans les matériaux ferromagnétiques.
2

Modèle d’Ising du paramagnétisme


Dans un premier temps, nous allons considérer un système de N spins dans le cas où J = 0. Dans
ce cas, tous les spins sont indépendants. On se place alors dans les hypothèses de l’ensemble
canonique, à une température T fixée.
On note N↑ le nombre de spins "up" et N↓ le nombre de spins "down". Le moment magnétique
total est alors donné par m = µ(N↑ − N↓ ), où µ est le moment magnétique d’un spin unique.
Sachant que le moment maximal est µN, on définit un paramètre d’ordre magnétique, appelé
aimantation et défini par :  
N↑ − N↓
M=
N
N.B. : L’utilisation du terme "aimantation" constitue ici un abus de langage, il s’agit en fait au
sens strict ici de l’aimantation normalisée, sans unité.
Dans le cas paramagnétique, l’énergie du système de spins est donnée par :
!
N
E = EZ = −~B. ∑ ~µi
i=1

où B est le champ magnétique appliqué. Nous allons tout d’abord calculer l’aimantation en
utilisant la fonction de partition du système.
1. Calculer la fonction de partition Z de ce système, sous la forme Z = Z1N . Indication : La
somme doit s’effectuer sur tous les états, c’est à dire sur toutes les configurations de spins
possibles.
2. En déduire pour chaque spin les probabilités p↑ et p↓ d’être respectivement dans l’état
"up" ou dans l’état "down".
3. En déduire M = hSi i en fonction du champ B et de la température T .
4. Calculer la susceptibilité magnétique χ du matériau définie par :

∂ M
χ=
∂ B B=0

5. Tracer la courbe M(µB) pour plusieurs valeurs de kB T . On pourra par exemple utiliser
python et matplotlib.
Nous allons maintenant retrouver ce résultat en calculant l’entropie et l’énergie libre du système
dans l’ensemble micro-canonique. Notons d’ores et déjà les relations suivantes :

nN = N↑ + N↓
NM = N↑ − N↓

D’où :  
1+M
N↑ = N p↑ = N
2
et  
1−M
N↓ = N p↓ = N
2
6. Calculer le nombre de micro-états Ω du système correspondant à une aimantation M
donnée et en déduire l’entropie S(M) et l’énergie E(M). On rappelle la formule de
Stirling :
log(N!) ≈ N log N − N
3

7. Comme nous nous intéressons au comportement en température du système, il est utile


d’utiliser l’énergie libre. Calculer F(M) = E(M) − T S(M).
8. Exprimer le minimum de l’énergie libre par rapport à M et en déduire l’aimantation en
fonction du champ et de la température.
9. Tracer la courbe F/(NkB T ) pour différentes valeurs de µB/kB T .

Modèle d’Ising du ferromagnétisme


Dans le cas où J > 0, le matériau est ferromagnétique et les spins ne peuvent plus être supposés
indépendants : l’énergie d’un spin donné va dépendre de la configuration de ses voisins ! Nous
allons considérer ici le cas où seuls les plus proches voisins d’un spin participent à l’énergie
d’échange de ce spin. Il est dans ce cas impossible de factoriser la fonction de partition Z comme
nous l’avons fait dans le cas précédent et cette dernière s’écrit alors :
2k µi~µ j +~B/(kB T ) ∑i ~µi
B T ) ∑(i, j) ~
Z= ∑ ∑ ... ∑ eJ/(µ
µ1 =±µ µ2 =±µ µN =±µ

Approximation du champ moyen


Afin de simplifier le problème il est commun d’utiliser l’approximation dite du champ moyen,
qui consiste à considérer qu’il n’existe aucune corrélation statistique entre les spins :

∀(i, j) ∈ N 2 , h~µi~µ j i = h~µi ih~µi i

En d’autres termes, le comportement statistique d’un spin ne dépend que du comportement


moyen de ses voisins et ne dépend pas des fluctuations instantanées de ces derniers. Une autre
façon d’interpréter cette approximation est de dire que le comportement d’un spin ne dépendra
pas de son environnement.
~ par définition de M.
L’espérance mathématique est alors pour ∀(i, j) ∈ N 2 , h~µi i = h~µ j i = µ M,
2 2
Par conséquent, h~µi ih~µ j i = µ M L’énergie d’échange peut alors s’écrire :
J J
hEint i = − 2 ∑ h~µi~µ j i ≈ − 2 ∑ h~µi ih~µ j i
µ (i, j) µ (i, j)

On note q le nombre de plus proches voisins d’un spin aussi appelé nombre de coordination.
Nous pouvons alors calculer le nombre de paires de plus proches voisins. N spins interagissent
avec chacun des q plus proches voisins (dans le cas 2D, q = 4). Le compte doit de surcroît
prendre en compte le fait que l’interaction de µi avec µ j et l’interaction de µ j avec µi ne doivent
être comptées qu’une seule fois. On trouve ainsi :

1
hEint i = − JNqM 2
2
10. Toujours dans l’approximation du champ moyen, calculer l’énergie libre F(M) = hEint +
EZ i − T S.
11. Tracer la courbe F(M)/(NkB T ) :
(a) Pour B = 0 et différentes valeurs de Jq/(kB T )
(b) Pour µB/(kB T ) 6= 0 et Jq/(kB T ) > 0
12. Que se passe-t-il du point de vue de l’aimantation lorsque Jq/(kB T ) = 1 pour B = 0 ? À
quelle condition sur F(M) cela se produit-il ?
4

13. Retrouver le résultat de la question précédente en calculant la température TC telle que :

∂2
 
F
=0
∂ M 2 NkB TC M=0

Tc est appelée température critique ou température de Curie.


14. Quel comportement retrouve-t-on pour F(M) lorsque T > TC ?
Nous venons de mettre ici en évidence une transition de phase entre un état ordonné et un état
désordonné, comme illustré sur la figure 1.1 !
La transition de phase s’opère à TC . La dérivée du paramètre d’ordre M est discontinue, mais
le paramètre d’ordre est, lui, continu : on parle alors de transition de phase du second ordre,
par opposition aux transitions de phase du premier ordre, pour lesquelles le paramètre d’ordre
présente une discontinuité.

Approche numérique par la méthode de Monte Carlo


Même si elle permet de prédire l’existence de la transition de phase du second ordre évoquée ci-
dessus, l’approximation du champ moyen ne permet en revanche pas de prédire avec précision les
résultats expérimentaux. Nous allons voir dans cette partie comment l’utilisation des simulations
numériques via la méthode de Monte Carlo permet d’obtenir de meilleurs résultats.
Position du problème
On considère un réseau 2D de N × N spins. Afin d’éliminer les problèmes liés aux bords, on
choisit des conditions aux limites périodiques de période N dans les deux dimensions. De telles
conditions aux limites correspondent à un réseau en forme de tore. Dans ces conditions, chaque
spin est entouré de 4 plus proches voisins. On se place dans le cas où il existe une interaction
entre les spins, et plus particulièrement dans le cas où J > 0 (cas ferromagnétique). L’énergie
d’un spin unique est alors donnée dans l’approximation du champ moyen par :
J
Ei = −Bµi − ~µk .~µi
2∑q

où q correspond aux indices des plus proches voisins (4) du spin i. Le cas B = 0 a été résolu par
Lars Onsager en 1944. Dans les autres cas, aucune solution analytique n’a en revanche pu être
trouvée pour le moment. Le nombre de micro-états possibles pour le système de N × N spins est
2
de 2N . Pour un réseau modeste de 16×16 spins, il existe environ 1077 configurations : Il est
tout à fait illusoire de chercher calculer les grandeurs physiques recherchées pour chacune de
ces configurations ! C’est la raison pour laquelle on utilise la plupart du temps des méthodes
statistiques numériques, comme par exemple la méthode de Monte Carlo.

Étude théorique
Dans l’approximation du champ moyen, il est possible de déterminer théoriquement les varia-
tions de l’énergie E et de la susceptibilité χ en fonction de la température. Les expressions (qui
ne seront pas démontrées ici) sont alors les suivantes :

E = Ez + Eint = −B ∑ µi − J ∑ ~µi .~µ j = ∑ Ei


i (i, j) i
5
1
χ= p , pour T  TC
kB (TC − T )
1
= , pour T  TC
kB (T − TC )

Pour l’aimantation, la procédure est plus complexe et nécessite la résolution par récurrence de
l’équation suivante, en l’absence de champ magnétique :
 
TC
Mi+1 = tanh Mi
T

Dans la suite, on posera T0 = J/kB . Dans l’approximation du champ moyen, on a alors TC = 4T0 .
Les expressions présentées ci-dessus seront utilisées dans les graphes afin de comparer les
résultats de la méthode de Monte-Carlo.
Méthode de Monte Carlo
Principe
La méthode de Monte Carlo consiste à explorer de manière aléatoire les configurations pos-
sibles en imposant comme contrainte qu’un micro-état d’énergie donnée apparaisse avec une
probabilité correspondant à la distribution de l’ensemble canonique (aussi appelée distribution
de Boltzmann), c’est à dire proportionnelle à exp(−E/(kB T )), où E est l’énergie du micro-état
en question.
Algorithme de Metropolis
Un algorithme possible (que nous ne démontrerons pas ici) pour satisfaire à cette condition est
l’algorithme de Metropolis, du nom de l’un des inventeurs de la méthode de Monte Carlo. Cet
algorithme fonctionne de la manière suivante :
• Pour un spin au hasard, on évalue la variation d’énergie ∆E lorsque le spin en question
est renversé.
• Si la variation d’énergie ∆E est négative, le spin est effectivement renversé. Le système
diminue ainsi son énergie.
• Si la variation d’énergie ∆E est positive, le spin est retourné avec une probabilité P =
exp(−∆E/(kB T )).
Ce processus est répété jusqu’à ce que l’équilibre thermique soit obtenu (dans la pratique jusqu’à
un certain nombre d’itérations).
Simulation
Afin d’illustrer la méthode de Monte Carlo, nous allons utiliser un simulateur en ligne disponible
à cette adresse :

https://mattbierbaum.github.io/ising.js/

Ce simulateur permet de calculer différentes grandeurs par la méthode de Monte Carlo pour
différentes températures normalisées ("Temperature" correspond à T /T0 ), différentes valeurs
de champ, et différentes tailles de réseau. Dans toute la suite, on choisira Metropolis pour
Update method et on observera la courbe correspondant à m(t).
15. Observer l’évolution de la variance de m en fonction de la taille du réseau de spins.
Commenter. Pour la suite un prendra préférentiellement un réseau de taille 256.
16. En l’absence de champ, observer le comportement asymptotique des cas limites T  T0
et T  T0 . Illustrer ces cas par des images de la configuration magnétique.
6

F IGURE 1.1 – Illustration de la transition de phase entre une phase ferromagnétique et une phase parama-
gétique, avec la température.

17. En diminuant la température à partir de T  T0 , estimer la température de Curie TC (c’est


à dire la température pour laquelle l’aimantation va significativement s’éloigner de 0), et
la comparer au résultat obtenu dans l’approximation du champ moyen (TC = 4T0 ) et à la
solution exacte obtenue par Onsager :
2J
TC =  √  ≈ 2, 269T0
kB ln 1 + 2

18. En observant la configuration magnétique pour T = 2, 3T0 , commenter la pertinence de


l’approximation du champ moyen.
Bien entendu, libre à vous par la suite d’expérimenter avec le simulateur !


Vous aimerez peut-être aussi