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méditations de prison

(Yaoundé, Cameroun)
Karthala sur internet: http://www.karthala.com
(paiement sécurisé)

Couverture : montage simon Gléonec.

© éditions Karthala, 2012


isBn : 978-2-8111-0627-0
Titus Edzoa

Méditations
de prison
(Yaoundé, Cameroun)
Échos de mes silences

préface
d’odile tobner, épouse de feu mongo Beti
présidente de « Survie-France »

Éditions Karthala
22-24, boulevard Arago
75013 Paris
Pour magnifier leur dignité, à toutes ces
femmes, à tous ces hommes qui, quelque part
dans le monde, pour quelque raison ou de
quelque manière que ce fût, ont été privés de
leur liberté...
Remerciements

Toute mon infinie gratitude à toutes celles et à tous ceux


qui, de près ou de loin, et de quelque manière que ce fût,
m’ont spontanément fait don de leur soutien, en pensée ou
en acte, brisant ainsi progressivement les lourdes chaînes
de ma féroce captivité...
au CoLiCite (Comité de libération du citoyen titus
edzoa), homogène structure spontanée d’élites de la société
civile, présidée par mongo Beti, icône de la défense de la
Liberté et des droits humains. à la barbarie primaire, vous
avez opposé votre courage et votre détermination par la
non-violence et la puissance de vos idées. Votre précieuse
initiative est à jamais inscrite en lettres d’Or dans les
archives de l’Histoire de notre pays. Je vous prie d’agréer
mon admiration et mon infinie gratitude...
à mes Conseillers juridiques1, fidèles compagnons de
lutte, toute ma déférente et pérenne gratitude ! Défiant
risques et périls, vous vous êtes spontanément et gratuite-
ment identifiés à la cause, vous faisant les défenseurs
opiniâtres du Droit, de la Justice et de la Vérité. Grâce à
votre professionnalisme, la science juridique a triomphé de
la basoche. L’aura jurisprudentielle du Barreau de notre
pays s’est illuminée de vous... Je vous honore !..
Une vibrante reconnaissance au CiCr (Comité interna-
tional de la Croix-Rouge) qui, à travers ses extraordinaires
et dévoués serviteurs, m’avait redonné une lumière vivi-

1. me odile mballa mballa, Léonard ndem, akere muna, martin


Ngongo Otthou, Pauline Kamdem, Magloire Désolice Piendjio, et de
regrettée mémoire, me Viviane ndengue ngongo, oyie tsogo, paul
Hanack, Francis nteppe...
8 méditations de prison

fiante, au moment où, asphyxié de tout mon être, j’avais


touché le fond de l’abîme...
à Geneviève, ma merveilleuse et infatigable compagne,
à mes enfants, Alexandre si proche et si loin, Paul-Stève et
raymond, trop tôt heurtés par l’infamie, la délation, l’in-
justice et la violence gratuite humaine : l’immensité de
votre amour, à tout moment, a su me protéger et m’encou-
rager ; en retour, ma gratitude est tout simplement gonflée
d’autant d’amour...
Une profonde gratitude à Christian Roland, adepte de la
perfection, et dont la patience et la permanente disponibi-
lité ont permis la mise en pages de mes silences, me faisant
surmonter, non sans peine, les nombreux écueils techni-
ques de mon écriture...
Enfin, une particulière pensée de par sa puissance d’in-
finie reconnaissance à tous ces êtres lumineux qui, dans le
secret le plus absolu, ont œuvré avec dévouement, abnéga-
tion et patience, au recouvrement de ma liberté au nom de
la Paix, de l’Amour et de la Fraternité... En toute confi-
dence, je garde jalousement notre secret en partage... et à
jamais !
Préface

du fond de sa prison le professeur titus edzoa nous


envoie ce texte saisissant intitulé Méditations de prison. Ce
texte s’impose par sa puissance née d’une très grande
maîtrise de l’expression dans le fond et dans la forme. L’un
et l’autre sont intensément retenus, ce qui est le secret, très
peu connu et compris, des œuvres durables, qui suggèrent
bien au-delà de ce qu’elles disent.
en art en effet la litote – l’understatement, dit l’an-
glais – est la pratique la plus difficile, tant, spontanément,
on a tendance à en faire trop. Et c’est ce qui était le plus
attendu dans une situation qui prêtait à l’hyperbole. Mais,
dans une situation si excessive que toute hyperbole aurait
été faible pour la signifier, le grand art est de recourir à la
litote : dire le moins pour signifier le plus, faire comprendre
l’indicible.
Les qualités qui en résultent sont aussi les plus rares et
les plus précieuses, celles qui se résument plutôt à l’ab-
sence des défauts les plus communs : aucun bavardage
oiseux mais la densité d’un langage d’une extrême simpli-
cité qui n’exprime que l’essentiel ; aucun ego envahissant
mais la modestie sincère de qui connaît la vanité du moi ;
aucune enflure redondante mais la discrétion voire le
murmure avec lequel on articule les plus grandes choses.
Et le propos est en effet très ambitieux. Comment oser
parler de la vie, de la mort, de l’amour, du destin, du temps,
sans courir le risque majeur d’être inférieur à son sujet
et, finalement, ridicule ? Titus Edzoa affronte ce risque,
comme il a affronté sa situation et il faut bien dire qu’il en
triomphe.
10 méditations de prison

Les méditations qu’il nous livre, sur son expérience de


la captivité, de la solitude, mais aussi sur les thèmes spécu-
latifs des nombres, de dieu, sont toutes marquées par la
lucidité, la limpidité, la clarté résultant de la maîtrise de
l’esprit et de la parole qui sont les siennes, loin des fan-
tasmes et des élucubrations que des esprits faibles peuvent
concevoir au contact de réalités qui les écrasent.
C’est ainsi que titus edzoa décrit la lourde stupidité de
la sorcellerie avec ses pratiques monstrueuses, croyances
des âmes basses îvres de jouissance et de peur – le plus
nocif des amalgames – opposée à la sérénité de la contem-
plation des mythes, révélateurs de sagesse procurant la
supériorité du détachement.
il poursuit sa quête intellectuelle et spirituelle sur les
chemins de la sagesse de l’égypte, mère de l’afrique et de
celle de l’inde issue de l’orient profond. il sait allier l’in-
telligence, sans laquelle la spiritualité tourne vite à l’illu-
minisme, à l’esprit, sans lequel l’intellect reste stérile. Son
langage rencontre alors la poésie comme medium d’un
niveau si ambitieux qu’il est rarement suffisant. Et là aussi
il ne s’en montre pas indigne dans la sobriété du lyrisme,
qui irrigue ses vers comme sa prose.
tous ces traits admirables pour toucher parfois au
sublime, mais aussi pour la plus extraordinaire esquive de
soi, de ce qu’il a vécu personnellement avant, qui reste le
secret bien gardé qui sous-tend son écriture.

odile tobner
Avant-propos

« Adhuc sub judice lis est »


(le procès est encore devant le juge).
Horace

Bagnard, chiourme, taulard ! prosaïques synonymes


d’attributs dont seules savent s’habiller la décadence et la
déchéance sociétales, avec un brin d’hypocrisie et d’acri-
monie.
Bagnard, chiourme, taulard ! particulière race, humaine
tout de même, aussi universelle qu’hétéroclite. Une sous-
espèce qui a perdu tous ses droits, fors celui de racheter sa
propre dignité. Et à quel prix ? Et pour cause ? Qu’im-
porte !
Bagnard, chiourme, taulard ! tous se ressemblent ; ils
partagent tous le même monde, un monde hors du monde.
Dans le subconscient nébuleux de la collectivité, ils sont
tous des ordures dans la poubelle. Sous l’influence fati-
dique et maléfique des divinités chtoniennes, ces divinités
qui régissent le monde sous-terrain des gnomes si redoutés !
Ils ont indûment joué les Rocambole et les Rambo ; en
retour ils méritent le malheur, le châtiment, la malédiction
éternelle..., avec comme seule consolation, celle des dam-
nés de se savoir ensemble...
à ce pandémonium, on accède par tous les moyens, sauf
par la grâce. La « justice humaine », orgueilleuse de son
caractère théandrique, s’affiche avec mépris en un art
consommé, doublé d’une pseudo-science prétendument
12 méditations de prison

maîtrisée : c’est l’imperium ! impétuosité comique et dra-


matique à la fois ! ! !
et pourtant, malgré cet amalgame puéril et complaisant
de la société, chaque bagnard reste jaloux de sa propre
histoire, dont la dimension et la spécificité ne peuvent être
entièrement appréhendées que par lui-même, à moins qu’il
ne veuille bien vous la faire partager, tout en prenant le
soin, précieuse précaution, de ne point casser les œufs de
la pudeur... C’est ce que je me propose, armé d’un peu de
courage et soutenu par beaucoup de modestie, de réaliser
en ces pages. Partager quelques réflexions issues d’une
intensité intérieure, où le temps, notion illusoire de notre
insuffisance, a cessé d’être la référence, le silence déchi-
rant le voile de certains de ses secrets ; où la torture, par la
souffrance endurée, a éveillé l’harmonie soudant les
contraires ; où la solitude, multipliée par elle-même, s’est
métamorphosée en la plus fidèle amie, la haine se liqué-
fiant d’elle-même ; et où le détachement a définitivement
rapproché des mondes antagonistes, tandis que l’émotion a
ennobli sans détruire...
à traverser avec moi ce rubicon de granit froid qui
sépare deux mondes, celui extérieur, le vôtre, et celui inté-
rieur, le mien, le nôtre, celui du bagnard, je vous convie
avec le moins de bruit possible, car si le bruit ne fait pas de
bien, le bien ne fait pas non plus de bruit.
Dois-je vous faire pressentir que les deux mondes,
en apparence si contraires, peuvent avoir vocation à se
rejoindre sur le chemin de l’ascèse humaine ? Et si cette
barrière, qui se veut hermétique, se faisait quelque peu
poreuse et osmotique, octroyant ainsi au téméraire une
prise de conscience, la prison ne pourrait-elle pas devenir
une porte de la liberté, la vraie, celle construite par et dans
une souffrance toute particulière, ferment prodigieux de
l’âme ? Pourquoi ne deviendrait-elle pas un socle, un block-
starting, sur lequel le vrai Homme en soi découvert pren-
drait son envol pour scruter, léger de tous ces fardeaux
encombrants de contingence terrestre, l’univers dans ses
arcanes et secrets mystérieux, et appréhender ainsi avec
aVant-propos 13

plus de recul et de sérénité, les problèmes quotidiens qui le


taraudent ?
Mais c’est un long voyage, un périlleux voyage. Tantôt
dans un désert ogre, omnivore, impitoyable, où le feu
mythique de l’épreuve brûle et la gorge et la peau et les
yeux ; et où, comme breuvage d’apaisement passager, l’on
doit quelquefois choisir entre l’amertume et la ciguë...
tantôt dans un océan ivre de vagues houleuses, qui
fracassent avec une extrême violence la coque physique et
mentale de votre récif, entourée de requins déjà repus de
sang, mais paradoxalement encore avides de haine et de
vengeance...
tantôt dans une forêt touffue, inhospitalière, abyssal
labyrinthe, où les animaux prédateurs, animés d’une fièvre
obsidionale, hurlent à tue-tête leur folie et leur férocité...
Et pourtant, paradoxe ! Il peut s’y cacher une voie paral-
lèle ; celle qui conduit vers un jardin, un merveilleux jardin,
fleuri de pétales rutilantes de roses, aux parfums de fra-
grance enivrante, de gardening aux couleurs apaisantes,
dans une parfaite harmonie ; où le lys royal se drape de
son manteau hiératique ; où des touffes d’anémones, d’au-
briètes, de jacinthes, d’hélénies et d’orchidées bordent des
rivières sinueuses aux reflets d’argent, dans une ambiance
féerique... Les contraires n’existent-ils pas pour se rencon-
trer dans une fusion créatrice d’une troisième entité supé-
rieure ?
Pour apprécier la paix, il faut avoir connu l’éruption
volcanique intérieure ; pour vibrer de béatitude, s’être
douché des rayons ardents de l’enfer. Deux états de cons-
cience qui se côtoient pour ensuite se superposer, que
dis-je, se fondre l’un dans l’autre, déchirant ainsi ce voile
illusoire de la séparation des deux mondes.
La prison ? Une barrière ! Ma barrière. Notre barrière.
mais aussi la vôtre ! elle m’attendait avec impatience, pour
être escaladée pour vous, à défaut de le faire avec vous,
afin de vous faire tout simplement découvrir quelques
échos de mes multiples silences...
proLoGUe

L’onde de choc !
(20 avril 1997)

« J’estime que la vérité qu’un homme a


découverte, ou la lumière qu’il a projetée sur
quelque point obscur, peut un jour frapper un
autre être pensant, l’émouvoir, le réjouir et le
consoler : c’est à lui qu’on parle comme nous
ont parlé d’autres esprits semblables à nous et
qui nous ont consolés nous-mêmes dans ce
désert de la vie... »
schopenhauer

La pensée, de par son essence transcendante, pourrait se


définir comme une extraordinaire force, une énergie sta-
tique concentrée ; mais une fois mise en mouvement, elle
est susceptible de se déployer en une puissance étonnante
par des effets tout aussi surprenants, dès lors que sont
réunies certaines conditions spatiales et temporelles pour
sa manifestation.
De cette énergie potentielle, je me suis fais une arme
redoutable, mais exclusivement bienfaisante, en la subju-
guant au service d’une noble cause, au service d’une
société exsangue, en permanence terrorisée, à moitié ense-
velie dans un ténébreux et profond hypogée glacial, après
qu’elle ait été meurtrie d’une déliquescence cyniquement
16 méditations de prison

programmée, de la part d’un système primaire et rétro-


grade. Sans répit, l’extrême misère mentale collective a
rimé et rivalisé avec une précarité matérielle individuelle
tout aussi aiguë. amertume et déréliction dans les esprits,
dépit et désespoir dans les cœurs !
par un acte politique singulier, fort de sa pertinence
idéelle et dépouillé de la moindre velléité de violence, j’en-
gageais un titanesque « combat » d’idées et de valeurs,
inaugurant ainsi une houleuse et vertigineuse saga socio-
politique, dont les ondes de choc n’auront pas fini d’in-
vestir les consciences de si tôt, et par lesquelles nos
archives, en peintures fidèles de notre histoire commune,
seront peut-être à l’avenir le dépôt privilégié de ce qui n’a
pas pu être révélé en son temps...
Et ce jour pas comme tous les autres où se déchira le
voile, ce fut un dimanche gonflé de soleil, le 20 avril, en
l’an 1997..., par l’allocution que voici « in extenso » :

« Il y a environ 15 ans, je m’engageais en politique


pour un idéal, pour un système de valeurs sociales bien
définies. J’y consacrais ma vie professionnelle et privée,
avec foi, sans regret, m’impliquant nuit et jour avec géné-
rosité, quelquefois même avec obstination, fier de servir
mon pays.
Je fus ainsi tour à tour, sans interruption :
– Ministre chargé de mission à la PRC,
– Conseiller Spécial à la PRC,
– ministre de l’enseignement supérieur,
– Secrétaire Général à la PRC et Ministre de la Santé
publique.
Aujourd’hui, à l’heure du bilan du système, le constat,
pour peu qu’on veuille bien être honnête, est hélas drama-
tiquement désolant sur les plans institutionnel, écono-
mique, social, culturel...
personnellement, pour mes convictions politiques,
j’aurai été très tôt combattu par une minorité soi-disant
pensante et influente, mais ô combien hypocrite et limitée
du système. J’aurai été combattu par des tentatives perma-
nentes d’humiliation, des manœuvres inavouées d’intimi-
proLoGUe 17

dation et de délation. Grâce à Dieu, je restai impertur-


bable, m’évertuant à donner, comme beaucoup d’autres
Camerounais, du souffle à un système qui se vidait inexo-
rablement de sa substance.
Aujourd’hui dans notre société, le rêve et la foi en
l’avenir ont disparu, laissant la place au désespoir, à la
résignation collective.
mesdames et messieurs,
très chers compatriotes,
Aujourd’hui, contre le Ministre de la Santé Publique
que je suis, ces basses manœuvres d’hier ont redoublé de
perfidie, d’intensité et d’audace, ne me permettant pas de
mener à terme, dans la sérénité et la sécurité, la mission
qui m’aura été confiée.
devant cette situation générale de dépit, et dans l’im-
possibilité personnelle de participation libre et active à la
construction de mon pays, droit et devoir de tout Came-
rounais ; après une profonde réflexion, loin de toute pres-
sion et en harmonie avec ma conscience, j’ai décidé :
– de mettre un terme, à partir de cet instant, à mes
fonctions de ministre de la santé publique. dans les
heures qui suivent, ma lettre de démission sera transmise
à Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
– libre désormais de tout engagement politique, j’ai
décidé de me déclarer candidat aux prochaines élections
présidentielles. Je donne ainsi aux Camerounais une autre
possibilité d’alternance. De mon droit le plus légitime, je
fais un devoir.
J’ai cru nécessaire d’annoncer ces deux décisions
avant l’échéance des élections législatives, afin de lever
toute équivoque et surtout de réaffirmer la transparence de
mes convictions politiques. Que les militants et les non-
militants des partis politiques, les femmes et les hommes,
les jeunes et les moins jeunes de la Société civile, qui ont
pu apprécier au cours de ces longues années mon action
et mes convictions veuillent bien tenir compte de ce
message au cours de ces élections législatives. dans les
semaines et mois à venir, je prendrai le soin de leur com-
muniquer avec clarté et en détail le contenu de mon pro-
gramme.
18 méditations de prison

Pour terminer, devant les lois républicaines, je prends


à témoin, dès cet instant, toutes les Camerounaises, tous
les Camerounais, pour ma sécurité personnelle, celle de
ma famille et de tous ceux qui voudront œuvrer avec moi.
Je me battrai pour vous tous, pour mon pays, mon beau
pays, rien que par la conviction des idées. Je ne dispose
d’aucune milice, d’aucune bande armée, d’aucune fortune.
Que la majorité des Camerounaises et des Camerounais
qui y croient veuillent bien me suivre, me soutenir, afin
qu’ensemble nous sortions notre beau pays de ce long et
profond sommeil !
ainsi, éveillés, avec une nouvelle foi et un nouvel
espoir, entrerons-nous, dans la paix, dans le 3e millénaire,
gratifiés d’un nouveau rêve pour nous-mêmes et pour nos
enfants.
Le Cameroun a tout ce qu’il faut pour le mériter !
Vive la démocratie !
Vive la république !
Vive le Cameroun ! »...

Aujourd’hui impavide, mais de temps en temps cha-


touillant d’un peu d’humour, en véritable troubadour des
temps modernes, je m’en vais décocher de mon arc, en
guise de flèche combattante, ma plume encore toute fraîche
de son encre indélébile, pour vous retracer les sillons inso-
lites de mon aventure, en partage d’une véritable épopée
aux allures quelquefois mythiques, dignes d’une légende
allègrement contée, mais surtout intensément vécue...
1

Mon rubicon

« Alea jacta est »


(Le sort en est jeté).
Jules César

Il y a plus de vingt siècles, le Grand Jules César, déjà


imperator et pontifex maximus, après avoir franchi le
Rubicon, ce petit fleuve boueux de Ravenne, lança à ses
légionnaires : « Alea jacta est » (le sort en est jeté), avant de
s’engager à la conquête finale de Rome et de son peuple.
Les lois universelles sont impersonnelles et se manifes-
tent par fractance dans l’espace et dans le temps, selon les
circonstances. par correspondance analogique, en dimen-
sion miniaturisée bien entendu, je décidai de traverser mon
modeste rubicon, par une simple démission d’un gouver-
nement, assortie d’une simple déclaration de candidature à
une élection présidentielle. tremblement de la terre,
ouragan dans les airs. tout de même !
d’un côté, des chars avec des canons en mire, de l’autre,
une foule aux mains vides, mais gonflée de courage. Le fer
contre des pots de terre. L’airain contre de la porcelaine. et
pour cause ? La providence déplaça ce virtuel combat
inique sur un autre terrain supposé neutre : le mensonge
contre la vérité. « Le mensonge pouvait faire le tour de la
terre, le temps que la vérité mette ses chaussures ».
20 méditations de prison

affaire aussitôt suivie avec beaucoup de passion par des


chroniqueurs hâtifs, en attendant qu’elle revienne aux
érudits au tempérament plus mesuré, de préférence histo-
riens et politologues de profession, dont l’analyse plus
objective comblera sans doute la postérité...
Pour le bien-être collectif, pour la cause publique, je
sacrifiais mes droits les plus élémentaires : je sacrifiais,
avec un pincement au cœur, le bonheur partagé de l’amour
familial ; je sacrifiais, sans réserve, la chaleur et l’attache-
ment de l’amitié ; je sacrifiais, sans peine, sans regret, les
honneurs d’une profession prestigieuse ; je sacrifiais, sans
effort, l’apparent et éphémère confort d’une société hypo-
crite et égoïste... Tout cela, je l’ai fait sans amertume. En
avais-je le droit ? Peut-être pas ! Mais assurément le
devoir !
« Alea jacta est » : à partir de là, le sort en était jeté, et la
suite se métamorphosa en une longue, très longue et capti-
vante épopée... aux allures tantôt ubuesques, tantôt drama-
tiques... en l’honneur de la politique en afrique ! ! !
2

Première lettre à la nation

« Le temps est venu pour s’engager définiti-


vement ».
L’auteur

mes Chers Compatriotes,

Le 20 avril 1997. Un dimanche pas comme tous les


autres ! Seul devant ma conscience, je décidai de prendre
en une seule fois, deux actes politiques importants : ma
démission du Gouvernement et ma candidature aux Élec-
tions présidentielles. J’établissais ainsi un nouveau rapport
avec vous.
Aujourd’hui, au-delà d’une volonté longtemps entre-
tenue de discrétion, il me paraît légitime de lever un pan de
voile sur l’homme que je suis, à travers mes idées, mes
convictions et mon parcours professionnel. Le niveau
balbutiant de notre démocratie l’exige et je me soumets
volontiers à cet exercice pour être, je crois, mieux compris.
Scrutant l’horizon du passé, me voilà, enfant de New-
bell, quartier populaire de Douala par excellence, fils d’un
papa « boy cuisinier », partageant avec mes amis et cama-
rades, toutes tribus confondues, les joies et les angoisses
des ruelles fébriles, les repas conviviaux de telle ou telle
maman, sans protocole aucun, sinon celui d’appartenir au
groupe, les matches de football, pieds nus, avec une « tiss-
22 méditations de prison

ball », dont l’enthousiasme n’avait d’égal que le carnaval


« des championnats du monde ». Ces réalités sont encore
présentes dans mon esprit. J’ai appris très tôt à partager,
sans distinction de religion ni de tribu, le peu dont nous
disposions. Au fond de mon âme, je me sens encore lié à
ce terroir par le cordon ombilical des amitiés d’enfance.
Jeune homme, soutenu par la seule volonté divine,
j’étais destiné à une carrière professionnelle particulière :
la chirurgie. Celle-là même qui doit allier Science, Art et
Humanisme. Je l’ai apprise de mon mieux en Italie pendant
12 ans. L’exigence de la perfection et de la compétence
dans ce domaine professionnel m’a invité plus tard à Paris
pour un test final, sanctionné par le titre de Professeur
agrégé de Chirurgie. Cette alliance franco-italienne a été,
pour moi, une richesse inestimable sur les plans profes-
sionnel, culturel et humain.
J’ai exercé mon métier au Cameroun avec générosité,
dans les hôpitaux d’arrondissement, de département, de
province et d’Université. J’y ai appris à partager l’angoisse
et le désespoir des uns et des autres. J’ai connu le bonheur
de redonner de la joie, de la santé, de l’espoir de vivre.
Sportif par instinct au départ, l’Art martial m’a appris à
allier l’humilité à la détermination, le respect des autres au
dépassement de soi, le sens profond de la spiritualité à la
tolérance, le succès à l’échec, le travail à l’effort. J’ai
essayé d’insuffler ces valeurs aussi bien aux jeunes qu’aux
adultes, toutes classes confondues. Je sais aujourd’hui
qu’ils portent en eux ce germe de vie martial, l’énergie
prête à éclore dans la maîtrise du corps et de l’esprit.
Enfin homme d’État, j’ai appris à découvrir l’impor-
tance de la chose publique. J’ai connu la joie de servir dans
l’ombre et l’exaltation de servir en public. J’ai connu les
déboires, ô combien amers, du milieu : calomnie, humilia-
tion, intimidation, délation, haine, jalousie, etc. C’est aussi
cela, hélas le monde politique ! Tour à tour, sans interrup-
tion, j’ai été pendant 12 ans : Ministre chargé de Mission à
la Présidence de la République, Conseiller Spécial à la
présidence de la république, ministre de L’enseignement
première Lettre à La nation 23

Supérieur, Secrétaire Général à la Présidence de la Répu-


blique et enfin Ministre de la Santé. Comme c’est beau et
noble de se battre pour son pays, pour le bien individuel et
collectif ! Voilà le parcours de votre candidat.
Je suis animé aujourd’hui par un amour intense, pro-
fond et inconditionnel pour mon pays. J’ai besoin de votre
complicité pour qu’ensemble nous le sortions de l’impasse,
du désespoir. Comme promis, mon projet de société trace
la synthèse du chemin à parcourir. Vos suggestions sont les
bienvenues et je souhaite établir dorénavant, avec vous, un
dialogue permanent, en toute liberté et en toute franchise.
Le temps est venu pour s’engager définitivement. N’ayez
plus peur ! n’acceptez plus l’intimidation, le mensonge !
C’est vous qui devez décider du destin de notre pays. Que
chacun de nous assume ses responsabilités. Je voudrais
émaner de vous, pour gouverner non pas au-dessus de
vous, mais avec vous ! Le but final et l’essence de mon
programme c’est : « Un jeune, un Emploi » !
sans relance économique, il n’y a point d’emploi ; sans
emploi, il n’y a point de bien-être ; et tout ceci nécessite un
environnement politique de sécurité, de justice et d’ouver-
ture. Je me donne sept ans pour remettre le Cameroun sur
pied et je me battrai pour cela sans relâche.
Mes chers compatriotes, je vous invite à vous joindre à
moi, afin qu’ensemble nous gagnions le pari, dont l’enjeu
est un avenir meilleur pour notre pays.
Au moment même où je vous écris, je viens d’être
informé par la Police judiciaire, de mon assignation en
garde à vue administrative. Cependant je demeure serein et
confiant en l’avenir, pour le triomphe de la liberté et de la
démocratie.

Yaoundé, mai 1997.


t. e.
3

Une nuit particulière

« delenda Carthago »
(il faut détruire Carthage).
Caton l’ancien

« ma première nuit vide et écumante de noir,


Hantée par autant d’hydres que de dragons,
d’ogres avides de sang, avides de mort !
ma première nuit, en cellule, aussi vide que pleine de
noir !

Furtif, mon corps s’éclipse, et en silence,


Mon âme purifiée, légère et patiente,
Attend déjà, alerte, le jour de lumière,
après cette terrible nuit aussi vide que lourde de noir.

La terre s’est dérobée sous mes pieds ;


J’ai tangué, vacillé, sans honorer la chute tant atten-
due.
Sa fermeté j’ai dompté, et sans vacarme, de sa force,
J’ai développé la puissance de mon arme pour toutes
ces nuits futures aussi vides qu’épaisses de noir.

Pour breuvage, de l’amertume j’ai bu.


Dans cet océan houleux j’ai plongé.
Comme par miracle, la fraîcheur m’a englouti,
26 méditations de prison

Et de ses embruns apaisants, doux s’est fait mon


grabat, pour toutes ces nuits futures aussi vides
qu’écrasantes de noir !

Le vent en terrible tempête a soufflé ;


Mais, désormais, il s’est apaisé, le roseau toujours
debout ;
Comme une berceuse, j’ai entendu son carillon loin-
tain.
Et de sa vitalité, je me suis revivifié, après cette nuit
aussi vide que lourde de noir.

au bout de mes longues nuits vides et épaisses de


noir,
L’aurore, enfin, apparaît à l’horizon ! Mais je ne puis
encore la voir.
Mon âme, grisonnante mais de neuf vêtue, s’apprête à
prendre son envol,
apaisée dans une ascendante spirale,
Projetée en parfaite fusion avec la lumière des
lumières.
Ô nuit noire, secrète gardienne de ma lumière !
Ô mystérieuse nuit, la plus longue de ma vie,
Matrice protectrice de l’innocence et de la justice,
Tu demeures ma fidèle demeure, complice silencieux
de mes rêves ! »

Avec le temps, j’ai encore mieux déchiffré l’énigme de


ce précieux et réconfortant message de cette particulière
nuit, à savoir l’entrée dans le monde vertigineux de la
captivité, où s’apprend ce qui ne peut l’être autrement.
La vie, une permanente leçon ! Tous ses compartiments
peuvent être honorés de nos visites, même des plus inatten-
dues !..
4

La prison, ma prison

« Carcere duro »
(dur cachot).

« La prison, ma prison,
Ce sont ces murs glacés de cercueil en béton
Qui ont réduit à l’extrême mon espace vital !
Non sans peine, j’ai fini par les intégrer,
Comme des cloisons vivantes de ma nouvelle demeure.
J’y ai reflété l’aura de mon âme,
et les mêmes murs sont devenus mon miroir,
Ma protection, jaloux de toute intrusion intempestive.

La prison, ma prison,
Ce sont ces longues journées avares de soleil,
Ces longues nuits imbibées d’obscurité.
à force de m’y essayer, j’ai fini par faire
de ma solitude, ma meilleure amie,
Et du silence, mon fidèle compagnon.
Mes journées se sont transformées en lumière apaisante,
Et mes nuits en rêves revivifiants...
La prison, ma prison,
C’est cet épais brouillard qui de tout mon être s’est
accaparé,
S’évertuant à me faire croire que la vie ne valait plus
la peine d’être vécue.
Avec mon épée intérieure, j’ai fini par la dompter,
28 méditations de prison

La soumettant à mon frugal quotidien,


La métamorphosant en un obstacle illusoire,
mais, ô combien nécessaire, de mon ascension
sur la montagne de l’éveil intérieur.

La prison, la prison,
C’est aussi, hélas, une arme aveugle
d’une humanité retardataire contre elle-même,
enivrée de détruire, d’annihiler ce qui ne peut l’être !
Honteuse pleutrerie ! ! ! »

Ô bagnard, mon ami, ne l’oublie jamais : de ta captivité


fais un roc, sur lequel tu reconstruis ce qui a été indûment
détruit, et avec détermination, arme ton être pour revivifier
ce qui, en toi, a été assassiné ! « sois l’Œdipe de ta vie et le
Sphinx de ta tombe » !, comme le stipulait Victor Hugo.
La prison n’est pas seulement une privation de liberté.
elle est une réelle suspension dans l’espace et le temps,
entre la vie et la mort. On y apprend à vivre, on y apprend
à mourir. Tout ce qui la précède doit un peu mourir ; tout ce
qui lui succède doit totalement renaître, ressusciter des
cendres du passé, comme le mythique Phénix qui nous
apprend à assimiler la loi alchimique de l’immortalité,
revêtue, en l’occurrence, d’un voile éphémère des appa-
rences triviales.
La prison enfin, c’est s’inviter soi-même à tout sus-
pendre, à se mettre en résonance avec son Soi, pour décou-
vrir le biorythme caché de l’Univers et les arcanes de ses
lois. elle offre une particulière opportunité de queste che-
valeresque, qui requiert non seulement beaucoup de cou-
rage, de foi, de détermination, mais surtout une inestimable
réserve d’amour.
La prison, elle doit être le verrou du passé et, en même
temps, la clé d’or, qui ouvre l’avenir lumineux d’une
nouvelle liberté retrouvée... de désolante mésaventure, il
faut s’exercer à en faire un précieux privilège !...
5

Le silence brisé de mes nuits

« Forsan et haec olim meminisse invabit »


(le souvenir de ces choses sera utile par la suite).
Virgile

... dans un décor froid de dépouillement total, quelque-


fois mes nuits se sont ennuyées de leur silence ; elles se
sont aliénées sans mon préalable consentement, de compa-
gnons peu amènes, dans un théâtre surréaliste, sans toute-
fois perdre leur caractère ludique.
tantôt de minuscules souris aussi espiègles que gra-
cieuses de leurs petites oreilles pointues constamment aux
aguets, tantôt de gros rats impavides et méprisants, farcis
d’orgueil, au pelage hirsute et répugnant. Leur intelligence
a défié ma témérité, donnant lieu à des combats nocturnes
épiques, avec des victoires et des défaites alternativement
des deux camps.
Tantôt des cafards, aussi résistants à l’anéantissement
que leurs fines pattes sont dévoreuses de matière plastique,
dans un bruissement nocturne aussi délétère que des coups
de tonnerre dans un ciel serein. ils m’ont fait découvrir que
les cafards aussi se cachaient pour mourir !
Le moustique ! Le moustique ! aussi frêle qu’agile, aussi
téméraire que nuisible ; courageux et implacable guerrier,
il vous fonce à l’oreille, muni de son dard et de son radar,
30 méditations de prison

impitoyable, annonçant par une rhapsodie provocatrice et


triomphante, la certitude de sa victoire ! Quel ennemi !
même seul, il vaut un bataillon ! entre nous, il n’y eut
jamais d’armistice !
Les chiens ! avec leurs combats enragés et suicidaires
de chevaliers amoureux pour une seule élue, clabaudant à
tue-tête, comme seuls savent le faire des prétendants irré-
ductibles brûlés par la passion ! Leurs combats, ils ne les
engageaient que la nuit, excités par Vénus, la déesse de la
lune. Heureusement peu avant l’aurore, épuisés, exténués,
ils signaient une trêve, mettant ainsi fin à une interminable
insomnie, qu’en acteurs peu indulgents et avares de tout
scrupule, ils m’avaient sévèrement infligée...
Mais un soir, au crépuscule d’une journée encore tiède
de sa torride chaleur, et lourdement enveloppée de sa lueur
blafarde, je reçus une visite aussi insolite que l’était mon
hôte, dans mon aride petit logis de bain de soleil quotidien.
D’où venait-il ? De nulle part ! Son pas lent et rassuré
mettait en exergue son allant altier : une abondante crête
chatouillée par le vent exhibait sa descendance princière ;
un camail brillant d’un jaune or, des plumes d’un rouge vif
métallique, rehaussées de rares mèches d’un bleu turquoise
cristallisé, parsemées en élégante coiffure ! superbe, il
déambulait au rythme de sa majestueuse faucille : c’était
un coq ! oui, un superbe coq, en chair et en os ! ! ! il esca-
lada lentement, une à une, sans vaciller, les sept marches
donnant accès à mon exigu logis ; puis du banc réservé à
mes rares visiteurs, d’un léger frémissement de ses ailes, il
se hissa et s’accommoda confortablement en parfait équi-
libre de funambule expérimenté, sur la rampe de mon petit
balcon, juste en face de moi, entre mes deux visiteurs de la
journée, aussi ébahis que moi...
De la fissure mobile de ses lourdes paupières mi-closes
transpirait l’intensité d’un regard soutenu, tantôt perçant et
inquisiteur, tantôt triste et sombre. La scène dura environ
une demi-heure ; puis tout doucement, il descendit de son
perchoir improvisé et, avec la même incroyable assurance,
prit congé de nous... mais tout aussi incroyable, pour revenir
Le siLenCe Brisé de mes nUits 31

le lendemain, à la même heure, au même endroit, répéter le


même scénario...
Cette même nuit, je devais vivre avec intensité, assisté
de mon mystérieux hôte du jour, un rêve apocalyptique où
je me retrouvais non seulement témoin, mais principal
acteur dans l’extinction d’un terrible incendie aux flammes
particulièrement destructrices... Au réveil, je décidai par
pure intuition de donner à mon auguste visiteur le nom
d’Ambroise, afin de mieux le personnaliser et ainsi l’im-
mortaliser dans les archives secrètes de ma mémoire. Ce
soir-là, je l’attendis avec impatience, afin de partager avec
lui mon rêve, notre rêve, mais en vain ! mon ambroise,
notre Ambroise ne revint jamais plus ! En messager secret,
deux surprenantes et mystérieuses visites avaient suffi pour
éveiller en moi la volonté d’apprendre à métamorphoser, en
des circonstances particulièrement désespérées, la détresse
en bonheur...
souvenirs, souvenirs, souvenirs de mes silences brisés
de mes nuits singulières ! Une animation somme toute « sui
generis », aussi curieuse que ludique, qui constituera une
belle page de mon vivant chapitre. Certainement ils m’ac-
compagneront toujours, en témoignage de mes silences
brisés, avec un brin de nostalgie...
C’est aussi cela la prison, ma prison, avec mes souris,
mes rats, mes cafards, mes moustiques et mes chiens...
compagnons inconscients de leur chaleureuse fidélité... à
leur façon, bien entendu ! ! ! Sans évidemment jamais
oublier mon coq de lignée princière, notre mystérieux
Ambroise, dont le souvenir aura scellé à jamais une mer-
veilleuse page secrète de ma captivité...
L’illustre Socrate, avant de boire la ciguë, à la suite
d’une condamnation inique, n’avait-il pas interpellé son
élève en lui disant : « Criton, nous devons un coq à Asclé-
pios. Payez cette dette, ne soyez pas négligents ! ? » Notre
Ambroise, sans rien exiger en retour, nous a gratifiés de
son immense générosité, avant de disparaître incognito,
dans l’impersonnalité la plus absolue. Une extraordinaire
leçon de la vie, n’est-ce pas ?...
6

La torture

« Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant »


(Où ils font un désert, ils disent
qu’ils ont donné la paix).
tacite

parler de la torture est une chose ; l’avoir subie en est


une autre.
... il est aussi ponctuel que récurrent, le rituel quotidien.
L’écho de pas légers et furtifs, rarement lourds et lents de
brodequins, précède le garde-chiourme. Un froissement
métallique grince aigu en cacophonie, et mes oreilles de
bourdonner. Des cliquetis secs, agressifs, d’une, de deux,
de trois, de nombreuses clés qui tournent, bruissent, se
retournent dans de multiples palâtres. et mes oreilles de se
froisser. Mon cœur de brunir, de saigner, à défaut de se
briser et de s’arrêter.
Un bruit sourd, puis un autre, un autre encore. de lourds
portails blindés s’abattent l’un après l’autre, contre des
murs ocres et brunis de béton. et mon âme de grincer,
avant de se lover sur elle-même, en réflexe d’auto-défense
et de désespoir.
Un rituel démentiel et pernicieux ; le matin comme le
soir, de jour comme de nuit ; et à l’ouverture comme à la
fermeture : torture oblige ! malgré sa récurrence, le geste
34 méditations de prison

vous est toujours nouveau et produit toujours les mêmes


effets... destructeurs.
J’ai intégré le défi, non sans peine, avec le temps, mon
temps. de ce vacarme naguère humiliant et provocateur de
ma captivité, j’ai fait la clé de l’ouverture vers le mer-
veilleux monde intérieur de la liberté. Et je me souvins un
jour de cette pensée que me confia, il y a fort longtemps,
un sage : « La porte qui donne accès au royaume de la
Liberté est toujours ouverte par une clé en or »... Encore
faut-il savoir la chercher pour qu’elle vous soit, un jour,
donnée... gratuitement !
La torture est un acte de barbarie exclusif de l’espèce
humaine, exaltant paradoxalement le bourreau qui en est
l’auteur. elle a pour but l’anéantissement brutal, cruel, total
de la victime, dans un heurt déflagrant programmé contre
le physique, le mental et le psychique de cette dernière...
C’est un acte cynique délibéré d’atrocité, exigeant au
moins deux protagonistes : le sujet et son objet. Le tortion-
naire, sujet dominant et à souhait dominateur, s’anime
toujours d’une euphorie hystérique et irrationnelle. La vic-
time, son objet, doit à priori tout subir dans l’humiliation et
la résignation. ainsi, la torture crée-t-elle une relation
surréaliste qui, progressivement, glisse dans une nébuleuse
sans contrôle. elle nous fait accéder au règne de la « sous-
humanité », bien inférieur à celui de l’animalité. Car l’ani-
mal peut agresser ; mais quelque féroce qu’il soit, il est
incapable de torturer. en revanche l’homme, ce drôle d’ani-
mal, est la seule espèce capable, non seulement de planifier
la torture, mais de se réjouir d’en être l’auteur.
Le tortionnaire ou son mandataire est en fait un être
faible et fragile, victime de ses propres turpitudes, carences
et contradictions intérieures. Fort incapable de se dominer,
il s’évertue en vain à parfaire l’anéantissement, la destruc-
tion de l’autre. Il se méprend de sa propre image, réfléchie
et projetée avec une extrême violence sur la victime. En
décidant d’annihiler l’autre, inconsciemment il se désagrège
lui-même. Son combat intérieur perdu d’avance, qu’il exté-
riorise par la cruauté, le défait, le détruit lui-même : « Vita
La tortUre 35

sua, mors tua » : pour qu’il vive, l’autre doit mourir. et si


jamais l’autre devait survivre, il tremble de mourir à cette
seule idée...
à l’issue de ce drame, la victime connaît toujours la
paix et sa fin est toujours lumineuse : soit par une mort
libératrice (sic !), soit par une vie particulièrement enrichie,
la souffrance étant une échelle ascendante incontournable
vers les promontoires de l’évolution de l’âme.
En revanche, le tortionnaire connaît toujours l’abîme au
dernier acte de sa pièce théâtrale : il s’ouvre un long et
tumultueux cheminement, par lequel il doit connaître les
affres de l’abus et de l’ignorance, pour retrouver peut-être
après de longs errements, comme sisyphe, le sentier abrupt
et sinueux de la Sagesse...
Il existe d’innombrables types de torture : la terreur en
politique et la peine de mort ont particulièrement retenu
mon attention. La terreur en politique, c’est l’usage perma-
nent, brutal et féroce d’une violence gratuite et dispropor-
tionnée, dont les objectifs s’inscrivent dans un marécage
dit politique, aux accents le plus souvent obscurs et contra-
dictoires. Il s’en dégage toujours une tentative absolue de
tenir sous un joug fatalement suicidaire la société et les
individus qui la composent.
La terreur politique, c’est une arme cynique, dont savent
volontiers abuser les faibles d’esprit, pusillanimes intro-
vertis, hantés qu’ils sont par leur fausse et prétendue supé-
riorité, et pourtant en réalité, imbibés de médiocrité notoire,
en même temps qu’ils sont, à l’envi, dévorés par un virus
narcissique qu’ils s’évertuent, en vain, à dissimuler.
La société, victime de cette terreur, végète dans l’agonie,
suffoquant par le sevrage impitoyable du rêve légitime de
la liberté et du mieux-être ; elle finit par se refermer sur
elle-même, dans un réflexe atonique, avorté de désespoir,
de survie. La rumeur y est privilégiée : dans le vent, tout
est futile, possible et impossible à la fois ; elle honore,
malgré elle, la délation et le fantasme ; il faut bien se référer
à quelque chose, à défaut des vertus sociétales méthodi-
quement incinérées ; elle devient la matrice de l’hypocrisie
36 méditations de prison

et du griotisme : l’ogre, le bourreau, insatiable, s’en nourrit,


car il se délecte à régner sur des spectres ; il ne peut exister
que par l’annihilation de l’autre. La violence, comme de la
suie, infiltre toutes les couches de la société, réalité pré-
ventivement entretenue pour une soi-disant pérennité du
système.
et pourtant, la sagesse qu’enseigne l’Histoire humaine
n’aura jamais été muette sur la terreur. Énergie explosive à
souhait, elle véhicule toujours en son sein sa propre
destruction, une espèce d’auto-radioactivité. tôt ou tard,
elle s’épuise, s’estompe, laissant avec une désolation
déconcertante, un vide, un « trou noir », pour enfin exploser
en compensation dramatique de son supposé essor d’hier.
Quelquefois, la société, dans un dernier sursaut, interpelle
inconsciemment l’intervention d’un nouveau prince, féru
de l’expérience des affaires de l’État, et doué d’une haute
dimension et du génie des valeurs humaines et sociétales.
très souvent, hélas, elle erre longtemps, très longtemps,
dans un pandémonium infernal, où l’anarchie, la misère,
l’insécurité et le désespoir soufflent tel un ouragan, avant
de connaître, épuisée, la voie qui mène vers la paix et
l’épanouissement... Mais à quel prix ?
La peine de mort est un autre exemple, hélas courant, de
barbarie et de violence extrême de l’humanité contre elle-
même. La vie est toujours un don, un présent, dont la fina-
lité se trouve au-delà des considérations, ô combien limi-
tées de l’Homme. Contrairement à la pensée commune,
l’Homme ne donne pas la vie, l’Homme ne peut pas donner
la vie ; il est tout simplement, et c’est déjà un insigne privi-
lège, un intermédiaire, un véhicule, quelque précieux qu’il
soit, d’un véritable « miracle » des lois universelles ; il ne
peut et ne doit donc en aucun cas s’arroger le droit d’ôter
la vie d’un autre être humain. La répression criminelle par
la mort n’a réduit nulle part la criminalité, encore moins
moralisé une société.
Je partage avec véhémence l’avis de robert Badinter,
pionnier défenseur et avocat de la vie : « on ne répond pas
à l’horreur par l’horreur ».
La tortUre 37

à la fin, permettez-moi de vous murmurer en toute


confidence ceci : « à travers force péripéties, j’ai réussi à
faire de ma torture l’une des plus belles décorations
secrètes de mon âme ». La vie d’un Homme est sacrée. en
toutes circonstances, elle mérite le respect le plus absolu
autant des bandits inconscients de la rue que « des tout
puissants » prétendument protecteurs de l’évolution de ce
monde...
7

Le Gendarme

« L’on est d’abord le galon,


avant d’être soi-même ».
L’auteur

... Il y a fort longtemps, un ami me confia ceci :

« Le gendarme ? Il est comme un crabe !


il peut courir vite, très vite, pour s’arrêter net comme
un clocher !
il peut marcher droit, tout en regardant de travers,
Comme il peut regarder droit, tout en marchant de
guingois.

Le Gendarme ? Il est comme un crabe !


Il sait paraître respectueux tout en sachant qu’il ne
l’est point.
il est capable d’amabilité apparente,
mais aussi de violence, voire de cruauté, hélas !
L’ordre vient toujours de plus haut que soi,
Et l’exécution, toujours par moins gradé.
en permanence, saint ponce-pilate veille sur lui...
Son épaule est large pour deux fusils ;
mais sa main, plus alerte pour écrire que pour manier
un colt 45 !
Écriture qui peut construire des châteaux par la vérité,
40 méditations de prison

mais aussi tout détruire et anéantir, par le mensonge et


la manipulation.

Le Gendarme ? Il est comme un crabe !


Sa vie ? C’est le galon !
Sa carrière, c’est toujours le galon !
pour autant, il peut de ses mains briser le roc,
Voire se cagouler pour exécuter les forfaitures les plus
inavouées.
Alors, fier et méprisant, il sait marcher droit comme
l’orgueil, et s’arrêter fixe comme le Sphinx ! »

Mais, à force de le côtoyer, le Gendarme, dans une appa-


rente proximité pacifique, curieusement exigée et prescrite
par d’illuminés prestidigitateurs, j’ai pu transpercer la cara-
pace de ces uniformes chamarrés de leurs passementeries.
J’ai découvert avec bonheur et admiration un autre monde,
un monde lumineux et plein de dignité, d’honorabilité et
de respectabilité, de sensibilité et d’intelligence, de courage
et d’humanité... Le Gendarme pourrait peut-être évoquer
un crabe, mais il n’est pas un crabe !
La vie est une permanente leçon ; et à ma besace, elle en
a ajouté une autre, signe de sagesse infinie : « l’Homme,
quel qu’il soit, dépouillé de ses apparences, brille toujours
par l’infaillible miroir intérieur de son âme »...
En réponse à tous ces respectueux et affectueux « cafés »
reçus, j’inscris ici toute ma chaleureuse reconnaissance,
accompagnée de ma profonde estime, à tous, devenus les
témoins vivants de ma captivité, et de la compagnie de qui,
peut-être demain, j’aurai la nostalgie...
8

La justice

« à mes dépens, j’ai connu la basoche,


royaume impérial des basochiens ».
L’auteur

La justice, notion pivot d’équité institutionnelle, d’auto-


rité ou de pouvoir, dans les sociétés modernes dites démo-
cratiques, résulte d’un long cheminement historique, voire
ontologique, arborant successivement une dimension
morale, religieuse et enfin juridique. D’ailleurs ces trois
accents se retrouveront imbriqués dans la pratique, créant
un contexte et une expression juridique extrêmement com-
plexes.
pour un observateur quelque peu attentif, impression-
nant apparaît l’équilibre de l’univers pourtant en perma-
nente évolution, dans l’infiniment grand, l’infiniment petit,
et dans un troisième monde, « l’infinie complexification de
la conscience humaine ». Chacun de ces plans est en har-
monie avec lui-même, mais aussi avec les autres. de toute
évidence, cette extraordinaire harmonie invite à rechercher
la cause dont elle est issue, et par laquelle se crée et se
maintient cet équilibre : c’est l’ordre par essence, une
énergie subtile, aussi puissante, intelligente qu’immuable,
que l’on pourrait assimiler à la loi, la Loi. Cette Loi, imper-
sonnelle, régit tous ces systèmes et tout ce qui les constitue.
42 méditations de prison

L’ordre qui la précède, la contient et se manifeste donc par


elle, l’ordre étant ainsi la cause et la loi son effet. Ce
phénomène est essentiellement amoral à ce degré, la
morale, nécessité d’utilité sociale, relevant des considéra-
tions protectrices, subjectives et limitées de l’Homme ; ce
qui fit dire sans ambages à Pascal : « la vraie morale se
moque de la morale... » La finalité de cet Acte premier est
par conséquent le Bien par essence, c’est-à-dire l’effet
escompté de la permanence, de la pérennité dans l’équi-
libre parfait de la création, par la suite créatrice elle-même
à l’infini...
Cette réalité en veilleuse permanente, mais non moins
vivante des plans supérieurs, s’invite par une correspon-
dance analogique dans les plans inférieurs, où se manifes-
tent les expériences quotidiennes de l’Homme. Elle doit y
être traduite et vécue, épousant les contours des limites du
monde phénoménal que représente la société. Celle-ci se
fait, par conséquent, la réplique en miniature du macro-
cosme, véhiculant en soi ses propres imperfections et
carences. La Loi originelle de l’équilibre et de l’harmonie
de l’univers y sera conçue, interprétée, appliquée, à la base
d’une fragile connaissance, hélas avec des conséquences
pour le moins malheureuses et souvent contradictoires...
ainsi, dans les sociétés anciennes et primitives, la Loi
se traduira-t-elle essentiellement par un code moral, entendu
comme un ensemble d’interdits issus de prescriptions rela-
tionnelles coercitives entre dieu, le Créateur, et l’Homme,
la créature, dans le but de sauvegarder ce lien et en même
temps de préserver l’ordre et la cohésion de la société elle-
même. Ce code est salvateur et salutaire à la fois, mais ses
prescriptions ont tendance à circonscrire le puissant rayon-
nement potentiel de la conscience humaine à un niveau
plutôt émotionnel, sensoriel, mental, animé par la peur et
l’angoisse, la rendant otage désemparé d’elle-même et de
la société. Ce qui est défini comme « bien » n’est accompli
que par peur du châtiment, et non pour le bien lui-même.
En définitive, chaque code moral définira le niveau d’évo-
lution collective d’une société, et non celui d’un individu,
La JUstiCe 43

le bien et le mal étant arbitrairement conçus et codifiés par


la conscience collective, elle-même limitée... Le bien et le
mal ne seront définis que par rapport au bien-être ou au
mal-être qu’un acte procure avant tout à la société aux
dépens de l’individu...
à l’aune de la religion, la relation entre dieu et l’Homme
exigera un intermédiaire « incontournable », à savoir la
classe cléricale. Cette dernière fera du Code moral un puis-
sant instrument juridique, le « jus primus », non seulement
pour son rôle de canal privilégié, mais aussi et peut-être
surtout pour entretenir son hégémonie sur une masse igno-
rante, animée d’une foi rédemptrice. La loi présumée sera
utilisée pour faire régner l’ordre par l’épouvantail du châti-
ment brandi par le clerc, officier de Dieu dans la société.
ainsi apparaît-il, par le personnage clérical, l’attribut
théandrique de gardien de la Loi, humain divinisé par cette
autorité, par ce pouvoir. de cette conception erronée et
dangereuse, naîtront des glissements d’abord subreptices,
puis par la suite de grossiers dérapages dans la création,
l’interprétation, la spéculation et l’application de la loi,
avec des conséquences dramatiques dans la longue histoire
de l’Humanité. La Loi impersonnelle est soumise à la
personnalité de la société, à travers celle d’une classe privi-
légiée... représentée par des individus de bonne ou de
mauvaise foi.
De ce « jus primus » ou « corpus canonique », dérive-
ront toutes les instances juridiques laïques de nos sociétés
modernes dites démocratiques, réalité souvent méconnue,
qui maintient un lien discret, mais ô combien puissant,
entre la morale, la religion et le droit ! Les lois constituant
le droit seront perçues comme des émanations, des effu-
sions surnaturelles, dont la mission fondamentale est la
cohésion et l’ordre de la société, l’intégrité et la protection
de l’individu. Ces lois essentiellement répressives seront
toujours élaborées à posteriori, courant après des événe-
ments à priori inextricables. Il en résultera une tendance de
pluralité excessive, rendant impossible leur application
rigoureuse, origine d’un déséquilibre notoire entre les insti-
44 méditations de prison

tutions qui les créent et celles qui doivent les appliquer. en


outre, elles véhiculeront toutes les incohérences historiques
primaires, qui magnifient et entretiennent de façon sour-
noise le dangereux glissement arbitraire de celui qui est
supposé en être le gardien. Il apparaît donc que la « justice
humaine » est une notion très complexe de par son essence
et son histoire vécue, nécessitant autant de connaissance,
de maîtrise que de modestie dans sa conception et son
application.
à la lueur de toutes ces considérations, il n’est pas vain
d’affirmer qu’une société s’évalue par sa justice : la teneur
des lois se préoccupera essentiellement du bien-être, de la
sécurité, de l’intégrité globale de l’individu et de sa société,
évitant toute rigidité restrictive qui risquerait de pétrifier
une notion protectrice. Le législateur doit être en revanche
pétri de la connaissance de la loi et en faire son arme de
sagesse. Quant à leur application, elle nécessite un déta-
chement compassionnel, un équilibre intérieur, allié à une
maîtrise de la complexité du sujet et à une grande probité
intellectuelle. Décider de la liberté d’un être humain est à
ce prix ! La décision d’un homme de loi, d’un « juge », doit
véhiculer autant d’art, de science, de vertu que le prévenu
mérite d’être condamné. il est, hélas, désolant de constater
de plus en plus dans le monde, et particulièrement en
Afrique, l’usage pernicieux et ô combien délétère, de la
basoche, cette justice ordurière, pratiquée comme norme et
sans état d’âme par ces basochiens (sic !), véritables préda-
teurs carnassiers, avides et insatiables de prébendes,
bradant à l’encan de nobles principes de vertus sociétales,
aux dépens de leurs bas instincts égotistes. Ils s’associent
très souvent à ceux-là même qui doivent créer la loi et la
faire respecter, structurant ainsi les systèmes phares d’un
véritable gangstérisme d’État. Quel dommage ! Il urge que
ces égarés de la « res publica » se dotent de courage pour
ressusciter leur « profession de foi », que dis-je, « leur pro-
fession de loi », par la vertu de servir, cessant ainsi d’ar-
borer avec une honteuse ostentation des toges souillées,
imbibées qu’elles sont de l’infortune, de la délinquance, de
La JUstiCe 45

la hideur de leur misère mentale et de leur défaite profes-


sionnelle. Il est ahurissant que dans ces pays, par l’injustice
caractérisée, tout citoyen soit en permanence un détenu en
sursis qui s’ignore, contrairement à la propagande protec-
trice hypocritement brandie. Par l’injustice, l’Afrique est
seule responsable et coupable de ses propres crimes !
Et la Prison ? Les allusions y afférent dans les précé-
dentes pages me paraissent suffisantes. J’ajouterais tout
simplement que la prison doit être une rare et particulière
occasion que la société offre à ses concitoyens pour se
reconstruire, se reconstituer physiquement, psychiquement
et spirituellement, à l’issue d’un conflit juridique avec elle,
après une culpabilité prouvée, avec justice et avec justesse.
La prison ne doit plus être un enfer dont les flammes
consomment le condamné pour l’éternité. ainsi, toute
société pourra-t-elle se juger elle-même, non seulement par
la qualité de sa justice, mais tout autant par le traitement
qu’elle inflige à ses concitoyens en captivité...
La « Justice » n’est peut-être pas de ce monde, mais
celle qui, forcément, concerne l’Homme dans son contexte
sociétal et lui incombe entièrement dans sa conception, sa
formulation et son application. Une véritable entreprise qui
exige d’étendues connaissances, une rigueur et une parti-
culière probité intellectuelle, une expérience humaine
affirmée, illuminée par beaucoup de modestie et de consi-
dération pour l’être humain. Chaque fois que ce dernier est
condamné d’une façon inique où que ce soit, c’est la Loi
universelle qui est brisée, l’Harmonie universelle ébranlée,
le malheur collectif inconsciemment partagé !
à la fin, je me délecterai à faire un écho partisan à
Pascal, après toutes ces péripéties vécues, pour affirmer
sans ambages aussi : « La vraie justice se moque de la jus-
tice ! ! ! » Et de lancer à l’Afrique bancale de sa justice : de
par ses États et ceux qui les gouvernent, qu’elle s’oblige,
se fasse violence de respecter et d’appliquer elle-même ses
propres lois, avant de l’exiger des autres ! C’est le choix
incontournable pour l’émancipation de ses institutions et
de ses propres concitoyens. La Justice, c’est la fondation
46 méditations de prison

sans laquelle rien de solide ne peut être bâti dans une


société ! Il est dangereux de la confier à des délinquants,
quelle que soit la splendeur apparente et trompeuse de leurs
oripeaux...
9

La politique

« tous les arts ont produit leurs génies ; sauf


l’art de gouverner qui n’a produit que des mons-
truosités ».
saint Just

La politique, nébuleuse insaisissable aussi diffuse que


l’univers, aussi vieille que l’Histoire, aussi complexe que
l’Humanité !.. Elle est définie tantôt comme une science,
tantôt comme un art, ou les deux à la fois... L’adret pour
les uns, l’ubac pour les autres... L’Homme l’a créée ; en
retour, elle a créé une espèce d’Homme, l’« Homo poli-
ticus »... drôle d’espèce !
en son nom, que de contradictions, de heurts, de guerres,
de tortures, de défaites, de victoires !... Le bonheur des uns
faisant le malheur des autres.
Tantôt instrument pour servir, tantôt une fin en soi, se
transformant en de véritables religions laïques, avec leurs
cohortes de pseudo-archontes, entourés de thuriféraires
exaltés et de force séides fanatisés. « Tous les arts ont pro-
duit leurs génies ; sauf l’art de gouverner qui n’a produit
que des monstruosités », martela un jour Saint Just... Peut-
être excessif ! Mais tout de même !
Et pourtant il revient à l’Homme, et à l’Homme seul, de
donner à cette nébuleuse mythique, une forme, une fonc-
tion, une adresse, une direction bien définie. Apparemment
48 méditations de prison

révolue l’époque épique des idéologies, l’Homme politique


doit d’abord définir avec précision, un Idéal, rêve ou utopie
nécessaire, une pensée philosophique qui induit un sens
(entendu comme signification et direction à la fois), moteur
d’une action dans le manifesté quotidien, actualisé dans un
projet de société clair, tendu et réalisable en des pro-
grammes bien définis dans le temps. Ainsi l’Idéal engendre
et guide-t-il l’Action qui, à son tour, peut rectifier, de temps
en temps, ce même idéal, dans une dynamique plastique et
puissante, où la préoccupation essentielle et première se
réserve la promotion et l’épanouissement de l’être dans sa
totalité, c’est-à-dire sur les plans matériel, psychique et
spirituel, dans un environnement naturellement et en
permanence hostile à toute tentative de soumission et de
maîtrise... Le génie doit toujours précéder, avant de créer
ce rêve partagé qui se cristallise dans l’action, pour le
développement et l’épanouissement de chacun... « Un idéal
n’est pas une sorte de perfection inaccessible, mais une
énergie, qui à la fois, nous attire et nous guide », stipule
James Redfield.
Les méthodes proposées ou imposées ont été innombra-
bles dans l’Histoire des peuples. « malgré son imperfec-
tion bourgeoise, la démocratie reste le seul régime, au fond,
qui avoue, proclame que l’Histoire des états est et doit être
écrite non en vers, mais en prose » (raymond aron). et
selon platon, le sage, « la parfaite félicité d’un royaume
est qu’un prince soit obéi de ses sujets, que le prince
obéisse à la loi, et que la loi soit droite et toujours dirigée
au public ». après vingt cinq siècles, l’Humanité est encore
bien loin d’avoir intégré cette sagesse. Quel dommage !
Étonnant de savoir que de nombreux hommes d’État
dans le monde, en particulier en afrique, privilégient
comme livre de chevet, l’opuscule « de principatibus » (le
Prince) de Machiavel, interprétant d’une façon honteuse et
égoïste des principes ponctuels, en dehors de leur contexte
historique et socio-politique : ignorance abusée d’une
méconnaissance du génie de cet audacieux précurseur de la
Renaissance florentine, Niccolò Machiavelli, dont la
LA POLITIQUE 49

pensée politique fondamentale se retrouve plutôt dans son


traité plus consistant : « discours sur la première décade
de tite-Live ». L’on y découvre avec étonnement ses pro-
fondes convictions républicaines... machiavel doit se
retourner dans sa tombe ! Et s’il revenait aujourd’hui parmi
nous, il mourrait aussitôt pour la deuxième fois, pour ce
qui a été fait de son petit livre, écrit en une semaine et
dédié aux puissants Médicis..., après sa disgrâce...
Et l’Afrique, dans tout ce maëlstrom ?
« L’afrique noire est mal partie », avait écrit rené
dumont il y a environ un demi siècle. J’assume de dire
sans ambages : « L’afrique noire n’est pas du tout partie ! »
elle s’enfonce plutôt dans un trou sans fond, que la plupart
de ses dirigeants s’évertuent à creuser à tout crin, animés
d’un cynisme et d’un sado-masochisme inqualifiables.
Horresco referens !.. Ils ont fait de la politique un enjeu
exclusif de la puissance et de la jouissance ostentatoires, et
dont la violence aveugle est la référence de valeur, que
dis-je, de « non-valeur », oubliant que « les trônes tombent,
et que les fauteuils restent ; que les rois ont le jour, les
peuples le lendemain » !
Les peuples se liquéfient dans la misère, la maladie,
l’insécurité, la violence, la mendicité, la corruption, le chô-
mage... ; et pour les jeunes, le rêve d’un lendemain lumi-
neux s’est évanoui, réveillant en eux des sursauts suici-
daires de survie.
mais qu’importe ! « oderint dum metuant » : « qu’ils
me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ! » aphorisme
mythique de ces « chefs », « pères des nations », mis-
sionnés par leurs dieux tout puissants qu’ils se sont eux-
mêmes créés ex nihilo. De petits soldats de plomb,
d’aucuns se sont faits Généraux, se faisant passer pour
d’extraordinaires stratèges de « guerre politique », avec
une puérile prétention de rivaliser avec les sun tzu, Clau-
sewitz, Liddell et bien d’autres encore... Quelle tristesse !
« à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »...
Les intellectuels naguère fers de lance de l’émancipa-
tion, aux espoirs les plus autorisés, aujourd’hui broyés par
50 méditations de prison

des machines et des manœuvres destructrices de la moindre


velléité, après une courageuse résistance, ont abdiqué les
uns après les autres, subissant, abandonnés à eux-mêmes,
les affres de la statolâtrie. à moins que ce ne soit une
manœuvre tactique comme l’a affirmé Mao : « Faire d’une
défaite tactique une victoire stratégique ». L’optimisme est
une force certaine dont il ne faut point abuser, au risque de
la voir se transformer en indolence, en apathie.
toutes les valeurs sociétales de référence ont été grossiè-
rement occultées par d’épais nuages de gangstérisme d’état.
L’état, en effet, a été sans vergogne privatisé, liquéfié ; son
autorité « émasculée » et « sa souveraineté excisée », avec
des conséquences catastrophiques..., faisant de lui une proie
sans défense, de l’intérieur comme de l’extérieur, fors le
siège du prince..., en attendant de voir venir...
Les pays dits développés (en fait très peu en sagesse,
car hypertrophiés à outrance par la philosophie de l’avoir)
entretiennent avec mépris, par la ruse et la violence, un
déséquilibre permanent de la planète. par leur obésité éco-
nomique, créatrice d’une cachexie inhumaine des démunis,
ils se gargarisent de notions de sécurité préventive et se
délectent de la domination sans partage du patrimoine uni-
versel, clamant sans état d’âme, le triomphe de la marchan-
disation et de la finance internationales. Tout leur appar-
tient, tout se fait par eux, n’existe que pour leur mieux-être,
dans une paranoïa obsidionale. La vraie paix est celle pré-
ventive ; il faut pour autant préparer la guerre : des armes
de plus en plus sophistiquées s’allient à la superpuissance
de leurs suprastructures, de leurs institutions, redoutables
gendarmes incontournables en permanent éveil, pour leur
assurer un présent et un avenir édéniques pour l’éternité...
à cette discrimination économique, viennent s’ajouter des
barrières juridiques contre la libre circulation humaine. Le
message dramatique de deux jeunes enfants mineurs afri-
cains, gelés dans un train d’atterrissage d’un avion long
courrier, le temps d’un scoop journalistique, a été purement
et simplement classé dans la mémoire autiste de ce monde
impitoyable. Quel cynisme !
LA POLITIQUE 51

L’aide (sic), que les pays du Sud apportent aux pays


nantis du nord en matières premières et valeurs humaines,
contribue à l’épanouissement de ces derniers d’une façon
extraordinaire ; en revanche « l’aide » de ces pays au
« tiers-monde » revêt un caractère honteusement et fausse-
ment oblatif, heurtant la dignité humaine : ces mains
décharnées tendues, ces yeux blancs d’anémie, suppliants,
avant de se refermer pour toujours ! Éternel appoint, de
cette « aide », l’afrique n’en a point besoin pour se déve-
lopper, car une fine couche d’onguent stérile ne peut guérir
un ulcère phagédénique...
et pourtant, au début de ce siècle, toutes les perfor-
mances techniques nouvelles étaient psalmodiées par de
faux messies en mal de publicité humanitaire ; alors que, si
ces pays nantis et leurs gouvernements le décidaient et le
planifiaient, le monde connaîtrait la paix, un bonheur, un
bien-être partagé, dans une harmonie contagieuse que
mérite l’humanité tout entière. notre planète dispose de
tout le nécessaire, en termes de richesses humaines et maté-
rielles, pour lever ce défi, car le monde de demain, « monde
sans frontières », ne peut se réconcilier avec lui-même que
par une solidarité et une fraternité universelles, consciem-
ment vécues.
Ce n’est point de la naïveté, encore moins de l’angé-
lisme ! C’est plutôt une entreprise cyclopéenne, exigeant
génie et intelligence de l’Humanité entière : les premiers
concernés étant ceux qui détiennent entre leurs mains, des
pouvoirs colossaux de décision, pour l’équilibre et l’évolu-
tion socio-politique de notre monde...
Enfin, l’Afrique ! Le jour où, ébranlée à l’extrême de
son âme, elle apprendra à essuyer elle-même ses propres
larmes, prenant conscience par elle-même de sa propre
force, de sa puissance et de son génie, le tocsin du début
de la fin de cette parodie cyniquement planifiée réveillera
ses dieux et ses démons ; et surpris, le monde entier pourra
connaître un tremblement de terre, du nord au sud, de
l’Est à l’Ouest... Alain Peyrefitte l’avait prédit pour la Chine,
il y a bien des années dans son mémorable livre : « et quand
52 méditations de prison

la Chine s’éveillera ». Les « puissants » de ce monde


avaient feint de l’ignorer...
Quant au modeste Africain auteur de ces réflexions,
malgré son ahurissement clairement dévoilé, il reste opti-
miste et fait siens les propos d’un vertueux Palatin de la
diète de pologne d’il y a bien longtemps : « malo pericu-
losam libertatem quam quietum servitium » : « je préfère la
liberté avec ses périls à la tranquillité de la servitude ».
C’est aussi mon vœu le plus ardent pour mon pays et
pour l’afrique tout entière..., car se libérer, c’est apprendre
à n’avoir plus de maître du tout, et assumer avec dignité et
courage son propre destin... Ceci se fera, non pas par des
révolutions des armes, qui ont tant endeuillé et anémié le
« tiers-monde », mais par une explosion évolutive des men-
talités, qui privilégie le travail dans l’abnégation, le sacri-
fice pour le bien commun, le respect des lois, la connais-
sance et la défense de ses droits, la responsabilité dans les
devoirs du citoyen... L’Afrique, à ce prix et à ce prix seule-
ment, surprendra de se réserver ainsi un avenir étonnant et
plein d’espoir tant rêvé, par ses multiples générations jus-
qu’ici sacrifiées. Ce genre de combat est titanesque. C’est
aujourd’hui qu’il faut l’initier, « car il ne faut jamais
remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui »...
10

Le silence

« Le silence, c’est le langage indéchiffré


de l’infini ».
L’auteur

Le mental est le gardien, le portier de notre être. il doit


trier, traduire les expériences de l’extérieur vers notre âme
et, en même temps, rendre compréhensibles celles venant
de notre intérieur. il se caractérise par une activité perma-
nente, en éveil comme pendant le sommeil, durant toute
notre vie.
De cette hyperactivité, il succombe à la facile tentation,
tendant à s’hypertrophier, s’évertuant, hélas, à devenir le
maître prétentieux de la maison, se déchargeant avec désin-
volture de sa fonction de vigile. il s’emballe pour tout
expliquer, anticipe, jugeant tout sur son passage, condam-
nant ceci, amnistiant cela, à la hâte. Sur tous les fronts, il
court, engageant des combats perdus d’avance, et une fois
épuisé, troublé, il revient à la base, ahanant de ses défaites
et contradictions, pour recommencer, entêté, un marathon
sans fin...
pour accéder au royaume du silence, la maîtrise du men-
tal s’avère nécessaire. Accéder à ce royaume, c’est intégrer
son moi au Soi en fusion vibratoire, où tout ce qui peut être
vu s’éteint, où tout ce qui peut être entendu s’estompe, où
54 méditations de prison

tout ce qui peut être dit se tait. Le silence, c’est un plan, en


même temps qu’un point. Un point qui se place dans le
cercle, qui se trouve dans le carré et dans le triangle. « si
vous trouvez le point, vous êtes sauvés, tirés de peines,
d’angoisses et de dangers », révèle une Maxime des com-
pagnons. Structuré par une technique éprouvée, où le
mental, malgré sa permanente activité, est ignoré, le silence
devient le creuset où le fini cède la place à l’infini, comme
une étincelle dans le feu, une goutte d’eau dans l’océan...
il s’établit alors le langage puissant du non-dit, doué de
mille révélations jusque-là tenues secrètes, car à la fin le
silence est, par excellence, l’appel intérieur de traduction
de l’Énergie cosmique dans ses expressions. On en per-
cevra autant que son moi intérieur est exercé, sur fond de
la musique des sphères, dont les nuances s’identifient à de
mystérieuses ondulations de parfaite harmonie.
« Le silence est la teneur secrète des paroles de valeur.
Une âme vaut par la richesse de ses silences. on veut donc
non pas un silence qui endort, mais un silence qui restruc-
ture », confirme Sertillanges.
J’ai eu le privilège d’en connaître quelquefois l’expé-
rience. en effet :
« J’ai connu le silence
Vide d’espace, vide de temps,
Vide des contraintes empiriques du jour,
Vide des rêves de la nuit.
J’ai connu le silence,
Langage indéchiffré de l’infini,
message secret de la musique des sphères.
Chut !.. Chut ! silence !...
Ô toi, mon ami,
révèle-moi les arcanes cachés de l’empyrée,
Car, désormais, je suis devenu
Ton plus fidèle compagnon ! »

oui, le silence est cet écho secret de résonance de


l’Énergie universelle, de l’Énergie cosmique, à la portée de
chacun et en toute permanence ! Quel privilège malheureu-
Le siLenCe 55

sement ignoré, quand il n’est pas tout simplement snobé...


aux dépens de ce tintouin dont bourdonne l’Humanité,
dans un continu et futile remue-ménage ! ! !
Le silence, c’est aussi cela, la prison...
11

Le mysticisme :
occultisme ou sorcellerie ?

« L’homme contemporain cherche le plaisir


sans le bonheur, le bonheur sans la science et la
science sans la sagesse ».
édouard schuré

Boire tout frais du sang humain, c’est particulièrement


excitant pour les caprices des démons ; lassé des langou-
reuses divines sirènes, trop exigeantes et jalouses, l’on se
fait incube, pour priver de leur virginité des nymphettes
aussi lascives que naïves : cela procure de la jouvence à
perpétuité ; pratiquer comme rituel de purification et d’allé-
geance l’homosexualité, c’est une haute distinction discri-
minatoire pour l’honorabilité de la confrérie supposée pres-
tigieuse ; engager en astral des combats nocturnes épiques
et suicidaires sur des « avions-tapis volants », bourrés de
missiles incendiaires, l’ennemi redouté ne s’éliminant que
de nuit ; déguster de la chair humaine faisandée à l’étouffée,
c’est de l’ambroisie pour l’éternité ; livrer en sacrifice à la
confrérie et, tour à tour, le plus aimé de ses proches, c’est
renforcer la solidarité et la respectabilité du groupe ; orga-
niser des messes sabbatiques, très noires en couleur, pour
défier le Dieu tout puissant entouré de sa cohorte de saints,
de bienheureux et consorts ; pactiser avec Lucifer, le diable
58 méditations de prison

doublement cornu, le plus redouté parce que le plus redou-


table, en signe de fierté d’être son flambeau de l’incarna-
tion du mal ; forniquer avec des cadavres féminins, à défaut
de harpies particulièrement décaties, ça donne de la pêche
et du courage ; s’abreuver de coctions hallucinogènes, c’est
l’accès assuré au royaume des ancêtres, éternels gardiens
de la sagesse ; consulter de vieux grimoires, pour y décou-
vrir des formules magiques : ainsi à la carte peut-on tuer à
l’envi, avant de périr soi-même heureux, comblé d’une
mort violente..., car paraît-il, tout « mystique » meurt tou-
jours d’une mort violente, et toute mort violente démasque
« tout mystique camouflé »... ; ablutions, bains publics en
tenue d’adam et lavements d’écorces diverses, assorties de
force piment et poivre, en cocktails explosifs, voilà qui
« blinde », immunise contre des sortilèges de tous genres,
rendant invulnérable à toutes balles et flèches empoison-
nées, visibles ou invisibles, à toutes attaques, de jour
comme de nuit ; se rendre invisible par des « mots de passe-
passe », avec la faculté, le pouvoir de détruire préventive-
ment l’autre, et cela d’une façon ostentatoire, car le secret
pourrait occulter la puissance ; posséder l’âme de l’autre, en
même temps jouir du privilège du pouvoir d’exorciser, car
il faut être un brin diable pour terrasser le démon ; passer à
travers les fissures des murs, les palâtres des serrures, en
démonstration du pouvoir d’ubiquité... et bien d’autres
prouesses, bien d’autres fadaises, encore et encore !
décapant et fantasmagorique, c’est un empire qui, en
permanence, se voit métamorphosé de l’illusion la plus
étonnante à une prétendue réalité, submergé par l’igno-
rance et l’obscurantisme ! Et pour causes ? Pour acquérir,
paraît-il, toujours plus de pouvoir, plus de puissance, afin
de posséder, accumuler force richesses, dans l’ostentation
qui terrifie ; dominer tout et dominer tous ; accéder à des
fonctions les plus prestigieuses de la société, où argent et
biens matériels seraient l’aboutissement glorieux et miro-
bolant d’une vie réussie de prétendu bonheur ! ! !
Royaume de l’occultisme, empire de la sorcellerie. Voilà
comment, hélas, est perçu le mysticisme, dans une société
LE MySTICISME : OCCULTISME OU SORCELLERIE ? 59

gavée d’ignorance et sans défense, victime d’un empoison-


nement mental délétère et subtilement distillé, sous un
joug déconcertant des forces obscurantistes ! « L’Homme
contemporain cherche le plaisir sans le bonheur, le bonheur
sans la science et la science sans la sagesse », disait déjà, il
y a un siècle environ, édouard schuré...
Ce royaume des fantasmes comprend trois grands
groupes interdépendants :
Le premier : il est constitué de tous ces charlatans et
myriades de sorciers, auteurs et vendeurs d’illusions à
l’encan ; exaltés par une auto-contemplation et par un
narcissisme hors du commun, ils s’attribuent de prétendus
pouvoirs cyclopéens ; il se peut que certains d’entre eux
aient eu un accès furtif, à quelques moments de leur exis-
tence, à certains aspects des lois universelles, sans maîtrise
aucune ; et dans une ignorance caractérisée, ils s’en servent,
les manipulant dangereusement à leurs risques et périls,
pour arnaquer, hanter, harceler, prendre en otage leurs
victimes trop crédules et sans défense ; pour des fins
égoïstes, ils se font passer pour des chantres patentés de la
« magie », obsédés par leurs propres turpitudes, peurs,
angoisses et défaites refoulées... Quel cynique courage !
Le deuxième groupe : il comprend des individus de tous
genres aussi, affiliés à des mouvements ou organisations
religieux ou non, prétendument altruistes et charitables,
pour le moins respectables et quelquefois reconnus dans le
monde ; ils se distinguent par des envolées verbales vio-
lentes et dilatoires, opposant foi et raison, amalgamant
savoir et connaissance, fanatisme et vérité, violence et
rédemption, distillant aussi, depuis leur apparente hégé-
monie et condescendance sociétales ou cléricales, le venin
mental de la peur et de la condamnation qui « assassine »
l’âme indocile. dans une attitude honteusement hypocrite,
ils confondent deux mondes diamétralement opposés, se
délectant à diaboliser, à tout crin, le mysticisme authen-
tique, dévoilant à leur tour d’être inconsciemment séduits
par un royaume fantasmagorique mitoyen, de même nature
que le premier, dont ils prétendent pourtant dénoncer les
60 méditations de prison

frasques. Leur extrême et inlassable violence est aussi


surprenante que suspecte : l’attrait permanent que suscite le
monde illusoire charlatanesque assécherait inexorablement
les théories de leurs chapelles de plus en plus parsemées.
Une attitude qui prend résolument l’allure d’un combat
sans merci d’hégémonie, bien loin de la charité rédemp-
trice et oblative, psalmodiée par ces exaltés dangereux. Ce
groupe est au moins aussi nuisible que le premier.
Le troisième et le dernier groupe : c’est cette masse
anonyme, englobant tous ces êtres fragilisés par les dures
expériences de la vie, plongés quelquefois dans l’abîme du
désarroi et du désespoir, et qui cherchent des solutions
faciles, voire miraculeuses à leurs problèmes. Soumis
depuis leur enfance à cet environnement malsain, hypocrite
et ignorant, leur mental empoisonné et déséquilibré s’est
progressivement imbibé de schèmes d’horreur, de peur, se
faisant esclave de fantasmes et otage d’une déconcertante
supercherie. ils sont des victimes privilégiées autant du
premier que du deuxième groupe, une clientèle rentable à
fort prix, au mépris de leur dignité et de leur naïve sincé-
rité...
Voilà ce que le mysticisme ne peut pas être !
Voilà ce que le mysticisme n’est pas !
12

Le mysticisme
dans son authenticité

« Gnôthi seauton »...


« Connaîs-toi toi-même
et tu connaîtras l’univers entier ».
devise de socrate

Qu’est-ce donc le mysticisme ?

Le mysticisme est d’abord une philosophie.


Le savoir est un bagage, un cumul plus ou moins impor-
tant de notions cognitives enregistrées par notre mental,
notre intellect, essentiellement limités. Le mysticisme n’est
pas de ce domaine, mais plutôt de celui de la Connaissance.
La Connaissance relève de la sagesse ; et cette sagesse,
universelle et absolue de par son essence, gît dans l’âme
humaine, virtuelle, inerte, en attendant d’être accessible à
la compréhension, à l’intelligence. Pour essaimer sur toute
la surface de la terre, elle a nécessité d’un véhicule tout
aussi universel, la tradition primordiale ; autrement dit, le
degré le plus élevé que puisse atteindre la compréhension
de cette sagesse se trouve dans la tradition primordiale.
La tradition primordiale est donc la forme première que
revêt la Sagesse pour se manifester à l’intelligence. Cette
62 méditations de prison

sagesse suprême est ainsi rendue accessible et compréhen-


sible aux intelligences de l’univers. Elle est donc une réa-
lité permanente, éternelle, un idéal à atteindre, aussi long-
temps qu’elle n’a pas d’expression temporelle et spatiale
dans le monde manifesté...

Le mysticisme est initiation

La tradition primordiale, virtualité secrète et occultée,


devait être formulée, traduite, transcrite et perpétuée en
diverses branches et formes, selon le temps et le lieu. C’est
la raison pour laquelle, dans l’histoire de la civilisation
humaine, l’on retrouve « des centrales de préservation » de
cette sagesse et des organisations humaines dites « tradi-
tionnelles et initiatiques ». L’Homme dans sa quête spiri-
tuelle s’initie chaque fois qu’il franchit une étape sur le
sentier, chemin sinueux et ô combien aride, vers des pro-
montoires de plus en plus élevés de la maîtrise. il ne faut
surtout pas confondre ce genre d’initiation, la vraie, avec
l’acquisition supposée de pouvoirs personnels, car l’initié
« a ce rang qui lui donne le minimum de droits pour un
maximum de devoirs ». « L’initiation est plus qu’un songe
creux et bien plus qu’un enseignement scientifique ; c’est
la création d’une âme par elle-même sur un plan supérieur,
son efflorescence dans le monde divin ».

Le mysticisme est ésotérisme

Les lois qui régissent l’Homme et l’univers sont secrètes ;


elles résistent à l’Homme et l’Homme leur résiste. Dans
cette permanente, fragile et secrète tension, c’est par la
volonté et non l’opiniâtreté, par une impulsion constam-
ment maîtrisée de son être profond, que ces lois finissent
Le mYstiCisme dans son aUtHentiCité 63

par dévoiler leurs dédales au chercheur sincère, téméraire


et patient. « pour commander la nature, il faut en être l’es-
clave », a affirmé jadis un Sage. De même, « cherchez le
royaume des cieux et tout vous sera donné par surcroît », a
recommandé le sage parmi les sages. et cette recherche se
vit dans la plus totale discrétion, voire dans le secret le plus
absolu, intuitivement guidé par ses propres efforts, précieux
outils grâce auxquels l’on chemine progressivement vers la
sagesse sublime. « L’ésotérisme est une attitude de l’esprit
qui consiste à poser des questions sur le mystère et au
mystère lui-même ». et les réponses, écloses, ne peuvent
être qu’intérieures et individuelles...

Le mysticisme est symbolisme

« Les symboles ne sont pas le fruit d’une volonté de


garder le secret, mais l’expression naturelle des étapes sur
la voie de l’accomplissement ».
Le symbole, « c’est la vie » : il exprime une vibration
puissante, dans l’espace et dans le temps, lisible, déchif-
frable par celui qui est préparé à le comprendre.
Le symbole, « c’est un acte » : il agit, accomplit, se
répercute à la rencontre des autres, pour unifier les diffé-
rences, donnant à chacun, selon ses propres efforts, la pos-
sibilité de prendre conscience de soi et, en même temps,
de l’unité de tous les êtres.
Le symbole, enfin, est « une énergie » ; une énergie qui,
en soi, explique, éveille, crée en nous la nostalgie de notre
origine, démystifiant les mystères apparents, qui ne sont
que des appels discrets à la Connaissance.
64 méditations de prison

Le mysticisme
est une queste spirituelle permanente

L’âme humaine, étincelle de l’ame universelle dans sa


« chute », n’a jamais cessé d’être essence ; nostalgique de
cette origine, à travers les expériences de la vie, elle prend
progressivement conscience d’elle-même ; elle se cherche
au début sans le savoir, pour se découvrir à la fin, après de
longs et difficiles voyages, consciente de ses réelles dimen-
sion et nature, dans l’infinitude de sa propre essence...
Eu égard à toutes ces considérations, il apparaît évident
que les Organisations traditionnelles humaines, expressions
authentiques de la tradition primordiale, relèvent du
domaine sacré de la Connaissance, de la sagesse. elles sont
philosophiques, ésotériques, initiatiques, spirituelles... il est
donc absurde, voire puéril, de les assimiler à ces sociétés
marchandes d’illusions, coquilles vides, mais généreuses en
méprise et déception, qui malgré leur regrettable existence
peuvent constituer une éventuelle étape nécessaire, mais
ô combien douloureuse, dans la démarche inexorable vers
les montagnes de l’ascèse et de la maîtrise véritable...
Ces organisations traditionnelles, initiatiques, ne créent
en soi aucune sagesse, encore moins ne délivrent, en dons
compensatoires, de supposés pouvoirs magiques. par une
technique particulière éprouvée par le temps, chacune
révèle à l’adepte le chemin de la réalisation de soi, dans
une approche lente, progressive, mais sûre...
Le mysticisme ne peut donc pas être sectaire. Certes, les
mots n’ont de pouvoir que celui que l’on veut bien leur
donner. en l’occurrence, le mot « secte » peut cacher trois
significations (cf. Dictionnaire Larousse) :
– « ensemble de personnes professant une même
doctrine (philosophique, religieuse...) » : le mysticisme, tel
que défini ci-dessus, est au-delà de toute doctrine spécula-
tive et des humeurs de croyances des individus.
– « Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en
opposition à des idées et à quelques pratiques religieuses
Le mYstiCisme dans son aUtHentiCité 65

dominantes » : le mysticisme n’est pas une religion, quoi-


que toutes les religions puissent s’y projeter, sans pour
autant perdre leur propre finalité, ni leur propre originalité.
En effet, tout grand mouvement religieux relève, de tout
temps, de la personnalité puissante et particulièrement évo-
luée d’un Grand initié ou avatar ; pour autant, il ne paraî-
trait pas illogique de le considérer comme un reflet rédemp-
teur de cette sagesse sacrée, providentiellement déchue,
par l’intermédiaire des dogmes qui constituent un code
moral et spirituel, rédempteur et salutaire lui aussi, proposé
et offert à la masse, pour une cohésion et une unité sociale
de l’humanité, animée par la foi. « Cette foi devient le cou-
rage de l’esprit qui s’élance en avant, sûr de trouver la
vérité. Cette foi-là n’est pas l’ennemie du mysticisme, mais
son flambeau ». Ainsi la religion se révèle-t-elle « in fine »,
partie extérieure vivante de l’iceberg, la religiosité dévoi-
lant secrètement la spiritualité sous-jacente. Toutes les reli-
gions arborent leur côté exotérique, vigile de l’ésotérisme
correspondant. il en est ainsi du Judaïsme avec la Kabbale,
de l’Islam avec le Soufisme, du Bouddhisme avec le Jnana
yoga, du Christianisme avec la mystique christique, authe-
ntique mysticisme chrétien. Les conflits extérieurs et les
futiles antagonismes, alors, s’anéantissent d’eux-mêmes,
pour laisser émerger les conflux secrets, réalité toujours dis-
simulée, dès lors que l’Homme, finalement éveillé depuis
sa conscience, cesse de languir dans le monde illusoire du
sensationnel et de l’éphémère...
– « Clan constitué par des personnes ayant la même
idéologie » : le mysticisme relève de la sagesse sublime, et
la Connaissance y afférent est au-delà de toute idéologie,
de toute race, de toute croyance ou religion, car elle est par
essence d’un idéal sacré, d’un but suprême à atteindre par
l’intelligence, la compréhension de tous les êtres...
En conclusion, par honnêteté intellectuelle, je me garde
bien de faire allusion nommément à toutes ces Organisa-
tions prestigieuses traditionnelles, mystiques, ésotériques,
initiatiques, spirituelles, reconnues authentiques. L’Homme,
de par son essence, véhicule en soi la nostalgie de ses
66 méditations de prison

propres origines, jusqu’au jour où retentit le gong intérieur,


libérant et courage et détermination nécessaires, pour entre-
prendre l’abrupt chemin de sa réconciliation avec lui-
même, la fusion consciente de son moi avec son soi, autre-
ment dit, la révélation de la nature de son être à lui-même.
Dans le milieu Traditionnel, il est dit : « Quand l’élève est
prêt, le Maître est là ! » L’élève, c’est le moi, et le Maître,
c’est le Soi ! C’est-à-dire, l’Homme réel en soi, l’Homme
lui-même ! et personne d’autre ! Les organisations tradi-
tionnelles, mystiques, initiatiques sont toujours présentes,
attentives, égales à elles-mêmes, prêtes à aider, protéger,
canaliser, accomplissant ainsi leur prodigieuse et imper-
sonnelle mission, dans la queste spirituelle de l’Homme, à
la recherche permanente du trésor qu’il pense à tort avoir
perdu, mais qui, caché en lui, n’attend que d’être décou-
vert... pour de « véritables noces chymiques »...
« Gnôthi seauton... » Connais-toi toi-même, et tu
connaîtras l’univers entier : inscription sur le fronton du
Temple de Delphes, dont Socrate en fit la devise... Elle
garde intacte encore aujourd’hui son éternelle puissance, à
l’aube de notre troisième millénaire : permanent appel inté-
rieur vers le véritable et authentique mysticisme, prodi-
gieuse épopée de l’Homme vis-à-vis de lui-même ! Quelle
merveilleuse histoire, n’est-ce pas ?
13

Les mystères des nombres

« toute légende traditionnelle n’est qu’une


expression allégorique de la Connaissance. »
L’auteur

Par définition d’usage, « le nombre est une notion fon-


damentale des mathématiques qui permet de décompter, de
classer les objets ou de mesurer les grandeurs, mais qui
ne peut faire l’objet d’une définition stricte » (Larousse). Il
peut s’exprimer par le chiffre, qui n’est qu’un caractère
spécifique servant à le représenter : chiffres indo-arabes (0,
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), chiffres romains (i, ii, iii, iV, V, X
(10), L (50), C (100), m (1000), et bien d’autres encore...
en même temps le nombre est un symbole structuré,
singulièrement conventionnel, à la disposition de notre
entendement, permettant d’interpréter une réalité intention-
nellement dissimulée. ainsi le monde invisible peut-il
s’épanouir par sa propre inscription intelligible dans le
monde manifesté, le symbole s’identifiant dès lors à sa
représentation, à son image. Une fissure, une lueur de plus
en plus lumineuse investit alors le sens littéral vers un
décryptage codé de l’énigme et du secret, naturelle protec-
tion de la Connaissance vis-à-vis d’elle-même, car la
Connaissance exige toujours de l’effort pour se laisser
connaître. Ce parcours est rarement linéaire, requérant des
68 méditations de prison

notions cognitives étendues, rarement magnifiées par des


étincelles intuitives, dans une architecture mentale écha-
faudée par l’application, la témérité et la patience du cher-
cheur.
Comme référence du genre, la lecture de la torah par
les talmudistes (la torah étant la Bible hébraïque traduite
du targoum, Bible araméenne) a suggéré, il y a fort long-
temps, une interprétation en quatre niveaux fondamentaux
du langage particulièrement crypté y contenu. L’on retrouve
d’ailleurs un décryptage analogue dans les écritures hiéro-
glyphiques égyptiennes, avec une étonnante correspon-
dance de langage, prévenant ainsi toute interprétation
hâtive, superficielle, rigide ou fanatisante. Roger Sabbah
en a fait un tableau comparatif lumineux2 :

tableau i

torah Hiéroglyphes
1) le sens simple (pchat) 1) le synecdoque
2) le sens allusif (rémèze) 2) la métonymie
3) le sens figuré (Drach ou Midrach) 3) la métaphore
4) le secret (sod) 4) l’énigme

Les mots deviennent des symboles représentatifs de réa-


lités cachées qui se laissent ainsi décrypter, forçant l’éton-
nement par l’extension et l’intensité de leur sens originel,
après avoir subi une réduction à des formes ou à des for-
mules accessibles à une simple analyse rationnelle, telles
les anagrammes, les hyperboles, les allégories, etc.
pour notre recherche, il s’est avéré intéressant d’appli-
quer une correspondance numérique des lettres, dont le
tableau ci-après nous aura servi d’outil de base. il nous
aura permis de découvrir d’extraordinaires possibilités
d’interprétation. L’alphabet utilisé est latin (occidental) et

2. roger sabbat : les secrets de la Bible, édit. Carnot, p. 120-121.


Les mYstères des nomBres 69

arabes sont les chiffres : puissante collusion de deux


cultures complémentaires et mutuellement enrichissantes,
démontrant l’inanité d’une prétendue et délétère collision
de deux civilisations, thèse malheureusement entretenue
encore aujourd’hui dans certains milieux.

tableau ii (correspondance : nombre (chiffre)-lettre)

1 2 3 4 5 6 7 8 9
a b c d e f g h i
1 k l m n o p q r
s t u v w x y z

Chaque lettre correspond à un chiffre de 1 à 9, au delà


duquel il faut recommencer à compter. En additionnant les
chiffres représentant les lettres d’un mot donné, l’on aboutit
à un ou plusieurs chiffres, ces derniers réductibles par leur
addition à un seul chiffre : c’est ce que l’on appelle « addi-
tion ou réduction théosophique ». En voici trois exemples :

– Luxor = 3 + 3 + 6 + 6 + 9 = 27 = 2 + 7 =9
– Paris = 7 + 1 + 9 + 9 + 1 = 36 = 3 + 6 = 9
– Douala = 4 + 6 + 3 + 1 + 3 + 1 = 18 = 1 + 8 = 9

à noter que dans cette formule, tout chiffre additionné à


9 est toujours égal à lui-même : cette remarque est impor-
tante pour la suite de notre interprétation. Exemples :

– 8 + 9 = 17 = 1 + 7 = 8
– 5 + 9 = 14 = 1 + 4 = 5

Fort de ces prémisses singulières, je vous convie à une


insolite excursion dans le silence de mes calculs théosophi-
ques. elle nous permettra de décrypter les différents sens
d’un mot, d’un chiffre, du littéral au sacré, du simple au
70 méditations de prison

secret... par l’intermédiaire d’une correspondance entre le


chiffre et la lettre.
parmi les écoles égyptiennes anciennes, trois dominè-
rent par la profondeur de leur philosophie et par leur
conception cosmogonique de la création du monde. J’ai
retenu celle de la sainte et sacrée cité d’on’, cité du dieu
RA, cité d’Héliopolis, située dans le Delta du Nil, à ne pas
confondre avec la cité d’Om, cité d’Axoum, située en
abyssinie (éthiopie), et dont l’histoire est tout aussi presti-
gieuse et pleine de sagesse. Notre étude a pour objet la
genèse pyramidale des dieux constituant l’Ennéade origi-
nelle, l’ennéade primordiale d’Héliopolis.
... De l’Océan Infini émergea le Dieu ATOUM (ATUM),
la Grande divinité, l’Unique, l’Un qui se créa lui-même et
s’arrogea le nom de ra. par le principe de la dualité imma-
nent en lui, il engendra le dieu sHoU et la déesse
teFnoUt. de l’Un, ils devinrent trois. La troisième phase
de cette pyramide céleste se fit par accouplement : ainsi de

tableau iii

océan primordial

atoUm (atUm) ra

sHoU teFnoUt

seB noUt

osiris isis setH-nepHtYs

HorUs
Les mYstères des nomBres 71

shou et de tefnout naquirent le dieu seB (GeB) et la


déesse noUt. et la quatrième phase connut l’effusion
entre ces deux derniers, donnant naissance à quatre enfants :
deux garçons OSIRIS et SETH, et deux filles ISIS et
NEPHTyS. Ainsi prit-elle la forme définitive, la Grande
Ennéade Primordiale : les neuf dieux nés de l’Un.
Le nombre neuf (9) ne pouvant être dépassé sans revenir
au point de départ, la naissance d’HORUS, fils d’OSIRIS
et d’ISIS, faisait passer le nombre neuf (9) à dix (10),
nombre sacré dont la réduction théosophique revient à 1, à
l’Un, l’Unique, reflet, voire indentification au Dieu originel
atoUm (atUm) ou ra, constituant la décade originelle,
le cercle se refermant ainsi sur lui-même. pour plus de
clarté, un tableau récapitulatif de cette divine genèse
revient à ceci (voir ci-contre).
à ce point, calculons avec patience l’addition théoso-
phique de chaque dieu inscrit, ce qui revient comme ci-des-
sous : par convention, l’Océan Primordial étant égal à 0
(zéro),

ATUM = 1 + 2 + 3 + 4 = 10 = 1 + 0 = 1
RA = 9 + 1 = 10 = 1 + 0 = 1
SHOU = 1 + 8 + 6 + 3 = 18 = 1 + 8 = 9
TEFNOUT = 11 = 1 + 1 = 2
SEB = 1 + 5 + 2 = 8
NOUT = 5 + 6 + 3 + 2 = 9 + 7 = 16 = 1 + 6 = 7

par le principe de la dualité immanent en lui, il


engendra...

OSIRIS = 6 + 1 + 9 + 9 + 9 + 1 = 8
SETH = 1 + 5 + 2 + 8 = 16 = 7
ISIS = 9 + 1 + 9 + 1 = 20 = 2 + 0 = 2
NEPHTyS = 5 + 5 + 7 + 8 + 2 + 7 + 1 = 8
HORUS = 8 + 6 + 9 + 3 + 1 = 9

en transcrivant chaque chiffre obtenu sous chaque nom


correspondant, le tableau iii ci-dessus devient :
72 méditations de prison

tableau iV

il en résulte des résonances entre les noms et les chiffres


d’une étonnante correspondance.
L’océan primordial a pour symbole o : loin de repré-
senter le néant, il désigne plutôt l’obscurité originelle, le
trou noir cosmique, où n’existe aucune forme ; c’est l’es-
sence inéluctable, la source primordiale de toute existence,
d’où surgit toute expression d’énergie, de lumière et de vie.
C’est le noUn de la philosophie égyptienne, la circonfé-
rence cosmique universelle d’Hermès trismégiste dont « le
centre est partout et la périphérie nulle part ». C’est la
Les mYstères des nomBres 73

Vierge noire ou réceptacle sacré des alchimistes, identi-


fiée jadis à la « Grande Mère » par Platon. Le Zohar en fait
le Léviathan, le grand serpent entourant l’univers en se
mangeant lui-même, l’ouroboros des anciens Grecs, le
placenta universel...
ATUM (1)-RA (1) : émergé de l’infini sans forme, c’est
le Dieu, l’Un, l’Unique, l’Unicité Inconnaissable, l’Indéfi-
nissable, l’indescriptible. tout est en Lui. il est en tout et
rien n’est sans Lui. il ne peut être appréhendé que par ses
manifestations, aussi bien dans le monde invisible que dans
le monde visible. dans ce monde manifesté, le soleil (ra)
est sa métaphore privilégiée...
atUm engendre la dualité sHoU et teFnoUt
9 + 2 = 2 : dyade éphémère par essence, contenue dans
l’Unicité toujours prête à se manifester à travers deux pola-
rités opposées, mais complémentaires ; c’est un état de
tension ténue, fragile, en permanente attente de fusion. Ces
deux polarités s’effacent l’une pour l’autre, l’une dans
l’autre, procréant une troisième entité : c’est l’étreinte cos-
mique, sublime symbole de l’amour, cristallisé par isis
(2), la mère aimée et toujours aimante, matrice protectrice
et féconde, incarnation de la fertilité et de la féminité...
toute femme est isis...
ATUM-RA, SHOU et TEFNOUT = 1 + 9 + 2 = 3 : c’est le
symbole de la trinité. à ce deuxième stade de la genèse, le
Un se déploie en trois, l’Unité s’inscrit dans le multiple.
puissant signe cosmique, il se manifeste par le nekhakha,
le bâton-sacré à trois branches, sceptre d’Osiris, symbole
divin et royal du Pharaon ; il s’exprime également dans
l’étoile Sirius annonçant la nouvelle vie de Lumière et dans
l’épée Excalibur du Chevalier de la Table Ronde. Il dévoile
son pouvoir dans le signe « MESS » à trois branches,
symbole de l’enfantement d’un triple rayonnement à partir
de la Lumière Cosmique primordiale : « véritable symbole
ternaire osirien ». C’est la loi de la manifestation parfaite
dans les mondes visible et invisible. Enfin, c’est la méta-
phore du Divin Trident du dieu Poséidon, la fourche à trois
dents, symbole de la sagesse et de la Connaissance abso-
74 méditations de prison

lues, dissimulées dans le saint Graal de la Chevalerie


templière et du mysticisme chrétien...
Au troisième stade, l’addition des cinq (5) dieux donne
« 9 » : le « 5 » est « la grande matrice, la force créatrice qui
renouvelle l’univers en permanence ; le plan médian de
l’univers primordial, le réceptacle qui transforme les créa-
tures inanimées en corps animés : c’est la porte des
mondes »3. Il est aussi l’écho de la rose à cinq pétales, du
pentacle de Vénus et du pentagramme, figure constitutive
du dodécaèdre, dont les propriétés extraordinaires ont été
révélées naguère par platon et par Léonard de Vinci...
au quatrième stade, les 4 enfants : osiris, isis, seth et
nephtys. Le chiffre « 4 » est le premier nombre du monde
manifesté, symbole de la base, de la stabilité, de la solidité
de toute construction géométrique, symbole d’harmonie et
de justesse. Le feu, l’air, l’eau, la terre ne constituent-ils
pas les 4 éléments fondamentaux de l’équilibre de l’uni-
vers ? Par une particulière disposition géospatiale de ses
constituants, en horizontal et en verticale, il constitue la
croix, symbole de l’épreuve et de la souffrance, au centre
de laquelle se cultive un jardin à l’humus fétide, où vient
s’épanouir l’âme en rose rutilante et parfumée...
En procédant à l’addition des 9 dieux, la réduction est
égale à « 7 ». C’est le chiffre souverain, car il n’est le pro-
duit d’aucun autre chiffre, ni ne produit lui-même aucun
autre : c’est le chiffre royal par essence. dans le talmud, le
« sept » est le chiffre de la royauté, et « sept » a donné
« sceptre », symbole du pouvoir royal et divin, comme le
sceptre osirien qu’arboraient les pharaons, le bâton-sacré,
le bâton-serpent d’adam, de moïse... C’est le chiffre de la
Grande Ennéade primordiale d’Héliopolis, expression énig-
matique de l’homme-dieu, intermédiaire et interlocuteur
privilégié entre le monde invisible et le monde visible...
au même stade, le symbole 8 s’identifie à Osiris : le
chiffre « 8 » est en effet formé de deux cercles superposés
l’un sur l’autre, ou en continuité de l’un avec l’autre, méta-

3. Yohannès C. na douma, La Reine des Fées, al. éditions.


Les mYstères des nomBres 75

phore de l’union secrète entre le monde céleste et le monde


terrestre. à l’intersection des deux mondes se tient le
majestueux et impavide Osiris, le dieu de la vie et de la
mort. Non seulement il préside au passage d’un univers à
l’autre, il en est en même temps le protecteur contre l’apo-
physe, le terrifiant serpent aux sept courbes, contre le
Léviathan, le monstrueux crocodile de l’au-delà. C’est le
législateur principal du jugement des âmes trépassées ; il
incarne le principe sacré de la mort et de la résurrection.
Pour cela, il invite l’Homme à s’identifier à lui, à se placer
comme lui à l’intersection des deux mondes. Des épreuves
de ce monde, l’Homme conquiert le pouvoir divin de l’au-
delà, réalisant à terme la transformation de son moi en
soi. Le nombre « 8 », c’est la métaphore de nos limites
humaines, dont le dépassement et la maîtrise lui révèlent
l’immensité infinie de l’espace et l’éternité incommensu-
rable du temps : de la nécessaire illusion manifestée, à la
réalité sublime. C’est aussi le symbole de la prière par
excellence...
Horus 9 naît d’osiris et d’isis : le « 9 », c’est le symbole
de la perfection, de la complétude, de l’infinitude ; l’abou-
tissement pour un recommencement vers un plan supérieur,
la limite au-delà de laquelle l’on ne peut aller sans recom-
mencer. Dans la réduction théosophique, il s’identifie en
même temps à 0, car il est une entité qui se donne en entier
sans jamais cesser d’être entier ; il est immuable à jamais,
et tous les chiffres peuvent se refléter en lui sans jamais
altérer leur propre nature, ni leur propre valeur.
Horus est le « 10e » dieu, faisant de l’ennéade primor-
diale la Décade Originelle : 10 = 1 + 0 = 1, le reflet de
l’atUm-ra (1). par métonymie, il se reconnaît dans le
Yod, la 10e lettre de l’alphabet hébreu, de valeur numérique
« dix ». C’est le symbole du retour à l’unicité par le
« aleph » (valeur Un), après une manifestation parfaite de
la Lumière divine dans le monde visible. des avatars ont
été identifiés à Lui, tel que Jésus-Christ, Horus Lumière
messianique. de même amenhotep iV (appellation égyp-
tienne) ou amenhophis iV (appellation grecque), alias
76 méditations de prison

akhenaton, 10e pharaon de la prestigieuse 18e = 1 + 8 = 9


dynastie, Pharaon à partir duquel l’Humanité connut la fin
d’une ère et le commencement d’une autre de son extraor-
dinaire Histoire. Enfin, le X (« dix » romain) rappelle la
position osirienne (bras croisés devant la poitrine) des
pharaons tenant d’une main le bâton-crochet (Héka),
probable origine de la crosse papale, symbole de puissance
cosmique, royale et protectrice, et de l’autre, le fouet à trois
branches (nekhakha), symbole de l’unité dans la multipli-
cité, expression métaphorique du signe osirien trinitaire,
auquel nous avons précédemment fait allusion...
Enfin, il ne reste plus que le chiffre (6), qui n’aura pas
été mentionné dans cette étude d’une manière particulière.
Et pourtant, c’est celui qui s’intègre toujours dans un (9)
inexprimé ou inachevé, dans l’attente d’un couronnement
par la loi de 3 fois les 3 points du triangle, tel le chiffre de
la bête de l’apocalypse de Jean, « 666 », dont la réduction
théosophique est égale à 18, c’est-à-dire à (9)...
Le Grand pythagore a été l’incomparable précurseur
dans ce genre d’exercice. Puisse la pérennité de sa Sagesse
amener la Connaissance à maintenir toujours grands ouverts
ses portails, afin que le chercheur humble, sincère et patient
accède à cet éblouissant et sublime royaume de la Cité de
l’aurore, véritable métaphore du royaume du légendaire
sacerdote, le prêtre Jean ! ! ! toute légende traditionnelle
n’est qu’une expression allégorique de la Connaissance,
laquelle invite en permanence et dans le secret le plus
absolu, à se faire décrypter par tout cherchant sincère et
téméraire...
14

Le nombre d’or

« et dieu géométrisa... »
sagesse ancienne

Que le pèlerin que vous serez, le temps de cette brève


excursion, veuille bien s’armer d’un peu plus d’attention et
éventuellement me gratifier de son indulgence, au cas où,
pour quelque raison que ce soit, il serait de nature réfrac-
taire à l’univers conceptuel des théories mathématiques !
pour votre confort intellectuel, de brèves références y
seront faites, permettant de mieux apprécier, voire de
découvrir les effets lumineux de la perfection et de la beauté
des lois universelles.
en effet, que serait l’univers s’il ne vibrait pas en par-
faite sympathie avec lui-même, c’est-à-dire en résonance
avec ses propres lois ? Lois de la relativité du monde infini-
ment grand, lois quantiques du monde infiniment petit, lois
de l’infiniment complexe du domaine de la Conscience...
Surprenantes et paradoxales réalités qui ne sont que des
contingences d’une stabilité en permanent mouvement,
mouvement qui se pérennise par un équilibre sans cesse
déséquilibrant, compensé par un déséquilibre équilibrant
tout aussi permanent. L’éternité est à ce prix, dans une
parfaite harmonie d’alternance infinie...
78 méditations de prison

Tsunami et ouragans apocalyptiques, terrifiants tremble-


ments de terre, marées boueuses de pluies diluviennes,
fournaises incendiaires d’éruptions volcaniques : manifes-
tations naturelles ô combien nocives de désolation extrême !
Guerres de plus en plus meurtrières et cruelles, exploita-
tion sauvage de l’environnement, anéantissement prémé-
dité de l’homme par l’homme, et bien d’autres fléaux :
folles irresponsabilités de l’Homme encore inconscient et
otage fragile d’un matérialisme primaire et effréné ! Véri-
table tableau d’un monde victime de dérive chaotique !
Et pourtant, au-delà de cette sinistre apparence, ce
même Univers, imperturbable, maintient son équilibre dans
une parfaite harmonie, régie par des lois secrètes et immua-
bles. des sages, des philosophes et des savants en ont
découvert de nombreuses ; ils les ont appliquées et en
même temps en ont expliqué les mécanismes. L’une d’elles
interpelle spontanément de par sa puissance. en effet, de
par son induction secrète, elle engendre dans toutes ses
manifestations, perfection, beauté et équilibre : c’est la loi
de la « divine proportion », manifestée par le « nombre
d’or ». Ce nombre est une traduction particulière de l’es-
sence divine, le paramètre fondamental dans toutes les
proportions d’équilibre de la nature, dans tous les règnes
végétal, animal et humain. Il a pu être défini avec préci-
sion, soit 1,61803... ou « Nombre O (PHI) », à ne point
confondre avec le signe ii (pi) de valeur 3,1416, qui est un
symbole bien différent, représentant le rapport constant de
la circonférence d’un cercle à son diamètre...
L’histoire du « nombre d’or » ou « divine proportion »
est vieille comme l’Univers. nous nous proposons d’en
saisir trois moments particuliers : au Moyen-Age, à la
Renaissance et à l’Ère moderne.
au moyen-age, captivante est l’histoire de Fibonacci.
Voici un extrait de cette extraordinaire épopée : Bonaccio
de Pise (en terre toscane), Consul à Bougie, en Kabylie
(Algérie), y amena son fils Léonard (1175-1240) ; ce jeune
homme, plutôt nonchalant et paresseux (d’où son surnom
de « bigollo » en italien), était doué d’un extraordinaire
Le nomBre d’or 79

génie en mathématiques. « Fils de Bonaccio », soit « filius


Bonacci » en latin, l’on en fit par contraction linguistique
« Fibonacci », pseudonyme sous lequel il devint célèbre. il
s’était converti aux chiffres indo-arabes, démontrant leur
supériorité sur les chiffres romains, et s’appliqua à l’étude
de nombreux thèmes, en l’occurrence à celle de la repro-
duction des lapins, espèce particulièrement prolifique.
« Que devenait la postérité d’un couple de lapins au bout
d’une année ? », se demanda-t-il. Expérience faite, il cons-
tata que chaque nouveau couple engendrait un autre couple
par mois ; ainsi obtint-il les nombres de couples suivants :
1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233. au total, en un
an, le couple avait engendré 232 lapins !
par son génie, il releva d’abord une suite particulière
des nombres, découvrant ainsi la notion mathématique de
« suite des nombres », connue plus tard comme « série de
Fibonacci » ; ensuite il nota qu’à partir du troisième nombre
chacun des nombres de la succession était égal à la somme
des deux précédents ; enfin, et plus étonnant encore, il
découvrait que le rapport d’un nombre sur celui qui le pré-
cède tend toujours vers :

= 1,61803 le fameux nombre d’or, dit asymptote de

ce rapport, asymptote étant entendue en géométrie de l’es-


pace comme une droite (d) telle que la distance d’un point

D = droite asymptote de la courbe C


80 méditations de prison

d’une courbe à cette droite tend vers Zéro lorsque le point


sur cette courbe s’étend à l’infini.
en transposant ce concept dans un rectangle possédant
la propriété de se reproduire par homothétie, l’on obtient
toujours la même constante par le rapport entre le grand
côté (L) et le petit côté (l) tel que :
L (L + l)
= le nombre d’or, soit 1,61803...
lL
à la renaissance, Léonard de Vinci (1452-1519), encore
un autre Léonard, complice du génie de la terre toscane,
fut le premier à démontrer que la Divine Proportion était
« le sceau divin dans sa création, le traducteur parfait de
la pensée divine ». il le démontra par la peinture de
l’« Homme nu, l’Homme de Vitruve », en mémoire de
marcus Vitruvius, célébrissime architecte de la rome
antique, qui avait en son temps fait l’éloge de la « divine
proportion » dans son traité « de architectura ». il fut
aussi le premier à démontrer le parfait rapport entre les
différentes parties du corps, rapport qui est toujours égal
au « nombre d’or ». L’éternel et incomparable tableau de
la « Joconde », mona Lisa, est le sublime résultat de l’ap-
plication parfaite de cette divine proportion.
Évidemment, bien avant l’ingénieux Léonard de Vinci,
l’humanité, par la « divine proportion », a produit de
merveilleuses œuvres tels que les pyramides de l’égypte
ancienne, les obélisques ou dames de pierres, le parthénon
d’athènes, les sublimes cathédrales d’europe, les stupas
de l’amérique du sud, et bien d’autres merveilles encore...
Le « nombre d’or » a été l’essence de composition de
nombreuses œuvres musicales éternelles, telles que les
œuvres de mozart, la 5e symphonie de Beethoven, les
œuvres de schubert, et bien d’autres dans le monde...
parmi les formes symboliques, on notera particulière-
ment :
– le pentagramme ou pentacle dont les lignes se divisent
en segments qui appliquent le « nombre d’or » ; en effet,
Les mYstères des nomBres 81

les rapports de segments du pentacle égalent tous à la


« divine proportion »...
– Le dodécaèdre : figure géométrique déjà évoquée par
platon comme clé initiatique particulière, et de nouveau
commentée par Léonard de Vinci à la Renaissance. Cha-
cune de ses 12 faces est construite sur le principe du
« nombre d’or » ; c’est un assemblage de 12 penta-
grammes, dont la puissance d’un côté est multipliée par
celle de l’autre...
Enfin, à l’Ère moderne, des Sages des Écoles de
mystères ont démontré le même principe par un calcul
obtenu du rapport des lignes d’un pentagramme intégré
dans un cercle comme dans la figure ci-dessous :

(où k constante est égale à 1,61803...)


82 méditations de prison

en conclusion, si nous appliquons l’addition théoso-


phique du « nombre pHi (o) », soit 1,61803, il est intéres-
sant de constater qu’après le 1 (l’unité), la réduction de la
suite décimale est égale à 6 + 1 + 8 + 0 + 3 = 18 = 1 + 8 = 9 ;
en d’autres termes, c’est l’Unité primordiale, l’Unité origi-
nelle qui s’irradie en un déploiement infini dans toute
manifestation, s’exprimant ainsi par une parfaite et éter-
nelle harmonie. à la fin de ce bref périple, n’est-il pas
permis d’affirmer ceci : au-delà des apparences les plus
tumultueuses du monde, elles œuvrent dans le silence et la
permanence, les lois de l’harmonie et de la perfection, les
lois de l’équilibre et de la beauté, révélatrices de la splen-
deur de l’Univers ? ! !
MéDiTaTionS DE priSon i

Le bureau de transmission du SED où le professeur Titus Edzoa reçoit ses


visites sous la véranda...

... face à l’entrée de sa cellule.


ii MéDiTaTionS DE priSon

Le pr. Titus Edzoa en compagnie de sa femme sous la véranda.

Seul sous la véranda.


MéDiTaTionS DE priSon iii

Madame Geneviève Edzoa.

Le panier du repas quotidien apporté par Madame Edzoa.


iV MéDiTaTionS DE priSon

Dans le couloir, qui mène à la cellule.

La porte blindée du cachot.


MéDiTaTionS DE priSon V

Le lit du prisonnier.

Les toilettes de fortune.


Vi MéDiTaTionS DE priSon

La petite bibliothèque du prisonnier.

Le bureau.
MéDiTaTionS DE priSon Vii
Viii
MéDiTaTionS DE priSon

L’entrée de la cellule se trouve sous le Secrétariat d’état à la Défense (SED).


15

Le destin

« trahit sua quemque voluptas »


(chacun a son penchant qui l’entraîne).
Virgile

Existe-il un destin ? Si oui, est-il une fatalité ? Un flot


inépuisable de spéculations, relatif à ce sujet, a inondé le
monde philosophique et métaphysique de tous les temps,
autant dans les livres sacrés de la sagesse orientale (Veda,
Upanishad, Bhagavad-Gîta, Purâna...) que dans ceux égyp-
tiens et occidentaux anciens... Avec modestie et par
recherche évidente de concision, je me résous à une
esquisse dont j’assume entièrement les limites éventuelles
de synthèse.
L’ame universelle, première manifestation de l’essence
primordiale, écrit sa propre histoire immanente en elle dans
l’évolution de sa propre conscience. Cette évolution est
guidée par une énergie très puissante et transcendante,
déterminant une direction, et en même temps une impul-
sion, qui définit la Loi ou Ordre régissant toute manifesta-
tion. Le but final à atteindre de cette Ame, immanent lui
aussi parce que intégré à l’origine en Elle, est de prendre
conscience d’Elle-même. L’on pourrait affirmer que l’ori-
gine de tout est la Non-Conscience et la fin de tout la
Conscience : un Destin avec « D » majuscule, qui régit tout
84 méditations de prison

l’Univers dans toutes ses manifestations infinies. Ce Destin


impersonnel, impératif, de nature cosmique, ne peut être
modifié par qui ou quoi que ce soit !
dans le même temps, l’âme humaine, étincelle, segment
de cette ame universelle, est de même nature, « dans une
équivalence hologrammatique », c’est-à-dire qu’elle contient
la totalité de l’ensemble dont elle n’est qu’une partie ; ainsi
est-elle soumise aux mêmes lois, quoique ce soit sur un
plan vibratoire nettement inférieur, l’absolu ne s’opposant
point au relatif, mais plutôt s’infusant par lui. il en resulte
donc plutôt une notion d’« identité différenciée ».
Le but de l’âme humaine, par analogie et correspon-
dance identitaire, consiste donc aussi à prendre conscience
d’elle-même, à travers les expériences innombrables de la
vie, découvrant ainsi progressivement ses véritables nature
et dimension, dans une fusion finale en parfaite conscience
avec l’ame universelle. C’est cette phase évolutive qui
revient à l’Homme, et à l’Homme seul, et pour laquelle il
dispose de facultés et de capacités, dont le libre arbitre
pour ses propres choix, dans ses vies multiples et succes-
sives. C’est de ce destin dont il est le seul auteur, le seul
créateur, et par conséquent entièrement responsable.
il peut donc être admis que le destin universel, imper-
sonnel, et le destin individuel de l’Homme, personnel, sont
complémentaires : à travers la prise de conscience de l’âme
humaine de soi, de par ses propres expériences vécues,
l’ame universelle « ipso facto » s’accomplit elle-même
aussi, par induction de leur lien originel hologrammatique.
En la cause première réside déjà l’effet immanent, qui, à
son tour, devient une cause au deuxième degré ; de créé,
l’effet devient créateur, actualisant la réalité de son origine
par les mêmes lois en partage, dans un parfait programme
d’ensemble holistique.
M. Barrès affirmait ceci : « Certains hommes sont un
accident heureux pour leur pays. Ils sont l’inattendu inter-
venant au milieu de toutes les nécessités sociologiques, ils
agissent ; leur état de conscience individuel balance, retarde,
précipite, modifie un ensemble de faits sociaux ».
Le destin 85

Fasciné et téméraire, j’avais décidé d’appartenir à cette


race. J’en ai payé le prix, sans aucun regret. Un destin ?
Peut-être ! Si oui, j’en suis le seul auteur, le seul créateur,
pour être le seul responsable contre toute fatalité sup-
posée !
Et Pascal de renchérir : « Quand tous vont vers le dérè-
glement, nul ne semble y aller. Qui s’arrête fait remarquer,
comme un point fixe, l’emportement des autres. Il est bien
naturel que des hommes s’occupent de détruire une telle
remarque : « adhuc mortus loquitur : vivant ou mort, il
inquiétera... »
Le destin de chacun est entre ses propres mains !
L’ignorer, c’est tout simplement renvoyer à demain ce que
l’on pourrait savoir aujourd’hui..., car tôt ou tard, il faut
accepter de l’assumer..., en toute conscience. à travers
l’acuité de ma prise de conscience politique, mon pays
prend conscience de lui-même, car son destin et celui de
ses concitoyens sont à jamais et intimement scellés...
16

La vie et la mort

« La vie et la mort sont deux expressions


puissantes et complémentaires par lesquelles
s’articule l’éternelle permanence ».
L’auteur

La seule chose qui soit permanente dans l’Univers, c’est


le mouvement. ondulation permanente, il est ce va-et-vient
jamais interrompu d’expansion et de contraction, d’appari-
tion et de disparition, d’inspiration et d’expiration... Toute
vie est régie par cette loi, qui nous révèle le secret de l’éter-
nité, respiration de l’univers en parfaite démonstration de
ses propres lois, comme cette anodine et insolite excursion
dont je fus le témoin un soir...
En effet, tard dans la nuit de ma retraite, je reçus une
visite inopinée de deux êtres lumineux. Ils étaient mer-
veilleux, parés d’ornements brillants et multicolores, ins-
crivant autour de moi, de leurs ailes fragiles teintées d’or et
d’argent, des hiéroglyphes mystérieux... Ils voltigeaient,
légers et silencieux... Après quelques minutes, ils reparti-
rent en silence, comme ils étaient venus..., sur la pointe de
leurs ailes : c’étaient deux papillons, messagers exception-
nels des secrets de l’Univers...
Un papillon ! symbole de la vie, symbole de la mort !
Extraordinaire paradigme du principe vital ! Cette espèce
88 méditations de prison

de lépidoptères, de par son évolution, nous conduit à des


évidences irréfutables. La chenille, dévoreuse insatiable
des feuilles des plantes dans le jardin, s’éteint, silencieuse,
pour devenir chrysalide, nymphe enfermée dans son cocon
de soie, qui s’ouvre à son tour, avant d’éclore et de délivrer
au soleil un papillon voltigeant de vie. Chenille, chrysalide,
papillon : processus unique dont les trois manifestations
n’en sont que des phases successives, l’une nécessaire à
l’autre. La précédente doit « mourir » pour laisser « naître »
la suivante, dans un mouvement ininterrompu, « la mort »
créant « la vie », et « la vie » s’éclipsant pour « la mort »...
dans le règne végétal, s’observe le même phénomène.
Un grain de maïs, enfoui dans une terre fertile, doit mourir,
pour laisser éclore une petite tige dont la plante s’illumi-
nera à travers ses épis vivants de grains, déjà prêts à perpé-
tuer le mouvement. L’apparition d’une forme exige la
disparition de l’autre, pour mieux s’éterniser par elle...
Dans l’espèce humaine, un nouveau-né à la naissance,
par la première inspiration, acquiert définitivement son
autonomie vitale en tant qu’individu à part entière. De
même, l’être humain est censé cesser de vivre par une der-
nière expiration. La vie est donc une succession d’inspira-
tions et d’expirations, de la première de celles-là à la der-
nière de celles-ci ; autrement dit, elle est une succession de
petites vies et de petites morts, alternées les unes après les
autres..., dans une ondulation régulière et harmonieuse-
ment parfaite, orientée dans une direction bien définie par
l’infini...
Dans ces trois exemples, papillon, grain de maïs, être
humain, il est un principe qui ne change jamais, c’est l’en-
tité vitale qui anime ces différents véhicules, l’un après
l’autre, pour se manifester selon des conditions bien pré-
cises et préétablies. C’est donc ce principe, permanent de
par son essence, qui régit tout le processus. Au moment où
il apparaît actif dans ce monde perceptible par nos sens, le
phénomène est « naissance » ; de même lorsqu’il s’en
retire, c’est « la mort ». par analogie et correspondance, il
en est de même dans le monde non manifesté, les lois du
La Vie et La mort 89

macrocosme et du microcosme étant analogues. ainsi, la


naissance ici correspond-elle à la mort là-bas, et la nais-
sance là-bas à la mort ici !
En effet, si la naissance correspond à l’entrée de l’acti-
vité du principe vital dans un corps, cette entité doit logi-
quement précéder ce qui lui servira de véhicule ; de même,
si telle vie s’estompe dans sa manifestation, c’est parce que
ce même principe quitte le véhicule, sans pour autant cesser
d’exister, puisqu’il est permanent de par son essence. Nous
pouvons en déduire que c’est donc ce principe vital qui
détermine la vie, l’anime, en d’autres termes, en est l’es-
sence, car il existe avant, pendant et après sa manifestation
perceptible, ici et à l’au-delà du manifesté, dans une récur-
rence infinie...
L’être s’inscrit donc dans l’existence qui, à son tour se
réalise, se cristallise, s’induit dans la vie du monde phéno-
ménal... Les trois plans de l’être, de l’existence et de la vie
sont différents, mais nécessaires l’un par rapport à l’autre,
pour actualiser la Loi. L’absolu ne contredit pas le relatif,
mais plutôt l’engendre ; à son tour, le relatif, par nostalgie
de son origine, se fait aspirer par l’absolu... inéluctable-
ment !
De ces réflexions, il ne paraît donc pas absurde d’af-
firmer que la vie est éternelle, considérant globalement
tous les plans, visible et invisible, et que par conséquent, la
mort n’existe pas. En apparence, toute vie provient d’une
mort, et la mort donne accès à la vie. La vie et la mort sont
deux phases successives d’un même phénomène, dans un
parfait ordre ondulatoire. Quand l’une est en expansion,
l’autre est en contraction ; quand l’une est sur un plan,
l’autre s’éclipse, en attendant de lui succéder. mais les
deux phases véhiculent la même essence qui, au cours des
âges et selon les cultures, les civilisations et les philoso-
phies, a revêtu différentes appellations : jîva, atman, âme,
esprit, personnalité animique, âme-personnalité... Qu’im-
porte l’éponyme ! La vie et la mort sont deux expressions
puissantes et complémentaires par lesquelles s’articule
l’éternelle permanence...
90 méditations de prison

Et pourtant, il subsiste deux problèmes qui taraudent


encore l’être humain : la profonde et troublante douleur lors
de la mort physique et la nébuleuse existence de l’au-delà.
L’être humain est un être gigogne. Son monde subjectif,
intercalé entre son soi et son physique, recèle les facultés
susceptibles de perception intérieure, tels que la joie, le
plaisir, la douleur, le regret, la jalousie, la haine, etc. Tout
événement vécu éveille ce plan, déclenchant à l’envi l’acti-
vité de ces facultés. rien de plus normal que « la mort »,
séparation sans consentement, teintée de mystère et mal-
heureusement de peur, suscite ce genre de réaction, dans
un environnement habituellement abandonné et livré à
l’horreur de l’inconnu. C’est ainsi que la connaissance du
phénomène vient atténuer, et non faire disparaître, l’inten-
sité de la souffrance et le découragement, évitant le plon-
geon dans la dramatisation et l’anéantissement résistant à
toute consolation. Le jour de la mort ne devrait plus être « le
jour de colère », mais plutôt de digne recueillement, pour
accompagner celui ou celle qui nous quitte momentanément,
car « la mort » n’est qu’un changement de plan de vie de
l’âme, principe vital éternel, c’est-à-dire qui ne connaît point
d’interruption de par son essence. L’Homme doit s’émer-
veiller devant cet extraordinaire privilège : l’Homme existe
de temps en temps, mais éternellement il est ! ! !
Et l’au-delà ? Respectueusement j’abandonne chacun à
ses propres convictions culturelles et philosophiques, afin
qu’il puisse le « vivre » à sa façon...
L’égypte secrète l’a appelé amenti ou douât, la Grèce
antique Hadès, la Juddée Kabbalistique shéol, l’inde brah-
manique devachan, le Bouddhisme nirvana, le Christia-
nisme paradis (auquel, après le bannissement de l’origé-
nisme, authentique doctrine mystique chrétienne, au
deuxième concile de Constantinople en 553, il a été ajouté
l’Enfer, et bien plus tard, au deuxième concile de Lyon au
douzième siècle, le purgatoire.)
Mais qu’importe ! Chacun est appelé inexorablement
sur sa voie d’existence à en faire la merveilleuse expé-
rience. Quelles que soient la culture, la religion, la philoso-
La Vie et La mort 91

phie, les convictions, le passage de l’âme d’un plan à


l’autre est toujours une exceptionnelle et extraordinaire
initiation...
... Encore un soir, tard dans une nuit noire, suite à une
défaillance cataclysmique de mon corps, éprouvé par ma
longue et dure captivité, je me retrouvai entre « la vie et la
mort ». J’en fus arraché grâce à l’exceptionnelle et bien-
veillante promptitude des gendarmes, relayée aussitôt par
l’extraordinaire compétence des médecins, hier encore mes
diligents élèves, désormais éminents professionnels : émou-
vante histoire ! en passant, qu’ils veuillent bien trouver
tous ici, les uns et les autres, ma profonde gratitude qu’ac-
compagnent mes compliments chargés de mon affectueuse
estime !
du haut de ma chambre d’hospitalisation, comme « par
hasard » située au-dessus, et non au-dessous de la morgue,
je me faisais le témoin improvisé des foules multicolores et
hétéroclites, aux toilettes les plus osées, qui précédaient,
accompagnaient ou suivaient un corbillard prétentieuse-
ment décoré de noir. Je m’imaginai à la place du regretté,
en toute sérénité, émoussé tout de même d’un petit pince-
ment au cœur, au souvenir de mes proches, ma bien-aimée
et fidèle compagne, mes enfants, de tous ceux qui m’ont
tant aimé et tant donné... en même temps, avec un petit
sourire en coin, je compris que dans cette vallée scolaire,
je n’avais pas encore assez appris, et que je devais encore
y rester... avec beaucoup de plaisir...
ah ! La vie, mystère des mystères !
Comme elle peut être merveilleuse, malgré la sévère
aridité de mon cachot, où je me retrouve à nouveau en ce
moment, enterré vivant par l’ignominie humaine ! ! !
17

L’argent et le bonheur4

« Tout ce qui compte ne peut pas toujours


être compté. tout ce qui est compté n’est pas
toujours ce qui compte ».
albert einstein

« Papi, quand je serai grand, je veux avoir une grande,


très grande maison, où je pourrai garer toutes mes belles
voitures, Ferrari, Hummer, Lexus, Jaguar et bien d’autres ! »
C’est ainsi que Vladimir, âgé seulement de huit ans, révé-
lait ses rêves à son grand-père, dans une candeur angélique
et une spontanéité émouvante... Chaque individu ne porte-
t-il pas en lui-même cette nostalgie édénique dont les rêves
n’en sont que de lointains échos ?
Posséder, avoir des biens à soi et en jouir, n’est-ce pas
légitime dans une société dont la vocation est d’offrir à
chaque citoyen des conditions décentes de vie, pour un
minimum d’épanouissement, de dignité et de sécurité ?
Posséder ne doit pas être un acte ou un état d’exclusion de
soi ou des autres. notre planète recèle le nécessaire pour
que chacun puisse bénéficier de cette richesse gratuite.
malheureusement, la réalité quotidienne nous démontre le
contraire !

4. Ce chapitre a été rédigé deux ans avant l’effondrement du monde


financier international de 2008...
94 méditations de prison

du troc abandonné comme système d’échange commer-


cial, l’Homme inventa l’argent, instrument d’échange de
marchandises, n’ayant de valeur que celle attribuée à l’objet
commercialisé : une valeur aussi arbitraire que fictive. Pro-
gressivement, cette fiction s’est faite réalité en soi et, au-
delà, elle a, à son tour, engendré elle-même tout un monde
surréaliste, régulé par ses propres lois alambiquées et insai-
sissables. de créé, l’argent s’est fait créateur ! mais de
quoi ? D’instrument d’acquisition, il est devenu l’acquis
par définition ; d’anonyme intermédiaire, le maître absolu,
référence incontournable par laquelle tous et tout se mesu-
rent. en effet, l’on ne vaut plus que par la quantité d’argent
dont on dispose, l’avoir s’évertuant à dominer, à éclipser
l’être, dans un suicidaire combat entretenu par l’hypertro-
phie du moi...
L’atmosphère internationale est lourde. L’on assiste à
des flux de masses colossales d’argent, véritables bulles
atomiques capables de pulvériser tout le système écono-
mique et financier du monde en un quart de tour. Ce milieu
est un cercle réservé, la propriété d’une infime minorité
privilégiée, protégée par des complices initiés en la matière,
en permanente veille du trésor, tandis qu’une grande partie
de l’humanité agonise dans la précarité la plus absolue, se
décarcassant avec moins d’un ou de deux dollars par jour
pour survivre. il est ahurissant de découvrir qu’il n’y a
jamais eu autant d’argent et de richesses sur notre planète,
et en parallèle autant de misère, brisant ainsi le mythe d’al-
liance entre l’argent et le bonheur ! Seulement, il reste à
craindre que les extrêmes, qui finissent toujours par se
rejoindre, ne le soient dans le malheur ! Hélas !
La société humaine, de par le haut, se doit avec urgence,
dans un sursaut de sagesse, de se remettre en question, réta-
blissant dans ses cahiers de gestion, la suprématie de la
philosophie de l’être, aux dépens de la philosophie pré-
somptueuse de l’avoir. La mondialisation, créée par
l’Homme, doit être maîtrisée par ce dernier, non seulement
dans sa production de richesses, mais en même temps dans
le partage de l’usufruit de ce patrimoine. Charité ou équité ?
L’arGent et Le BonHeUr 95

Faux débat ! Les États, face aux lois iniques et impitoya-


bles des marchés, doivent prendre leurs responsabilités, se
faisant contrepoids de l’aliénation imposée par des intérêts
égoïstes de groupes d’individus sans scrupule. La paix
future de l’humanité entière est à ce prix ! ! !
L’argent, instrument symbolique créé par l’Homme, a
fait de ce dernier son esclave ! Quel paradoxe ! Il excrète et
injecte en lui une potion enivrante de pouvoir, de puis-
sance, d’invulnérabilité trompeuse et de domination, deve-
nant à l’extrême l’épée qui blesse, déchire, en un crime
anonyme, l’Humanité sa matrice, meurtrie dans un véri-
table et fatal complexe d’Œdipe.
Dans ce tourbillon, l’Afrique est victime et suicidaire à
la fois. Fragilisée par une amnésie complaisante de ses
propres valeurs de référence, la solidarité, le partage, la
réserve, l’intuition, et sans avoir assimilé les convictions
sociétales occidentales, elle a sombré dans son hybridité,
devenant et le théâtre et la proie facile de ce malheur
mondialisé qu’est la toute puissante finance internationale.
dans une recherche infantile de mimétisme, l’africain a
adopté l’argent comme valeur absolue, une valeur en soi.
ne pouvant en créer lui-même, il a opté pour la voie de la
facilité, à savoir la dérive ignominieuse de la corruption. Ce
n’est qu’en afrique qu’on peut rêver de devenir million-
naire, voire milliardaire en dollars ou en euros en toute
impunité, et sans effort aucun, sinon celui de s’improviser
prestidigitateur avec ce qui ne vous appartient pas ! ! ! de ce
point de vue, l’Afrique n’aura pas encore fini d’étonner !
nos sociétés doivent se recréer, se restructurer, non pas
par ces ajustements bidons, mais en valeurs sociétales,
entendues comme vertus d’utilité communautaire, soute-
nues par une philosophie de l’être, en assainissant les cou-
loirs de la vie qui permettent à chacun, et particulièrement
à cette jeunesse africaine, étourdie par une misère assas-
sine de ses rêves, d’honorer son propre rendez-vous avec
un minimum d’épanouissement. parmi ces vertus, l’abné-
gation au travail, l’effort et la recherche du perfectionne-
ment, l’honnêteté, la juste mesure, le respect des lois, la
96 méditations de prison

connaissance de ses droits, la création des richesses...,


empêcheront la victoire de ces illusions éphémères de l’ar-
gent facile, génératrices de ces « châteaux de cartes en
Espagne », qui sont de véritables reflets de la déréliction
de nos peuples, pourtant si généreux et si laborieux...
« Ni trop, ni trop peu, n’est jamais assez », dit un Sage.
assez d’argent, pour assez de biens, en compensation
méritée du travail fourni : voilà qui devrait être une garantie,
une assurance vécue dans une société qui sait produire,
partager et sécuriser tous ceux qui la composent ! L’Homme
demeure la véritable richesse, le véritable trésor de notre
planète, car en permanence gît en lui, non seulement le
génie intarissable de la création, mais aussi celui de la maî-
trise, dont il ne doit point se priver par obstination ou par
ignorance, évitant ainsi le boulevard de la misère mentale
et physique, ruine fatidique des corps et des esprits...
Pour conclure, je convie votre appréciation à cette petite
histoire dont l’essence peut rimer avec tragicomédie... « Un
hiver rigoureux cette année-là, en France ! Ça caille au-des-
sous des 15° C ! Les quais de la gare sont presque vides. au
numéro quatre, une ombre, une seule : la tête enfoncée
jusqu’aux oreilles dans un gros bonnet au pompon grisâtre
comme le temps ; des épaules étroites qui soutiennent un
lourd et large manteau de bure, par endroits délavé par les
intempéries ; droit comme un échalas sur de vieux sabots
éculés, il claque des dents, la bouche en rictus d’endurance
résignée ; de ses narines souffle de la vapeur, telle une
cheminée ; il est vivant, bien vivant ; à côté de lui, à sa
droite, une grosse valise serrée à craquer par une large
ceinture ; à sa gauche, des sacs en plastique, griffés Tati,
bourrés de provisions ; eh oui ! La route peut s’avérer
longue, très longue même... Et cette ombre ? C’est Malidou
l’africain ! oui l’africain ! il attend au quai numéro quatre,
il attend la correspondance... pour une destination vers le
bonheur tant rêvé, mais au demeurant toujours inconnue...
Soudain, un klaxon à peine audible ! Le temps de tourner
la tête, un bolide comme un éclair, lancé à plus de 300 km/h,
avec violence déchire l’air glacé, puis aussitôt, disparaît
L’arGent et Le BonHeUr 97

comme une comète... C’était le tGV ! il ne s’est pas arrêté,


il ne devait pas s’arrêter ; et malidou a raté sa correspon-
dance, la correspondance de sa vie !... » sans commen-
taires...
à l’aube du troisième millénaire, pour l’africain, l’heure
est à la maturité de prise de conscience ; il urge qu’il se
débarrasse de ces notions futiles et nocives d’autoflagella-
tion dont il s’est attifé, pour que désormais, léger et plein
de courage, il décide de s’inventer lui-même un idéal, par
lequel il accouchera son propre bonheur, dont l’argent ne
sera qu’un instrument ; et cela, sans attendre que la sugges-
tion ou la décision lui soit dictée de l’extérieur... L’Afrique
possède les moyens humains et matériels pouvant relever
ce défi véritablement prométhéen... à elle de jouer ! ! !
18

L’amour

« L’amour, c’est cette sublime mélodie par


laquelle l’Univers exprime la perfection de son
harmonie ».
L’auteur

« Aimer, c’est l’un des verbes les plus difficiles à conju-


guer : comme disait Cocteau, son passé n’est pas simple ;
son présent n’est pas indicatif ; il n’a de futur qu’au condi-
tionnel. » Platon dans le Phèdre, à propos de la passion,
disait : « Je voudrais être le ciel, afin d’être tout yeux pour
te regarder »...
L’amour ! La passion ! de tous temps, en vers comme
en prose, la lyre l’a fait vibrer, les voix humaines l’ont
sublimé, et des plumes les plus célèbres, immortalisé. tris-
tan et Iseut, légende du Moyen-Age, où la passion dans la
fatalité, mène à la mort comme seule issue de l’union de
deux êtres qui s’aiment ! Roméo et Juliette, drame shakes-
pearien de la fin du xvie siècle, où malgré la haine des deux
familles, les deux amants secrètement se marient, mais à la
fin sont eux aussi rattrapés par la fatalité qui les conduit à
la mort... avant ces couples légendaires, il y en eut d’autres
plus mythiques, plus célèbres encore : adam et ève, dio-
nysos et Perséphone, Orphée et Eurydice, Zeus et Léda,
Jupiter et Junon... L’amour ne serait-il alors qu’une tragédie
par essence ?
100 méditations de prison

L’amour passion, c’est l’amour premier, et très souvent


le premier amour vécu consciemment ou inconsciemment.
sentiment ou sensation volcanique, il ébranle, consomme
et consume à la fois, pour laisser tôt ou tard, des cendres
froides, séquelles de l’incandescence débridée d’hier. La
relation entre les deux amants est inique de par elle-même.
Le sujet aimant, incendiaire, et l’autre, son objet, « aimé »,
incendié sans pitié et sans son consentement ! La relation
est essentiellement houleuse, incontrôlée parce qu’incon-
trôlable, car l’aimant s’évertue, mais en vain, à posséder ce
qui ne peut l’être, l’autre, son supposé « trésor, son coucou,
son bébé, son chouchou, son bonbon, son biscuit... enfin »,
à lui dévolu par mérite naturel. L’autre, l’objet, n’existe
plus que pour être possédé et par lui seul évidemment, en
toute exclusivité, car ce précieux présent, diamant et cristal
à la fois, pourrait trop briller et attirer quelqu’un d’autre.
L’aimant, à défaut de pouvoir le cacher, se doit de le « pro-
téger » en tous lieux et de toutes ses forces, ignorant que
« l’amour sans liberté est un nœud si serré qu’il ne peut
que l’étrangler ». Il en résulte une jalousie maladive, de la
suspicion qui donne au mental des ailes d’orfraie ; de la
violence, au début difficilement camouflée, par la suite
ostentatoire et justifiée. L’amant ignore que l’aimant qu’il
est ne recherche en l’autre que sa propre image, son propre
reflet, dans une négation permanente et absolue de soi et de
l’autre, dans l’ignorance la plus obscure. égoïsme hyper-
trophié d’égotisme ! ! ! L’amour passion est donc le plan
orageux de l’amour, où le déséquilibre incontrôlé conduit
inexorablement la relation à la déréliction. Au cas où les
deux amants sont tous les deux dévorés par ce volcan, la
destruction est réciproque, doublement intense et plus rapi-
dement dramatique. Les deux roses, hier encore rutilantes,
aujourd’hui hélas fanées, usent de leurs épines vénéneuses
pour se détruire l’une l’autre, avec comme seule et dernière
consolation, ô combien maigre et amère, celle de se
retrouver anéanties ensemble, dans la haine...
Mais fort heureusement, il est un autre plan où se mani-
feste l’amour, c’est celui de l’amitié. dans l’amour de l’ami-
L’amoUr 101

tié, contrairement à la relation passionnelle exclusive, les


deux protagonistes sont tous les deux sujets. Il s’établit par
conséquent un équilibre des différences, les qualités de l’un
pouvant suppléer aux carences de l’autre, ou alors, multi-
pliées par celles de l’autre, atténuer ainsi leurs limites réci-
proques. Cette relation est d’ordre analogique et non plus
hiérarchique. L’un a besoin de l’autre comme compagnon de
route, de vie. La connaissance de l’autre devient une exi-
gence. C’est le plan de la confiance, de la confidence, du
respect, de l’estime, du partage sans calcul, de la compas-
sion, de la solidarité et de l’attachement. La relation engendre
une richesse intérieure inestimable, dont l’abondance débor-
dante s’investit au-delà de soi et de l’autre, jusqu’à envahir
les proches, voire l’humanité entière. L’amitié, multipliée
par elle-même, n’est-elle pas fraternité ?... La différence
exclut l’identité et engendre une réciprocité ingénieuse...
Enfin, au-dessus et au-delà de ces deux amours, il en
existe un troisième : c’est l’amour de l’Amour. Cet Amour
est une énergie vibratoire d’une infinie subtilité, dotée d’une
inestimable puissance, au-delà de toute raison, de tout senti-
ment, de toute considération empirique. il constitue la subs-
tance essentielle de toute cohésion naturelle de l’univers,
dans les mondes fini et infini, dans une permanente et
parfaite harmonie. il est une des manifestations premières
de l’essence cosmique, et dont la constitution est la même
que celle de ses propres projections, avec cette différence
que son taux vibratoire est extrêmement élevé. Cet Amour
régit tout l’univers, et tout dans l’univers. L’amour pas-
sionnel et l’amour de l’amitié n’en sont que de très pâles
reflets parmi tant d’autres. C’est l’amour dans le sens le plus
platonique du terme, c’est-à-dire principe d’harmonie
absolue, dont l’Homme a le privilège d’appréhender l’exis-
tence, par une prise de conscience progressive et la connais-
sance des lois naturelles. Cet amour est la sublime mélodie
par laquelle l’Univers exprime la perfection de son harmo-
nie...
et pourtant, dans tout amour vécu par l’Homme, ces
trois amours se doivent toujours de se conjuguer. Il faudrait
102 méditations de prison

en faire un doux cocktail alchimique équilibré : un peu du


premier, allié à un peu plus du deuxième ; le tout enveloppé
et immergé dans le troisième, qui demeure la substance
vivifiante permanente de la parfaite cohésion. Équation
alchimique dont le résultat peut requérir toute une vie ! ! !
Entre deux amoureux, le premier amour, passionnel, et
volontairement maîtrisé, doit entretenir la flamme dont la
douceur légitime du plaisir et du désir consomme sans
jamais consumer ; le deuxième, amour de l’amitié, vient
sceller la complicité des deux êtres, à jamais solidaires et
respectueux l’un de l’autre. Le troisième, amour de l’Amour,
secret, mais permanent vigile et silencieux protecteur, leur
rappelle le privilège d’être ensemble, sans raison appa-
rente, dans une douce intensité en temps de paix comme en
temps de tumulte, faisant d’eux un merveilleux et lumi-
neux abrégé de l’harmonie de l’univers.
dans l’amour d’un métier, un brin de passion est
toujours nécessaire ; mais il doit être équilibré et ennobli
par la connaissance et la maîtrise de ses lois. C’est la
matrice prête à être fécondée par le troisième amour, à
savoir le génie manifesté dont on ignore très souvent l’ori-
gine...
Enfin, l’amour pour l’humanité, c’est un peu de passion
pour l’autre, même inconnu, multipliée par la solidarité des
uns et des autres, pour découvrir, à la fin, l’amour de
l’Amour dont l’humanité a tant besoin, afin de connaître et
de partager en toute légitimité le bonheur secrètement rêvé,
qui attend d’être exploité et vécu gratuitement par chacun
d’entre nous, sans exception...
En toute amitié, avant de conclure ce chapitre, j’ai le
plaisir de partager avec vous une petite histoire d’amour
vécu :

... « Chaque jour, “le panier”, un petit bateau en rotin


tressé, aussi ferme que plastique, a fait l’objet de sa tendre
attention... Chaque jour, elle a su confectionner son
contenu vital avec force amour... Chaque jour, elle l’a
couvert de fleurs en nappes, avec élégance ; et malgré son
L’amoUr 103

poids elle l’a toujours porté, léger, comme son intime sac
à main... pour me nourrir...
... Puis un jour, entourée de tous ces fusils, mitraillettes
et kalachnikovs menaçants en bandoulière, elle a tangué
d’émotion, et son genou droit de violence sur le macadam
a fléchi. Hiératique, elle est restée droite, stoïque, silen-
cieuse...
... Aujourd’hui, ce genou arbore une cicatrice en déco-
ration : image symbolique de toute une saga, celle d’un
“panier”, le panier de la vie, le panier de l’amour trinitaire
de passion, d’amitié, d’amour sublime ! Ce genou, c’est
celui d’une fidèle et complice compagne, aimée et aimante
à la fois, au mythique visage de Janus, et de prénom...
Geneviève, ma chère épouse ! à elle, je dédie avec émo-
tion, en hommage gratifiant pour son amour, ce chapitre
de l’amour de l’Amour ; et à travers elle, à toutes ces
femmes et à tous ces hommes aux visages anonymes, qui
par amour, se sacrifient dans le silence, ignorés de tous,
pour soutenir leurs bien-aimés de ... taulards... »

en conclusion, avec un peu de passion, beaucoup


d’amitié, et en parfaite résonance d’amour d’Amour, je
viens de nouveau partager avec vous, ces quelques
réflexions qui pourraient faire l’objet d’introspection dans
votre royaume de l’amour vécu...

« Qu’est-ce qu’aimer ?
aimer, c’est savoir davantage partager ce que l’on est
que ce que l’on a.
Aimer, c’est donner définitivement, sans jamais rien
exiger en retour.
aimer, c’est d’abord se connaître soi-même, avant de
prétendre connaître l’autre, et perdre son temps à vouloir
l’éduquer ou le métamorphoser.
Aimer, c’est apprendre à donner en secret, par respect
et considération pour celui qui reçoit.
aimer, c’est savoir accepter un don, quelque petit qu’il
paraisse.
aimer, c’est d’abord savoir se taire gentiment pour
préserver l’autre, avant d’entreprendre de le consoler.
104 méditations de prison

aimer, c’est servir pour le service lui-même, sans


jamais tenir compte des bienfaits éventuels qui en résulte-
raient.
aimer, c’est décider de s’armer de courage, pour
défendre le plus faible et le plus fragile.
Aimer, c’est savoir apprécier, à travers un défaut, une
qualité cachée qui s’ignore, et qui n’attend que d’être
découverte par celui ou celle qui prétend aimer.
aimer, c’est accepter de se réconcilier sans condition
préalable, même si l’on a la certitude d’avoir raison.
Aimer, c’est être disposé à pardonner préventivement
toute offense, sans que jamais cette attitude intérieure soit
révélée au préalable à qui que ce soit...
au bout de cette quête, aimer n’a plus qu’une seule
raison d’être : aimer, aimer tout simplement. »
19

« Dieu »

« ... sphère cosmique dont le centre est par-


tout et la périphérie nulle part ».
Hermès trismégiste

Dieu, éponyme de la langue française, équivalent dans


toutes les autres langues, qui renvoie à une notion impré-
cise de transcendance d’un supposé Être ou principe supé-
rieur, par rapport à ce qu’il y a de commun...
Un mot qui cacherait une réalité que l’Homme invente-
rait pour expliquer ce qu’il y aurait au-dessus, au-delà de
lui dans l’univers, et dont il ferait l’expérience au cours de
sa vie !
Un mot dont le mystère, à l’origine, s’identifierait au
mot lui-même, avant de devenir un mystère pour l’Homme
lui-même.
L’Homme a toujours cherché à comprendre les phéno-
mènes et les événements de la vie autour de lui, loin de lui
et en lui-même : le ciel, la terre, les astres, l’éclair, le ton-
nerre, la pluie, la vie, la mort, etc, auxquels il est confronté
au quotidien. des réponses plus ou moins satisfaisantes
l’ont incité à une recherche toujours plus approfondie : de
l’intuition superstitieuse des rituels et cultes primaires, à la
spéculation hautement rationnelle, philosophique ou méta-
physique. L’intelligence humaine, malgré ses limites, scrute,
scrute toujours...
106 méditations de prison

J’ai pensé intéressant et utile de vous conduire avec pré-


caution et modestie dans ces quelques espaces de la philo-
sophie orientale, dont l’approche, apparemment différente
de celle occidentale habituellement admise et débattue,
aboutit à une sphère analogue dans la quête divine de
l’Homme.
dans les religions tribales et primitives de la région
gangétique du nord de l’inde, berceau du bouddhisme et
du jaïnisme, caractérisé par un puissant développement du
mysticisme, contrairement à la région de l’Indus à l’Est,
matrice du védisme et du brahmanisme, la société, bien des
siècles avant Jésus-Christ, prend déjà conscience d’une
transcendance. par la suite, elle se dote d’une classe cléri-
cale qui introduit une notion morale orientée, stade secon-
daire d’une doctrine progressivement codifiée.
En effet, les Veda ont été écrits à partir du xve siècle
avant Jésus-Christ. La relation entre les hommes et les
dieux était entretenue par des actes sacrificiels. Les brâh-
mana, textes ultérieurs, du xe au viiie siècle avant Jésus-
Christ, prolongeront les Veda, pour expliquer d’une façon
plus approfondie et élaborée cette relation, mais toujours à
travers des rites dominés par des interprétations supersti-
tieuses. Et des brâhmana, dériveront les upanishad, à partir
du viie siècle avant Jésus-Christ : ces derniers privilégieront
l’analyse par des spéculations théoriques et philosophiques
complexes, réservées à une élite érudite, de la relation entre
le créateur Brahman et la création...
du stade primitif et primaire de la relation védique au
stade hautement spéculatif upanishadique, où la recherche
est intérieure et individuelle, l’Homme essaie de com-
prendre, d’analyser et de s’analyser, en contradiction avec
l’approche spontanée des religions de révélation, tels que
le Zoroastrisme, le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, où
la révélation première est issue d’un prophète ou d’un
avatar.
il apparaît l’idée d’un créateur, Brahman, distinct et
supérieur au monde créé, et dont les divinités créées par
Lui, lui sont inférieures, tout en contenant une partie de
« dieU » 107

Lui, sans être Lui, dans un entendement défini comme


hologrammatique. Il est attribué à cette partie de Brahman
en elles le nom d’atman ou jîva. Ainsi se révèle-t-il une
« identité différenciée » entre le Brahman, le tout, et
l’atman, sa partie, une partie de ce tout. Brahman corres-
pondrait à la conception occidentale de Dieu, et l’atman à
celle de l’âme...
Du stade védique superstitieux, on accède à la notion
upanishadique de certitude intérieure rationalisée de l’exis-
tence d’un Être suprême, principe originel de dieu.
L’Homme, microcosme, constituerait ainsi le réceptacle, la
demeure correspondante de ce dieu, par l’étincelle en lui
infuse, l’atman ou âme individuelle. dieu pourrait donc se
découvrir par soi et se « percevoir » par une certitude inté-
rieure, que l’on pourrait identifier avec aisance à la foi,
mais aussi au-delà de la foi, par une perception intérieure
qui peut naître et être entretenue de par la réflexion, la
méditation, la contemplation et l’intuition...
dieu apparaît donc comme un Concept, un principe,
dont toute définition, toute description limite, circonscrit la
nature et la dimension. Certes, si un mot n’avait de valeur
que celle qu’on voudrait bien lui donner, j’oserais dire que
Dieu est Essence originelle et originale, infinie, indescrip-
tible, inconnaissable, inintelligible dans sa partialité, comme
dans sa globalité. Cette essence ne peut être que partielle-
ment appréhendée à travers ses multiples attributs et apti-
tudes manifestés, autrement dit, par ses innombrables lois
dites universelles ou naturelles.
toutefois l’âme humaine, de la même essence, de par sa
conscience immanente, jouit d’une exceptionnelle faculté
inhérente à sa propre nature, celle de pouvoir réduire cette
Essence originelle à son plus bas niveau de résonance
vibratoire perceptible, sans altérer en quoi que ce soit son
infinitude et sa complétude. C’est cette réduction à soi de
ce « Concept sublime », de ce « principe suprême » qu’in-
vestissent les différents éponymes tels que : dieu, allah,
yahvé, Brahman et bien d’autres encore... Par réflexe de
filiation, d’amour, de besoin de protection, de modestie,
108 méditations de prison

d’abandon, de limitation de la conscience humaine, de ce


« principe sublime » l’on a fait « son » dieu, le dieu de
notre cœur, notre père, omnipotent, omniscient, omnipré-
sent, le Dieu miséricordieux, le divin Architecte... C’est le
Dieu humanisé, pâle facette parmi d’infinies facettes, reflet
ténu de la « réalité originelle et originale », mais ô com-
bien puissante et nécessaire, pour servir de référence à
chacun et à tous en même temps, Dieu demeurant unique à
jamais...
Chacun vit « son » Dieu, mais Dieu ne peut appartenir à
personne, car en même temps qu’il réside en chaque être,
perceptible selon l’éveil de conscience, en même temps il
est au-delà et en Tout, disponible d’être perçu à travers ses
manifestations infinies, par chacun et par tous à la fois.
dieu est Unité qui se prescrit naturellement au pluriel ;
en revanche, le pluriel naturellement aussi, se conjoint et
se conjugue dans l’Unité.
dieu est tellement présent partout et en tout qu’il passe
très facilement inaperçu... en l’occurrence à l’intérieur de
l’Homme lui-même... alors qu’il a été, il est, il sera, pour
l’éternité toujours égal à Lui-même...
et pourtant de dieu, chacun de nous en est l’essence
secrète, faisant de nous des petits dieux comme « notre »
Dieu, à l’instar de ces expériences secrètement vécues :

« La souffrance par la torture avait habité mon âme ;


La calomnie par le mensonge ébranlé mon mental.
Stupéfait, j’avais tangué, plié, mais point rompu.
Je m’étais déguisé en un petit dieu comme “mon” Dieu.
Pour breuvage de l’amertume j’avais avalé.
pour nourriture, de la haine et de la violence en festin !
Mais point d’indigestion ! Et pour cause ?
Je m’étais déguisé en un petit dieu comme “mon”
dieu.
malgré le lourd bruit des bottes, le brouhaha des rires
sardoniques,
J’avais perçu l’harmonie céleste d’une cithare mélo-
dieuse,
accompagnée d’une polyphonie des sphères,
« dieU » 109

Déguisé que j’étais en un petit dieu comme “mon”


dieu.
Enfin vint le jour, où tout était consommé : j’ai dit !
des ténèbres, la Lumière des Lumières ; de la hideur,
la beauté !
et métamorphosé dans le plus profond de mon être,
Sur des nuages, j’étais devenu un petit dieu comme
“mon” Dieu... »

Dieu, c’est cette infinitude secrètement inscrite en


l’Homme, pour en faire, non seulement son image et son
miroir, n’en déplaise à Voltaire, mais une réalité vivante
dont la découverte constitue la raison essentielle de son
existence !..
20

Miscellanées

épars et variés, des mots en quelques phrases, issus de


partout et de nulle part, quelquefois structurés en apho-
rismes, pour se faire plus expressifs. Voilà qui pourrait
faire partie des bagages de vos multiples voyages d’intros-
pection, de réflexion, dans le silence, loin du tumulte, loin
de cette frénésie destabilisatrice de la vie quotidienne !...

• Le mental
Lorsque vous avez acquis un mental de fer ou d’acier, il
faut sans se lasser jamais, continuer par le détachement à
l’entretenir, afin qu’il ne se rouille point.

• Le savoir
Le plus important n’est pas de savoir, mais de savoir ce
que l’on doit en faire.

• La non-violence
La non-violence, c’est la violence que l’on accepte soi-
même de subir, pour l’épargner aux autres : ce n’est point
de la passivité, mais plutôt un authentique acte d’amour.
112 méditations de prison

• Un droit pour un devoir


S’il n’y avait qu’un seul droit, il n’existerait qu’un seul
devoir : celui de respecter ce droit.

• Le monde, l’Homme et le changement


Ce n’est pas le monde que l’Homme doit d’abord
changer, mais plutôt lui-même.

• Le succès
Pour le succès d’une initiative, la pensée doit toujours
précéder son actualisation, en même temps que l’encadrer
dans ses effets. Cela exige de la maîtrise avant, pendant et
après... son avènement.

• De la foi et de la raison
La foi est une certitude intérieurement révélée. La raison
est un outil de démonstration de l’intelligibilité des lois
universelles. Les deux sont des instruments complémen-
taires, parce que nécessaires pour naviguer en parfait équi-
libre dans l’océan de la Connaissance, l’une et l’autre se
faisant le relais d’une même divinité, gardienne jalouse et
sévère de la porte de la Vérité.

• La volonté
Elle est la capacité de la conscience à actualiser, par un
effort intérieur soutenu, le contenu de la pensée. si ce
contenu est erroné, la volonté a beau paraître intense, elle
n’est qu’opiniâtreté qui mène à des résultats destructeurs.
La volonté doit toujours être l’instrument d’une pensée
riche et généreuse, pétrie de connaissance.
misCeLLanées 113

• La connaissance
Est illusoire toute connaissance qui exclut toute ouver-
ture de pensée ; constituée de notions superficielles sans
autre référence que soi-même, elle n’est que savoir pédant
des salons, origine dangereuse de l’obscurantisme, et
matrice de fanatisme et de violence.

• La patience
La patience, c’est souffrir en silence, avec la certitude
compensatrice que l’objectif pour lequel l’on souffre sera
atteint.

• La misère
Qu’elle soit mentale et ou matérielle, la misère est l’une
des plus honteuses calamités de l’Humanité, car elle
dépouille l’Homme de ce qu’il a de plus digne en lui : sa
propre dignité.

• Le bonheur
Un bonheur construit sur le malheur des autres est
essentiellement fragile, voire éphémère, car tôt ou tard, il
se retrouve liquéfié dans l’illusion dont il aura été lui-même
l’artisan.

• La calomnie
La calomnie est une flèche empoissonnée, dont l’arc de
soutien est un public naïf, la victime la cible, et le tireur, un
faible d’esprit.

• Le pouvoir
Le pouvoir est une épée redoutable dont ne doit se servir
que le chevalier du Bien, du Beau et du Vrai, c’est-à-dire
un adepte de l’amour et de la justice.
114 méditations de prison

• La tristesse
La tristesse est cette torpeur brumeuse qui enveloppe
l’âme, tel un voile blafard, recouvrant tout ce qui a pu être
beau dans le passé, interdisant dans le même temps tout ce
qui peut l’être à l’avenir. Elle sait entretenir, anonyme, une
nonchalance permanente et destructrice, dont le reflet apa-
thique ternit, affadit et paralyse. et pourtant notre âme est
lumière, et d’un seul de ses rayons de puissance bienfai-
sante, elle possède le secret de la dissolution à tout instant,
comme le vent balayant un nuage. Il suffit de le désirer
intensément, et... hop ! Vive le miracle de la joie explosive
qui, instantanément, guérit ! ! !

• Le rêve et l’illusion
dans la vie quotidienne, le rêve et l’illusion se côtoient
si souvent que la tendance à les identifier est chose
courante. Cela est une méprise, car tandis que l’illusion est
le mirage des désirs insatisfaits et refoulés du passé, le rêve
est l’écriture volontaire de la réalité invisible dans le futur.

• La colère
La colère est une déflagration vibratoire puissante et
violente de l’énergie en soi. elle vide l’âme de sa substance
et ébranle le corps et son environnement. Le meilleur
moyen de s’en guérir, c’est de toujours prévenir son déclen-
chement. En cas d’échec, il faut aussitôt injecter de fortes
vibrations d’amour en soi et autour de soi, afin d’anéantir
ainsi ses effets hautement délétères.

• L’obésité du mensonge
Tout mensonge pèse toujours deux fois son propre poids,
car le menteur, avant de mentir aux autres, doit d’abord se
mentir à lui-même...
21

Épiphanie d’un visage

« Quelle que soit l’épreuve, la vie vaut tou-


jours la peine d’être vécue, avec le sourire... »
L’auteur

Ce matin, je me suis regardé plus attentivement dans


mon tout petit miroir. J’y ai découvert, agréable surprise,
un visage serein et détendu !
Les cheveux, les sourcils, la moustache, teintés tous
d’un peu de poivre ! signe du temps !
La calvitie s’est étendue ; mais en compensation, elle
s’est faite indulgente en épargnant la témérité de quelques
cheveux en duvet de jeunesse.
Les yeux silencieux, mais pétillants de leur langage :
l’œil gauche en légère ptose dissimule les nombreux secrets
de mon âme ; l’œil droit, vigilant et perçant comme un
glaive, regarde droit, impassible, imperturbable et martial,
le monde en mouvement.
Deux sillons profonds et réguliers, taillés comme au
burin, creusent les joues de mes lèvres : ils décrivent, avec
quelque dépit, les chemins abrupts jusque-là parcourus,
parsemés d’écueils et d’épreuves vaincus, en témoins pla-
cides des durs combats livrés.
Les narines comme deux portails symétriques, vigiles
attentifs d’un palais en permanence ouvert, dans un mouve-
116 méditations de prison

ment à peine perceptible, inspirent, expirent le fluide vital,


dans une parfaite régulation rythmée par l’inconnu. ah ! La
vie ! Quel merveilleux mystère !
Enfin, de mes lèvres à peine retroussées, un petit sourire
en coin à peine esquissé, illumine tout ce visage, expres-
sion lointaine d’un détachement durement acquis, relativi-
sant tous ces évènements dont le caractère éphémère a
cessé de m’émouvoir...
Et de ce profond monologue silencieux, mon âme s’en-
tend se demander : « Après tout, qu’est-ce que la vie ? » Et
la réponse de jaillir : « La vie sur terre, ce sont toutes ces
occasions éphémères et successives, où l’âme doit prendre
conscience d’elle-même, découvrir sa véritable nature et sa
réelle dimension, pour réintégrer l’Infini, la source à
laquelle elle n’a jamais cessé d’appartenir... »
à cet instant, je me souvins que j’avais conservé avec
soin, il y a fort longtemps, un précieux parchemin anonyme,
recommandant, en aphorismes, des principes étonnants
pour la conquête quotidienne de la Sagesse, à travers des
observations apparemment anodines. Je viens le partager
avec vous, en lui attribuant ce titre : « échos de sagesse »...

« Il nous est donné de voir, il faut apprendre à regar-


der.
Il nous est donné d’entendre, il faut apprendre à
écouter.
Il nous est donné de sentir, il faut apprendre à flairer.
Il nous est donné de toucher, il faut apprendre à perce-
voir.
Il nous est donné de goûter, il faut apprendre à
déguster.
Il nous est donné de parler, il faut apprendre à se taire.
... Il nous est donné de naître, il faut apprendre à mourir.
Il nous est donné de vivre, il faut apprendre à exister.
Il nous est donné de faire, il faut apprendre à créer.
Il nous est donné de savoir, il faut apprendre à
connaître.
Il nous est donné de recevoir, il faut apprendre à par-
tager.
épipHanie d’Un VisaGe 117

Il nous est donné d’avoir, il faut apprendre à être.


à la fin,
il nous est donné d’être Homme,
Il faut apprendre, chaque jour, à se conquérir soi-
même, pour mieux se connaître, et découvrir ainsi la
splendeur des secrets de l’Univers... »

La vie, éternel recommencement pour une permanente


ascèse, merveilleuse vallée scolaire de larmes et de bon-
heur, chemin du perfectionnement vers la perfection, où le
relatif se fait progressivement absorbé par l’absolu ! Joies,
peines, bonheur, malheur, déception... Tout est leçon sur le
sentier ! Derrière chaque évènement se cache toujours un
objectif précieux que nous ignorons ; tel un fleuve qui,
malgré sa sinuosité, finit par se jeter dans l’océan, la vie
termine toujours son cours dans la lumière. Elle vaut tou-
jours la peine d’être vécue, avec le sourire... quelle que soit
l’épreuve !
Et de temps en temps, il faut apprendre à se regarder
soi-même, car à travers soi on découvre les autres, et à
travers les autres l’humanité. L’on se surprend stupéfait
beaucoup plus de la beauté souvent dissimulée que de la
misère sans cesse affichée... La vie, elle est après tout,
merveilleuse avec toutes ses contradictions ! elle nous
interpelle pour que nous soyons merveilleux pour nous-
mêmes, mais surtout merveilleux pour l’humanité, avec
laquelle nous partageons le même destin universel...
22

Deuxième et dernière lettre


à la nation

« Verba volant, scripta manent »


(Les paroles s’envolent, les écrits restent).
proverbe Latin

« Quelle extraordinaire opportunité, après tant d’années


d’imbroglio et de subterfuges ! tant d’années d’interludes
truffés de péripéties rocambolesques ! Extraordinaire
opportunité pour enfin dégivrer ce nœud qui n’est gordien
qu’en apparence ! Extraordinaire opportunité pour définiti-
vement déchiffrer ce maëlstrom politique, grossièrement
mâtiné du judiciaire ! Le temps, par érosion, a de lui-même
dissipé la nébuleuse ; et les consciences, naguère embru-
mées par la rumeur et le mensonge, se sont progressive-
ment éveillées. Quelle extraordinaire opportunité : celle
d’une définitive restauration de l’imperium du Droit !
par principe, tout acte est une cause dont les éventuels
et les multiples effets, à priori, en sont immanents ; mais
ces effets ne peuvent se réduire à une notion comptable
exclusivement égoïste, à moins que l’on ne soit manifeste-
ment trop indulgent, trop complaisant à l’égard de soi-
même, en privilégiant dangereusement le passionnel et les
instincts primaires, aux dépens du rationnel, voire du spiri-
tuel.
120 méditations de prison

Sinon, comment expliquer que, depuis bientôt treize ans,


une simple démission d’un gouvernement, rehaussée d’une
conforme candidature à une élection présidentielle (candi-
dature, sic !), de la part d’un citoyen ordinaire jouissant de
tous ses droits, ait pu induire une si terrifiante implosion de
système, dont l’onde de choc se condamne encore aujour-
d’hui à tout broyer et balayer sur son passage, dans un élan
apocalyptique irrationnel de destruction aveugle, de haine,
de terreur et d’horreur ? Peut-il y avoir une réponse ?
En tout cas, en attendant, nous revoilà embarqués pour
un énième scénario au décor kafkaïen de jeux de rôles :
chorégraphie et comparses irréelles assurées. nonobstant
la similitude avec le passé (analogie n’est pas identité),
j’ose croire qu’une fois les rideaux baissés, la fin de cette
burlesque comédie ne nous réservera plus de tragédie in
fine. L’acteur principal que je suis a décidé, en toute quié-
tude, de vous remettre les clés appropriées, vous permet-
tant ainsi d’ouvrir grand le portail de la vérité, par une
simple présentation des différents acteurs constitués, au
risque de heurter certains metteurs en scène visibles et
invisibles.
– d’un côté, un ministère public : dont la noble et pro-
tectrice mission est de requérir l’application des lois au
nom de la société. de forfaitures en forfaitures, de menaces
en invectives ordurières, le temps a mis à nu la supercherie.
La dite magistrature, depuis l’infortune, avait été aussitôt
prise en otage, se réduisant à des comparses dignes de véri-
tables pantins, se métamorphosant en une obscure et gros-
sière cagoule d’individus désormais démasqués. naguère
fière de ses missions, elle s’en est honteusement récusée,
s’aplatissant décatie sur un « parquet » résolument mal
ciré. non, de grâce, la Justice ne saurait devenir une auge
de boue, encore moins un abysse cloacal ! Je vous prie de
m’entendre !
– Quant à ces manœuvriers cagoulés (entendez les
cagoulards), une certaine élite les a qualifiés de Tartarins
de salon, hypocrites et malhabiles dans leurs basses
manœuvres ostentatoires. Que m’importent ces attributs !
deUXième et dernière Lettre à La nation 121

J’ai tout simplement retenu qu’ils avaient décidé de faire


de moi Ixion, me rivant en permanence à une roue
enflammée d’horreur et de terreur (rouleau compresseur
oblige !). J’ai brûlé, mais jamais ne me suis consumé ! Par
la dure épreuve, le Phénix divin en chacun de nous m’a
ressuscité plusieurs fois de mes cendres, transformant
miraculeusement mon enfer en royaume de Luz. malgré
leur éphémère triomphe, je vis !
D’autres les ont pris pour des Tartuffes, vrais faux
dévots de la Principauté, tandis qu’ils déifiaient de préfé-
rence leurs amulettes. Que m’importe leur foi ! Ils ont
voulu faire de moi tantale, m’enterrant vivant dans un
ergastule sous terrain infect, affamé et assoiffé pendant tant
d’années : pas même un étouffe-chrétien pour simulacre, ni
la tiédeur trompeuse d’une éponge de pinacre pour mouiller
le bout de mes lèvres ! ils m’ont plutôt gavé d’amertume et
de harcèlement, en attendant de me faire ingurgiter la ciguë
pour l’anéantissement final. Cœurs de pierre, ogres insatia-
bles, ils se sont disqualifiés à jamais de leurs supposées
missions régaliennes ! Et pour se gargariser à la fin, ils ont
pillé, avec lâcheté, mes biens, se les revendant à eux-
mêmes à l’encan, sans état d’âme, ni le respect de la loi,
afin d’assouvir leur rapacité et leur convoitise. Heureuse-
ment, même sans être un fervent adepte de diogène, il y a
fort longtemps que j’ai privilégié la philosophie de l’être
au détriment de celle de l’avoir !
Enfin, d’aucuns les ont qualifiés de dangereux gangsters
d’état, parce qu’ils auraient eu l’outrecuidance de réduire
en valeurs républicaines leurs impulsions primaires de
violence, de mensonge, de gabegie, d’intimidation... Que
m’importent, encore une fois, tous ces attributs ! sans
simulation aucune, ils ont voulu faire de moi Janus, ce dieu
à deux têtes ; et pourtant, je n’en ai qu’une, comme tout
être humain ; et celle-là, ils me l’ont déjà tranchée et
exhibée avec triomphe sur un plateau d’infamie pour
conspuation méritée, à l’opinion nationale et internatio-
nale. Mais, comme par miracle, ils n’ont pas réussi à me
décérébrer. L’on peut fort bien asphyxier une existence,
122 méditations de prison

mais jamais l’on ne peut empêcher l’autre d’être ! C’est


pour cette raison que je suis !
– L’autre acteur, c’est vous, messieurs du collège des
Juges : votre collège doit être celui des sages. de par votre
serment, vous avez le privilège et le prestige d’accéder à
un pouvoir théandrique, alliant compétence humaine et
sagesse divine : une véritable chevalerie de l’honneur et de
la dignité, où la science s’humanise par l’art, et les cons-
ciences s’ennoblissent par la rectitude. ici, le mot pèse de
par sa propre valeur originelle : magistrature (de magister,
le maître) vaut maîtrise. et pourtant, horresco referens, le
long de ce labyrinthe sans issue, de votre illustre confrérie,
des plus jeunes aux plus anciens, nombreux ont opté pour
une démission infamante, étourdis par d’éphémères pré-
bendes ; ainsi se sont-ils laissé engluer dans l’opprobre, à
l’aune d’une défaite professionnelle, ternissant à jamais
l’éclat des oripeaux de leurs toges, pourtant symboles
sacrés de la probité et de la vérité. Une page très sombre
dans vos archives ! mais en face de ces derniers, certains
de leurs confrères, très peu nombreux en revanche, ont
privilégié avec courage et témérité l’éthique et l’esthétique
du droit : ils l’ont dit et ils l’ont appliqué avec compétence
et justesse. Ils peuvent être fiers de tenir haut le flambeau
de l’ordre, de l’équité et de l’harmonie, vertus sociales
nécessaires, garantes de la justice, de la vérité et de la paix.
Que, par Thot et par Maat, Dieu nous les protège ! Ils méri-
tent un jour d’être célébrés par la nation tout entière !
– Comme autre important acteur, l’opinion publique
nationale : accrochée désespérément à la rumeur, l’opinion
a été systématiquement privée de toute référence à la
moindre vérification. Par un cynisme prémédité, elle a été
abreuvée, enivrée de scoops médiatiques de persistante
diabolisation, frisant une hystérie collective. des montages
fictifs de rumeurs les plus accablantes ont fait de l’honnête
citoyen que je suis, l’instrument pervers par lequel le cour-
roux d’entités sataniques devait s’actualiser, pour détruire
un prétendu rêve prométhéen, gratuitement révélé aux
prétendus élus de la nation par la bonté et la grâce divines.
deUXième et dernière Lettre à La nation 123

d’ailleurs par la suite, comme signe inespéré et révélateur


de l’oracle, le miracle devait s’accomplir par ma spontanée
démission du gouvernement et ma candidature à l’élection
présidentielle : leurs dieux avaient exaucé leurs supplica-
tions jusqu’alors vaines, en me poussant à la faute ; et les
preuves du crime hâtivement consommées, le châtiment
devait être exemplaire et sans appel ! L’on connaît la suite...
mais le mensonge a beau faire le tour du monde, la
vérité a toujours le temps de lacer ses chaussures, dit un
vieil adage. progressivement, le déploiement de la conspi-
ration et son implacable exécution se sont liquéfiés dans
leur propre saumure, dévoilant singulièrement une horreur
gratuite et répulsive. La conscience collective venait de
découvrir avec étonnement le pot-aux-roses : l’ensevelisse-
ment d’un honnête citoyen, un exil “sui generis” de des-
truction préméditée. Victime ? Que nenni ! Pour un homme
de principe, assumer, c’est tout simplement honorer non
seulement sa propre dignité, mais aussi et surtout celle des
autres !
– Et l’acteur principal que je suis : à la fois sujet et objet
de cette saga, personnage symbolique de tous les paradoxes
et contradictions judiciaires, désormais spectre encombrant
de hantise les couloirs des Cours de Justice, il n’est après
tout qu’un ordinaire citoyen, singulièrement honnête !
Condamné à de très lourdes peines après un procès bidonné
et mémorable il y a treize ans, il se retrouve concomitam-
ment en détention préventive de même durée, pour de plu-
rielles inculpations fantaisistes, dont le nombre est d’ail-
leurs sujets aux fluctuations d’humeur hypochondriaque
des fossoyeurs (l’infernale machine du rouleau compres-
seur se serait-elle grippée par ses propres turpitudes ?). Car
il est intéressant de signaler une curieuse et suspecte sous-
traction d’un explosif du cocktail : l’inculpation avec man-
dat de dépôt à tête chercheuse d’il y a treize ans, pour une
supposée imitation de signature du président de la répu-
blique par le Secrétaire Général à la Présidence de la Répu-
blique qu’il était alors. Quantité rime rarement avec qua-
lité ! Même une cervelle de linotte aurait mieux réussi à
124 méditations de prison

magnifier ainsi le ridicule ! Et pourquoi cette apparente


lacune ? Est-ce l’arme fatale qui lui est réservée pour clore
en apothéose le cycle de son périple expiatoire ?
eh bien, pour tout ce qui précède, messieurs, sans effort,
vous m’accorderez de balayer d’un revers de la main
gauche, toutes ces fadaises dignes de balivernes de bistrot,
et le citoyen honnête, et de surcroît patriote que je suis, ne
peut que se morfondre de honte, de savoir ainsi réifiés avec
autant de désinvolture cette prestigieuse institution répu-
blicaine et ses éminents serviteurs que vous êtes.
En annexe, j’attire une particulière attention sur le sort
réservé à ces jeunes gens honteusement manipulés, spécia-
lement sur celui de monsieur michel thierry atangana
Abega, à qui je réitère en passant, ma profonde compas-
sion et mon permanent soutien moral. Chacun ici présent a
été animé d’une légitime promotion sociale, mais en même
temps handicapé par une bonhomie juvénile. Ils ont subi,
chacun à sa mesure, le violent heurt de cette dérive
aveugle ; un prix trop élevé a déjà été exigé d’eux. Leur
place n’est pas ici devant une Cour de Justice. La solution
de leurs éventuels différends relève plutôt d’une cour de
récréation. Je vous prie, messieurs les Juges, au nom de la
Loi, de bien vouloir leur rendre leur liberté. Les sphères de
la politique sont d’un autre monde...
– Enfin, comment aurais-je pu parfaire cette déclinaison
sans me référer, avec tout le respect et la considération à
lui dévolus, au personnage incontournable, incarnation des
Institutions Républicaines : le Président de la République ?
en tant que président du Conseil supérieur de la magis-
trature, est-il réellement informé de cette infamante et
macabre kermesse ? Certains séides autoproclamés de son
entourage l’incrimineraient, avec lâcheté, d’être lui-même
l’artisan, la main invisible, dont ils ne seraient que de
simples exécutants pour le moins rigoureux. Jamais je n’ose-
rais y croire ! Serait-ce de la naïveté de ma part ? A moins
que ces longues années de dur labeur n’aient réussi à écor-
cher tant soit peu ses lumineuses convictions de naguère,
lui dont les Camerounais avaient fait leur icône de réfé-
deUXième et dernière Lettre à La nation 125

rence, référence de la Vertu républicaine, référence de la


Liberté, de la Vérité et de la Justice...
en conclusion, comment pourrait-t-on ne pas se poser
cette question, quelque rhétorique qu’elle paraisse, en
prenant à témoin chaque citoyen : “Est-il jamais trop tard
pour rectifier une injustice ?
merci pour m’avoir entendu ! »
23

« 14 ans de torture, ça suffit ! »


Lettre à Monsieur Paul Biya

« J’ai été honteusement réifié en un vulgaire


otage de votre vitrine politique. ma liberté m’a
été confisquée sans raison. Que votre raison
veuille bien me la restituer ! »
L’auteur

monsieur le président,
Il est fort possible, même si je n’ose y croire, que ma
lettre, tel un alizé tumultueux et capricieux, vienne de quel-
que manière ébranler, ou tout au moins perturber la quié-
tude des flots aux doux embruns de votre « démocratie
apaisée », ambition pour laquelle vous avez tant œuvré
depuis 29 ans. si c’en était le cas, ce serait bien dommage,
car telle n’est pas mon intention. mais d’un autre côté,
qu’on ne se méprenne point ! Ce n’est pas non plus une
naïve, langoureuse et monocorde mélopée, ni un triste
refrain d’un prétendu coupable miserere, de la part d’une
supposée victime, à la recherche désespérée d’une compas-
sion condescendante... Pour toutes ces raisons, j’impose à
ma plume autant de respect que de douceur, honorant ainsi
ma propre dignité de beaucoup de pudeur, et l’affligeant en
même temps d’une stricte circonspection...
128 méditations de prison

monsieur le président,
Tenez ! Seulement deux jours après ma démission de
votre Gouvernement et ma constitution en candidat à
l’élection présidentielle de 1997, une horde sauvage et
déchaînée de vos cognes aux gros bras prêts à casser de la
castagne, alliée à une justice aux allants de basoche, a
fondu avec une rare férocité sur le citoyen honnête et ordi-
naire que je suis. Et depuis, inlassablement, les uns comme
les autres, n’ont cessé de me faire subir une terrifiante
torture, avec hargne, haine et grossièreté, sous votre regard
passif et atone, mais ô combien scintillant de complai-
sance : embastillement dans des conditions inqualifiables,
harcèlement et acharnement permanents, destruction et
confiscation de mes biens, intimidations et tracasseries
judiciaires et policières, subtiles et ostentatoires menaces
de mort, et que sais-je encore... Ah ! Que ne m’aurait-il pas
valu d’être un alfred dreyfus ou un Jules durand tout
court ? Allusion prétentieuse, n’est-ce pas ? Et pourtant je
n’en demandais pas tant !

monsieur,
Eh bien, souffrez un petit instant que je me pince avec
un peu de violence, après tant d’années de silence d’une
lâche captivité, pour dénoncer avec véhémence, à haute et
intelligible voix, prenant solennellement à témoin la nation
camerounaise tout entière, l’opinion internationale, et tous
ceux qui de par le monde, sont sensibles à la défense des
droits humains, et crier à votre intention : « 14 ans de tor-
ture, Monsieur, ça suffit ! »
J’ai été honteusement réifié en un vulgaire otage de
votre vitrine politique. Ma liberté m’a été confisquée sans
raison. Que votre raison veuille bien me la restituer !
L’image désormais blafarde et tant écornée du Cameroun
en bénéficierait à coup sûr en rayonnement, de l’intérieur
comme à l’extérieur...
A la fin, que sont-elles devenues mes convictions et mes
opinions politiques, artifices qui m’ont gratifié de cette
lourde infortune en 1997 ? Eh bien, elles n’ont pas changé
« 14 ANS DE TORTURE, ÇA SUFFIT ! » 129

d’une virgule ; bien au contraire, par mon combat silencieux,


mais pas pour autant moins téméraire, elles se sont raffer-
mies, densifiées, voire pétrifiées, toujours à la recherche
d’un idéal partagé pour l’émancipation et l’épanouissement
d’un peuple qui le mérite bien...
Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expres-
sion de ma très haute considération, et de bien vouloir
accepter la sincérité de mes vœux de paix et de santé, à
l’occasion de votre anniversaire...

Yaoundé, le 13 février 2011

professeur titus edzoa


en séquestration politique
au secrétariat d’état
à la Défense Gendarmerie Nationale
à yaoundé
24

« Alors qui m’accuse ? »


Adresse aux magistrats du TGi de Yaoundé
16 décembre 2011

« L’unique Valeur au-dessus des lois, ce ne


sont ni les hommes, ni les institutions, mais la
Vérité... »
L’auteur

mesdames et messieurs,
Honorables membres de la Collégialité,

retrouvailles heureuses après sept mois de séparation.


Séparation volontaire ou involontaire ? Si volontaire, par
qui et pourquoi ? Questions pas du tout d’ordre shakespea-
rien, car les réponses seraient d’une simplicité étonnante.
mais qu’importe !
retenons tout simplement que la séparation a été relati-
vement longue, au risque de me faire oublier les délices
secrets d’un box désormais complice de ma captivité. Un
box, mon ultime tribune, somme toute plus indulgente que
mon sévère cachot, malgré la rudesse de son banc, malgré
l’âpreté des angles de son exiguïté, un box où ma voix,
soutenue par la puissance de la vérité, peut encore se faire
132 méditations de prison

entendre, pour défendre, reconquérir, ressusciter ma liberté


indûment décapitée depuis si longtemps...
mais avant de prendre notre envol, et pour cristalliser
nos retrouvailles tant attendues, Honorables membres de
la Collégialité, qu’il plaise à chacun d’entre vous de bien
vouloir se laisser investir de ma déférence, à laquelle j’as-
socie ma chaleureuse aménité. pour ce que vous êtes, et
pour ce que vous représentez, permettez encore une fois de
plus que je vous honore avec la même courtoisie que je l’ai
fait la dernière fois.
A toutes les autres parties qui nous accompagnent, à ma
gauche, comme à mon extrême-droite (allusion géo-spa-
tiale bien-entendu et pas du tout géopolitique ou idéolo-
gique), je réitère tous mes compliments, que je charge
d’une note vibratoire particulièrement irénique, afin que
nos débats, quelle qu’en soit l’intensité contradictoire, se
déroulent dans la sérénité, la probité intellectuelle et le
respect réciproque des plus absolus.

madame le président,
Honorables membres de la Collégialité,
Il me revient encore aujourd’hui d’écrire avec vous une
nouvelle page de cette interminable saga :
Oui, une interminable saga, véritable épopée, où des
chimères en liasses de millions et de milliards fictifs pour
accusation se seront évertuées à transformer le pou-
voir judiciaire, prestigieuse institution républicaine, en une
prosaïque épicerie, une vulgaire quincaillerie juridiction-
nelle, où comme une marchandise périmée, une denrée
dévaluée, mon destin devait être liquidé à vil prix... pour
l’éternité.
Oui, une interminable saga, véritable légende, où des
fantasmes en bouquets fanés de mensonges flétris par le
temps auront pris en otages les uns et les autres, imposant
sans vergogne leurs obscurs dédales, aux dépens des voies
lumineuses de la vérité...
oui, une véritable saga, véritable tragédie par laquelle,
comme un veau cachectique, exténué par le temps, je
« 14 ANS DE TORTURE, ÇA SUFFIT ! » 133

devais être conduit, la corde au cou, résigné, à l’abattoir


omnivore d’un impitoyable oubli...
Halte-là !, dixit un téméraire citoyen qui passait par là,
comme par hasard...
Le droit est une force, mais toute force n’est pas le
Droit, à moins qu’elle ne se fasse le glaive de la Justice. Le
droit, une fois mis en mouvement, peut devenir une redou-
table puissance, dont la maîtrise requiert beaucoup de
sagesse, de courage et de circonspection. C’est pourquoi,
en redorant les oripeaux froissés de ses vieux passements,
le droit doit reprendre sa place. Humblement, respectueu-
sement, mais résolument, je lui en offre, à travers vous, une
précieuse opportunité. il n’est pas trop tard. Un vieil adage
ne dit-il pas : « Le mensonge a beau faire le tour du monde,
la vérité a tout le temps de lacer ses chaussures ? »...

Honorables membres de la Collégialité,


Qu’il vous plaise donc de bien vouloir m’accompagner
dans ces compartiments et quartiers à venir, à l’aune
desquels je m’en vais dérouler, encore une fois, le ruban si
longtemps camouflé d’un intense, mais ô combien pitto-
resque périple...
notre décor s’articulera en quatre phases :
1) outils de ma défense.
2) armes de ma défense.
3) Cœur nucléaire de l’accusation : à savoir la gestion
du 32e sommet de l’oUa/1996.
4) Conclusion : où je vous réserve d’étonnantes révéla-
tions, après avoir réduit au passage en puériles galéjades
(entendez balivernes de bistrot) ces monstrueuses et falla-
cieuses accusations...

1) outils déclinés en trois volets :


– Le style
– Une métaphore
– Deux références de mes affirmations
Le style : mon style sera particulièrement éclectique,
c’est-à-dire bref et incisif, quelquefois puissant dans ses
134 méditations de prison

détails, évitant au demeurant les évasions et les marécages


éristiques de controverse oiseuse, inutile, susceptible d’of-
fusquer l’accouchement, que je voudrais maïeutique, de la
vérité...
Une métaphore : un mât de cocagne. il vous souvient il
y a environ sept mois, je vous conduisais au sommet de la
partie visible d’un iceberg, pour un rendez-vous avec la
vérité. Ce fut mon bonheur. Je pense, le vôtre aussi.
Aujourd’hui, j’ai choisi l’image d’un mât de cocagne des
kermesses foraines : un poteau planté tout droit en hauteur,
enduit de matière grasse pour le rendre glissant, et au
sommet duquel sont suspendus des présents d’une valeur
certaine. Eh bien, notre mât qui nous concerne aujourd’hui
est haut de quinze mètres, chaque mètre symbolisant une
année de garde à vue ; il est enduit de cambouis (une huile
noire, sale et usée des moteurs et des machines), symboli-
sant l’opprobre poisseux dans lequel a été plongé tout mon
être, corps et âme ; et au sommet duquel est suspendu un
présent d’une valeur inestimable, plus précieux que l’or et
le diamant réunis : j’ai nommé la vérité...
mais pour votre confort durant l’escalade, pour vous
éviter de vous salir de notre cambouis, ce qui serait irrévé-
rencieux de ma part, j’y ai adjoint une large échelle de
quinze larges marches, chacune symbolisant une année de
détention préventive...
Deux références consolidant mes affirmations : je me
présente devant ce prétoire sans document aucun. Ce n’est
point pour frimer en intellectuel dandy ; soixante-six coups
de cloches de mes printemps ont sonné à mon horloge ;
mon âge ne me le permettrait donc pas. C’est pour une
simple et une unique raison : j’ai été privé de ma liberté,
avant qu’aucune accusation n’ait été portée contre moi ! Je
n’ai donc jamais eu l’opportunité de consulter quelque
archive ou document que ce soit. en revanche, ce qui don-
nera plus de puissance et de pertinence à mes références,
ces dernières relèvent, l’une du ministère public lui-même,
l’autre du Cabinet d’instruction Judiciaire de votre tribunal
(Tribunal de Grande Instance). Ces deux documents sont
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 135

d’ailleurs complémentaires et disponibles pour toutes les


parties concernées par le procès...

1) Rapport d’expertise de Monsieur Luc Paul Njock (de


regrettée mémoire) datée de décembre 2004.
2) L’ordonnance de non-lieu partiel du cabinet d’infor-
mation judiciaire (TGI), issue du dossier N° 234/SOG/07/54
du 23 octobre 2008.
Observations : Rapport d’expertise.

A) Les dates

L’expertise a été mise en mouvement le 2 novembre 2004


(avec un délai d’un mois), mais prolongée le 6 décembre
2004 (avec un délai d’un mois supplémentaire) : l’inculpa-
tion ayant eu lieu le 3 juillet 1997, ladite accusation aura
été en incubation insolite pendant sept ans, alors que l’ac-
cusé que je suis se retrouvait en hibernation pendant ce
temps dans un cachot ! Drôle de justice, n’est-ce pas ? On
attend sept ans, pour rechercher la vérité ! ! ! pendant que
l’accusé croupit dans une cellule !
Avril 2008 : date à laquelle le Rapport d’expertise m’est
remis par le Juge d’Instruction, c’est-à-dire quatre ans
après sa mise en mouvement à mon insu, onze ans après
mon inculpation ! Drôle de justice n’est-ce pas ?
14 août 2008 : réquisitoire définitif du Ministère Public
au Juge d’instruction : quatre ans après la mise en mouve-
ment, dans un élan éloquemment élastique. Drôle de jus-
tice, n’est-ce pas ?

B) L’ordonnateur de l’expertise

C’est bien le Magistrat Instructeur, c’est-à-dire le Procu-


reur, le ministère public. Lors de ce procès, nous avons
l’impression qu’il existe deux Ministères Publics, car celui
qui commet l’ordonnance du mandat de l’expertise ne se
136 méditations de prison

retrouve pas en celui qui aujourd’hui en assume le contenu ;


contenu complètement ignoré, et au demeurant par la
chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel...
elle-même aussi.

C) Accusations

C’est dans ce Rapport d’expertise du Magistrat Instruc-


teur que je découvre la précision des accusations qui me
sont reprochées, sans jamais y retrouver quelque plainte
que ce soit ! Le volume 1 du rapport stipule ce qui suit :
attendu que dans le cadre du CopisUpr créé par arrêté
présidentiel n° 142/CaB/8/7/94 les inculpés edzoa titus
et atangana abega michel thierry ont ouvert en marge de
la réglementation sur le finances publiques les comptes ci-
après :
BICIC = Deux comptes.
SCB CL = Un compte.
Que ces comptes ont été crédités de la somme de neuf-
cent-trente-cinq millions sept-cent-cinq mille quatre-vingt-
dix francs CFA (935 705 090 FCFA).
Qu’en outre le compte N° 07720600270 a été ouvert et
géré par les sus nommés dans le cadre de l’organisation du
32e sommet de l’oUa.
Qu’à ce jour, la destination réservée à ces fonds demeure
inconnue (volume 1 p2) fin de citation...
A ces comptes bancaires, j’ajoute celui fictif dont la
création m’est attribuée et la gestion à Monsieur Atangana
Abega Michel Thierry concernant la TSPP (Taxe spéciale
des produits pétroliers).
Il s’agit là d’une choucroute indigeste de comptes
bancaires, dont une clarification exhaustive du Rapport
d’Expertise ordonnée par le Ministère Public lui-même
sera faite, détruisant d’une façon tonitruante cet amalgame
indécent...
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 137

D) Mandat de l’ordonnance

– Exploiter et analyser les chèques, les avis de virement


et les mouvements de comptes.
– déterminer l’origine, le montant et la destination des
fonds.
en conclusion, ce rapport est constitué de sept volumes
dont le volume 1 en est la synthèse et chacun des
six volumes constitue un seul compte bancaire, et dont
j’exploiterai particulièrement deux : le volume 1 et le
volume 7 ; et subsidiairement le volume 2 et le volume 5.

ordonnance de non-lieu du 23 octobre 2008


J’exploiterai essentiellement les pages 5, 6, 7, 8, et à la
carte les pages 45 et 46.

Armes de ma défense :
déclinées en trois volets :

– Le temps.
– La douceur.
– L’infrastructure architecturale de mon argumentaire.

Le temps : S’il n’existait pas, chacun de nous le créerait


pour soi. En ce moment précis, il nous interpelle à travers
cette pensée d’un penseur anonyme, dont je viens partager
volontiers le contenu avec vous : « malgré l’apparente et
déconcertante sévérité de son imperturbable permanence,
le Temps demeure le compagnon le plus fidèle de l’Homme,
dans l’extraordinaire aventure de son existence. » Cette
pensée, je l’ai faite mienne. C’est pourquoi, malgré tant de
jours d’annihilation, tant de semaines d’humiliation, tant
de mois de frustration, tant d’années de menaces et d’har-
cèlement, et chacun de ces instants, éternité truffée de péri-
péties et de subterfuges des plus étonnants, ma patience,
fécondée, structurée et soutenue par le génie secret de mon
138 méditations de prison

temps, m’accompagne encore aujourd’hui devant vous,


revêtue de toute sa dignité, mais sans acrimonie aucune.
Vous en conviendrez avec moi, qu’après quinze ans, cela
ne va pas de soi. d’aucuns ont usé du temps comme une
arme de destruction. J’en use comme une arme de vérité...
La douceur : si vous le permettez, une brève devinette
anecdotique dont je vous révèle la pertinence par ces
trois questions rhétoriques : Que veulent dire : Aksha mala ?
Sebhaa ? Chapelet des chrétiens catholiques ?
eh bien, aksha mala, c’est un mot d’une vieille langue
orientale sacrée dite sanskrit et qui désigne le rosaire des
religions hindouiste ou boudhiste.
– sebhaa, correspondant instrument musulman : le rosaire
musulman.
– Chapelet : constituant le rosaire chrétien catholique.
eh bien, ce sont des instruments sacrés ou consacrés
qui, malgré leur éventuelle et différente interprétation ou
intégration dans des gestes cultuels paradigmatiques préé-
tablis, relèvent assurément de la sphère spirituelle, voire
divine, pour des objectifs d’élévation humaine. Quel n’a
pas été mon ahurissement de découvrir à mes dépens, ex
nihilo, un « rosaire judiciaire » aux allants maléfiques de
détruire, anéantir, déchirer en charpies un honnête et inno-
cent citoyen. Devant ce Tribunal, à défaut de pousser des
cris d’orfraie, par décence je clame avec véhémence :
Horresco referens : c’est-à-dire, en dénonçant cette horreur,
mon être frémit d’effroi. Mais à cette terrifiante violence, à
cette brutalité mortifère, je m’en vais opposer, comme
arme, la douceur ; mais alors une glaciale douceur, à l’ar-
rière-goût aigre-doux, aigre comme le plus acide des vinai-
gres ; doux, suave, melliflue comme la plus royale des
gelées royales, mystérieuse et miraculeuse ambroisie, dont
seules ont le privilège de se nourrir des reines des abeilles.
De cette particulière douceur jaillira non seulement
l’étincelle, mais le tonnerre de la vérité...
L’infrastructure architecturale de mon argumentaire :
socle que je bâtis ferme comme le roc, dur comme du gra-
nit, échafaudé qu’il est sur quatre supports que voici :
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 139

Un aphorisme : (d’un sage magistrat de l’antiquité


romaine) « justitia sui generis ad hominem » (justice d’un
genre insolite, orientée contre la personne même de l’ad-
versaire)...
de toutes les irrégularités insolites de ce procès depuis
quinze ans, j’en relève à ce point une des plus essentielles,
en référence à l’article 157 du code pénal : « Toute personne
qui se prétend lésée par un crime ou par un délit, peut, en
portant plainte, se constituer partie civile devant le Juge
d’instruction compétent. La plainte avec constitution de la
partie civile met en mouvement le ministère public ».

Alors qui m’accuse ?


Est-ce une déclaration orale ou écrite d’un tiers ?
Est-ce un plaignant lésé par mon crime ou mon délit ?
est-ce un procès-verbal d’une administration compé-
tente ?
eh bien, ni les uns, ni les autres ! L’accusateur est-il une
comète, ou un Ovni (objet volant non identifié) ?
Toute cette affaire est une grosse arnaque juridique, et
la non-existence d’une plainte est un vice rédhibitoire ! Le
tribunal statuera.
Encore un aphorisme (d’un sage, savant et philosophe
plus contemporain, albert einstein) : « tout ce qui compte
n’est pas toujours compté et tout ce qui est compté n’est
pas toujours ce qui compte. »
L’événement du 32e sommet de l’oUa a été un succès
éclatant sur tous les plans ; j’en étais le principal organisa-
teur ; mais cela n’a jamais été relevé. Comme trophée, je
me retrouve devant le tribunal. Bravo la justice camerou-
naise !

Caisse d’avance

Créée par arrêté n° 00167/minFi/B4 du ministre des


Finances le 4 juin 1996 et non le 4 juin 1995 comme le
stipule l’accusation en vue de construire et justifier le faux
140 méditations de prison

canevas de l’inculpation. La date du 4 juin 1996 est confir-


mée par le Rapport de l’Expertise au volume 7, annexe 2,
p. 2.
Le compte sCB CL n° 31904308-3716-r, le « Corpus
delicti » (Corps du délit) ouvert par mes soins le 14 sep-
tembre 1995, avec l’indication : « oUa/96 et infrastruc-
tures routières. »
pour cela, pressenti d’être cogéré avec le président du
CopisUpr, monsieur atangana abega michel thierry.
Mais il ne le sera pas pour des raisons à préciser plus tard,
ce compte bancaire est le seul qui concerne l’oUa 96 et
qui recevra les fonds de la Caisse d’avance, devenant ainsi
un compte de l’état, géré selon la réglementation des
finances publiques, comme démontré par la suite. La Caisse
d’avance et le compte n° 319043083716-r auront été en
collision au départ, mais à l’arrivée ils s’allieront en collu-
sion, une symbiose d’où jaillira la vérité...

Le cœur nucléaire de l’accusation

Gestion du 32e sommet/oUa 96 en trois volets :

1) Historicité et dimension plurielle de l’événement.


il s’agit bien du 32e sommet des Chefs d’états de
l’oUa, mais aussi de la 64e session ordinaire des ministres
qui le précède et le prépare : du 1er au 3 juillet : 64e session
des ministres.
Du 4 au 6 juillet : 32e sommet des chefs d’états.
Cet événement avait une dimension plurielle : une dimen-
sion nationale, régionale, intercontinentale, internationale...
Affirmation de la souveraineté, du rayonnement et du
prestige de la nation.
Le Chef de l’état organisateur devient le président en
exercice de l’OUA à l’issue du Sommet.
dimension économique : dans le cadre du programme
d’ajustement structurel (PAS), des difficultés économiques
dues à la férule des Bailleurs de fonds (FMI, BM...), dictée
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 141

par le « Consensus de Washington ». malgré cela, au


31e Sommet à Addis-Abeba du 13 au 15 juin 1994, le
Cameroun signera l’accord pour organiser le prochain
sommet à yaoundé. C’est une victoire, un triomphe diplo-
matique et politique notoire !
Création de l’instrument ou organe réglementaire : par
décret présidentiel n° 95/084/4/5/95, dont voici une brève
lecture : volume 7, article 1, 2, 3, ordonnance de non-lieu
partiel, p. 5 et 6.

Le CNO : Comité national d’organisation : (dix membres


et (x) consultants.
président : Le sG/prC
Vice-président : Le ministre des Relations extérieures
Les huit membres, dont les quatre premiers sont par
ordre alphabétique : ministre de la Communication ou son
représentant, ministre de la défense ou son représentant,
ministre de l’économie et des Finances ou son représen-
tant, ministre de la santé publique ou son représentant,
etc.
nB : Le ministre de l’économie et des Finances ou son
représentant ne peut avoir aucune ascendance par rapport
aux autres membres du Comité National d’organisation
(Cno), encore moins sur son président, le sG/prC.
Le Comité national d’organisation (Cno), chargé de la
mise en œuvre de l’accord signé entre l’oUa et le Gouver-
nement Camerounais pour l’organisation du 32e sommet,
devait concevoir « l’organisation et la coordination de
toutes les activités nécessaires à la préparation et au bon
déroulement de ces assises ». L’article 8 disposait que les
frais d’organisation du 32e sommet et de la 64e session
ordinaire des ministres ainsi que le fonctionnement du
Cno étaient pris en charge par le budget de l’état. Je
démontrerai par la suite que « qui peut le plus, peut le
moins. »
142 méditations de prison

Financement

Chronologie : retenir deux objectifs : aucun budget de


l’état n’a été disponible. Lors de la rencontre du sG/prC
président du Comité national d’organisation avec les direc-
teurs généraux des sociétés d’État, le budget de l’OUA/96
n’était pas encore arrêté.
– 11-13 juin 1994 : accord entre l’OUA et le Cameroun
pour l’organisation du sommet du 1er au 6 juillet 1996.
– 4 mai 1995 : décret présidentiel n° 95/084 créant le
Comité national d’organisation. Par le jeu des dates des
budgets de l’état en cette date, courant du 1er juillet de
l’année en cours au 30 juin de l’année successive.
1993-1994 = 0 FCFA
1994-1995 = 0 FCFA
1995-1996 = 0 FCFA
– 4 juin 1995 : fausse date de création de la caisse
d’avance, se référant au volume 7, p. 2, annexe 2 de l’or-
donnance de renvoi. La vraie date, c’est 4 juin 1996.
– Fin août 1995 : visite du secrétaire général de l’oUa,
salim ahmed salim au sG/prC, président du Comité
national d’organisation (Cno).
– début septembre 1995 : rencontre avec les directeurs
généraux de sociétés dans mon bureau.
– 14 septembre 1995 : création du compte bancaire
sCB/CL n° 31-904308-3716-r. La désignation du compte
est : oUa/96 et infrastructures routières. raison pour
laquelle le président du CopisUpr, dont la structure sous-
tutelle du SG/PRC, avait déjà initié les études des différents
projets (autoroute yaoundé-Nsimalen, périphérique yaoundé,
voiries urbaines Yaoundé, etc.).
– 29 septembre 1995 : pendant que j’étais en mission à
l’étranger, une circulaire du ministre de l’économie et des
Finances(mineFi), proscrivant le déblocage des éventuels
fonds des Directeurs généraux.
nB : Une circulaire d’un ministre ne peut abolir les
prérogatives d’un décret présidentiel.
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 143

3 juin 1996 : réunion à la Présidence de la République


présidée par le président de la république. C’est au cours
de cette réunion que le président de la république a décidé
du montant du budget « ad hoc » du 32e sommet oUa/96
d’un montant de neuf milliards avec un montant de la
caisse d’avance/secrétariat général de la présidence de la
république de neuf-cent-trente-cinq millions neuf-cent-
vingt-mille (935 920 000) francs CFa.
– 4 juin 1996 : attribution formelle, avec création de la
caisse d’avance du secrétariat général de la présidence de
la république, avec comme gestionnaire, le secrétaire
général de la présidence de la république, et comme régis-
seur, monsieur Jean Jacques massot priso, daG du secré-
tariat Général de la présidence de la république.
– 11 juin 1996 : déblocage de la première tranche de
cinq-cent millions (500 000 000) de francs CFa de la caisse
d’avance. (Une petite anecdote pour détendre l’atmosphère
dans la salle. Je suis informé par ma secrétaire d’une visite
de mon directeur des affaires générales (daG) accom-
pagné de deux agents du Trésor du MINEFI que j’accepte
de recevoir tout de suite. tous en sueur, ils déposèrent dans
mon bureau d’énormes sacs « mbanjock » bourrés d’ar-
gent. Tout surpris, je demandai à ma secrétaire d’appeler le
Directeur général de SCB/CL, pour qu’il mette à ma dispo-
sition tout de suite deux de ses agents. Avec les deux agents
qui accompagnaient mon daG, ils comptèrent les fonds
toute la soirée et le même jour ces fonds furent déposés sur
le compte sCB/CL: 31-904308-3716-r).
– 17 juin 1996 : déblocage de la deuxième tranche par
un chèque du trésorier payeur Général (tpG) de Yaoundé,
compte mineFi de la BeaC du montant restant : quatre-
cent-trente-cinq millions neuf-cent-vingt mille (435 920 000)
francs CFa.
– 20 juin 1996 : l’encaisse globale autorisée par la caisse
d’avance est totalement disponible. L’événement devant
avoir lieu du 1er au 6 juillet 1996, c’est seulement dix jours
avant son démarrage que les fonds ont été disponibles.
144 méditations de prison

3 juillet 1996 : chèque d’un montant de onze millions


cinq-cent-soixante-huit mille sept-cent-quatre-vingt-dix-
neuf (11 568 799) francs CFa, don de l’ambassade du
Japon, de provenance d’une banque japonaise obtenu par
ma propre initiative. Le compte sCB/CL sera crédité, au
lieu de neuf-cent-trente-cinq millions-neuf-cent-vingt mille
(935 920 000) francs CFa plutôt de neuf-cent-quarante-
sept millions quatre-cent-quatre-vingt-huit-mille-sept-cent-
dix-neuf (947 488 719) francs CFA.
Origine des fonds : Une société de la place dont je tais
le nom par droit et devoir de réserve. C’est la solution que
j’avais préconisée mais en dimension réduite.
Gestion : Qui a géré les fonds ? Le compte SCB /CL
n° 31-904308-3716-r étant crédité des fonds de la caisse
d’avance, la gestion sera faite par le gestionnaire de la
caisse d’avance, le secrétaire Général de la présidence de
la république et son régisseur, le directeur des affaires
Générales de la présidence de la république (daG/prC),
monsieur Jean -Jacques massot priso.
NB : Monsieur Atangana n’a jamais signé aucun chèque
de ce compte et, par conséquent, il n’a rien à voir avec sa
gestion.
Comment le compte a-t-il été géré ? Bien. il y a eu
quatre quitus : du Contrôleur Financier (deux jours seule-
ment après le Sommet de l’OUA). Ce qui était déjà suspect,
du Juge d’Instruction, de l’Expert commis par le Magistrat
instructeur, du ministère public lui-même...
nB : Concernant le ministère public qui a donné le
quitus de la gestion de ce compte par un réquisitoire défi-
nitif du 14 août 2008, il doit annuler l’accusation de
« tentative de détournement de cinquante-neuf milliards
(59 000 000 000) de francs CFa, pour avoir annulé l’accusa-
tion de neuf-cent-quarante-sept millions quatre-cent-quatre-
vingt-huit mille sept-cent-dix-neuf (947 488 719) francs
CFA. Autrement ce serait un oxymore juridique désobli-
geant, car « sublata causa, tollitur effectus », pour une
cause annulée, ses effets s’estompent automatiquement...
en effet, l’ouverture du compte constitue le corps du délit ;
« ALORS QUI M’ACCUSE ? » 145

à savoir la cause de l’inculpation ; le détournement et la


tentative de détournement, les deux effets... Un effet ne
peut être annulé sans entraîner l’autre !

Conclusion

madame le président,
Honorables membres de la Collégialité,
Voilà le détourneur inculpé de détournement et de tenta-
tive de détournement de fonds publics, qui, non seulement
gère avec rigueur les fonds publics, mais enrichit en plus
l’état de sa propre initiative de onze millions cinq-cent-
soixante-huit mille sept-cent-dix-neuf (11 568 719) francs
CFa.
Est-il ce mérite qui m’amène devant vous ? A moins que
ce ne soit l’application de la « Jiustizia sui generis ad
hominem ? ». Et je viens de vous démontrer par le deu-
xième support de mes armes : « Tout ce qui compte n’est
pas toujours compté et tout ce qui est compté n’est pas
toujours ce qui compte ». Mais lorsqu’il m’a été demandé
de compter, je l’ai fait dans le respect scrupuleux de la
réglementation en vigueur sur les Finances publiques...
Et avant de clôturer ma déclaration, je vous prie, Hono-
rables membres de la Collégialité, de partager avec moi
cette pensée : « L’unique Valeur au-dessus des lois, ce ne
sont ni les hommes, ni les institutions, mais la Vérité... »
Je vous remercie de m’avoir entendu avec autant de
bienveillance et d’attention...

professeur titus edzoa,


tGi (tribunal de Grande instance) de Yaoundé,
16 décembre 2011.
25

Le temps

« Le temps n’est pas ce qu’il semble être. il


ne s’écoule pas simplement dans une direction,
et le futur existe simultanément avec le passé ».
albert einstein

« Dix, vingt, trente ans, à perpétuité » ! Coups de ton-


nerre, coups de poignard, encaissés dans une religieuse
résignation par le prévenu désormais taulard, défait dans
un combat inique, où il n’a même plus de larmes pour
pleurer. Le magistrat, alias Guillotin, de son imperium
perché, glacial et martial, guillotine la vie. Fier d’être deux
fois apôtre, celui du Dieu tout puissant de là-haut, et celui
du dieu tout puissant d’ici-bas, depuis ses athanors et alam-
bics d’une pseudoscience, il accouche d’une sentence
alchimique.
d’homme libre, de prévenu il y a un instant, par des
formules magiques, bagnard il devient et à jamais, car, dès
lors, même après sa définitive libération, il doit vêtir la
camisole bigarrée de souillure, jusqu’à son dernier souffle.
en un instant sa conscience se brouille, le passé s’efface,
l’avenir s’anéantit... il est, il devient l’instant. L’instant !
Qui s’hypertrophie, immense dans son expansion. L’ins-
tant, le temps ! enigme des énigmes !... J’ai essayé de com-
prendre, plongeant dans le silence de mon être, emporté
dans la nuit des temps...
148 méditations de prison

« Ô temps, gardien sublime de l’éternité !


Hier, aujourd’hui, demain,
tu as été, tu es, tu seras
Le vigile sacré de l’Univers
Toujours égal à toi-même !
Ô temps, je brûle, je brûle
de découvrir le secret de ton imperturbabilité,
permanence des permanences... »

Et encore, et toujours le temps... je t’interpelle :

« Humide comme la terre,


Froid comme la glace,
Brûlant comme le feu,
éthéré comme le vent,
Ô temps, qui es-tu ?
Compressible dans une fraction de tierce,
Comme dans une fraction de seconde,
Tu connais l’expansion en éons,
autant qu’en années-lumière.
imperturbable comme fugace,
tu es l’instant,
devenant en permanence le passé,
après avoir été un brin le futur.
et lorsque dans tes fonctions triviales humaines,
tu décides de devenir le miroir de toi-même,
tu t’inscris
en éternité...
Ô temps, que me cacherais-tu donc ?
Ou mieux, que me révèlerais-tu ?
Mes limites ? Certainement !
Mon infinitude ? Assurément aussi ! ! ! »

Et je crois percevoir que le présent est ce mouvement


aussi éternel qu’insaisissable, par lequel inexorablement le
futur en un instant devient le passé...
L’instant ! Je n’ai pas conscience de l’instant que je suis
(être !), ni de l’instant où je suis. Il est fugace en perma-
nence. Je ne maîtrise pas ce qui le précède, ni ce qui le
suit ; il m’échappe, aussi désarmé que je suis. Enigme des
Le temps 149

énigmes ! son contenu secret et hermétique fait vaciller


mon moi : il est fuyant, insaisissable comme le vent, fluide
comme de l’eau, éthéré comme le feu.
En silence, je m’y engouffre, le temps d’un instant ; il
me réveille de ma profonde torpeur. Je m’évertue à l’ha-
biller de mes pensées dérisoires, de mes propres limites ; il
m’entraîne sur son chemin, laissant défiler pour le cons-
truire, mon passé, et inexorablement pour l’avaler, mon
devenir d’il y a quelques instants et désormais disparu.
Cet instant, l’instant, induit en moi une illusion salu-
taire : il est, il devient, il perdure ; il n’est plus, alors qu’il
est toujours ; il se contracte, se concentre en un point, le
point où tout se fond sans pour autant se confondre. Il
m’entraîne dans son sein, dans cet épicentre lumineux et
obscur à la fois, l’origine de tout et le devenir de tout. Mon
âme, de par ma conscience, se fond en lui, découvrant le...
Sublime ?, comme une goutte d’eau, consciente d’elle-
même, dans l’océan universel...
L’instant, c’est cette porte étroite et mystérieuse qui
s’ouvre vers l’immensité infinie de l’éternité ! Le temps est
en définitive ce gratuit présent, attribut illusoire, mais ô
combien nécessaire, de ma conscience limitée. Le temps !
il m’aura accompagné, concédé, patient et indulgent de
mon impatience, de mes doutes, tout le long de ma capti-
vité, ouvrant ainsi grande la porte de l’infini à la fragilité
de ma témérité.
Au Temps, avec toute ma gratitude, à ce vigile compa-
gnon, au maître le plus patient de tous les temps : j’ai confié
tout mon temps !
26

Yaoundé,
mon amie, malgré tout...

« Ut fata trahunt »
(comme les destins nous conduisent).
Virgile

« Yaoundé !
Ville lumineuse,
malgré ta robe terne de poussière rouge ;
Ville généreuse de tradition,
malgré tes ruelles étroites, sinueuses et défoncées.

Yaoundé !
Ville aux sept collines verdoyantes et mystérieuses !
Ville charmante et chaleureuse,
à laquelle j’ai tant donné :
mes amours, mes passions, ma vie !

Yaoundé !
“Ville cruelle” !
Tu as confisqué ma liberté, tu m’as trahi !
Mais yaoundé, je ne puis te haïr.
à travers toi, j’ai aimé mon pays,
à travers mon pays, l’afrique ;
à travers l’afrique, l’Humanité tout entière.
Yaoundé ! mon amie !
152 méditations de prison

Malgré tout, tu demeures mon jaloux refuge...


avec tout mon attachement et ma sincère reconnais-
sance ! »

en ce moment, ma pensée triste et engourdie s’envole


tout de même vers tous ces exilés et apatrides de l’Huma-
nité, chassés de leurs pays, sans plus de repères, pour des
raisons futiles d’intolérance et d’égotisme, qui interdisent
la convivialité, le partage, dans la paix et le respect réci-
proque. Vis-à-vis d’eux, mon bien aride cachot aux cou-
leurs nationales quelque part me culpabilise...
meurtris avec le temps, ces apatrides, oubliés des leurs,
encaissent leur infortune dans l’humiliation, le rejet, voire
le dédain de leurs bienfaiteurs d’hier ; ainsi expérimen-
tent-ils l’un des malheurs les plus terribles de l’Humanité :
se savoir réifié, renié et oublié ! Quelle hideur !
et pourtant, notre belle et généreuse planète ne saurait
appartenir à personne. Elle est essentiellement hospitalière,
pour offrir à chacun de ses locataires, l’opportunité de s’ac-
complir, à travers de multiples et exaltantes expériences
dont elle est la matrice et la gardienne, au-delà des races,
des tribus, des couleurs, des religions, des sexes, des fron-
tières... et des opinions !
Puissent tous ces conflits déflagrants qui détruisent
l’Humanité, un jour se transformer en conflux, où la paix,
l’épanouissement et la fraternité expriment la véritable
essence de l’espèce humaine ! ! !
épiLoGUe

Toi et moi...
vers la liberté !

« acta est fabula »


(La pièce est jouée).
auguste César

au terme de cet intense voyage « sui generis », partagé


en toute amitié, il faut bien se séparer. d’une aventure
personnelle particulière, je me suis fait accompagner par
chacun de vous, domptant ainsi ma solitude, dans un
monde impersonnel peut-être insolite d’espaces les plus
inattendus. Certaines de mes convictions ont peut-être
heurté ; si ce fut le cas, telle n’était point mon intention : les
contingences de la liberté dissimulent toujours leurs exi-
gences. et puis l’important, n’était-ce pas de partager
ensemble ce qui pouvait l’être ? Non seulement de l’amer-
tume, de la tristesse, de la souffrance, de la torture, du har-
cèlement..., mais aussi de l’amitié, de l’amour, de la justice,
de l’espérance, de la liberté, de la vie, du bonheur ?...
Toutes les expériences vécues, quelque futiles ou drama-
tiques qu’elles paraissent, s’avèrent des nécessités pour
connaître et se connaître, se retrouver soi-même, en même
temps que l’on découvre l’autre, et à travers l’autre, l’hu-
manité et l’univers. N’est-ce pas merveilleux ?
154 méditations de prison

La barrière, votre barrière, naguère si hermétique entre


moi, nous les taulards et vous « autres », érigée d’une façon
arbitraire et condescendante, s’est écroulée d’elle-même,
ouvrant grandes les portes de l’immensité intérieure de
l’âme humaine, où le jardin édénique hérité et en perma-
nence fleuri, attend imperturbable, de couvrir de ses fleurs
l’Homme angoissé, désemparé, épuisé de tous ces combats
quotidiens sans fin. Le chemin est certes étroit et sinueux,
la colline à conquérir, abrupte ; mais du promontoire au
terme de l’escalade, la liberté attend toujours, pour signi-
fier qu’elle n’a jamais été perdue...
Pour clore mon monologue, je viens vous révéler un der-
nier écho de mes multiples silences, et vous charger d’une
mission secrète auprès du soleil, symbole de la liberté !
Depuis de nombreuses années, j’ai été abusivement sevré de
son aurore ! J’en ai tellement la nostalgie, que je vous prie de
bien vouloir, en attendant, chère amie lectrice, cher ami
lecteur, vous faire mon héraut auprès de lui par ce message :

« Ô soleil, mystérieuse boule de feu !


Chaque matin, elle te précède ta lueur blafarde,
Avant de révéler avec majesté la lente éclosion
De tes rayons victorieux de la nuit obscure,
sur toute la surface de notre mère la terre.

Ô soleil, puissante boule de lumière !


ta robe dorée de rouge orange,
par sa chaleur protectrice, le tournesol sait dompter,
Les roses fleurir, et des syrinx d’oiseaux l’harmonie
céleste amplifier.
Ô lumière des lumières, par ta vie, tout vit de toi !

Ô soleil, éternelle boule de vie !


Un matin, les bras tendus vers toi, je rêve déjà !
Comme osiris, mon âme est assoiffée d’être envahie
par une seule étincelle de ton sein ardent.
Ce matin-là, j’en suis sûr, j’honorerai dans la splen-
deur mon rendez-vous avec toi.
Enfin, aurore dorée, aurore sacrée, j’ai soif de toi !
toi et moi... Vers La LiBerté ! 155

Ô soleil, boule de feu, de lumière et de vie !


demain, avant de te lever, par amour,
Un seul instant, suspends ta course, mon costume est
prêt
Pour notre rendez-vous tant attendu, mais jamais
oublié :
toi et moi, vers la liberté ! ! ! »

Eh bien, voilà que mes silences vont bientôt s’éteindre


et de nouveau se taire, refermant ainsi la parenthèse de
notre intense partage ! Leurs échos, en toute intimité, vous
ont fait découvrir tantôt la chaleur, tantôt la froideur des
murs de mon austère cachot ; mais aussi ils vous ont
entraînés par l’envol audacieux de mes pensées, dans un
univers insolite et vertigineux de mon infini. Permettez que
j’en referme discrètement le portail, certain qu’une clé en or
viendra définitivement le réouvrir bientôt, cette fois-ci avec
beaucoup de douceur et de délicatesse... pour des retrou-
vailles tant attendues... dans la splendeur de la Liberté...
Table des matières

remerciements............................................................ 7
préface......................................................................... 9
avant-propos............................................................... 11
prologue. L’onde de choc ! (20 avril 1997)................. 15
1. mon rubicon ....................................................... 19
2. Première lettre à la nation................................... 21
3. Une nuit particulière........................................... 25
4. La prison, ma prison........................................... 27
5. Le silence brisé de mes nuits.............................. 29
6. La torture ............................................................ 33
7. Le Gendarme ...................................................... 39
8. La justice ............................................................ 41
9. La politique......................................................... 47
10. Le silence............................................................ 53
11. Le mysticisme : occultisme ou sorcellerie ?........ 57
12. Le mysticisme dans son authenticité .................. 61
13. Les mystères des nombres.................................. 67
14. Le nombre d’or................................................... 77
158 méditations de prison

15. Le destin ............................................................. 83


16. La vie et la mort.................................................. 87
17. L’argent et le bonheur......................................... 93
18. L’amour .............................................................. 99
19. « dieu » .............................................................. 105
20. miscellanées ....................................................... 111
21. épiphanie d’un visage ........................................ 115
22. Deuxième et dernière lettre à la nation............... 119
23. « 14 ans de torture, ça suffit ! »........................... 127
24. « Alors qui m’accuse ? »..................................... 131
25. Le temps ............................................................. 147
26. Yaoundé, mon amie, malgré tout........................ 151

épilogue. toi et moi... vers la liberté ! ........................ 153


ÉDITIONS KARTHALA

Collection Méridiens

L’Afrique du Sud, Georges Lory


L’Argentine, Odina Sturzenegger-Benoist
Le Bénin, Philippe David
La Biélorussie, Philippe Marchesin
La Bolivie, Christian Rudel
Le Botswana, Marie Lory
Le Burkina Faso, Frédéric Lejeal
Le Cambodge, Soizick Crochet
Le Chili, Christian Rudel
Le Costa Rica, Christian Rudel
La Côte d’Ivoire, Philippe David
Cuba, Maryse Roux
Djibouti, André Laudouze
Les Émirats arabes unis, Frauke Heard-Bey
L’Équateur, Christian Rudel
Le Groenland, Jacqueline Thevenet
La Guinée, Muriel Devey
Hawaii, Alain Ricard
L’Indonésie, Robert Aarsse
L’Irak, Pierre Pinta
La Libye, Pierre Pinta
Malte, Marie Lory
La Mauritanie, Muriel Devey
Mayotte, Guy Fontaine
Le Mexique, Christian Rudel
La Mongolie, Jacqueline Thevenet
Le Mozambique, Daniel Jouanneau
La Nouvelle-Calédonie, Antonio Ralluy
Le Portugal, Christian Rudel
La Roumanie, Mihaï E. Serban
São Tomé et Príncipe, Dominique Gallet
Les Seychelles, Jean-Louis Guébourg
La Turquie, Jane Hervé
Collection Les Afriques

Afrique est-elle protectionniste ? (L’), Hibou B.


Afrique et le monde des esprits (L’), Haar G. ter
Ajustement structurel en Afrique (L’), Duruflé G.
Algérie par ses islamistes (L’), Al-Ahnaf M., Botiveau B. et Fregosi F.
Angola postcolonial (2 tomes), Messiant Ch.
Assassinat de Lumumba (L’), De Witte L.
Cause des armes au Mozambique (La), Geffray C.
Chemins de la guerre et de la paix (Les), Marchal R. et Messiant C.
Commerce frontalier en Afrique centrale (Le), Benafla K.
Côte d’Ivoire, l’année terrible, Vidal C.
Démocraties ambiguës en Afrique centrale, Bernault F.
Économie camerounaise (L’), Aerts J.J., Cogneau D.
Économie sud-africaine au sortir de l’apartheid (L’), Cling J.-P.
Effervescence religieuse (L’), Seraphin Gilles
Énergie sociale à Abidjan (L’), Le Pape M.
Esprit d’entreprise au Cameroun (L’), Warnier J.-P.
Faire fortune en Afrique, Rubbers B.
Impossible retour (L’), Walker Clarence E.
Improvisation économique en Afrique de l’Ouest (L’), Nubukpo K.
Isolément global. La modernité du village au Togo, Piot Ch.
Longue marche de la modernité africaine (La), Copans J.
Mort de Diallo Telli (La), Diallo A.
Odyssée Kabila (L’). Trajectoire pour un Congo nouveau ?, Willame J.-C.
Patrice Lumumba. La crise congolaise revisitée, Willame J.-C.
Pauvreté au Sahel (La), Bonnecase V.
Peuple du fleuve (Le), Bureau R.
Police morale de l’anticorruption (La), Vallée O.
Politique par le bas (Le), Bayart J.-F., Mbembé A. et Toulabor C.
Prophète de la lagune (Le). Les harristes de Côte-d’Ivoire, Bureau R.
Religion de la vie quot. chez des Marocains musulmans, Ferrié J.-N.
Sahel au XXIe siècle (Le), Giri J.
Sénégal sous Abdou Diouf (Le), Diop M.-C. et Diouf M.
Sociologie des passions (Côte-d’Ivoire et Rwanda), Vidal C.
Sorcellerie et politique, Geschiere Peter
Togo sous Eyadéma (Le), Toulabor C. M.
Collection Les terrains du siècle

Au Cameroun de Paul Biya, Pigeaud F.


Biodiversité et développement durable, Guillaud Y.
Chrétiens dans la mouvance altermondialiste (Les), Grannec Ch.
Clefs de la crise ivoirienne (Les), Dozon J.-P.
Coupeurs de route (Les), Issa Saïbou
Cybercafés de Bamako, Steiner B.
Défi des territoires (Le). Comment dépasser les disparités spatiales
en Afrique de l’Ouest et du Centre, Alvergne C.
Élections générales de 2007 au Kenya (Les), Lafargue J. (dir.)
Enjeux urbains et développement territorial en Afrique contemporaine,
Diop A.
Entre délocalisations et relocalisations, Mercier-Suissa C.
Implanter le capitalisme en Afrique, Godong S.
Islam et démocratie dans l’enseignement en Jordanie, Nasr M.
Islam, nouvel espace public en Afrique (L’), Holder G. (éd.)
Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu. Au cœur de la guerre
congolaise, Scott S. A.
Leçons de la crise ivoirienne, Dozon J.-P.
Le Hamas et l’édification de l’État palestinien, Danino O.
Luttes autochtones, trajectoires postcoloniales (Amériques, Pacifique),
Bosa B. et Wittersheim É. (dir.)
Métamorphoses du Hezbollah (Les), Samaan J.-L.
Niger 2005. Une catastrophe si naturelle, Crombé X. et Jézéquel J.-H. (dir.)
Paradoxes de l’économie informelle (Les), Fontaine L. et Weber F.
Retour de l’esclavage au XXIe siècle (Le), Deveau J.-M.
Réveils amérindiens. Du Mexique à la Patagonie, Rudel C.
Soins de santé et pratiques culturelles, Bellas Cabane C. (dir.)
Un autre monde à Nairobi. Le Forum social mondial 2007 entre extra-
versions et causes africaines, Pommerolle M.-E. et Siméant J. (dir.)
Violences sexuelles et l’État au Cameroun (Les), Abega S. C.
Collection Recherches internationales

Adieu aux armes ? (L’), Nathalie Duclos


A la recherche de la démocratie, Javier Santiso (dir.)
Ambedkar !, Guy Poitevin
Après la crise... Les économies asiatiques face aux défis de la
mondialisation, J.-M. Bouissou, D. Hochraich et Ch. Milelli (dir.)
Architecture, pouvoir et dissidence au Cameroun, D. Malaquais
Aux origines du nationalisme albanais, Nathalie Clayer
Chine vers l’économie de marché (La), Antoine Kernen
Clubs politiques et perestroïka en Russie, Carole Sigman
Contenus et limites de la gouvernance, Guy Hermet (dir.)
Démocratie à pas de caméléon (La), Richard Banégas
Démocratie et fédéralisme au Mexique (1989-2000), Magali Modoux
Démocratie mexicaine en terres indiennes (La), David Recondo
État colonial, noblesse et nationalisme à Java, Romain Bertrand
Faire parti. Trajectoires de la gauche au Mexique, Hélène Combes
Gouvernance (La), Guy Hermet
Guerres et sociétés. États et violence après la Guerre froide,
Pierre Hassner et Roland Marchal (éd.)
Identité en jeux (L’), Denis-Constant Martin (dir.)
Indonésie : la démocratie invisible, Romain Bertrand
Internet et politique en Chine, Séverine Arsène
Mafia, justice et politique en Italie, Jean-Louis Briquet
Matière à politique, Jean-François Bayart
Milieux criminels et pouvoir politique, Jean-Louis Briquet (dir.)
Penser avec Michel Foucault, Marie-Christine Granjon
Politique de Babel (La), Denis Lacorne et Tony Judt (éd.)
Régner au Cameroun, Jean-Pierre Warnier
Sécurité privée en Argentine (La), Federico Lorenc Valcarce
Sur la piste des OPNI, Denis-Constant Martin (dir.)
Trajectoires chinoises. Taiwan, Hong Kong et Pékin, F. Mengin
Une mairie dans la France coloniale, Benoît Trépied
Vie quotidienne et pouvoir sous le communisme, Nadège Ragaru
et Antonela Capelle-Pogăcean (dir.)
Voyages du développement, Jean-François Bayart (dir.)
Collection Études littéraires

Aux sources du roman colonial, Seillan J.-M.


Coran et Tradition islamique dans la littérature maghrébine, Bourget C.
Culture française vue d’ici et d’ailleurs (La), Spear T. C. (éd.)
De la Guyane à la diaspora africaine, Martin F. et Favre I.
De la littérature coloniale à la littérature africaine, János Riesz
Dictionnaire littéraire des femmes de langue française, Mackward C. P.
Discours de voyages : Afrique-Antilles (Les), Fonkoua R. (éd.)
Dynamiques culturelles dans la Caraïbe, Maximin C.
Écrivain antillais au miroir de sa littérature (L’), Moudileno L.
Écrivain francophone à la croisée des langues (L’), Gauvin L. (éd.)
Écrivains afro-antillais à Paris – 1920-1960 (Les), Malela B.
Édouard Glissant : un « traité du déparler », Chancé D.
Esclave fugitif dans la littérature antillaise (L’), Rochmann M.-C.
Essais sur les cultures en contact, Mudimbe-Boyi E.
Francophonie et identités culturelles, Albert C. (dir.)
Habib Tengour ou l’ancre et la vague, Yelles M. (éd.)
Histoire de la littérature négro-africaine, Kesteloot L.
Imaginaire d’Ahmadou Kourouma (L’), Ouédraogo J. (dir.)
Imaginaire de l’archipel (L’), Voisset G. (éd.)
Insularité et littérature aux îles du Cap-Vert, Veiga M. (dir.)
Itinéraires intellectuels, Chaulet Achour Ch. (dir.)
Littérature africaine et sa critique (La), Mateso L.
Littérature africaine moderne au sud du Sahara (La), Coussy D.
Littérature et identité créole aux Antilles, Rosello M.
Littérature franco-antillaise (La), Antoine R.
Littérature ivoirienne (La), Gnaoulé-Oupoh B.
Littératures caribéennes comparées, Maximin C.
Littératures d’Afrique noire, Ricard A.
Littératures de la péninsule indochinoise, Hue B. (dir.)
Le métissage dans la littérature des Antilles fr., Maignan-Claverie Ch.
Maryse Condé, rébellion et transgressions, Carruggi N. (dir.)
Mouloud Feraoun, Elbaz R. et Mathieu-Job M.
Nadine Gordimer, Brahimi D.
Parades postcoloniales, Moudileno L.
Poétique baroque de la Caraïbe, Chancé D.
Roman ouest-africain de langue française (Le), Gandonou A.
Trilogie caribéenne de Daniel Maximin (La), Chaulet-Achour C.
Collection Contes et légendes

Au pays des initiés, Gabriel E. Mfomo


Chant des Bushmen Xam (Le), Stephen Watson
Contes animaux du pays mafa, Godula Kosack
Contes arabes de Tiaret (Algérie), Abdelkader Belarbi
Contes diaboliques d’Haïti, Mimi Barthélemy
Contes, fables et récits du Sénégal, Lilyan Kesteloot
Contes des gens de la montagne (Cameroun), L. Sorin-Barreteau
Contes haoussa du Niger, Jacques Pucheu
Contes igbo de la Tortue, Françoise Ugochukwu
Contes et légendes du Bénin, Mémoires d’Afrique
Contes et légendes fang du Gabon (1905), H. Trilles
Contes et légendes touaregs du Niger, L. Rivaillé et P.M. Decoudras
Contes moundang du Tchad, Madi Tchazabé Louafaya
Contes mystérieux du pays mafa, Godula Kosack
Contes du nord de la Guinée, Gérard Meyer
Contes du pays badiaranké (Guinée), Gérard Meyer
Contes du pays des Moose. Burkina Faso, Alain Sissao
Contes du pays malinké (Gambie, Guinée, Mali), Gérard Meyer
Contes du pays nzakara (Centrafrique), Anne Retel-Laurentin
Contes du pays tammari (Bénin), Sylvain Prudhomme
Contes peuls du Nord-Cameroun, Dominique Noye
Contes du sud du Cameroun, Séverin Cécile Abega
Contes tamouls, S. Madanacalliany
Contes tshokwé d’Angola, A. Barbosa et M. Cl. Padovani
Contes wolof du Baol, J. Copans et Ph. Couty
Les dits de la nuit (Sénégal), Marie-Paule Ferry
Les nuits de Zanzibar, Henry Tourneux
Récits épiques toucouleurs, Gérard Meyer
Soirées au village, Gabriel E. Mfomo
Sur les rives du Niger, Kélétigui Mariko
Composition :
michel Soulard
35250 andouillé-neuville
michel-soulard@orange.fr

Achevé d’imprimer en avril 2012


sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery – 58500 Clamecy
Dépôt légal : avril 2012 – Numéro d’impression : 204048
Imprimé en France
La Nouvelle Imprimerie Laballery est titulaire de la marque Imprim’Vert®
Le 20 avril 1997, le Professeur Titus Edzoa,
né à Douala en 1945, chirurgien et homme
politique qui fut plusieurs fois ministre, décla-
rait sa candidature à la présidence de la Répu-
blique du Cameroun. Paul Biya, le président de
la République en exercice, y vit une déclaration de guerre et
chargea de tous les maux celui qui avait été son compagnon de
route pendant de nombreuses années.
Titus Edzoa est alors emprisonné au Secrétariat d’État à la
Défense (SED), à Yaoundé. À l’issue d’un procès en plusieurs
étapes, il sera condamné à quinze ans de prison. À présent que
ces quinze années sont passées, le pouvoir cherche à le mainte-
nir en détention en invoquant d’autres charges.
Dans sa préface à ce récit-témoignage, Odile Tobner,
épouse de feu Mongo Beti, écrit : « Du fond de sa prison, le
Professeur Titus Edzoa nous envoie ce texte saisissant intitulé
Méditations de prison. Ce livre s’impose par sa puissance née
d’une très grande maîtrise de l’expression dans le fond et dans
la forme. L’un et l’autre sont intensément retenus, ce qui est
le secret, très peu connu et compris, des œuvres durables, qui
suggèrent bien au-delà de ce qu’elles disent.
Les qualités qui en résultent sont aussi bien les plus rares
et les plus précieuses, celles qui se résument plutôt à l’absence
des défauts les plus communs : aucun bavardage oiseux mais
la densité d’un langage d’une extrême simplicité qui n’exprime
que l’essentiel ; aucun ego envahissant mais la modestie sin-
cère de qui connaît la vanité du moi ; aucune enflure redon-
dante mais la discrétion voire le murmure avec lequel on arti-
cule les plus grandes choses.
Et le propos est en effet très ambitieux. Comment oser par-
ler de la vie, de la mort, de l’amour, du destin, du temps, sans
courir le risque majeur d’être inférieur à son sujet et, finale-
ment, ridicule ? Titus Edzoa affronte ce risque, comme il a
affronté sa situation, et il faut bien dire qu’il en triomphe. »

ISBN : 978-2-8111-0627-0

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