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Face à la crise, la mobilisation sociale et ses limites – une


analyse des contradictions syndicales
Par Sophie Béroud et Karel Yon

Il nous a semblé, en effet, que questionner les stratégies syndicales, face à la crise, mais aussi
les effets de la crise, sur la définition des orientations, des principales orientations des
organisations syndicales françaises, pouvait constituer un point d’entrée intéressant et
important pour comprendre la dynamique, les formes de la contestation sociale en France.

C’est un questionnement qui est assez classique, qui n’a rien de nouveau, plusieurs auteurs, je
pense à Franck Georgi en particulier, mais aussi à Nicolas Defond, ont montré combien la
crise du milieu des années 70 a eu un impact très fort sur les principales organisations
syndicales françaises et conduisant à repenser leur rôle dans la société ; mais aussi le cycle de
projets de transformations sociales qu’elles entendaient porter, et on sait combien l’analyse de
la crise dans les années 70, a pesé sur la définition de ce qu’on appelle le « recentrage »au
niveau de la CFDT, sa façon de repenser son rôle dans les entreprises, son rapport à la
négociation mais aussi l’acceptation de l’économie de marché comme corollaire de la
démocratie.

Alors il est vrai que dans les années 70, la crise avait eu comme conséquence immédiate, les
restructurations industrielles et la disparition de ce que l’on pouvait appeler un certain nombre
de bastions syndicaux, d’où, un impact direct sur les effectifs des organisations syndicales.

Qu’en est-il aujourd’hui dans un contexte français qui est celui d’un syndicalisme affaibli, je
reviendrai là-dessus, avec une pluralité d’organisations qui est encore plus marquée, il y a eu
des organisations qui se sont créées au début et au milieu des années 1990, avec des équipes
syndicales et pas simplement avec des équipes dirigeantes qui ont complètement intériorisé
l’existence d’une crise syndicale, c'est-à-dire, on aura aussi l’occasion d’y revenir, d’une
incapacité des syndicats français à représenter l’ensemble du salariat et qui aussi ont fait un
certain nombre de choix dans la question de leurs rapports au politique. Alors qu’en est-il ?

On va essayer d’y répondre en essayant de voir ce qui s’est passé à la fois en 2008, 2009 et
dans la période plus récente.

Il me semble qu’il est possible de distinguer 2 séquences de mobilisation. Une première plutôt
offensive, celle qui s’est déroulée au 1er semestre 2009. Il y a eu 3 mobilisations
interprofessionnelles, 3 grandes journées d’action qui sont allées crescendo en terme de
participation, dans un contexte inédit d’unité syndicale et d’accords sur une plateforme
revendicative, sur un ensemble de points, par rapport à la crise économique. Mais cette
mobilisation qui a été forte, nous allons y venir, est retombée en fin 2009, ce qui a créé toute
une série de critiques sur la stratégie adoptée, qui a entraîné aussi, une sorte de décalage par

Pour citer cet article :

« Contre la réforme des retraites : questions d’aujourd’hui pour l’engagement citoyen »,


Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
URL : http://passerellesud.org/Contre-la-reforme-des-retraites,52.html
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rapport aux conflits qui étaient entrain de se dérouler dans le privé, qui étaient montrés par
les médias comme une forme de radicalité et qui a entraîné toute une rhétorique de la trahison
des directions syndicales notamment reprise par pas mal de militants à la base, il y avait
notamment Xavier Mathieu, un des leaders de la lutte chez Continental. Il avait employé le
terme de « racaille » pour parler des dirigeants syndicaux, et en particulier de Bernard
Thibault.

Et puis, il y a eu une phase plus réactive, phase dans laquelle nous sommes, face à la réforme
des retraites. Amorcée de longue date, mais qui a été mise en place à partir du printemps
dernier. Il y a un maintien de l’intersyndicale, mais un maintien plus fragile avec des sorties
de certaines organisations comme Force Ouvrière et Solidaires. Et qui surtout est advenue,
après une phase d’attentisme, liée aux retombées de la dynamique enrayée de 2009 et où la
thématique de la crise est beaucoup moins présente. Thématique qui semble occultée, pour en
tout cas la plupart des organisations syndicales, par la réforme des retraites et surtout la
méthode. On va revenir à cette réforme, le débat semble plutôt focalisé sur les questions de
démocratie, du fonctionnement de la démocratie sociale en France.

Dans notre communication, nous proposons de revenir sur ces séquences de mobilisations, et
en particulier, la première en décrivant la façon dont les organisations syndicales, se sont
saisies de la crise pour construire cette dynamique de contestation et en même temps, en
essayant de montrer combien les logiques internes au champ syndical ont été déterminantes,
dans les limites que ces mêmes organisations ont posé à leurs propres mobilisations.

Comprendre comment cette logique interne au champ syndical permet de comprendre


pourquoi il y a eu cet enrayement de la mobilisation et pourquoi on est dans la situation
actuelle. Et puis on essayera de prolonger notre questionnement en voyant comment, je serais
plutôt dans la conclusion, comment les organisations syndicales se saisissent de la crise
économique pour réarmer la critique syndicale, permettent la critique syndicale et du coup on
s’interrogera sur les conditions de production et de circulation de cette critique.

Notre travail, repose sur un premier article de réflexion que l’on avait publié ensemble dans la
revue « Contretemps » en 2009 et puis on va essayer de se nourrir, d’un certain nombre de
terrains d’enquêtes même si on ne s’appuiera pas sur un terrain précisément dans le cadre
d’enquêtes collectives, à la fois sur la formation syndicale, dans le cadre d’une ANR et
l’enquête sur l’application des nouvelles règles de représentativité que nous sommes entrain
de mener avec Karel. On a pensé et écrit cette communication tous les deux. Je vais la
présenter rapidement et c’est Karel qui s’occupera de la prise en charge des questions pour
aller plus vite et ne pas déborder le temps.

Dans un premier temps, on va essayer de revenir sur l’originalité de la séquence, pour la


mobilisation de 2009, ensuite on essayera de voir comment la crise économique, pour les
syndicats, est bornée par 2 autres crises : la crise syndicale et une représentation de ce que
pourrait être la crise politique. Cette crise est bornée par la représentation de 2 périls en
quelque sorte, et dans un 3e temps, ce sera la conclusion,, on réfléchira aux orientations, à la
forme prise par la critique syndicale, face à la crise.

Pour citer cet article :

« Contre la réforme des retraites : questions d’aujourd’hui pour l’engagement citoyen »,


Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
URL : http://passerellesud.org/Contre-la-reforme-des-retraites,52.html
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L’originalité de la mobilisation de 2009, elle se mesure en terme d’importance numérique et


de démarche intersyndicale. On a fait le G8, une démarche militaire à 8 organisations et puis
par la place prise par le secteur privé aussi ; place relative mais qui était effective, mais
effective ainsi que par l’élaboration d’une plateforme revendicative. Or pour simplement
rappeler brièvement cette mobilisation de 2009, elle prend part, dans un contexte qui est un
contexte de forte conflictualité sociale, il vient d’y avoir le mouvement en Guadeloupe, qui
va servir un peu de référence, qui va d’ailleurs être avancé par un certain nombre de militants
pour dire qu’on fasse la même chose qu’en Guadeloupe : une grève reconductible. Il y a toute
une série de retenues de dirigeants, séquestrations qui sont fortement médiatisées et puis en
raison même de ce qui se passe dans le privé. Il y a 175 000 suppressions d’emplois lors du
premier trimestre 2009, il y a un plan social, un plan de licenciement, mais qui ne porte pas ce
nom là, mais qui est celui des intérimaires dans l’industrie automobile, qui est massif. Il y a
une certaine mobilisation et participation du secteur privé. Ce qui fait qu’on a des journées
d’action extrêmement importantes. Très vite, le 29 janvier, on a 2,5 millions de manifestants
selon les syndicats (je vais donner les chiffres des syndicats), le 19 mars, on a 3 millions, le 1 er
mai on est aussi dans l’ordre du million deux cent mille, et puis çà va redescendre en juin on
est là, même les syndicats reconnaisse, on est en dessous de 200 000. Donc, une mobilisation
qui va crescendo le 1er mai et qui est extrêmement réussie et puis çà retombe en juin.

Cette mobilisation démarre relativement tard pourquoi ? Parce qu’il y a eu des élections
prud’hommales en décembre 2008, qui étaient très attendues par les organisations syndicales,
simplement pour mesurer leurs places respectives. Et cette mobilisation va prendre une forme
unitaire parce qu’il y a eu un précédent. Il y a eu le précédent de 2006, de la mobilisation
contre le CPE. C’est la première fois, la réussite, un peu sous la pression de ce qui se passait
dans le mouvement étudiant et lycéen, à se mettre d’accord à fonctionner ensemble avec les
organisations syndicales étudiantes et çà c’est terminé, vous le savez, finalement sur une
première victoire. Première victoire durant la décennie 2000. Alors en 2006, ce type de
mobilisation contre le contrat 1ère embauche, là on est dans une démarche unitaire qui se
construit non pas contre quelque chose mais face à la crise et qui va déboucher sur l’énoncé
d’un certain nombre de revendications.

Alors pourquoi cette démarche militaire fonctionne-t-elle ? Toutes les organisations vont
jouer le jeu et en fait c’est assez compliqué de sortir de cette intersyndicale. Notamment la
grande interrogation porte sur la CFDT. Pourquoi est-elle dans cette intersyndicale. Il y a
plusieurs choses qui jouent ici, il faut savoir, et c’est important pour la suite, que la CFDT
était sortie de l’intersyndicale en 2003, pendant la 1ère mobilisation contre la réforme des
retraites. Cela a eu d’énormes répercussions en interne, avec la sortie d’équipes militantes, la
perte de militants pour la CFDT. Donc sa démarche de participation unitaire est un peu
contrainte par çà et puis comme je l’ai dit les élections prud’hommales viennent d’avoir lieu
et ils ont été dominés par la CGT. Vient de se produire aussi, et j’y reviendrai également un
peu plus tard, une réforme des règles de la représentativité syndicale. C'est-à-dire que ce n’est
plus aujourd’hui, on est en phase de transition, le gouvernement qui va fixer le nombre
d’organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, se sont les élections
dans les entreprises, on va cumuler les résultats, on va additionner les résultats qui vont fixer
les organisations syndicales, qui auront le droit de négocier au niveau national et inter
professionnel. Il faut faire 10 % au niveau de l’entreprise et 8 % au niveau des branches.

Pour citer cet article :

« Contre la réforme des retraites : questions d’aujourd’hui pour l’engagement citoyen »,


Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
URL : http://passerellesud.org/Contre-la-reforme-des-retraites,52.html
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Donc c’est quelque chose qui est entrain de changer. Auparavant, intégrer l’organisation
« contestataire » comme Sud, comme Solidaires, ou intégrer même l’UNSA, dans une
intersyndicale, c’était les reconnaître de facto et les aider à revendiquer la demande de
reconnaissance par les pouvoirs publics. Donc jusqu’en 2006, les autres organisations, « le
club des 5 », celles qui étaient représentatives, ne voulaient pas intégrer Solidaires, ni l’UNSA
dans une intersyndicale. Les règles ont changé depuis, je veux dire, c’est tout à fait possible
de créer une intersyndicale dans la mesure où c’est un autre dispositif qui va permettre de
savoir qui est représentatif et qui ne l’est pas.

Ce cadre syndical construit depuis par rapport à toutes ces données, possède une certaine
originalité puisqu’il est constitué à partir d’une déclaration commune du 5 janvier 2009 avec
une plateforme revendicative qui se décline en différents axes : il s’agit de revendiquer de
l’emploi, des salaires, une politique en matière industrielle et fiscale. Or malgré tout çà, cette
séquence de mobilisation va se solder par, en quelque sorte, un échec. Aucune revendication
n’a abouti, il n’y a même pas eu de revalorisation du SMIC le 1 er juillet et finalement l’échec
de cette mobilisation, va entraîner toute une série de critiques.

Dans un deuxième temps, je voudrais expliquer comment malgré l’ampleur et l’originalité de


cette action 2009, pourquoi celle-ci n’a pas débouché sur des résultats plus tangibles sur le
plan revendicatif.

Le fait que cette stratégie ait reposé sur une série de rendez-vous, de journées d’action à
intervalles réguliers, a été largement critiquée mais pourtant çà a été relayé par les équipes
intermédiaires, par les fédérations, par les structures territoriales. Pour essayer de comprendre,
on voudrait insister sur le fait que l’appréhension de la crise économique est bordée par 2
autres crises, la crise syndicale qui est omniprésente et puis qui débouche, elle-même, sur la
hantise de la crise politique.

La crise syndicale : ce qui compte dans les politiques internes qui vont peser sur le champ
salarial, qui vont peser sur les différents acteurs, c’est souvent le maintien de l’unité avant
tout. L’intersyndicale est vue comme la condition de crédibilité auprès des salariés, du succès
de la mobilisation. Ce n’est pas simplement la mémoire du succès de la lutte contre le CPE
qui joue ici, c’est un élément qui s’inscrit dans une stratégie à plus long terme, qui a été mise
en place par la CGT, qui est celle du syndicalisme rassemblé. C’est l’idée que les salariés se
détourneraient du syndicalisme en raison des luttes intestines, de ses divisions et qu’il est
absolument indispensable d’apparaître dans une démarche unitaire pour réussir à mobiliser.
Alors çà va contraindre, à ne pas avoir de mots d’ordre qui effraient les organisations les plus
timides ou les plus timorées, pour employer ces termes rapidement. On va refuser de mettre
un certain nombre de points, pour garder dans l’intersyndicale, la CGC cadres, la CFTC et la
CFDT et c’est en ce sens là que la CGT, ne pousse pas à un durcissement du mouvement ou
de la revendication, pour ne pas pousser à un éclatement de l’intersyndicale.

C’est aussi lié aux représentations qui sont entretenues en particulier, dans la CGT, de la
nécessité de gagner la bataille de l’opinion. Cette intériorisation, d’une faiblesse structurelle
du syndicalisme, que la grève est surtout l’apanage du secteur public, qui a quasiment disparu

Pour citer cet article :

« Contre la réforme des retraites : questions d’aujourd’hui pour l’engagement citoyen »,


Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
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du secteur privé, si on fait des études, on voit que çà n’est pas tout à fait le cas et que du coup,
on ne peut pas partir dans une grève reconductible, si le privé ne suit pas. Il faut faire
absolument attention de ne pas se décrocher du secteur privé. Cette représentation est aussi
entretenue par le fait que, après le grand mouvement de novembre, décembre 1995,
contrairement à 1936 ou 68, il n’y a pas eu un afflux de salariés dans les organisations
syndicales.

Après 1995, l’organisation qui progresse en terme d’adhérents, c’est la CFDT. Celle qui n’a
pas participé au mouvement. Et çà a beaucoup compté dans les représentations internes de la
CGT, de se dire : on ne peut pas partir sur une lutte reconductible, car c’est pas çà qui va nous
faire gagner des adhérents et qui va nous permettre de devenir plus crédibles et plus
représentatifs sur le plan sociologique du salariat. La direction confédérale de la CGT
s’oppose ouvertement à l’idée de la grève générale et reconductible. C’est encore le cas
aujourd’hui. Elle est assez prudente sur les actions radicales comme les séquestrations et elle
va sans cesse mettre en garde ses militants, contre les limites et l’ instrumentalisation par « les
dites minorités politiques » de ces formes d’action.

Ce qui joue aussi complètement, c’est la hantise de la crise politique. Poursuivre l’épreuve de
force, jusqu’à la grève générale, ce serait risquer d’entrer dans une logique de dé-légitimation
du pouvoir politique. Or dans la quasi-totalité des organisations et intersyndicales, à
l’exception sans doute des Solidaires, le fait de se trouver de facto, dans le rôle d’une
opposition au gouvernement, est une situation absolument à éviter. Il ne faut pas jouer le rôle
de l’opposition. Donc toutes les équipes dirigeantes ainsi que de nombreux militants, ont
intériorisé l’idée qu’il faut une nette coupure entre le syndicalisme et le politique. La coupure
avec le parti étant vue, comme une coupure avec le politique, avec le champ politique et que
çà serait lié au fait de cette défiance des salariés par rapport au personnel politique. Il ne faut
absolument pas que le syndicalisme se démarque de cet univers.

Cela conduit à 3 idées centrales qui n’ont de sens que par rapport à cette conception de la
crise permanente du syndicalisme, qui se traduit par la faiblesse du taux de syndicalisation en
France : 8 % de la population active, soit le plus faible taux des pays de l’OCDE.

Et puis il y a aussi d’autres éléments qui sont souvent avancés, le taux d’abstention aux
élections prud’hommales : 74,5 % aux dernières élections de décembre 2008. Or bien sûr, il y
a d’autres critères qui permettent de réfléchir à la position du syndicalisme en France mais ce
n’est ceux qui sont avancés dans les discours syndicaux. Cette faiblesse structurelle du
syndicalisme est vue comme un véritable lieu commun, sans cesse relayé par les discours
politiques, les discours médiatiques. Faiblesse qui n’est pas qu’un lieu commun, çà renvoie
aussi à une réelle faiblesse de l’implantation dans les petites et moyennes entreprises et ça été
complément théorisé par certaines organisations syndicales, notamment dans l’orbite de la
CFDT, un certain nombre de travaux, la circulation de travaux de chercheurs qui sont dans la
CFDT et aussi a complètement, c’est ce que je disais en introduction, justifié la ligne du
« recentrage ».

Donc il y a une focalisation sur le nombre des adhérents. C’est un discours qui va être repris
par la direction confédérale de la CGT, à partir des indications du début des années 1990.

Pour citer cet article :

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Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
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Cette notion de crise syndicale, elle sert à disqualifier un modèle antérieur de syndicalisme et
de relations professionnelles qui seraient devenues inopérantes et elle sert à dire qu’il faut
chercher les sources de la légitimité syndicale dans le champ des relations professionnelles et
pas ailleurs. Du coup la loi qui a servi à reformer les règles de la représentativité, a été
complètement portée par la CGT et la CFDT.

Il faut revitaliser l’implantation syndicale en entreprise, resserrer le lien entre syndicats et


salariés et renforcer l’autonomie du champ syndical, du champ de relations professionnelles
avec ses canaux de légitimité spécifiques, disjoints des canaux de la légitimité politique. Donc
il y a une croyance très forte dans l’autonomie du champ syndical, une illusion par rapport à
ses règles et ce que vont rechercher les organisations syndicales, si vous êtes très sensibles
aux discours des représentants de la CGT, c’est de toujours dire « nous on demande à
négocier », à rentrer dans les règles du champ des relations professionnelles, à être reconnus
en tant qu’interlocuteur social légitime. Nous on ne vaut absolument pas apparaître comme les
fers de lance d’une contestation politique. Ce qui explique par exemple, et je vais très vite là,
le fait de ne pas vouloir relayer la critique actuelle par rapport au ministre du travail Eric
Woerth.

Pour terminer ce point et aborder plus en conclusion ce qu’on voulait dire de la production
critique syndicale, pourquoi d’autres organisations ne sont-elles pas sorties de
l’intersyndicale ? Pourquoi mener comme çà une stratégie journées d’action à « saute-
mouton » ? Pourquoi Solidaires ne sort pas de cette intersyndicale ?

Pour nous ce qui se joue aussi, c’est l’insertion de Solidaires dans ce champ syndical. Il y a
des efforts accomplis depuis les années 1990 pour obtenir une reconnaissance de
représentativité, de faire partie de l’intersyndicale au niveau local pour obtenir des locaux, des
moyens et pour Solidaires, sortir de cette intersyndicale, ce serait finalement rompre avec les
règles et les représentations qui prédominent dans ce champ des relations professionnelles et
du coup malgré les critiques internes sur - il fallait faire une grève reconductible- ils ont
préféré rester et maintenir le lien avec les autres organisations syndicales.

Dernier point, très rapidement en conclusion. Est-ce que les organisations se sont saisies de la
crise pour renouveler un petit peu leurs critiques ? Est-ce que ce contexte a permis aux
organisations syndicales de mettre de la cohérence par rapport à différents éléments
revendicatifs ?

Eh bien il me semble que là on voit une très forte polarisation du champ syndical avec des
organisations type CGT, CFDT qui aujourd’hui font très peu le lien entre la réforme des
retraites et l’analyse de la crise et d’autres organisations qui au contraire vont décrypter
l’ensemble des réformes à partir d’une lecture plus globale de la crise actuelle, alors en même
temps, en disant cela, je me situe uniquement, du côté des organisations syndicales. Il me
semble important, d’avoir un point de vue relationnel que j’évoquerai juste là, c’est de dire
qu’en France, il a quand même une spécificité. Il n’y a pas un discours de la rigueur qui est
tenu par le gouvernement. On n’est pas dans la situation de l’Espagne ou de la Grèce où un
grand plan a été annoncé qui permettrait aux organisations syndicales de s’unir pour affronter
ce plan avec réduction des pensions, réduction de l’emploi, etc…

Pour citer cet article :

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Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
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On a un gouvernement qui annonce un certain nombre de réformes comme cardinales, celle


de l’université, celle des retraites… et qui va enfermer ces syndicats dans des logiques
sectorielles dont ils ne parviennent pas à sortir. Ils ne parviennent pas à en sortir non plus, et
on le voit très bien, je dis juste cela au niveau de la CGT. Il y a un discours très technique qui
est fait sur la question des retraites. Un discours de contre-expertise pour se faire reconnaître
avec un énorme effort de productions de contre-propositions et pour se faire reconnaître
comme un interlocuteur légitime, digne de négocier cette réforme des retraites.

Les organisations qui vont faire le lien avec une analyse plus globale de la réforme des
retraites sont au contraire celles qui ne peuvent pas négocier cette réforme. D’où « retrait du
projet de loi », on ne rentre pas du tout dans la négociation, du coup, çà leur laisse beaucoup
d’espace pour développer un propos critique plus large. C’est le cas de FO et peut être dans la
discussion, Karel expliquera pourquoi, et c’est le cas aussi de Solidaires, où par contre là, on
va essayer de relier. On a relancé y compris des stages syndicaux, sur l’analyse de la crise, des
stages de formations économiques, alors même par exemple, qu’au niveau de la CGT, on
essaie de former des militants plutôt sur le plan technique « comment j’argumente sur la
réforme des retraites ». Donc il y a une déconnexion entre une analyse globale, évidemment,
la CGT condamne la crise, il y a quelques textes sur la lecture de la crise, et par contre
l’activité pratique des négociations.

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Passerellesud, 8 novembre 2010. ISSN : demande en cours.
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