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E.

Legrand– IUFM d’Auvergne/Université de Rennes


Préparation aux concours du professorat d’économie et gestion

Chapitre IV : Le rôle économique de l’Etat

En 1959, Musgrave distinguait trois grandes fonctions étatiques :


ƒ La fonction d’affectation des ressources : l’Etat effectue des dépenses afin de financer les
biens collectifs ainsi que le fonctionnement de son administration ;
ƒ La fonction de redistribution : la politique de redistribution de l’Etat obéit au principe de
justice redistributive ;
ƒ La fonction de régulation : l’Etat stabilise/régule la conjoncture économique en relançant
l’activité dans les périodes de récession et en menant des politiques restrictives en période
d’inflation. Il s’agit du principe de régulation conjoncturelle, apparue dans les années 1960 au
travers des politiques de « Stop and Go », qui s’appuie sur le rôle des stabilisateurs
automatiques c’est-à-dire des agrégats (ex : recettes fiscales ; dépenses publiques) qui ont une
action contra-cyclique automatique et permettent de stabiliser les fluctuations cycliques de
l’activité économique.

Cette typologie de Musgrave doit être cependant utilisée avec prudence dans la mesure où les trois
fonctions étatiques sont interdépendantes. Ainsi, la fonction de régulation peut s’opérer au travers
de la fiscalité, ce qui affecte la fonction de redistribution ou en faisant varier les dépenses de
fonctionnement de l’Etat, ce qui influe sur la fonction d’affectation des ressources.
L’importance relative des fonctions remplies par l’Etat a évolué au cours du temps. Sous l’Ancien
régime, les fonctions régaliennes – donc l’affectation des ressources – dominent. Au début du
XIXième siècle, 70% des dépenses publiques lui sont consacrées. Au cours du XIXième siècle et
jusqu’en 1914, la fonction d’allocation des ressources se développe avec le financement des biens
collectifs tels que l’école publique qui devient obligatoire sous l’impulsion des lois Ferry (1882).
Au cours de cette période, l’Etat est circonscrit à une seule fonction d’allocation : il n’intervient
pas directement par le biais d’une politique économique. De la première guerre mondiale à 1945,
la fonction de redistribution émerge en France avec la mise en place d’un impôt sur le revenu en
1913 et d’un système d’indemnisation du chômage durant la grande crise. Après 1945, sous
l’impulsion des idées keynésiennes alors dominantes, on assiste au développement des fonctions
de redistribution et de régulation conjoncturelle.

La loi de Wagner ou « loi de l’extension croissante de l’activité publique » illustre la tendance au


développement des dépenses publiques. D’après Wagner (835-1917), plus un pays est développé
et plus l’intervention de l’Etat est nécessaire et importante autrement dit l’élasticité de la dépense
publique par rapport au PIB serait supérieure à 1. Wagner avance deux arguments principaux
pour justifier cette loi :
- la croissance économique implique la mise en place d’infrastructures (routes, ponts, etc.), qui
sont financées par l’Etat, dans la mesure où il s’agit de biens collectifs ;
- la croissance économique s’accompagne d’une augmentation de la demande de services non
marchands tels que l’éducation et la culture. On retrouve ici les lois mises en évidence par
Engel sur l’évolution de la répartition du budget des ménages : lorsque le revenu disponible
augmente, la part des dépenses d’alimentation (biens inférieurs) diminue, tandis que celle des
dépenses de services (biens supérieurs) augmente.
Deux auteurs anglais, Peacock et Wiseman montrent que l’évolution des dépenses publiques par

NB : Les lois d’Engel (1821-1896) expriment des régularités décelées en matière de consommation.
Elles ont permis d’établir une typologie des biens de consommation que l’on présente aujourd’hui à
partir du concept d’élasticité-revenu.
- les biens supérieurs : leur coefficient budgétaire augmente avec le revenu i.e. l’élasticité-
revenu de la consommation est >1 ;
- les biens neutres : leur coefficient budgétaire est constant i.e. l’élasticité-revenu de la
consommation est =1 ;
- les biens inférieurs : leur coefficient budgétaire diminue avec le revenu i.e. l’élasticité-
revenu de la consommation est <1.

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rapport au PIB se fait par à-coups, à l’occasion de crises et de guerres. Ainsi, en période normale, il est
difficile d’imposer une augmentation de la charge fiscale à la population. En revanche, en situation de
crise, les impôts peuvent augmenter. Une fois la crise terminée, la charge fiscale ne revient pas à son
niveau antérieur : il y a un « effet de cliquet » de la dépense publique lié à l’émergence de nouveaux
besoins nés de la crise.

En conclusion, le XXième marque une nette inflexion : on passe d’une logique d’Etat minimal à une
logique d’Etat providence, ce qui se traduit par un élargissement des fonctions étatiques et la
multiplication des objectifs et instruments de politique économique.

Objectifs et politiques économiques

Les objectifs de politique économique sont résumés par le célèbre « carré magique » de Kaldor : le
taux d’inflation, le taux de chômage, le taux de croissance de la production et l’équilibre extérieur
définissent quatre objectifs fondamentaux de politique économique, la poursuite simultanée de ces
différents objectifs étant souvent conflictuelle. Ainsi, comme en témoigne la relation de Phillips, une
relance des dépenses publiques est susceptible de faire diminuer le taux de chômage mais entraîne
parallèlement une reprise de l’inflation. Face à ces conflits d’objectifs, l’Etat doit hiérarchiser ces
derniers. Au cours des années 1980, les objectifs de lutte contre l’inflation et de stabilité des taux de
change étaient dominants comme en témoigne la politique de désinflation compétitive (1983-1993).

Enfin, on distingue traditionnellement les politiques conjoncturelles et les politiques structurelles.


La politique conjoncturelle correspond à une fonction de stabilisation. Par des moyens d’action qui
agissent à court terme, l’Etat intervient afin de garantir une croissance qui soit compatible avec les
trois autres objectifs du carré magique.
Exemples de politiques conjoncturelles : politique budgétaire, politique monétaire.
Les politiques conjoncturelles sont également appelées politiques macroéconomiques.

Les politiques structurelles agissent sur les structures économiques et sociales. L’objectif de ces
politiques est de relever le taux de croissance potentielle de l’économie en recherchant une
amélioration à moyen et long terme des performances macroéconomiques.
Principales politiques structurelles : politique industrielle, politique agricole, politique de l’emploi.

Les politiques structurelles sont par nature sectorielles.

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I. La politique budgétaire et fiscale

Les objectifs de la politique budgétaire et fiscale renvoient aux trois fonctions de Musgrave
d’allocation, de redistribution et de régulation.
La politique fiscale s’appuie sur trois catégories d’instruments :
• L’Etat peut agir sur le taux de la TVA : une baisse du taux est susceptible de relancer
l’activité. L’efficacité de cet outil comme instrument de relance dépend de deux conditions :
a) la demande doit être sensible à une baisse de prix ; b) les producteurs ne doivent pas
adopter de comportements de marge.
• L’Etat peut agir sur l’impôt sur le revenu, en modifiant soit les taux d’imposition soit les
tranches d’imposition1.
• L’Etat peut agir sur le taux de l’impôt sur les sociétés. Deux moyens d’action sont
envisageables : a) il peut modifier le régime des acomptes ; b) il peut modifier le régime des
amortissements qui sont déductibles du résultat fiscal (modification du rythme des
amortissements, majoration exceptionnelle du niveau des investissements dans un but de
modernisation de l’appareil productif)
Dans le cas de la politique budgétaire, trois instruments sont principalement utilisés :
• L’Etat peut jouer sur sa fonction d’employeur (modulation du nombre de fonctionnaires et de
l’évolution des salaires) ;
• L’Etat peut passer des commandes, en particulier dans le domaine des marchés publics et des
marchés captifs (matériel militaire)
• L’Etat peut enfin agir sur sa fonction de redistribution au moyen d’aides aux entreprises
(subventions d’investissement, prise en charge de cotisations sociales…), à la consommation
(transferts sociaux) et à l’emploi (financement des emplois jeunes…)

Au total, les instruments d’intervention budgétaire sont :


1) soient directs (impact direct sur la production et l’emploi par le biais de la prise en charge des
biens collectifs – santé, éducation, défense, police, justice, sécurité sociale, infrastructures… –
et de la politique de recrutement de fonctionnaires) ;
2) soient indirects (impact indirect sur l’activité économique en influençant la demande de
consommation et d’investissement des agents).

1. Les politiques de relance keynésienne reposent sur le principe du multiplicateur

L’existence d’un équilibre de sous-emploi nécessite dans une perspective keynésienne l’intervention
de l’Etat qui, en augmentant le niveau de la demande effective, va permettre à l’économie de
converger vers un équilibre de plein emploi. L’impact de la relance budgétaire (augmentation des
dépenses publiques et/ou réduction des impôts) sur la production et donc l’emploi est mesurée
par le multiplicateur.

1.1) En Economie fermée :


La dépense publique, notée G, est considérée comme étant l’une des composantes de la dépense
autonome (G=Go). Les recettes fiscales, notées T, sont fonction du taux d’imposition, noté t, et du
niveau du revenu Y soit T=tY.
On montre que le multiplicateur de la dépense publique est égal au multiplicateur d’investissement, lui
même égal à [1/1-c].
En conséquence, une politique de relance est d’autant plus efficace que le multiplicateur est élevé id
que la propension marginale à consommer tend vers 1. Ceci revient à dire que la relance est d’autant

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Dans le cadre d’une politique plus structurelle, la politique de l’impôt sur le revenu vise à favoriser les
comportements d’épargne des ménages. Ce fut par exemple l’objectif de la loi Monory en 1978 qui permettait de
déduire du revenu imposable les achats nets d’actions françaises effectuées au cours d’une année jusqu’à
concurrence de 5000F par ménage.

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plus forte que la consommation est élevée et l’épargne est faible. Il en résulte qu’il est préférable de
cibler la relance sur les catégories de population à faible niveau de revenu qui se caractérisent par des
propensions à consommer fortes.

En outre, le multiplicateur fiscal est égal à [-c/1-c]. Le signe négatif de ce multiplicateur signifie que
c’est la baisse des impôts qui engendre une augmentation du revenu d’équilibre.
En raisonnant en valeurs absolues, il apparaît que le multiplicateur fiscal est plus faible que le
multiplicateur de la dépense publique. Il est donc moins efficace de relancer l’économie en baissant
les impôts plutôt qu’en augmentant la dépense publique. Une baisse des impôts se traduit en effet
par une augmentation du revenu disponible des ménages qui n’est pas intégralement dépensée puisque
l’agent accroît sa consommation dans une proportion égale à sa propension marginale à consommer
qui est inférieur à 1. La partie non consommée du revenu supplémentaire ( i.e. l’épargne) réduit l’effet
de multiplication.

L’Etat peut par ailleurs relancer l’activité économique en augmentant parallèlement les dépenses
publiques et les impôts de telle sorte que le budget de l’Etat reste équilibré. Il est démontré que le
multiplicateur du budget équilibré est égal à 1. Cette valeur du multiplicateur signifie que la politique
de relance est efficace puisque la production augmente dans les mêmes proportions que la dépense
publique sans qu’il y ait aggravation du déficit budgétaire. L’augmentation de la production entraîne
mécaniquement une hausse des recettes fiscales. Dés lors, l’augmentation nécessaire du taux
d’imposition justifiée par le maintien de l’équilibre budgétaire est plus faible que l’augmentation de la
dépense publique.
Ce résultat, c’est-à-dire l’efficacité d’une politique de relance qui respecte l’équilibre budgétaire,
est connu sous le nom de Théorème d’Haavelmo.
Ce théorème a fait l’objet d’une attention particulière suite notamment à la mise en évidence d’un effet
« boule de neige » de la dette publique. Cet effet résulte de la persistance de déficits budgétaires et de
l’incapacité de l’Etat à régler les intérêts de la dette publique. Comme tout agent, lorsque l’Etat
emprunte à la période t pour financer son déficit budgétaire, il lui faut ensuite payer des intérêts ; s’il
ne dispose pas en (t+1) d’excédents budgétaires, il doit à nouveau emprunter pour… payer les intérêts
de la dette. Un mécanisme cumulatif (d’où l’image de boule de neige) d’augmentation de la charge de
la dette va alors s’enclencher. Il est démontré que le poids de la dette dans le PIB se stabilise
uniquement si les taux d’intérêts réels sont inférieurs ou égaux au taux de croissance de l’économie.
Dans le cas français, les taux d’intérêts ont été constamment supérieurs au taux de croissance depuis
1979 sans qu’il soit possible de dégager un solde budgétaire positif. Le poids de la dette de l’Etat est
ainsi passé de 15% du PIB en 1980 pour atteindre 57% en 2001.

1.2) En Economie ouverte :


Keynes considère que les exportations (notées X) sont autonomes par rapport au revenu (X=Xo)
tandis que les importations (notées M) sont une fonction croissante du revenu avec M=mY où m est la
propension marginale à importer.

Le multiplicateur est affecté par l’ouverture du pays aux importations.


On montre que le multiplicateur d’investissement est égal à [1/(1-c+m)]. L’efficacité de la relance
budgétaire dépend dorénavant des propensions marginales à consommer et à importer.
La propension marginale à importer est une mesure de la contrainte extérieure ; plus m tend vers 1, et
plus la valeur du multiplicateur est faible : la relance budgétaire est moins efficace car une partie du
supplément de demande s’adresse aux économies partenaires (par le canal des importations) au
détriment des entreprises nationales.
En outre, on montre que le multiplicateur de la dépense publique est égal au multiplicateur
d’investissement en économie ouverte, lui-même égal au multiplicateur des exportations.

Notons qu’une relance budgétaire va dégrader le solde extérieur : l’augmentation du revenu,


consécutive à une augmentation des dépenses publiques ou une réduction des impôts, provoque une
augmentation des importations qui, confrontée à des exportations inchangées, va créer un déficit

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extérieur si les échanges courants étaient initialement à l’équilibre ou aggraver un déficit existant
préalablement.

2. La perspective néoclassique et ses prolongements : la thèse de l’effet d’éviction

Dans une optique néoclassique, la politique budgétaire est totalement inefficace car elle génère un
effet d’éviction total : l’augmentation de la dépense publique est compensée par une réduction
équivalente des dépenses privées.
Pour combler son besoin de financement, l’Etat peut avoir recours à trois moyens principaux :
l’augmentation des impôts, l’emprunt public auprès des épargnants et la création monétaire indirecte
par l’émission de bons du trésor qui sont proposés aux banques.
Ces différentes possibilités de financement budgétaire engendrent des effets d’éviction :
1) Un effet d’éviction par la fiscalité : lorsque l’Etat augmente le taux d’imposition, les
ménages diminuent leur consommation d’un montant équivalent. Ceci suppose une parfaite
substituabilité entre dépenses publiques et privées.
2) Un effet d’éviction par l’emprunt public. Deux auteurs, Friedman et Barro, ont analysé plus
précisément cet effet d’éviction :
a) Friedman développe la thèse d’un effet d’éviction indirect : le financement des dépenses
budgétaires par le recours à l’emprunt suscite une hausse des taux d’intérêt sur les marchés
financiers ce qui évince l’investissement privé d’un montant équivalent à la relance ;
b) Barro développe la thèse de l’effet d’éviction direct, connue sous le nom de théorème de
Ricardo-Barro ou théorème d’équivalence entre emprunt et impôt. Les agents anticipent une
hausse future des impôts qui sera décidé par l’Etat afin de rembourser l’emprunt public. En
prévision de ces impôts futurs, les agents augmentent aujourd’hui leur épargne ce qui réduit
l’efficacité de la relance budgétaire. Les agents raisonnent de façon intergénérationnelle : le
recours à l’emprunt étant synonyme d’une imposition différée dans le temps, les ménages
épargnent davantage afin de laisser un héritage inchangé. On parle alors de comportements de
consommation et d’épargne ricardien. Le théorème d’équivalence a fait l’objet de nombreuses
critiques :
i) l’hypothèse d’altruisme intergénérationnel est discutable ;
ii) les contribuables n’anticiperaient pas pleinement les prélèvements futurs liés aux
déficits budgétaires : ils profiteraient donc de la relance pour consommer
davantage et non pour épargner plus;
iii) si le taux de croissance de l’économie est supérieur au taux d’intérêt, l’Etat n’aura
pas besoin de prélever davantage d’impôts demain pour financer le service de la
dette ;
iv) le comportement ricardien dépendrait du niveau de la dette : pour de faibles ratios
(dette/PIB), les agents adopteraient des comportements keynésiens en matière de
consommation et d’épargne. En revanche, pour des ratios (dette/PIB) élevés, ils
anticiperaient des prélèvements futurs et auraient des comportements ricardiens.
3) Le financement du déficit budgétaire par recours à l’émission de bons du Trésor,
souscrits par les banques, se traduit par une création monétaire. Cette dernière génère de
l’inflation, qui agit comme un impôt à retardement. On parle de taxe inflationniste,
l’inflation réduisant le pouvoir d’achat des ménages et la valeur nominale des titres d’emprunt
public. On retrouve de façon sous jacente la théorie quantitative de la monnaie en vertu de
laquelle toute politique conduisant à une création monétaire supplémentaire ne fait que
générer de l’inflation sans impact sur la sphère réelle.

Il est possible de distinguer un effet d’éviction supplémentaire lié à l’impact d’une relance
budgétaire sur le taux de change. La hausse des taux d’intérêt attire les capitaux étrangers, ce qui
provoque une appréciation du taux de change. Cette appréciation de la monnaie nationale freine la
compétitivité des entreprises nationales

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3. La thèse du revenu permanent de Friedman

Cette théorie remet en cause l’efficacité des politiques budgétaires à partir d’une analyse des
comportements de consommation. Selon Friedman, les agents déterminent leur niveau de
consommation non sur la base du revenu courant mais de leur revenu permanent. Le revenu
permanent correspond au revenu courant auquel s’ajoutent les revenus futurs anticipés sur la base
des tendances passées. Dans la mesure où la relance budgétaire affecte uniquement le revenu
courant, elle n’affectera pas sensiblement les comportements de consommation ce qui annule les
effets de multiplication de la dépense initiale.

4. L’apport des économistes de l’offre

L’Economie de l’offre a connu un fort développement à partir des années soixante-dix ; ce


développement s’explique en partie par l’échec des politiques keynésiennes de relance par la
demande.
La loi des débouchés de JB SAY est l’un des piliers théoriques de cette Ecole : la demande globale
est la conséquence de l’offre or cette offre – qui découle de l’activité productive des entreprises –
est inhibée par un excès de réglementations et de pressions financières. Trois facteurs ont fait
l’objet d’une attention particulière : l’excès de pression fiscale, l’excès de transferts et les coûts
liés à la réglementation.

a) L’excès de pression fiscale


D’après Laffer, tout alourdissement du taux d’imposition au-delà d’un certain seuil provoque
paradoxalement une baisse du montant total des recettes fiscales : « trop d’impôts tue l’impôt ».
Ainsi, les recettes fiscales sont d’abord une fonction croissante du taux d’imposition jusqu’à un
seuil maximal (correspondant au sommet de la courbe de Laffer) ; au-delà de ce seuil, les recettes
fiscales sont une fonction décroissante du taux d’imposition.
Afin d’expliquer pourquoi les recettes fiscales baissent à partir d’un certain seuil d’imposition, on
fait appel aux notions microéconomiques d’effet de substitution (ES) et d’effet de revenu (ER).
L’augmentation du taux d’imposition (t) a deux effets sur l’arbitrage d’un agent entre temps de
loisir et temps de travail :
- un ES : si t augmente, le salaire net diminue ce qui incite l’agent à diminuer
son temps de travail au profit du loisir ;
- un ER : si t augmente, le revenu disponible diminue ce qui peut inciter
l’agent à travailler davantage pour retrouver son revenu de départ.
L’impact final d’une hausse de t sur l’offre de travail dépendra donc de l’ampleur de ces deux
effets. Selon Laffer, pour des taux élevés, l’ES l’emporte sur l’ER ce qui conduit à une réduction de
l’assiette fiscale.

Ce raisonnement appliqué à l’offre de travail est transposable à l’offre de capital : si l’épargne est
fortement taxée, l’agent sera incité à consommer davantage au détriment de l’accumulation de capital
qui conditionne les recettes fiscales futures.

D’après Laffer, les économies occidentales seraient situées au-delà du seuil d’imposition optimal avec
pour conséquence que toute relance budgétaire, s’accompagnant d’une hausse des taux d’imposition,
risque d’entraîner une baisse des recettes fiscales.
L’analyse de Laffer débouche sur un programme de réforme fiscale préconisant une baisse des taux
d’imposition. Cette réduction de la fiscalité doit inciter les ménages à accroître leur offre de travail et
leur épargne ce qui à long terme générera davantage de recettes fiscales.
La courbe de Laffer a fait l’objet de nombreuses critiques :
• à court terme, étant donné les contraintes financières auxquelles se heurte l’agent, une baisse
du revenu disponible est susceptible de conduire à une hausse de l’offre de travail ;

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• il est difficile – si ce n’est impossible – de déterminer pour un pays le taux d’imposition


optimale (c’est-à-dire celui qui maximise les recettes fiscales) et donc de savoir si un pays se
trouve à droite ou à gauche de ce seuil d’imposition.
En dépit de ces critiques, la courbe de Laffer a inspiré de nombreuses réformes de la fiscalité, en
particulier dans les pays anglo-saxons. Ainsi, Reagan a mené une politique de réduction du taux
moyen d’imposition qui est passé en 1981 de 70% à 50% ; une seconde diminution a été votée en 1986
qui a ramené le taux à 28%. Les effets de cette réforme fiscale ont fait l’objet de jugements contrastés :
si certains auteurs libéraux ont souligné l’existence d’un « effet Laffer », d’autres estiment que la
réforme menée par Reagan s’est traduite par une relance fiscale conformément aux enseignements de
la théorie keynésienne.

b) L’excès de transferts incite à l’inactivité.


Si l’impôt peut freiner l’activité en tant que prélèvement sur le revenu disponible, sa contrepartie en
termes de dépenses de transfert peut également conduire à une diminution de l’activité. En effet,
lorsque l’agent perçoit une allocation, l’ER et l’ES incitent à une baisse de l’offre de travail.
ER : l’agent peut diminuer son offre de travail tout en maintenant son niveau de revenu ;
ES : l’augmentation du revenu incite l’agent à substituer du loisir au travail.

c) Les coûts de la réglementation


La réglementation des marchés génère des coûts qui aboutissent à une désincitation vis-à-vis de
l’investissement. Parmi ces coûts, on peut citer :
- les coûts administratifs nécessaires à la mise en place de ces
réglementations ;
- les coûts d’adaptation aux réglementations que les entreprises doivent
subir ;
- les gaspillages liés à certaines règles de limitation des marges et des profits.

Ainsi, les économistes de l’offre préconisent, parallèlement à la baisse de la fiscalité, une réduction
des dépenses de transfert et une déréglementation des marchés.

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