Vous êtes sur la page 1sur 4

This copy was made in accordance with the University of Toronto’s Fair Dealing Policy, and the exceptions

granted under Section 29 of the Copyright Act. In keeping with the Fair Dealing guidelines, you are allowed to make one copy for the sole purpose of research, private study, criticism, review, news reporting, education, parody or satire. If the copy is used for the purpose of review, criticism or news reporting, the source and the name of the author must be noted. Use of this copy for any other purpose may require the permission of the copyright owner.
This copy was made in accordance with the University of Toronto’s Fair Dealing Policy, and the exceptions granted under Section 29 of the Copyright Act. In keeping with the Fair Dealing guidelines, you are allowed to make one copy for the sole purpose of research, private study, criticism, review, news reporting, education, parody or satire. If the copy is used for the purpose of review, criticism or news reporting, the source and the name of the author must be noted. Use of this copy for any other purpose may require the permission of the copyright owner.

" geste oppressif de la retJrésentation" l'appropriation de l'image j,

d'autrui ne relève pas seulement d'une " invention de l'Afrique"


comme le souligne V. Y Mudimbe", ou d'une " incapacité de penser
/'Autre et, par là même, de se pense1~ clone de penser tout court" 5.
L'image et l'écriture informent plus sur l'énonciateur et sur son
discours hégémonique que l'objet (qui devrait être sujet) de ses
représentations. Elles sont des signes de dépossession, de négation
et surtout de forts révélateurs idéologiques consécutifs à
l'accaparement du champ de la narration historique.
Dans un tel contexte, on comprend que la prise en charge de
l'écriture par les Africains donne lieu à un processus radical de
rectijïcation dont on ne peut négliger la portée. En effet, dans un
contexte de guerres sanglantes et d'oppression coloniale, l'écriture,
puis le cinéma, se situent dans une perspective politique. En dépit
des enthousiasmes du début et de l'idéalisme de ses promoteurs,
écrire ou filmer peut serviJ; doit servir. Frantz Fanon6 indiquait qu'il
revient à chaque génération de déterminer sa mission, de l'accomplir
ou de la trahir. C'est pourquoi, après l'assimilation du discours
colonial et la tentative du souvenir, l'artiste africain opte pour lè
combat, décide de " secouer le peuple. Au lieu de privilégier la
léthargie du peuple, il se tran~forme en réveilleur de peuple.
Littérature de combat, littérature révolutionnaire, littérature
nationale " 7. La réappropriation inaugure de nouvelles trajectoires.

Réappropriation
Colonialisme et regard ethnographique iconique

:~;:;:~if~~;cf:;~:ph:~;cc:~~;~éâ~'~:i~n~;~~on
ima inaire . , ' e e~re? servi de matière première à un
Dans les textes désormais produits par les Africains, l'objectif n'est
pas seulement de restituer une image bricolée: l'art est essentiellement
subversif et revendicatif. La création permet de dire la réalité nègre,
Pr~œsse ;~:p;:~ t
~~~~tfe a 9e;5~ropi? co~tradictions. Le film
intéressant: c'est l'histoire d'u~ est a c~t ~gard un exemple
de rendre compte d'un drame multiforme que l'histoire refuse de
reconnaître. En littérature, cette tendance utilitaire et politique a pris
décide de se rendre " che- l romancier qrn, a court d'inspiration, la forme d'un mouvement qui mérite d'être revisité: l'engagement.
· · . "' es sauvages " pour activer son Son contenu variant de Senghor à Mongo Beti ou à Sembène
1magmat1on. Quand on y ajoute Les Maîtres fous (Jean Rouch Ousmane, on peut dire que l'engagement, en dépit de ses limites
1958) ou toute autre production de ce cin, t , théoriques et pratiques, reste pour beaucoup de créateurs africains le
pense aux autres films du même calibre eas e condtroversé, et qu'on
l'Af . h ' on se ren compte que socle de l'écriture.
nque. e~t p agocytée par une imagination problémati ue Ne peut-on pas supposer que l'écriture littéraire ait influencé
. ~e " cmema zoologique , a été précédé par I
1
q · A
l'écriture cinématographique, du moins dans ses grandes articulations
htterature: BugJargal de Victor Hugo T e mdeme type de discursives, esthétiques et politiques? Tout porte en effet à le croire.
M, . , U ' amango e Prosper
enmee, ne année dans le Sahel de Fromenti , Car la Charte d'Alger, avec ses nombreuses prescriptions, tend tout
nous, l'œuvre de Patrick Grainville o d G n, ou, plus pres de
productions offrent un imaginaire qu~ l'oen eorge .conch1·0.n. Ces
m t'f l' pourrait qua 1f1er de
ys 1icateur et ouvrage de Fanoudh Si f ' d 3. Sbosbana Fe/man, La Folie et la chose littéraire, Paris, Seuil, 1978, p. 141. Le mot, représentat{on •
e er en ren compte. Par ce figure en italiques dans le texte.
4. V l'. Mudimbe, The Invention of Africa, Bloomington & Indianapolis, Indiana Uniuei,{ty Press, 1988.
1. Boulou E. de Ben' , 5. Bernard Moura/is, L'Europe, l'Afrique et la folie, Paris, Présence A{,kaine, 1993, p. 13.
6. Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, il!Iaspéro, 1967.
7. Idem, p. 154.
This copy was made in accordance with the University of Toronto’s Fair Dealing Policy, and the exceptions granted under Section 29 of the Copyright Act. In keeping with the Fair Dealing guidelines, you are allowed to make one copy for the sole purpose of research, private study, criticism, review, news reporting, education, parody or satire. If the copy is used for the purpose of review, criticism or news reporting, the source and the name of the author must be noted. Use of this copy for any other purpose may require the permission of the copyright owner.

aussi, après « l'engagement " littéraire, à codifier et même à des premiers écrits, sont celles de la dépossession de l'image de soi.
discipliner la création. Sortir de « l'ordre " idéologique de l'écriture Lorsque les premiers cinéastes signent leurs œuvres, non seulement
revendicative est dès lors perçu comme une hérésie8 . ils procèdent à une rectification de l'image p~ojetée p_ar. l'occupant,
La charge de Manthia Diawara et Nwachukwu Frank Ukadike mais, surtout, ils reprennent et relancent le discours htteraire dan_s
contre Idrissa Ouedraogo, cinéaste aux options « universalistes " et ses grands axes idéologiques. Mais en le faisant à l'aide d'un outil
peu revendicatives connues, est révélatrice de l'impact du politique qui atteindra les masses, en plus de restituer les grandes .
dans la création et même dans la critique : l'œuvre ne tire sa préoccupations socio-politiques de l'heure, il~ le_s resituent aussi
légitimité que de sa nature militante 9• Cela rappelle la s011ie de parfois à la suite de changements de code. Ainsi, le texte afncam se
Mongo Beti contre Camara Laye qui avait eu l'étrange inspiration de trouve de plus en plus doublé d'une version filmique. KairmenGeï,

narrer une Afrique étonnamment idyllique malgré la brutalité de Joseph Gaye Ramaka
(Sénégal),2001
coloniale. On note, dans ces cas, des similitudes importantes, des
permanences dans la production culturelle. Mongo Beti par exemple
est un ardent défenseur de la littérature « engagée ", « utile "· Pour
lui, comme pour les signataires de la Charte d'Alger,
« ce siècle impose à !'écrivain, comme un impératif catégorique, de se

défendre contre la littérature gratuite, l'art pour l'a11 » 10 .


La création est donc, systématiquement, sujette à une politique et
même à une « police " des contenus. En supposant que l'Africain,
destinataire espéré de ces productions, y ait effectivement accès, ce
qu'espèrent les artistes, c'est une éducation et une désintoxication
mentale nécessaires pour corriger l'aliénation multiforme consécutive
à l'aventure coloniale. Après les textes diffusant les images du nègre
voleur, laid, sale, obéissant et paresseux, les écrans africains sont en
effet infestés par des films de qualité médiocre, produits d'un
imaginaire étranger, sinon hostile. Face à ce déferlement de la
culture dominante, le cinéma, dont l'effet sur la conscience collective
est efficace, doit opérer, en Afrique, une véritable décolonisation, un
rapatriement des contenus. L'identité collective est en jeu et la
culture consommée dans un milieu précis doit en être l'émanation.
Cette domestication de l'audiovisuel, après celle de l'écrit, est vitale
car comme le soutient, Nite Mukendi, il est « extrêmement
dangereux pour le devenir de nos peuples de laisser à des inconnus, à
des groupes d'inconnus poursuivant des buts que nous ignorons mais
qui ne semblent pas cadrer avec les nécessités de la cohérence
nationale, { ..} le soin de façonner la mentalité de nos peuples, le soin
de modifier notre vision du monde" 11 •
On peut le remarquer, littérature et cinéma se relaient de manière
systématique en Afrique, même si les premières images, à la suite

8. Dans son plaidoyer, pour un cinéma aji'icain responsable et


.. Ajin d'assurer un rôle réel et actif dans le processus global de déu,i/o/Jt>eme•nt.
une démocratique
res besoins. toutes les cultures
pée du créateur solitaire et marginal répandue dans la
cain qui doit au contraire se considérer comme un cinéaste se1vice
doit assurer une solidarité agissante avec les cinéastes progressistes du
anti-impérialiste,. In [Afrique Littéraire et Artistique, 11° 49, 1978, p. 165.
9. Les deux critiques sont de Yaaba (1987) qu'ils trouvent de
geoise ,, • élitiste,, • individualiste , et qui co11f/its sociaux. Lire â ce sujet,
African Cinema. Politics and Culture, Bloomington, Indiana 1992, p. 162 et 164;
Nwacbukwu Frank Ukadie, Black African Cinema, Berkeley, Uniuersiu• 1994, p 279 et 282.
JO. Manga Beti, "L'Enfant noir,, in Présence Africaine n" 16, 1954, p. 419.
11. Nife Mukendi, "Comment le cinéma peut œuurer â l'indépendance et l'autorité culturelle C({,'icaine .., in
Présence Africaine 11° 90, 1974, p. 115.
This copy was made in accordance with the University of Toronto’s Fair Dealing Policy, and the exceptions granted under Section 29 of the Copyright Act. In keeping with the Fair Dealing guidelines, you are allowed to make one copy for the sole purpose of research, private study, criticism, review, news reporting, education, parody or satire. If the copy is used for the purpose of review, criticism or news reporting, the source and the name of the author must be noted. Use of this copy for any other purpose may require the permission of the copyright owner.

filmique réalisateurs ne signent pas ces œuvres doubles pour les mêmes raisons,
il est évident que leur activité créatrice se situe au carrefour de deux
Un aspect important des rapports entre littérature et cinéma est genres et de deux disciplines, qu'elles sont fortement complémentaires.
cer,tainement la reprise filmique, de plus en plus fréquente, de textes En devenant auteurs du roman et réalisateurs du film, ces a1tistes
httera:res. Une tradition de gémellité est en marche, par laquelle, sous assument une double identité dont la complexité et les enjeux sont
un meme titre, on peut apprécier " deux textes, deux mains deux importants. On peut parler dans ces cas d'auto-réécriture, en ce sens que
regards, deux écoutes. Ensemble à la fois et séparément,, 12 • Si en l'unicité du titre et la duplication du texte sont assurées par le même
Occident, la réécriture filmique est motivée par un mercantilisme qui signataire.
capitalise sur la " fortune " littéraire pour établir un succès Il existe également un autre cas de figure, le plus courant d'ailleurs
cinématographique, en Afrique, du moins autrefois, elle est dans l'histoire du cinéma. Des réalisateurs reprennent à l'écran des
sy~tématiquement entreprise dans un souci d'éducation politique. La œuvres d'écrivains africains ou étrangers. En dépit de la rareté des
meme pesanteur persiste. Dans un article au titre révélateur, " Le cinéma discours d'accompagnement, il est difficile de soutenir que la mise en
et la révolution africaine ", Paulin Soumanou Vieyra soutenait: " La film est motivée par les mêmes principes que le militantisme daté de
puissance de~ ~mages rencontrant le verbe en contrepoint, il so11ira de ce " l'école Sembène "· D'abord parce que la plupart des cinéastes qui
mariage un element choc qui permettra une meilleure éducation des s'inspirent d'œuvres littéraires ont une autre intelligence du cinéma. Ces
11:asses africai:ies. De par son mode pai1iculier d'expression, le cinéma cas de ce qu'on peut nommer " l'hétéro-réécriture " sont de plus en plus
rezntrocluira l œuvre littéraire à fond africain mais à forme occidentale nombreux 15 . Med Hondo, Laurent Chevalier, Jacques Champreux, Djibril
dans l'univers spirituel africain " u Diop Mambety, Joseph Gaye Ramaka, Mansour Sara Wade, Cheikh
Cette don~~e est d'auta~t plus imp?rtante ,que, jusqu'à ce jour, il Oumar Sissoko, Nicolas Klotz, Thomas Delgado et bien d'autres
existe peu d ecoles de cmema en Afnque, ou des réalisateurs potentiels réalisateurs ont basé certaines de leurs œuvres non pas sur des scénarios
pourraient apprendre les techniques d'écriture. Dans un tel contexte le " originaux ", mais sur des œuvres littéraires africaines ou étrangères.
t~~te Hué.raire ~st donc fondamental comme matière première et sou'rce Lorsqu'on sait par ailleurs que dans les pays du Maghreb,
d msp1rat1on. Cest probablement dans cette optique que Sembène % des films projetés pendant la période coloniale étaient des
o,usmane, dont la proximité avec Paulin Soumanou Vierya n'est pas à " adaptations " 16 , on en en arrive à cette conclusion : en Afrique,
demontrer, s'est mis derrière la caméra. C'est que l'écriture et la langue littérature et cinéma entretiennent une relation de fécondation et
franç~~s: d;meurent, qu'on. le veuille ou non, l'apanage d'une petite d'engendrement réciproque. Dans un tel contexte, l'idéologie et la
m111011te. Cest donc pour combler les lacunes du système de production culture sont fondamentales dans la détermination du contenu filmique.
~e ,la .culture, que Sembène Ousmane décide de faire porter le discours Ce qui est retenu, ajout( supprimé ou complètement transformé n'est
htteraire par ses films. Il veut capitaliser sur la nature dénotative et pas gratuit. Loin d'être momifié, le texte tuteur devient un lieu de
suggestive de l'image pour permettre aux paysans marginalisés d'accéder lectures plurielles et même de manipulations perverses. Par exemple, la
au message filmique : griotte ajoutée par Laurent Chevalier dans L'Enfant noir (1995) n'a
"9uand je me suis rendu compte qu'en raison de l'analphabétisme qui aucunement la même portée que celui de Mansour Sora Wade dans Le
sev;t da,ns m,°n ~ays, je :ie pourrais jamais atteindre les masses par mes Prix du pardon (2000). Dans le premier cas, la monogamie triomphant
lzv1es, J az deczde de traiter dans mes.films les problèmes qui se posent à en occident est vénérée, alors que dans le second, le réalisateur ajoute
n:on feuple .. Ce que je veux, c'est me servir du cinéma comme moyen un personnage qui restitue la culture locale et certaines de ses
d action politique, sans pou11ant verser dans " le cinéma de pancai1es "· paradoxesU. Les démêlés de Joseph Gaye Ramaka avec le public et avec
Il faut que tout en ayant des ve11us didactiques, le cinéma reste un le pouvoir religieux à cause d'une scène controversée d'homosexualité
spectacle populaire. Deux directions s'ébauchent clans le cinéma qu'il a rapidement " nettoyée " de Karmen Geï (2001) sont encore la
africain; contrairement à ceux qui lorgnent vers le cinéma commercial preuve qu'en plus de " l'africanisation " magistrale d'une œuvre
moi je ferai toujours un cinéma pai1isan et militant,, 14 • '
étrangère 18 , l'enjeu des choix discursifs est énorme. La réécriture
On comprend donc que Sembène Ousmane ait presque filmique, comme l'écriture littéraire, se révèle fortement porteuse
systématiquement, doublé ses titres : un~ version littéraire et une version d'idéologie en Afrique. Est-ce d'ailleurs différent sous d'autres cieux?
filmique.
En tout état de cause, on peut remarquer qu'avec Sembène Ousmane Alexie TCHEUYAP
et füss.ek Ba Kobhio en Afrique noire, Mehdi Charef, Ali Ghalem, Tayeb Université de Calgaiy (Canada)
Seddiki et Merzak Allouache au Maghreb, une expérience rare dans
e11 Afrique noire et pour une bibliogra-
n1~stoire culturelle universelle est en train de se déployer: l'écriture des textes
consulter Sada Niang et Alexie Tcbeuyap, "Littérature et Ci11é111a
httera1re et la production filmique du même titre. Même si ces Francophone 11" 57 (2001).
16. Lire à ce sujet Abdelkader Be11ali, Le Cinéma colonial au Maghreb. l'imaginaire en trompe-l'œil, Paris,
12.Jacques Derrida, Marges de la philosophie, Pads, il1inuit, 1972, p. 75. Ce1j; 1994.
13. P S. Vieyra, "Le cinéma et la révolution c1f1icaine ,, ln Présence Africaine. nos 34-35, 1961, p. 101. 77. Pour l'étude des rappo11s e11tre lire Alexie Tcheuyap "La réécriture comme plus-
14. Guy Henebel!e, L'Afrique Littéraire et Artistique n" 20, 1972, p. 202. value sémantique. Montage, technique /e cinéma afi'icain ,, in CiNéMAS, Vol XI, 1, 2000, pp. 77-
96 et et de la rep1tsentatio11 ,, in Présence Francophone 11" 57, 2001, pp. 34-52.
71!. qui a connu plus de trente uersions ...

Vous aimerez peut-être aussi