Michel Tournier ne se lassait jamais de raconter la genèse de ce roman qui lui valut sa
consécration: «Mes échecs à l'agrégation m'avaient laissé par terre. Je voulais être professeur de
philosophie, mais on n'avait pas voulu de moi. J'ai cherché dans cette discipline le motif d'un
roman car je savais bien que de la philosophie pure ne se vendrait pas. Robinson Crusoé m'est
apparu comme un sujet extrêmement intéressant. Il y avait beaucoup de thèmes à exploiter: la
solitude, la relation de l'homme avec l'île, la survenue de Vendredi, qui est d'une autre
génération, d'une autre race, la rencontre de l'homme avec l'adolescent et de l'adolescent avec la
civilisation.»
Au journaliste qui lui demandait pourquoi il avait choisi d'envoyer son manuscrit chez
Gallimard, il répondait: «Gallimard, tout naturellement, parce que je traînais dans le milieu de
l'édition depuis un certain temps déjà. Il a été pris tout de suite. Et quelques années après, j'ai
décidé de le réécrire pour les enfants dans une version améliorée.»
ette adaptation, au style vif et vibrant, est devenue le classique que l'on sait. La première version
avait été encensée par Gilles Deleuze, qui, du haut de son autorité critique, lui avait offert une
analyse très remarquée.
La seconde fait florès sur les bancs de l'école et assoit la notoriété publique de l'auteur, qui
déclarait à son sujet (1): «Fini le charabia. Voici mon vrai style destiné aux enfants de 12 ans. Et
tant mieux si ça plaît aux adultes. Le premier Vendredi était un brouillon. Le second est propre ;
j'ai simplifié un petit peu parce que j'ai trouvé que Vendredi ou les limbes du Pacifique, c'était
trop compliqué et même un peu vicieux, subtil, abstrait.» Il n'en démordra jamais au fil des ans,
préférant toujours cette version à la première.