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Age ANNEE No 208 {et JUILLET 1998 LA NOUVELLE Revue FRANCAISE POUR UN COLLEGE DE SOCIeLOGIE { Guoncrs Barattte . L’apprenti-corcier Micuet Lemus. e sacré dans la vie Roose Cartons... Darew tA Rocaetts. Awpné Svanis. Temples gre Axpne Cia La Galere (i — CHRONIQUES — Air de Mai, par Fravers Jaxon Essais critiques, par Mancet Ani Ta Musique et Pétat mystigue, par P. J. Jouve par J.-P. Sartne, — Lo Crépuscule pat Bernard Barhe a3 Sueur de sang ; Le Paradis perin ; Kyr ‘par Pierre Jean Jouve sara ti 140 Les Essais, — L’expévience podtique, par A, Rolland de Renéville era hse, 1B Literature. — Carnets de Joubert.scss cscs, 187 —Leconcento enmi bonoldeStzavinaky. 152 Correspondance — LAIR DU MOIS — Erebus (da fiont poputave, — En Amésgue, — Réaclons, — Repro, — La peinuce francine en Saine. — Poteshysiqee du mois, — Le Lette BULLETIN, LA NOUVELLE REVUE FRANCAISE REVUE MENSUELLE DE LITTERATURE ET DE CRITIQUE TOME LI PARIS 5, RUE SSBASTIEN-ROTEIN, 3 1938 LA NOUVELLE EVUE FRANCAISE POUR UN COLLEGE DE SOCIOLOGIE Introduction “Il semble que ls citconstances actutles se tient ents particles ‘un raoaiteritigue ayant pour objet les rappatts matuels del’ Are Brin ede eve de a seit: ce qu attend dels ce quel ying deridres années auront vu en effevun des plus considérsbles les intelletiels quo puisse imaginer. Rien de durable, sien de Ho qui foude js tou seve et pord ses artes, ot te emp= {eneare qu'un seul pas. Mais une extraoedinaie et prevsiinead fermentation «es probitmes de la. veilleremis chaqe joa € et quantité d'autres, news, extrtmes, dérontants, inlosable 1s par dos esprits prodigiousement actife et nom mois sent icapables de patience ct de continté. Fn un mot, ton submergeant rélement le marché, etwane Mestre vee iy ot I eapacité méme de consommation. Wie heuicoup de richesses, beaucoup d'espaces verges bresque- js exploration, quetquefes & exploitation : Te reve, Vn i, toutes es formes du mervslleax et de exebs('un définissant Ap intvidalisme forcend, qui faisait du scandale une valen, JP \Vioniowbio une sorte d'unicé affective et quasi lyrique. Cetai, 4o but sen tox: cas beanconp donner ita socitd que ite ba provoquer. Peut-se doit-on voir i le germe dune font Mamapleuscroissante devait fini par dominer sur un vant (superbe & pareeiper aux Jutees politiques et woyant Paton ints wi inal s'accorder aux exigences de leur sic apiiement se soumettee ou se démettre. erminations cppenes, recherche das phénomenes TA NOUVELLE REVUE ¥RANGAISE 6 rains es grands fond slit humaine ean de pout cmp tam que rete le a ee aan oneppacrqieot aes dee se Quant ae Texpimes aces de moter & ails tee Se ent nossa. Ces ale ge ier ale Sts ek hes aioe de Marine ont pore nee epi en ene en anne comet une pl et fe ien in quo ac Ie a posable noma que nis probianes ge pase le Jed Vande eles glen compent on es mbilsent dae lnsnte de smyth Bice noun de cere caver ge at Ste on eer son arse plas grave ech si tena ities Bee ean a FS en re omne ae vines pes de Se a da ae pnp es masines aton ao te wees = era cae ede reer wads & esl snl et oe er mts de cnn (nl Sen cle He conte texte ot oui 2 Rags a Co on programe Tes nee dee eproce feos eae devant a oyun importance prc esr eee esc gee ee gongos stetats seq pa Ea a lee ant gentaement nor, mas seen cc an ate se Ho Sot aqui petet apparent extremes aE a et a peers opine pat Te Se et Te hal Mass deme is comer ce qu sec Sah ope 4 Tn soe a ee ames neat et es Sos Ges strats ue les Scalers aloe on Ft moder, aus ae Pe qugn pty ated es fata a se acti nee qe i aces due ne Me ere au erloppanet ne connairance de Pa a etaceenecenireetcoagicc mani va ee a qe ews met en lami em appar peel som iy a Hen de drlopes ete ce gsi envnagent dt cn a pale nests San cy we ovale an Oe ieee ee gut Serna} Someunant oreo egg eqractve vient ce donate 0 ane bone quay vert pet be = rit Oreste ys oi au ice ces ae ele ass a et tute pean pnt ¥ appre sono de ea a arteries n immpirative des fats soci, POUR UN Colter Dz socIoLocrE y connaisance plus péie ds aspeisexentie dePexnence wae Gis cel aa ongiaom nas nctanaht ora itn tented ele posers ere ton abet pol de activité nv pe reel om de sce lp a nia a de Fst sole ae sic ess nation ht oe pee te tae He pope uae pan de ellen ete ios Sinan lg ale Inco tic grees pat ie ‘inoue vlan A etrtme crt ieaote rat, fie vio ahs BPMs aes whee OA Pip Soci tr vats omnes deel: dma-eceysvlntes av cae ee A Peisteos scale, dans as ptsorines Sarena eeteton st A seplin ls determinent come dn sey campos ex pls acestes ot 1s plus sgniatvestlles que Jes effas les ormées lee confréies les socidtés secrétes, Trvis problémes principaux dominent cats ee aid poo std sare aur ype. Lee stshtion ist pas salen ave oration et Peat: et Sere nee a ive Ft ade Few, Cee un travail entrepis en commun aver un sriens, un désin~ Moen eect as on vada Sener ie ene en er gered es ehh, Cop lide tnt ae etquidonne iV entreprise tout son sens : Pambition que la commune {ipformfe cords on plan fla le den eons Ge coma Sitce tl vloté de panne, devine lenoyon Pane pls vase Sone iow, — le cles dibéré qu ce carpe trouve une ane. RC L’APPRENTI SORCIER* 1X. LIABSENCE DE BESOIN PLUS MALHEUREUSE QUE 1/ABSENCE DE SATISFACTION Un homme porte avec lui un grand nombre de besoins auxquels i doit satisfaire pour éviter 1a détresse. Mais Je malheur peut te frapper méme alors qu'il n'éprowve as de souffrance. Le mauvais sort peut le priver des moyens de subvenir & ses besoins : mais il n'est pas moins atteint quand tel de ses besoins élémentaires tui fait défaut, L’absence de virlité n'entraine le plus sou- ‘vent ni sonffrance, ni détresse ; ce n'est pas Ia satisfac tion qui manque a celui qu'elle diminue : elle est pou tant redontée comme tin malhetr. i U1 est done un premier mal qui n'est pas ressenti par ceux qu'il frappe : il n’est mal que pour celui qui doit envisager la menace d’une mutilation & venir. La phtisie qui détruit les bronches sans provoquer de soufrance est sans aucun doute une des maladies les 1 Cx texte ne consttue pas exactement uve dae socbogqae, mais 2 nition in point de we fl goles reslat dei socihgle palzene appa: tate comme des pense aux souls kx pus vii nou Aue proacupation Sentlique spline. La soilgi allemene on eft pet dielenent Gtr de Iie rq de cence pure en tant ile tun phénoméne Ag disoiation, Sile Ht sol reprsete seal tlt te Teuisene, la sige nagar gon, ence ol coving Social ue peat pa atcindre son objet nh, Gal menue or elle Fata, Alen Ie nigation Ge ser pn. scence sorlogqaeexge done ant tate daute conn gure dispines qu ouecment en spect dao tis de le nate, Hl ember develops —~ en patel en France day ng ax unt nu Ot cnc eas ln ec taeda Lex rts sso ate Yoouent rete de canst amas firicuet peak soon ann ot nt pws ab paul pate dana tove sn amps. LAPPRENTI SORCIER 9 plus pernicieuses, Ht i en est de méme de tout ce qui dé- ‘compose sans éclat, sans qu'il soit concevable qu’on putisse en prendre conscience. Le plus grand des manx qui frappent les hommes est peut-étre la réduction de leur existence & l'état d'organe servile, Mais personne ne sfapergoit qu'il est désespérant de devenir politicien, écrivain ou savant. Il est done impossible de remédier 8 Vinsuffisance qui diminue celui qui renonce & devenir un homme entier pour n'étre plus qu'une des fonctions de la société fmmaine. 2, Lome Privé DU BEsoM p'frRE HOMRNE Le mal ne serait pas grand s'il n’atteignait qu'un cer- tain nombre d’hommes dépourvus de chance. Celui qui prend Ia gloire de ses ceuvres littéraires pour l'accom- plissement de son destin pourrait se tromper sans que 1a vie bumaine fit entrafnée dans une défaillance géné. rale, Mais il n'existe rien au dela de ta science, de la poli- tique et de Yart — qui sont tenus de vivre isotés, chacun pour soi, comme autant de serviteurs d’un mort. La plus grande partie de lactivité est asservie & la pro- duction des biens utiles, sans qu'un changement décisif apparaisse possible, et homme n'est que trop porté 2 faire de Vesclavage du travail une limite & ne plus fran- chir. Cependant Yabsurdité d'une existence aussi vide exgage encore Vesclave & compléter sa production par tine réponse fidéle a ce que l'art, la politique ou la science tei demandent d’étre et de croire il rencontre la tout ce qu'il peut prendre pour son compte de 1a destinée humaine, Les « grands hommes» qui s'exercent dans ces domaines constituent ainsi une limite pour tous les autres, Et aucune souflrance alarmante n'est liée & cet tat de demi-mort — & peine la conscience d'une dépres- sion {agréable si elle coexiste avec le souvenir de ten- sions déceveates). x0 . 1A NOUVELLE REVUE FRANCAISE ‘Test loisiblea homme de ne sien aimer. Car univers sas cause et sans but qui lui a donné le jour ne Tui a pas nécessairement accordé une destinée acceptable, Mais Vhomme & qui la destinée humaine fait peur, et qui ne peut pas supporter Venchainement de Varidité, des crimes et des miséres,ne peut pas non plus étre viril.$' se détourne de luiméme, il n’a méme pas de raison de s'épuiser A gémir. Tl ne peut tolérer l'existence qui Jui échoit qu’a lacondition doublier ce qu'elle est vraiment. Les artistes, les politiciens, les savants regoivent 1a charge de lui mentir : ceux qui dominent ators existence sont presque toujours ceux qui savent le mieux se men- tir A eux-mémes, en conséquence ceux qui mentent le mieux aux autres. La virilité décline, dans ces conditions, autant que amour de 1a destinée humaine. ‘Tous les faux-fayants sont bienvenus pour écarter l'image héroi que et séduisante de notre sort : il n'y a plus de place dans un monde oit le besoin d’étre homme fait défaut, sinon pour le visage sans attrait de homme utile. Mais alors que cette absence de besoin est ce qui peut arriver de pire, elle est ressentie comme une béatitude, Le mal n’apparait que si la persistance de I’ « amor inti » rend un homme étranger au monde présent. 3. L/HOMME DE LA SCIENCE 1) « homme que la peur @ privé du besoin d’étre homme »a placé sa plus grande espérance dans la science. Tla renoneé au caractére de /otalité que ses actes avaient. eu tant qu'il voulait vivre son destin. Car Yacte de science doit étre autonome et le savant exelut tout inté- rét humain extérieur au désir de 1a connaissance. Un homme qui prend sur Ini la charge de la science a changé Je souci de la destinée humaine & vivre pour celui dela ‘vérité & découvrir. I1 passe de la totalité a une partie, et le service de cette partie demande que les autres VAPPRENT! SORCIER Ey ne comptent plus. La science est ue fonction qui me s'est développée qu’aptts avoir ovcupé la place de Ja des- tinge qu'elle devait servir. Car elle ne pouvait rien tant qu'elle était servante. Tiest paradoxal qu’:tne fonction n’ait pu s'accomplir qu’a Ia condition de se donner pour une fin libre. ‘ensemble de connaissances dont l'homme dispose est dit & cette sorte de supercherie. Mais s'il est vrai que le domaine humain en est accru, c'est an bénéfice @’une existence infirme *. 4 HOMME DE LA FICTION La fonction que sattribute Fart est plus équivoque. IL ne semble pas toujours que I'6crivain ou Vartiste alent ‘accepté de renoncer a existence, et leur abdication est, plus diflieile a d&celer que celle de "homme de la science. Ce que l'art ou la littérature expriment n’a pas Vaspect oisean décervelé des lois savantes ; les troubles figures quills composent, & Vencontre de la réalité méthodique- ment représentée, n’apparaissent méme que revétues de séduction choquante, Mais que signifient ces fantémes, peints, ces fantomes écrits suscités pour rendze le monde oi nous nous éveillons un peu mains indigne d’étre hanté par nos existences déseeuvrées ? Tout est faux dans les images de la fantaisie. Et tout est faux d’tm mensonge qui ne comnait plus t’hésitation ni ta honte. Les deux Aéments essentiels de la vie se trouvent ainsi dissociés avec rigueur. La vérité que poursuit Ja science n'est vraie qu’a la condition d’étre dépourvue de seus et rien n’a de sens qu’a Ia condition d’étre fiction Les servitenrs de la science ont exclu la destinge humaine da monde de la vérité,et les serviteurs de/art 1, Tne stent pas que ln cence dave tre neji. Te rages moray sont seul ertgués mais st pas impose dy eamieve Me we ‘csv en x qui emote saab dy canteen am ne do aa wineongh fl pap wee? Fea EA NOUVELLE REVUE FRANCAISE ont renoncé a faire un monde vrai de ce qu’tne estinée anxieuse les a contraint de faire apparaitre. Mais il n'est pas faciled’échapper pourautant ila nécessitéd’atteindre une vie réelle et non fictive. Les serviteurs de l'art peuvent accepter pour ceux qu’ils extent existence fugitive des ombres : is m’en sont pas moins tenus dentrer enx-mémes vivants dans le royaume du vrai, de argent, de la gloire et du rang social. Tl leur est done impossible avoir autre chose qu’une vie boiteuse. Us pensent souvent qu’ils sont possédés par ce qu'ils figurent, mais ce qui n'a pas lexistence vraie ne posséde * rien : ils ne sont vraiment possédés que par leur carriere, Le romantisme substitue aux diews qui possédent du. dehors 12 destinge matheureuse du podte mais il est loin aéchapper par 1A & la boiterie : il n'a pu que faire du ‘malheur une forme nouvelle de cattitre et il a rendu les mensonges de cetx qu'il ne tuait pas plus pénibles 5. LA FICTION mist AU SERVICE Dx 1/AcTION ‘Lihypocrisie lige & la carriére et, d’une fagon plus géné- rale, au moi de Vartiste ou de 'écrivain, engage & mettre les fictions au service de quelque réalité plus solide. Sil est vrai que art ot Ia littérature ne forment pas un. monde se suffisant 4 Iti-méme, ils peuvent se subordon- ner au monde réel, contribuer & la gloire de (iiglise on de tat ou, si ce monde est divisé, a Vaction et & la propagande religieuse ot politique. Mais, dans ce cas, il n'y @ plus quiomement ou service d’autrui, $i les institutions que Yon sert étafent elles-mémes agitées par le mouvement contradictoire de 1a destinée, Yart rencontrerait la possibilité de servir Yexistence profonde et de Vexprimer; s'il s'agit d’organisations dont les int& réts se lient & des circonstances, & des communautés par- ticuliéres, Tart introduit entre Vexistence profonde et /APFRENTI soncreR 13 Vaction partisane une confusion qui chogue parfois miéme Jes partisans. Le plus souvent, la destinge bumaine ne peut étre vécue que dans la fiction. Or homme de la fiction soufire de ne pas accomplir lui-méme ia destinge qu'il décrit ; il soufire de n’échapper & la fiction que dans sa carriére. 11 tente alors de faize entrer les fantimes qui Je hantent dans le monde réel. Mais dés qu’ils appar- tiennent au monde que Yaction rend vrai, dts que Vauteur les lie & quelque verité particuliére, ils perdent Je privilége qu’ils avaient d’acoomplir’ Vexistence humaine jusqu’au bout : ils ne sont plus que les reflets ennuyenx d'un monde fraguentaic. 6, L'Hown: pe 1/action Si la vérité que ta science révéle est privée de sens humain, si les fictions de esprit répondent seules a la volonté étrange de homme, Yaccomplissement de cette volonté demande que ces fictions soient rendues vraics. Gelui qu'un besoin de eréer posside ne fait qu'éprouver te besoin d’étre homie. Mais il renonce & ce besoin s'il Tenonce & créer plus que des fantaisies et des mensonges, Tne demeure viril qu’en cherchant & rendre ta réalité conforme A ce qu'il pense : chaque force en iui réclame de soumettze au captice du réve le monde manqué dans Tequel il est surven Cependant cette nécessité n'apparait le plus souvent Gite sous une forme obscure, II apparatt vain de se bor- er réfléchir la réalité comme Ia science, et vain de Ii échapper comme ta fiction. I,action seule se propose de Sransformer Je monde, c'est-a-dire de le rendre sem- lable au séve, « Agir » résonne dans l'oreille avec l'éclat es trompettes de Jéricho. TI n’est pas d'impératif qui osside mne eficacité plus rude et, pourestui quitentend, In nécessité d'en venir atx actes est imposée sans lad 1‘ Z 4 TA NOUVELLE REVUB PRANGAISE possible et sans condition, Mais celui qui demande & Paction de réaliser 1a volonté qui l'anime regoit vite d’étranges réponses. Le néophyte apprend que la volonté d’action efficace est celle qui se limite a des révesmornes, Ti accepte : il comprend alors lentement que V'action ne Jui laissera que le bénéfice davoir agi. Il croyait trans- former le monde selon son réve, il n’a fait que transicr- mer son réve h Ja mesure de la séalité la plus pauvre : i he peut qu’étouffer en Ini 1a volontt qu'il portait ~ afin de pouvoir AGIR. 7. WACTION CHANOAE PAR LE MONDE, TMPUISSANTH ALE CHANGER ‘Le premier renoncement que action demande & celui qui veut agir st qu'il éduise son réve & des proportions écrites par la science. Le souci de donner & la destinée numaine un autre champ que la fiction est méprisé par Jes doctrinaines de le politique. II ne peut pas étre Eoarté dans la pratique des partis extrémes qui exigent des ‘militants qwils jouent leur vie. Mais la destinée d'un homme ne devient pas réelle & 1a seule condition qu'il combatte, 11 faut encore que cette destinge se confonde vee celle des forces dans les rangs desquelles il affronte ta mort. Et des doctrinaires, disposant de cette destinée, la réduisent au bien-étre égal pour tous. Le langage de Faction n’accepte qu’ane formule conforme aux prin- cipes rationnels qui régissent 12 science et Ja main- tiennent étrangere & 1a vie hnumaine. Personne ne pense quiune action politique puisse se définir et prendre figure de la méme fagon que ‘existence se définit et prend igure sous la forme personnelle des héros de, le Tégende. La juste repartition des biens matériels et cul- turels répond setile au souci qui les posstde d’éviter tout ce qui ressemble au visage humain et & ses expressions de désir avide ou de défi heureux devant la mort. Tis L/AFPRENTI SORCIER i sont persuadés qu'il est haissable de s'adresser & la multitude en lutte comme & une foule de héros dja mou- rants, Ils parlent donc le langage de I'intérét A ceux qui sont en quelque sorte déja ruisselants dur sang de leurs ‘propres blessures. Les hommes de Yaction suivent ou servent ce qui exist. Si leur action est une révolte, ils suivent encore ce qui existe quand ils se font tuer pour le détruire. La destinée humaine les posséde en fait quand ilsdétruisent dle leur échappe dés qu’ils n’ont plus que la volonté ordonner leur monde sans visage. A peine la destruc- fion estelle achevée qu’ils se trouvent autant que autres A la suite, & 1a merci de ce¥quiils ont détruit, qui recommence alors & se construire. Les réves que la seience et la raison avaient réduits & des formules vides, Jes réves amorphes cessent eux-mémes d’étre plus que Ja poussitte soulevée au passage de ACTION. Asservi et brisant tout ce qui n'est pas courbé par une nécessité quills subissentavant tes autres, les hommes de action Sabandonnent aveuglément au courant qui les porte et, ‘que leur agitation impuissante accélere. 8. LExIsTENcE Drssocnix: Lrexistence ainsi brisge en trois morceaux a cessé etre Vexistence : elle n’est plus qu’art, science ou poli- tique. La of la simplicité sauvage avait fait dominer des hiommes, il n'y a plus que des savants, des politiciens et des artistes, Le tenoncement 4 existence en échange de la fonction est la condition souscrite par chacun deux. Quelgnes savants ont des soucis artistiques et politiques ; des politiciens, des artistes peuvent aussi bien regarder en dehors de leur domaine : ils ne font quadditionner trois infirmités qui ne font pas un homme valide. Une totalité de Vexistence a peu de | choses 4 voir avec inne collection de capacités et de “romaimnees, Fille ne se Taisse pas plis découper en 16 TA NOUVEL REVUE FRANCAISE parties qu'um corps vivant. La vie est I'unité virile des Géments qui la composent. I ya en elle la simplicité dun coup de hache. 9. VRRISTENCR PLEINE ET L/mmacE DE r'érRe ance ‘Liexistence simple et forte, que la servilite tonction- nelle n'a pas encore détruite, est possible seulement dans la mesure ob elle a cessé de se subordonner & quel- que projet particulier comme agir, dépeindre on mesn- rer : elle dépend de image de la destinée, du mythe séduisant et dangereux dont elle sesentsilencieusement solidaire. Un étre humain est dissocié quand il se voue & un travail utile, qui n'a pas de sens par Iui-méme : ne peut trouver Ja plénitude de Vexistence totale que séduit. La virilité n'est rien de moins que expression : quand un homme n’a plus la force de répondre & Vimage de Ia nudité désirable, it reconnatt Ja perte de son intégrité virile. Et de méme que la viri- Jit8 se lie A Yattrait d’um corps mu, existence pleine se lie & toute image qui suscite de l'espoir et de I'eliroi. V/ETRE AIME dans ce monde dissons est devent ta seule puissance qui ait gardé la vertu de rendre & la cha~ leur de la vie. Si ce monde n’était pas sans cesse par- vouru par les mouvements convulsifs des tres qui se cherchent I'am autre, s'il n'était pas transfiguré par te visage « dont absence est douloureuse », il aurait l'appa- rence d'une derision offerte & ceux qu'il fait naitze : existence humaine y serait présente & l'état de souvenir ‘ou de film des pays « sauvages o. ILest nécessaire d'excep- ter la fiction avec un sentiment irrté. Ce qu'un tre pos- sade au fond de lui-méme de perdu, de tragique, la « mer- veille aveuglante » ne peut plus étre reneontrée que sur un lit, I] est vrai que Ja poussiére satisfaite et les soucis issociés du monde présent envahissent aussi les cham= brea : les chambres verfouillées nen demeurent pas LIAPPRENTT SORCLER 7 moins, dans le vide mental presqu'illimité, autant @’ilots ot les figures de 1a vie se recomposent. 10. LE CARACTERE MLUsOIRE DE /prRE arti Léimage de Vétre aimé apparait tout d’abord avec un éclat précaite, Elle éclaire en méme temps qu'elle effraie celui qui la suit des yeux. II I’écarte et sourit de son agitation puézile s'il place au premier rang le souci de ses fonctions. Un homme devenu « sérieus » eroit facile de trouver existence ailleurs que dans 12 réponse qu’ll doit faire & cette sollicitation, Cependant, méme si quelqu’autre moins lourd se laisse briler par la séduc- tion qui lui fait pear, il doit encore seconnaitre le carac- tire illusoire d’une telle image. Car il suflit de vivre pour la contredire, Manger, dor- mir, parler la vident de sexs, Si un homme rencontre tune femme et si l’évidence se fait en lui que la destinée lle-méme est 1a, tout ce qui Venvahit alors de la méme fagon qu'une tragédie silencieuse est incompatible avec Jes alles et venues nécessaires de cette femme. L/image dans laquelle un instant la destiuée est. devenue vivante se trove ainsi projetée dans un monde étranger & Vagitation quotidienne. La femme vers laquelle un _ homme est porté comme a la destinge humaine incamée _ pour tui n’appartient plus & Yespace dont argent dis- "pose. Sa douceur échappe au monde réel oi elle passe ‘Mins se faisser enfermer plus qu'un réve. Le malheur tavagerait Vesprit de celui qui se laisserait posséder par ts besoin de la réduire, Sa réalité est aussi douteuse {Wane ineas qui vacille, mais que la nuit rend violente. TE, 1B MONDE VRAT DES AMANTS Cependant ta premfére apparence donteuse des dewx ‘gui se rejofgnent dans tear nuit de destin nest 2 18 HA NOUVELLE REVUE PRANGAISIE pas de la méme nature que les illusions du théatre ou des livres, Car le théétre et Ia littérature ne peuvent pas seals créer un monde of des étres se retrostent. Les plus Aéchirantes visions représentées par Vart n'ont jamais, eréé qu'in lien fagace entre ceux qu’elles ont tou- chés. S'ils se tencontrent, ils doivent se contenter dexprimer ce qu'ils ont éprouvé par des phrases qui substituent la comparaisnn et I'analyse & des réactions communicables. ‘Tandis que les amauts communient méme au plus profond d’an silence ob chaque mowy=- iment chargé de passion brilante a le pouvoir de donner Vextase, Il serait vain de nier que le foyer ainsi enflammé ne constitue 1n monde réel, le monde ot les amants se retrouvent tls qu’ils se sont apparus une fois, chacun dentre excx ayant pris la figure émouvante du destin, de Yautre. Ainsi le mouvement orageux de Yamour rend, vrai ce qui n’était le premier jour qu’tune illusion. Lobstacle rencontré par les activités fragmentaires ignorant les autres — par Vaction ignorante du réve — est done franchi lorsque deux étres amoureux unissent teurs corps. Les ombres poursuivies jusqu’a Vétreinte n’émerveillent pas moins que es lointaines créatures des égendes. L’apparition d'une femme, tout & coup, semble appartenir au monde bouleversé du réve ; mais 1a pos- session jette la figure de réve nue et noyée de plaisirs dans le monde étroitement réel d'une chambre. ‘L/action heureuse est Ia « sceur dit réve », str le lit méme oi Ie secret de la vie est révélé a 1a connaissance. ‘Btla connaissance est la découverte extasiée dela destinge humaine, dans cet espace préservé ott [a science — au- tant que Vart ou V'action pratique —~ @ perdu la possi- bilité de donner un sens fragmentaire & l'existence * Sete eo aa ha eee ene eee eer a cbucolo ee re ee eee pes eee ere Te ee WAPpRENTT SORCTER 132. LHS ENSEMBLES DE HASARDS Te renoncement au réve et la yolonté pratique de Vhomme d'action ne représentent donc pas les seuls ‘moyens de toucher Je monde réel. Te monde des amants n'est pas moins ural que celui de 1a potitique. 1 absorbe méme la totalité de I'existence, ce que la politique ne peut pas faire, Et ses caractéres ne sont pas ceux du. monde fragmentaire et vide de Y’action pratique mais ceux qui apparticnnent a la vie Mumaine avant qu'elle ne soit servilement réduite : le monde des amants se construit, comme la vie, a partir dwn %nsemble de hasards donnant la réponse attendve & une volonté d'étre avide et puissante, Ce qui détermine 1'élection de Vetre aimé — telle que la possibilité d'un autre choix, représentée avec logique, inspire Phorreur — est en effet réductible & un ensemble de hasards. De sixaples coincidences disposent Ia ren- contre et composent la figure féminine du destin a Taguelle un homme se sent 1i¢ quelquefois, jusqu’a en mousir, La valeur de cette figure dépend d’exi- gences depuis longtemps obsédantes et si difficiles a satisfaire qu'elles prétent a l'étre aimé les couleurs de Ja chance extréme. Quand une configuration de cartes entre dans un jeu, elle décide du sort des mises : la rencontre inespérée d’ume femme, de la_méme fagon que 1a donne rare, dispose, elle, de existence, Mais Ja plus belle domme n’a de sens que si les conditions ol elle Gchoit permettent de s'emparer de I'argent aw jeu. La figure qui gagne n'est qu'une combinai- son arbitraire : Vavidité du gain et le gain la rendent réelle, Des conséguences dorment seules un carac- tere vrai @ des ensembles de hasards qui wauraient ne eeu le consilérer comme ta fonne dmentie de a ss La ‘no apts lel e eon serait a based ait fck a faa ‘aiGe yt ley Fans qu sent dss 20 1A NOUVELLE REVUE PRaNcaIsH, pas de seus si le caprice hnmain ng les avait pas choisis. La rencontre d'une femme ne serait qu'une émotion esthétique sans la volonté de Ia posséder et de rendre vrai ce que son apparition avait semble signifier. Une fois seulement conquise, ou perdue, l'image fugitive du destin cesse d’étre une figure aléatoire pour devenir In r6alité artétant Ie sort. Une « avide et puissante volonté d’étre » est donc Ia condition de la vérité ; mais individu isolé ne posstde jamais le pouvoir de eréer un monde (jl ne le tente que sill est lui-méme dans le pouvoir de forces qui font de Ini un aliéné, un fou) : la coincidence des volonités 2est ‘Pas moins nécessaire & la naissance des mondes hnmains que Ja coincidence des figures de hasards. Seul T'accord des amants, comme celui de la table des joucurs, erée Ja réalité vivante de correspondances encore informes (si Vaccord manque, le malheur, dans lequel Yamour reste réel, est toujours ta conséquence d'une premiére com- plicité. L’accord de deux, ou de quelqnes-ans, s'ajoute @ailleurs & Ja croyance générale donnant une valeur a des figures déja décrites, La signification de amour est déterminge dans les Iégendes qui illustrent la des- tinge des amants dans ‘esprit de tous. Mais cette « avide volonté d’étre », en rapport méme avec le fait qu’elle est commune, n'est nutlement sem- Dlable A la volonté qui délibére et intervient. Bile est volonté comme une aveugle intrépidité devant la mort et doit, & exemple de celui qui affronte un feu meurtrier, s'en remettre en grande partie att hasard. Seul un mou- vement hasardé peat donner la réponse que la passion obscure exige & l'apparition fortuite des «ensembles » Un beau jeu n'a de valeur que si les cartes sont battues, coupées et non disposées par un arrangement antérieur qui coustituerait Ja tricherie, La décision du joueur doit clle-méme étre hasariée, dans Vignorance duu jeu des WAPPRENTE sORcTER ar partenaires. La force secrtte des éires aimés et la valeur de leur conjonction ne peuvent pas non plus résulter de décisions ou d’intentions arrétées & I'avance, Tl est vrai gue, méme au dela de la prostitution ou du mariage, le monde des amants est encore plus abandonné & la tri- + cherie que celui du jeu. J n'y a pas de limite précise mais des nuances nombseuses entre la rencontre ingénue de personnages incapables d'arrigre-pensée etla coquette- rie impudente ordonnant sans répit des supercheries et des manceuvres. Mais Vinconscience naive a seule le pouvoir de conquérir le monde de miracles of les amants se retrouvent, 4 Tee hasard, 1a chance, qui dispute la vie & 1a disposi- tion téléologique, & T'ordonnance des moyens ct: des fins, lemporte ainsi, survenant avec une fougue divine. Lintelligence a cessé depuis longtemps de sentir I'uni- vers dans le pouvoir dela raison qui prévoit. existence elle-méme se reconnatt & la disposition du hasard pourv qu'elle se regarde & la mesure du ciel éoilé ou de la mort. Elle se reconnait dans sa magnificence faite & Vimage d'um univers que n'a pas touché la souillure dix mérite ou de 'intention. 13. LA Destinés Br Lae wvtm Il est impossible de songer sans tomaber aussit6t dans tune longue angoisse & Ia foule qui se détoume de cet empire « horrible » du hasard. Cette foule exigeen effet ‘qt’'une vie assurée ne dépende plus que du caleul et de la décision appropriés. Mais cette vie « qui se mesure seule- ment & la mort.» échappe & ceux qui perdent le gott de ‘riler, comme fe font les amants et les joueurs, 3 tra- vvers «es flanames de lespoir et de Ieffroi », La destinée hhounaine yeut que te hasard capriciewx propose ; ce que la raison substitue & In riche véxétation des 22 TA NOUVELLE REVUE FRANCAISE ‘hasards n’est plus une aventure a vivre mais la solution, vide ot correcte des difficultés de Vexistence. Tes actes, engazés dans quelque fin rationnelle ne sont que des répontes faites & Ia nécessité servilement subie. Les ‘ctes engagés dans la poursuite des images séduisantes, de Ia chance sont les seuls qui répondent ax besoin de vivre & exemple de la flamme. Car il est humain de briler et de se consumer jusqu’au suicide devant la ‘table du baceara : méme si les cartes font apparaitre une forme déchue de fa bonne ox de la mauvaise fortune, ce quielles figurent, qui donne ow perd argent, posséde anssi la vertu de signifier Te destin (la dame de pique signifie parfois la mort). Il est au contraire inhumain d’abandonner l'existence & Tenchainement des actes utiles. Une partie des disponibilités humaines, inévita- Dlement, est vouée au souci des souffrances dont il faut se délivrer, telles que la faim, le froid, les contraintes sociales. Ce qui échappe & ta servitude, la vie, se joue, Clest-a-dire se place sut les chances qui se tencontrent. La vie se joue : le projet de la destinge se réalise. Ce qui n'était que figure de réve devient le mythe. Et le mythe vivant, que la poussidre intellectuelle ne connatt que mort et regarde comme la touchante erreur de l'igno- rance, le mythe-mensonge figure fa destinée et devient Vétre. Non Tétre que la philosophie rationnelle trahit en lui donnant Fattribut de Pimmuable. Mais I'etre qu’énonce le prénom et le patronyme ; puis Vétre double qui se perd dans Jes interminables étreintes ; Vétre enfin de la cité « qui torture, décapiteet faitla guerre. Le mythe demeure 2 la disposition de celui que art, Ja science ou la politique étaient incapables de satisfaire, Bien que l'amour constitue & Ini seul un monde, i! laisse intact ce qui Yentoure. L’expérience de l'amour aceroit méme Ia Iucidité et 1a souffrance : elle développele malaise et I'épuisante impression de vide qui résulte LIAPPRENTT SORCTER 23 du contact de la société décomposée. Le mythe seul renvoie & celui que chaque épreuve avait brisé l'image dune plénitude étendue & la communauté oh se ras- semblent Jes hommes. Le mythe seul entre dans les corps de coux qu'il lie et leur demande ta méme attente. II est Ja précipitation de chaque danse ; il porte existence «son point d’ébullition »: il fai communique l'émotion tragique qui rend son intimité sacrée accessible, Car le mythe n'est pas settlement la figure divine de la destinge et le monde oit cette figure se déplace : il ne peut pas @tre séparé de la communauté dont il est la chose et qui prend possession, rituellement, de son empire. TI serait fiction si Yaccord qu'un peuple manjfeste dans Vagita- tion des fétes ne faisait pas de Iui la réalité humaine vitale, Ile mythe est peut-etre fable mais cette fable est placée & Yopposé de Ia fiction si Yon regarde le peuple qui la danse, qui ’agit, et dont elle est Ia vérité vivante. Une commuauté qui n'accomplit pas 1a possession rituelle de ses mythes ne posséde plus qu'une vérité qui décfine : elle est vivante dans la mesure od sa vo- Tonté d’étre anime Yensemble des hasards mythiques quien figurent existence intime. Un mythe ne peut done pas étre assimilé aux fragments épars d'un en- semble dissocié, Tl est solidaire de I'existence totale dont il est expression sensible, Le mythe rituellement véeu ne révéle rien’ de moins que Métre véritable : en Ini la vie n’apparalt pas moins tetrible ni moins belle que la femme aimte sur le lit otelle est nue. La pénombre du Tien sacré qui contient la pré- sence réelle oppresse davantage que celle de la chambre oot s'enferment les amants ; ce qui s'offre & la connais- sance n’est pas moins étranger la science des labora- toires dans le lien sacré que dans Ialedve, L’existence humaine introdnite dans te lieu sacré y rencontre ta, figure du destin fixée par le caprice du hasard : les lots Werminantes que désinit Ia science sont & Yopposé de 24 1A NOUVELLE REVUE FRANGATSE ce jett de Ia fantaisie composant la vie. Ce jeu s'écarte de la science et coincide avec le délire engendrant tes figures de l'art. Mais ators qne l'art reconnait la réalité demiére et le caractére supérienr du monde rai qui contraint tes hommes, le mythe entre dans Vexistence humaine comme tne force exigeant que la réalité ‘inférieure se soumette A son empire. 14, L/areREnt: soncTER ‘Test vrai que ce retour & la vieille maison humaine est peut-étre instant Je plus inquiet d'une vie vouée & la succession des illusions décevantes. La vieille maison du mythe & mesure qu'une démarche singaliére se rap- proche d’elle n’apparait pas moins désertée que les dé- combres « pittoresques » des temples. Car la représenta- tion du mythe exprimant la totalité de existence n'est ‘pas le résultat d’une expérience actuelle. Le passé seu, ‘ou la civilisation des « arriérés », ont rendu possible la connaissance mais non la possession d'un monde qui semble désormais inaccessible. Il se pourrait que l'exis- tence totale ne soit plus pour nous qu'un simple réve, nourri pet les descriptions historiyues et par Jes Iueurs seerétes de nos passions. 1,25 hommes présents ne pour- yaient se rendre maitres que dn amas représentant les, débris de existence. Cependant cette vérité reconnue apparait vite la merci de la Incidité que commande le ‘vesein de vivre. II faudra tont au moins qu’tmne premiére expérience soit suivie d'échec avant que Ie négateur ait acquis le droit au sommeil que sa négation Ini ga~ rantit. Ia description méthodique de Vexpérience 2 tenter indique d’aillewrs qu'elle ne demande que des, conditions séalisables, I,’ « apprenti sorcier », tout, Wabord, ne rencontre pas d’exigences différentes de celles qu'il aurait rencontrées dans la voie difficile de art. Les figures inconséquentes de ta fiction n’exciuent pas VapPeen sone 35 moins Vintention déterminée que Jes figures arides du mythe. Les exigences de invention mythologique sont seulement plus rigoureuses. Elles ne renvoient pas, comme le voudrait une conception rudimentaire, & obscures facultés d'invention collective. Mais elles - refuseraient toute valeur & des figures dans lesquelles Ia part de Varrangement youl n’aurait pas &é é&artée avec la rigneur propre au sentiment du sacré. D’un bout a Yantre, I’ « apprenti sorcier » doit daillenrs se faire & cette rigueur (& supposer qu'elle ne réponde pas & son impératif le plus intime). Le secret, dans le domaine cit il s'avance, n'est pas moins nécessaire & ses étranges démarches qu'il ne Vest aux transpoxts de I’érotisme (le monde total du mythe, monde de Tétre, eat séparé dn monde dissocsé par les limites mémes qui séparent le sacré du profane). I.a « société secréte » est précisément Tenom dé la réalité sociale que ces démarches composent. Mais cette expression romanesqne ne doit pas étre en- tendue, comme il est d'usage, dans fe sens vulgaire de « société de complot ». Car le secret touche & In réalité constitutive de Mexistence qui séduit, non & quelque action contraire'A la stireté de 'Rtat, Ie mythe nait dans Jes actes rituels dérobés & la vulgarité statique de la eociété désagrégée, mais la dynamique violente qui lui appartient n’a pas d’autre objet que le retour & la tota- lite perdue : meme sit est vrai que Ja répercussion soit Aécisiveet transforme a face dn monde {alors que Vaction es partis se perd dans Je sable mouvant des paroles qui se coutredisent), sa répercussion politique ne peut étre ne le résultat de Vexistence, L/obscurité de tels projets, arexprime que la déconcertante nouveauté de direction - sévessaire att moment paradoxal dn désespoir. GHORGES uaTALK

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