I. INTRODUCTION
Le 3éme consensus sur le sepsis s’est tenu en février 2016, après environ 25 ans du premier.
Des experts européens appartenant à des sociétés de médecine de soins intensifs ont apporté
des modifications importantes, en l’occurrence sur les définitions du sepsis et du choc
septique . Cette mise à jour basée sur les avancées physiopathologiques a simplifié encore
plus des concepts déjà connus. Le sepsis est un tableau clinico-biologique protéiforme et
complexe. Il est considéré comme une des principales causes de morbi-mortalité dans le
monde. Selon une étude Américaine, effectuée en 2009, on estimait près de 3 millions de cas
de sepsis par an responsables de plus de 200 000 décès . L’incidence du sepsis dans le monde
y compris l’Algérie (malgré l’absence de données précises) est en constante augmentation en
raison du vieillissement de la population qui la rend ainsi plus vulnérable à l’infection
notamment en présence de comorbidités, et de l’utilisation croissante des
immunosuppresseurs. Une prise en charge précoce permet de réduire significativement la
mortalité liée au sepsis. En effet, les dernières études publiées ont montré une réduction de
49% de la mortalité avec un traitement précoce contre une réduction de 19 % avec un
traitement classique .
DEFINITIONS
Tout a commencé en 1992, la première conférence de consensus avait définit le sepsis comme
étant une réponse systémique à l’infection. Cette dernière est liée essentiellement à la
souffrance de différents organes situés à distance de l’infection. Pour comprendre, prenons
l’exemple d’un patient qui a un abcès du pied et qui développe une détresse respiratoire aigue.
La recherche de germe au niveau respiratoire peut être négative ou peut retrouver un germe
différent de celui existant sur le pied. À l’époque cette réponse systémique était expliquée
principalement par l’inflammation (composante physiopatlogique du sepsis). Le syndrome de
réponse inflammatoire systémique (SIRS) (tableau 1) était un élément essentiel dans le
diagnostic du sepsis. En fait, le SIRS n’est pas spécifique à l’infection, il peut être provoqué
par d’autres situations telle la pancréatite, l’ischémie, les traumatismes, un choc hémorragique
et des réactions immunes diverses. L’évolution du SIRS sans traitement, se fait souvent vers le
dysfonctionnement des organes voire le décès. Elle passe selon la gravité par deux états
cliniques distincts. Le premier est le sepsis sévère (tableau 2) défini selon ce consensus par la
présence d’un sepsis s’accompagnant de signes d’hypoperfusion, de dysfonction d’organes ou
d’hypotension (tableau 2). Le deuxième est le choc septique défini par la présence d’un sepsis
sévère avec hypotension artérielle réfractaire au remplissage vasculaire. Ce dernier représente
l’évolution finale d’un sepsis non traité.
En 2001 une mise à jour des définitions était proposée par les experts du comité de consensus
ACCP/SCCM (2eme conférence). On définissait le sepsis par la présence d’une infection
associée à un SIRS dont de nouveaux paramètres clinico-biologiques ont été ajoutés (Tableau
3).
Vingt cinq ans après le premier consensus, soit en 2016 (3eme conférence) de nouvelles
modifications ont été adoptées par les sociétés européennes et mondiales de soins intensifs.
Le terme sepsis sévère et le SIRS ne sont plus usités.
Des auteurs ont developpé un score plus simplifié que le SOFA, le quick SOFA (qSOFA) qui
permet non seulement de suspecter un sepsis mais également d’évaluer son pronostic (figure
1). En effet, un total de deux points ou plus identifie des patients à grand risque de mauvaise
réponse au traitement. Sa valeur prédictive pour la mortalité hospitalière en dehors des unités
de soins intensifs est plus élevée (sensibilité 0,81) que celle du SOFA complet (sensibilité
0,79), et du SIRS (sensibilité 0,76). Elle est par contre, moins élevée (sensibilité 0.66) en
unités de soins intensifs que le SOFA complet (sensibilité 0.74).
Système 0 1 2 3 4
Respiration <100 (13.3)
<400 <200 (26.7)
Pao2/Fio2,mmhg 400(53.3) <300 (40) sous
(53.3) sous
(Kpas) respirateur
respirateur
hémostase
Plaquettes x 10 3 150 <150 <100 <50 <20
/mL
Foie
Bilirubine, <1.2 1.2–1.9 2.0–5.9 6.0–11.9 >12.0
mg/dL (20) (20–32) (33–101) (102–204) (204)
(m mol/L)
Cardiovasculaire MAP MAP Dopamine Dopamine Dopamine >15
70mm <70mm <5 5.1–15 ou or
Hg Hg ou epinephrine epinephrine
dobutamine 0.1 ou >0.1 ou
(quelque norepinephrine norepinephrine
soit la 0.1 b >0.1 b
dose)
Système nerveux
central
Glasgow coma
scale score c 15 13–14 10–12 6–9 <6
Rein
1.2–1.9
Créatininémie, 2.0–3.4 3.5–4.9 (300–
<1.2 (110) (110– >5.0 (440)
mg/dL (171–299) 440)
170)
(m mol/L)
Diurèse, mL/d <500 <200
Fio2 = fraction of inspired oxygen; MAP= mean arterial pressure; Pao2 = partial pressure of oxygen.
bCatecholamine : les doses sont données en mg / kg / min pendant au moins 1 heure.
cGlasgow score (3–15) : un score plus élevé indique une meilleure fonction neurologique.
Figure 1. Quick Sequential Organ Failure Assessment (qSOFA) score for sepsis (.
Le choc septique est un sous groupe du sepsis dans lequel les anomalies circulatoires et
métaboliques sont responsables d’une mortalité élevée. Cliniquement, il est défini par la
présence d’une hypotension artérielle nécessitant des vasopresseurs pour maintenir une
pression artérielle moyenne (PAM) 65 mmhg et un taux plasmatique de lactate >2 mmol/L
(18 mg/dL) en dépit d’une expansion volémique adaptée.
II. PHYSIOPATHOLOGIE
La prise en charge thérapeutique du sepsis dépend principalement d’une meilleure
compréhension des différents mécanismes impliqués dans sa genèse :
La présence d’un agent pathogène dans l’organisme provoque au départ des lésions tissulaires
qui vont être responsables d’une reaction immuno - inflammatoire intense et inappropriée.
L’activation à la fois de l’immunité innée (médié par les leucocytes) et de l’immunité
adaptative (système d’histocompatibilité et du complement) est responsable d’une pléiade de
réactions faisant intervenir plusieurs cellules de l’immunité, la sécrétion de plusieurs
cytokines et molécules.
2/ Réaction inflammatoire
L’agent pathogène et ses toxines sont à l’origine d’une succession de réactions immunes et
inflammatoires :
- les cellules impliquées sont : les monocytes circulants, les macrophages tissulaires, les
neutrophiles et les cellules dendritiques, les cellules tueuses naturelles (Nk), les
éosinophiles, les basophiles et les mastocytes.
- Cytokines et chimiokines inflammatoires : au cours du sepsis, l’immunité innée produit
des quantités importantes de cytokines, de chimiokines, de produits d’activation du
complément, de facteur de la coagulation, de molécules lipidiques, d'espèces réactives de
l'oxygène, d'espèces réactives azotées, et de peptides antimicrobiens . L’immunité
adaptative est induite par les composants de l’agent pathogène phagocyté par les cellules
macrophagiques. Cette immunité adaptative est également à l’origine de la secretion
d’autres cytokines et chimiokines.
Cytokines et chimiokines :
Cytokines pro inflammatoires : TNF-α, IL-1, IL-6, Interféron-gamma (INF-gamma), IL-8,
et monocyte chemotactic protein (MCP-1). IL-12, IL-17, and macrophage migration
inhibitory factor (MIF)), chimiokines (IL-8, macrophage inflammatory protein (MIP-1, 2),
macrophage chemokine protein, thymus activation-regulated chemokine (TARC));
radicaux libres et métabolites actifs de l’oxygene (ROSs, RNSs, et eicosanoides); et
enzymes protéolytiques. Cytokines anti inflammatoires : IL-10, IL-4, IL-6, IL-13, P10,
P75, P55, transforming growth factor-β (TGF-β).
- Médiateurs humoraux : ACTH, cortisol, systéme du complément, protéines de la
coagulation (antithrombine III, Prot C, Prot S,..ect).
Toutes ces réactions aboutissent in fine à une altération de la perfusion et ou de l’oxygénation
d’un ou plusieurs organes à la fois :
3/Dysfonctionnement d’organes :
III. DIAGNOSTIC
Le diagnostic du sepsis est clinico biologique.
2/ Examens complémentaires :
- Biologie :
Hyperleucocytose – leucopénie
Plusieurs marqueurs biologiques ont été développés pour détecter précocement une
infection. Néanmoins, la plupart de ces marqueurs ne présentent pas une bonne
sensibilité.
La pro calcitonine, pro hormone de la calcitonine, est une protéine de 116 acides
aminés. A l’état physiologique la calcitonine est synthétisée par la thyroïde à partir
de son précurseur la pro calcitonine. En cas de sepsis, la pro calcitonine est
secrétée principalement par les macrophages et les monocytes dans différents
organes et particulièrement dans le foie. Sa concentration normale est < 0,5ng/l,
elle peut augmenter en cas de chirurgie et de maladies auto-immunes mais reste
inferieure à 2ng/l. Sa valeur prédictive négative de bactériémie est excellente
(90%).
Les cytokines : un taux élevé d’IL6 et IL10 est fortement corrélé à une mortalité
élevée dans le sepsis.
- Imagerie : son objectif est de rechercher le foyer infectieux primitif et ses localisations
secondaires
Téléthorax, échographie cardiaque et abdominale, tomodensitométrie…
D’autres explorations peuvent être utilisées en fonction du contexte, de leur disponibilité et du
service d’hospitalisation (réanimation médicale par exemple) :
cathétérisme droit, mesure de la pression veineuse centrale..,
la thermodilution transpulmonaire permet la mesure du volume télé diastolique
global (VTDG) qui est un bon indice de la recharge cardiaque.
la tonométrie gastrique permet l’évaluation du degré d’oxygénation de l’estomac,
organe particulièrement sensible et vulnérable à toute altération de la perfusion et/ ou
de l’oxygénation.
V. PRONOSTIC :
Plusieurs facteurs peuvent influer le pronostic du sepsis. Des facteurs liés au terrain et au
germe responsable du sepsis
VI. EVOLUTION
La prise en charge thérapeutique précoce du sepsis permet d’améliorer significativement la
mortalité même si elle reste à l’heure actuelle importante en raison de sa physiopathologie
imparfaitement élucidée. Cette mortalité varie en fonction du terrain et des défaillances
organiques, elle peut aller de 40 à 80% des cas. L’évolution vers le syndrome de défaillance
multi viscérale (SDMV) touche en moyenne 15% des patients.
VII. TRAITEMENT
- C’est une urgence médicale. Le traitement doit être administré le plus tôt possible, dès
le diagnostic. Une évaluation du traitement et du patient chaque 3 heures est
nécessaire.
Objectifs :
Indications
VIII. Conclusion
La présence d’un agent infectieux dans le corps humain peut dans certaines situations
enclencher une réaction immune complexe et paradoxale (inflammation et anti
inflammation), faisant intervenir plusieurs cytokines et molécules dont les effets
aboutissent à une souffrance d’organe (s). Cette réaction dysrégulée de l’hôte définit
le sepsis. L’enjeu actuel est de pouvoir poser rapidement le diagnostic du sepsis afin
d’instaurer le traitement le plus précocement possible pour améliorer son pronostic.
Des marqueurs biologiques rapides de l’infection sont actuellement en cours
d’évaluation.
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